LA DÉMARCHE DE PROJET INDUSTRIEL ET L’ENSEIGNEMENT DE LA TECHNOLOGIE Jacques Ginestié Adresse personnelle : 1, Traverse l'Esperon, 13960, Sausset les Pins Tél. personnel : (33)-42-44-98-42 Fax : (33)-42-44-98-42 Adresse professionnelle : IUFM – UNIMECA Technopôle de Château Gombert 60, rue Joliot Curie 13453, Marseille Cedex 13 Tél. professionnel : (33)-04-91-11-38-14 Fax : (33)- 04-91-11-38-38 Ginestié, J. (1999). La démarche de projet industriel et l’enseignement de la technologie. Éducation technologique, 24, 14-21.
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LA DÉMARCHE DE PROJET INDUSTRIEL...La démarche de projet industriel et l’enseignement de la technologie Jacques Ginestié 2 mai 2010 40616 page 5 permis une certaine harmonisation
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Globalement, la grande majorité des entreprises se retrouvent dans la proposition des
différentes étapes proposées par la DPI. Deux étapes, l’industrialisation et le recyclage,
ne sont pas largement prises en compte dans la pratique des entreprises. Toutes les
entreprises attribuent une grande importance à la production et à ses corollaires directs, la
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conception, l’homologation et l’analyse du besoin. On constate également que les
pratiques des entreprises varient énormément d’un secteur à l’autre ; elles n’attribuent pas
toutes la même importance aux même étapes. Par exemple, les questions d’homologation
semblent moins importantes pour les entreprises de construction mécanique alors qu’elles
sont incontournables pour les entreprises de construction navale, d’appareillage médical,
d’agroalimentaire ou de mobiliers professionnels ; on voit bien à travers cela le poids des
normalisations sur certaines entreprises.
5.2.2. OUTILS UTILISÉS
Nous allons, à présent, observer les outils utilisés par les entreprises en regard de ceux
préconisés par la DPI (Cf. Tableau 11 : Outils utilisés). Cette analyse est une première
approche dans laquelle nous n’avons pas distingué les résultats en fonction du type
d’entreprises. Nous avons regroupé les réponses selon trois critères :
(i) Outils identiques : pour assurer la réalisation prévue à l’étape citée, l’entreprise utilise
les mêmes outils (ou similaires) à ceux décrits dans la DPI (empruntés à l’analyse de la
valeur pour la grande majorité).
(ii) Outils différents : les entreprises utilisent un outil formalisé, repéré par un ensemble de
normes et largement explicitable, différent de celui décrit dans la DPI.
(iii) Autres : cette catégorie regroupe les entreprises qui ont déclaré ne pas avoir d’actions
particulières à une étape donnée et celles qui n’utilisent pas d’outils formalisés.
Tableau 11 : Outils utilisés
Utilisation d’outils
Étapes
Identique Différent Sous-total Autres Total
Analyser le besoin 3% 37% 40% 60% 100%
Étudier la faisabilité 1% 36% 37% 63% 100%
Concevoir 3% 77% 80% 20% 100%
Définir 1% 48% 49% 51% 100%
Industrialiser 1% 32% 33% 67% 100%
Homologuer 2% 81% 83% 17% 100%
Produire 6% 92% 98% 2% 100%
Commercialiser 2% 41% 43% 57% 100%
Utiliser 1% 67% 68% 32% 100%
Recycler 0% 19% 19% 81% 100%
Ces résultats montrent la distance qui existe entre les déclarations des responsables de
projet et la réalité de leurs actions. S’il est évident que les entreprises formalisent
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largement leurs actions en ce qui concerne la conception (80%), l’homologation (83%) et
la production (98%), il n’en est pas de même pour les autres étapes. La dernière colonne
donne le coefficient d’utilisation d’outils formels (rapport entre le nombre d’entreprises qui
utilisent un outil formel et celles qui déclarent avoir une action à cette étape). Pour six
étapes sur dix, les entreprises n’utilisent que peu d’outils formels. Par ailleurs, ce tableau
montre nettement que les outils préconisés dans la DPI ne sont que très peu utilisés par
les entreprises. Il faudrait certes affiner cette étude afin de trouver des descripteurs plus
fins des pratiques. Il n’empêche que la modélisation opérée dans ce cas est très éloignée
des pratiques réelles des entreprises. Ce qui repose le problème de la constitution d’un
corpus de savoirs à enseigner dans la technologie : quelles références, pour quelle
modélisation et pour quelle forme d’enseignement ? Ce sont ces points que nous
discutons dans la dernière partie de cet article.
6. DISCUSSION
L’analyse conduite met en évidence plusieurs éléments importants. L’enseignement de la
technologie au collège s’est structuré autour de la DPI, essentiellement telle qu’elle est
modélisée dans l’ouvrage de Rak et Al (1992). Globalement, les entreprises consultées se
retrouvent dans cette modélisation en ce qui concerne les grandes étapes retenues. En
revanche, nous pouvons constater un très grand écart entre les pratiques effectives des
entreprises à chacune de ces étapes et la description qui en faite dans la DPI. Cet écart
porte sur les outils et méthodes utilisées ; de ce point de vue, la pratique dominante des
entreprises n’a pas grand chose à voir avec ce que l’on se propose d’enseigner aux
élèves.
Par ailleurs, alors que la majorité des enseignants interrogés adopte la DPI pour structurer
leur enseignement, cette structuration privilégie les étapes de production, de
commercialisation et d’analyse du besoin au détriment des autres. L’organisation
pédagogique fait alors largement appel au guidage de l’action ou à des apports théoriques
suivis d’exercices d’application. La technologie enseignée apparaît, avant tout, comme un
ensemble d’activités de fabrication ou d’activités informatiques qui relèvent plus, selon
l’avis des élèves, de travaux manuels ou même de bricolage.
Le parti pris des auteurs de la DPI s’inscrit dans le cadre d’une modélisation d’une
pratique. Or, comme ils le décrivent sans ambiguïté, cette modélisation ne peut pas se
faire sans opérer des choix drastiques :
(i) D’abord, le type d’entreprise : une entreprise qui produit du matériel didactique à
usage de l’enseignement de la technologie ;
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(ii) Ensuite, les outils : l’analyse de la valeur sert de référence à ce processus de mise
sur le marché d’un nouveau produit ;
(iii) Puis la rationalité des choix : à chacune des étapes, la solution choisie est le fruit
de la mise en œuvre d’un outil clair et rationnel, normalisé et symbolique.
(iv) Enfin, le déroulement linéaire de la démarche : l’organisation retenue met en avant
le cheminement de l’objet tout au long de la démarche.
L’exemple choisi ici de la DPI est particulièrement significatif du processus d’élaboration
d’un corpus de savoirs scolaires. Tout est fait pour présenter le processus industriel
comme constitué d’un grand nombre d’invariants, dans lequel il n’y a pas d’incertitudes,
où tout est planifié, pensé, formalisé. On peut comprendre le souci des auteurs mais ce
choix est significatif du problème posé par la modélisation de pratiques afin de constituer
un corpus d’enseignement. D’une part, il privilégie le particulier et de fait conduit à une
réduction de la portée de l’enseignement. La progression qui en découle se fonde sur la
complication de l’objet à produire et non pas sur la maîtrise de concepts ou encore sur
une extension de ces concepts. D’autre part, la légitimité de l’enseignement repose sur
les activités proposées aux élèves. Elles sont simultanément une garantie de la
pertinence à la référence industrielle choisie, un cadre organisateur du travail des élèves
et un ensemble structurant la discipline.
Cette étude montre, si besoin était, que le processus auquel nous avons affaire procède
par décontextualisation, séquencialisation et reconstruction des savoirs enseignés.
Aucune entreprise ne fonctionnement formellement comme la description de la DPI mais
quasiment toutes trouvent une familiarité avec cette description. Les articulations
proposées ne correspondent pas non plus à la pratique des entreprises qui relève d’une
dynamique faite d’anticipation, d’allers - retours, d’essais – erreurs, de nombreuses
discussions alors que la description scolaire de la DPI est une construction assujettie aux
présupposés scolaires. Dans ce processus de transposition didactique, le choix des
savoirs comme références est un élément important du débat. En effet, ces savoirs
semblent trop spécifiques et particuliers pour fonder un enseignement aussi large et
complexe que celui de la technologie. Au-delà de la pertinence de la modélisation opérée,
ce choix pose deux questions :
- Une telle construction est-elle, d’un point de vue pragmatique, opérationnelle pour les
enseignants de technologie ?
- Peut-on, dans une perspective plus théorique, modéliser des pratiques, qui par
essences sont variées, différentes et multiples, pour en faire des savoirs enseignés et
si oui, comment ?
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Si l’on en juge par le grand nombre d’enseignants qui ont adopté la DPI pour structurer
leur enseignement de technologie, la réponse à la première question va de soi : la DPI est
un modèle opératoire pour l’enseignement de la technologie. Pourtant, plusieurs
objections sont concomitantes à cette assertion. Les enseignants ont été largement
formés à la technologie avec comme modèle principal la DPI ; il n’est donc pas étonnant
qu’ils l’utilisent massivement. Changer ce modèle suppose de changer de références et
l’on peut mesurer les difficultés probables à abandonner un enseignement « qui marche »
pour un autre. Cette dimension est clairement explicitée au travers du point de vue des
élèves. Pour eux, l’enseignement de la technologie c’est, avant tout, des activités
manuelles pas très éloignées du bricolage. Le processus rationnel de mise sur le marché
d’un produit tel qu’il se pratique dans l’industrie ne leur apparaît pas nettement. Il convient
de modérer ce point de vue et de se garder de toutes conclusions hâtives. En effet, si
l’opinion des élèves nous fournit un indicateur intéressant, il suppose quelques
précautions méthodologiques, notamment de le mettre en perspective avec l’opinion qu’ils
auraient d’autres disciplines scolaires, ce que nous n’avons pas fait dans cette étude.
En revanche, il semble assez clair, au regard de notre étude, qu’on n’enseigne pas des
pratiques. Il s’agit bien d’une construction de savoirs enseignés qui relève d’un processus
de transposition didactique. Ce qui est en jeu dans l’enseignement de la technologie ce
sont bien des savoirs qui vont être soumis à l’étude par les élèves. Pas plus qu’un autre,
cet enseignement ne devrait être un enseignement pratique fondé sur des pratiques
sociales. Tout au moins, ce ne sont pas les finalités qu’il vise. La question majeure qui
subsiste est bien celle du choix de la référence. Si l’on en juge par les évolutions
majeures des programmes de technologie ces douze dernières années, il semble que ces
choix sont loin de rencontrer le soutien nécessaire afin d’installer une certaine stabilité.
Les changements des programmes ne sont pas le seul fait de l’évolution rapide des
technologies.
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