La grammaire, c’est drôle. Comment enseigner la grammaire française aux apprenants danois ? Synergies Pays Scandinaves n os 11-12 / 2016-2017 p. 11-25 11 Résumé Cet article discute comment on peut enseigner la grammaire française aux appre- nants non francophones. Il part d’une conviction fondamentale exprimée dans le slogan : mieux on comprend, mieux on apprend. L’essentiel est de transmettre aux étudiants l’amour de la grammaire, car on apprend (et comprend) difficilement sans motivation. Dans la première partie, l’auteur présente brièvement ses visions et ses choix méthodologiques. Dans la deuxième, il illustre la méthode par la présen- tation de quatre exemples : l’analyse syntaxique, les déterminants, la position de l’adjectif épithète, les connecteurs. Enfin, il en tire quelques conclusions. Mots clés : grammaire française, méthode didactique, analyse syntaxique Grammar is fun. How to teach French Grammar to Danish learners? Abstract This article discusses briefly how to teach French grammar to non-francophone learners. It starts from the firm belief expressed in the slogan: the better you understand, the better you learn. It is essential to transmit the love of grammar to the students, because it is difficult to learn (and understand) without motivation. In the first section, the author briefly presents his visions and methodological choices. In the second section he illustrates the method by presenting four examples: syntactic analysis, determiners, the position of the attributive adjective and the connectors. Finally, he draws some conclusions. Keywords: French grammar, teaching approach, syntactic analysis 1. Introduction 1 « La grammaire, c’est drôle » (ou « grammatik er sjovt » en danois). C’est ma devise depuis que j’ai commencé mes études du français. En effet, la grammaire et l’enseignement de la grammaire, c’est ma grande passion. Je n’ai donc pas hésité d’accepter quand, dans les années 90, on m’a proposé de rédiger un nouveau manuel de grammaire française destiné aux lycéens avancés et aux Henning Nølke Université d’Aarhus, Danemark [email protected]GERFLINT ISSN 1901-3809 ISSN en ligne 2261- 2807
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La grammaire, c’est drôle.Comment enseigner la grammaire française aux apprenants danois ?
Synergies Pays Scandinaves nos 11-12 / 2016-2017 p. 11-25
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Résumé
Cet article discute comment on peut enseigner la grammaire française aux appre-nants non francophones. Il part d’une conviction fondamentale exprimée dans le slogan : mieux on comprend, mieux on apprend. L’essentiel est de transmettre aux étudiants l’amour de la grammaire, car on apprend (et comprend) difficilement sans motivation. Dans la première partie, l’auteur présente brièvement ses visions et ses choix méthodologiques. Dans la deuxième, il illustre la méthode par la présen-tation de quatre exemples : l’analyse syntaxique, les déterminants, la position de l’adjectif épithète, les connecteurs. Enfin, il en tire quelques conclusions.
Mots clés : grammaire française, méthode didactique, analyse syntaxique
Grammar is fun. How to teach French Grammar to Danish learners?
Abstract
This article discusses briefly how to teach French grammar to non-francophone learners. It starts from the firm belief expressed in the slogan: the better you understand, the better you learn. It is essential to transmit the love of grammar to the students, because it is difficult to learn (and understand) without motivation. In the first section, the author briefly presents his visions and methodological choices. In the second section he illustrates the method by presenting four examples: syntactic analysis, determiners, the position of the attributive adjective and the connectors. Finally, he draws some conclusions.
Keywords: French grammar, teaching approach, syntactic analysis
1. Introduction1
« La grammaire, c’est drôle » (ou « grammatik er sjovt » en danois). C’est ma
devise depuis que j’ai commencé mes études du français. En effet, la grammaire
et l’enseignement de la grammaire, c’est ma grande passion. Je n’ai donc pas
hésité d’accepter quand, dans les années 90, on m’a proposé de rédiger un
nouveau manuel de grammaire française destiné aux lycéens avancés et aux
Dans l’analyse complète, on continue jusqu’à ce qu’on soit arrivé au niveau du mot.
Je combine cette analyse « nexuelle » avec l’analyse valentielle qui conçoit le verbe comme le pivot de la phrase. Dans la mesure où le verbe lexical apporte des instructions concernant la structuration de la phrase dans laquelle il s’actualise, les deux approches sont parfaitement compatibles. L’étudiant comprend facilement la différence entre les verbes monovalents (dormir), divalents (manger) et trivalents (donner), car là encore, le système ressemble au système danois. Le même est vrai du fait que les verbes apportent aussi des instructions concernant la forme que doivent prendre leurs actants. Ainsi le deuxième actant de manger s’actualise comme complément d’objet direct, alors que le deuxième actant du verbe divalent penser s’actualise sous forme d’un groupe prépositionnel (dont la fonction syntaxique est nommée complément d’objet indirect). Là où les deux langues diffèrent, c’est dans les instructions concrètes qu’apportent les verbes lexicaux. Ainsi le verbe obéir prend un complément datif, alors que son correspondant danois (adlyde) prend un complément d’objet direct.
3.2. Les déterminants
Nous avons vu que le déterminant est défini comme une fonction syntaxique dans un groupe nominal. Pour faire comprendre sa fonction communicative aux étudiants, il faut d’abord leur faire comprendre la fonction communicative du groupe nominal. La notion centrale est ici celle de référence, définie comme une relation entre une expression linguistique et une entité extralinguistique. On expli-quera cette relation à l’aide d’un petit dessin. Ceci fait, on peut expliquer que la fonction du déterminant est de déterminer la manière dont le groupe nominal réfère, tandis que la fonction du noyau est de désigner à quoi le groupe réfère. La structure est donc une sorte d’image (iconique) de la fonction communicative que le locuteur désire effectuer. On distingue les déterminant définis, qui renvoient à quelque chose de connu8 et les déterminants indéfinis qui renvoient à quelque
chose d’inconnu. Il s’ensuit de cette explication qu’un nom sans déterminant n’a
pas de référence.
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Ensuite, on peut dresser l’inventaire des déterminants, c’est-à-dire les types de constituants qui sont susceptibles d’avoir cette fonction syntaxique :
InventaireConstituants susceptibles de fonctionner comme déterminants indéfinis :• Articles indéfinis, articles partitifs, certains adjectifs, tout, quelques, etc.Constituants susceptibles de fonctionner comme déterminants définis :• Articles définis, pronoms possessifs, pronoms démonstratifs.
Prenons l’exemple de l’article qui est le déterminant « prototypique ». L’article illustre la fonction fondamentale du déterminant. À l’aide de l’article, le locuteur peut choisir comment il désire référer à la chose désignée par le régime. S’il se sert de l’article défini, il présente cette chose comme connue par son interlo-cuteur ; s’il choisit l’article indéfini, il la présente comme inconnue – comme un nouvel élément dans leur univers commun. Ensuite, j’illustre, par des exemples, différentes manières dont une chose peut être connue. L’exemple classique : Je m’approchais du village. L’église se trouvait sur une colline, où l'église est connue parce qu'on sait que tout village (français) a une et une seule église, fait réfléchir les apprenants. Tout cela fonctionne presque de la même façon en danois, et introduit de cette manière, l’emploi des articles ne pose pas trop de problèmes pour les apprenants danois. Un avantage secondaire est d’ailleurs que ceux-ci se mettent souvent à réfléchir sur leur propre langue également. Si cela arrive, on a déjà gagné le jeu à moitié.
Là où le système d’articles du français se distingue vraiment de celui du danois, c’est au singulier indéfini. En effet là, le locuteur français est toujours obligé de choisir s’il désire présenter le réfèrent comme hétérogène/nombrable (c’est l’article indéfini un/une) ou comme homogène/massif (c’est l’article dit partitif du, de la, de l’). S’il parle de sucre, par exemple, il peut dire du sucre s’il veut parler d’une simple quantité, ou un sucre s’il veut que son interlocuteur comprenne que ce dont il parle se compte. Hors contexte, l’interprétation demande de l’imagination dans le dernier cas, et les apprenants aiment bien cette chasse d’interprétation. Souvent ils trouvent des solutions surprenantes. Dans notre exemple, on pourrait penser à un morceau de sucre (et l’équivalent de ‘morceau de sucre’ est en fait la seule façon de l’exprimer en danois) ou à un type de sucre. Un autre exemple serait le nom lion. Pour l’interprétation de du lion, les étudiants trouvent souvent la solution (un peu exotique) de ‘viande de lion’ (peut-être parce qu’ils connaissent la distinction un veau / du veau). On peut aller plus ou moins loin dans la discussion de l‘emploi de l’article selon la situation, mais l’important est d’éveiller la réflexion et l’activité des apprenants. Les règles sont plus faciles à retenir si on les comprend et si elles sont appuyées par des exemples bien choisis. Voilà d’ailleurs un autre principe
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auquel je tiens : je me sers surtout d’exemples forgés pour la situation. À ce niveau,
je crois que l’apprentissage passe mieux par des exemples « nettoyés de bruit », des
exemples prototypiques et faciles à retenir et à attacher mentalement aux règles
apprises.
Lorsque les étudiants ont compris cette distinction entre ‘homogène’ et
hétérogène’, on peut aller plus loin pour montrer qu’il s’agit là d’une distinction
profondément ancrée dans la grammaire de la langue française. Si on a déjà
parlé de l’aspect verbal, on peut ainsi montrer le parallèle : l’aspect perfectif
est hétérogène et l’aspect imperfectif est homogène : par exemple Il mangeait
de la soupe vs Il mangea une soupe. L’aspect perfectif renvoie à un drame verbal
qui change au cours de son développement, alors que l’aspect imperfectif renvoie
à un drame verbal qui est de la même nature dans tout son étendue. Dès que
les étudiants voient ce parallèle, ils comprennent mieux et l’emploi des articles
et l’emploi de l’aspect qui, d’ordinaire, leur pose de gros problèmes, puisqu’en
danois, les verbes ne se conjuguent pas en aspect.
Cette manière d’analyser les groupes nominaux simplifie aussi d’autres problèmes
classiques pour les apprenants danois. Comment se fait-il que, dans de nombreux
cas, on doive ajouter la petite préposition de là où le danois se débrouille bien sans
préposition, comme par exemple beaucoup de vin, un litre de vin, une bouteille de
vin, le mot de vin, cette espèce de vin, pas de vin9 ? Dans tous ces exemples, nous
analyserons la chaîne précédant vin comme déterminant et (seulement) vin comme
régime. J’ai introduit le terme de déterminant créatif pour parler de ce phénomène.
En effet la langue française crée constamment de nouveaux déterminants à partir
de la structure ‘X de’ : elle est en train de devenir une « langue classificatrice »10.
C’est là encore un excellent sujet pour discussion et sensibilisation !
3.3. La position de l’adjectif épithète
Comme deuxième exemple, je voudrais brièvement esquisser comment j’applique
la recherche récente pour expliquer la position de l’adjectif épithète d’une nouvelle
manière. Les manuels de grammaires donnent traditionnellement des règles assez
compliquées, basées sur la recherche effectuée vers 1930 par Andreas Blinkenberg.
On distingue les adjectifs élémentaires qui précèdent le nom et les autres adjectifs
qui le suivent. Ensuite on propose quelques règles qui, ou bien font antéposer un
adjectif normalement postposé, ou bien font postposer un adjectif normalement
antéposé. Ce sont des règles que les étudiants ont souvent rencontrées au lycée. Le
problème est qu’il suffit souvent de lire une seule page de texte authentique pour
trouver plusieurs contre-exemples évidents de ces règles.
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La grammaire, c’est drôle.
Pour montrer qu’il faut trouver une autre explication, je présente une longue série d’exemples, et je discute avec les étudiants les nuances de sens de ces exemples. Ensuite, nous étudions des exemples trouvés dans des textes authen-tiques, et de cette manière on développe lentement la sensibilité des étudiants pour les nuances fines. Après cette introduction, j’introduis la règle générale qui, selon moi, est que tout adjectif accepte les deux positions, seulement avec des effets de sens différents. M’appuyant sur les exemples étudiés, je montre que le choix de position est relié à la notion de focalisation qui fait intervenir la sémantique de l’adjectif, la visée informationnelle du locuteur et la prosodie, trois éléments profondément interdépendants (Nølke, 1996). Fondamentalement, l’adjectif prend sa valeur pleine et spécifique dans la postposition alors que, dans l’antéposition, elle reçoit forcement une valeur vague ou générale qui n’ajoute rien de spécifique au sens du nom noyau du groupe nominal. Cela s’explique par le fait que dans cette position, l’adjectif échappe à l’accentuation associée à la fin du groupe rythmique, ce qui a comme conséquence qu’il ne peut être focalisé (ou mis en valeur). Ces rapports entre valeur pleine et prosodie sont déjà connus par les apprenants, non seulement d’autres domaines de la grammaire française mais aussi de leur langue maternelle (le danois). Je souligne que le sens de l’adjectif peut favoriser plus ou moins fortement une des deux positions, et que c’est pourquoi la tradition a posé des règles fondées sur une classification des adjectifs. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les adjectifs dits « élémentaires » s’antéposent à cause de leur sens général, et les adjectifs relationnels (dénotant la religion, la nationalité, l’eth-nicité, etc.) se postposent à cause de leur valeur très spécifique dont ils ne peuvent que très difficilement se dévêtir. Mais arrivés là, nous avons déjà vu des cas ou toute chose ne sont pas égales par ailleurs. Ainsi, même l’adjectif élémentaire bon accepte la postposition : un homme bon est un homme qui a une bonne morale. Bon reçoit de cette manière une valeur spécifique. Et même les adjectifs relationnels sont susceptibles, dans de rares cas, de s’antéposer. Ainsi, Simone de Beauvoir nous raconte qu’elle a été dans une très catholique école. On comprend que catholique reçoit ici une valeur connotative qu’on ne peut préciser que si on sait ce que Simone de Beauvoir pense des Catholiques.
Après avoir donné ces exemples plutôt rares, je présente et explique comment certains effets de sens bien connus, tel que l’épithète de nature, s’explique facilement dans ce cadre (ils n’ajoutent rien de vraiment neuf au nom).
3.4. Les connecteurs
Mon dernier exemple concerne les connecteurs. Étant à la frontière de la grammaire classique et souvent pas traité dans les cours de grammaire, il paraît que c’est un sujet que les apprenants maîtrisent très mal quand ils sortent du système éducatif. C’est pourtant très important pour la compétence linguistique, aussi bien pour la production que pour la compréhension.
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‘Connecteur’ est une fonction textuelle et l’analyse des connecteurs ajoute ainsi un troisième niveau à notre analyse syntaxique (voir 3.1.)11. Prenons un exemple de connecteur :
(3) Pierre a sans doute compris la question.
Dans (3), sans doute est un groupe prépositionnel (type de constituant), un adverbial (fonction syntaxique) et un connecteur (fonction textuelle). Beaucoup de types de constituants et de fonctions syntaxiques peuvent avoir la fonction textuelle de connecteur. Voici des listes (non exhaustives) :
Types de constituants• Conjonctions (et, mais, parce que, comme, …)• Adverbes (donc, pourtant, ensuite, d’ailleurs, …)• Groupes prépositionnels (par contre, de ce fait, …)• (D’autres) locutions (ainsi que, il s’ensuit que, …)
Types de fonctions syntaxiques• Conjonctionales (et, mais, parce que, comme, …)• Adverbiales de phrase (donc, par contre, …)• Phrases tronquées (il s’ensuit que, …)
Ces listes aident l’étudiant à repérer les connecteurs. Cela fait, l’essentiel est d’expliquer les différentes nuances, souvent très subtiles, qu’ils peuvent commu-niquer. Dans ce domaine, il est difficile de donner des règles, et en gros, l’étudiant se voit réduit à apprendre par cœur le sens de chaque connecteur. On peut toutefois faciliter l’apprentissage, non seulement en donnant beaucoup d’exemples, mais aussi en systématisant ceux-ci. À cette fin, j’ai construit le tableau suivant12 :
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On voit que beaucoup de connecteurs font intervenir la notion d’argumentation
(y compris la causalité). Ces connecteurs combinent deux arguments pour faire
avancer l’argumentation, mais ils peuvent ou bien garder l’orientation de l’argu-
mentation (‘ensrettere’) ou bien la renverser (‘modsat-rettere’). Comme souvent
dans l’enseignement, c’est une bonne idée d’introduire une métaphore pour faire
comprendre ce système. C’est pourquoi je parle de l’autoroute argumentative, et
je montre comment les différents connecteurs organisent le trafic sur cette route :
Même voie :
- même double les autres (même introduit un argument plus fort que le
précédent)13:
(4) La fête était super : tout le monde était là ; même Pierre est venu.
- enfin roule plus lentement mais plus prudemment que les autres :
(5) Pierre grimpe bien, enfin pas trop mal.
- d’ailleurs est un petit argument qui suit le grand argument où se trouve le
locuteur :
(6) Je ne veux pas acheter cette voiture : elle est trop chère, d’ailleurs elle ne
me plaît pas.
- par ailleurs est un petit argument qui entre sur l’autoroute par une voie de
jonction :
(7) Cette ville me déplaisait et, par ailleurs, le climat ne me convient pas.
Voie en sens inverse :
- mais, pourtant, par contre, etc. : le plus souvent le locuteur saute dans
l’argument inverse :
(8) Tu veux qu’on invite Pierre ? Il est très sympa, mais il n’a pas inventé la
poudre.
4. Conclusions
L’enseignement de la grammaire occupe une place centrale dans n’importe
quelle étude d’une culture étrangère. Elle interagit avec toutes les autres disciplines
(cf. 2.4.). Or enseigner la grammaire française aux non francophones peut être un
véritable défi : beaucoup d’apprenants ont le préjugé que le français est une fort
belle langue mais que sa grammaire est très difficile. Cependant, si on peut rendre
son apprentissage plus facile, et surtout plus attrayant, le jeu est déjà à moitié gagné.
Tout l’art réside dans la capacité de transmettre son propre amour, non seulement
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pour la langue mais aussi pour sa grammaire ; de faire voir que la grammaire, c’est
drôle. Le secret est de faire comprendre que le mieux on comprend, le mieux
on apprend. Il faut donc faire comprendre le pourquoi. Pourquoi les règles et les
principes sont-ils tels qu’ils sont ? Il faut enseigner à penser la grammaire. Telles
sont les visions qui sous-tendent ma manière d’enseigner la grammaire française.
Je pars de la constatation que la langue sert tout d’abord d’outil de communication
et que mieux on connaît sa grammaire, mieux on peut communiquer ses pensées.
La grammaire nous permet d’envoyer des signaux indiquant à nos interlocuteurs ce
que nous voulons dire, et elle nous permet d’adapter le message aux attentes de
ceux-ci ainsi qu’à toute la situation – pourvu qu’on connaisse bien sa grammaire.
Bibliographie
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Herslund, M. 1998. « Fransk som klassifikatorsprog ». Ny Forskning i Grammatik, no 5, p. 37-56.
Hoe, Ph., Nølke, H. 2014. « Sætningens fysiognomi. Indføring i syntaktisk analyse ». PréPublications, no 201, p. 1-41.
Kalmbach, J.-M. 2014. « Les contextualisations de la description du français dans les grammaires étrangères : présentation ». Langue française, no 181, p. 3-17.
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Nølke, H. 2010. « Kreative determinativer og løsslupne adjektiver ». Fransk Nyt, no 258, p. 24-36.
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Riegel, M., Pellat, J.-C., Rioul, R. 20094. Grammaire méthodique du français. Paris : PUF. (Première édition 1994).
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La grammaire, c’est drôle.
Notes
1. Je tiens à remercier mon collègue Philip Hoe qui a lu une version antérieure de cet article et qui a apporté quelques commentaires fort utiles.2. Cette section et la section suivante reprennent et développent partiellement §1 de Nølke (2008).3. Qui reçoivent la même étiquette d’« attributiv » dans la terminologie danoise.4. La description de la structure nominale que j’applique sera développée dans la section 2.2.5. L’analyse ”nexuelle” complète part d’une bipartition de la phrase en sujet et prédicat. Pour simplifier, je saute la première étape de cette analyse dans un premier temps, mais je l’expliquerai plus tard dans le cours.6. Je note la forme en rouge et la fonction en vert.7. Terme danois recouvrant ’complément de nom’ et ’épithète’.8. Plus précisément, le locuteur présente le référent comme connu par son interlocuteur.9. Martin Riegel a présenté cette série d’exemples lors de sa conférence et l’analyse qu’il en a proposée est analogue à la nôtre. Riegel parle de déterminants composés (Riegel M., J.-C. Pellat & R. Rioul 2009 : 306-8).10. Cette idée s’inspire des travaux de Michael Herslund sur le français comme langue classi-ficatrice. Voir p.ex. Herslund (1998). Voir aussi Nølke (2010).11. Mais contrairement aux deux autres niveaux, ce n’est pas tout élément de la phrase qui a aussi une fonction textuelle. 12. Ce tableau est en danois et les connecteurs sont accompagnés d’une traduction qui ne peut être qu’approximative. Les titres des colonnes signifient : Forbindelsestype = ‘type de connexion’ ; Ensrettere = ‘unidirectionnels’ ; Modsat-rettere = ‘bidirectionnels’ (ou ‘inver-seurs’) ; Neutral = ‘neutre’ ; Hypotetisk (tænkt) = ‘hypothétique (imaginé’ ; Årsag = ‘cause’ ; Følge = ‘conséquence’ ; Sammenlingning = ‘comparaison’ ; Par = ‘paires’ ; Forbehold = ‘réserves’.13. Je fais ici référence à l’analyse d’Anscombre et de Ducrot (p.ex. Anscombre & Ducrot 1983).