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Isabelle Attan
La fcondit chinoise l'aube du XXIe sicle : constats
etincertitudesIn: Population, 55e anne, n2, 2000 pp. 233-264.
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Attan Isabelle. La fcondit chinoise l'aube du XXIe sicle :
constats et incertitudes. In: Population, 55e anne, n2, 2000
pp.233-264.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_2000_num_55_2_7116
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ResumenAttan Isabelle.- La fecundidad en China en el inicio del
siglo XXI: comprobaciones e incertidumbres Laultima dcada del siglo
XX es un periodo de incertidumbre en lo relativo a la de- mografia
china debidoa la falta de datos fiables. Las series corregidas de
las encuestas anuales muestran una disminucinimportante del
crecimiento natural, que en 1998 descen- di debajo del 1%. 6Es
plausible estacifra'' Los nivels de fecundidad obtenidos a partir
de las series no corregidas parecen demasiadobajos (menos de 1,5
hijos por mujer en 1997), lo cual lleva a cuestionar la calidad
global de estasencuestas. Este articulo intenta recons- tituir las
tendencias de fecundidad en la China de los aosnoventa a partir de
la correccin de datos oficiales sobre el numero de nacimientos.
Asumiendo que nohay subdeclaracin de nacimientos, se obtiene un
indice de fecundidad de al menos 1,8 hijos pormujer. A partir de
varias hiptesis relativas a la subdeclaracin del numero de
nacimientos durante estepe- nodo -basadas en la subdeclaracin
observada en estas mismas encuestas durante los aosochenta- se
calcula que el indice de fecundidad podria situarse entre 1,83 y
2,16 hijos por mujer en1997, entre un 25% y un 48% ms elevado al
obtenido a travs de las senes no corregidas. A partir deun anlisis
de tendencias, ms que de nivels, el articulo prtende evaluar la
fiabilidad de estasestimaciones, teniendo en cuenta la evolucin
reciente de la politica de hmitacin del numero denacimientos y los
cambios sociales y econmicos por los que pasa el pais.
RsumAttan Isabelle.- La fcondit chinoise l'aube du XXIe sicle :
constats et incertitudes Faute dedonnes vraiment fiables, la
dernire dcennie du XXe sicle aura t celle des grandes
incertitudessur la dmographie chinoise. Les sries redresses des
enqutes annuelles rvlent un ralentissementmarqu de la croissance
naturelle, passe sous la barre de 1 % en 1998. Mais ce chiffre
est-il plausible? La fcondit, qui alimente logiquement la
croissance dmographique, atteint, d'aprs les sries nonredresses,
des niveaux trop bas pour tre crdibles (moins de 1,5 enfant par
femme en 1997), jetantainsi le discrdit sur la qualit globale de
ces enqutes. Aussi cet article tente-t-il de reconstituer
lestendances de la fcondit dans la Chine des annes quatre-vingt-dix
partir des donnes redressesofficielles sur les naissances. On
aboutit alors, en supposant que les naissances n'ont pas t
sous-dclares, un indice synthtique de fcondit au moins gal 1,8
enfant par femme. Diffrenteshypothses quant la sous-dclaration des
naissances lors des enqutes de la dcennie 1990 -hypothses formules
en se fondant sur la sous-dclaration avre dans ces mmes enqutes
lors dela dcennie 1980- conduisent une fcondit qui se situerait, en
1997, entre 1,83 et 2,16 enfants parfemme, de 25 % 48 % suprieure
celle provenant des sries non redresses. Mene en termes detendances
plus qu'en termes de niveaux, l'analyse qui s'ensuit tente de
vrifier la plausibilit de cesestimations, compte tenu de l'volution
rcente de la politique de limitation des naissances, ainsi quedes
mutations sociales et conomiques que connat le pays.
AbstractAttan Isabelle.- Chinese fertility on the eve of the
21st century: fact and uncertainty In the absence ofreally reliable
data, serious questions remain unanswered about the state of
China's population in thefinal decade of the twentieth century.
Adjusted series from the annual surveys indicate a markedslowdown
in the rate of natural growth, which fell below 1% in 1998. But can
this figure be believed?The unadjusted series suggest that
fertility, which must logically fuel population growth, has fallen
tolevels that are too low to be credible (less than 1.5 children
par woman in 1997), thereby raising doubtsabout the quality of this
source as a whole. Using the official adjusted figures for births,
this articleattempts to reconstruct Chinese fertility trends for
the 1990s. If births are assumed not to have beenunder-recorded,
the result is a synthetic fertility rate of at least 1.8 children
per woman. Applying varioushypotheses about the under-recording of
births in surveys in the 1990s - hypotheses based on theknown
under-recording in these surveys in the 1980s - suggests a
fertility for 1997 of between 1.83 and2.16 children per woman,
which is 25% to 48% higher than that from the unadjusted series.
Theanalysis that follows, conducted in terms of trends rather than
levels, attempts to assess the plausibilityof these estimates, in
the context of recent shifts in birth control policy as well as the
economic andsocial changes affecting China.
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La fcondit chinoise
l'aube du XXIe sicle :
constats et incertitudes
Isabelle Attan*
Depuis les recensements de 1982 et 1990, dont la qualit a t juge
satisfaisante, les donnes fiables font dfaut pour mesurer les
volutions de la dmographie chinoise. On estime gnralement que
l'indice synthtique de fcondit est tomb 1,8 enfant par femme; dans
leur hypothse moyenne, les Nations unies admettent d'ailleurs que
la fcondit se stabilisera 1,9 au cours des cinquante prochaines
annes. Mais dans une hypothse haute, le mme organisme envisage une
stabilisation 2,3 enfants par femme : il en rsulterait un supplment
de population (par rapport l'hypothse prcdente) gal 208 millions en
2050, soit + 14%... Or, Isabelle ATTAN montre ici que le niveau
actuel de la fcondit chinoise est vraisemblablement suprieur 1,8,
et pourrait atteindre 2,2 enfants. Aprs avoir soulign les limites
des donnes disponibles et propos une mthode d'ajustement, elle
analyse le contexte politique, conomique et social pouvant clairer
l'volution actuelle de la fcondit, notamment la politique
officielle de planification familiale.
La dernire dcennie du XXe sicle aura t, pour la Chine, celle de
l'ouverture : son conomie se libralise, ses frontires s'ouvrent,
son rle sur la scne politique internationale devient dterminant.
Paradoxalement, cette dcennie aura aussi t celle des grandes
incertitudes sur sa dmographie, ce qui n'est pas sans importance s'
agissant du pays le plus peupl de la plante. La Chine traverse une
priode de profonds bouleversements conomiques, politiques et
sociaux qui ne peuvent laisser l'tat de sa population sans rponse.
La fcondit baisse-t-elle encore? Si c'est le cas, est-ce un rythme
suffisant, du moins aux yeux des dirigeants chinois? Comment volue
la politique de limitation des naissances ? Comment la
libralisation conomique et sociale influence-t-elle les
comportements de fcondit? Autant de questions dterminantes en ce
dbut de sicle, re nouvelle qui sera sans doute celle d'une nouvelle
donne mondiale.
* Institut national d'tudes dmographiques, Paris.
Population, 55 (2), 2000, 233-264
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234 I. Attan
Aujourd'hui, la Chine gagne du terrain dans le jeu conomique et
financier international ; il ne faut pas oublier que son poids
dmographique a t le principal moteur de cette monte en puissance,
et qu'il pourrait encore jouer un rle important au XXIe sicle.
Le doute qui plane sur la conjoncture dmographique chinoise des
annes quatre-vingt-dix devrait durer tant que les rsultats complets
du recensement de 2000 n'auront pas t publis, savoir pas avant une
anne encore. En dpit de la faiblesse des informations disponibles,
nous allons tenter, dans cet article, de dresser un bilan de
l'volution rcente de la fcondit. Pour cela, nous recourrons tantt
aux publications officielles de la Chine, tantt des donnes ajustes
par des auteurs chinois, tantt des estimations menes par nous
partir de tendances rcentes.
I-Les sources dmographiques disponibles
En Chine, trois organes d'tat collectent des donnes
dmographiques : le ministre de la Scurit publique {guojia gong 'an
bu), le Bureau national de la statistique {guojia tongji ju) et la
Commission nationale de planification des naissances (guojia jihua
shengyu weiyuanhui). Le premier dresse les statistiques de l'tat
civil qui est fond, depuis le milieu des annes cinquante, sur un
systme d'enregistrement continu des mnages. Le second est charg de
l'organisation des recensements (renkou pucha) et des enqutes
dmographiques (renkou chouyang diaocha). Depuis la fondation de la
Rpublique populaire de Chine en 1949, quatre recensements (1953,
1964, 1982 et 1990) et deux enqutes intercensitaires (1987 et 1995)
ont t organiss. La Commission nationale de planification des
naissances (CNPN) tablit quant elle des statistiques annuelles,
nationales et provinciales, sur l'adhsion au programme de
limitation des naissances. Elle organise galement des enqutes
nationales sur la fcondit et le contrle des naissances (quanguo
shengyu lu chouyang diaocha, quanguo shengyu jieyu chouyang
diaocha) ; la premire date de 1982, la seconde de 1988 et la
troisime de 1992.
Si, jusqu'au recensement de 1990, la Chine a dispos de donnes
dmographiques abondantes et relativement fiables, ce n'est plus le
cas depuis lors. Les deux dernires enqutes (enqute sur la fcondit
et le contrle des naissances de 1992 et enqute intercensitaire de
1995), d'une qualit unanimement reconnue comme mdiocre, y compris
par la Chine elle-mme, n'ont pu tre exploites efficacement (Zeng
Yi, 1995). Les donnes d'tat civil n'ont pas permis de pallier ces
lacunes. Avec le dmantlement des communes populaires au dbut des
annes quatre-vingt et la dsagrgation progressive du systme
d'encadrement des individus par l'tat, les registres d'tat civil
sont en effet devenus trs lacunaires, tel point que les donnes
qu'ils compilent ne sont plus utilises pour l'analyse dmographique.
Migrations internes de plus en plus nombreuses rendant difficile le
suivi d'une part croissante de la population, perte de contrle de
l'tat sur la population, ngligences dans les dclarations des
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LA FCONDIT CHINOISE U AUBE DU XXIe SICLE 235
naissances et des dcs, refus des couples de dclarer un mariage
illgal ou une naissance non planifie et falsification des
statistiques par les cadres pour satisfaire les quotas imposs en
matire de limitation des naissances sont autant de raisons qui
expliquent la dgradation de la qualit du systme d'enregistrement
continu de la population.
En 1982, afin de pallier les lacunes croissantes de l'tat civil,
le Bureau national de la statistique a constitu un chantillon de
500000 personnes, servant de population de rfrence des enqutes
annuelles sur les mouvements de la population (renkou biandong
chouyang diaocha). Cet chantillon a t largi depuis, mais sa taille
varie selon les annes : il comprenait par exemple 1,9 million de
personnes en 1990 ( 1,703 %o de la population) et 1,2 million en
1996 (l,028%o) (tableau 1).
Tableau 1. -Nombre d'chelons administratifs, de mnages et de
personnes concerns par les enqutes annuelles sur les mouvements de
la population
Provinces Districts, arrondissements, cipalits de rang 3
Cantons, bourgs, quartiers Comits d'habitants, comits de
villageois
Mnages Individus
1990 30
881 3002
7836 483042
1946791
1994 30
729 2224
4821 n.d.
1281754
1996 30
879 3087
4173 n.d.
1247211
1997 31
864 3164
4438 340000
1240000 Sources : Zhongguo renkou tongji nianjian (Annuaires
statistiques de la population chinoise), 1991, 1995 et 1997.
Des sries annuelles sont donc fournies par ces enqutes, mais
elles ne sont pas non plus dpourvues d'erreurs et de lacunes. On
les juge toutefois de meilleure qualit que les sries tires de l'tat
civil. Les donnes relatives 1989, anne la plus rcente pour laquelle
on dispose de sources dmographiques de diverses origines, rvlent en
effet, par rapport aux rsultats du recensement de 1990, une
sous-dclaration moindre dans l'enqute annuelle (tableau 2).
Tableau 2.-Naissances et effectifs de population enregistrs en
1989 selon les sources et taux de sous-estimation par rapport au
recensement de 1990
Naissances (en millions) Sous-estimation (en%) Population (en
millions) Sous-estimation (en%)
CNPN
16,71 -32,13
1101,17 -2,29
tat civil
18,07 -26,60
1 103,56 -2,08
Enqute annuelle
23,00 -6,58
1111,91 -1,34
Recensement
24,62
1 127,00
Les principaux rsultats des enqutes annuelles (effectif de la
population totale, taux de natalit et de mortalit, rpartition de la
population
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236 I. Attan
selon le sexe et entre milieu urbain et milieu rural) sont
publis dans les annuaires statistiques de la Chine (Zhongguo tongji
nianjian). Des rsultats plus complets, mais non redresss, figurent
dans les annuaires statistiques de la population chinoise {Zhongguo
renkou tonji nianjian) : structure par ge et par sexe, taille et
composition des mnages, statut matrimonial selon l'ge et le sexe,
taux de fcondit par ge et par rang de naissance, niveau d'ducation,
rpartition des dcs selon l'ge et le sexe.
II-Le mouvement naturel d'aprs les donnes officielles
redresses
Les sries des enqutes annuelles rvlent, pour les annes rcentes,
un ralentissement marqu de la croissance naturelle chinoise. Pour
la premire fois dans l'histoire de la Rpublique populaire -
l'exception des trois annes de famine conscutives au Grand Bond en
Avant (1959, 1960 et 1961)-, le taux d'accroissement naturel serait
pass, en 1998, en dessous de la barre de 1 %, confirmant ainsi la
tendance la baisse amorce au milieu des annes soixante-dix (tableau
3). L'volution est claire sur les quatre priodes intercensitaires :
+ 1,3% par an en moyenne de 1990 1998, contre +1,5% de 1982 1990, +
2,0% de 1964 1982 et +1,7% de 1953 1964. La Chine restant un pays
aux frontires relativement hermtiques, sa croissance dmographique
se rsume au solde des naissances, en diminution rgulire, et des
dcs, dont le nombre augmente. Aprs la remonte de la natalit des
annes quatre- vingt, qui a maintenu le taux d'accroissement naturel
proche de 1,5 % pendant la seconde moiti des annes quatre-vingt (le
taux de natalit est pass de 18,2%o en 1980 21,0 %c en 1987), une
nouvelle baisse, tire cette fois par celle de la natalit de la
po
pulation rurale toujours trs nombreuse(1), s'opre. En moins de
dix ans, le taux d'accroissement naturel a diminu de
5 points, passant de 14,4 %0 en 1990 9,5 %c en 1998. Serait-ce
donc la fin de cette priode en demi-teinte qu'a t la dcennie 1980
en matire de planification familiale en Chine ? Divers facteurs ont
en effet concouru aux bien minces progrs raliss alors dans ce
domaine. En premier lieu, l'arrive en ge d'avoir des enfants des
gnrations nombreuses nes au dbut des annes soixante a fait
augmenter fortement le nombre des naissances : 23,9 millions de
naissances en 1986, 25,3 millions en 1987(2), contre moins de 18
millions chaque anne entre 1976 et 1980. En second lieu, le
relchement du contrle social conscutif aux rformes conomiques
lances en 1978 a uvr rencontre d'une rduction plus ample de la
fcondit. Aprs la baisse remarquable de la dcennie 1970, la fcondit
des Chinoises a stagn un niveau largement suprieur un enfant par
femme : 2,7 enfants par femme en 1981, encore 2,5 en 1988 (cf.
annexe I).
(D Plus de 70% de la population totale en 1990. (2) Ces chiffres
de naissances (ajusts rtrospectivement sur la base du recensement
de
1990, voir tableau 9 plus loin) ne correspondent pas aux taux de
natalit figurant dans le tableau 3 (avant ajustement).
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La fcondit chinoise l' aube du XXIe sicle
237
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238 I. Attan
La mise en uvre autoritaire du programme de limitation des
naissances qui a caractris la dcennie 1980, en particulier ses
dbuts, n'a donc pas, et de loin, annihil les rsistances. Dans les
rgions rurales surtout, plus de 40% des naissances survenues chaque
anne, soit sept huit millions, n'taient pas autorises, et donc en
infraction au plan (Attan, 1998). L'attachement la famille, la
prfrence pour les fils, la prdominance de l'activit agricole chez
les femmes et l'absence de systme de retraite ont constitu autant
d'entraves l'acceptation des mesures de limitation des naissances
par les paysans. Cette rsistance ne s'est cependant pas manifeste
dans toutes les rgions de Chine avec la mme intensit : dans les
zones rurales du Zhejiang, sur la cte orientale, 15% des naissances
de 1989 n'taient pas autorises, mais dans les provinces limitrophes
du Fujian et du Jiangxi, ce fut le cas pour plus de 60%.
Que dire de ce qui est advenu au cours de la dcennie 1990? La
baisse des taux de natalit dans la plupart des provinces ces
dernires annes devrait logiquement reflter une meilleure adquation
des comportements de reproduction aux objectifs gouvernementaux de
restriction de la croissance dmographique, mais on ne peut pour
autant en dduire une attnuation de la rsistance ce programme. Sans
nul doute, des changements s'oprent, comme on tentera de le montrer
plus loin, mais ils ne sont pas partout aussi rapides. En effet,
malgr la tendance gnralise la baisse de la natalit, les disparits
provinciales s'accentuent, laissant prsager la permanence de foyers
de rsistance (tableau 4).
D'aprs l'enqute annuelle de 1997, les taux d'accroissement
naturel sont infrieurs la moyenne nationale dans les deux tiers des
provinces ; le taux est mme ngatif Shanghai (- 1,3 %o). Le tiers
restant pse lourd dans la balance, avec des taux jusqu' 60% plus
levs que la moyenne du pays : + 14,5%o au Guizhou, + 14,9%o au
Qinghai, + 16,0%o au Tibet. Toutes ces provinces forte croissance
dmographique, l'exception du Jiangxi et du Guangdong, comptent des
proportions leves d'habitants appartenant des minorits ethniques
(33% au Yunnan et au Ningxia, jusqu' 95% au Tibet(3)), ce qui
explique en partie, du fait qu'elles restent soumises des mesures
de limitation des naissances moins strictes que les Han(4), les
divergences par rapport au reste du pays (Attan, Courbage,
2000).
Tandis que les provinces dveloppes que sont le Shandong, le
Jiangsu et le Zhejiang restent, tout comme durant la dcennie 1980,
en pointe dans le ralentissement de la croissance dmographique,
avec des taux d'accroissement infrieurs 0,5 %, les provinces
pauvres et peu dveloppes comme le Gansu ou le Jiangxi sont toujours
trs en marge de ce mouvement. Le Guangdong demeure quant lui
l'exception chinoise, en
(3) La proportion officielle de Tibtains au Tibet, calcule
partir des donnes du recensement national de 1990, s'lve 95%.
Soulignons que ce chiffre exclut les militaires, d'ethnie han dans
leur grande majorit, dont la prise en compte rduirait la proportion
d'autochtones dans cette rgion autonome.
W Les Han constituent l'ethnie chinoise majoritaire, reprsentant
92% de la population totale en 1990.
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LA FCONDIT CHINOISE U AUBE DU XXIe SICLE 239
Tableau 4. -Taux redresss de natalit, de mortalit et
d'accroissement naturel par province, 1990 et 1997
Beijing Tianjin Hebei Shanxi Nei Menggu Liaoning Jilin
Heilongjiang Shanghai Jiangsu Zhejiang Anhui Fujian Jiangxi
Shandong Henan Hubei Hunan Guangdong Guangxi Hainan Chongqing*
Sichuan Guizhou Yunnan Tibet Shaanxi Gansu Qinghai Ningxia Xinjiang
Chine Ecart type
1990
Taux de natalit (%o)
14,0 14,5 21,0 22,9 20,7 16,8 19,3 18,8 11,4 20,5 15,5 24,2 25,2
25,0 18,1 24,9 21,9 24,0 22,3 19,9 25,1
- 19,1 22,0 23,8 24,3 24,1 20,0 19,3 23,6 25,3 21,2 3,73
Taux de mortalit
(oc) 5,2 5,6 6,7 6,4 8,2 6,6 6,5 6,1 7,0 6,9 6,3 6,8 7,0 7,8 7,1
6,5 7,3 7,2 5,8 7,1 6,0
- 7,7 8,0 8,1 7,9 5,9 5,8 6,4 5,2 8,7 6,9
0,90
Taux d'accroissement
naturel (%o) 8,8 8,9
14,3 16,5 12,6 10,2 12,8 12,7 4,4
13,6 9,2
17,4 18,2 17,2 11,1 18,4 14,7 16,7 16,5 12,8 19,1
- 11,4 13,9 15,7 16,4 18,2 14,2 12,9 18,4 16,6 14,3 3,54
1997
Taux de natalit (%o)
7,9 10,0 13,1 16,2 15,2 11,8 12,2 12,0 5,5
11,4 11,4 15,8 12,4 17,4 11,3 14,0 14,8 12,6 16,9 15,9 19,2 13,6
15,8 22,2 20,8 23,9 13,9 17,2 21,8 18,9 19,7 16,7 4,23
Taux de mortalit
(oo) 6,0 7,0 6,8 6,1 7,0 6,4 5,4 5,2 6,8 6,8 6,5 6,5 6,1 6,6 6,7
6,3 6,7 7,0 5,4 6,4 5,6 7,4 7,0 7,7 7,9 7,9 6,3 6,2 7,0 5,4 6,6
6,6
0,70
Taux d'accroissement
naturel (%c) 1,9 3,0 6,3
10,1 8,3 5,4 6,8 6,9
-1,3 4,6 4,9 9,3 6,3
10,9 4,6 7,7 8,1 5,6
11,5 9,5
13,6 6,2 8,8
14,5 12,9 16,0 7,6
11,0 14,9 13,5 13,1 10,1 4,10
* La municipalit de Chongqing, constitue de la partie orientale
de l'ancien territoire du Sichuan, a t pn 1 QQ7 C1CCC Cil 177/.
Sources .Annuaire statistique de la population chinoise, 1991,
Annuaire statistique de Chine, 1997.
termes de relations entre dveloppement conomique et fcondit : il
s'agit de l'une des provinces les plus riches du pays, mais les
femmes y avaient encore 2,5 enfants en moyenne en 1990 (figure 1).
De fait, au fur et mesure de l'amlioration du niveau de vie, la
politique de limitation des naissances y a perdu de son impact,
exerant une influence de plus en
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240 I. Attan
plus tnue sur les comportements de reproduction (Akkerman, Jiao,
1999). Persistance de forts liens claniques, fidlit intacte au
groupe familial tendu et prfrence marque pour les fils ont
constitu, au Guangdong, un obstacle important la baisse de la
fcondit au cours des annes quatre- vingt (Attan, 1998). Avec un
taux de natalit de 16,9 %c en 1997, parmi les plus levs du pays,
une forte rsistance au programme de limitation des naissances
pourrait encore se manifester au Guangdong, comme ce fut le cas
durant la dcennie prcdente.
^ Xinjiang
^^HL : Qtngh*
^^^^^ Tibet
ISF par femme j 1 I T1.70 * de 1,71 2,20 ^| de 2,21 2,60 ^
2.61
-^-. Nm9Xia
H Sichuan
Shaanxi \ Henan ^yl
Hunan Jla^xl zhou Fujian
. Guangdong ^fl Guangxi l^^^B
^^p Hainan
lend D26 00
Heilongjiang ^
rv / Un* aoning T
1^
V ^Shanghai
% liang^
/1 f J Taiwan
Figure 1. -Indice synthtique de fcondit par province (nombre
d'enfants par femme), 1990
Source : Chen, Coale (1993). Si la natalit a connu une nette
rduction dans la plus grande partie
des provinces, l'on constate que les carts entre les provinces
se trouvant aux deux extrmes et la moyenne nationale se sont
accentus au cours de la dcennie. En 1990, le taux de natalit
reprsentait 54% du taux national Shanghai, province o il tait le
plus faible, et 119% au Xinjiang, province o il tait le plus lev ;
ces proportions sont respectivement passes
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LA FCONDIT CHINOISE L'AUBE DU XXIe SICLE 241
33% et 143% en 1997, Shanghai ayant toujours la natalit la plus
faible et le Tibet tant devenu la province o elle est la plus
leve.
Soulignons par ailleurs que ces statistiques officielles
minimisent trs probablement les disparits provinciales. C'est en
effet dans les provinces o la natalit tait la plus leve au cours
des annes quatre-vingt, o la rsistance au programme de limitation
des naissances tait donc, en rgle gnrale, la plus forte, que la
sous-dclaration des naissances tait aussi la plus rpandue, ne pas
dclarer une naissance non autorise tant un moyen de se soustraire
aux sanctions (Attan, 1998). L'on peut s'attendre ce que ce phnomne
se soit poursuivi dans les annes quatre-vingt- dix.
III -volution rcente de la fcondit : estimations d'aprs les
publications officielles
D'aprs les rsultats de la dernire enqute annuelle, le seuil des
vingt millions de naissances, largement dpass partir du milieu des
annes quatre-vingt, n'aurait pas t franchi en 1998, pour la premire
fois depuis presque quinze ans. Dbut 1999, le Bureau national de la
statistique a en effet annonc(5) 19,9 millions de naissances pour
1998, ce qui reprsenterait une baisse considrable par rapport aux
annes prcdentes : 4,7 millions de moins qu'en 1989, 760000 de moins
qu'en 1996.
Cette baisse importante du nombre des naissances rsulte en
partie des modifications de la structure par ge de la population :
si l'effectif total des femmes en ge d'avoir des enfants(6) a
augment sur la priode (de 306 millions en 1990 339 millions en
1998), celui des femmes ges de 20 29 ans -ges auxquels, du fait de
la stricte limitation de la fcondit, se concentrent les naissances
en Chine(7)- a diminu depuis 1992, passant de 123,1 112,1 millions
en 1998 (cf. annexe II). Cela ne suffit toutefois pas expliquer
cette volution, qui traduit galement, comme nous allons le voir,
les changements de comportement des couples, et aussi,
vraisemblablement, une sous-estimation des naissances.
1. Tendances rvles par les sries non redresses Des sries non
redresses issues des enqutes annuelles, dcoulent des
indices synthtiques de fcondit qui ne sont pas crdibles tant ils
sont bas : 1,56 enfant par femme en 1994, 1,55 en 1996 et 1,46 en
1997 (tableau 5). Ils le sont d'autant moins que les indices de
fcondit par rang de naissance sont en contradiction avec
l'augmentation de l'ge moyen des
(5) Ouzhou shibao, 14-16 fvrier 1999, pour 1998 (en chinois).
(6) Les effectifs de femmes en ge de procrer (15-49 ans) sur la
priode 1990- 1998 ont t
projets sur la base des donnes du recensement de 1990, en
appliquant ces populations les conditions de mortalit en 1989-1990,
publies par le Chinese Population Information and Research Center
(CPIRC). Les rsultats de la projection sont prsents en annexe
IL
(') En 1989, 81 % des naissances taient issues de femmes ges de
20 29 ans.
-
242 I. Attan
femmes au premier mariage et la premire naissance d'aprs ces
mmes enqutes (tableau 6). On constate en effet que l'intensit de la
fcondit de rang 1 est suprieure l'unit en 1996 et 1997, ce qui
atteste en principe d'un rajeunissement des femmes dans la survenue
des premires naissances. Cette contradiction est sans doute le
signe de biais (volontaires ou non) dans l'enregistrement du rang
de la naissance, des naissances de rang 2 ou plus pouvant avoir t
dclares comme des naissances de rang 1. En outre, la fcondit de
rang 3 et plus ne reprsenterait, en 1997, que 5 % de la fcondit
totale, proportion qui n'est pas non plus vraisemblable.
Tableau 5.- Taux de fcondit non redresss par ge et par rang de
naissance tirs des enqutes annuelles, 1989-1997 (pour 1000 femmes
de chaque ge,
sauf indice synthtique de fcondit : enfants par femme)
Tous rangs 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 ISF Rang 2
15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 ISF2 Sources
1989 10,50
179,17 151,33 58,04 20,01 5,36 1,24 2,13
1989 0,65
42,86 66,66 26,13 6,06 0,84 0,46 0,72
1990 11,40
187,25 157,31 59,68 20,67 6,47 1,60 2,22
1990 0,77
44,35 67,55 24,34 5,65 1,07 0,17 0,72
1994 4,49
138,95 123,85 40,47 8,19 3,27 1,18 1,56
1994 0,47
21,92 43,69 20,59 3,69 0,57 0,17 0,44
1996 7,30
151,51 109,46 31,37 6,91 1,78 0,82 1,55
1996 0,76
17,95 35,86 18,71 2,90 0,57 0,08 0,38
1997 2,92
122,04 122,19 35,03 7,50 1,21 0,64 1,46
1997 0,15
10,48 31,71 21,44 3,49 0,35 0,15 0,34
Rang 1 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 ISF! Rang3 et
plus 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 ISF3+
1989 9,81
129,97 53,71 6,13 1,25 0,43 0,08 1,01
1989 0,05 6,34
30,96 25,78 12,70 4,09 0,71 0,40
1990 10,63
136,86 54,71 7,16 1,25 0,34 0,17 1,06
1990 0,00 6,03
35,05 28,18 13,77 5,05 1,25 0,45
1994 4,01
1 14,26 67,07 8,54 0,77 0,33 0,17 0,95
1994 0,00 2,76
13,08 11,34 3,72 2,36 0,84 0,17
1996 6,48
131,62 65,19 6,54 1,49 0,34 0,15 1,06
1996 0,06 1,94 8,42 6,11 2,53 0,87 0,59 0,10
1997 2,73
110,50 84,77 8,67 1,47 0,27 0,09 1,04
1997 0,05 1,06 5,71 4,91 2,54 0,59 0,40 0,08
Donnes non redresses des enqutes annuelles, tires des Annuaires
statistiques de la population chi- noise, annes
correspondantes.
Soulignons de surcrot que les redressements effectus afin
d'estimer les effectifs de femmes en ge de procrer et de naissances
l'chelle na-
(8) Notons que les indices synthtiques de fcondit de 1991 et
1992, tirs de l'enqute sur la fcondit de 1992 organise par la CNPN,
montraient des tendances relativement conformes -mais aussi peu
crdibles- celles rvles par les enqutes annuelles : 1,65 enfant par
femme en 1991 et 1,52 en 1992. Jugs irralistes, ces indices ont
d'emble t corrigs par la CNPN. Elle a effectu cette correction sur
la base d'une sous-dclaration des naissances lors de l'enqute value
13%, sans qu'aucune justification n'accompagne le choix de ce taux,
et a ainsi abouti aux indices corrigs, publis dans le volume de
l'enqute, de 1,87 et 1,72 enfant par femme pour ces deux annes
respectivement. Notons que la CNPN a procd l'ajustement des indices
synthtiques de fcondit, mais pas celui des taux de fcondit par ge
(Attan, Sun, 1999).
-
LA FCONDIT CHINOISE L'AUBE DU XXIe SICLE 243
Tableau 6. -Evolution de l'ge moyen des femmes au premier
mariage et la premire naissance, 1991 1997
Age moyen des femmes au premier mariage
Age moyen des femmes la premire naissance
1991
22,23
23,28
1992
22,53
23,48
1993
22,67
23,70
1994
22,73
23,87
1995
22,93
24,04
1996
23,20
24,24
1997
23,39
24,48 Source : Donnes des enqutes annuelles non redresses,
publies dans 1997 zhongguo renkou, p. 19.
tionale n'ont pas t de mme ampleur pour ces deux grandeurs, ce
qui renforce l'ide que les donnes brutes des enqutes de la dcennie
1990 manquent de reprsentativit (tableau 7). Le Bureau national de
la statistique ne fournit cependant aucune explication sur les
procds de redressement employs.
Tableau 7. -Taille des chantillons et degr de reprsentativit des
enqutes annuelles, 1990-1997
Femmes de 15-49 ans enqutes Naissances dclares par ces
femmes
Femmes de 15-49 ans (en milliers) Naissances (enqutes annuelles)
(en milliers)
Femmes Naissances
1990 1994 1996 1997 Effectifs enqutes (a)
298959 23457
203702 11603
340162 17771
340095 17007
Effectifs redresss (b) 306347 23910
324104 21104
330955 20670
335432 20380
Reprsentativit des chantillons (a)/(b)x 1 000 0,976 0,981
0,629 0,550
1,028 0,860
1,014 0,834
Sources : enqutes annuelles (Annuaires statistiques de la
population chinoise). Les effectifs de femmes en ge de procrer
n'ayant pas t redresss par le Bureau national de la statistique,
nous les avons estims en tablissant une projection sur la base des
donnes du recensement de 1990, en appliquant les conditions de
mortalit observes en 1989-1990, publies par le CPIRC (Huang, Liu,
1995). Les calculs sont prsents en annexe II.
2. Une nouvelle estimation de la fcondit Pour tenter de retracer
les tendances rcentes de la fcondit, en con
sidrant nanmoins que les donnes redresses sur les naissances
sont plus fiables que celles non redresses sur la fcondit, nous
avons recouru la mthode exprimente par G. Calot. Cette mthode
permet d'estimer l'indice synthtique de fcondit partir du nombre
absolu de naissances survenues une anne donne et de l'effectif
moyen pondr des gnrations fminines en ge de procrer, appel gnration
moyenne (Calot, 1978) (tableau 8). La structure par ge de la
fcondit retenue pour procder ce
-
244 I. Attan
calcul est celle de 1990 tire de l'enqute annuelle(9), figurant
au tableau 5.
Tableau 8. -Estimation de l'indice synthtique de fcondit partir
des statistiques officielles redresses de naissances, 1990-1998
Naissances (a) (en milliers)
Gnrations moyennes (b) (en milliers)
ISF estim (enfants par femme) (a)/(b)
1990
23910
10652
2,24
1991
22580
11068
2,04
1992
21190
11332
1,87
1993
21260
11348
1,87
1994
21104
11373
1,86
1995
20630
11343
1,82
1996
20670
11280
1,83
1997
20380
11201
1,82
1998
19910
10969
1,82 Sources : les effectifs de naissances de 1990 1997 sont
estims partir des enqutes annuelles dont les rsultats ont t publis
dans 1997 zhongguo renkou. Ceux de 1998 ont t publis dans le Ouzhou
shibao du 14-16 fvrier 1999. Les effectifs de femmes ont t projets
partir des donnes du recensement de 1990, compte tenu de la
mortalit (cf. annexe II).
Cette estimation fournit des indices synthtiques de fcondit qui
valent, en termes de tendance, ce que valent les chiffres officiels
de naissances. Or, il apparat que les enqutes annuelles souffrent,
elles aussi, de lacunes, et sous-estiment la natalit. Une
publication de 1991, antrieure aux rsultats du recensement de
1990(10), fournit la srie des taux de natalit pour la dcennie 1980,
partir desquels ont t reconstitues les cohortes de naissances
(lignes 1 et 2 du tableau 9). L'annuaire statistique de 1998
fournit quant lui, pour ces mmes annes, une srie diffrente, qui
n'est autre que celle des enqutes annuelles rajuste
rtrospectivement sur la base des donnes du recensement de 1990
(lignes 3 et 4 du tableau 9). Ces rajustements ont abouti des
effectifs de naissances toujours suprieurs ceux obtenus directement
partir des enqutes, de 0,7 % 18,9% plus levs (tableau 9). La
sous-dclaration des naissances a t particulirement importante au
milieu de la dcennie : 2,5 millions de naissances ont chapp
l'enqute de 1984, 3,5 millions celle de 1985, 2,7 millions celle de
1987. S'agit-il l d'une consquence de la forte coercition des annes
1982 et 1983, qui aurait plus frquemment incit les couples ne pas
dclarer des naissances par la suite? S'agit-il plutt de lacunes
dans l'chantillon enqut, qui n'aurait donn que partiellement la
mesure de la remonte de la natalit? Sans doute ces deux causes
ont-elles uvr ensemble.
Les annes quatre-vingt-dix n'ayant t marques ni par un
relchement dans l'application du programme de limitation des
naissances ni par une quelconque rforme de l'organisation de ces
enqutes qui aurait pu en
(9) Cette structure par ge de la fcondit est cohrente avec celle
tire du recensement de 1990, ce qui lui confre une certaine
crdibilit. Prcisons toutefois que d'une manire gnrale, une moyenne
pondre est peu sensible de lgres variations des coefficients de
pondration, et qu'elle l'est d'autant moins que les valeurs de la
grandeur dont on calcule la moyenne (ici, l'effectif des gnrations
fminines de 15 49 ans) sont peu disperses (Calot, 1978).
(10) Zhongguo renkou ziliao shouce, 1990 (Manuel d'information
sur la population de la Chine, 1990).
-
LA FCONDIT CHINOISE L'AUBE DU XXIe SICLE 245
amliorer la reprsentativit, il y a tout lieu de croire que les
enqutes de la dcennie 1990 ont elles aussi souffert de
sous-dclaration.
Tableau 9. -Taux de natalit et effectifs de naissances selon les
enqutes annuelles sur les mouvements de la population
de 1982 1990, avant et aprs ajustement
1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 Enqutes annuelles
avant ajustement
Taux de natalit (%c) Naissances (en mil
liers) (a)
21,09
21265
18,62
19025
17,50
18081
17,80
18594
20,77
21972
21,04
22576
20,78
22618
20,83
22997
21,06
23748 Enqutes annuelles aprs ajustement
Taux de natalit (%o) Naissances (en mil
liers) (b)
///
///
20,19
20661
19,90
20633
21,04
22114
22,43
23928
23,33
25291
22,37
24643
21,58
24140
21,06
23910 Ecart
Diffrence (b)-(a ) (en milliers)
Taux d'ajustement (%)
III
III
1635
8,6
2552
14,1
3520
18,9
1956
8,9
2714
12,0
2026
9,0
1144
5,0
162
0,7 Sources : donnes des enqutes annuelles avant ajustement :
Zhongguo renkou shouce, 1990; donnes des enqutes annuelles aprs
ajustement : Annuaire statistique de 1998.
On a donc procd des ajustements de la fcondit estime sur la base
des statistiques officielles des naissances. Ces ajustements sont
fonds sur trois hypothses diffrentes quant l'ampleur de la
sous-dclaration des naissances durant la dcennie 1990 : rvaluation
au taux le plus bas observ au cours de la priode prcdente, celui de
1990, soit 0,7% (hypothse 1); rvaluation au taux moyen sur la
priode 1983-1990, soit 9,6% (hypothse 2) ; rvaluation au taux le
plus lev de 18,9% (hypothse 3) (tableau 10).
Nous n'avons pas les moyens de dire si l'une de ces trois
hypothses s'approche plus qu'une autre de la ralit. Rien ne permet
non plus d'assurer que l'ampleur de la sous-dclaration est reste
stable au cours de ces huit annes, d'autant que, comme on l'a vu,
elle a connu de fortes variations durant la dcennie 1980. L'on peut
nanmoins considrer avec quelque certitude que l'hypothse 1
(estimation la plus basse) et l'hypothse 3 (estimation la plus
haute) donnent la fourchette dans laquelle a volu la fcondit
chinoise au cours de la dcennie 1990. Notons que l'hypothse 2
fournit, pour les annes 1991 et 1992, les estimations les plus
voisines des ajustements raliss par le dmographe chinois Zeng
Yi(11) en 1995 : 2,20 enfants par femme en 1991 et 2,10 en 1992
(Zeng Yi, 1995).
0 Pour procder ces ajustements, Zeng Yi a fait l'hypothse d'une
sous-dclaration des naissances de 24,76% en 1991 et de 27,51% en
1992, hypothse qui a port les ISF initiaux de 1,65 en 1991 et 1,52
en 1992 2,20 et 2,10 enfants par femme pour ces deux annes
respectivement (d'aprs les donnes brutes de l'enqute sur la fcondit
de 1992).
-
246 I. Attan
Tableau 10. -Indices synthtiques de fcondit ajusts selon trois
hypothses quant l'ampleur de la sous-dclaration des naissances
Naissances (en milliers)
ISF (enfants par femme)
Naissances (en milliers)
ISF (enfants par femme)
Naissances (en milliers)
ISF (enfants par femme)
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Hypothse 1 :
rvaluation de 0,7%
24077
2,26
22738
2,05
21338
1,88
21409
1,88
21252
1,87
20774
1,83
20815
1,84
20523
1,83
20049
1,83 Hypothse 2 : rvaluation de 9,6%
26205
2,46
24748
2,24
23224
2,05
23301
2,05
23130
2,04
22610
1,99
22654
2,01
22336
1,99
21821
1,99 Hypothse 3 : rvaluation de 18,9%
28429
2,66
26848
2,43
25195
2,22
25278
2,22
25093
2,21
24529
2,16
24 577
2,18
24232
2,16
23673
2,16
Les indices synthtiques de fcondit extrapols pour la Chine selon
l'hypothse basse de sous-dclaration des naissances (qui conduit une
rvaluation de 0,7 %) sont conformes la variante moyenne des
dernires projections des Nations unies(12) pour la priode
quinquennale 1990- 1995 : 1,92 enfant par femme, contre 1,96 d'aprs
l'hypothse l. Ils sont en revanche plus levs que dans l'hypothse
moyenne de fcondit utilise dernirement par un dmographe chinois
pour raliser des projections l'horizon 2050 : 1,87 enfant par femme
(Hu Ying, 1998), et que dans celle de 1,80 enfant par femme utilise
dans des projections chinoises plus anciennes, datant de 1992(13).
L'hypothse 1 donne un ISF moyen sur la priode 1995-1998 de 1,83
enfant par femme, galement conforme aux prvisions des Nations unies
: 1,80 pour 1995-2000. L'cart se creuse en revanche lorsqu'on prend
pour rfrence les hypothses moyenne et haute de sous-dclaration des
naissances : 2,00 enfants par femme selon l'hypothse 2 sur la
priode 1995-1998, 2,17 selon l'hypothse 3. Les Nations unies
semblent donc avoir exclu toute considration quant une ventuelle
sous-dclaration des naissances en Chine(14).
Du fait de l'impossibilit qu'il y a pencher en faveur de l'une
ou l'autre de ces estimations, notre analyse sera mene en termes de
tendances plus qu'en termes de niveaux. Ces hypothses, parce que
fondes sur les mmes statistiques de naissances, mettent en vidence
des ten-
(12) United Nations, World Population Prospects, The 1998
Revision, New York. (13) Collection of research papers of 1992
fertility sampling survey in China, p. 142. (14) Selon l'hypothse
de sous-dclaration la plus forte (hypothse 3), quelque 3
millions
de naissances annuelles sont en jeu, ce qui, l'chelle d'une
dcennie, porterait la sous- estimation de la population totale prs
de 30 millions. Nous tenons toutefois souligner que l'exprience de
la dcennie 1980 a montr que les enfants qui ne sont pas dclars la
naissance sont progressivement rintgrs dans les statistiques des
ges plus levs. La sous-estimation de la population totale est donc
ncessairement infrieure la somme des naissances non dclares.
-
LA FCONDIT CHINOISE L' AUBE DU XXIe SICLE 247
dances similaires. On observe une baisse assez brutale de la
fcondit, de 8% 9% en 1991 et en 1992, puis une stagnation jusqu'en
1994. Aprs un lger dcrochement entre 1994 et 1995, la fcondit se
stabilise de nouveau jusqu'en 1998.
Tandis que dans les rgions les plus dveloppes de l'aire
culturelle chinoise, la fcondit atteint des niveaux extrmement bas
(1,1 enfant par femme Hong Kong en 1998 et 1,4 Taiwan), la
transition de la fcondit chinoise pourrait donc se trouver
interrompue, la fcondit se maintenant un niveau bien plus lev qu'
Singapour, trs urbanis mais o est pratique une politique nataliste
(1,6 enfant par femme en 1996) ou qu'en Core du Sud (1,6)(15).
Malgr son niveau relativement bas pour un pays si rural, la fcondit
de la Chine se situerait toujours largement au-dessus du niveau
requis au milieu des annes quatre-vingt dans le cadre du programme
de limitation des naissances, fixant le nombre moyen d'enfants par
femme ne pas dpasser 1,62 l'chelle nationale (Yin, 1995).
Par ailleurs, avec l'acclration du processus d'urbanisation en
Chine, la stagnation de la fcondit au plan national depuis 1995
pourrait masquer une hausse en milieu rural, puisque la baisse
devrait logiquement se poursuivre en milieu urbain. Malgr la volont
du gouvernement chinois, renouvele en 1991, d'intensifier
l'application du programme de limitation des naissances l'chelle du
pays entier, une partie importante de la population rurale pourrait
donc encore rester hors de contrle(16).
IV-Planification familiale et dveloppement conomique : quels
effets sur la fcondit?
En attendant de pouvoir confronter ces estimations aux rsultats
du recensement de 2000, que dire de cette tendance de la fcondit ?
Est-elle plausible? Trouve-t-elle des justifications dans
l'volution rcente du programme de limitation des naissances ?
Peut-elle tre mise en relation avec les mutations sociales et
conomiques que traverse le pays ?
1. Une politique de limitation des naissances en repli ? Depuis
le dbut des annes soixante-dix, au cours desquelles la
Chine a lanc la troisime campagne de limitation des naissances,
l'objectif de restriction de la croissance dmographique a t
poursuivi sans relche. La limitation des naissances, qui reste une
politique nationale part entire, a cependant connu depuis lors
divers alas. Si le gouverne-
(15) Ces indices synthtiques de fcondit sont tirs de Lvy M.-L.
(1999), Tous les pays du monde, 1999 , Population & Socits, n
348.
(16) En outre, les indices synthtiques de fcondit estims ici
sont des indices transversaux. Leur niveau pourrait donc, en
l'absence d'un effet d'allongement du calendrier du mariage (+ 0,2
an, comme on l'a vu, chaque anne entre 1990 et 1997) et dans la
survenue des naissances, tre de 20% suprieur (tempo-adjusted TFR ou
tempo-free TFK) (Bongaarts, Feeney, 1998; Bongaarts, 1999).
-
248 I. Attan
ment chinois fixe chaque anne les objectifs officiels en matire
de limitation des naissances, aucune lgislation n'a t adopte au
plan national. C'est aux gouvernements des provinces qu'est revenu,
au cours des annes quatre-vingt, l'tablissement de rglements
autonomes, tenant compte des conditions locales. Aussi un Chinois
de la province mridionale du Guangdong n'est-il pas ncessairement
soumis aux mmes mesures qu'un Chinois du Nord ou de l'Ouest, du
Shanxi ou du Sichuan par exemple.
La rgle de l'enfant unique, si elle constitue la norme pour une
part de la population, n'est plus systmatiquement impose dans les
campagnes depuis 1984. Au niveau national, en effet, seule la
population dite urbaine, dsignant les cadres et travailleurs de
l'tat (guojia ganbu, zhigong) ainsi que les habitants des villes et
des bourgs {chengzhen jumin) est soumise la rgle stricte, et le
plus souvent incontournable, de l'enfant unique. En 1990, cette
population dite urbaine reprsentait un peu plus de la moiti
(environ 55%) de la population totale du pays(17). Les 45% restants
sont en principe autoriss mettre au monde un deuxime enfant -voire
un troisime, notamment certaines minorits nationales. Mais les
circonstances autorisant ces deuximes naissances varient d'une
province l'autre, parfois mme d'un district ou d'un village un
autre, et ne sont pas ncessairement prennes. Il est donc impossible
de dresser un tableau prcis et exhaustif des mesures en vigueur un
moment donn, d'autant que parmi les 55% de la population soumis en
thorie la rgle de l'enfant unique, une partie peut aussi bnficier
de circonstances, plus ou moins exceptionnelles, donnant droit un
autre enfant.
L'indicateur officiel produit par le gouvernement central au
milieu des annes quatre-vingt donne des informations plus concrtes
sur la rigueur des rglementations locales et des objectifs
nationaux en termes de limitation des naissances qui avaient cours
ce moment-l. Cet indicateur, appel descendance finale
officiellement requise dans le cadre de la politique de limitation
des naissances (zhengce yaoqiu zhongshen zong shen- gyu lu),
tablissait thoriquement la limite suprieure de l'intensit de la
fcondit dans les gnrations. Il ne fut cependant pas utilis comme
tel, mais traduit en indicateur transversal fixant, comme on l'a
vu, 1,62 le nombre moyen maximum d'enfants par femme. C'est dans la
municipalit trs urbanise de Shanghai qu'il a t fix au niveau le
plus bas (1,28) et dans la rgion autonome ougoure du Xinjiang, peu
urbanise et peuple plus de 60% de minorits nationales, qu'il tait
le plus lev (2,40)(18\ Si
(17) Cette dfinition de la population urbaine ne correspond pas
celle utilise lors du dernier recensement, qui ne prend en compte
que la population des villes et des bourgs (shizhen ren- kou).
Selon cette dernire dfinition la population urbaine reprsentait 26%
de la population totale en 1990.
(18) La srie des indicateurs provinciaux n'a t, lors de sa
publication dans la revue chinoise de dmographie Renkouxue ,
accompagne d'aucune explication ni sur la faon dont elle a t
tablie, ni sur les cohortes de femmes auxquelles elle s'applique.
D'aprs les informations qui nous ont t donnes par un dmographe de
l'universit du Peuple (Beijing) en octobre 1996, il se serait
appliqu aux gnrations de femmes entres en vie fconde au moment de
la mise en uvre de la politique de l'enfant unique, savoir celles
nes depuis le dbut des annes soixante.
-
LA FCONDIT CHINOISE L'AUBE DU XXIe SICLE 249
l'on considre que toutes les femmes ont un premier enfant,
sachant que le clibat dfinitif est quasiment inexistant en Chine et
que les naissances de rang 3 ou plus sont interdites dans la
plupart des cas, la proportion de femmes autorises avoir deux
enfants s'tablissait 60% environ au cours des annes
quatre-vingt.
Si cet indicateur ne sert plus aujourd'hui de rfrence
officielle, cela n'est pas pour autant synonyme d'abandon de
l'objectif de stricte limitation des naissances. En effet, la
dcennie 1990 n'a pas, comme pourrait le laisser croire l'volution
rcente de la fcondit, t marque par un relchement du programme de
limitation des naissances, mme si aujourd'hui, dans les villes, la
majorit des jeunes gens sont dsormais concerns par la mesure, nonce
ds 1979, permettant aux couples dans lesquels les deux conjoints
sont des enfants uniques d'avoir deux enfants. Depuis 1991, au
contraire, le programme aurait t appliqu avec une plus grande
rigueur l'chelle du pays entier. Afin de rpondre en particulier aux
objectifs du Programme dcennal (1991-2000) et du Plan quinquennal
pour le dveloppement conomique et social national (1991-1995),
visant ce que la croissance naturelle reste infrieure 1,25% en
moyenne au cours de la dcennie 1990, l'accent a t mis sur la
rduction des naissances de rang lev ainsi que sur le retard du
mariage et de l'arrive des naissances (Gu, 1996).
Un durcissement est visible dans quelques villages et comits de
quartiers (units urbaines) de huit provinces ayant fait rcemment
l'objet d'enqutes^19). En 1989, 35% des 114 villages et 81% des 53
comits de quartiers enqutes appliquaient la norme stricte de
l'enfant unique, sans exception possible lorsque l'ane tait une
fille; en 1993, ces proportions taient passes 44% et 87 %
respectivement (Short, Zhai, 1998).
De plus, depuis le milieu des annes quatre-vingt-dix, les
couples vivant en milieu rural, qui ont le plus souvent la
possibilit de mettre au monde un deuxime enfant, auraient t
contraints attendre un dlai assez long avant de recevoir
l'autorisation pralable ncessaire, ceci afin de respecter les
quotas (Li Qin, 1993 ; Hu Ying, 1998). Si tant est que cette
contrainte ait pu avoir des effets sur l'espacement des naissances,
la conjugaison de ce facteur et du durcissement de la mise en uvre
du programme, tendant rduire l'intensit de la fcondit d'une part et
allonger son calendrier d'autre part, aurait d conduire une baisse
de la fcondit du moment, ce qui n'a apparemment pas t le cas. En
outre, comme on l'a vu, l'ge des femmes au premier mariage a recul
de plus d'un an entre 1991 et 1997, ce qui aurait normalement d
concourir cette baisse.
Nanmoins, mme si l'on ne note pas de relchement dans
l'application du programme, le discours officiel change : on compte
de plus en plus sur le dveloppement conomique pour pallier le
manque d'efficacit de la
(19) Ces chiffres sont tirs des enqutes sur la sant et la
nutrition en Chine de 1989, 1991 et 1993, menes dans 114 villages
et 53 comits de quartiers, dont quelques rsultats sont cits par
Short, Zhai (1998), p. 376.
-
250 I. Attan
politique dans la rduction de la croissance dmographique. Lors
d'un discours de mars 1999, Yang Kuifu, vice-ministre de la
Commission nationale de planification des naissances, dclarait
:
Le gouvernement considre que la rsolution des problmes
dmographiques de la Chine rside dans un dveloppement conomique
vigoureux, [ainsi que] dans l'intgration du programme de population
une stratgie globale de dveloppement durable. [...] Ces dernires
annes, nous avons fait en sorte de combiner le programme de
planification familiale avec des initiatives visant soulager la
pauvret, favoriser le dveloppement conomique rural et lever le
statut des femmes. [...] Ces efforts ont permis d'obtenir de trs
bons rsultats. (20)
On tente aussi, par quelques initiatives encore parses, d'axer
davantage la planification familiale sur le volontariat, en
insistant sur l'ducation et la sensibilisation des couples la
ncessit de rduire le nombre de leurs enfants. Des expriences
pilotes sont faites et l, dans le but de ne plus imposer aux
couples un nombre d'enfants de manire autoritaire, mais plutt
d'influencer leurs choix.
Aujourd'hui, dans le contexte de libralisation et de rformes
conomiques, les moyens traditionnels d'incitation et de contrle
sont devenus peu persuasifs. Dans les 1 14 villages et 53 comits de
quartier cits prcdemment, par exemple, le montant des allocations
verses aux couples s' tant engags n'avoir qu'un seul enfant est
dsormais drisoire : entre 40 et 100 yuans vers 1989-1993, soit
l'quivalent de 1 % 1,5 % du revenu moyen des mnages dans ces
localits (Short, Zhai, 1998). Aussi l'tat tente-t-il d'innover. Le
changement d'approche de la planification familiale transparat dans
certaines mesures rcemment mises en place. En 1995, la Chine a
notamment instaur un systme d'allocation de naissance (environ 1
500 yuans) visant officiellement protger les droits et intrts des
femmes, mais verse aux seuls couples se conformant aux mesures de
limitation des naissances(21). Sorte de prime la maternit destine
compenser l'arrt de travail des femmes, cette initiative n'a
cependant encore t dveloppe qu' petite chelle, puisque seules
429000 personnes en auraient bnfici en 1998.
Depuis la Confrence internationale sur la population et le
dveloppement qui s'est tenue au Caire en 1994, la Chine donne le
sentiment de vouloir centrer davantage sa politique de dveloppement
sur les individus. Des lois visant protger les droits et la sant
des femmes et des enfants sont promulgues, et des efforts
particuliers sont faits afin d'amliorer la sant de la reproduction.
Paralllement, le gouvernement tente de renforcer son contrle sur
les zones les plus recules. cette fin, il a par exemple cr en 1999
un service ambulant, baptis Sant reproductive express (22\ visant
amliorer la sant de la reproduction et promou-
(20) Extrait du discours de Yang Kuifu retranscrit sur le
serveur web officiel de la Commission nationale de planification
des naissances : http ://www.sfpc. gov.cn
(21) Serveur web officiel de la Commission nationale de
planification des naissances : http ://www.sfpc. gov.cn
(22) Serveur web officiel de la Commission nationale de
planification des naissances : http ://www.sfpc.gov.cn
-
LA FCONDIT CHINOISE U AUBE DU XXIe SICLE 25 1
voir la planification des naissances dans les zones qui n'y
avaient jusqu'alors que difficilement accs.
Sans aller jusqu' reconnatre que les mthodes autoritaires
appliques dans les annes quatre- vingt pour limiter les naissances
n'ont eu qu'une efficacit partielle, la Chine, comprenant son
incapacit de plus en plus grande contrler la vie prive des couples,
pourrait donc changer de cap, et revenir une dmarche plus
incitative que coercitive, comme ce fut le cas durant la dcennie
1970.
2. Effets en demi-teinte des mutations sociales et
conomiques
L'volution de la politique officielle de planification des
naissances ne nous aide donc gure expliquer les tendances rcentes
de la fcondit ; on doit y voir, sans doute, les limites de ce
programme autoritaire de limitation des naissances. Dsormais, le
contexte socio-conomique prend le pas sur le programme, et
influence de plus en plus les comportements de reproduc- tion^23).
Mais les profondes mutations sociales et conomiques que traverse le
pays ne semblent pas aller toutes dans le sens d'une rduction de la
fcondit. travers le cas du Guangdong, on a vu que l'enrichissement
des familles ne conduisait pas ncessairement une limitation de leur
taille. Dans les campagnes, en outre, les rformes conomiques
engages la fin des annes soixante-dix, en restituant la famille sa
fonction unit de production, ont favoris le retour aux conceptions
familiales traditionnelles pr-rvolutionnaires et ont ainsi, dans
une large mesure, accentu la rsistance au contrle des naissances.
Mais ces rformes ont aussi induit des changements a priori plus
favorables la baisse de la fcondit. Depuis le dbut des annes
quatre-vingt, et surtout des annes quatre-vingt-dix, les
restrictions aux migrations internes s'assouplissent. Les jeunes
ruraux ont dsormais la possibilit de chercher du travail dans les
villes ou dans les bourgs, et d'y demeurer provisoirement si
l'entreprise qui les emploie parvient rgler les formalits
administratives de leur sjour (Zhang Weimin, 1997). Les flux
migratoires des paysans, des jeunes en particulier, vers les
grandes agglomrations ne cessent donc de crotre. L'isolement de ces
jeunes migrants, pour la plupart clibataires ou migrant sans leur
famille, retarde ncessairement la survenue des naissances.
La monte fulgurante du chmage n'est pas non plus trangre ce
phnomne. Avec le dveloppement de l'conomie de march dans un
contexte de crise conomique, avec l'amputation, terme, de prs du
tiers du corps des fonctionnaires et la dsaffection pour
l'exploitation agricole peu rentable, trouver du travail n'est plus
si simple en Chine. Chaque anne, dix quinze millions djeunes
arrivent sur le march de l'emploi, en plus des quelque cent
cinquante millions de paysans surnumraires qui y
(23) Voir notamment Poston (1999) et Zhang Fangyu (1999) pour la
situation au cours des annes quatre- vingt.
-
252 I. Attan
exercent dj une pression considrable. cela s'ajoute un chmage
dguis, concernant une masse de travailleurs toujours sous contrat
(xia gang), mais qui ne sont plus, ou que partiellement, pays par
leur entreprise, en voie de faillite. En 1995, le nombre de chmeurs
enregistrs dans les villes s'levait officiellement 5,2 millions,
soit 2,9% de la population active urbaine(24). Des estimations
indpendantes font pourtant tat d'un total de 26 31 millions de
personnes sans emploi dans les villes, comprenant les chmeurs
enregistrs ainsi que tous les travailleurs victimes de cette forme
de chmage dguis, soit 18% 20% de la main- d'uvre urbaine (Rocca,
1999). En outre, la pauvret gagne du terrain. D'aprs des sources
officielles, prs de 20 millions de citadins, 5% du total, vivraient
aujourd'hui dans des mnages en difficult, avec un revenu annuel
moyen presque deux fois infrieur la moyenne urbaine(25). Cette
population connat donc des conditions de vie qui sont a priori
favorables la baisse de la fcondit, la baisse tant alors tire par
la pauvret. Mais un autre facteur vient en contrebalancer les
effets. Exclue de facto du systme politico-administratif
d'encadrement des individus exerc par le biais des units de
travail, cette population chappe en partie au contrle de l'tat.
Ainsi, n'tant plus sous stricte surveillance, elle peut sans
difficult se soustraire, si elle le souhaite, aux normes
contraignantes de la politique de limitation des naissances.
Les transformations sont galement d'ordre sociologique. La
petite rvolution sexuelle qui s'opre, en particulier au sein de la
socit urbaine, bouleverse les comportements : les relations
sexuelles n'ont plus, comme dans la socit traditionnelle, pour
principale fonction la reproduction; l'opprobre n'est plus jet sur
le plaisir sexuel et amoureux, comme lors de la reprise en main
idologique de la Rvolution culturelle ; on recherche aujourd'hui
l'panouissement personnel travers l'panouissement sexuel. Effet non
prvu de la politique de contrle des naissances ? Sans doute. La
politique de l'enfant unique a en effet plac la vie sexuelle au
centre d'un dbat public. En encourageant nergiquement les femmes
matriser leur fcondit -la contraception a t massivement diffuse,
puisqu'elle concerne officiellement 83% des femmes maries en ge de
procrer en 1998(26), soit un niveau comparable celui des pays les
plus malthusiens-, elle les a libres de la ncessit, suscite par une
forte pression sociale, de mettre au monde beaucoup d'enfants. Ds
lors, la sexualit a pu revtir une fonction autre. Phnomne inhrent
cette libration des murs et cette qute nouvelle de l'panouissement
personnel, le nombre de divorces monte en flche : 458000 ont t
enregistrs en 1985, 800000 en 1990 et 1,2 million en 1997, alors
que le nombre de ma-
(24) Annuaire statistique de Chine, 1996. (25) Le revenu annuel
moyen par habitant en 1997 tait de 5 189 yuans pour l'ensemble
des
citadins, contre 2 186 pour les mnages en difficult (1 yuan
quivaut environ 0,70 F franais). Source : Annuaire statistique de
Chine de 1998.
(26) Ce taux, tir d'un article paru dans le Quotidien du Peuple
(Renmin Ribao) du 13/07/ 1998, est cohrent avec ceux des enqutes
sur la fcondit : 83% l'enqute de 1992, 72% l'enqute de 1988 et 71 %
l'enqute de 1982.
-
La fcondit chinoise uaube du xx sicle 253
riages est rest stable, autour de 9 millions par an, sur la
priode. La proportion de personnes divorces non remaries reste trs
faible, mais le fait marquant est son augmentation rapide ces
dernires annes : elle a t multiplie par 2 chez les 25-29 ans entre
1982 et 1996 et par plus de 3 chez les femmes ges de 30 39 ans
(tableau 11).
Tableau 1 1. -Proportion de personnes divorces non remaries
selon l'ge et le sexe (en % d'hommes ou de femmes de chaque classe
d'ges)
1982 1990 1996
20-24 ans Hommes
0,16 0,22 0,23
Femmes 0,17 0,23 0,25
25-29 ans Hommes
0,47 0,64 0,92
Femmes 0,24 0,46 0,56
30-34 ans Hommes
0,85 0,95 1,39
Femmes 0,28 0,53 0,84
35-39 ans Hommes
1,14 1,05 1,54
Femmes 0,29 0,46 0,96
Sources : recensements de 1982 et 1990 et enqute dmographique
annuelle de 1996.
Invitablement, la prcarisation de l'emploi et la monte du chmage
et de la pauvret hypothquent les projets familiaux. L'accroissement
des flux migratoires internes, la gnralisation de la participation
des femmes l'activit conomique et l'augmentation des cots lis
l'ducation des enfants contribuent par ailleurs au retardement du
mariage et des naissances. Mais ces effets sont contrebalancs par
d'autres, et notamment par la perte de contrle de l'tat sur une
part croissante de la population. Aujourd'hui, la population
flottante (liudong renkou), population migrante, gnralement rurale
et au statut administratif incertain, atteindrait le chiffre
colossal de 100 millions de personnes, soit 8% de la population
totale. Ces migrants illgaux ont acquis la rputation de gurilleros
du contrle des naissances : au dbut des annes quatre-vingt-dix,
dans la ville de Guangzhou, au Guangdong, on leur attribuait plus
de la moiti des naissances non autorises (Cartier, 1991). Heurte de
plein fouet par le dveloppement conomique, en proie de profonds
bouleversements sociaux et au grand chambardement de ses vieilles
structures collectivistes, la socit chinoise pourrait ne pas tre
encore sur la voie d'une normalisation des comportements de
reproduction. Alors que les uns ne voient plus leur salut que dans
une famille de taille trs restreinte, les autres pourraient encore
faire montre d'un profond attachement une descendance plus
nombreuse.
V- Planification des naissances et vieillissement de la
population
Trois dcennies de limitation des naissances ont fait entrer la
Chine dans le groupe des pays basse fcondit, avec un niveau voisin
du seuil de renouvellement des gnrations. Mais de nouveaux problmes
surgissent. Le vieillissement de la population, inhrent au recul de
la mortalit et celui, concomitant, de la fcondit, est en passe de
devenir l'un des
-
254 I. Attan
principaux soucis du gouvernement. La situation n'est pourtant
pas encore proccupante : en 1998, les personnes ges de 60 ans et
plus reprsentaient juste 10% de la population totale, laissant la
Chine loin derrire les pays tenant la palme dans ce domaine(27) -
savoir, en Asie, le Japon (21 % en 1996) et en Europe, la Sude (22%
en 1996)- et des niveaux comparables ceux de quelques-uns de ses
voisins les plus dvelopps : Singapour (10% en 1997) et la Core du
Sud (9% en 1993)(28>. Mais ce qui est le plus marquant est
l'acclration du processus de vieillissement. En l'espace de seize
annes (1982-1998), le nombre de personnes ges de 60 ans ou plus a
augment de plus de 60%, passant de 76,6 124,4 millions. Durant les
huit annes prcdant le recensement de 1990, l'effectif des 60 ans ou
plus a augment au rythme annuel moyen de 3,0%, contre 1,4% pour la
population de moins de 60 ans. Au cours des huit annes suivantes
(1990-1998), l'cart s'est encore accru : + 3,1% par an en moyenne
pour les 60 ans ou plus, contre +1,0% chez les moins de 60 ans.
La principale proccupation des autorits chinoises n'est pas
tant, aujourd'hui, l'accroissement proprement dit du nombre des
personnes ges que les moyens dvelopper pour les prendre en charge,
car, hormis pour une petite part de la population urbaine, retraite
des entreprises d'tat, aucun systme de retraite n'existe. La
majeure partie de la population ge subsiste grce sa famille
(conjoint, enfants), quand elle n'est pas contrainte de poursuivre
son activit pour subvenir ses besoins^29). Mais on assiste
l'tiolement des solidarits familiales, en raison la fois des effets
dmographiques mcaniques -la rduction du nombre d'enfants,
concomitante l'allongement de la dure de la vie : comment un jeune
couple, dont les deux conjoints sont des enfants uniques, peut-il
assurer lui seul la subsistance de ses quatre parents et peut-tre
d'un ou deux grands-parents retraits?- et de l'volution
socio-conomique, caractrise par un individualisme croissant et une
augmentation du cot de la vie. Les bouleversements de la famille,
jusque-l seule structure existante pour la prise en charge des
personnes ges, soulignent l'urgence d'une participation de l'tat
cette fonction.
L'urgence est d'autant plus grande qu'aujourd'hui, mme les
anciens employs des entreprises nationales n'ont plus la garantie
de toucher leur retraite ; nombre de ces entreprises, dficitaires
ou en voie de restructuration complte, ne peuvent plus assurer le
versement des pensions, puises jusqu'alors sur leurs fonds propres.
Dans les villes, un systme priv d'assurance retraite, financ par
les cotisations des entreprises et celles des sa-
(27) Afin d'estimer les tendances rcentes du vieillissement,
nous avons procd des extrapolations sur la base du dernier
recensement. Les effectifs de personnes ges de 60 ans et plus ont t
projets, compte tenu de la mortalit, puis rapports l'effectif de la
population totale, pour chaque anne de 1990 1998.
(28) Calculs effectus d'aprs les donnes figurant dans Annuaire
dmographique des Nations unies, 1997.
(29) En 1990, environ 60% des personnes ges de 65 ans et plus
vivaient dans des mnages de trois gnrations ou plus, moins de 20%
taient soit en couple soit isoles (Guo Zhigang, 1992).
-
La fcondit chinoise l'aube du xxr5 sicle 255
laris eux-mmes, voit le jour. Dernier coup de balai sur le
systme collectiviste, il n'en est cependant encore qu' ses
balbutiements. En attendant, l'tat pare au plus urgent : il cre des
maisons de retraite, dans lesquelles les excellentes conditions de
vie sont rgulirement vantes par les mdias. La rsidence moderne pour
personnes ges cre rcemment Shunyi, prs de Beijing, peut accueillir
500 personnes dans un site verdoyant ; elle est quipe d'un salon de
Karaoke et d'une salle de gymnastique, nous apprend un article du
quotidien Pkin Soir^30\ Les autorits chinoises diffusent toute la
propagande ncessaire afin que l'on ne se culpabilise plus l'ide
d'abandonner ses vieux dans un centre d'accueil, autrefois seul
recours des plus dmunis, qui n'avaient pas eu la chance d'avoir un
fils.
Depuis peu, un dbat s'instaure autour de la ncessit de rviser
les objectifs de la planification des naissances, la principale
proccupation tant de ralentir le processus de vieillissement de la
population. Des projections ralises selon trois scenarii de fcondit
rvlent les tendances suivantes (tableau 12). Le scnario 1 donne une
variante moyenne, qui serait celle d'une politique nationale de
deux enfants par couple, impliquant qu'une partie des couples
urbains seulement prouvera le dsir d'un deuxime enfant ; le scnario
2 donne la variante basse, correspondant au maintien de la
politique actuelle; le scnario 3 suppose quant lui une volution en
U de la fcondit (Li, 1997)(31).
Selon ces projections, l'impact d'un ventuel assouplissement des
mesures de contrle des naissances ne commencera se faire sentir sur
la structure par ge de la population qu' partir de 2020. Il sera
dcisif sur les proportions de jeunes de moins de quinze ans, qui
diminueront, entre 2000 et 2030, de 35% selon le premier scnario et
de 48% selon le second. Il ne sera en revanche que trs faible sur
la proportion de personnes ges qui reprsentera 15,9% de la
population totale en 2030 avec une politique nationale de deux
enfants par couple, contre 16,9% avec maintien de la politique
actuelle. Mais quelles que soient les orientations de la politique
de contrle des naissances, les perspectives l'horizon 2030 n'ont
encore rien d'alarmant. Il en va autrement l'horizon 2050 : la
Chine comptera alors 23,0% de personnes ges de 65 ans et plus selon
le premier scnario, 26,7 % selon le second.
En outre, il se pourrait que, durant les trente prochaines
annes, l'acclration du vieillissement ne soit pas si marque. En
effet, si les hypothses de fcondit utilises dans ces projections
sont vraisemblables, celles concernant l'urbanisation paraissent en
revanche peu ralistes. Passer 35% de la population vivant dans les
villes en 2000 puis 50% en 2020 implique, par rapport au taux
d'urbanisation de 26% en 1990, une croissance annuelle moyenne de
cette population urbaine trs forte :
W Beijing Wanbao du 15/09/1998. (3D Notons que cet auteur ne
dtaille pas l'volution de la fcondit qu'il suppose entre
1990 et 2000, ce qui ne nous permet pas d'tablir des
comparaisons avec nos propres estimations.
-
256 I. Attan
Tableau 12. -Effectif total et structure de la population
chinoise selon trois scenarii d'volution de la fcondit,
1990-2030
Scnario 1 ISF urbain (enfants par femme) 1990=1,55
2000 2030= 1,70
ISF rural (enfants par femme) 1990 = 2,54
2000 2010 = 2,10 2020 2030 = 2,00
Taux d'urbanisation 1990 = 26% 2000 = 35% 2010 = 43% 2020 = 50%
2030 = 57%
Scnario 2 ISF urbain (enfants par femme) 1990=1,55
2000 2030= 1,20
ISF rural (enfants par femme) 1990 = 2,54
2000 = 2,00 2010 2030= 1,60
Taux d'urbanisation 1990 = 26% 2000 = 35% 2010 = 43% 2020 = 50%
2030 = 57%
Scnario 3 ISF urbain (enfants par femme) 1990=1,55
2000 2010= 1,20 2020 2030= 1,70
ISF rural (enfants par femme) 1990 = 2,54
2010=1,60 2020 2030=2,00
Taux d'urbanisation 1990 = 26% 2000=35% 2010 = 43% 2020 = 50%
2030 = 57%
Population (en millions) 2000 2010 2020 2030
1288 1382 1468 1510
1288 1370 1421 1418
1288 1370 1421 1427
Part dans la population (en %)
1990 2000 2010 2020 2030 Source :
0-14 ans 27,7 26,6 20,8 18,9 17,3
65 ans et plus 5,6 7,0 8,4
11,7 15,9
0-14 ans 27,7 26,6 20,1 16,4 13,9
65 ans et plus 5,6 7,0 8,5
12,1 16,9
Li Jianxm (1997).
0-14 ans 27,7 26,6 20,1 16,4 14,4
65 ans et plus 5,6 7,0 8,5
12,1 16,8
+ 4,2% entre 1990 et 2000, puis + 2,4% jusqu'en 2020. Compte
tenu des restrictions pesant encore sur les migrations des ruraux
vers les villes, l'explosion urbaine annonce pourrait bien ne pas
tre aussi brutale. Ainsi, en surestimant le rythme de
l'urbanisation, ces projections auront mcaniquement sous-estim la
fcondit au plan national, et donc exagr la vitesse du
vieillissement.
Une politique de deux enfants par famille, suggre par certains
spcialistes chinois, pourrait apparatre terme comme un compromis
avantageux, en permettant la fois de prvenir un vieillissement trop
rapide et de faire face plus paisiblement aux problmes sociaux
naissants, comme le dficit de filles et la fixation outrancire des
couples urbains sur leur enfant unique, vritable enfant roi. Mais
cette norme ne prvaut-elle pas, de facto, sous forme de consensus
tacite, depuis prs de quinze ans dj? On a vu que la dcennie 1980
n'avait pas t celle de l'enfant unique en Chine, puisque l'indice
synthtique de fcondit s'est maintenu, malgr
-
La fcondit chinoise aube du xxf sicle 257
les injonctions gouvernementales, au-dessus de 2,2 enfants par
femme, et a mme atteint 2,9 enfants en 1982. La situation des annes
quatre-vingt- dix n'est pas encore connue avec prcision, mais il
apparat que la fcondit n'est pas tombe en de de 1,8 enfant par
femme en 1998. Adopter officiellement une politique de deux enfants
par couple reviendrait donc, de la part du gouvernement, reconnatre
tacitement l'impossibilit de contraindre les couples rduire
davantage leur fcondit. Si nouvelle baisse il y avait, elle devrait
dsormais dcouler des changements socio- conomiques plus que d'une
rigueur accrue dans l'application du programme ; elle devrait tre
spontane, et donc rpondre des besoins individuels.
Que conclure?
l'aube de ce nouveau millnaire, tous les problmes dmographiques
de ce gant mondial ne sont pas rsolus. Certes, la fcondit a atteint
aujourd'hui un niveau inimaginable il y a encore 25 ans : elle se
situe proximit du seuil symbolique de 2,1 enfants par femme, plaant
ainsi la Chine, avec quelques-uns de ses voisins tels Taiwan ou la
Core du Sud, avant- garde des pays en dveloppement dans la
transition de la fcondit. Mais sa situation est, comme on l'a vu,
loin d'tre homogne.
En outre, de nouveaux problmes surgissent. Si la Chine
d'aujourd'hui, hritire de l'atout considrable qu'ont reprsent les
structures de l'ancien systme collectiviste en matire de sant,
d'alimentation, de planification familiale ou d'galit entre
individus a pu jusqu'alors limiter les rpercussions sociales de la
transition conomique, cela pourrait ne plus durer : le
vieillissement s'acclre tandis que les infrastructures financires,
sociales et sanitaires ne sont pas prpares y faire face; les progrs
en termes de mortalit s'amenuisent; les services de sant se
dgradent (Cailliez, 1998); les disparits conomiques s'accentuent.
Qu'en sera-t-il, dans un tel contexte, de la Chine du XXIe sicle?
Il est difficile de se prononcer, d'autant qu'aux proccupations
d'ordre sanitaire ou dmographique viendront se greffer d'autres
problmes aussi imminents que la dgradation continue de
l'environnement, le creusement des carts entre les diffrentes
strates de la population, la monte de la pauvret et du chmage,
l'augmentation des migrations vers les villes, ou encore la
question de la paix aux frontires, au nord-ouest du pays en
particulier, o les minorits turcophones musulmanes du Xinjiang
(ougoure notamment) manifestent un mcontentement croissant envers
le pouvoir central.
L'volution dmographique sera, maints gards, partie prenante dans
les multiples dfis que devra relever la Chine au cours des
prochaines dcennies. La fcondit poursuivra-t-elle sa baisse, au
point que le gouvernement chinois pourrait tre un jour amen
abandonner son programme de limitation des naissances, voire,
l'instar de Singapour,
-
258 I. Attan
oprer un revirement en s 'engageant dans une politique
nataliste? Comment ragira-t-il si la dgradation des conditions
sanitaires s'avre avoir effectivement des consquences ngatives sur
la mortalit ? Comment fera- t-il face, si ces tendances se
confirment, au dficit croissant de filles ? Et l'explosion urbaine?
Attendus avec impatience par la communaut internationale, les
rsultats du recensement chinois de 2000 apporteront, divers gards,
bon nombre d'claircissements et informations sur la priode rcente
et sur l'avenir dmographique probable du cinquime de l'humanit.
Quoiqu'il en soit, la Chine entre dans une phase de
stabilisation de la fcondit, dont l'impact sur l'avenir
dmographique de la plante doit amener rviser les perspectives
internationales. Dans les annes cinquante, environ 100 millions
d'enfants naissaient chaque anne dans le monde : prs d'un sur
quatre tait Chinois; dans les annes quatre-vingt- dix, c'tait
encore le cas pour une naissance sur six. l'horizon 2030, cela sera
le fait d'une naissance sur sept
-
LA FCONDIT CHINOISE L' AUBE DU XXIe SICLE 259
ANNEXES
Tableau annexe 1. -Indices synthtiques de fcondit (nombre
d'enfants par femme), 1970-1990
1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982
1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990
Chine 5,75 5,40 4,92 4,51 4,15 3,58 3,25 2,87 2,75 2,80 2,32
2,71 2,90 2,35 2,24 2,12 2,35 2,58 2,52 2,35 2,31
Milieu urbain 3,22 2,83 2,59 2,36 1,94 1,76 1,60 1,57 1,58 [,40
1,20 1,47 1,79 ,46 ,31 ,27 ,40 ,51 ,47 - -
Milieu rural 6,31 5,96 5,43 4,98 4,62 3,97 3,61 3,14 3,00 3,10
2,56 2,99 3,24 2,61 2,52 2,36 2,62 2,87 2,81 - -
Source : Chen, Coale (1993).
-
260 I. A
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998 1997 a 1995 7661 1993 1992
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La fcondit chinoise aube du XXIe sicle 261
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LA FCONDIT CHINOISE L'AUBE DU XXIe SICLE 263
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-
264 I. Attan
Attan Isabelle.- La fcondit chinoise l'aube du XXIe sicle :
constats et incertitudes Faute de donnes vraiment fiables, la
dernire dcennie du XXe sicle aura t celle
des grandes incertitudes sur la dmographie chinoise. Les sries
redresses des enqutes annuelles rvlent un ralentissement marqu de
la croissance naturelle, passe sous la barre de 1 % en 1998. Mais
ce chiffre est-il plausible ? La fcondit, qui alimente logiquement
la croissance dmographique, atteint, d'aprs les sries non
redresses, des niveaux trop bas pour tre crdibles (moins de 1,5
enfant par femme en 1997), jetant ainsi le discrdit sur la qualit
globale de ces enqutes. Aussi cet article tente-t-il de
reconstituer les tendances de la fcondit dans la Chine des annes
quatre-vingt-dix partir des donnes redresses officielles sur les
naissances. On aboutit alors, en supposant que les naissances n'ont
pas t sous-dclares, un indice synthtique de fcondit au moins gal
1,8 enfant par femme. Diffrentes hypothses quant la sous-dclaration
des naissances lors des enqutes de la dcennie 1990 -hypothses
formules en se fondant sur la sous-dclaration avre dans ces mmes
enqutes lors de la dcennie 1980- conduisent une fcondit qui se
situerait, en 1997, entre 1,83 et 2,16 enfants par femme, de 25 %
48 % suprieure celle provenant des sries non redresses. Mene en
termes de tendances plus qu'en termes de niveaux, l'analyse qui
s'ensuit tente de vrifier la plausibilit de ces estimations, compte
tenu de l'volution rcente de la politique de limitation des
naissances, ainsi que des mutations sociales et conomiques que
connat le pays.
Attan Isabelle.- Chinese fertility on the eve of the 21st
century: fact and uncertainty In the absence of really reliable
data, serious questions remain unanswered about the
state of China's population in the final decade of the twentieth
century. Adjusted series from the annual surveys indicate a marked
slowdown in the rate of natural growth, which fell below 1% in
1998. But can this figure be believed? The unadjusted series
suggest that fertility, which must logically fuel population
growth, has fallen to levels that are too low to be credible (less
than 1.5 children par woman in 1997), thereby raising doubts about
the quality of this source as a whole. Using the official adjusted
figures for births, this article attempts to reconstruct Chinese
fertility trends for the 1990s. If births are assumed not to have
been under-recorded, the result is a synthetic fertility rate of at
least 1.8 children per woman. Applying various hypotheses about the
under-recording of births in surveys in the 1990s - hypotheses
based on the known under-recording in these surveys in the 1980s -
suggests a fertility for 1997 of between 1.83 and 2.16 children per
woman, which is 25% to 48% higher than that from the unadjusted
series. The analysis that follows, conducted in terms of trends
rather than levels, attempts to assess the plausibility of these
estimates, in the context of recent shifts in birth control policy
as well as the economic and social changes affecting China.
Attan Isabelle.- La fecundidad en China en el inicio del siglo
XXI: comprobaciones e incertidumbres La ultima dcada del siglo XX
es un periodo de incertidumbre en lo relativo a la de-
mografia china debido a la falta de datos fiables. Las series
corregidas de las encuestas anuales muestran una disminucin
importante del crecimiento natural, que en 1998 descen- di debajo
del 1%. 6Es plausible esta cifra'' Los nivels de fecundidad
obtenidos a partir de las series no corregidas parecen demasiado
bajos (menos de 1,5 hijos por mujer en 1997), lo cual lleva a
cuestionar la calidad global de estas encuestas. Este articulo
intenta recons- tituir las tendencias de fe