FRANCE AMERIQUE LATINE Comité de Marseille N° 126 Maison des Associations 93, La Canebière 13001 Marseille Contact : [email protected]La lettre de FAL Marseille Avril 2013 Sommaire: Nouvelle élection présidentielle au Venezuela La rubrique de notre service civique en Equateur : le bilan. Notre projet de solidarité en Colombie. Société : le mariage gay autorisé en Uruguay. En mai : un débat sur Cuba et un concert latino-américain à l’Equitable Café. Culture : cinéma d’Amérique Latine à Marseille. En vente FAL Mag n°113 dossier Pérou. Nous vous invitons à adhérer à FAL ou à soutenir notre association. Site de l’association : http://www.franceameriquelatine.org/ Site de FAL voyages : http://franceameriquelatine.fr/
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FRANCE AMERIQUE LATINE
Comité de Marseille N° 126 Maison des Associations
Un candidat de droite mauvais perdant Le 9 avril, cinq jours avant la nouvelle élection présidentielle, suite au décès d’Hugo Chávez, Henrique Capriles, le candidat de
droite, déclarait : « je ne suis pas le même que le 7 octobre, je défendrai les votes ». Dès le lendemain, le président de l’Assemblée
Nationale, Diosdado Cabello, présentait des preuves confirmant les intentions de la droite de contester les résultats électoraux afin
de tenter un coup d’Etat « coloré » au Venezuela. Le 26 mars dernier, trois députés de droite, avaient d’ailleurs retiré leur appui
à Capriles en dénonçant l’existence d’un plan élaboré par la Table d’unité démocratique (MUD , coalition de droite) pour rejeter les
résultats de l’élection du 14 avril et orchestrer une période de violence dans le pays.
En élisant M. Nicolas Maduro (Parti socialiste uni du Venezuela ; PSUV) avec 50,75 % des voix, le 14 avril, les Vénézuéliens ont,
à une courte majorité, manifesté leur fidélité à l’héritage du président Hugo Chávez et à la « révolution bolivarienne ». Comme le
laissaient prévoir les déclarations qui ont ponctué les semaines précédentes, le candidat de la MUD, Henrique Capriles Radonsky,
crédité de 48,98 %, refuse de reconnaître le résultat. A l’instar de ce qui s’est systématiquement passé lors des seize scrutins
précédents, la mise en cause de l’impartialité du Conseil national électoral (CNE) et la dénonciation d’obscures manœuvres du
gouvernement ont servi de thème central à la campagne de l’opposition.
Au soir des nouvelles élections, malgré une différence de 272.865 votes en faveur du candidat socialiste Nicolas Maduro, le
candidat de la droite refuse donc d’admettre sa défaite. Pourtant, tous les observateurs internationaux insisteront sur la
transparence des élections vénézuéliennes. Le scrutin du 14 avril a été en effet suivi et validé par cent soixante-treize observateurs
internationaux de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), de l’Union interaméricaine des organismes électoraux (Uniore),
du Marché commun du sud (Mercosur) et du Centre Carter, notamment. Dès le 15 avril, déclarant avoir été le témoin « d’un ample
exercice de citoyenneté et de liberté du peuple vénézuélien », le chef de la mission de l’Unasur, M. Carlos Alvarez, a demandé que
soient « respectés les résultats ». De son côté, M. Roberto Rosario, président de l’Uniore, déclarait que le processus électoral a
démontré « son efficacité, sa transparence et sa sécurité ».
Vicente Diaz, un des recteurs du Centre National Electoral (CNE), ouvertement lié aux partis d’opposition affirmera même n’avoir
« aucun doute sur le résultat de l’élection et les membres de l’opposition désignés pour superviser les bureaux de vote ont tous
donné leur aval aux résultats dans leur centre électoral respectif.
Qu’importe, le but recherché par Capriles n’est pas de renforcer la démocratie électorale mais bien de lancer un coup d’Etat!
Oubliée la rhétorique d’union, de paix et de sécurité qu’il vociférait encore une semaine auparavant : refusant le verdict des urnes,
et criant à la fraude, M. Capriles, appuyé par Washington, Madrid et le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains
demande un recomptage de tous les votes et met en cause le CNE. Pourtant, il avait accepté sa défaite, le 7 octobre 2012, lors de la
présidentielle organisée par ce même CNE, et n’a bien sûr pas mis en cause l’arbitre électoral lorsqu’il fut réélu gouverneur de
l’Etat de Miranda, le 16 décembre dernier, avec 51,83 % des voix (contre 47,82 % à son adversaire chaviste Elias Jaua).
Arguant de la marge extrêmement étroite qui les sépare, M. Capriles n’en a pas moins déclaré qu’il considérait M. Maduro comme
un « président illégitime ». Rappelons que, en 1968, Rafael Caldera (Copei) fut élu président avec seulement trente-deux mille voix
d’avance sur son adversaire Gonzalo Barrios (Action démocratique) et que, lors du référendum de décembre 2007 sur la réforme
de la Constitution, Chávez a accepté sans équivoque sa défaite alors que le « non » ne l’avait emporté qu’avec un avantage
légèrement supérieur à 50 %.
Henrique Capriles appelle donc ses partisans à se mobiliser afin d’obtenir un audit total des résultats. Curieuse manière
démocratique de l’obtenir que d’envoyer les ultras de la droite prendre les rues du pays. La loi électorale vénézuélienne est
pourtant très claire : elle prévoit que 54 % des votes doivent être recomptés manuellement, ce qui a été fait sans que ne soit
détectée aucune anomalie majeure. Elle oblige les candidats à remettre au CNE des preuves de fraude, et dans le cas où celui-ci
les rejette, un appel est possible par le Tribunal Suprême de Justice. M. Capriles s’est contenté de déclarations incendiaires devant
les micros et n’a engagé aucune démarche administrative.
Dans les premières heures qui ont suivi l’annonce de la victoire du bolivarien Nicolas Maduro, des militants de l’ex-candidat de
droite Capriles Radonski ont obéi à sa consigne de « descendre dans la rue pour libérer leur rage ». Des groupuscules néofascistes,
pour la plupart formés en Serbie par le groupe Otpor, et se revendiquant de l’Albert Einstein Institution, matrice idéologique des
Révolutions colorées, déferlent dans les rues du pays.
Des symboles du chavisme sont détruits, des militants sont attaqués et assassinés, des petits commerces sont saccagés et brûlés.
Nuit de cristal au Venezuela
On dénombrera 7 morts et 61 blessés, par balles pour la plupart.
Ils ne feront pas la une des journaux mondiaux, et pourtant ils
sont très nombreux à avoir été agressés de la sorte par les hordes
fascistes. Cinq sièges régionaux du Parti Socialiste Uni du
Venezuela (PSUV) sont dévastés par les flammes, tout comme
douze cliniques populaires où officient des médecins cubains.
Des médias communautaires, des sièges régionaux du Conseil
National Électoral, ainsi que des domiciles de fonctionnaires
publics ont été attaqués ou incendiés. Dans un climat de tension
rappelant les semaines qui ont précédé le coup d’Etat du
11 avril 2002, un concert de casseroles a résonné dans les
quartiers bourgeois de Caracas. Dans l’Etat du Lara, où le
gouverneur Henri Falcon est aussi le chef de campagne de
Capriles, la police régionale à ses ordres ne fait rien pour
empêcher la déferlante de haine.
La démocratie reconnue
Une frange d’électeurs qui avait voté pour Capriles s’est cependant démarquée de sa stratégie et a manifesté son indignation face
aux assassinats. Le président de la République Bolivarienne du Venezuela, Nicolás Maduro, appellera ses partisans à ne pas faire
le jeu de la violence et à laisser la police et la garde nationale rétablir l’ordre. La majorité de la population n’a pas suivi les mots
d’ordre de Capriles, poursuivant ses activités quotidiennes ou se mobilisant pacifiquement pour défendre le verdict des urnes.
L’armée vénézuélienne a reconnu Nicolas Maduro comme son nouveau chef des armées et a réitéré son engagement à préserver
la paix et la sécurité. Elle a invité les vénézuéliens à respecter les lois et les règles de la démocratie.
Sur le plan international, l’ensemble des gouvernements a pleinement reconnu Nicolas Maduro comme président constitutionnel
du Venezuela, et les derniers alliés de la droite vénézuélienne (à l’OEA et en Espagne) ont été obligés de suivre, reconnaissant la
victoire du candidat bolivarien. Le gouvernement des États-Unis se retrouve donc isolé dans son refus de reconnaître la décision
des électeurs. L’ex-président Lula a critiqué l’ingérence états-unienne dans les élections au Venezuela.
Le bras de fer n’a donc pas tourné en faveur de l’ancien candidat de la droite. Les conseillers en communication de Capriles
s’étaient pourtant efforcés ces mois derniers de lui créer un new look social, démocratique, le rhabillant en « Lula vénézuélien »
qui allait maintenir les missions sociales et avait même remercié les médecins cubains. Ce travail cosmétique est aujourd’hui
réduit à néant et le candidat néo-libéral semble s’en rendre compte en décommandant de nouvelles manifestations.
Même si la droite compte maintenir sa stratégie de tension, le spectre d’un coup d’Etat parait écarté. Nicolas Maduro sort renforcé
de cette épreuve de force. En revanche, les masques tombent et les messages d’union de Capriles ont volé en éclat.
Le chavisme sans Chávez
Provoquant la surprise d’une majorité d’observateurs et déjouant les sondages, la victoire de Nicolás Maduro a été beaucoup plus
courte que prévue. Le 7 octobre 2012, briguant un troisième mandat, le chef de l’Etat disparu l’avait en effet emporté avec 55,14 %
des suffrages et plus de dix points d’avance sur M. Capriles (44,24 %).
Entre ces deux scrutins, le chavisme a perdu 685 794 voix ; l’opposition en a gagné 679 099. De fait, le facteur « Chávez », c’est-à-
dire du « leader », du comandante, a joué à plein. Nombre de ceux qui votaient pour lui ne le faisaient pas forcément par conviction
idéologique ou parce qu’ils partageaient à 100 % son projet politique, mais parce que cet orateur né savait emporter leur adhésion
et leur apparaissait plus à même que la droite de préserver la stabilité du Venezuela. En menant une campagne dépourvue de
propositions programmatiques (hormis celle de restaurer « l’efficacité du marché »), mais très agressive et méprisante, sur le
thème « Nicolas, tu n’es pas Chávez », le candidat Capriles a su jouer sur ce segment de la population qui soit a basculé, soit s’est
abstenu (de 81 %, le taux de participation est passé à 78,71 % d’un scrutin l’autre). Voici pour les défections à gauche.
D’un autre côté, la disparition physique du président charismatique a remobilisé des électeurs de droite qui avaient baissé les bras
en sa présence – M. Capriles lui-même, après sa défaite d’octobre, ayant déclaré qu’il avait eu en face de lui « l’un des plus grands
adversaires de l’histoire latino-américaine récente, un Cassius Clay de la politique ». D’où, avec l’appui enthousiaste de la
majorité des médias privés, une re-mobilisation de son électorat et le gain de voix.
Pour autant, même plus étroite que prévue ou espérée, une victoire n’est pas une défaite. Elle conforte même le caractère
démocratique de la révolution bolivarienne en démontrant, s’il en était besoin, que sa permanence au pouvoir ne résulte pas d’une
« succession dynastique » mais bel et bien du choix des électeurs.
Sous réserve de mettre en œuvre avec succès le « Plan Patrie 2013-2019 », dont la présentation avait permis la large victoire de
Chávez, d’approfondir son projet de transformation sociale et de s’attaquer vigoureusement aux dysfonctionnements du processus
en cours — inflation, insécurité, production non pétrolière insuffisante, problèmes économiques (infiniment moins préoccupants
que ceux de nombre de pays européens, soit dit en passant) —, la tendance peut parfaitement s’inverser (ou non) d’ici au
10 janvier 2019, terme du mandat de M. Maduro qui doit donc relever le défi de réaliser un Programme de gouvernement pour
2013-2019 basé sur 5 grands objectifs : « Défendre, étendre et consolider le bien le plus précieux que nous ayons reconquis depuis
200 ans : l’indépendance Nationale. Continuer à construire le socialisme bolivarien du XXIème siècle comme alternative au
système destructeur et sauvage du capitalisme et ainsi, assurer la plus grande sécurité sociale possible, la plus grande stabilité
politique et le plus grand bonheur possible pour notre peuple. Transformer le Venezuela en une puissance du point de vue social,
économique et politique, à l’intérieur de la grande puissance naissante de l’Amérique Latine et des Caraïbes qui garantisse la
création d’une zone de paix dans Notre Amérique. Contribuer au développement d’une nouvelle géopolitique internationale
incarnant un monde multipolaire pour atteindre l’équilibre de l’univers et garantir la paix mondiale. Contribuer à préserver la
vie sur la planète et œuvrer au sauvetage de l’espèce humaine”. Alors que les médias occidentaux prennent leurs désirs pour la
réalité (« chavisme affaibli, divisé, fragilisé », etc…), la remobilisation populaire et l’unification diplomatique de l’Amérique
Latine face à la tentative de coup d’État ont accompagné le président Nicolas Maduro pour sa prise de fonctions, le 19 avril 2013.
Synthèse réalisée par Cathy Ferré
(FAL Marseille/ Bureau national)
à partir d’articles de Thierry Deronne,
Maurice Lemoine et Romain Migus
Pour en savoir plus et lire en entier ces articles :
Service civique de FAL Marseille en Equateur : une expérience inoubliable. Depuis janvier 2012, notre association organise des services civiques en Amérique Latine. C’est un moyen unique de
resserrer nos liens de solidarité avec les populations locales. Pour les jeunes qui partent dans ce cadre, c’est une
aventure humaine très enrichissante. Actuellement, FAL gère des services civiques en Bolivie, en Colombie et au
Mexique. Lucia Villaruel, en service civique en Equateur jusqu’en novembre 2012, nous présente son bilan.
- Lucia, tu viens de terminer un service civique de 8 mois, encadré par FAL Marseille sur un projet consacré à
l’Amazonie équatorienne. Peux-tu te présenter rapidement ?
Je suis une franco-argentine de 25 ans, j’ai grandi à Marseille. Après une licence en anglais-espagnol à la fac
d’Aix-en-Provence, j’ai intégré l’Institut des Hautes Etudes d’Amérique Latine à Paris. Je suis donc diplômée
en Etudes latino-américaines et spécialisée en gestion environnementale. Mes premiers voyages puis mes stages
universitaires m’ont amenée dans plusieurs pays d’Amérique Latine. Je m'intéresse particulièrement aux
questions environnementales liées à l'extractivisme, à la conservation des forêts tropicales, et au respect des
droits des peuples indigènes, dans le monde, et dans la région amazonienne en particulier.
- Qu’est-ce qui t’a menée à effectuer ce service civique en Equateur ?
Je connaissais déjà l'Equateur car, en 2ème
année de master, j'y avais fait un stage de 6 mois pour la campagne
Amazonia por la Vida auprès de l’association Acción Ecológica. J’'avais choisi ce pays parce que je voulais
travailler sur l'initiative Yasuní-ITT, un projet révolutionnaire, par lequel le gouvernement équatorien propose
de laisser le pétrole sous terre dans une région préservée du nord-est de l’Amazonie en échange d'une
compensation de la communauté internationale. J'ai donc rédigé mon mémoire sur ce sujet passionnant. Ce
stage m’a donné l’occasion de rencontrer de nombreux acteurs institutionnels ou issus de la société civile
impliqués dans le projet Yasuní et dans la réflexion sur la société post-pétrolière.
En rentrant en France, je voulais continuer l’action pour la conservation de l’Amazonie équatorienne; c’est
donc avec enthousiasme que j’ai accueilli l’opportunité de partir en service civique grâce au comité FAL
Marseille qui a présenté ma candidature auprès de la Fondation Pachamama.
- Quels étaient tes contacts avec notre association avant ton service civique ?
J'étais adhérente de FAL sans y militer activement, je connaissais des membres du comité de Marseille et j'ai
collaboré ponctuellement avec le FAL Mag en rédigeant un article sur l'initiative Yasuní-ITT pour le hors-série
de 2011, consacré à l’extractivisme.
- Peux-tu présenter la fondation auprès de laquelle tu as travaillé au cours de ce service civique?
La Fondation Pachamama œuvre pour la promotion d’un modèle de développement innovant basé sur le
« Sumak Kawsay », (le « Bien Vivre »), la reconnaissance et le respect des droits humains et des droits de la
Nature. Elle agit pour que les nationalités et les peuples originaires de l’Amazonie, ainsi que d’autres secteurs
sociaux des régions andines et amazoniennes, renforcent leurs processus d’auto-détermination et de défense de
leur territoire et de leurs cultures.
Pachamama a par exemple participé à la défense du cas
Sarayaku devant la Cour Interaméricaine de Justice. Elle
soutient le développement alternatif de l’Amazonie, la
transition énergétique et la non-dépendance à
l’extractivisme et elle collabore activement à la
promotion de l’initiative Yasuní-ITT.
La fondation est particulièrement impliquée dans le sud
de l’Amazonie équatorienne, zone qui n’a pas encore été
polluée par les dégâts de la révolution industrielle et qui
est considérée comme un trésor de biodiversité
biologique et culturel.
Lucía (à droite) avec l’équipe de la fondation Pachamama dans la province de Pastaza
Peintures rituelles de la communauté Tinkias
- En quoi ont consisté tes missions auprès de la
fondation Pachamama ?
Elles ont été très diverses. Au début j'ai été chargée
d'organiser des ateliers de vidéos et d'introduction
au journalisme pour de jeunes Achuar qui avaient
un projet de journalisme communautaire indigène
en Amazonie. Cela m’a permis de me rendre à
plusieurs reprises sur le terrain dans les provinces
de Pastaza et Morona Santiago. J'ai aussi coordonné
une recherche scientifique sur l'importance du
centre-sud de l'Amazonie équatorienne avec
l'Université Simón Bolívar, et j’ai participé à
l'édition et au lancement de cette co-publication.
J'ai rédigé divers articles et des traductions pour le site de la fondation, négocié avec des donateurs, organisé des
événements, enregistré des spots radios, collé des affiches, distribué des tracts et manifesté!
- Comment as-tu collaboré avec FAL depuis l’Equateur?
J'ai rédigé plusieurs articles sur mon expérience de service civique et en tant que témoin de l'actualité politique du
pays. Ces articles, souvent accompagnés de vidéos, ont été publiés sur le site de l’association, dans la lettre
mensuelle de FAL Marseille et, pour certains, dans le FAL Mag. Ils traitaient surtout des menaces portées aux
populations et à l’environnement par l’élargissement de la frontière pétrolière en Amazonie équatorienne (ce qu’on
appelle le 11ème appel d’offres pétrolier), des programmes de transition énergique, des résistances indigènes contre
les grands projets extractivistes en Amazonie et des luttes pour le droit à l’eau. J’ai aussi écrit un article sur le début
de la campagne présidentielle en Equateur.
- Je suppose que ta connaissance du pays et des forces en présence s’est considérablement enrichie….
Mon expérience m'a permis de connaître les acteurs qui luttent pour la justice environnementale et les droits des
peuples indigènes en Equateur. Si leur voix commence à se faire entendre internationalement, grâces à des
institutions comme la CIDH ou Amnesty International, et des associations comme FAL, à l'échelle nationale les
médias ne font que très rarement le relais de ces luttes, et le gouvernement ignore ou même réprime encore cette
partie de la société civile qui ne fait qu'exiger le respect des droits inscrits dans la Constitution rédigée pendant le
premier mandat de Rafael Correa.
- Comment vois-tu l'avenir du pays et en particulier la relation entre le gouvernement et les populations d'Amazonie
après la réélection de Correa?
Il s'agit d'une réelle victoire pour Rafael Correa et le mouvement Alianza Pais : plus de 56% des votants équatoriens
ont opté pour la poursuite de la "Revolución Ciudadana. La droite néo-libérale et conservatrice, qui proposait le
renforcement de l'économie de marché et la baisse des impôts, a été écrasée. Evidemment la victoire de la gauche ne
peut être perçue comme négative : il y a encore beaucoup à faire en matière de justice sociale, éducation, santé,
développement technologique et il faut reconnaitre l'engagement du gouvernement sur ces points. Cependant, le
nouveau mandat de Correa, c'est aussi le début de l'exploitation minière à ciel ouvert et la négociation de nouveaux
contrats pétroliers qui mettent en danger le respect des droits des peuples indigènes, la biodiversité et la santé des
équatoriens.
L'hégémonie renforcée d'Alianza Pais au palais présidentiel et à l'Assemblée semble donner carte blanche à Rafael
Correa pour entreprendre ces grands projets extractivistes.
- Et maintenant, quel bilan tires-tu de ton service civique ? Quelles sont tes perspectives?
Je tiens à remercier toute l'équipe de FAL pour avoir rendue possible cette expérience qui a enrichi mes
connaissances, mes compétences et mon esprit. Pour moi ce service civique a constitué une réelle passerelle entre
l'Université et le monde professionnel. Cela m'a également permis de rencontrer des personnes passionnées et
combatives. Je suis de nouveau en Equateur, où j’enquête actuellement sur le bilinguisme des enfants d’Amazonie
et je devrais être bientôt embauchée par un organisme environnemental.
Je continuerai à collaborer avec France Amérique Latine.
Propos recueillis par Cathy Ferré (FAL Marseille/ Bureau national)
article paru dans FAL Mag 113
Vous pouvez suivre les activités des services civiques de FAL et lire leurs contributions sur le site internet de notre association à la rubrique « nos projets là-bas » : http://www.franceameriquelatine.org/spip.php?rubrique115
L’association France Amérique Latine soutient, en Colombie,
le « Réseau de marchés Agro écologiques de Paysans de la vallée du Cauca »
L’association France Amérique latine soutient, en Colombie, une consolidation de projet auprès d’un groupe de paysans en
agroécologie qui se disent en résistance. Résistance, notamment aux effets de Traités de Libre Commerce, signés entre la
Colombie et l’Union européenne qui vont ajouter de graves difficultés aux petits producteurs. Rappelons que, à la suite du même
type de traité entre le Mexique et les Etats Unis, 2 millions de paysans se sont expatriés, en un an, aux Etats Unis.
« Réseau de marchés Agro écologiques de Paysans de la vallée du Cauca »
Ce réseau de paysans existe depuis 10 ans. Il regroupe 12 marchés, concerne 500 agriculteurs et fédère 65 organisations.
Il est porté à bout de bras, sans aucune aide, par des paysans convaincus par leur choix et obstinés à conserver ce travail
traditionnel de la terre, qui leur permet de subvenir à leurs besoins et de respecter la nature et, sa biodiversité.
Ces paysans réunissent une grande connaissance en agro écologie
Ils cultivent la biodiversité pour transformer l’agriculture : ils sont en continuelle étude des relations du vivant dans la biodiversité
afin d’améliorer la production et de trouver de nouvelles cultures
Un couple de paysans a écrit un livre, destiné aux paysans, sur leurs 30 années d’expériences. Il est prêt à être édité.
Un de leurs objectifs principaux est la formation aux pratiques agro écologiques (étudiants, paysans, scolaires). Voir vidéo
www.youtube.com/watch?v=MdESsGmOfh0
Ils sont gardiens de semences
Leurs produits sont labellisés
Ils forment un réseau de Marchés écologiques
Ils travaillent en collaboration avec les consommateurs
Ils sont critiques par rapport aux politiques agricoles choisies, depuis la révolution verte, par les gouvernements
Ils sont reconnus au niveau international en agro écologie ainsi que par la Communauté Andine des Nations (CAN)
On peut observer, sur l’exploitation de l’un de ces paysans, comment la nature a repris ses droits et la biodiversité a pu se
recréer, en seulement 10 ans de travail agro écologique. Actuellement, suite à un manque d'accès aux crédits pour les petits
paysans et à l'augmentation des transports, des services et des impôts, ce travail des paysans du Réseau est en péril.
Ils se sont décidés à solliciter la solidarité internationale pour un appui financier et pouvoir ainsi continuer leur projet et l’étendre
à d’autres familles en attente.
L’aide demandée porte sur une année et son budget est de 16 000€ : FAL Marseille soutient ce projet
FAL appuie ce projet, par solidarité, pour la défense de la souveraineté alimentaire des populations, pour leur droit à une
alimentation saine, à leur terre, et au respect des droits de la nature. Ce peuple en marche, ce peuple déterminé, a un grand besoin
de notre solidarité. Par ce projet nous pouvons leur apporter une force supplémentaire. FAL Marseille participe à la recherche de
partenaires financiers mais surtout cherche à mettre ce Réseau de paysans en contact avec des réseaux d’agriculture alternative
en France afin qu’ils échangent leur savoir faire : organisation producteurs /consommateurs et connaissances sur la biodiversité
FAL Marseille organisera des soirées de solidarité avec ce projet colombien afin de débattre en présence de partenaires du monde
paysan sur les thèmes : agriculture/ alimentation / santé, santé de la nature, prix des produits, salaires des paysans.
10 mai à 20h à Kawawatei, inauguration d’une exposition de photos de Colombie et présentation du projet.
8 juin à 19h, à Kawawatei présentation du projet et débat sur la production agricole en présence de partenaires paysans.
Repas de solidarité prévu.
http://www.mains-libres.org/Presentation/Le-Kawawatei 27, rue de la Loubière, 13006 Marseille/ Métro ND du Mont
En France aussi, l’agro industrie bio menace les petits paysans « bio »
et les produits « bio » envahissent les rayons des supermarchés
En France, les produits biologiques ont envahi les rayons des supermarchés, (50% des ventes de produits bio) mais la surface
cultivée en produits bio stagne (3%). D’exportatrice de produits bio, la France est devenue importatrice.
Depuis 15 ans l’agriculture biologique certifiée se développe surtout en Amérique latine (+26% entre 2007 et 2008), en Asie
(+10 %), en Afrique (+6 %), sur des terres où les habitants ne consomment pas, ou très peu, leurs propres productions qui sont
exportées vers l’Europe, le Japon et l’Amérique du Nord. Cette agriculture bio reproduit le modèle économique agro-industriel
dominant qui met les paysans du Sud au service exclusif des consommateurs du Nord et les rend de plus en plus dépendants.
Cette agriculture industrielle du bio se fait au détriment de l’environnement et des droits humains
Pas de respect des salaires ni des conditions de travail
Sur l’ensemble du bassin méditerranéen, les producteurs sont mis en concurrence. Si le coût des tomates d’Andalousie est trop
élevé, on ira en chercher au Maroc. Le seul coût qui peut être ajusté, c’est celui de la main d’œuvre agricole, exploitée à
outrance, immigrée et sans droit. Et les maraîchers travaillent 14 heures par jour, six ou sept jours par semaine.
De très grandes distances de transport
Le fait que des tomates d’Andalousie ou des carottes d’Israël soient exportées par des norias de camions dans toute l’Europe
n’entre pas en contradiction avec la réglementation européenne.
Pas de respect des droits humains
L’huile de palme bio massivement importée de Colombie est cultivée sur des terres qui ont été spoliées violemment aux paysans.
Pas de respect de l’environnement Le soja bio importé du Brésil provient d’énormes exploitations de 5 000 à 10 000 hectares, conquises sur des forêts primaires
dans l’État du Mato Grasso. La réglementation n’interdit pas que des produits bio soient cultivés sur des terres récemment
déboisées !
Il y a un risque véritable que la bio soit totalement vidée de son sens. On est très loin de l’esprit des fondateurs et de la charte de 1972 de l’organisation internationale de la bio (IFOAM), avec des
principes agronomiques très forts, mais aussi écologiques, sociaux et politiques. Il était question de transparence, de prix
équitable, de solidarité, de non-exploitation des pays du Sud, de fermes à taille humaine, diversifiées et les plus autonomes
possible, de consommation de proximité... Aujourd’hui, les cahiers des charges officiels de la bio ont totalement échappé aux
paysans, même si les organisations professionnelles sont invitées à en discuter. Au final, ce sont des techniciens à Bruxelles,
soumis à tous les lobbies, qui définissent cette réglementation. Et interdisent aux États d’adopter une réglementation plus stricte.
Certains producteurs ne veulent pas de la certification européenne
Ils ont contribué à la mise en place de systèmes de garantie participatifs : un contrôle fondé sur la confiance, en présence d’un
consommateur et d’un producteur. S’ils détectent quelque chose qui ne fonctionne pas bien, ils voient avec le paysan comment
l’aider à améliorer ses pratiques. C’est une logique d’échange et de solidarité.
Une réflexion plus globale autour de l’alimentation s’amorce. Le système des Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) a encouragé l’activité de milliers de maraîchers
en France. Les groupements d’achats se développent aussi de façon spectaculaire.
L’agriculture biologique n’est pas une fin en soi. Elle s’inscrit dans un mouvement général basé sur le respect de l’humain et de la nature. On assiste à une querelle d’experts,
pour savoir si l’agriculture biologique pourra nourrir ou non la planète en 2050. L’agriculture biologique ne pourra pas nourrir la
planète si nous ne changeons pas de système politique. Si nous n’arrêtons pas le transfert massif de populations paysannes vers
les bidonvilles des mégalopoles. Si nous n’arrêtons pas de transformer leurs terres en monocultures industrielles destinées à
nourrir les élevages des pays riches ou les véhicules. Si nous ne sortons pas de ce capitalisme financier, le plus sauvage à avoir
jamais existé. La bio doit nous amener à envisager une société beaucoup plus juste que celle dans laquelle nous vivons.
Danièle Coll- Figueras, FAL Marseille, membre du Comité directeur de FAL,
coordonatrice du projet de solidarité avec le Réseau de marchés Agro écologiques de Paysans de la vallée du Cauca
source : http://www.bastamag.net/article2810.html
Pour en savoir plus sur les dérives de « l’industrie du bio » : La Bio entre business et projet de société Philippe Baqué