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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
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The Project Gutenberg EBook of La chambre obscure, by Nicolaas
Beets
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Title: La chambre obscure
Author: Nicolaas Beets
Translator: Lon Wocquier
Release Date: October 14, 2015 [EBook #50211]
Language: French
Character set encoding: UTF-8
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA CHAMBRE OBSCURE
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Produced by Laura Natal Rodriguez and Marc D'Hooghe
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LA CHAMBRE OBSCURE
PAR
HILDEBRAND
--NICOLAS BEETS--
TRADUCTION DE LON WOCQUIER
(From the Dutch "Camera Obscura")
PARIS
MICHEL LVY FRRES, LIBRAIRES-DITEURS
RUE VIVIENNE, 2 BIS
1860
AVANT-PROPOS
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Il y a lieu de s'tonner que la France, qui, depuis si
longtemps,accueille si gnreusement les productions littraires de
l'Allemagne,n'ait jusqu'ici fait, en quelque sorte, aucun emprunt
au gnienerlandais. Cependant la littrature hollandaise suit de prs,
si ellene les gale pas, les littratures allemande et anglaise, sans
parlerde la bonhomie pleine de malice et de bon sens de Cats, de
Vondel, cegnie dramatique dans le _Lucifer_ duquel Milton a
peut-tre taill son_Paradis perdu._--Le Hooft, ce Tacite du XVIe
sicle,--le Bilderdyk,ce gnie qui s'est teint la mme anne que Gthe,
et qui tait aussiuniversel et peut-tre aussi puissant que le
patriarche de Weimar;sans parler de tant de potes si dignes d'tre
connus et tudis, laHollande et la Flandre comptent, aujourd'hui
encore nombre d'crivainsminents qui mriteraient leurs lettres de
naturalisation en France.Nous ne citerons que mademoiselle
Toussaint, chez laquelle la plusexquise dlicatesse de sentiment
s'unit une tonnante profondeurd'observation; M. Van Lennep,
romancier d'un ordre suprieur, leWalter Scott de son pays, et dont
les uvres peuvent tre places,sans trop redouter la comparaison, ct
de celles du clbre conteurcossais; et enfin l'crivain dont nous
voudrions signaler aujourd'huiau public franais l'une des plus
remarquables productions.
Il y a plusieurs annes dj que parut en Hollande, sous le titrede
_Camera obscura_, un livre qui ne tarda pas obtenir un
succsconsidrable. Les deux premires ditions se succdrent six
mois d'intervalle; les deux dernires datent de 1853 et 1854.
Danscelles-ci surtout, l'uvre primitive s'est accrue de pages
nouvelles,et a un tiers environ de plus que lors de sa premire
apparition._Camera obscura_ renferme une srie de tableaux de murs,
de croquis,de fantaisies emprunts la vie hollandaise. Le livre est
sign_Hildebrand_, pseudonyme sous lequel se cache (ce n'est un
mystrepour personne) un des plus grands potes de la Hollande, et le
livremme nous autorise ajouter, un des observateurs les plus fins,
undes esprits les plus dlicats de la grande famille littraire:
M.Nicolas Beets. Il naquit Harlem, le 13 septembre 1814. Son
pretait un chimiste qui eut de la rputation et crivit sur la
sciencequi tait sa spcialit divers ouvrages intressants. Nicolas
Beetsa eu une existence calme, paisible et peu accidente. Aprs
avoir
fait ses tudes l'universit de Leyde, il fut promu au doctorat
enthologie, et l'anne suivante s'accomplirent pour lui deux
vnementsimportants: il pousa mademoiselle Adlade de Foreest,
petite-fille,par son pre, de l'illustre Van der Palm, l'une des
gloires del'universit de Leyde, un des hommes les plus loquents de
sonsicle, et le dernier prosateur vraiment classique de la
littraturenerlandaise. La mme anne, M. Beets fut nomm pasteur
Heemstede,village considrable situ dans les riants environs de
Harlem; ily demeura pendant prs de quatorze annes, s'occupant avec
un zlevraiment vanglique des devoirs de sa charge. Il passa ensuite
en lamme qualit Middelbourg, et c'est l que lui fut offerte,
deuxreprises diffrentes, la chaire de thologie de Stellenbrek, au
cap deBonne-Esprance. Il refusa chaque fois cette mission, et fut
nomm en
1854 pasteur Utrecht, fonctions qu'il occupe encore l'heure
qu'ilest.
M. Beets dbuta de bonne heure dans la vie littraire. Ds l'ge
devingt ans, il publiait un volume, intitul _Jos_, dans lequel il
imitela manire de lord Byron, et qui, tout en se ressentant de la
jeunessede l'auteur, renferme dj de grandes qualits. Plusieurs
autres pomessuivirent ce premier essai, de 1834 1840. La plupart de
ces pomes,parmi lesquels on remarque surtout _Guy le Flamand_,
_Kuser_ et _Adade Hollande_, aprs avoir obtenu sparment l'honneur
de plusieurs
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ditions, ont t runis par l'auteur en un volume, il y a
quelquesannes. M. Beets a publi, en outre, deux recueils de posies
intimes,l'un simplement intitul _Posies_, l'autre tout rcent,
quoiqu'ilen soit dj sa seconde dition, _les Bleuets._ On doit
encore aurvrend pasteur d'Utrecht un nombre considrable de sermons,
devolumes et de brochures ayant trait la religion, la littrature,
l'instruction publique. Nous n'avons pas nous occuper ici dutalent
potique de M. Beets; il nous suffira de dire qu'il est placau
premier rang par ses compatriotes, et nous nous htons d'en revenir
_Camera obscura_, qui forme une uvre tout fait part et des
plusoriginales.
Hildebrand (gardons-lui ce nom, puisqu'il ne l'a pas
abdiquofficiellement) fait prcder son ouvrage des lignes suivantes
qu'ilemprunte, dit-il, au _livre indit d'un anonyme._
Les ombres et les apparences qu'voquent la mditation, le
souveniret l'imagination, tombent dans l'me comme dans une chambre
obscure,et quelques-unes sont si frappantes, si sduisantes, qu'on
trouveplaisir les dessiner, et, en les ornant un peu, les coloriant
et lesgroupant, en faire de petits tableaux qui peuvent tre envoys
auxgrandes expositions, o un petit coin leur suffit. On ne doit
cependantpas y chercher des portraits: car non-seulement il arrive
cent foisqu'un nez de souvenir s'y adapte un visage d'imagination,
mais aussi
l'expression de la physionomie est si peu dtermine, que souvent
unemme figure ressemble cent personnes diffrentes.
Ceci pos, caractrisons rapidement la manire et les
procdsd'Hildebrand.
On s'est beaucoup occup, depuis vingt-cinq ou trente ans, de
l'artpour l'art; on s'est demand jusqu' quel point l'art doit
rflchirla ralit, et tout rcemment encore, le ralisme s'est rveillen
France, aussi bien dans le domaine des arts que dans celui de
lalittrature. M. Beets est un raliste, mais un raliste tellement
part, que nous aurions peine trouver qui le comparer. Il rend
lanature telle qu'elle est, mais sans parti pris, absolument la
manire
de la _Chambre obscure_, dont il invoque le nom, avec une
surprenantefidlit, sans faire grce du moindre dtail et avec la
coopration sipeu sensible, au premier abord, de la main de
l'artiste, qu'on croiraitqu'elle n'a pas touch ces portraits pris
sur le vif. Peu de livresrpondent mieux leur titre que _Camera
obscura_; les personnagesqui y apparaissent sont pleins de vie; ils
marchent, ils sentent, ilspensent sous vos yeux;--vous les
connaissez; ils sont autour de vous;il n'en est pas un que vous
n'ayez rencontr et auquel vous ne puissiezappliquer un nom; car, si
ces personnages sont vtus la hollandaiseet ont les murs de leur
pays, l'homme domine toujours en eux; il percesous l'enveloppe des
coutumes et des habitudes locales et en fait destypes cosmopolites,
universels, dont les originaux se rencontrentpartout. Si les hros
mis en scne par Hildebrand portent ce cachet
de vrit tellement saisissante qu'on les sent vivre au premier
coupd'il, il n'y a pas moins d'art dans la faon dont ils se
groupent, serencontrent, agissent, se combattent ou sympathisent:
le jeu de leurspassions et de leurs intrts est le calque fidle de
la vie relle.Les scnes se droulent, se succdent naturellement, sans
effort, sansrecherche; l'imagination semble n'tre pour rien dans
leur agencement,tant il est simple et facile. De tous les tableaux
qui composent_Camera obscura_, il n'en est pas un seul auquel
puisse s'appliquer, jene dirai pas le nom de _roman_, mais mme la
qualification plus humbleet plus vague de _nouvelle._ Ce sont de
simples calques de la ralit,
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qui la reproduisent avec une fidlit dgage de tout ornement, et
ol'on ne trouve ni ces combinaisons pniblement amenes, ni ces
coupsde thtre imprvus, ni ces types exceptionnels, excentriques et
sisouvent faux, qu'on rencontre chaque pas dans les
compositionslittraires la mode et si rarement dans le monde tel
qu'il est.La Hollande telle qu'elle est, les hommes tels qu'ils
sont, voilce qu'on trouve dans _Camera obscura_; la Hollande dcrite
avec unefinesse de touche et une profondeur d'observation telles
qu'on ne lesrencontre presque jamais dans aucun voyageur, si dlicat
et si profondobservateur qu'il soit;--les hommes peints avec une
vrit frappante etnave qu'on retrouve chez bien peu d'crivains
moralistes. J'ajouteraiqu'on y voit l'auteur lui-mme, Hildebrand,
jouant son rle dans lesscnes qu'il dcrit; je n'ai pas besoin de
dire que c'est une vritablebonne fortune. Esprit fin, caustique et
pntrant,--humour incisifet du meilleur aloi,--sentiments nobles et
touchants, voil ce quicaractrise l'homme et ne peut manquer de lui
attirer les sympathies dulecteur.
Un mot encore: les Hollandais sont-ils flatts dans _Camera
obscura_?demandera-t-on peut-tre. Nous avons dit que les portraits
sontressemblants, ressemblants comme l'image qui se peint au fond
d'unechambre obscure. Un portrait ressemblant flatte bien rarement,
maisun portrait au daguerrotype a-t-il jamais flatt personne?
Quoiqu'il en soit, nous empruntons la prface de la seconde dition
de
_Camera obscura_ la constatation de l'effet produit sur les amis
et lesconnaissances des modles par l'uvre de l'artiste, et nous ne
serionspas tonns que la mme impression se renouvelt en France, car
cesportraits ont le rare privilge de ressembler tout le monde et
dene ressembler personne. Voici comment s'exprime Hildebrand dans
sonavertissement:
On s'est beaucoup ingni dsigner les originaux des personnagesque
j'ai mis en scne, et j'ai vu, ma grande satisfaction, que,
danschaque ville, que j'y sois jamais all ou non, on a su nommer
six ousept personnes qu'on affirmait trs-formellement avoir pos
pour telou tel de mes portraits. Je ne croyais vraiment pas que,
dans ce basmonde, tant de _Nurks_ et de _Stastok_ exhibassent leurs
aimables
qualits, et suis tonn du zle obligeant qu'on met les montrerdu
doigt. Toutefois, je ne puis interdire ce petit plaisir au
bonpublic, ni m'en formaliser; mais je prends la libert de rappeler
lesparoles de l'anonyme dans son livre toujours indit, et de
dclarer enconscience que ma _Chambre obscure_ est toujours place
sans intentionmalicieuse, que je ne la tourne ou ne la retourne et
ne lui imprimejamais le moindre mouvement avec le dessein de la
pointer d'une faonindiscrte. Que je n'aie encore pu l'installer au
sommet du Godesbergni sur le dme de Milan, j'en suis
particulirement fch pour ceuxqui aiment les choses grandioses et
trangres; mais il est videntpour moi que le plus grand nombre s'est
trouv satisfait de mes petitstableaux, de mes tableaux hollandais.
Il faut savoir que, grce auxvivants et aux morts, nous connaissons
si bien les trangers, que 'a
t une chose toute charmante de faire un peu attention nous-mmes,
titre de changement.
Les lignes qui prcdent taient destines servir de prface unvolume
renfermant la traduction de quelques-uns des principaux pisodesde
_Camera obscura._ Ce volume a paru, il y a deux ans, sous le
titrede _Scnes de la vie hollandaise._ Les petits tableaux de
Hildebrandont t fort visits et apprcis dans le petit coin de la
grandeexposition qui leur tait ouverte, et l'on a bien voulu
oublier uninstant pour eux les choses _grandioses et trangres._
C'est ce qui
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nous dcide complter notre travail en offrant au lecteur dans
leprsent volume la seconde partie de _Camera obscura._
LA CHAMBRE OBSCURE
I
LES PETITS GARONS.
Qu'on est heureux quand l'habit de l'enfance Vous flotte encore
sur les paules! Jamais le mchant temps ne le calomnie; On est
toujours gai et content.
Le sabre de bois du hussard Amuse le jeune garon, Et la toupie
et le bton Sur lequel il va califourchon.
Et lorsqu'il lance dans l'air bleu La balle aux raies
bigarres,
Il ne pense pas an parfum des fleurs, Ni l'alouette, ni au
rossignol.
Rien n'attriste, rien dans le monde entier, Son visage serein et
radieux, Que quand son difice tombe l'eau Ou que son sabre se
brise.
L'enfant joue et court Pendant tout le long du jour travers le
jardin et les champs verts, la poursuite des papillons;
Bientt tu transpireras Non plus toujours content, Et apprendras
dans le gros Cicron Du latin moisi.
La pice originale est de Holtz, qui en a fait beaucoup de
jolies;et il est fcheux que les jeunes potes se laissent aller en
fairedes traductions non hollandaises; moi, au moins, j'en ai une
de cesjolis vers, qui conviendrait mieux sous le titre de _Jeux
d'enfant_,que dans la traduction d'un tas de jeunes Hollandais. Et
vraiment, lespetits garons hollandais sont une gentille race. Je ne
dis pas celapar ngligence et encore moins par mpris des petits
garons allemands,franais et anglais, puisque je n'ai le plaisir de
connatre que les
hollandais. Je croirai tout ce que Potgieter dit dans sa
deuximepartie du _Nord_, sur les Sudois, et ce que Wap dira sur les
Italiensdans son _Voyage Rome_; mais aussi longtemps qu'ils se
taisent, jetiens pour mes propres garons, bien btis, aux joues
rouges, et,malgr la loi contre les Belges, pour la plupart _spes
patri_ enblouse bleue.
Les petits garons hollandais... Mais avant tout, madame, je
doisvous dire que je ne parle pas de votre fils unique, au nez ple,
avecdes cercles bleus sous les yeux, car, avec tout le merveilleux
de son
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dveloppement prcoce, je ne lui en fais pas mon compliment.
D'abord,vous vous proccupez beaucoup trop de ses cheveux, que vous
faitestoujours friser; et d'un autre ct, vous tes trop sentimentale
dansle choix de sa casquette, qui est uniquement faite pour saluer
sononcle et sa tante, mais qui est parfaitement incommode et
intolrablepour chasser aux papillons et pour jouer la guerre, deux
jeuxfavoris, madame, que vous trouvez trop sauvages. En troisime
lieu,vous avez, je crois, trop de livres sur l'ducation pour bien
lever unseul enfant. En quatrime lieu, vous faites apprendre au
vtre collerdes botes, et faire d'insignifiantes choses. En cinquime
lieu, ilsait sept choses de trop, et en sixime lieu, vous le
grondez quand ila les mains sales et que ses genoux viennent
regarder par les jambesdu pantalon; mais comment ferait-il des
progrs au jeu de billes?Calculez la diffrence qu'il y a entre un
sarcloir et un soufflet. Jevous assure, madame, qu'il mange ses
ongles, et il continuera de lefaire;--qu'est-ce que la socit peut
attendre d'un homme qui mangeses ongles? Il porte aussi des bas
bleus avec des souliers bas, c'estinou! Savez-vous, madame, ce que
vous faites de votre Frantz? 1 unespion, 2 un rapporteur, 3 un
pinceur, 4 un lche, 5... Oh! chredame, donnez votre petit garon une
autre casquette, un pantalon avecde profondes poches, de bonnes
bottes fortes, et ne le laissez jamaisparatre aux yeux des gens
sans une bosse ou une corchure, et ildeviendra un grand homme.
Le petit garon hollandais est pesant et lourd; il a des
genouxsolides, des os solides. Il est blanc de peau et color de
sang. Sonregard est franc mais brutal. Il porte de prfrence ses
oreilles horsde sa casquette. Ses cheveux sont, depuis le dimanche
matin jusqu'ausamedi soir quand il va au lit, tout fait en dsordre.
Le reste de lasemaine, ils sont bien. Il n'a ordinairement pas de
boucles. Cheveuxboucls, esprit de travers. Mais il n'a pas non plus
les cheveux plats;les cheveux plats sont bons pour les avares et
les curs oppresss;cela ne se trouve pas chez les petits garons; on
n'a de cheveux plats,je crois, qu' sa quarantime anne. Le petit
garon hollandais portede prfrence sa cravate comme une corde et il
prfre encore n'enpas porter du tout,--une blouse bleue ou carreaux
cossais, et unpantalon retourn; ce dernier vtement s'use vite. Dans
ce pantalon, il
porte successivement tout ce que le temps lui donne, cela varie:
desbilles, des balles, un clou, une pomme demi mange, une jambette,
unbout de corde, trois cents, une boulette de pte amorcer le
poisson,une chtaigne sche, un morceau d'lastique de la bretelle de
son frrean, un suceur en cuir pour tirer des pierres du sol, un
serpenteau,un sac de sucreries, une touche, un bouton de cuivre
pour le fairechauffer, un morceau de miroir, etc., etc.; le tout
bourr et maintenupar un mouchoir de couleur.
Le petit garon hollandais fait au printemps une collection
d'ufs;dans la prise des nids, il donne des preuves de force et
d'adresse, etpeut-tre de dispositions pour la carrire maritime,
vocation propre notre peuple; dans l'achat des sortes trangres, il
donne des preuves
d'une inbranlable bonne foi, et dans l'change de ses doubles,
unesprit prcoce et commercial hollandais. Le petit garon
hollandaisfrappe ses boucs ferme, et pour donner du pain de seigle
ses animaux,il n'a pas son pareil. Le petit garon hollandais est
beaucoup moinsimbu de la doctrine des princes que le matre d'cole
hollandais; mais,en ce qui regarde l'ducation des colleurs et des
cocons, il pourraitpasser un examen de premier rang. Il est fou du
march aux chevaux etse promne la parade devant les tambours en
tournant le dos aux beauxhommes. Le petit garon hollandais
s'encanaille facilement et puise debonne heure dans un dictionnaire
qui ne plat pas aux mres; mais il
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a peu de prsomption vis vis des domestiques. Il est
ordinairementrouge fonc; et lorsqu'il doit entrer et demander son
oncle ou satante comment ils se portent, il dit peine quelques mots
dans cettecirconstance; mais il est moins avare de paroles et moins
embarrassau milieu de ses gaux, et il n'a pas peur d'exprimer son
sentiment.Il hait les lches et les rapporteurs, d'une haine
parfaite; il tendraassez vite son petit poing, mais il mnage son
adversaire; il a unetache d'encre perptuelle sur son col rabattu,
et un peu de penchant marcher de travers dans ses souliers; il
soutient son pre qu'on peutpatiner sur une glace d'une nuit, et
dispose de la gele et du dgelselon son bon plaisir; il mange
toujours une tartine de mas et apprendune leon de plus, selon qu'il
en a le got; il lance une pierre dixlois plus loin que vous et moi,
et tourne trois fois sur sa tte sansavoir de vertiges.
Salut! salut, joyeux et sain, gai et robuste compagnon; salut,
salut,toi le florissant espoir de la patrie! Mon cur s'ouvre quand
je tevois, dans ta joie, dans tes jeux, dans ton laisser aller,
dans tasimplicit, dans ton tmraire courage. Mon cur bat quand je
pense ce que tu deviendras: mordras-tu toujours une bouche la
mmepomme, et dans les annes qui suivront, n'apprendras-tu pas qu'il
estncessaire de prendre la pomme dans le coin et de la manger seul,
etmme d'en mettre la pelure part et d'en semer les grains pour
tapostrit? Aujourd'hui, tu prtes ton dos robuste ton ami plus
leste,
qui s'lve sur tes paules pour chercher, au sommet de l'arbre,
lenid de sansonnet; l'exprience t'apprendra-t-elle un jour qu'il
vautmieux prendre une chelle et aller chercher le nid soi-mme, que
derendre un bon service et d'en attendre la rcompense? C'est le
monde!Mais en toi ainsi sont les semences de beaucoup de malheurs
et dechagrins! Ta passion exagre, ton innocente tendresse, ta
lgret,ton ambition, ta vivacit et ton sentiment de l'indpendance
portjusqu' l'incrdulit! Oh l si dans tes annes postrieures tu
regardesen arrire vers ton enfance, ce sera la joie que tu envies
le plus etcependant que tu gotes le moins, parce que tu es aussi
peu mchantque tu es plus innocent, mme dans le mal. Le ciel vous
bnisse tous,bons petits garons que je connais! Quand je regarde
autour de moi,que j'aime vous voir longtemps et joyeusement jouer!
et lorsque je
vois venir le srieux de la vie, qu'il vous donne aussi des
curssrieux pour la comprendre, mais qu'il vous laisse, jusqu'
votredernier soupir, garder quelque chose d'enfantin et de jeune!
Qu'ilvous prodigue, dans votre pleine fracheur, les sentiments qui
aidentle jeune homme marcher purement dans sa voie, et qui font
l'ornementde l'homme, afin que, devenant aussi hommes par
l'intelligence, vousrestiez enfants pour la mchancet! C'est mon
unique vu, mes chersamis, car je ne veux pas vous distraire un
instant de la toupie et ducerceau sans vous donner pour la dure de
cette joie, autre chose ...qu'un vu.
II
MALHEURS D'ENFANT
Je reviens encore une fois aux beaux vers de Holtz:
Qu'on est heureux quand l'habit de l'enfance Vous flotte encore
sur les paules!
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Jamais le mchant temps ne le calomnie; On est toujours gai et
content.
Rien n'attriste, rien dans le monde entier, Son visage serein et
radieux, Que quand son difice tombe l'eau Ou que son sabre se
brise.
Il ne manque certainement pas d'loges de la jeunesse et des
jeunesannes. Je l'avoue de tout cur; mais je prends la libert de
remarquerqu'ils sont uniquement crits par des hommes d'ge, ou au
moins par desjeunes gens au point de vue desquels le bonheur de
l'enfant ne souffrepresque pas d'exception. Et c'est assurment une
triste preuve de ladsolante situation de l'homme dans les jours
plus avancs. Mais je nesais s'il y a jamais eu de petits potes de
sept, huit ou neuf ans,qui aient trouv leur bonheur actuel aussi
inestimable. Et cependantceux-ci en taient tout prs. Lorsque
j'allais l'cole hollandaise;nous faisions dans la classe suprieure,
compose de messieurs deneuf dix ans, tous les mercredis matin, une
composition tantt surun sujet donn, tantt sur un thme choisi et
imagin par nous. Mais,j'en appelle aux Jean, Pierre, Guillaume et
Henri avec lesquels j'ait assis sur les bancs de la rue des
Jacobins, y a-t-il jamais euquelqu'un parmi nous qui ait rempli son
ardoise d'une dissertation oud'une amplification sur les
jouissances et sur le bonheur inaltrable
de l'enfance? Non, nous crivions des articles pleins de sens sur
lavertu ou sur les quatre saisons; et _Sanderre_, dont le pre
taitadjudant d'un gnral, a six fois crit sur le cheval; et Pierre
G.,qui n'tait jamais sur le tableau de punition, et ne voulait
pasprendre part au noble exercice d'attraper des horions; il
traitaittoujours de l'obissance et du zle, ide laquelle le
ramenaienttoujours les inscriptions de ses cartes de satisfaction.
Enfin, jen'ai jamais vu mes collgues traiter des sujets joyeux.
Moi-mme, jen'ai jamais gure pu produire qu'une dissertation
philosophique surle contentement, un bonheur qui passe
ordinairement devant le jeunehomme, qui est vraiment ambitionn par
l'homme fait, et qui viendraitparfaitement point au vieillard si
ses infirmits corporelles luipermettaient encore d'en jouir. C'est
une trs-jolie chose que le
contentement, mais qui est renferme dans l'ensemble du bonheur
del'enfant et n'a rien en soi de remarquable.
Mais, pour en revenir notre sujet, cette plnitude de bonheur
del'enfant, nous n'en semblions pas, dans ce temps-l, tellement
pleins,que nous dussions l'pancher. J'ai bien pens un jour qu'un
signe duvrai et authentique bonheur est qu'on a moins besoin de
s'pancher,tandis qu'au malheur il faut des plaintes et des
lamentations pour nepas verser de larmes. Car les hommes qui ont
toujours la bouche pleinede leur bonheur, je les ai vus souvent
chercher une autorit qui, aprsavoir entendu leur rapport, pouvait
dclarer qu'ils sont heureux, cedont eux-mmes n'taient pas de srs
apprciateurs. Ils s'estimentainsi, non pas prcisment heureux, mais
malheureux avec excs; mais
ils runissent ce qu'il y a de bon dans leur sort, et
l'accumulent dansles discours qu'ils vous font la promenade, ou si
vous dormez dans lamme chambre qu'eux, surtout aprs un bon souper,
ils vous adressent laparole de leur lit, de faon vous faire envier
leur position; celalve incontinent leur froid bonheur une haute
temprature. Vousappliquez une main chaude sur leur thermomtre.
C'est l une belle remarque que j'ai faite et que je clos par
cettejolie image physique; mais, en rflchissant davantage sur le
sujet,je me suis souvent demand si l'cole est bien le lieu o l'on
peut
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sentir profondment le bonheur de l'enfance. Je sais bien que le
matren'est plus assis en bonnet de nuit et en robe de chambre, et
armd'une effrayante frule, dans la chaire, et ne nous porte plus
parl'expression terrible de ses yeux et de ses gestes une telle
fayeurque, l'exemple des jeunes gens d'autrefois, nous eussions
avou quec'est bien nous qui avons cr le monde, mais que nous ne le
feronsplus, plutt que de rester sans rponse la premire question
ducatchisme, et aussi nous ne lisons plus, notre formidable
ennemile _Journal de Harlem_, depuis _a_ jusqu' _z._ (En
sommes-nous moinsbons politiques)? Nous sommes aussi dans un bon et
vaste local, sihaut et si ar, que parfois nous avons des courants
d'air dans lesjambes; il n'est pas rare que nous ayons vue sur une
blanchisserie avecun pommier ou sur une cour intrieure. Mais le
matre est si gros etles sous-matres sont si longs, leurs lunettes
et leurs favoris ont unair si impitoyable, et les tableaux sont si
noirs, et les tables siinsociables, et la carte des Pays-Bas est
pendue depuis si longtemps la mme place, que nous savons mieux y
indiquer de petites dchirureset taches d'encre que les villes...
C'tait encore alors les dix-septprovinces[1]. Ajoutez tout cela, le
cur m'en saigne encore, latable des occupations terribles,
occupations dont l'addition faitpenser aux livres d'arithmtique et
de gographie, et tant d'autreslivres dont les feuillets vacillent
dans les volumes, cause desattouchements convulsifs des doigts
dsesprs de jeunes messieursqui ne peuvent retenir combien de vaches
viennent par an au march au
btail, combien d'habitants et d'imprimeries il y a Ensched,
etcombien il y a Harlem de sacristies et d'instituts pour les
matresd'cole, et qui ne peuvent saisir comment ils doivent s'y
prendre pourtablir la somme des rgles prcdentes! Oh! les livres
d'arithmtique,c'tait le ct faible de beaucoup d'entre nous. mes
yeux, il n'yavait pas de livres plus odieux. D'abord, ils taient
trop pleins delettres et puis trop pleins de chiffres. Il y a
parfois une profusionde fautes dans l'indication des rsultats; mais
si ces fautes n'y sontpas, en revanche, les ditions sont
dtestables. Voyez un peu, vousavez votre ardoise couverte d'une
addition importante; trois fois djvous en avez effac la moiti,
parce que vous avez remarqu que vousn'aviez pas compris la
question; mais enfin la somme y est, et vousavez comme rsultat: 12
lastes[2], 7 muids, 5 boisseaux, 3 litrons,
8 mesures d'orge. La conscience tranquille et avec le
bienheureuxsentiment d'avoir fait votre devoir comme membre zl de
la socit,vous devriez donner votre ardoise au sous-matre. Mais non!
l'odieuxlivre donne, sous ce titre prsomptueux: Rsultat,--95
lastes, 2 muids,1 boisseau d'orge et pas une seule mesure. Il est
vident qu'il y a uneerreur; vous avez fait trois fois toutes les
multiplications et toutesles divisions: enfin vous prenez la
rsolution d'effacer tout, et vousavez encore votre manche sur
l'ardoise, lorsque le sous-matre vient etcroit que vous n'avez rien
fait. Voil ce que j'avais contre les livresd'arithmtique. Mais le
pire et le plus absurde de cette invention,c'est qu'elle vous tient
captif de toutes les manires. Vous tes ldepuis neuf heures et demie
l'cole par le beau temps, dans le moisde mai, lorsque la verdure
est jeune comme vous, et, ce qui est plus,
lorsque les mares et la boue sont dessches, et que le
magnifiquetemps est on ne peut plus favorable au jeu de chiques.
Vous tes depuisneuf heures et demie l'cole o vous avez mis le pied
en jetantun regard d'envie sur les enfants des pauvres, qui ne
reoivent pasd'instruction et jouent aux dutes[3] dans la rue. On
vous a d'abordforc de chanter avec vos compagnons de jeu le
cantique:
Quelle joie! l'heure de l'cole a sonn Que chaque enfant dsire
tant!
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
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--Aprs cela, vous avez lu pendant une heure sur un modle de bon
petitgaron, si bon, si doux, si obissant, si habile et si studieux,
quevous lui donneriez volontiers un regard de vos yeux bleus si
vous lerencontriez dans la rue; ou si vous tes un peu plus avanc,
l'esquissede la vie d'un trs-grand homme qu'il vous semble pdant et
dsesprd'imiter; et cette esquisse est entremle artistement d'un
entretienentre des petits garons et des petites filles avec
lesquels vousn'avez pas la moindre sympathie, quoiqu'ils soient
vraiment tonnsdes effrayantes connaissances de ce grand homme dont
le pre Telhartet Braelmoed leur racontent l'histoire. Pendant
l'heure suivante,vous avez crit un bel exemple; c'est savoir si
vous crivez engrand le mot wederwaardigkeit[4], remarquable par
deux difficiles_w_; vous le tracez sept fois sans pouvoir le
russir, ou, si vouscrivez en petit, vous le tracez quinze fois,
huit fois au-dessus etsept fois sur la ligne _Voorzigtigkeid is de
moeder der wysheid_[5],dans laquelle circonstance vous avez omis
deux fois le mot _der_, cequi peut arriver trs-facilement la suite
de la dernire syllabe dumot _moeder_, et vous avez mis une fois
_voorzwyzigkeid_ au lieu de_voorzigtigkeid_; ces erreurs vous font
penser avec un peu d'anxit l'heure o la critique du matre viendra
prononcer son arrt. Pour nepas parler de ce que vous avez t
tourment par une mauvaise plume,par d'innombrables cheveux dans
l'encre, par un tache ou deux jetesavec la nonchalance d'un artiste
sur votre cahier d'criture, etl'inflexible loi qui vous a oblig de
donner votre plume deux fois pour
la faire tailler un sous-matre qui s'y entend autant qu'
crire.Puis vient l'arithmtique. Je l'ai laisse longtemps attendre,
cherslecteurs, mais c'est parce que pour moi elle est arrive si
souventtrop tt! Voici l'arithmtique! Remarquez que, dans le cours
de lamatine, vous tes inscrit deux fois au tableau des punitions:
unefois parce que vous avez murmur l'oreille de votre voisin de
droited'une faon suspecte, bien que ce que vous lui avez dit ait
traitdes balles bon march dans la large ruelle du Pommier, et une
foisparce que vous avez laiss voir votre voisin de gauche une
chique enalbtre, sur quoi le corps du dlit vous a t enlev, et vous
tesdans la pnible incertitude de savoir si vous le reverrez
jamais.Runissez tout cela et ouvrez votre arithmtique, qui vous
agace avecla treizime somme et o, comme pour vous faire subir le
supplice
de Tantale, elle vous prsente avec le plus grand sang-froid un
belexemple de cinq petits garons, je dis cinq, qui doivent jouer
ensembleaux chiques et dont l'un a, au commencement du jeu vingt
chiques, lesecond trente, le troisime cinquante, le quatrime... Il
n'y a pas y tenir, les larmes vous viennent aux yeux; mais vous tes
encore lpour une heure entire et chiffrer encore! Oh! je tiens pour
certainque la plupart des faiseurs d'arithmtique sont des
descendants du roiHrode.
De tout ce que j'ai avanc jusqu' prsent, il ressort clairement
quel'cole n'est pas prcisment un lieu de nature faire dborder
dejouissance et de bonheur l'me de l'enfant. Je ne crois pas que
jamaiscette ide soit venue aucune petite tte blonde ou brune. Non,
non,
l'cole est aussi bonne qu'elle peut l'tre. L'cole, par les
nouvellesmesures prises, a t rendue aussi agrable et aussi
supportable quepossible; mais ses plaisirs sont minemment ngatifs.
L'cole gardetoujours quelque chose de la prison, et le matre, aussi
bien que lessous-matres, conservent quelque chose de l'pouvantail.
Le mot de VanAlphen:
Apprendre est un jeu,
ne sera rectifi par aucun enfant, pas mme par les plus studieux.
Je
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m'imagine avoir appartenu cette catgorie; mais, quand mon pre
ouma mre me faisaient l'honneur de raconter mes oncles et tantes
quej'tais content quand les vacances taient finies, toute mon me
sesoulevait contre cette noble ide (qui me semblait
trs-fanatique),et il m'a fallu des annes pour vaincre l'anxieuse
rpulsion quem'inspiraient mes matres respectifs. Il y en a aussi
qui, malgr lamthode perfectionne, lectrisent un enfant s'il n'est
pas des pluspeureux.
Oui, mes chers amis, cachons ces pages tous les chasseurs
depapillons et tous les joueurs au soldat; mais avouons que ce sont
desmalheurs de l'enfance: petits et insignifiants s'ils sont
considrsde notre hauteur de pdants, mais grands et lourds dans les
petitesproportions du monde des enfants; malheurs qui inquitent,
tourmententet secouent, et qui exercent souvent une grande et vive
influence surla formation du caractre.
Nous avons prouv tous, les premiers et les plus grands,
c'est--direavec la permission de Pestalozzi et de Prinsen, l'cole.
C'est unchancre, et tous les jours un chagrin nouveau. Un homme
poursuivipar ses cranciers prouve quelque chose des douleurs que
souffrel'enfant en puissance de matre. Notre bon Holty, lui-mme, ne
peuts'empcher de le menacer de ses vers. C'est pourquoi je voulais
vousprier d'avoir piti du sort de vos rejetons. Ils doivent tous
aller
l'cole; c'est une loi de la nature aussi certaine que celle
parlaquelle nous devons tous mourir; mais de ce que, d'aprs le
coursdes choses, nous ne devons pas mourir notre dix-huitime anne,
jevoudrais que l'cole ne comment pas pour eux avant leur
huitime.C'est bien gentil que nous devions la prononciation change
desconsonnes que, ds l'ge de cinq ans, le petit Pierre puisse dire:
Jesais lire! mais je ne sais pas si, dix ans, le petit Pierre,
ensomme, aura autant profit que tel autre qui aura commenc peler
sept ou huit ans. J'offre ceci aux mditations de tous les
cursphilopdiques et n'ose pas, avec aussi peu d'exprience
qu'Hildebrand(Hildebrand sans barbe, disent les critiques de
journaux), pouvoiresprer de faire prvaloir mon opinion en si peu
d'annes.
Pour donner une autre tournure au sujet, et parler d'un autre
malheurde la valle des larmes de l'enfance, vraiment, chre dame,
vous quitrouvez le monde si dloyal et les hommes si inconstants, la
pertedes illusions peut peine peser aussi lourdement sur vous que
laperte des dents sur les enfants. Vous souvenez-vous encore bien?
Voussentiez,--non, vous ne sentiez pas,--oui, hlas!--vous sentiez,
tropcertainement,--que vous aviez une double dent. Et la premire
taitsolide comme un mur. Six jours durant, vous cachez votre
douleur:parfois vous l'oubliez; mais six fois par jour, au milieu
de vosjeux, en savourant le plus friand craquelin, en faisant la
plus doucechose, vous sentez toujours cette affreuse double dent.
Votre seuleconsolation tait que la premire se dtacherait
facilement. En effet,la raison et la nature autorisaient cet
espoir. L'exprience pourtant
apprend qu'il en est autrement. Le septime jour, c'tait un
dimanche,votre petit service th est prt sur votre petite table, et
vospetites choses sont avec les deux poupes; la nouvelle est pour
vous,et la vieille pour votre petite cousine Catherine, qui vient
jouer avecvous; et le soir vous cuirez une brioche de biscuit pil
et de lait, etune tartine avec des fraises couronneront le tout.
Vous tmoignez votrejoie par un grand cri, en apprenant ce dernier
article. Laissez-moivoir votre bouche, dit maman. Comment! une
double dent? Et votre joieest perdue. Vous vous esquivez comme si
vous aviez commis un grandcrime: probablement, grce votre
souffrance, vous serez de mauvaise
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humeur et hargneuse contre Catherine; la brioche n'aura pas de
charmespour vous, les fraises pas de; got, et vous irez au lit en
rvantdu mal de dents. En vain mettez-vous l'preuve tous les
remdesdomestiques les uns aprs les autres: secouer la dent avec la
main,mordre sur une crote dure, que, pour viter la douleur
ventuelle,vous mettez dans l'autre coin de votre bouche; vous
appliquez un filauquel vous n'osez pas tirer. Le dentiste doit
venir. Il est venu,n'est-ce pas, l'affreux homme? Il avait, vos
yeux, l'aspect horribled'un bourreau. Il feignait de ne vouloir que
toucher votre dent et ill'a tratreusement tire. Sur ces
entrefaites, ce mchant tour est pourvous un bienfait qui compte
pour toutes les autres fois. Ne me parlezpas des chagrins des
grandes personnes. Elles ne se comparent pas celle-ci. Il n'y a pas
de marchand sur le point de sauter qui voieapprocher avec plus
d'angoisse le jour o il sera renvers, qu'un petitgaron ou une
petite fille ne voient arriver avec terreur le jour ol'on doit
arracher la double dent.
Nous sommes aux malheurs physiques. Eh bien, il y en a encore
plusqu'on ne pense. Devenir grand, quelque belle et excellente
inventionque ce soit, est la cause de beaucoup de douleurs. Car
d'abord, onpasse de grands bras nus hors des manches, de grands bas
hors dupantalon. Avec cela, on est honteux d'ordinaire d'avoir des
botteslaces ou des souliers boucle, parce qu'il y a toujours
quelquespetits garons prcoces qui ont des demi-bottes, et des
jeunes filles
avances qui s'lvent sur des souliers longs rubans. Beaucoup
demres ne comptent pas, ce qu'il parat, que non-seulement les
jambesgrandissent, mais que tout le corps crot, et que par
consquentla bonne nature et de sages raisons prouvent que, si les
jambes depantalon peuvent tre allonges, le reste du vtement
demeurant lemme, on se trouve condamn, par une trs-dsagrable
compression, la circonfrence du corps, autre cause de maintes
nouvelles croix dansplus d'un sens, et de maintes dchirures. Mais
c'est aussi un mauvaisct de l'avantage qu'il y a devenir grand, qui
diffre chez lesindividus, si bien que rester petit s'oppose devenir
grand, qui esttant pris. Maintenant, ce n'est pas un plaisir,
chaque fois qu'onvient faire une commission de papa ou de maman, et
qu'on va jouer avecLouis ou Thodore, de se voir tourner le dos par
monsieur, madame,
mademoiselle, et parfois la servante, pour retourner la maison
avecla conviction rafrachie qu'on est d'une tte ou d'une
demi-tteplus petit, et une vraie cosse de pois. On nomme cela vivre
dans lasocit, quand on l'applique au moral; et cette taxation du
physiqueest la seule pour laquelle le temps de l'enfance soit
sensible, ettrs-sensible. Non, il n'est pas beau de la part des
grandes personnesde saluer les petits de cette continuelle
apostrophe: Comme vous tesdevenu grand! la longue, cela ne peut pas
plaire.
Mais il y a aussi une taxation morale qui, si elle ne blesse,
pasprcisment les enfants, ne leur fait cependant pas plaisir.
Ellersulte de la circonstance que l'homme de trente-cinq quarante
ans,et de quarante quarante-cinq, est dj bien loign de sa
cinquime
anne et a beaucoup oubli, et tant, qu'il ne sait plus rien de
cequ'il sentait, comprenait, gotait lorsqu'il tait enfant. De l
vientque la mesure par laquelle il apprcie les enfants est trop
petite ettrop resserre, et que mainte joie qu'il donne de jeunes
curs estretenue par lui, parce que, dans sa sagesse d'homme, il
estime qu'ilssont encore trop jeunes pour cela, et puis, qu'ils ne
puissent yarriver comme si on tait venu sans mains au monde et avec
un instinctseulement pour mettre tout en pices. Et par suite, les
divers affrontsqu'il subit, parce que chacun pense qu'un enfant ne
sent pas maintechose qui le frappe pourtant profondment. Et puis,
la passion des
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
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douceurs qu'on commence juste retrouver grande de la veille,
pourles petits gteaux en prix d'autre chose. Vraiment, vraiment, on
a vucrotre dans la socit maint accs misanthropique et lche,
parcequ'tant enfant on tait trop petit pour avoir le sentiment de
sadignit.
Je ne parle pas de courir avec des chapeaux et des casquettes,
ni dela diffrence de sentiments, selon le temps, qui, entre les
parents etles enfants, peut s'tablir d'une manire sensible. Je ne
parle pas decertaines institutions barbares o les jeunes sont
condamns porterla dfroque des vieux; de sorte que le quatrime fils
porte une blousetire de la veste de son frre an; de laquelle veste,
les deux frressitus entre eux avaient un pourpoint sans col et un
avec col;--ni desmisrables proverbes considrs comme des oracles par
les parents, etmaudits par la postrit comme de mprisables paradoxes
et sophismes,comme, par exemple, que les vieux doivent tre les plus
sages. Je neparle pas de tous ces malheurs, car mon morceau est dj
trop long.S'il peut seulement engager quelques-uns de mes lecteurs
tre plusdlicats avec les jeunes erreurs des petits, et plus
attentifs mnager leurs petits chagrins pour les laisser jouir sans
trouble deleurs grands plaisirs. La jeunesse est sacre; elle doit
tre traiteavec prudence et respect; la jeunesse est heureuse, on
doit veiller ce qu'elle prenne le moins de part possible au malheur
de la socit,dans la mesure o elle le puisse subir, son ge; on doit
parfois
la tourmenter et lui tomber charge,--pour son bien,--mais il
fautprendre garde d'exagrer. Toute une vie qui suit ne peut
compenserune jeunesse opprime; car quelle flicit les annes
postrieurespourront-elles donner pour le bonheur gaspill d'une
jeunesse innocente?
[Footnote 1: Quelle simplification le trait des vingt-quatre
articlesa amene dans l'instruction primaire! La Belgique de moins
tudier!Toute la jeune Hollande profita de la Rvolution de 1830.
(_Note del'auteur._)]
[Footnote 2: Poids de 4,000 livres.]
[Footnote 3: Petite monnaie qui quivaut l'ancien liard.]
[Footnote 4: Adversit.]
[Footnote 5: La prudence est la mre de la sagesse.]
III
UNE MNAGERIE.
Les peines infamantes sont 1 Le carcan; 2 Le bannissement; 3 La
dgradation civique. _Code pnal_, liv. 1, art. 8,
Non, je ne veux pas aller la mnagerie! Je n'y tiens pas. Ne me
dites
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pas que c'est une chose intressante, et qu'il faut avoir vue;
qu'on nepeut tre reu dans une bonne socit, si l'on n'a soit du bien
soitdu mal dire des boucles, des favoris et du courage du
propritaire,du lama, de l'clairage de la tente, et des deux tigres
en cage; ne meracontez pas que vous avez failli voir un malheur
arriver, que vousavez surpris une attitude originale et pittoresque
de quelque monstredans un moment o personne autre ne le remarquait;
ne me dites pasqu'il faut aller voir le fruit des sueurs et du sang
de plusieurspcheurs la ligne, dvor en un instant par l'avide
plican, etcomment le boa constrictor avale tout d'un coup un bouc
de Leyde, sansoublier les cornes: ne criez pas qu'on doit avoir son
anecdote sur lecasoar, son bon mot sur les singes, et son
_quiproquo_ sur les ours. tout cela, je rponds: Je has la mnagerie!
et je vais vous dire lesmotifs de mon aversion.
Une mnagerie! ah! savez-vous ce que c'est? Une runion,
dites-vous,d'objets d'histoire naturelle aussi intressante pour les
savants...--Que pour l'ami des btes, voulez-vous dire?--Non, pour
tout hommequi s'intresse aux cratures qui vivent avec lui sur ce
vaste globe.Vous dites bien: mais alors je voudrais voir ces
cratures comme jeles vois sur la planche premire de toute Bible
images, disposesentre elles en beaux groupes, toutes dans leur
attitude naturelle:le lion, la patte de devant leve, comme prt
rugir; le kakatos,regardant du haut d'une branche, comme s'il
voulait voir la couleur des
cheveux d'Adam, et non pas, je vous le dis, en ternel mouvement
dansces affreuses cages de fer; le boa, l'horizon, sur un arbre,
roulen lgants anneaux et regardant la fatale pomme; l'aigle,
planant auhaut des airs comme un point peine visible ou plutt tout
faitinvisible, que de le voir dans cette mnagerie. Comme cela, ce
seraitagrable et intressant pour moi... Mais ici, dans ces cages
troites,resserres, derrire ces barreaux pais, dans cette attitude
d'esclavessans dfense, opprims et pleins d'anxit!... Oh! une
mnagerie,c'est une prison, un hospice de vieillards, un clotre de
moinesmendiants amaigris par le jene; c'est un hpital, un Bedlam
pour lesidiots.
Vous n'avez pas encore vu de lion; vous vous figurez quelque
chose
de majestueux, un idal de force, de grandeur, de dignit et
decourage, un tre tout fureur, mais se contenant par empire
surlui-mme aussi longtemps qu'il le veut: le roi des animaux! Eh
bien,transportons-nous en imagination dans les dserts de
Barbarie.
Il fait nuit. C'est la mauvaise saison. L'air est sombre; les
nuagessont pais et se pressent tumultueusement; la lune les dchire
parun rayon charg d'eau. Le vent hurle travers la montagne; la
pluiecrpite, au loin gronde le tonnerre. Voyez-vous, l, cette
massecouverte d'pais buissons, qui se dtache sur le
ciel?--Voyez-vous, l,cette sombre caverne, bante et se perdant, sur
les hauteurs, dans lesarbustes et les chardons? Il claire, le
voyez-vous? Dirigez votre ilde ce ct. Qu'est-ce que cela? Est-ce le
rayonnement de deux yeux,
deux charbons ardents? coutez! Ce n'tait pas le tonnerre: c'tait
unsourd rugissement, le rugissement profond du lion qui s'veille.
Il sesoulve de sa caverne et se dresse. Un instant il s'arrte, la
tteleve, immobile, en rugissant. Il secoue sa noire crinire. Un
bond!Veillez, imprudents, votre feu de garde! Il a faim; il rde
avec desmouvements farouches, des sauts irrguliers, de terribles
rugissements.
qui en veut-il? un buffle la large encolure, peut-tre,
quil'attendra, la tte baisse, avec ses cornes puissantes. Ne
vousinquitez pas; il va fondre sur lui; il va cramponner ses ongles
dans
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ses flancs; il enfoncera ses dents blanches et aigus dans son
coucourt et rid; un instant,--et c'en sera fait, il le dchirera
enmorceaux et assouvira sa faim. Alors vous le verrez, le museau
rougi,la crinire clablousse, se coucher tranquillement, jouissant
de savictoire et fier de sa royaut.
Eh bien, ce roi des animaux, cet effroi du dsert, ce monstre
furieux,le voil! Voici l'antichambre de son palais; cette place
ouverte audehors, moyen terme entre un salon, un comptoir et une
exposition detableaux. Ce hraut, sa branche de saule la main, vous
invite...Sa Majest donne audience, Sa Majest est voir pour de
l'argent.Soulevez le rideau, vous tes dans la prsence immdiate de
Sa Majest.Ne vous donnez pas la peine de plir: le roi vous recevra
bien. Maissoyez prudent; ne vous heurtez pas ce vase! Qu'est-ce que
c'est? Unemalle de voyage?--Pardonnez-moi, c'est un crin plein de
serpents,pauvres gigantesques serpents! Par ici, attention, cette
lampe coule.Passez sur ce seau, vivier du plican et bain de l'ours
blanc. Nous ysommes. Ici, sur cette voiture, dans cette cage rouge,
six pieds dehaut, six pieds de profondeur, il est l. Oui, c'est
bien lui. Je vousjure que c'est lui. Ses pattes passent travers les
barreaux; ce sontses griffes de lion. Il ronge sa queue, droite,
dans le coin de sademeure. Il a sommeil, il ronfle. Pourrions-nous
le faire lever? Nron,Nron!--Il est dfendu de toucher aux animaux,
surtout avec des cannes.Sentez-vous l'humiliation de cette annonce?
L est toute son absence de
dfense. Cela lui _ferait mal._ Avez-vous encore vos illusions?
Le liona-t-il encore son prestige? Avez-vous encore peur de ce
bouledogue?Croyez-vous encore l'esquisse de tout l'heure? Ne
dites-vous pas:
Laissez-le venir s'il peut?
Roi dtrn! gant abattu! Voyez, il est prudent dans tous
sesmouvements; il prend garde lui, pour ne pas heurter sa tte,
blesserson museau, souiller sa queue. Quelle diffrence y a-t-il
entre luiet telle et telle bte? quelle avec cette vile hyne qui
fouille lescimetires? quelle avec ce tigre tachet, serpent quatre
pattes quiattaque par derrire? En quoi diffre-t-il de ce loup,
qu'un cosaqueaccable de coups de fouet? de cet affreux mandril,
comique de la
compagnie? de tous ces dgotants singes dont tant d'hommes
s'amusent?Tous ils sont enferms, le prince comme le laquais, le
prince plus quetous les autres. Ne croyez pas que vous le voyiez
dans sa grandeurnaturelle? Cette cage le rend plus petit; son
visage est vieilli; sesyeux sont mornes et teints; il est hbt:
c'est un lion reint.Aurait-il encore des griffes? C'est un hrisson
dans une bouteille:on ne sait pas comment il y est entr. C'est un
soldat malade, ungrenadier avec son fusil et ses armes, son bonnet
d'ours et sesmoustaches (un foudre de guerre), dans une gurite;
c'est Samson lescheveux coups; c'est Napolon Sainte-Hlne.
Lorsque vous tes au milieu de cette tente, que voyez-vous?
Des
rideaux, des barreaux de fer, des supports de voilure et
d'animauxsauvages. Lorsque vous jetez un regard sur ces cratures
humilies,ne croyez pas que vous voyiez des lions, des tigres, des
aigles, deshynes, des ours. Les enfants du dsert mpriseraient et
renieraientleurs frres, s'ils les voyaient. Cache le crayon de mine
de plomb,ferme ton portefeuille, artiste! ne fais pas d'esquisses
ici. Tu n'aspas devant toi d'animaux sauvages, tu n'en vois que les
restes dchus!Ton dessin serait comme un portrait fait sur un
cadavre: tu peux aussibien prendre un petit-matre de notre ge comme
modle d'un de sesanctres germains, ou peindre une momie et dire:
Voil un Egyptien!
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peine peux-tu voir ou calculer leurs formes, leurs contours,
leursproportions, sous les ombres de ces cages carres. Que
pourrais-tudeviner de ce qui leur est propre dans leur attitude?
Ils sont icicomme des plantes dans une cave, ils s'tiolent et sont
tombs dans unevraie et lugubre lthargie. Ils meurent depuis des
mois; la lumireleur fait mal; ils ont un air stupide et semblent
abrutis. Dans lanature, ils sont beaucoup moins btes.
--Silence, dis-tu! voici le propritaire. coute comme ils
rugissent!Ils vont recevoir de la nourriture. Ils meurent depuis
des mois.Le souper des animaux froces! Douloureuse ironie! Le
souper! Legelier leur dpartira la portion qui leur revient, ces
prisonniersd'tat.--Oui, mais il les agacera et tu les verras une
fois danstoute leur force. Malheur nous, si cela tait! Non, ce
n'est qu'unereprsentation. Ils sont rabaisss au rle d'acteurs! Leur
rage estcelle d'un hros d'opra ou d'un pre irrit de vaudeville.
C'est unerage de commande. C'est une imitation, ce bruit des fers,
lorsque leprisonnier se lve pour prendre sa nourriture, son pain et
son eau.Aussi, dans le rugissement du lion, dans le hurlement des
loups et lerire de l'hyne, il y a du _pectus quod disertos facit._
Ne croyez pasqu'ils daigneraient prodiguer leur terrible loquence
devant ce laquaisqui doit bien finir par leur donner le morceau
d'abord refus.
Leur souper! Oh! s'ils pouvaient, comme ils en appelleraient de
ce pain
donn par grce et troitement mesur, leur souper dans le
dsert!Timides mortels, qui cuisez votre pain et votre viande pour
pouvoirles digrer, si vous tiez invits voir ce banquet et tre
tmoinsde la manire dont ils arrachent les muscles fumants des
grands os, ets'lancent avec toute l'nergie et tout l'aplomb de
leurs mouvements,hurlant de plaisir, non parce qu'ils mangent, mais
parce qu'ilstuent! Comme vos cheveux se dresseraient sur votre tte,
comme ils sedresseraient sur la tte du boucher, du distributeur et
de tous lesinvits!
Ce qu'il y a de plus insupportable dans une mnagerie,
c'estl'explicateur. Vous riez de son franais vulgaire et de son
hollandaisencore plus misrable, de ses phrases qui reviennent
ternellement les
mmes; pour moi, je ne saurais rire, il me vexe et m'agace.
Sire! ce n'est pas bien, Sur le lion mourant vous lchez votre
chien.
Fi! il nomme le tigre _monsieur_ et la lionne _madame._ Il
racontedes gentillesses sur leur compte; ils sont les dupes de son
espritappris par cur. Oh! s'ils pouvaient, comme ils se vengeraient
dumauvais plaisant! comme monsieur le mettrait en quatre et
commemadame l'anantirait! Il le mriterait. Il traite les animaux
commedes choses. Il obtient un stupide sourire de l'un, un
pourboire del'autre. Il vous enlve le bel emblme de l'amour
maternel que vousvoyiez dans le plican, et prfre se faire un bonnet
de nuit de sa
mchoire infrieure. Misrable farceur, calomniateur impuni, qui
seraille de ceux qui valent mieux que lui! Avec une paire de
moustacheset un bton, il se promne au milieu d'eux et joue le hros
parmi lescaptifs.
Ah! quelle chose affreuse, quand vous recevez la visite d'un
cousinloign ou d'un ami demi oubli qui vous presse amicalement de
luifaire visiter le musum de Leyde, et, tandis que vous
prfreriezcontempler les beauts du _Rapenburg_ et de la
_Breestraat_[1], parune belle matine, vous voil forc de traner
votre ami d'une salle
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dans l'autre, sans rien voir autre chose que de l'histoire
naturelle,sans vous asseoir nulle part; ajoutez qu'il y fait froid
comme dansune cave: mais s'il s'agit de voir des btes trangres,
j'aime mieuxles voir l qu'ici. J'aime mieux un musum qu'une
mnagerie. Il estvrai que le charnier que vous devez d'abord
traverser vous enlve unegrande partie de l'illusion: l'anatomie,
comme toute analyse, nuit la posie; mais les animaux empaills ne
sont pas humilis. Ici, ilsne ronflent pas, ils ne dorment pas, ils
ne meurent pas; ici, ils sontmorts. Ici, pas de surdit, pas de
lenteur, pas de paresse; ici, lefroid et l'insensibilit! C'est ici
leur autre monde. Vous voyez leursombres, leurs contours, leurs
edwka! L
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_, p. 147.]
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
Obscure
18/137
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
Obscure
19/137
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
Obscure
21/137
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
Obscure
22/137
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7/17/2019 LA CHAMBRE OBSCURE PAR HILDEBRANDLa Chambre
Obscure
23/137
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