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2012 Journal of Romanian Literary Studies Issue no. 2 http://www.upm.ro/jrls/ E-ISSN: 2248-3304 Published by Petru Maior University Press, Nicolae Iorga Street No. 1, 540088, Târgu-Mureș, Romania Email: [email protected]; (c) 2011-2013 Petru Maior University of Târgu-Mureș
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Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

Dec 31, 2022

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Page 1: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

2012

Journal of Romanian Literary Studies Issue no. 2

http://www.upm.ro/jrls/

E-ISSN: 2248-3304 Published by Petru Maior University Press, Nicolae Iorga Street No. 1, 540088, Târgu-Mureș, Romania Email: [email protected]; (c) 2011-2013 Petru Maior University of Târgu-Mureș

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SCIENTIFIC BOARD:

Prof. Virgil NEMOIANU, PhD

Prof. Nicolae BALOTĂ, PhD

Prof. Nicolae MANOLESCU, PhD

Prof. Eugen SIMION, PhD

Prof. George BANU, PhD

Prof. Alexandru NICULESCU, PhD

EDITORIAL BOARD:

Editorial Manager:

Prof. Iulian BOLDEA, PhD

Executive Editor:

Prof. Al. CISTELECAN, PhD

Editors:

Prof. Cornel MORARU, PhD

Prof. Andrei Bodiu, PhD

Prof. Mircea A. DIACONU, PhD

Assoc. Prof. DORIN STEFANESCU, PhD

Assoc. Prof. Luminița CHIOREAN, PhD

Lecturer Dumitru-Mircea BUDA, PhD

CONTACT: [email protected], [email protected]

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2

Table of Contents AL. CISTELECAN

Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru) ................................................................. 3

CAIUS DOBRESCU

Political Theory vs. Political Mimesis in The Early-Modern

Literary Representation of Decision-Making ........................................................................... 19

ALEXANDRU GAFTON

L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible .............. 27

MIRCEA A. DIACONU

Cioran, ou l’impuissance d’être plus qu’un roumain .............................................................. 40

ANDREI BODIU

The Generation of 2000 in Romanian Poetry. Two Eccentric authors:

Radu Vancu and Vasile Leac ................................................................................................... 50

GHEORGHE PERIAN

L’idée de génération chez le critique roumain Mircea Vulcănescu ......................................... 54

IULIAN BOLDEA

Mircea Eliade – Meanings of Autobiographical Discourse ..................................................... 62

DORIN ŞTEFĂNESCU

Georges Bernanos ou la pensée en quête de quelle vérité ? .................................................... 69

SANDA CORDOŞ

La littérature roumaine d’après-guerre. Une ébauche ............................................................ 81

ANDREI TERIAN

Toward a History of Critical Reading ...................................................................................... 88

LUMINIŢA CHIOREAN

'The Political Bestiary’

The Level of Discursive Practices in the Opinion Editorial .................................................... 97

DUMITRU-MIRCEA BUDA

Ways of Reception Regarding the Works of Lucian Blaga. The Issue of Mystery ................. 113

BOOK REVIEWS by Al. Cistelecan / Iulian Boldea / Doina Butiurcă .......................................... 119

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Journal of Romanian

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3

AL. CISTELECAN

Petru Maior University of Targu-Mures

Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

The article explores the life and work of poet Alice Călugăru, as a paradigmatic example of

the passage of the Romanian literature from the traditional cycle, rurally inspired, to the modernist

cycle. After a recap of the adventurous life of the poet, the article traces the evolution of her poetry,

from the so-called ‘samanatorist’ stage to the phase of modern emancipation, by focusing especially

on the sensual and sensualist vision and the imaginative audacity of Alice Călugăru – which made her

the most ‘erotic’ and ‘passionate’ poet of all the Romanian literature. The study also underlines the

poet’s ambition to become a French writer, an ambition which failed, even though she did manage to

publish a novel in France.

Le passage au modernisme a constitué le grand spectacle littéraire du dernier

siècle. Ses protagonistes en ont été quelques critiques et écrivains (au cas où les premiers

n’étaient eux-mêmes des écrivains) parmi lesquels, reçue comme première dame du

modernisme, Hortensia Papadat-Bengescu était presque la seule femme distribuée dans un

rôle principal (quoique décoratif dans le plan programmatique). Mais le saut le plus

spectaculaire du ‚‚posteminescianism’’ et du ‚‚sămănătorism’’ dans le modernisme ne l’ont

pas fait quelques grands héros du lyrisme roumain et de l’émancipation, mais deux femmes

poètes, assez discrètes aujourd’hui: Elena Farago et Alice Călugăru. Il y a aussi,

naturellement, des ‚‚hommes’’ qui ont subi de remarquables métamorphoses, mais de manière

générale ils ont été plus fidèles au chemin qu’ils avaient pris, l’ont trouvé dès le début el l’ont

suivi avec une certaine constance. En échange, les deux femmes poètes ont donné la preuve

radicale et immédiate de leur infidélité et de leur acte de trahison. L’une et l’autre nées,

élevées, éduquées et même débutées dans le ‚‚sămănătorism’’ (et même en attirant

premièrement les éloges des représentants de ce courant littéraire), elles s’en sont séparées, le

lendemain de l’apparition du premier livre, par une conversion presque déclarée; de toute

façon ingrate, mais efficace. Elena Farago a pris le chemin du symbolisme (ce n’est pas tout-

á-fait sûr si c’était son propre choix ou celui pour lequel s’acharnait Eugen Lovinescu), et

Alice Călugăru a pris le chemin de la poésie méditative, contemplative, avant de s’arrêter à

l’incantation des sensations et au sensualisme le plus exalté. Bien que toutes les deux se soient

émancipées presque en même temps et dans le même rythme, elles avaient des tempéraments

tout à fait différents; pendant qu’Elena Farago était une domestique structurelle, Alice

Călugăru était une aventurière et une impertinente (avec charme, assurément). Elle fait son

école au hasard, plus ou moins en particulier (son père, petit officier, était transféré tantôt ci

tantôt là et, à la fin, pas trop scrofuleux envers son devoir, il a été renvoyé de l’armée; sa mère

– une Carabella avec des parents de par l’Europe – était étudiante au moment de son mariage,

mais ensuite naturellement qu’elle a abandonné, car elle devait prendre soin de ses trois filles;

Alice Stéphanie, la cadette, voit le jour, en 1886, à Paris, où le jeune officier faisait son

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al. cistelecan Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

4

instruction, avec une bourse militaire, dans le travail des cuirs; un peu plus tard les parents se

séparent, la mère d’Alice s’en allant pour la Belgique avec ses filles plus grandes, et la poète

restant auprès de son père); quand elle passe son bac, au collège ‚‚Sfântul Sava’’, la même

année que Topîrceanu (d’où ils en arriveront plus tard à une amitié épistolaire), en 1906, elle

était déjà une poète débutée, avec son premier livre ‚‚Viorele’’/ ‚,Violettes’’, paru en 1905.1

Assez précoce pour ses 18 ans, Alice, on ne sait pas comment, gagne le renom d’une

plus grand précocité; en 1910, Ilarie Chendi (dont on suppose de l’avoir connue assez bien du

moment que, par passion pour elle, il a rompu les fiançailles avec Eugenia Carcalechi; et la

pauvre Eugenia se suicide!) lance le bruit – qui ensuite a été cru – qu’elle avait fait son début

littéraire à 17 ans.2 En tout cas, avant son début, la gamine demande à Maiorescu, avec un

toupet nonchalant, d’exprimer son opinion sur les poésies du livre ‚‚Violettes’’, et si l’opinion

avait été bonne elle aurait voulu la mettre ‚à la tête de son livre’; ‚‚et si elle n’est pas

favorable – essaie-t-elle suavement faire chanter le grand pontife – je tirerai du profit de vos

conseils pour finir à ce point ma carrière des lettres’’. Bien sûr que Maiorescu ne peut pas

consentir à toutes les demandes, mais quand même il ne veut pas être ni un assassin des

jeunes talents; de sorte qu’il refuse de lui écrire la note de publicité, mais il la reçoit chez lui

et fait des observations sur le manuscrit. Sensible comme il était dans le domaine, il lui donne

audience encore une fois en 1906. Et cela avant qu’Alice soit partie pour Paris et ensuite se

soit perdue, peu à peu, dans le grand monde. Maussade de n’avoir reçu aucun signe de sa

part, Maiorescu, ministre, va lui refuser une demande de bourse, en 1911. Il n’a pas bien fait

car la poète se débattait à Paris à la besace, séparée de sa famille et encore pensant à une

carrière universitaire (qui ne va plus se réaliser). Les chercheurs scientifiques ont précisé les

motifs (strictement familiers) de son départ, mais les rumeurs se sont développées à l’aide de

l’imagination. (De toute façon, la biographie d’Alice est faite plutôt des rumeurs; à juste titre

affirme Dumitru Micu que ‚‚rien ne nous interdit de voir en Alice Călugăru un personnage

d’histoire’’).3

En tout cas, celles qui sont arrivées aux oreilles de Ion Pillat chuchotent que la jeune

poète s’était enfuie à Paris ‚‚avec un petit ami’’.4

Mais il paraît que Pillat était intoxiqué exprès avec de faux bruits, témérairement faux,

au sujet d’Alice, car à ses oreilles est arrivée aussi la rumeur conformément à laquelle Alice

aurait conçu un enfant avec Topîrceanu,5 chose impossible, en suivant les dénégations et les

preuves des chercheurs scientifiques, simplement parce qu’il ne se sont plus rencontrés après

le bac. D’autre coté, n’importe quelle rumeur qui concernait Alice, quoique grossière qu’elle

soit, était presque crue par ceux qui la connaissaient, donc voilà la preuve qu’on pourrait

s’attendre à tout de sa part.

1 Les dates biographiques sont prises de la préface de Pavel Ţugui au vol. : Alice Călugăru, Scrieri, Ediţie

îngrijită, prefaţă, note, comentarii, bibliografie de Pavel Ţugui. La traduction du roman La tunique verte de

Virgil Tiberiu Spânu, Bucureşti, Editura Minerva, 1987. C’est l’édition dont nous allons citer. Pavel Ţugui, au-

delà de ses propres recherches, utilise ici aussi les résultats obtenus par Gh. Agavriloaie, Vasile Netea et Const.

Popescu-Cadem ; la biographie d’Alice a donné beaucoup de travail aux chercheurs. La dernière systématisation

de ces dates se trouve chez Maria Platon, Alice Călugăru. O poetă, pe nedrept, uitată, Iaşi, Editura Noël, 2001. 2 Ilarie Chendi, Pagini de critică, Ediţie îngrijită, studiu introductiv, note şi bibliografie de Vasile Netea, Editura

pentru literatură, 1969, p. 379. 3 Pavel Ţugui, notes à l’édition cité, p.320.

4 Pavel Ţugui, Préface, p. 24.

5 Idem, p. 28.

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Journal of Romanian

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5

Qu’Alice a eu un enfant, c’est, par exemple, une chose (presque) sûre; du moins c’est

ce que résulte d’une photo qu’elle a envoyée à Octavian Tăslăuanu – elle était aussi

collaboratrice de Luceafărul – et sur laquelle il est écrit, en ce qui concerne l’image de

l’enfant accrochée au coin de la photographie, ‚‚voilà la meilleure poésie que j’ai faite.’’ 6

Elle a eu un enfant, comme dit Pavel Ţugui, ‚‚entre 1909 et 1914’’.7 (C’est le

maximum de précision qu’on peut attendre, quand il s’agit d’Alice). Il y eut été un drame, car

on ne sait plus rien de l’enfant. Peut-être la pauvreté eut déterminée la poète de l’abandonner

(quelques allusions dans les lettres qu’elle a envoyées à Topîrceanu). On peut comprendre

cela, car la poète non seulement était à la besace, elle travaillait n’importe quoi

(dactylographe, correspondante de presse, un peu de journalisme), mais elle menait aussi une

vie dont les méchantes langues affirment être excessivement bohème. En 1909-1910, Victor

Eftimiu la rencontre et dit: ‚‚elle menait une vie lamentable, une espèce de la pire bohème.

Quelquefois, j’avais l’impression qu’elle avait l’esprit dérangé’’.8 Elle ne laisse pas une très

bonne impression à aucun homme sérieux, comme l’est I. E. Torouţiu, lui aussi étant d’avis

que la poète ‚‚n’était pas un enfant de choeur’’.9 Peut-être qu’elle ne l’était pas, mais on peut

lui accorder des circonstances atténuantes; les unes tenant de la vie, les autres de son

tempérament sensuel, difficile à refouler et à contrôler (surtout qu’elle avait une constitution

assez athlétique; c’est elle même qui se compare avec Saint Sébastien). En tout cas, elle ne

perd pas tout son temps en bohème et, surtout, elle ne perd pas son espoir (où plutôt son

ambition) de devenir écrivaine française. En 1913, elle participe au premier concours

organisé par la revue Femina et obtient le deuxième prix; donc la poète espérait s’élancer dans

la littérature française à l’aide de ce tremplin. La poésie primée – Les perles (traduction du

titre roumain Cîntec de plasă) – est récitée dans les salons et les théâtres, même par Sarah

Bernhardt, affirme Pavel Ţugui.10

Elle voyage pressée de par le monde (la Belgique,

l’Amérique du Sud, où s’était retirée sa famille maternelle) et elle se marie, finalement, en

1921, avec le journaliste français (et on a fait confusion avec un autre) Louis Constant Edgar

Müller.11

Les bruits – une fois de plus! – la donnent morte et George Topîrceanu se hâte lui

dédier un beau nécrologue où il dit que ‚‚cette jeune fille, qui a été la plus important poète de

ma génération, était, non seulement du point de vue de son âme, mais de tous les points de

vue, à l’antipode de la vulgarité’’.12

Bien galant, sinon vrai aussi. À peine que le nécrologue

fasse son apparition, la poète publie, en français, sous le nom d’Alice Orient (qu’elle avait

pris pour la littérature française), le roman La tunique verte (les éditions Malfère, Amiens,

1924). Désormais, on ne sait plus vraiment rien; Alice s’est volatilisée. Il est possible qu’elle

fût morte dans un sanatorium suisse; probablement avant 1940.13

Donc, beaucoup de mystère

dans la vie d’Alice. Une vie épique, peut-être plus qu’il conviendrait. Sensualisme déchaîné,

expériences (avec des chocs émotionnels ou avec des plaisirs), nostalgies, rêves, frustrations,

6 Idem, p. 27

7 Idem, p. 28.

8 Idem, ibidem.

9 Idem, p. 31.

10 Idem, p. 34.

11 Idem, p. 35

12 Idem, ibidem.

13 Ibidem.

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al. cistelecan Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

6

ambitions, rythme de frénésie – mais tout cela avec un drame sur le fond. Mais ce ne sont pas

seulement les rumeurs et les faux bruits qui l’accompagnent et lui construisent une

représentation intéressante dans le pays; la talonnent aussi les bons mots; les derniers, presque

exclusivement en ce qui concerne sa poésie. Ion Pillat envoie une lettre à Agavriloaie, qui

rassemblait des témoignages pour sa thèse de doctorat sur la poète, où il affirme qu’Alice ‚‚est

la meilleure écrivaine, la plus personnelle... au-dessus des écrivaines contemporaines.’’14

D’ailleurs, il l’avait déjà sélectée dans L’Anthologie des poètes d’aujourd’hui – Antologia

poeţilor de azi, avec sept poèmes, presque le double par rapport à Ion Barbu, par exemple).

Avec admiration et beaucoup d’empathie parlent d’elle aussi les deux dames qui ont fait, sous

la surveillance de Lovinescu, l’anthologie concernant L’évolution de l’écrit féminin en

Roumanie – Evoluţia scrisului feminin în România.15

Pour elles, Alice est ‚‚la première poète

roumaine authentique’’16

qui, si ‚‚elle avait écrit encore en français, elle aurait été une gloire

de la littérature française.17

Peut-on le savoir?! Semblable à n’importe quelle virtualité restée

comme ça, sans être prouvée, cependant, nous ne le pouvons pas exclure. De toute façon, le

destin de la poète les a beaucoup émues, car elles la considèrent une championne de la

souffrance: ‚‚aucun écrivain roumain n’a été poursuivi par un destin plus impitoyable que

celui d’Alice Călugăru’’.18

Ce sont elles qui l’affirment. Nicolae Iorga a accueilli avec des

opinions favorables les premiers poèmes écrits par Alice Călugăru (mais, pourtant, il ne perd

pas de vue de la réprimander, entre les lignes, pour le toupet et les excentricités de son

comportement; il paraît qu’il avait deviné quelque chose; ou bien il en avait entendu ou vu).

Les poèmes d’Alice bénéficient, à l’avis de Iorga, ‚‚d’une voix très belle, d’une souplesse

digne des plus grands éloges, une particulière légèreté du vers et beaucoup de sens pour

l’harmonie’’19

, donc beaucoup de qualités, pas tout à fait les plus grandes, et surtout

vaguement analysables (elles sont convenables aussi pour une femme, non seulement pour

une poésie); de toute façon, il y en étaient assez, même si Iorga était régulièrement généreux

avec les jeunes talents du sămănătorism (comme c’était le cas d’Alice à ce temps-là). Ça va

de soi que, pour Ilarie Chendi, Alice ‚‚occupe une place spéciale parmi nos écrivaines des

vers’’20

, même si, alors qu’il affirme cela, Alice l’ait déjà oublié (mais les passions orageuses

sont comme ça, éphémères). L’article d’Ilarie Chendi est aussi le premier à saisir la

métamorphose de la poésie d’Alice, soulignée avec des expressions héritées ensuite par tous

les chercheurs: ‚‚encore que la forme lyrique légère et le genre impressionniste de son début

l’aient désignée pour la poésie de la nature et pour le monde subjectif, mademoiselle

Călugăru, sous l’influence de ses sérieuses études (quelles études???, peut-être celles de

l’école de la vie, n.n.), a été attirée vers le genre méditatif et a démarré une série d’analyses

philosophiques, avec des sujets sociales, dans lesquels souvent la poésie est dominée par la

raison’’.21

L’observation revient, par exemple (il ne pouvait se passer autrement, car il

14

Ibidem. 15

Marg. Miller Verghy et Ecaterina Săndulescu, Evoluţia scrisului feminin în România, Bucureşti, Editura

Bucovina, 1935. 16

Idem, p. 309. 17

Idem, p. 309. 18

Idem, p. 309. 19

N. Iorga, O luptă literară, I, Éditeurs Valeriu Râpeanu et Sanda Râpeanu, étude introductif, notes et

commentaires de Valeriu Râpeanu, Bucureşti, Editura Minerva, 1979, p. 177. 20

Ilarie Chendi, op. cit., p. 379. 21

Idem, ibidem.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

7

s’agissait, quand même, d’une évidence) chez Dumitru Micu, qui renforce lui aussi l’idée

conformément à laquelle ‚‚après la publication du volume, Alice Călugăru fait /.../ de la

poésie de conception une profession’’.22

Nous la retrouvons ensuite chez Pavel Ţugui et chez

Maria Platon (la dernière étant plus détaillée et plus argumentée). Le coeur de Chendi ne

battait plus si fortement pour Alice (il s’était consolé et s’était marié entre temps), donc il a

observé que cette poésie ‚‚d’idées’’ est seulement une question d’intelligence trop sûre de ses

compositions et trop enchantée de sa capacité de manipuler ‚‚des thèmes’’. Les unes, quoique

‚‚sans doute les preuves d’une intelligence supérieure’’, lui semblent, pourtant, plutôt ‚‚des

caprices de talent’’.23

Ce n’est pas le cas de ne pas lui donner raison, car longtemps Alice

choisit purement et simplement des ‚‚thèmes’’ et les développe sur un module lyrique. Pour

Perpessicius, Alice est ‚‚un moment culminant de notre lyrisme féminin’’24

, qu’il installe elle

même, quoique pas tout à fait seule, au front du mouvement d’émancipation: ‚‚patronné par

Alice Călugăru et par Elena Farago, notre lyrisme féminin connaît une intéressante

évolution’’.25

Alice a soulevé un grand enthousiasme chez revue ‚‚Viaţa românească’’, où,

affirme Ionel Teodoreanu, en regardant Topîrceanu et Ibrăileanu, ‚‚aucune des femmes

écrivaines de la revue Viaţa românească n’a laissée une impression si profonde dans l’esprit

des deux hommes’’.26

‚‚L’impression’’ a marqué aussi d’autres-uns, comme Otilia Cazimir et

Demostene Botez. Le dernier, qui ne l’avait jamais vue, sachant seulement qu’elle ‚‚existait

quand même’’, déclare fermement, à la fin du chapitre des mémoires (?) dédié à Alice: ‚‚Bon

gré, mal gré, Alice Călugăru est l’un de nos grands poètes du début du XX-ième siècle’’.27

Raison!

Je ne vois pas qui ait pu avoir une autre opinion; pourtant, il y avaient aussi de gens

malicieux. Ainsi Ovid Densusianu, lequel n’aimait pas les sămănătorişti car ils faisaient parti

de l’école adverse, mais qui ajoute, dans le cas d’Alice, des arguments tirés de sa poésie, en

considérant ses poèmes, vus du point de vue thématique, de simples ‚‚caprices d’adolescente

envers les beautés de la nature, affliction suscitée par la fuite sans retour des temps, une envie

mystérieuse de silence éternel’’.28

Ni Sextil Puşcariu n’était pas sûr (à vraie dire, il était sûr du

fait contraire) que les Violettes – Viorelele ‚‚nous autorisent à prévoir pour l’auteur un avenir

brillant’’, en les considérant seulement comme ‚‚les premières tentatives d’une poète qui

maîtrise une belle langue et trouve parfois d’intonations authentiques’’.29

L’enthousiasme de

la critique d’après-guerre pour la poésie d’Alice s’est affaibli, sauf les ‚‚spécialistes’’ dans le

petit domaine, toujours moins nombreux et plus justiciers; et toujours plus gratuitement

justiciers, naturellement. Dans l’histoire de Ion Rotaru Alice est ‚‚féminine avant tout’’30

(et

cependant comment cela eût été intéressant d’être masculine avant tout!), et Mircea Scarlat

résume seulement, dans une fiche de lecture, les opinions de Călinescu (mais au moins celui-

22

D. Micu, op. cit., p. 15. 23

Ilarie Chendi, op. cit., p. 381. 24

Lecturi interminente, Cluj, Editura Dacia, 1971, p. 235. 25

Idem, 1971, p. 235. 26

Apud C. Ciopraga, Literatura română între 1900 şi 1918, Iaşi, Editura Junimea, 1970, p. 324. 27

Demostene Botez, Memorii, Bucureşti, Editura Minerva, 1970, p. 472. 28

Ovid Densusianu, dans ‘Viaţa nouă’, I, nr. 13/1905, p. 311-312, apud Maria Platon. 29

Sextil Puşcariu, Cinci ani de mişcare literară (1902-1906), Editura Minerva, Bucureşti, 1909, p. 70. 30

Ion Rotaru, O istorie a literaturii române, II, (De la 1900 la cel de-al doilea război mondial), Bucureşti,

Editura Minerva, 1972, p. 140.

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al. cistelecan Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

8

là l’avait parlée de bien), en insérant le nom de la poète dans la liste de ceux qui représentent

‚‚la convention classicisante’’.31

Mais Nicolae Manolescu la met seulement sur la liste pour

un éventuel dictionnaire.32

(Peut-être s’agit-il ici d’une parabole typiquement décroissante?!).

C’est une liste sélecte, forcément, une liste d’honneur en soi même, mais je dirais que, pour

Alice, ça c’est, néanmoins, trop peu. Vraiment!

Je ne comprends pas pourquoi Alice a été exclue de l’anthologie Poeţi de la

Semănătorul. Car rien d’autre que le critère très restrictif et positif employé par Petru

Homoceanu ne pouvait pas l’exclure.33

Les Violettes (imprimées en 1905, Stabilimentul de

arte grafice Albert Baer, Bucureşti) contiennent des poésies qui appartiennent au courant

sămănătoriste. (La poésie d’ouverture – Dimineaţa – était déjà dans les manuels scolaires

pour les petits.) Et elles étaient tellement sămănătoristes que Dumitru Micu, si gentil qu’il fût,

les considérait faites ‚‚surtout’’ de ‚‚clichés’’; et encore‚ ‚‚de celles à l’intermède desquelles

la poétique sămănătoriste nous pousse à bout’’.34

Mais qu’est-ce qu’on pouvait attendre, vers

1900, de la part d’une gamine, quelque précoce et réceptive soit-elle, déménagée d’un bourg à

l’autre, avec Bucarest comme épicentre? Y a-t-il quelque chose de plus, comme disait

Lovinescu, que de poèmes ‚‚combles de l’athmosphère et du matériel de Coşbuc et

d’Eminescu’’?!35

Chose confirmée par tout le monde, à tour de rôles et en choeur, chaque fois

qu’on parle de la poésie d’Alice; voilà, par exemple, Constantin Ciopraga, pour lequel les vers

du seul volume d’Alice sont tissés des ‚‚explicables’’ (cela certainement) ‚‚échos provenant

d’Eminescu et de Coşbuc’’ qui ‚‚rencontrent la transparence de Iosif, dans un petit univers de

lumière et de rosée, en prouvant une pouvoir d’observation propre restreinte’’.36

(Et Iosif

l’avait révélé plus tôt, dans les premiers commentaires). Ni notre poésie n’offrait davantage,

ni Alice ne pouvait, ce temps-là, davantage. Ce sont de simples exercices de collégienne,

naturellement, ‚‚mais en général, de bons exercices, quelques-uns excellents’’;37

ce n’est pas

tout à fait un péché envers le sămănătorism, plutôt il s’agit d’un péché de précocité. Sinon

même d’un péché provoqué par la hâte.

D’ailleurs, naturellement, Alice écrit comme elle a appris des autres, et des choses

qu’elle a apprises (comme tous les poètes, en font). Et, pour l’apprentissage, il s’agit presque

seulement de l’apprentissage sur la nature. Elle aurait pu apprendre aussi quelque chose sur

l’amour, surtout sur l’amour triste ou sur l’idylle robuste de la campagne. Mais d’autant

moins, elle ne parle point de l’amour, ni de celui triste, ni de celui joyeux, ni de celui

personnel, ni de celui des autres, jeunes filles et jeunes hommes de décor ethnique (même si

elle aurait pu le faire, car son univers est rural; mais cela probablement à cause du fait qu’elle

était impressionnée par le prestige de la tradition); elle ne chante pas, comme il en aurait été le

cas, ses premiers frémissements. Dans tout son livre, écrit environ à l’âge de dix à dix-huit

31

Mircea Scarlat, Istoria poeziei româneşti, II, Bucureşti, Editura Minerva, 1984, p. 189. 32

Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române, Piteşti, Editura Paralela 45, 2008, p. 882. 33

C'est-à-dire strictement des poésies ‘publiées dans la revue Sămănătorul’, comme dit la Note sur l’édition :

Poeţi de la Semănătorul, Ediţie de Petru Homoceanul, Cuvînt înainte de Al. Piru, Bucureşti, Editura Minerva,

1978, p. 9. 34

Dumitru Micu, op. cit.,, p.9. 35

E. Lovinescu, Scrieri, IV, Istoria literaurii române contemporane, Ediţie de Eugen Simion, Bucureşti, Editura

Minerva, 1973, p. 464. 36

Const. Ciopraga, op. cit., p.321. 37

D. Micu, Început de secol. 1900-1916. Curente şi scriitori, Bucureşti, Editura Minerva, 1970, p. 299.

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9

ans, elle n’a le moindre sentiment ou pressentiment du prince charmant.38

Ses descriptions de

nature ne sont pas dérangées par aucun sentiment, sauf quelques vagues brises de rêverie; ni

même par les premiers bourgeons de ses propres sensations pré-érotiques (mais ça va de soi

qu’elle reprendra le dessus plus tard). Elle a même une réticence ‚‚définitive’’ (tout de même,

trop constante) à l’égard de la confession directe, assumée autrement qu’enveloppée dans

l’allégorie. Dumitru Micu a raison de constater que ‚‚incitée par l’existence objective, Alice

Călugăru est la moins intériorisée de nos poètes et l’une des poètes les moins sentimentales de

la littérature roumaine’’.39

Pour Lovinescu, cette tonalité a-confidentielle et a-sentimentale

était une bonne note, une note d’‚‚originalité’’, du moins dans le contexte de la poésie

féminine mélodramatique de ce temps-là. Il lui paraît que c’est l’abstraction des sentiments ou

leur ‚‚objectivation’’ qui assurent l’‚‚originalité’ de la poète, originalité qui, dit-il, ‚‚se

caractérise par le manque du lyrisme direct et de la féminité sentimentale, par l’observation et

la force descriptive, par l’objectivité et même par une sorte de virilité de l’expression’’.40

‚‚La

virilité’’ vient plus tard, car pour le moment, ‚‚la force descriptive’’, très méthodique, préfère

la grammaire des suaves. Mais la description est vraiment scrupuleuse et les dessins faites au

pastel avancent consciencieusement, comme à l’école. Les moments du jour (naturellement,

sont préférés le soir et le matin, plus épiques, plus colorés et plus symboliques) sont dessinées

dans de délicates monographies des détails, dans de petits films documentaires qui

surprennent la phénoménologie de couleurs et météorologique séquence par séquence;

comme, par exemple, dans cette Soirée/Seară: ‚‚Éclairant feuille à feuille/ Au travers les

rameaux comme une pluie/ Des rayons tentent s’insinuer; / Les eaux en éclat folâtre / Rient

dans les vallées ou chantent piteusement, / Voyageuses. // Mais bientôt s’éteignent à l’horizon

/ Les rayons étincelants’’ etc. De tels inventaires de séquencences auraient donné l’impression

d’acuité dans l’observation. Mais Alice n’est qu’apparemment descriptive; sa journée est, en

fait, un scénario dramatique basé sur de symboles; scénario d’extase et de déchéance,

parabole déjà transparente de l’élégie méditative qui va suivre. Le matin est spectacle

d’extase, à coup sûr (‚‚Et maintenant en mille rayons / L’étoile du jour fait son apparition, /

Boule de flammes et de fournaise, / Toute la mer scintille / Et tout le ciel brille brille

faiblement / En étincelles.’’ – Le lever du soleil/ Răsăritul), tandis que le crépuscule est un

spectacle de détresse, avec des frémissements d’élégie: ‚‚Et doucement s’éteignit derrière la

colline / L’auguste étoile... Se taisent aussi dans le vent / Les branches des hêtres; / La source

changeait par ses ondes / Son déchirant soupir en chant / Et les pleurs en chéries

complaintes’’ (Qu’est-ce que c’est passé dans le taillis? / Ce-a fost în crâng?) On doit

admettre et comprendre coûte que coûte qu’il ne s’agit pas dans ces vers d’une grande pouvoir

de transfiguration (les poèmes sont écrits vers l’âge de 16 ans). Mais au-delà de ce

‚‚conformisme’’ symbolique, la poète souffre, en fait, d’un complexe Alecsandri et préfère

tout le temps le soleil ou l’ambiance domestique tiède, en faisant des paysages somnolents

d’intérieur et en ouvrant la carrière aux chattes lyriques (lesquelles, dans ses vers,

apparaissent dans trois ou quatre pièces): ‚‚Auprès du feu une chatte grise est couchée sur le

38

‘Il nous semble surprenant le fait que, parmi les 41 textes du volume, on ne trouve aucune poésie d’amour’,

constate Maria Platon, op. cit., p. 81. 39

D. Micu, Introducere, p. 23. 40

E. Lovinescu, op. cit., p. 464-465.

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al. cistelecan Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

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plancher, / Écoutant brûlant dans l’âtre en sifflent quelques bûchettes, / elle regarde au loin

par la fenêtre, somnolente, / les flocons de neige qui tombent et mollement se laissent sur

terre’’ (L’hiver à la campagne / Iarna la ţară) Le soir, en automne, les topos du déclin de la

lumière et de la chaleur sont considérées avec tristesse et quelque frisson d’angoisse; d’autant

plus l’hiver ou la nuit, comme des topos plus définitives, tout à fait négatives: ‚‚Qu’elle est

muette et triste la nuit, qu’elle est déserte! / Comme la lune jète des rayons, froids et pâles sur

les champs / Et comme le vent passe en mugeant piteusement et longuement, de la vallée / En

secouant les feuilles mortes et en remplissant les bois d’affliction’’ (La nuit / Noaptea).

‚‚L’état d’esprit qui entraîne’’ la poète, dit Maria Platon, ‚‚est l’euphorie’’.41

En fait, il l’

‚‚entraîne’’ un peu plus intensément que l’euphorie, car elle préfère la nature narcotique, la

nature drogue; quelque délicats et idylliques qu’ils soient, ses dessins faits en couleurs pastel

glissent invariablement dans la narcose, dans l’état d’ébriété, avec des effets d’extase: L’air

est plein de gazouillements / De haut une pluie de lumière / Noie en rayons, dans le jardin, les

roses ensanglantées. //...// Je m’enivre de fleurs et de lumière / Et je voudrais ne plus me

réveiller. (Dans le jardin / În grădină) Est-il étonnant le fait que Le coquelicot reçoit aussi

une ode grâce à ses vertus opiomanes, et non seulement pour le fardeau de feu céleste de ses

pétales (feu céleste qui est le pouvoir même du drogue, mais dissimulé)?! D’ailleurs, ce qu’on

demande à la nature sont justement de sensations extatiques, de sensations d’ivresse érotique

– ou quasi: La fraîche odeur de feuille / Et cette fraîcheur profonde / Toi, vent, de la pré qui

borde l’eau, amène-les à moi / Qu’elles s’insinuent jusque dans mon âme. (Au vent /

Vîntului) Il y a ici un érotisme (concentré dans des sensations) en quelque sorte dissimulé,

caché derrière la description et le paysage, car tout le charme de la nature n’est qu’un

cérémonial d’enivrement érotique: Que sa chère chanson m’endort, qu’elle pénètre mon âme,

/ Que son eau froide et limpide me caresse sur le front, / Et que la forêt m’enivre de son odeur

de feuille / Et de vieux sapins, d’eaux et de bleues fleurs de montagne (À travers les

montagnes / Printre munţi). Il en ressort, donc, qu’Alice emploie la rêverie du paysage

comme drogue érotisant et transfère ses sensations dans des notations naturistes. C’est à dire,

elle fait cela dès maintenant, car elle va le faire, quoi qu’il en soit, programmatiquement et

ouvertement plus tard, quand elle va électriser la nature avec l’érotisme.

Mais toutes ces parfums de la nature avec lesquels la poète se grise suavement se

trouvent censurés par un sentiment vital inhibé par la conscience du recul du temps. Assez

aigu, puisque la poète ne peut se réjouir (à 16 ans!) ni du printemps, car elle n’est plus la

même et car le temps est comme chez Héraclite: Tout va renaître, / Et les champs vont fleurir

de nouveau: / Mais le même printemps / Ne sera plus jamais (Chanson / Cîntec). Et également

dans la ligne élégiaque la poète manifeste en fait une identification légèrement clandestine

avec la nature, de sorte que ses lamentations ont, toujours, quelque chose d’(auto)compassion

et la nature joue tout le temps sur le plan allégorique. La description se révèle être, dans son

fond, une lamentation: Et d’un chant triste, sur les grèves / Pleuraient des eaux des sources /

Mes rêves l’un après l’autre / S’en allaient vers leurs pays (Coucher d’automne / Apus de

toamnă). Et les eaux d’Alice, quelque folâtres qu’elles soient, sont des eaux élégiaques, des

larmes limpides, soit qu’il s’agit des pleurs muets de la fontaine, de ceux profonds de la mer

ou de ceux vivaces des sources et des ruiseau: Oh! Je vous connais depuis longtemps, depuis

41

Maria Platon, op. cit., p. 77.

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longtemps / Vous, tristes eaux de sources, / Et il semble que le coeur me fait mal / Lorsque je

reste songeuse et vous écoute (Pleurs des sources / Plînsul izvoarelor). Le temps et les eaux

s’unissent, sur une voie d’isomorphisme imaginatif et symbolique, dans un sentiment

élégiaque, dans la douleur de la fuite du temps: Là dans la vallée, qu’est-ce que chante si

larmoyant parmi les roseaux? / C’est le même flot, toujours le même: la fin éternelle de la

conte (La source / Izvorul). Bien sûr que l’allégorie de la vie est un voyage sur les eaux de la

mer et naturellement que ce voyage finit tristement. C’est justement pour ça que la poète table

sur les intensités de sensation, c’est justement pour ça qu’elle compense par des ivresses

fulgurantes. Pour le moment dans une écriture aisément enfantine et dans des allégories d’une

brave candeur: Le printemps est une vierge / Aux bleu yeux profonds, / Il se promène toujours

dans les prés / Et se glisse à travers les bois (La légende des violettes / Legenda viorelelor).

Comme à vraie dire l’affirme Doina Curticăpeanu, ‚‚à côté de beaucoup de défauts le volume

contient aussi des preuves d’une indubitable prédisposition (sensibilité chromatique, force

évocatrice, souplesse, fraîcheur associative)’’.42

Et puis, si de tels poèmes ont plu à

Maiorescu, pourquoi en faire des façons!? D’autant plus qu’Alice va bientôt compenser toute

déception de naïveté due au début.

Mais, naturellement, pas tout de suite. Pendant un certain temps elle continue à écrire

(ni l’apparition du volume, ni le fait qu’elle a quitté le pays n’ont affecté son rythme; mais,

brusquement, en 1914, la source a séché définitivement; du moins jusqu’au moment où

quelqu’un trouve quelque archive égarée) des reportages picturales sur la nature, avec le

même zèle pour les détails et avec la même économie progressive des séquences. Mais avec

une toujours plus intense passion pour ‚‚le drame’’ de la nature, pour le spectacle

météorologique et pour le baroque associatif. Ses reportages, en suivant de près le pointage

météorologique, mais en l’augmentant avec des analogies (de plus en plus fréquemment

morales), se gonflent et se déploient toujours davantage. (D’ailleurs, la respiration d’Alice, de

suave, devient longue et ample; la poète travaille désormais aussi au vers d’épopée, non

seulement de 15-16 syllabes, mais même de 17-18, à sa fin paraissant assez suffoquée.

Dumitru Micu aurait pu avoir raison quand il disait que la poète ‚‚bat le record, parmi les

poètes de son temps, en ce qui concerne la longueur de ses poèmes’’;43

Maria Cioban est la

seule à lui faire quelque concurrence, mais avec peu de succès). Le principe reste toujours la

monographie du phénomène : Comme les serpents glissent vers l’horizon / En longue éclat

rompu / Avec des langues de feu qui coupent la nue / En convulsion ils se triturent // Comme

de larges toiles ils se déploient / Et le ciel ils l’envahissent soudain / Et tout l’horizon retentit

longuement / D’un secoûment lointain (Les éclairs / Fulgerile). Toutefois, la description de la

nature n’est plus seulement tableau, mélange de couleurs et d’effluves; elle se charge de

significations morales et la poète ne peint plus, elle pense aux sens; elle met le paysages dans

une parabole, les fait militer pour quelque idée et les subordonne à un symbole. Ainsi, la nuit,

dans une perspective morale (en fait, morale-sociale), n’est plus tellement mauvaise qu’elle

l’eut été d’une stricte perspective du sentiment, d’une frayeur cosmique; elle devient même

bonne, étant consacrée à l’harmonie et à la régénération: En sourd tumulte étouffé, / Tant de

soucis de vie, tant de détresse / Flottent doucement dans la nuit calme, / Se perdent dans

42

Dicţionarul Scriitorilor Români, A-C, Bucureşti, Editura Fundaţiei Culturale Române, 1995, p. 521. 43

Idem, p. 521.

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l’éternité de sa paix! (Nuit / Noapte). Contaminée par ces interprétations morales de la nature,

Alice devient justement une moraliste et travaille directement à des thèmes sociales-educatifs,

en condamnant, par exemple, la passion pour l’argent: Si tu t’arrêtes un instant dans ton

chemin, écoute / quelle triste chanson retentit dans le monde entier. / De son sein surgit

beaucoup d’inimité, / Et de haine se lève sans réconciliation (L’argent / Banii) Ce thématisme

volontaire la préoccupe tout au long de quelques poèmes minutieux et la poète commence à

être émue par sa propre sensibilité face à l’idée, par l’accès libre et facile à la réflexion. Par

conséquent, elle compose philosophiquement, en méditant abstraitement à ‚‚la terre’’ (mais

aussi à d’autres généralités), en faisant l’inventaire de ses significations: Terre qui engendre

la vie / Et profond demeure de la mort, / Tu appartiens entièrement à nous tous / Et le monde

te partage. // Sur toi luttent sans cesse / Depuis de siècles, mal et bien, / Mais tout est de toi

rompu / Et entre de nouveau en toi (Pămînt /Terre). Ou en faisant directement de la pédagogie

sentencieuse : Il n’y a pas de tromperie dans le monde, il n’y a pas de vanité. Tout a / Un sens

profond quand tu as en toi assez de passion et de vigueur / De vouloir. Et tu vas toucher un

beau jour le lointain point de mire duquel / Va te rapprocher petit à petit l’effort de toute une

vie (Pour les nombreux / Către mulţi). C’est vrai que la poète a une morale positive et ne

donne pas de mauvais conseils (ils sont même si bons que ni elle ne les suivra pas): Que tu

aies de la vigueur dans ton âme / Que tu vives ton mal à foison / Et que tu te mettes

entièrement au clair / Et profondément, l’esprit serein (La souffrance / Suferinţa). Quelque

sage qu’elle fût devenue et quelque sérieusement qu’elle eût déployé la rhétorique des valeurs

domestiques et positives, Alice ne pouvait, quand même, ne pas promouvoir aussi l’ethos de

l’intensité, de la fulguration qui rachète les frustrations par le spasme électrique. Il se fait ainsi

une liaison d’arrière-plan entre les dessins suaves des Violettes et les velléités philosophiques

qui s’ensuivent; après tout, la sagesse se console toujours avec l’intensité fulgurante: Combien

elle est puissante, et combien elle est grande, / Et combien elle est profonde, notre bonheur, /

Ce n’est pas le temps qui la mesure, mais le sentiment /.../ Et d’une toute entière vie

tourmentée / Un instant de lumière jamais / Ne peut pas être vaincu dans l’âme (Passé /

Trecut) Toujours est-il que, ici, la fulguration des idées est illuminée, mais l’autre variante du

Passé (la poète fait une habitude de reprendre les thèmes, en règle générale par

l’amplification) met encore mieux en relief l’éthique de l’intensité, de l’instant extatique: Car

le temps n’est rien. La vie est tout, / Son infini nous est donné à nous / Maintenant, quand nos

âmes peuvent / La contenir dans la fuite de l’instant entière. Cette éthique de l’intensité est,

forcément, passionnelle, participative; c’est par elle qu’Alice, des abstractions de ses

méditations arrangées en vers, va se retourner vers sa sensualité et celle du monde. Car, par sa

nature, ainsi que l’affirme très bien Doina Curticăpeanu, Alice est ‚‚une fanatique de la

sensation’’;44

un être sensible aux extases.

Là où l’intensité est plus grande, où le rythme est pure frénésie et les sensations sont

un spasme, c’est là qu’elle veut participer; c’est avec le fer en tourment extatique qu’elle veut

se confondre, et non pas de faire un simple voyage par le train: Lorsque les horizons dans la

fumée les ceinture / Et jette son long appel / Dans son sillage, retentissante, / Ce n’est pas la

nostalgie du chemin qui me vainc, / Mais l’ardeur d’être pareil au fer / Démarré dans le

grand tourment, / D’entendre son profond souffle / Et son cri qui remplit le ciel! (Le train /

44

Idem., p. 522.

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Trenul). L’intensité des sensations devient, forcément, intensité de la vision; dès maintenant,

seulement, Alice va se déchaîner, hélas!, dans peu de poèmes. Mais suffisants pour le mériter.

Même les rêveries ou les souvenirs communient maintenant d’une grammaire de

l’intensité spasmodique, d’une béatitude des primordiaux, d’une transe de vision. L’excursion

sur le Danube devient, sous la fièvre de la participation et de l’intensité visionnaire, une

immersion dans l’originaire, lévitation extatique et submersion dans les primordialités, en

suivant un tracé ascendant et subitement descendant de la frénésie. Tel les impressionnistes,

Alice se retrouve dans les extases de début du monde, dans la frénésie des originaires et dans

la fièvre primordiale des éléments: Comme à la lisière d’un raidillon / J’avançais sur le

rompu / Du monde, sommet éblouissant / Et sous le tapis des rayons / J’avais perdu toute la

terre. // Et maintenant sur le chemin perdu / Dans l’éclat du givre / Comme dans un chaos

sans passé / Il semblait que c’est le grand commencement / Pas encore forgé du monde. //

Quand de l’éternité est apparu / Le frémissant instant, / Où d’abord se fit jour / En

remplissant les larges déserts / avec le gaspillage des rayons. (Aux sources du Danube/ La

izvorul Dunării). De tels plongeons extatiques vont se répéter, sur d’autres prétextes, mais

avec les mêmes intensités. Alice a découvert maintenant son propre régime de combustion et

son registre de l’explosion sensuel et passionnel, la fréquence des fièvres participatives. Elle a

le vertige de l’intensité, du senseur drogué. Plutôt que sur de prétextes symbolistes, elle

travaille sur de vertiges expressionnistes, sur des trajectoires d’intensité. (Il est vrai qu’il ne

lui manque pas quelques thèmes – ou quelques motifs – de l’arsenal symboliste; mais ceux-ci

flottaient de toute façon dans l’air de l’époque poste-symboliste française; la langueur et

l’agitation, l’instinct anxieux de migration lui étaient, probablement, structurales aussi; quoi

qu’il en soit, sa biographie en avait été marquée, donc c’était une chose naturelle; peut-être

que c’est justement comme dit Const. Ciopraga, qui remarque déjà dans Violettes – bien

prématurément, à mon avis, et sur la logique de l’épilogue – que ‚‚la sensibilité juvénile

exacerbée en inquiétude et en instinct de migration, loin d’être une pose juvénile, constitue

l’expression d’un tempérament vitaliste, avec des frénésies diurnes/.../ et des tentations

naturistes.’’45

De toute façon, les tentations thématiques symbolistes – des chansons gitanes,

l’Atlantide, le voyage etc. – sont considérée presque du point de vue décoratif face à

l’implication des transes qui finissent dans des tensions d’expressionnisme. Cela, même si la

poète fait une identification empathique et symbolique entre elle et les gitanes. Peut-être qu’il

est vrai aussi – mais seulement s’il est absolument nécessaire – ce que dit Adriana Iliescu,

c’est à dire que le rapprochement des symbolistes est dû surtout à la nostalgie des espaces

lointains et vagues, à une excursion mélancolique démarrée par des raisons vagues dont elle

ne peut pas comprendre le sens’’;46

mais il y a aussi toutes les autres choses qui la séparent

d’eux; même ‚‚l’évasion’’ en indéfini, remarquée par Adriana Iliescu comme une

‚‚déchirure’’;47

à bonne raison, car Alice vit ses vagabondages comme pure angoisse

d’aliénation, comme destin d’exil et avortement existentiel, en aucune façon comme mirage:

Ah! Je ne sais plus sur quel rivage, comme morte / Je suis jetée de nouveau! En quel endroit /

Du monde les vagues du jour m’emportent!... / Mais je sens que partout je suis loin. (Sur la

45

Const. Ciopraga, op. cit., p. 321. 46

Adriana Iliescu, Poezia simbolistă românească, Bucureşti, Editura Minerva, 1985, p. 274. 47

Idem, p. 192.

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route / Pe drum). Cependant, dans son principe, l’art poétique d’Alice, en cultivant la

sensation la plus précise, la plus concrète et la plus intense possibles, est anti-symboliste. Et

cela même en ajoutant celles insérées par Pavel Ţugui sur la liste des femmes poètes

symbolistes: c’est à dire ‚‚l’univers neptunien, l’océan et la mer, comme celui fluvial’’, qui

‚‚enrichissent le palmarès artistique de la poète, en relevant sa propension manifeste vers le

symbolisme.’’48

Comme je disais, elle n’est pas du tout manifeste). Les effondrements dans la

rêverie deviennent régulièrement des effondrements dans la primordialité, dans les sous-sols

du monde ou de l’être, et des identifications avec la béatitude inaugurale du monde. Pire que

le poète Cărtărescu dans le Musée Antipa, Alice voyage comme une visionnaire, avec la

vitesse de la transe, non seulement jusqu’aux origines de l’espèce, mais plus profondément,

jusqu’aux origines du cosmos, en assistant, par hallucination, à ses commencements et en

fusionnant son être avec cet élan. La vision gagne des accents, des prégnances et des

intensités qui font rappel à Eminescu (et des rythmes, bien entendu): En vain je cherche le

sens du mystère qui se déroule! / Je tâtonne dans le noir, et ses chemins me font frémir. / Je

cris de mots inconnus vers ces étrangers qui se taisent! Mon esprit combattant avec le rêve

saisit des sens qui lui échappent, / Éternellement se défont des images, comme le reflet sur

l’eau, / Et à leur place arrivent de nouveau d’autres, qui se défont. // Je vois un fil de siècles,

d’un instant à un autre instant, / De nouveaux siècles avec leurs peuples renouvelés prennent

contour. / Mais une nuit les sépare de ceux qui périssent. (Le rêve II / Visul II). La rêverie, le

sommeil, comme d’autres environnements et d’autres états narcotiques, deviennent de pures

occasions participatives, des occasions de raccord avec le rythme du monde, des occasions de

fusion érotique, d’identification avec la sève et le pouls du monde: Et tandis que je déguste la

vie d’arbre / Ma sensibilité dans son être se perd: / Je me fais des bras aimants de ses

rameaux, / Pour embrasser le vent errant, / En moi résonne le chant des oiseaux, / Et la

mousse verte me met sur la terre / Un large tapis et frais sous mes pieds. // Je bois la terre

profondément par mes racines etc. (L’arbre / Copacul). Réduite ou concentrée dans une pure

frénésie, le monde se fait violemment sensuel et Alice fait du ‚sensationnel’ une méthode de

sa vision. Tout le monde est d’accord que dans l’écriture de sensations le sommet est atteint

dans Mauvaises herbes/ Buruieni, une débauche des sens excités et saturés, une pure orgie

réceptive. Ou, avec les mots de Dumitru Micu: ‚‚la vision d’un paradis de mythologie

barbare’’.49

Même les thèmes moraux se droguent sensuellement, ils ne sont plus de leçons,

mais de rêveries de fusion: Comme il est enivrant le repos des lézards qui dorment au soleil /

Pendant les jours brûlants, quand le ciel de sa coupe ronde verse / Sa lumière comme le vin! /

Oh, laisse-toi envahi eux, par le profond sommeil qui ne sursaute; / Du bonheur de

l’immobilité, quand le vent volant renverse / Des coquelicots minces le venin! (Le travail II /

Munca II). Alice a trouvé, en effet, la couche de frénésie du monde, mais aussi – soudain – la

couche passionnelle de sa propre nature. Et la gêne de se confesser est devenue, brusquement,

audace de confession à tout risque.

Le principe sensuel est, naturellement, le principe du concret, mais aussi un principe

passionnel. G. Călinescu a été très attentif notamment à son premier aspect, donc il coupait

court que ‚‚nous avons à faire avec une poésie purement féminine, qui a comme fond la

48

Pavel Ţugui, op. cit., pp. 55-56. 49

Dumitru Micu, Literatura română în secolul al XX-lea, Editura Fundaţiei Culturale Române, Bucureşti, 2000,

p. 25.

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sensation directe du monde’’.50

Et cela certainement aussi parce qu’Alice trouvait dans la

sous-couche du monde une frénésie pure, une sensation pure de rythme et d’élan, mais

également car G. Călinescu considérait de toute façon la féminité au niveau stricte de la

sensation; ‚‚comme poète – dit-il –, la femme est sensuelle’’;51

En ce qui concerne l’ainsi dite

‚‚connaissance de la femme’’ il est clair qu’elle ‚‚a la tendance de s’arrêter dans la zone de la

sensation’’, étant ‚‚orientée objectivement par des instincts’’.52

Peut-être que chez Alice aussi

c’est comme ça. Mais en tout cas, de même que par la frénésie des sensations, elle a trouvé la

vision des élans concrets des débuts du monde, c’est toujours par la grammaire des sensations

qu’elle arrive aussi au lyrisme passionnel. L’érotique dissimulée ou implicite dans d’autres

formes de fusion devient évidente, comme déchaînement pure des passions, tout à fait

violente. Une poésie comme Du lointain/ Din depărtare met toutes les saisons sous le

tourbillon de la passion, en contournant la frustration dans une extrêmement virile

(maintenant c’est vraiment comme ça) confession féminine, avec une ardeur sauvage

déchaînée par le souvenir: Quand je n’étais plus vu, l’automne sombre était tombé: / Un

automne avec vertige de vents déchaînés et de feuilles, / Avec de nuits sauvages et tristes qui

trottaient longuement sous les pluies... / Je sentais comme la nature bouleversée par de

profonds soupirs tourmentée / Venait avec ses lourds ténèbres dans mon âme s’abattre. //...//

Et quand au feu je veillais tard dans la nuit, je voyais comment s’épanche / De la blanche

flamme, brûlant et surchauffé, de rayons, ton visage, / En païenne j’adorais en secret dans le

feu la vision d’un dieu, / Et je la suivais de si près, tandis qu’elle se renouvelait tellement

indestructible / Que je ne savais pas si mon souffle est brûlé par les flammes ou par la

passion! (Du loin / Din depărtare). L’amour est lui aussi vindicatif, assurément, c’est ainsi

qu’Alice paie cher la nonchalance du premier amour, avec de souvenirs aigus: Aujourd’hui

encore, de l’éternité féérique / Où je t’ai vu mon esprit est plein, / Aujourd’hui encore je

revois ton visage serein/ Qui avait pris toute l’obscurité de la nuit / Et toute la chaude lumière

des étoiles! (Première rêverie / Visarea dintîi). Et bien sûr que cet amour-là avait été une

drogue, une ivresse, car c’est comme ça que se passent les amours chez Alice, aussitôt

malheureux et enivrants: Je te dédiais mon amour / Premier: car il m’enivrait / D’une

incomprise volupté: / Ainsi comme le pourpre vin / avait rempli cette fleur de lys, / Il

remplissait mes pensées pures! (Dédicace / Închinare). Quand il s’agit de l’amour, Alice,

‚‚avec son inspiration païenne’’,53

est, vraiment, enflammée et radicale: elle ne brûle

seulement sur son braise, mais avec de grandes flammes: Tu ne sais même pas combien

frémissant / Peut mon amour en cachette me brûler! / Comme tremble en profondeur, corde

par corde, / L’ardente passion; et longuement, le frisson / Des éloignements, qui amène la

nostalgie / Et de l’approchement qui donne le désir! (Mystère / Taină). Nous n’avons pas

vérifié si, du point de vue statistique, Const. Ciopraga a vraiment raison quand il affirme

qu’‚‚aucune autre poète roumaine n’emploie plus richement les mots qui suggèrent la

combustion’’;54

il nous suffit qu’il a raison quand il s’agit de l’intensité de ce vocabulaire

50

G. Călinescu, Istoria literaturii române de la origini până în prezent, Ediţia a II-a, revăzută şi adăugită, Ediţie

şi prefaţă de Al. Piru, Bucureşti, Editura Minerva, 1982, p. 681. 51

G. Călinescu, Principii de estetică, Bucureşti, Editura pentru literatură, 1968, p. 264. 52

Idem, p. 263. 53

Perpessicius, Opere, II, Menţiuni critice, Bucureşti, Editura pentru literatură, 1967, p. 241. 54

Const. Ciopraga, op. cit., p. 323.

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al. cistelecan Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

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ignifore, c’est l’électrique qui est importante et pas la fréquence. Et il n’y en a plus à trouver

de telles intensités passionnelles dans notre poésie; nous en avons encore de poètes sensuelles,

même d’une sensualité dévoratrice, carnivore (comme l’est Gabriela Melinescu de jeunesse),

mais des unes qui poussent de tels cris authentiques d’ardeur – non; bien que Nora Iuga et

Angela Marinescu pousseront de cris désespérés et fort sensuels, et plus tard toutes les poètes

des années ’80 arrivées sur un seuil dramatique – et poétique et d’autre nature; mais chacune

était à un autre âge, pas trop adéquat aux rages passionnelles. (Naturellement que pas tout le

monde est d’accord avec l’existence de ce registre de flammes; Maria Platon, par exemple,

croit qu’elle ‚‚n’a pas écrit aucune poésie d’une sincérité directe/.../ dans laquelle la poète

clame, à haute voix, sa solitude, sa tristesse, sa maladie’’).55

Mais Alice n’est pas quelque

Isolde malheureuse à cause de son unique amour; par contre, elle est une Dona Juana qui

connaît l’histoire de l’amour (même mieux que Dona Juana de Marta Petreu) et l’a vécue avec

passion (une enfilade de passions): J’ai cueilli des baisers comme on amasse / Un gerbe de

fleurs. Et des coeurs comme on ramasse / Une brassée de fruits arrachés par la tempête, /

Mais je les ai retournés: car un fou, / Fuyard destin brise mes désirs (La dernière rêverie /

Visarea cea din urmă). Elle est une aventurière en amour aussi, une collectionneuse, une

héroïne avec de la bravoure et non de bravade; mais avec la mémoire enflammée du premier

amour candide, du premier baiser – celui définitif, l’unique catastrophique: Mais aujourd’hui,

quand je languis muette brûlée par la fièvre, / Quand mes paupières se renferment chaudes, /

Vers le passé ma pensée retournée / Par ton baiser à jamais inoubliable, / Frémissant

souvenir! // Tu ne te rappèles plus le matin / Où toi, seul, tu es venu jadis, / Et dans tes mains

j’ai enfoui mon visage. / Mais ma vie fut troublée / Car elles ont touché ma bouche ardente.

(idem) Sans doute qu’il ne s’agit pas seulement d’une mémoire sensuelle féroce, mais aussi

d’une mémoire passionnelle vibrante. Alice est une Sapho roumaine, compétente comme

personne d’autre dans le domaine des sensations de fournaise érotique et dans celui des

hallucinations d’agonie: M’enflamme encore, / Avec leur longs tortures, la braise des fièvres.

/ Frisson et obscurité m’ont vaincus / De soif je suis troublée, / De soif ardente et

d’amertume... //...// Et à travers les sursauts / De frissons je m’imagine des barques de fleurs /

Et des fruits, en glissant en aval de la rivière, / Lourdes de leurs excès / Cueillis dans les

trésors des jardins //...// Oh, si je pouvais / m’ombrager au moins à mon ombre / Qui violacée

s’étend sur la terre! / Que je m’habille d’elle, / Que je m’enveloppe, que je m’endors en elle

pour l’éternité! (Désert / Pustietate). Mais aussi, quand il s’agit de donner à l’amour la force

de guérison, elle le fait tout de suite et absolument: La vive source, / Les fleurs toutes avec

leurs parfum / Étaient réellement dans ton baiser / Qui mystérieusement éteignaient / Sur mes

lèvres la braise accablante de la soif. (idem). Il se peut que, après tout, c’est comme dit

Sebastian Drăgulănescu et, ‚‚pourtant, l’érotisme est peut-être le côté le plus profond de la

sensibilité de la poète’’.56

C’est, en tout cas, non seulement un registre de virtuosité mais un

registre de vitalité passionnelle fruste; la chanson d’une Didone qui est partie dans le monde,

mais qui a été aussi abandonnée sur la rive de la passion; et même dans sa flamme.

Naturellement, à telle passion, il convient un paganisme pur de sensation et de

comportement. C’est ce qu’Alice dévoile sans cesse, tant par l’intensité de son érotisme, que

55

Maria Platon, op. cit., p. 103. 56

Dicţionarul general al literaturii române, C-D, Bucureşti, Editura Univers Enciclopedic, 2004, p. 147.

Page 18: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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par sa densité; tant par le sensualisme, que par le volontarisme du sentiment. Mais, au-delà de

ces professions de paganisme dissimulées en quelque partie, l’âme extatique de la poète se

dévoile entièrement dans l’hymne dédié au soleil (Prière au soleil/ Rugă soarelui); une sorte

d’hymne-provocation, car à la différence d’autres poètes qui se prosternent – plus ou moins

allégoriquement – devant l’astre, Alice le fait dans de termes assez sensuels et corporels, en se

provoquant, ici aussi, par l’ivresse: C’est à ta lumière que je demande des caresses / Et non à

la fraîcheur des eaux qui chantent / Sous ton rayon trompeusement reflété; / Et ni de la part

de l’ombre verte des taillis: / Mais mon ardeur s’élance / Pareille à l’alouette qui dans tes

nues se perd. //...// Et c’est ton rayon que boit ma bouche assoiffée, / Avec les soupirs de ma

poitrine / Comme si tu cherches l’ivresse dans une boisson. L’art de la passion exige, bien sûr,

aussi l’art de la provocation, le génie de la séduction. Et ici Alice est le maître absolu chez les

Roumaines. Ses Serpents/ Şerpii (poème dont Pavel Ţugui57

dit qu’il aurait été incité par Les

Grenouilles/ Broaştele de Topîrceanu, poésie dédié à Alice; c’est, bien entendu, s’il est

comme ça, le plus grand vertu de la poésie de Topîrceanu) ne constituent pas seulement ‚‚le

chef-d’oeuvre de la poète’’58

mais aussi le chef-d’oeuvre du lyrisme roumain d’excitation.

Călinescu la résume avec l’expression: c’est ‚‚l’orgueil de la femme fascinante de voir les

êtres masculins qui se traînent à ses pieds’’;59

c’est comme ça, du moins jusqu’à un point; ce

n’est pas seulement une poésie d’orgueil, de superbie, mais d’une béatification sensuelle de la

féminité, d’une béatification de la nymphomanie; Alice chante ici la féminité sauvage, le

drogue de la séduction, le sortilège de l’excitation, la magie de la provocation; la féminité

comme narcose ineffable et irrésistible; comme pouvoir sensuel absolu; c’est un dessin qui

joue à la limite dangereuse de l’incantation phallique, mais, pourtant, Alice ne franchit pas les

bornes. Quoiqu’elle n’évite pas – entièrement – le spectacle d’orgie: Venez mystérieux et

majestueux, vous, charmés d’une voix étrange!/ Dès maintenant votre torsion seulement à

mon rythme se change / Et sans ardeur est contre moi votre dangereuse langue, / Laquelle

comme une fleur empoisonnée dresse son amer venin //...// Je m’appuie contre un arbre et là

j’attends tout votre peuple vaincu / Qu’il se rassemble à mes pieds avec des corps acérés

d’épée, / Que je hausse, en enroulant sur mon bras tendu, / Et dans des ceintures animées que

je laisse ma taille ceinte. Il se trouvent ici des audaces dont notre poésie féminine va se méfier

encore longtemps et même Maria Banuş, avec son volume Le Pays des jeunes filles/ Ţara

fetelor, n’ira pas si loin. Mais surtout il y a ici une sensualité tellement déchaînée que ni

l’incantation d’ours d’Ileana Mălăncioiu et ni le frémissement sensuel des chevaux de la

poésie de Carolina Ilica ne peuvent pas tenir le rythme. Et il ne s’agit pas de l’audace

thématique ou attitudinale, mais de l’audace de l’art. Alice l’avait, sûrement aussi, le premier;

mais l’avait surtout le dernier. Le premier est devenu aujourd’hui banal à cause de trop

d’usages; au contraire, l’autre est de plus en plus rare. Quoi que ce soit, Alice reste la plus

bouillante amante de notre poésie.

57

Pavel Ţugui, op. cit., p. 35. 58

Pavel Ţugui, op. cit., p. 35. 59

G. Călinescu, Istoria..., p. 681.

Page 19: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

al. cistelecan Une aventure roumaine-française (Alice Călugăru)

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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CAIUS DOBRESCU

University of Bucharest

Political Theory vs. Political Mimesis in The Early-Modern

Literary Representation of Decision-Making1

Departing from a replicative understanding of mimesis, the paper re-describes the notion as

the simulation, under controlled circumstances, of character-building explorative and dubitative

experiences. The simulation-based ethical mimesis is used as a pedagogical instrument on the one

hand by the early-Renaissance dynamic political culture, and on the other hand by the late-medieval

spiritual practice of the imitatio Christi. The interaction between these two patterns generates, in the

early modernity, complex fictional structures articulating the simulation of factual uncertainty with

the simulation of ethical doubt. In order to make them more apparent, these structures are: a)

followed in their close association with the inherently dramatic context of the representation

of/training for political decision-making; b) contrasted against the emergence of the mental habits

that support the rhetoric of the modern political theory and ideology. The nature and consequences of

the polarization between political theory and the fictional political mimesis are exposed in the work of

John Milton.

The history of the mimesis concept predominantly consists of the multiple variation of

the idea of the “imitation of nature” (Tatarkiewicz, 1973). It is largely ignored that the

concept of mimesis also appears in the ethical writings of both Plato (e.g. Laws 7.817 b) and

Aristotle (e.g. Nicomachean Ethics, 1098 a 22-32, 1171b). Actually even in those parts of

their writings that, in our contemporary understanding, could count as aesthetic, the meaning

of mimesis as the activity of convincingly replicating the appearance and/or structure of a

given natural object is constantly fused with the meaning of imitation as

assimilation/absorption or internalization of a moral paradigm (The Republic 3.397 d – see

also Gebauer & Wulf, 1995: 31-2).

The two meanings became not only associated, but also hard to distinguish in the late

Antiquity, when mimesis came to refer primarily to imitating the old masters. This principle is

commonly understood as referring to the imperative of emulating the unsurpassable

accomplishments of the creative artists preserved in the Hellenistic and Roman houses of

fame. But the reverence for the classical times also implied the strong belief in their moral

superiority, in their intrinsic nobility.

Even if still prominent during the major part of 19th

century, the ethical meaning of

mimesis was severely discredited by the modern belief in the necessary preeminence, in point

of artistic excellence, of the formal innovation. Once the idea that the arts and letters should

play a moralizing role in society became repugnant, the classical tradition that closely linked

the study of literature to building or strengthening one’s character in preparation for future

public confrontations and responsibilities fell into oblivion. Therefore, it is the purpose of the

following argument to separate the school of thought that justified literature primarily by

1 This paper is supported by the Sectorial Operational Programme Human Resources Development (SOP HRD),

financed from the European Social Fund and by the Romanian Government under the contract number SOP

HRD/89/1.5/S/59758.

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caius dobrescu Political Theory vs. Political Mimesis

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virtue of its preferential access to moral grandness from the caricature to which it has been

reduced, and to expose at least partly the complex ethical ramifications in the rich semantic

heritage of the concept of mimesis. Obviously, these implications are not necessarily political

in nature, but we will concentrate on the representation of political decision-making in early-

modern literature because it offers a most concentrated and dramatic context for the

expression of moral persuasions and sentiments.

Early modern ethical instruction between simulation and emulation

The Italian Renaissance has been interpreted as being first of all a pedagogical

revolution, a radical turn in managing knowledge as a basic resource of adaption to

fluctuating external circumstances. The scholastic focus on the hierarchical organization of

information and on the metaphysical legitimation of a general world-view was displaced by

the imperative of training the elites of the Italian commercial republics for facing the multiple

tasks of confronting high-risk social, political and economic environments (Nauert, 2006). In

this view, the explorative attitude of the modern empirical sciences was anticipated by the

political necessities of understanding and conceptualizing risk and uncertainty (and of

consequently simulating them mainly through the empathetic hermeneutics of Greek and

Latin historical and literary texts).

In the same Renaissance melting pot, the restored classical notion of moral mimesis

(an effort of spiritual identification with an excellence of character embodied by the classical

heroes), gradually acquired the spiritual and mystical overtones of the imitatio Christi

(Eppelsheimer, 1968; Ong, 1994). The Christian perspective significantly altered the

substance of the classical concept of mimesis. Even if it preserved the partition between an

aspiring soul and the object of its assimilationist aspiration, the nature of the latter

considerably changed, since the intended model, Christ, being both human and trans-human,

couldn’t be reasonably confined to a list of commendable virtues. Given His divine dimension

(which, according to the “negative” or “cataphatic” theology, could be perceived only

obliquely, by acknowledging the limits of the human understanding and the divine

differentials), the Christ couldn’t be approached simply as an exceptional but thoroughly

human paradigm. Imitation as identification could function, in this peculiar but foundational

case, only in the paradoxical manner of following specific norms, standards and techniques

aimed at the successful appropriation of the desired model, while simultaneously subverting

them through and through by a deeply rooted consciousness of the arcane and anomic, or

rather meta-nomic nature of that model. A nature that could at any moment call into question

its very classification as a “model” by any reasonable standards.

Being trained, in the political-mercantile milieus, for advancing into an ever-changing

empirical reality, and being trained, in the monastic-intellectual milieus, for advancing into

the unknown and uncharted territory of the genuine mystical experience represented, at the

beginning, two separate branches of the education of early modern social elites. And, maybe,

two distinct and potentially conflicting faces of early modernity itself. They could be clearly

perceived in the polarization between the Machiavellian and the Lutheran visions of the

realms of predictability-unpredictability and of the “natural” ratio between them.

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Journal of Romanian

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Machiavelli was concerned with the vast number of determinations external to the

consciousness. It is their hardly predictable interplay that absorbed his theoretical

industriousness. Against an obscure background dominated by the works of Fortuna, human

consciousness seemed rather unproblematic in its, if not luminous, at least limpid survival-

driven rationality. At the other end, Martin Luther bracketed almost all serious interest in the

realm of the political, social or economical concerns, considering they were marshaled by the

inflexible laws of nature and, if let to themselves, thoroughly predictable. The mystery of the

Unpredictable (actually, of In-determination) could occur only in the only segment of the

cosmic design that he considered to have been allowed the mixed blessing of self-governing.

Which was to say, the deepest recesses of the human soul.

As polar and incompatible as they seem (and actually are) these two visions of

(un)predictability where brought, in the historical unfolding of European intellectual

modernity, to a deeper and deeper mutual implication. Their fusion fostered the emergence of

a concept of action equally and simultaneously implying the necessity of managing high

levels of factual uncertainty, and of mastering the tensions generated by ethical doubt. It is the

main assumption of the present essay that this merger can be exposed with certain clarity in

the literary strategies of imitating-simulating the political decision-making seen as the office

of mediating between states of cognitive and ethical ambiguity.

Political mimesis vs. political theory. The case of Milton

By political mimesis I understand much more than a reconstruction of the intellectual

and psychological decision process. A fictional simulation of the political decision is an

undertaking in which two lines of mimetic accuracy, the one oriented towards creating the

effect of factual unpredictability and the one oriented towards creating the effect of vibrating

ethical doubt, culminate into a thoroughly un-real, un-natural (and, therefore, as paradoxical

as it may sound, un-mimetical) object. Such a simulation is a transgressive structure of

coherence emerging from the suppression or neutralization of the borderline between the

“outer” world of the interplay of objective determinations and the “inner” intersection of

competing lines of ethical argument.

It is along these lines that the practices of artistic mimesis tend to evolve into a form of

reflecting on politics and the political that clearly diverge, by means of values and goals, from

the mainstream of early modern political theory. The main difference lies in the fact that

theory aborts from the very beginning the moment of doubt. It is post-optional in its very

nature: in order to function, it has to be fueled by a rhetoric of conviction and determination.

In order to convey to the project that it nurtures an aura of effectiveness, it has to be fashioned

according to what we could call a poetics of “sustainable illumination”. But the political

mimesis is, from this point of view, pre- or supra-, or epi-optional: it doesn’t take decision as

an unquestionable and transparent fact of life, it distances itself from the decision process and

renders it as something essentially unfamiliar and strange.

There are important authors who transform the mimesis into a simple technology

subordinated to their peculiar ideological beliefs and to the species of political theory they

passionately cherish (Brecht or Sartre could serve as most relevant examples). There are, also,

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caius dobrescu Political Theory vs. Political Mimesis

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political thinkers who try to import the sophistication of the political mimesis into a

theoretical framework (Foucauld or Rorty could illustrate this distinct possibility). But the

authors who can offer the most provocative case-studies for our mimesis-vs.-theory

hypothesis are those who prove strong and divided loyalties towards both ideals of

charismatic ideological self-evidence, on one hand, and of the baroque beauty of tensionally

multileveled motivations of the human actions, on the other hand. It is especially relevant to

witness, in the first phases of the intellectual modernity, the dramatic coexistence of these two

very different patterns of thought and expression in one and the same consciousness. It is

instructive to follow how an author who displays the most unequivocal support for the linear

logic of a given walk of the modern political theory, tends, when turning to fiction, to

withdraw to far more cautious and skeptical attitudes and appetites. Decision, which is totally

distillated in the rhetoric of commitment, glides towards the center of the mental stage and

becomes a theme and an object of thought in itself.

Our example of choice, manifesting both a historical antecedence and a structural

exemplarity, is the polarization between the political-theoretical and the political-fictional (or,

according to the terms of the present inquiry, political-mimetic) in the work (and the mind) of

John Milton. As a father figure of all European revolutionary artists/intellectuals, Milton

deserves, in the present context, the utmost attention. As far as the post-optional nature of the

theoretical discourse is concerned, there could be no example more unequivocal than Milton’s

passionate defense of the death sentence that the Parliament passed on king Charles I (Peacy,

2004; Raymond, 2003). His attitude on this extremely sensitive ethical and political matter is

archetypal for the revolutionary ethos of the modern age. Milton’s political tracts expose the

very essence of theory as a display of unfettering certitude cum fortitude. A paragon to all the

polemic and apologetic literature that he authored during the puritan Revolution, Milton’s

Eikonoklastes (1649) could be especially seen as based on a psychological technology of

obtaining a sustainable state of inner non-contradiction leading to a “sustainable” (or, in the

epochs vocabulary, “divinely inspired”) ideological bliss. Written against the royalist Eikon

Basilike, a book propagandistically attributed to Charles I himself, Milton not only avoided

the slightest expression of moral doubt, but also energetically tries to dissipate it in the

consciousness of those of his potential readers still appalled by the recent beheading of the

monarch:

Thus in a graceless age things of highest praise and imitation under a right name, to

make them infamous and hateful to the people, are miscalled. Certainly, if ignorance and

perverseness will needs be national and universal, then they who adhere to wisdom and to

truth, are not therefore to be blamed, for being so few as to seem a sect or faction. But in my

opinion it goes not ill with that people where these virtues grow so numerous and well joined

together, as to resist and make head against the rage and torrent of that boisterous folly and

superstition, that possesses and hurries on the vulgar sort. This therefore we may conclude to

be a high honour done us from God, and a special mark of his favour, whom he hath selected

as the sole remainder, after all these changes and commotions, to stand upright and stedfast in

his cause /…/ (Milton, 1847: 446)

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But once we moved to Milton’s most acclaimed and resistant literary accomplishment,

his theological epos Paradise Lost, we will discover the full-fledged representation of exactly

those moral pangs precluding the political decision that he completely evacuated from his

ideological-theoretical endeavors. Actually, the first two books of the epic poem offer, in

opulent biblical garments, a most elaborate simulation, almost unique in the fictional literature

of the European early modernity, of a fundamentally unpredictable field of experience: the

amorphous and still uncharted territories of the Inferno where the Demons have been thrown

by the armies of God’s faithful Angels. This perceptually-mimetic reproduction of utter

conditions of factual uncertainty and risk is superseded by the reconstruction of an

institutional process of political decision: the workings of the Parliament of the Demons,

which replicate the epoch’s deliberation procedures with surprising accuracy. The objectified

political debate being, in its turn, doubled by the reconstruction of the ethical torment that

swipes the individual consciousness of the arch-decision-maker, Satan himself:

/…/ Horror and doubt distract

His troubl’d thoughts, and from the bottom stir

The Hell within him, for within him Hell

He brings, and round about him, nor from Hell

One step no more than from himself can fly

By change of place

(IV.18-23)

This split between theory and mimesis is relevant for two main walks of the

transformation of the classical-Christian ethical ideal of the imitatio. Both political theory and

political mimesis are telling for an advanced process of de- or non-personalization of the very

notion of ethical model. The classical hero or the Christian saint is actually a set of norms that

is completely construable as a “person”, as a coherent, accomplished, vibrant human

character. But this personalizing quality of the model begins to fade at the wake of modernity.

On the one hand, political theory, as illustrated in the Miltonian revolutionary polemics,

accounts for a highly paradoxical process: an intense personalization of the discourse, an

intensely emotional (to wit visceral) approach of the ideas leads, in compensation, to the

almost complete de-personalization of the “model”. This one is no more anthropomorphic, it

is not measured against the inner balances and rhythms expected to underlie, at least ideally, a

human consciousness. The model is abstract, it is a set of pure notions and ideas. So that, to

put it in a nutshell, the personalization (in the sense of emotional overcharge) of the medium

brings about or is simply simultaneous with a thorough impersonalization of the message. Just

consider under this angle the seminal Miltonian rejection of the theological legitimation of the

monarch as legitimately embodying, i.e. personalizing, the political power. The very classical

notion of ethical mimesis is thereby profoundly altered, since the effort of imitation is no

more directed towards the identification with the deeds and attitudes of a larger than life

personality, but with a corpus of ideas, or rather with the belief in a principle of abstract self-

structuring.

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caius dobrescu Political Theory vs. Political Mimesis

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On the other hand, what we have called political mimesis is also clearly removed from

the classical ethical mimesis. Political mimesis is rather the skill of building the virtual

environment that offers the consciousness a vivid representation of the factual uncertainty and

the ethical doubt under which real life decisions have to be taken. This is to say that the moral

experience, though obviously incompatible with the notion of logical non-contradiction and

self-consistency central to the discourse of theory, is equally incompatible with the classical

idea of the spiritual magnetism exercised by the noble characters. The moral experience

cannot rest in the absorption of a preexisting model, because there can be no preexisting

model anymore. The advancement in the field of empirical experience and of ethical emotion

is tentative and explorative. In other words, if the mimetical engineering was successful, if the

fictional environment was able to convey a sense of the unexpected, of the unpredictable and

the morally ambiguous, this could only erode the belief in an aprioristic model and

substantiate the vision of an ethical coherence pattern gradually emerging from experience.

Like the political theory, the political mimesis is equally marked by a paradox. On the one

hand, the growing cultural awareness of the fallibilities and inner conflicts of classical models

of virtue generates an ever more finely tuned and calculated fictional reproduction of the

complex determinations that surround or constitute the political decision-making. But, on the

other hand, this substantial increase in the replicative rationality of the means of

representation goes hand in hand with a tendency of emotional dispersion as far as the ends of

the representational process are concerned. The tentative, explorative and emergent

representation of the ethical experience and decision-making directly contradicts the

principles of the classical ethical mimesis, because what is considered fundamental and

formative from the perspective of a high moral pedagogy is not the absorption of a pre-

existing spiritual pattern (that is to say, of a personal model, of a model configured around a

strong belief in the consistency and irreducibility of the human person), but the process

through which consciousness develops the kind of moral fiber necessary to confront the

impersonally-merciless pressures of real-life incertitude and doubt.

A final starting point

The above observations are not meant to contain the problem of the common origins

and the diverging evolutions of political theory and political mimesis to the intellectual world

of the early modernity. Quite the contrary, my approach means to open another perspective on

understanding the relationship between mimesis (seen as the fictional simulation of external

and internal decisional environments) and the sphere of the moral experience (including the

famous “ethics of authenticity” – Taylor, 1992). Even a quick survey of Milton’s efforts to

represent, resorting to a form of intellectual (both conceptual and conceptualized) baroque,

the intricacies of political decision-making, should warn us against the rather narrow

psychological positivism of the contemporary study of literature-as-simulation (Currie, 1990;

Walton, 1990; Stone & Davies, 1995; Goldmann, 2006; Knight, 2006).

At the same time, I would expect the dramatic distinction between the theoretical-

ideological and the ethical-mimetic practices of the Miltonic cogito to awake the interest in

exploring the complexity of the latter against the manifest unilateralism of the former. The

least the perception of the said complexity could do is make us reluctant towards that

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discourse of the contemporary philosophical main-stream which unproblematically and

pejoratively identifies simulation with moral deceit, while presenting a spiritually-hollow

modern society creeping under the brutal domination of all-pervasive simulacra (Baudrillard,

1994; Agamben, 1999; MacIntyre, 2007; Žižek, 2002). In my understanding, the literary study

of the political mimesis should avoid the dead-end of shallow and self-reproductive anti-

simulation theories. And connect the exploration of mimesis-as-simulation to that rich

interference of pragmatic incertitude and ethical doubt emerging, for instance, from such an

implicitly Miltonian work as Max Weber’s “Politics as a Vocation” (Politik als Beruf,

1919/1991), with its stress on the cardinal distinction between the “ethic of ultimate ends”

(Gesinnungsethik) and the “ethic of responsibility” (Verantwortungsethik).

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ALEXANDRU GAFTON

Alexandru Ioan Cuza University of Iași

L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

Our study relates to the use, in old Romanian translations, of the verbs ”a fățărnici”, ”a

fățări” and of the nouns ”fățărnicie”, ”fățărie” in virtually all existing formal possibilities.

The meanings of these words are: "being biased", "to simulate", "bias", "hypocrisy",

meanings which all have, as a starting point, a concrete significance, which created an image

that was progressively refined through abstraction and association of ideas. The cited

sequences prove that practicaly the word pairs that were mentioned are in a relation of

synonymy for the two types of meanings. On the one hand, the two terms of the same lexical

familiy may compete, as they are able to convey the same meaning, on the other hand, each of

them struggles not only for a more secure and stable position within the system, but also to

remove the competitor word.

Bien que, au niveau lexical, la tendance générale dans la rédaction des anciennes

traductions en roumain était de trouver les correspondants roumains les plus adéquats aux

termes du texte-source et de les utiliser comme tels, souvent, ces textes contiennent des

termes entre lesquels s’établissent des relations de synonymie, sans que cela reflète

nécessairement la situation du texte-source. A côté de cette situation, il ya une autre, où à

plusieurs termes du texte-source – ayant des sphères sémantiques quasi-compatibles –, les

traducteurs et les réviseurs roumains leur assignaient un même terme roumain ou des doublets

de la même famille lexicale1.

Bien sûr, en roumain, ce terme-là, quoi qu’il en fût, avait ses valeurs et ses emplois. Par

son utilisation dans des traductions, assez fréquemment, on pouvait le solliciter pour exprimer

de nouvelles nuances, et même de nouvelles valeurs. Ce processus fait partie intégrante de

celui par lequel les langues développent leur niveau lexical-sémantique. Mais, la simple

existence de celui-ci ne conduit pas toujours à la concrétisation des valences du terme, ou au

développement de ses possibilités, ou à l’amélioration de ses performances (v. Gafton 2007).

Une situation intéressante, capable de nous offrir de diverses suggestions, est donnée par

l’emploi des mots tels: a făţări, făţărie, făţarnic, făţărnicie. Selon DA, en roumain, cette

famille présente les formes suivantes, avec des valeurs comme: făţare “feinte, dissimulation,

hypocrisie”, a făţări “être partial, dissimuler”, “feindre”, făţărie “partialité, dissimulation”,

făţărnicie “dissimulation, hypocrisie”; făţarnic “partial, hypocrite, feint”, a făţărnici

“feindre”. De moins en moins utilisés à présent (il restent encore dans l’usage făţarnic şi

făţărnicie, fort concurrencés par ipocrit et ipocrizie) et en train d’archaïsation, ces termes sont

assez bien représentés dans les anciens textes roumains2.

Les situations où ceux-ci apparaissent dans les anciennes traductions roumaines de

textes religieux, indiquent, quand même, un certain forcement des possibilités qu’ils avaient,

aussi bien que l’apparition d’une concurrence entre eux, jusqu’au point de péricliter

l’intelligibilité du texte et la position de ces mots dans le système. A cause de cela, nous

considérons que ce cas mérite d’être analysé, car il nous offre la possibilité d’observer l’effort

1 En ce qui concerne la question des sources, voir nos études respectives (Gafton 2005, 2012b).

2 En ce qui concerne l’étymologie, les valeurs et l’évolution, v. DA, s.v. făţare et suiv.

A făţări et făţărie se trouvaient sur la même position, et, par conséquent, en concurrence avec a făţărnici et

făţărnicie.

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alexandru gafton L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

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que ces termes font pour gagner des positions propres dans le système et rend visibles certains

éléments de dynamique lexical-sémantique3.

*

2. Quoique les cas énumérés en ce qui suit soient relativement contemporains (ils

apparaissent dans le même texte ou dans des textes qui, sur l’échelle de l’évolution de la

langue, sont situés assez près temporellement), ceux-ci présentent des différences à même de

nous permettre d’observer l’existence de quelques usages différents, capables de surcharger le

niveau lexico-sémantique, avec des conséquences diverses, mais qui sont aussi le résultat des

caractéristiques contextuelles propres à l’étape respective de développement de la langue. Au XVI

e siècle, on rencontre dans les différentes régions du territoire roumain une activité assez soutenue

de traduction, qui concerne les divers livres bibliques (en ayant comme source le texte slavon, grec, latin

ou hongrois).

Quand même, ce n’est qu’en 1648, à Alba Iulia (anciennement Bălgrad), en Transsylvanie, qu’on a reussi

à traduire intégrallement le Nouveau Testament (NTB)4. C’est une traduction d’après la Vulgate, et qui a

suivi aussi La Séptante et, peut-être, une version allémande. La traduction est conçue d’après la

conception protestante, c’est-à-dire qu’elle se préoccupe du lecteur (ou d’auditoire) qu’elle essaie à

édifier. C’est pourquoi cette traduction utilise pleinement le niveau lexical de la langue commune (sinon

les traducteurs utilisent des glosses marginales), mais aussi une syntaxe accessible, sans des influences de

la part des textes-sources, tout en essayant d’offrir un texte intelligible.

Après 40 années, en 1688, à Bucharest, il apparaît la traduction intégrale de la Biblie (BB). Pour ce qui est

de l’Ancien Testament, le texte n’est pas, en fait, que la traduction faite quelques années plus tôt (1661-

1664) par Nicolae Milescu, grand érudit moldave, d’après l’édition de La Septante, parue à Francfort, en

1597. Le texte, révisé par un autre érudit moldave, le métropolite Dosoftei, sera la base de l’Ancien

Testament de la Bible de Bucharest (1688). L’autre partie, Le Nouveau Testament s’est constitué par la

révision valache du Nouveau Testament de 1648.

Bien qu’utilisant des textes traduites par d’autres, sans être le résultat du travail propre, les auteurs de la

Bible de Bucharest n’ont pas fait un simple collage, mais ils ont publié le texte après qu’ils ont fait une

révision (assez courte d’ailleurs). Leur conception, proche de celle de Nicolae Milescu, très éloignée de

celle des auteurs de NTB, est, pratiquement, de reproduire la forme du texte grec, dans les cadres de la

langue roumaine. Ils ne s’intéressent pas de tout du lecteur (ou d’auditoire), mais ils cherchent à ne léser

aucunement le texte-source. C’est pourquoi cette version contient des nombreux calques (non seulement

au niveau lexical-sémantique, mais aussi au niveau grammatical) et, en général, elle tend à reproduire les

structures de la langue-source dans les formes du roumain, à peu près a tout pas en forçant les capacités

du système de la langue roumaine. En fait, ce livre n’a pas été utilisé et, bien sûr, elle n’eut aucun impact

sur les développements de la langue roumaine.

La grande différence entre ces deux textes, NTB et BB, est due aux deux conceptions différentes: les uns

vont construire un texte intélligible pour un auditoire concret et vivant et ils veulent véhiculer le contenu

en respectant le systéme et l’usage courant, les autres veulent, principalement, garder la forme du texte et,

peut-être, remplacer le modèle slavon avec celui grec, donc construire l’aspect littéraire du roumain selon

le modèle grec.

2.1. Une première catégorie de situations se réfère au nom faţă (précédé ou non par une

préposition) et făţărie, qui apparaissent dans des contextes où, autant les termes

correspondants des textes slavon, latin et grec, que la traduction correcte, comme celle de la

Bible 2001, aussi bien que les valeurs imposées par les contextes, portent sur – selon le cas, et

la forme qu’ils reçoivent – à des sens tels: “impartialité”, “partialité”, “juger (ou non) selon

les apparences”.

2.1.1. Le segment de Ap., 10, 34 est rendu dans CB ainsi que suit: «E mai de-adevăru

înţelegu că nu spre faţă căută Zeul», ce qui correspond au texte slavon: ne na lica zrit´ bgÓ ~. Quatre-vingt-dix ans plus tard, à peu près, NTB rendra ainsi le fragment: «Cu adevăr aflu că

Dumnezău nu aleage faţa», en traduisant le lat. non est personarum acceptor Deus. Le texte reproduit les paroles de saint Pierre, qui renvoie au Dt., 10, 17, où l’on se réfère à Dieu comme à

«Celui qui ne regarde pas la face». L’expression symbolise l’impartialité divine, qui apprécie et juge sans

3 Nous avons adopté cette même perspective dans une étude sur le champs sémantique “éduquer” (v. Gafton

2012c). 4 Cf. la bibliographie infra pour les sigles des éditions de la Bible et des livres bibliques.

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tenir compte des attributs qui, en définitive, sont obtenus toujours grâce à la divinité, celle-ci ne pas

prenant en considération que la manière dont l’être humain manifeste son libre arbitre, à référence directe

à la façon dont on observe les commandements de Dieu et on suit sa voie. La Bible contient, d’ailleurs,

bien de fragments où l’on exprime le même contenu (1Rois, 16, 7 ou la synthèse paulinienne dans Rom.,

2, 115).

Les termes employés dans les versions grec, latin et slavon de Ap., 10, 34, montrent qu’il

s’agit de “face”, même si le texte utilisait cette modalité d’expression afin d’indiquer

“l’impartialité” de Dieu, sans tenir compte de ce que l’aspect de l’individu exprime (état

physique et/ou psychique, fortune, statut social)6. Sans changer le sens, CP traduit par: «După

de-adevăr înţeleg că nu în făţărie caută Dumnezeu», le terme se rapportant à obrăzar

“masque”. Par n’importe quelles des solutions présentées, le récepteur accède au contenu à

illustrer: “Dieu ne juge pas selon les apparences”, donc “Dieu est impartial”. Cette idée est

bien exprimée dans la Bible 2001: «Cu adevărat cunosc că Domnul nu este părtinitor» (où il y

a aussi une note par laquelle on fait la transition de la forme concrète d’expression du texte

vers le sens ainsi encrypté: «A nu căuta la faţa omului = a fi imparţial»).

A la différence de cela, en s’éloignant de NTB – dans une tentative de suivre de près le

texte grec : oujk e[stin proswpolhvmpth" oJ Qeov" – BB semble forcer le terme: «Cu adevărat

pricep că nu e făţarnic Dumnezău». Cette solution, à ce qu’on va voir, est le résultat aussi

bien de la mise en relation des deux termes, que du positionnement syntactique que făţarnic

obtient dans BB. On pourrait croire que făţărie et făţarnic n’avaient pas des sphères

sémantiques clairement délimitées (l’un par rapport à l’autre et chacun dans le cadre du

lexique de la langue), ce qui faisait que, surtout le terme plus récent – făţarnic – a tendance à

se laisser chargé par les auteurs des traductions avec des valeurs difficilement à gestioner. En

même temps, on a trouvé ainsi la modalité d’utiliser le nom făţarnic avec le sens de “qui se

laisse tromper par les hypocrites, qui juge selon l’aspect, partial”. Cette solution – impropre et

qui produit de la confusion – n’est pas singulière.

2.1.2. On peut prouver cela par observer des cas tels: «Domnu iaste în ceruri, şi făţărie

nu iaste la el» (NTB, Ef., 6, 9) – conformément à et personarum acceptio non est apud eum7 -,

à la différence de BB, qui n’arrive pas à dépasser le terme făţărnicie8 - même si le modèle grec

reste évident : kaiV proswpolhmyiva oujk e[stin par j aujtw~/. On a une distribution identique dans Col., 3, 25, où, tandis que NTB traduit non est

personarum par: «Iară cel ce face obidă, obida va lua, şi nu iaste făţărie», BB recourt à

5 «Pentru că nu iaste făţărnicie lîngă Dumnezău» (BB), qui essaie de rendre: ouj gavr ejtin proswpolhmyiva paraV

tw/~ qew~/; «Că nu iaste la Dumnezău aleagere de faţă» (NTB), qui traduit: non enim est acceptio personarum apud

Deum; «nu iaste, amu, spre făţărie căutare den Dumnezeu» (CP). La meilleure solution apparaît dans chez

Anania: «Căci la Dumnezeu nu există părtinire!» (Bible 2001). 6 Par exemple, la séquence: «Să nu făţărniceşti în gurile oamenilor şi în buzile tale păzeaşte-te» (BB, Eccl., 1, 29)

MhV uJpokriqh/~" ejn stovmasin ajnqrwvpwn, doit transmettre ce que la Bible 2001 exprime par: «Nu fi făţarnic

înaintea oamenilor». A ce qu’on voit, «în gurile oamenilor» constitue une expression qui véhicule quelque chose

d’autre que le sens concret auquel le syntagme renverrait. On met ici face à face deux méta-sémèmes qui ont

pour point de départ des expressions douées de concrétude. Bien qu’exprimant des sens différents, “hypocrisie”,

respectivement “en public”, à cause des leurs possibilités d’usage, offertes par leur sens approché par métonimie:

“devant, in praesentia”, faţă, respectivement gură deviennent deux modalités destinées (ou bien, adaptatives) à

signifier la même chose.

D’habitude, les situations de ce genre sont déchiffrées pour le lecteur, dans NTB, non dans BB. En fait,

généralement, c’est ainsi qu’apparaissent les calques, solutions des plus confusantes. Puisque BB reprend

d’habitude ce qu’apparaît dans le texte grec, que l’expression y soit expliquée ou non, le lecteur de la BB se

heurte inévitablement à des difficultés de déchiffrer le contenu, parce que ce que les réviseurs de ce texte ont en

vue c’est, avant tout, la forme. C’est le même cas pour le XVIe siècle, dans la relation avec le slavon.

7 La solution donnée par Coresi, conforme à son style d’agir sur le texte, reste maladroite, sous l’empire de la

forme: «că la el nu iaste nici o căutătură» (CP). 8 La Bible 2001 présente : «şi că la el nu există părtinire».

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alexandru gafton L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

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făţărnicie, bien que le texte grec présente: kaiV oujk e[stin proswpolhmyiva9.

De même pour 1P, 1, 17: «Şi să chemaţi Părinte pre acela ce giudecă fără făţărie» (NTB),

selon le lat.: qui sine acceptione personarum iudicat, tandis que BB rend le gr. toVn ajproswpolhvmptw" krivnonta par: «Şi deaca chemaţi ‹părinte› pre cela ce fără făţărnicie

judecă»10

.

A ce qu’on comprend, il fallait exprimer l’idée “regarder la face”, afin de produire le

sens “partial”, attribut qu’on nie à propos de Dieu. On ne peut pas dire qu’on a affaire à des

traductions erronées (bien qu’on observe que les traducteurs ont l’intention d’affirmer: «Dieu

n’est pas hypocrite»). Evidemment, tous ces textes chargent les termes utilisés de la valeur

désirée par les traducteurs/réviseurs et exigée par le texte. «Dieu n’est pas hypocrite» ou

«Dieu juge sans hypocrisie» signifie: “Dieu juge sans regarder l’aspect, impartialement”. Il y

a, quand même, des traductions qui restent inadéquates, parce que la tentative de suivre les

textes-modèle, sans y avoir un fondement dans la configuration du roumain, fait que le

résultat soit inconvenant. En fait, on ne peut pas concevoir l’équivalence entre părtinitor et

făţarnic, de sorte que l’énoncé «Dieu n’est pas partial» équivaille à «Dieu n’est pas

hypocrite».

La situation créée, par laquelle on force les limites sémantiques des termes, est favorisée

par le fait que les termes roumains n’étaient pas éprouvés ou clarifiés par un usage de durée

(ce pourrait être, probablement, un argument de plus en faveur du caractère cultivé et récent

de ceux-ci).

Si l’on examine le terme grec et sa traduction dans BB on peut considérer que les

réviseurs de BB ne connaissaient suffisamment ni l’adjectif, ni le verbe, et n’arrivaient non

plus à trouver un équivalent roumain adéquat. Il est vrai que le nom provswpon avait des sens

tels “visage, figure, face, masque, personne”, et que le vb. lambavnw avait les sens “saisir,

attraper, prendre, contenir, recevoir”. L’adj. gr. proswpolhvpth" et le verbe correspondant,

proswpolhptevw, tous les deux propres au texte biblique, devaient, quand même, être pris en

tant que tels dans le processus de la traduction, avec des sens tels “partial, subjectif”,

respectivement “être partial, subjectif”, et non analysés. Il est évident que les réviseurs de BB

n’ont pas consulté les versions du XVIe, et qu’ils ont considéré NTB comme un texte à

corriger, en rejetant les suggestions y présentes ou en considérant que, parfois, ils peuvent

changer la forme (făţărnicie au lieu de făţărie), sans conséquences, pratique qu’on remarque

souvent si l’on compare les deux textes. L’effort des réviseurs de BB de suivre fidèlement le texte grec apparaît aussi dans Gal., 2, 6, où NTB

traduit Deus personam hominis non accepit par: «Dumnezău făţăriia omului nu priimeaşte»11

, tandis que

le gr. provswpon oJ qeoV" ajnqrwvpou ouj lambavnei est rendu dans BB par: «faţa omului Dumnezău nu

priimeaşte». Cette fois-ci, dans le texte grec n’apparaît plus le composé, les éléments sont séparés et

distanciés, la manière de traduction pratiquée jusqu’alors par les reviseurs de BB étant compatible avec

cette situation.

Il arrive presque la même chose dans J, 7, 24, où, à côté de: «Nu giudecareţi în făţărie» (NTB), qui rend

nolite iudicare secundum faciem, BB présente: «Nu judecaţi în făţărie», qui traduit le gr.: mhV krivnete kat j o[yin12

. Ici également, le texte grec change le terme (comme, d’ailleurs, celui latin aussi), en utilisant

o!yi" “aspect, apparition”.

9 Dans CP on a: «că nu caută Domnului, ce trupului», et dans la Bible 2001: «şi părtinire nu poate fi», c’est-à-dire

“on les jugera selon leurs actions, impartialement”. 10

Dans CB et CV on a: «Şi se Tatăl chemareţi, nu făţărindu» (CB), «Şi se Tatăl chiemaţi, nefăţărîndu» (CV).

L’élément souligné correspond, dans le cas des textes du XVIe

siècle, au sl.: nelicem™tna (licem™rß avec le

sens “uJpokrith~"”, “qui dissimule”). Dans CP la traduction n’est pas adéquate aux nécessités du texte-source:

«Tatăl chemaret nefăţarnici». La Bible 2001 présente: «Şi dacă-l chemaţi ca pe un Tată cel ce cu nepărtinire

judecă». 11

De même, chez Coresi on a: «că Domnul nu gîndeaşte de văzătura oamenilor» (CP). Dans la Bible 2001:

«Dumnezeu nu caută la faţa omului». 12

Dans la Bible 2001 on a: «Nu judecaţi după înfăţişare».

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Enfin, dans Iac., 2, 9, où CB, CV et CP traduisent: «iară se spre faţă căutaţi», «iară se în făţărie căutaţi»,

«e să căutaret spre făţărie», en rendant awe li na lica zrite, et NTB traduit: «Iară să veţi căuta în

făţărie», qui rend si autem personas accipitis; en essayant de rendre le même verbe: eij deV proswpolhmptei~te, BB va traduire: «Iară de faceţi făţărie»

13.

En plus de la continuelle adaptation du texte BB à celui grec, qui conduit souvent au forcement14

des

termes utilisés, à cause des incompatibilités entre la langue-modèle et le roumain, on remarque que les

réviseurs de BB connaissaient le terme făţărie et pouvaient accepter son utilisation (pour l’analyse par

segmentation et la traduction conséquente voir aussi infra. 3.3., la note).

2.1.3. A côté des cas précédents, celui de Iac., 2, 1 ouvre de nouvelles possibilités

d’analyse. Après que les textes du siècle précédent avaient traduit: «Fraţii miei, nu întru faţă

căutîndu se aveţi credinţa Domnului nostru» (CB), «[F]raţii miei, nu în făţărie prăvindu» (CV),

«Fraţii miei, nu în făţărie căutaţi» (CP), pour rendre: bratïe noa ne vß lica zrewe, NTB va

traduire le lat. nolite in personarum acceptione par: «Fraţii miei, să n-aveţi cu făţărnicie

credinţa Domnului nostru». A la différence de celui-ci, de la même manière que dans les cas

antérieurs, BB révise le segment de NTB et considère que le gr. mhV ejn proswpolhmyivai" sera

rendu le mieux par: «Fraţii miei, nu întru făţării aveţi credinţa Domnului nostru»15

. Dans un autre fragment, où il est question des jugements subjectifs des prêtres, BB traduit le gr. ajllaV ejlambavnete provswpa evn novmw~/ par: «Şi eu am dat pre voi defăimaţi şi lepădaţi la toate limbile, pentru

care voi n-aţi păzit căile meale ce făţăriiaţi în leage» (BB, Malach., 2, 9)16

, en utilisant le verbe.

On remarque, pour le moment, que, à côté des cas où, au lieu du nom făţărie de NTB, le

texte valaque a présenté le nom făţărnicie, lorsqu’il fallait traduire “objectivité, impartialité /

partialité” – concepts exprimés au XVIe siècle, tout comme dans NTB, aussi par des locutions

ayant comme noyau le nom faţă – on a des situations où BB utilise faţă et făţărie, mais

également des cas où NTB utilise făţărnicie. A notre avis, ces aspects sont significatifs en ce

qui concerne les possibilités dont étaient investis les termes plus récents, comme ceux dont on

parle ici. On pourrait donc considérer que les traducteurs et les réviseurs croyaient que

făţărnicie était capable de porter la valeur avec laquelle on utilisait făţărie. Si les choses en

sont là, cela signifie que, à l’époque, il y avait un dilemme en ce qui concerne les sens de ces

termes, dont les valences s’accumulaient, et par conséquent s’installait la concurrence entre

deux termes de la même famille, et qui n’auraient pas dû entretenir de tels rapports17

. Dans ce

cas, la confusion affectait moins les utilisateurs des termes en soi, et plutôt les termes en

relation avec les équivalents et avec les contextes. Autrement dit, les locuteurs ne

confondaient pas les termes à positions stables, mais les mots dont les positions dans le

système étaient en mouvement et qui pouvaient donner l’impression qu’ils portent les mêmes

valeurs.

3. A partir du sens “visage, aspect”, les termes ci-dessus observés avaient à rendre,

métaphoriquement, le sens “(im)partialité”18

. En grec, latin et slavon, ils correspondaient à

13

Les traductions antérieures à BB sont confirmées aussi par la Bible 2001: «dar dacă cu părtinire cătaţi la faţa

omului». 14

Il est plutôt improbable que ces termes soient venus à ces sens et à ces usages s’ils auraient été utilisés par le

locuteur sans être sous une forte influence d’un texte étranger. Le fait que NTB - text orienté vers le lecteur et

ayant comme principal enjeu une large comprehensibilité du texte - cherche à utiliser les termes sans tordre le

système et les habitudes du locuteur est, à notre avis, la meilleure preuve à cet égard. D’ailleurs, la dominante du

BB est de suivre à tout prix le texte grec, en tant que celle du NTB est d’apporter le contenu au lecteur (public). 15

La Bible 2001 présente: «Fraţii mei, nu întru părtinire să vă aveţi voi credinţa în Domnul nostru». 16

Dans la Bible 2001: «nu aţi păzit căile Mele, ci-n cumpănirea legii aţi cătat la faţa omului». 17

Ce cas est typique pour illustrer la divergence entre les évolutions par voie naturelle, quand un terme est dans

l’usage commun du locuteur et suit le trajectoire offert par les possibilités données par l’étymologie du terme en

combinaison avec les propensions du système et les habitudes des locuteurs, d’une part, et, d’autre part, les

actions des traducteurs, coincés entre les sollicitations du texte, le modèle représenté par la langue-source et les

posibilités de la langue cible. 18

On rencontre aussi des situations de ce genre dans d’autres types de textes, dont les sources restent obscures:

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alexandru gafton L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

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des termes tels: proswpolhvmpth", proswpolhptevw, persona, et licem™rß, lica. Si on a en

vue le sens d’origine et, ensuite, celui final, on observe qu’il y a entre eux une distance qu’il

est plus difficile d’apercevoir, à cause du sens final, mais dont l’état de latence rend aussi plus

difficile l’explication du sens initial par celui final. En d’autres termes, entre “aspect” et

“impartialité” il faut qu’il y ait une liaison, même si elle n’est pas de l’ordre de l’évidence.

3.1. Dans tous les exemples antérieurs il s’agit de situations où apparaît une expression

biblique dont l’élément central porte sur “face, visage, aspect”. A partir du terme qui exprime

l’aspect de quelqu’un (physionomie, habits etc.), et qui transmet des signes/-aux extérieurs sur

l’état de santé (physique, mentale, psychique), position sociale etc., on obtient une image qui

sollicite la langue dans le sens de la création d’une expression qui a à exprimer,

métaphoriquement, un sens qui ressort de la dynamique de la réalité. Vu qu’une personne

douée d’un aspect qui correspond à des exigences d’ordre biologique et social, peut bénéficier

– plus facilement et grâce seulement à ces données bio-sociales – de traitements privilégiés, le

conseil de ne pas juger selon l’apparence arrive à signifier “ne pas favoriser” (quelqu’un

qu’on juge pour ses faits et conformément à des lois spécifiques, selon des éléments extérieurs

par rapport à ces faits et à ces lois). Les formes d’expression en question arrivent ainsi à

équivaloir à une impulsion de dépasser (par les éluder) les éléments qui n’appartiennent pas à

la ‘cause’, une impulsion vers l’impartialité.

Mais, d’autre part, si l’aspect a une telle force qu’il peut déterminer des jugements qui

n’en ont pas liaison, l’individu peut être tenté de se procurer un aspect qui ne lui est pas

propre (ce qui peut contribuer non seulement à ce que le ‘juge’ soit trompé, mais peut aussi

favoriser celui-ci de se laisser tromper, avec, d’ailleurs, une excuse plausible, qu’il s’est

trompé à cause du décalage entre l’apparence et l’essence). Cet acte est une “dissimulation”,

qui conduit (car c’est son premier but) à la “tromperie”19

.

3.1.1. Provenant de la même origine, suivant la même voie, jusqu’à un certain point, un

nouveau sens surgit qu’on peut exprimer par le moyen du même terme. A cause de cela, des

situations apparaissent où – sans avoir le texte-source – bien qu’il soit possible d’avoir en vue

leur appartenance au sens “partialité”, il est assez difficile d’exclure le sens “dissimulation”:

«că mă ducu eu acolo unde făţerie nu este» (CS, 260, 15-16).

3.1.2. Le vrai caractère de cette impasse devient évident au moment où l’on regarde les

syntagmes: «dragoste fără de făţărie» (BB, 2Cor., 6, 6) «în dragoste nefăţarnică» (NTB), «în

dragoste curată» (CP); «în iubire nefăţarnică» (Bible 2001). Il est difficile d’apprendre ce

qu’on entendait à l’époque (ou ce qu’on entend à présent) à la réception de ces segments.

Mais si nous envisageons les traducteurs et les réviseurs, nous pouvons nous considérer avisés

sur ce qu’ils auraient dû comprendre, face au texte grec ou latin: ejn ajgavph/ ajnupokrivtw/, in

caritate non ficta, tous les deux en indiquant qu’il s’agit de “dissimulation”20

.

3.1.3. Le risque de confusion apparaît aussi dans les deux situations suivantes:

«Deci, lepădînd toată răutatea şi tot vicleşugul şi făţărniciile şi zavistiile şi toate

muzaviriile» (BB, 1P, 2, 1), «Derept aceaia, părăsind toată răutatea şi toată înşălăciunea şi

făţăriile şi zavistiile şi toate clevetele» (NTB), où les fragments soulignés traduisent

uJpokrivsei" şi simulationes21

;

«egumenul să fie preut şi să grijască de toţi ca un părinte de feciorii săi, şi făr[ă] făţărie să socotească, să împarţă

tuturor într-un chip» (DRB 131, 1-3); «Aşa iaste şi lucrul postului, că cela ce-l va ţinea postul cumu se cade şi

fără făţărie, mare folos va avea» (CCI, 49, 21-22). 19

Voir Arvinte 2001; Gafton 2007a. 20

Voir aussi: «Iară săvîrşitul poruncii iaste dragostea den curată inimă şi ştiinţă bună şi credinţă fără făţărie»

(BB, 1Tim., 1, 5), pour: kaiV pivstew" ajnupokrivtou, «ştiinţa bună şi credinţa nefăţarnică» (NTB), pour: et fide

non ficta. Chez Coresi on a nefaţarnică, chez Anania: «credinţă nefăţarnică». 21

Dans les textes du XVIe

siècle, déjà, la situation n’est pas différente: „Părăsiţi, amu, toate realele şi toată

gîmbosea şi făţăriă şi rîvnea şi toate clevetele” (CB), „Părrăsiţi, amu, totu rreul şi totu hiclenşigul şi făţăriia şi

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Journal of Romanian

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«Sufletele voastre curăţîndu-le cu ascultarea adevărului pren Duh, întru iubire frăţască

fără făţărie, den curată inimă» (BB, 1P, I, 22), «Inimile voastre curăţind întru ascultarea

adevărului prin Duh, în dragostea frăţească, nefăţarnică, din inimă curată» (NTB)

ajnupovkriton, simplici22

.

Quelques observations s’imposent sur ces deux cas. Premièrement, la relation avec le

sens premier se maintient et elle est chaque fois visible. A la différence du cas “impartialité” /

“partialité”, pour “dissimulation, tromperie” la distance par rapport au sens fondamental est

plus réduite, et le locuteur peut encore la récupérer. Deuxièmement, les deux contextes ci-

dessus – identiques du point de vue sémantique –, montrent que les termes s’inversent (pour

les textes du siècle précédent, on remarque que le premier cas utilise le même terme, tandis

que le deuxième inclut tous les deux termes). Donc, făţărie et făţărnicie apparaissent aussi

bien dans BB, que dans NTB (quoique la source NTB présente un changement de terme, ça ne

change pas la situation qui nous intéresse), ce qui signifie que les préférences n’avaient pas

une force absolue ou qu’il n’y avait pas des contraintes d’ordre sémantique. On en déduit que

les deux termes étaient acceptables pour les auteurs des textes respectifs et que, comme dans

le cas “impartialité” / “partialité”, ils pouvaient renvoyer au même sens23

.

3.2. Au-delà des exemples où les termes en question conservaient des traces de leur

devenir sémantique ou des cas où les contextes, aussi bien que leurs valeurs potentielles,

pouvaient les solliciter vers des zones d’interférence sémantique, il y a aussi des situations où

ils expriment, sans équivoque, le sens “dissimulation, tromperie”.

3.2.1. C’est le cas dans Gal., 2, 13, où NTB présente la traduction suivante: «Şi să arăta a

fi cu ei împreună şi ceialalţi jidovi, aşa cît şi Varnava să trăgea cu făţărniciia lor». Le

correspondant latin est: Et simulationi eius consenserunt ceteri Iudaei, ita ut Barnabas

duceretur ab eis in illam simulationem, ce qui correspond au gr. kaiV sunupekrivqhsan aujtw/~ kaiV oiJ loipoiV jIoudai~oi, w@ste kaiV Barnavba" sunaphvcqh oiJ aujtw~n th/~ uJpokrivsei, traduit

dans BB par: «Şi împreună făţărniciră cu el şi ceialalţi jidovi, cît şi Varnava împreună să luo

cu a lor făţărnicie»24

. Au-delà de la tentative des érudits transylvains – dans la première partie

du verset – de traduire à la portée du lecteur25

, en utilisant des termes différents pour le même

terme du texte latin, dans ce cas, “la feinte, la dissimulation” sont transmises par les deux

textes. Il faut aussi observer que tous les deux le font par l’intermédiaire du même mot:

făţărnicie.

3.2.2. Dans les situations suivantes on enregistre toujours un haut degré de stabilité

sémantique pour “dissimulation”:

«Şi acesta, viind la Ierusalím şi chip de pace făţărnicind» (BB, 2Macc., 5, 25), qui

traduit: O%uto" deV paragenovmeno" eij" JIerosovluma, kaiV tonV eijrhnikoVn uJpokriqeiV"26;

zavistul şi toate clevetele” (CV), „părăsiţi, amu, tot răul şi toate hicleşugurile şi făţăriile şi urîciunile şi toate

clevetele” (CP), où le terme analysé a pour correspondant le sl. lic™m™rïe. 22

Dans les textes du XVIe

siècle: „frăţie dragă nefăţărită dintru curata inimă” (CB), „iuboste nefăţarrnic[ă]”

(CV), „nefăţarnici” (CP) qui traduisent le sl. nelicem™rno. 23

Sur la relation entre NTB et BB, voir Gafton 2002. 24

„Şi împreună cu el s-au făţărnicit şi ceilalţi iudei, încât până şi Barnaba a fost atras în făţărnicia lor” (Anania),

avec une note pour le verbe mis en évidence: „ils se sont engagés dans le double jeu de Pierre”. 25

D’ailleurs, dans NTB on essaie constamment de trouver des solutions, grâce à l’intérêt pour assurer la

compréhension du texte par le lecteur. C’est pourquoi, à la différence de: „Şi păzind, au trimis prilăstitori,

făţărnicind pre sine a fi direpţi, ca să-l prinză pre el în cuvînt, ca să-l dea pre el împărăţiei şi puterii

diregătoriului” (BB, Lc., 20, 20), selon: KaiV parathrhvsante" ajpevsteilan ejnkaqevtou", uJpokrinomevnou" eJautouV" dikaivou" ei\nai, on trouve dans NTB: „Derept aceaia luînd aminte pre El, trimisără leşuitori, carii să

făcea pre sine a fi derepţi”, en essayant ainsi de traduire: Et observantes miserunt insidiatores, qui se iustos

simularent. 26

Dans la Bible 2001: «s-a prefăcut a fi paşnic».

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alexandru gafton L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

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«să făţărească, ca cum are mînca ceale ce de împăratul sînt rînduite, den cărnurile cealea

ale jîrtvei» (BB, 2Macc., 6, 21), qui traduit: uJpokriqh~nai deV wJ" ejswivonta;

«Noi, dară, den ceale fripte cărnuri vom pune, şi tu, făţărind că guşti den ceale de porc,

te mîntuiaşte» (BB, Iosip, 1145a, 42-44);

«Pentru că nu iaste vreadnic vîrstei noastre a făţărnici» (BB, 2Macc., 6, 24), qui traduit:

ouj gaVr th~" hJmetevra" hJlikiva" a!xiovn ejstin uJpokriqh~nai27;

«Şi ei, pentru a mea făţărnicie şi pentru cea puţină şi scurtă viaţă, să vor rătăci pren

mine, şi urîciune şi pîngăriciune bătrîneaţelor voiu pune» (BB, 2Macc., 6, 25), qui traduit: kaiV aujtoiV diaV thVn ejmhVn uJpovkrisin;

«Cel ce cearcă leagea sătura-să-va de dînsa, şi cel ce făţăreaşte scîrbi-să-va întru el» (BB,

Eccl., 32, 15), qui traduit: JO zhtw~n novmon ejmplhsqhvsetai aujtou~, kaiV oJ uJpokrinovmeno" skandalisqhvsetai ejn aujtw~/, où “feindre” devient: “agir insidieusement, traîtreusement”.

L’essence de l’idée est reprise dans Eccl., 33, 2: «Bărbatul înţelept nu va urî leagea, iară cel ce făţăreaşte

într-însa iaste ca corabiia în furtună» (BB), qui traduit: jAnhVr swfoV" ouj mishvsei novmon: oJ deV uJpokrinovmono" ejn aujtw/~, wJ" ejn kataigivdi ploi~on. Chez Anania on a: «cel ce se joacă cu ea», l’auteur

en rédigeant une note (bien sûr, puisqu’il tient ainsi à s’exprimer) par laquelle il renvoie à l’homme

hypocrite. A notre avis, le sens à rendre était “déformer, dénaturer” (par dissimulation)28

.

«Aşa şi voi, den afară vă arătaţi oamenilor direpţi, iară denlăuntru plini sînteţi de făţăriia

nelegiuirii» (BB, Mt., 23, 28), qui traduit: e[swden deV ejste mestoiV uJpokrivsew" kaiV ajnomiva",

à côté de: «Aşia şi voi, din afară vă arătaţi oamenilor derepţi, den lăuntru, plini sînteţi de

făţărie şi de strîmbătate» (NTB), qui traduit pleni estis hypocrisi, et iniquitate.

3.2.3. Par l’intermédiaire des mêmes termes, le concept apparaît comme plus clairement

défini dans sa zone abstraite, les contextes suivants arrivant à porter le noyau de sens des

termes; c’est par de pareils emplois que les valences des termes se figent et que l’équivalence

se produit entre ce qu’ils doivent exprimer et ce qu’ils réussissent à exprimer:

«Vai de voi, cărtulari şi farisei făţarnici, că încungiuraţi marea şi uscatul să faceţi den

păgîn jidov şi cînd va fi făcut, faceţi pre el fiiul Gheennei» (NTB, Mt., 23, 15) «Vai de voi,

cărturari şi farisei făţarnici!» (BB), où les éléments mis en évidence ont pour correspondants le

lat. hypocritae, respectivement le gr. uJpokritaiv29.

«Iară El, ştiind făţăriia lor, zise lor: ‹Ce Mă ispitiţi?›» (NTB, Mc., 12, 15) «Iară el, ştiind

făţăriia lor, zise lor» (BB), selon: Qui sciens versutiam illorum, at illis:, respectivement: oJ deV eijdwV" aujtw~n thVn uJpovkrisin ei[pen aujtoi~":.

«Întîiu vă păziţi de aluatul fariseilor, care iaste făţăriia» (NTB, Lc., 12, 1), «Întîiu, luaţi-

vă aminte pre voi de aluatul fariseilor, care iaste făţărie» (BB), selon: Attendite a fermento

Pharisaeorum, quod est hypocrisis et: prosevcete eJautoi~" ajpoV th~" zuvmh", h@ti" ejstiVn uJpovkrisi".

«Întru făţăriia grăitorilor minciuni aprinşi fiind în ştiinţa lor» (NTB, 1Tim., 4, 2), «Întru

făţărniciia celor mincinoşi la cuvinte, arşi fiind cu a lor ştiinţă» (BB), qui traduisent in

hypocrisi et ejn uJpokrivsei. 3.3. Dans les situations présentées ci-dessus, les termes de BB qui font l’objet de notre

intérêt rendent les formes grecques uJpokrivnw et uJpokrivsi", qui signifient: “différencier ou

27

Dans la Bible 2001, le traducteur fait le choix (tout comme, d’ailleurs, dans le verset suivant) pour un autre

genre de traduction, qui ne laisse pas voir, quand même, le sens à exprimer: «Nu se cuvine ca la vîrsta noastră să

ne jucăm de-a v-aţi ascunselea». Au-delà de tout commentaire, il convient d’observer que, à notre avis, l’option

du traducteur découle aussi du fait que, dans ces segments, le discours acquiert des accents qui mettent en

opposition l’attitude de haute moralité d’Eléazar et le conseil puéril des organisateurs du festin, ce que, à ce

qu’on voit, le traducteur a voulu souligner. 28

Cf. également: «Şti Domnedzeu inrima ta şi înţeleage toate cugetele tale şi veade toate făţările tale şi plecatul

tău ainte încă de cuvîntul tău» (CS 298, 15-16). 29

Ce terme, qu’on associe aux pharisiens, pour lequel voir aussi Mt., 23, 13-15, apparaît souvent dans l’Evangile

selon Matthieu.

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séparer bref, répondre, expliquer, interpréter, jouer un rôle, contrefaire, changer, dissimuler”,

ensuite “regarder la face, l’aspect, regarder subjectivement”, respectivement: “réponse,

pantomime, apparence, dissimulation”30

. La traduction d’un fragment plus problématique, qui a induit en erreur les réviseurs valaques, est

significative pour les risques de confusion lors de la traduction, pour le désir de suivre le texte grec à tout

prix et pour les erreurs auxquelles conduit l’existence des sens plausibles.

A cause du caractère sacrosaint du mot, l’une des plus terribles fautes, probablement, c’est la

prononciation d’un serment. Après qu’on énonce l’interdiction de prendre en vain le nom de Dieu (Ex.,

20, 7), le problème du caractère sacrosaint du mot est traitée dans la plupart des livres bibliques. Tandis

que dans le Lévitique et dans Nombres on accepte toujours le serment (surtout dans Num., 30, ensuite Dt.

23, 22), par la parole de Jésus, dans le Nouveau Testament (Mt., 5, 33-37), celui-ci est totalement interdit

(cf. Gafton 2005).

Dans le cadre de son complexe discours, Josué reprend cette interdiction, mais en même temps il offre

une solution, dans l’esprit des conseils qu’il donne, et dans celui général de l’Epître: «Iară mainte de

toate, fraţii miei, nu giurareţi nece pre cer, nece pre pămînt, nece cu alt giurămîntu, iară cuvîntul vostru fie

aşia: ‹ei, ce nu e nu-i›31

, ca să nu cădeţi în giudecată» (NTB, Iac., 5, 12); «Şi mai nainte de toate, fraţii

miei, nu vă juraţi nice pre ceriu, nice pre pămînt, nice pre alt orice jurămînt. Ce fie voao: ‹Aşa!›, aşa şi

‹Nu!›, nu, ca nu în făţărnicie să cădeţi!» (BB), en grec: h!tw deV uJmw~n toV naiV naiV, kaiV toV ou! ou!, i@na mhV uJpoV krivsin pevshte, et en latin: Sit autem sermo vester. Est, est: Non, non: ut non sub iudicio decidatis

32.

La traduction de 2001 parvient à exprimer avec exactitude l’idée de la parfaite concordance entre la

parole et l’action, de la concrétisation fidèle de la parole: «Dar înainte de toate, fraţii mei, să nu vă juraţi,

nici pe cer, nici pe pămînt, nici cu orice alt jurămînt; ci Da-ul vostru să fie da şi Nu-ul vostru să fie nu, ca

să nu cădeţi sub judecată» (Bible 2001)33

.

Dans le contexte de cette formulation catégorique, on pourrait croire que les deux traductions sont

également acceptables (celui qui fait un faux serment, ou auquel il lui arrive de ne pas pouvoir tenir sa

parole, peut être jugé, tout comme, à la suite du faux serment ou de la promesse non-respectée, il peut être

considéré comme hypocrite), bien que les limites soient devenues trop larges. Si l’on regarde la version

grecque, on observe cependant qu’il ne s’agit pas de pokrivsi" “dissimulation”, mais de uJpov- “sous,

dessous” et de krivsi" “procès, jugement”.

Le sens des termes antérieurs a pour point de départ l’aspect, étant donné qu’il existe une

impulsion de considérer qu’entre l’apparence et l’essence il y a une relation presque

dépourvue d’articulation, donc de congruence. D’où il résulte la tendance de juger selon

l’aspect. Quand même, non seulement l’aspect a un caractère labile, mais, vue la tentation

mentionnée, on est tenté aussi d’utiliser frauduleusement ce type de signal. Par conséquent, il

se crée une relation entre “aspect” et “contrefaçon”. Les textes bibliques emploient ces termes

avec les sens qu’ils avaient en grec, antérieurement à la traduction de la Bible. D’ailleurs,

30

Les gr. krivsi" et krivnw, qui se réfère à une “distinction, dispute entre, choix, séparation”, d’où “contestation

judiciaire”, et puis “procès, jugement, sentence, condamnation”. Le préfixoïde uJpov-, préposition et adverbe,

signifie “sous, dessous”, pouvant porter aussi des sens de la catégorie: “insidieusement, cache, apparence,

approximation, inexactitude”, (d’où le péril de l’inconnu qui peut attaquer à tout moment). 31

On croit que la segmentation indique une omission des éditeurs de NTB, car il aurait fallu y avoir: «... cuvîntul

vostru fie: ‹Aşia!›, ei, ce nu e, nu-i», où ei est une forme de l’affirmation, reprise du slavon (voir aussi la réponse

de Saphire, dans CB, FA, 5, 8). 32

Les textes du XVIe siècle présentent: «fraţii miei, nu jurareţi-vă, nice cu ceriul, nice cu pămîntul, nice cu altul

cu carevare jurămîntu. Ce fie voao: ce iaste, iaste şi ce nu e, nu e, dereptu se nu întru făţărie cădeţi» (CB); «fraţii

miei, nu vă giurareţi, nece cu ceriul, nece cu [pă]mîntul, nece cu altul oarecarele giurămîntu. Ce fie, amu, voao:

cia ce iaste, ee şi ceaia ce nu e, nu, se nu în făţărie cădeţi» (CV); «fraţii miei, nu vă jurareţi nece pre ceriu, nece

pre pămînt, nece cu alt fie ce blăstem. Fie voao: ce iaste, iaste, e ce nu e, nu, de nu în făţărie să cădeţi» (CP).

Bien que l’unité du segment final semble remarquable, elle découle de ce qui apparaît dans le texte slavon: da ne vß licem™rïe v´padaete. 33

Une discussion spéciale dans Gafton 2011.

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alexandru gafton L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

36

même les options des traducteurs sont déterminées par la préexistence des sens, des nuances

et des usages de ces termes34

.

4. Les situations antérieures concernent l’utilisation, dans les anciennes traductions

roumaines, des vb. a făţărnici, a făţări et du nom făţărnicie, făţărie – pratiquement, toutes les

possibilités formelles existantes. Les sens avec lesquels ces termes apparaissent sont, en

essence: “être partial”, “feindre, simuler”, “partialité” “dissimulation”, qui, tous, ont pour

point de départ un sens concret qui a créé une image, raffinée progressivement par abstraction

et associations d’idées. Les séquences citées nous montrent que, pratiquement, les paires

mentionnées étaient dans des relations de synonymie – pour les deux catégories de sens. De

même, tous ces mots circulaient dans les textes indiqués. Même dans le cas où l’on peut

constater des préférences pour un certain terme, on peut affirmer que celles-ci ne sont

déterminées ni par les valeurs sémantiques de celui-ci, ni par un usage préféré, qui résulte des

contraintes d’ordre linguistique.

Cette situation nous apprend aussi que, dans le cas où le texte résulte de la révision

d’une version antérieure, mais avec une rigoureuse observation et un contrôle détaillé, exercés

par l’intermédiaire d’une version unique, au-delà des risques inhérents, pourrait apparaître

également l’avantage que, en bénéficiant d’une traduction de qualité et en suivant l’original à

l’aide d’un texte bien compris, qui permet des interprétations et des orientations correctes du

texte, le hasard fait que les équivalents dans la langue-cible soient adéquates aux formes à

traduire, ou qu’elles possèdent des valences libres et compatibles avec les nécessités de la

traduction à ce moment-là. Dans de pareils cas, le terme utilisé a des chances d’évoluer dans

la direction que la traduction impose, ce qui peut être au profit de la langue.

Si la situation n’est pas telle, et le terme n’est pas le plus adéquat (à cause de ses

valences naturelles, aussi bien que des contraintes imposées par l’univers lexical de la langue-

cible), sa sphère sémantique peut être forcée par des diverses notes de contenu, ou tentée avec

des nuances par attraction, qui ne sont pas propres à ses valeurs (ou compatibles avec celles-

ci), et qui ne l’aident pas d’évoluer dans ses directions normales. Le processus dans son

ensemble est naturel, et les résultats sont, parfois au profit de l’évolution du plan lexical,

d’autres fois non (voir Gafton 2012a). La situation suivante est significative pour la manière dont le traducteur doit se frayer un chemin à travers

le réseau des sens et des mots de la langue, à cause des divers conditionnements. Dans Iac., 3, 17, les

textes du XVIe siècle présentent: «E a susului preamîndrie ainte, amu, curată iaste, e după aceaia cu pace

blîndă, bună, supunetoare, împlută de bună mesereare şi de faptul bunelor, nepărut şi nefăţărită» (CB),

«fără păreare şi nefăţarrnică» (CV), «negînditoriu şi nefăţarnic» (CP), les termes soulignés ayant pour

correspondant: nesumena i nelic™m™rnaa. Au siècle suivant, on rend la séquence par: «fără osîndire şi

fără făţărie» (NTB), pour: non iudicans, sine simulatione, respectivement: «neîndoită cu gîndul şi

nefăţarnică» (BB), pour: ajdiavkrito", ajnupovkrito". Ces solutions correspondent et sont acceptables,

conformes aux sollicitations du texte à traduire, qui exigeait les sens “qui ne fait pas des distinctions, des

différenciations, qui ne sépare pas”, donc “impartial”, respectivement “sincère, qui n’est pas hypocrite”.

De manière juste, la Bible 2001, traduit ici par: «nepărtinitoare, nefăţarnică». Après avoir utilisé ces

termes dans la même position, le traducteur se voit mis dans la situation de les placer l’un après l’autre,

afin de rendre deux sens. Mais, le hasard fait que făţarnic ait acquis - par son utilisation dans des

traductions – tous les deux sens.

D’une part, donc, deux termes de la même famille lexicale peuvent entrer en

concurrence, puisqu’ils ont la capacité de véhiculer le même sens, d’autre part, chacun d’eux

lutte non seulement pour gagner une position plus certaine et plus stable dans le cadre du

système, mais aussi pour éliminer l’autre. Au bout du compte, l’occurrence des termes ne

respecte pas une certaine règle de distribution, ne poursuit pas des buts et n’a pas en vue des

valeurs. La simple possibilité, que le système offre et que l’usage concrétise, devient, au

34

Il y a de nombreuses situations où le texte biblique, et surtout le Nouveau Testament, a essayé de conférer de

nouveaux sens aux termes ou d’employer des termes à caractère neutre, libres de marques ou de connotations

préchrétiennes. Bien sûr, cela – la constitution d’une langue biblique – n’a pas pu être entièrement réalisé.

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moment où l’on tente de dresser une norme, un problème que les traducteurs s’efforcent de

résoudre. C’est un cas où la norme en formation se débat, au niveau de l’individu, entre la

tendance naturelle d’utiliser toutes les ressources existantes, et la tendance culturelle

d’ordonner le système conformément à des principes, y compris celui de l’efficacité. La lutte

des termes pour survivre se déroule dans la conscience des traducteurs et des récepteurs, qui

font des spéculations à propos des possibilités d’expression des termes et des capacités de

ceux-ci d’offrir des avantages au système. Il y a pourtant des cas où l’élargissement des

possibilités entraîne des pertes d’identité et à des conflits avec d’autres termes. Dans le cas où

les deux termes se trouvent dans une telle position, les chances les plus grandes de résister

appartiennent à celui d’entre eux qui est favorisé par des facteurs formels (la capacité de

s’intégrer dans des séries formelles et de fonctionner comme tel), mais aussi de contenu (la

capacité de renoncer à certaines notes de contenu), et aussi par de divers facteurs contextuels

(cf. Gafton 2010a; 2010b).

5. Bibliographie

5.1. Sigles des livres bibliques cités:

Ex. = L’Exode

Num. = Les Nombres

Dt. = Le Deutéronome

1Rois = Premier Livre des Rois

2Macc. = Deuxième Livre des Maccabées

Eccl. L’Ecclésiastique

Malach.= Malachie

Iosip = La Livre de Joséph (apocryphe)

Mt. = L’Évangile selon saint Matthieu

Mc. = L’Évangile selon saint Marc

Lc. = L’Évangile selon saint Luc

J = L’Évangile selon saint Jean

Ap. = Les Actes des Apôtres

Rom., = L’Épître aux Romains

2Cor., = Deuxième Épître aux Corinthiens

Gal., = L’Épître aux Galates

Ef., = L’Épître aux Éphésiens

Col., = L’Épître aux Colossiens

1Tim., = Première épître au Timothée

Iac., = Épître de saint Jacques

1P, = Première Épître de saint Pierre

5.2. Éditions de la Bible et des anciens texts roumains:

BB = Biblia 1688, 2001, 2002. (ed. Vasile Arvinte et Ioan Caproşu), Iaşi, Editura Universităţii Alexandru Ioan

Cuza, 2 tomes.

Bible 2001 = Biblia (...) 2001. (ed. Bartolomeu Valeriu Anania), Bucureşti, Editura Institutului Biblic.

Biblia sacra secundum Vulgatam clementinam (...) 1922. (ed. Michael Hetzenauer), Ratisbonae, S. Sedis Apost.

et Rit. Congr. Typogr.

CB = Codicele Bratul, 2003. (ed. Alexandru Gafton), Iaşi, Editura Universităţii Alexandru Ioan Cuza.

Page 39: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

alexandru gafton L’emploi et les valeurs de la famille du roum. făţă dans les traductions de la Bible

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CCI = Coresi, Carte cu învăţătură (1581), 1914. (ed. Sextil Puşcariu et Alexie Procopovici), Bucureşti,

Imprimeria Socec.

CP = «Lucrul Apostolesc. Apostolul tipărit de diaconul Coresi la Braşov în anul 1563», 1930, dans: (ed. Ion

Bianu) Texte de limbă din secolul XVI, Bucureşti, Tiparul Cultura Naţională.

CS = Codex Sturdzanus 1993. (ed. Gheorghe Chivu), Bucureşti, Editura Academiei.

CV = Codicele Voroneţean, 1981. (ed. Mariana Costinescu), Bucureşti, Editura Academiei.

DRB = Documente româneşti 1907. (ed. Ion Bianu), Bucureşti, Institutul Carl Göbl, Ier

t., fasc. 1-2.

La Bible de Jérusalem (...) 1975. (ed. R. de Vaux et alii), Paris, Desclee de Brouwer.

La Sainte Bible Polyglotte, 1900. (ed. Fulcran Grégoire Vigouroux), Paris, Roger et Chernoviz, Ier

t.

Novum Testamentum Graece et Latine, 1984 (ed. Eberhard Nestle, Erwin Nestle, Kurt Aland, Barbara Aland),

Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft.

NTB = Noul Testament, 1998. (ed. Eva Mîrza), Alba Iulia, Editura Reîntregirea.

Sainte Bible 1843 (ed. Louis de Carrières), Lille, L. Lefort, Ier

t.

Septuaginta. Id est Vetus Testamentum Graece ixta 70 interpretes (...) 1935. (ed. Alfred Rahlfs), Stuttgart,

Privilegierte wu rttembergische Bibelanstalt, II tomes.

5.3. Études

Arvinte, Vasile, 2001. «Normele limbii literare în Biblia de la Bucureşti (1688)», dans (ed. Vasile Arvinte et

Ioan Caproşu) Biblia 1688, Iaşi, Editura Universităţii Alexandru Ioan Cuza, Ier

t., p. I-CLXXXIV.

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Chantraine, Pierre, 1983. Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, Klincksieck.

Densusianu, Ovid, 1901, 1938. Histoire de la langue roumaine, Paris, Ernest Leroux, 2 tomes.

Ernout-Meillet = Alfred Ernout, Antoine Meillet, 1932. Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire

des mots, Paris, Klincksieck.

Gafton, Alexandru 2007a. «Palia de la Orăştie ca traducere» dans: (ed. Alexandru Gafton et Vasile Arvinte)

Palia de la Orăştie. Studii, Iaşi, 2007, p. 7-256.

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Limba română: controverse, delimitări, noi ipoteze, actele celui de-al 9-lea colocviu al catedrei de limba

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de la Bucureşti (1688)», dans: (ed. Vasile Arvinte et Ioan Caproşu) Biblia 1688, Iaşi, Editura Universităţii

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Gafton, Alexandru, 2005. După Luther. Traducerea vechilor texte biblice, Iaşi, Editura Universităţii Alexandru

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sur le processus», in: (ed. Ana-Maria Pop), In Magistri Honorem Vasile Frăţilă, 50 de ani de carieră

universitară, Tîrgu-Mureş, Editura Ardealul, p. 223-245.

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Constantin Frâncu, Ion Gheţie, Alexandra Roman Moraru et Mirela Teodorescu, coord. Ion Gheţie,

Bucureşti, Editura Academiei.

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Journal of Romanian

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Munteanu Ştefan, Ţâra Vasile, 1983. Istoria limbii române literare. Privire generală, Editura Didactică şi

Pedagogică, Bucureşti.

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Page 41: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

mircea a. diaconu Cioran, ou l’impuissance d’être plus qu’un roumain

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MIRCEA A. DIACONU

Stefan cel Mare University of Suceava

Cioran, ou l’impuissance d’être plus qu’un roumain

The present study questions the hypothesis according to which Cioran’s choice to abandon his

youth Legionary beliefs is due to his refusal to write in Romanian and to the embracement of French

language as the language of reason. Our theory is justified by the interpretation of the reasons that

generated his ostentatious and “antiRomanian” excesses during the Romanian period, and also to the

existing differences between this period and the French one. His attacks against Romania are, in

reality, expressions of self-loathing (of his own identity in crisis). The rift is more likely a change in

vision: in France, Cioran acknowledges the very representations of his people he strongly rejected

during the Romanian period.

Parler de Cioran est, en quelque sorte, peser aussi l’épisode de sa jeunesse légionnaire.

Certes, ces faits peuvent recevoir plusieurs explications, chacune d’entre elles ayant son grain

de vérité. Nous avons, au fond, d’un côté, le fait (qui devrait être minutieusement décrit,

présenté en régime descriptif et d’inventaire, d’un point de vue documentaire, autant que

possible) et, de l’autre côté, les différentes interprétations données, parmi lesquelles nous ne

devrions pas exclure celle de Cioran lui-même.

Ses propres mots sur cette séquence biographique – invoqués souvent et que nous ne

reprenons pas ici – ne devraient être lus qu’à titre d’hypothèse. La vérité de Cioran sur lui-

même?! Il ne fait que construire (re-construire) une identité dans une crise permanente. C’est

surtout cette précarité du soi, finalisée, comme chez Pessoa, dans une multiplication du

«moi», qui me semble distinctive pour la modernité que Cioran illustre. Puisqu’il ne se

reconnaît pas dans un milieu fort, Cioran y rêve pour se contenter après de l’exploration de la

négativité, de l’absence du moi, de l’occupation des marges. Et parmi les nombreuses raisons

de son non-retour en Roumanie, je réfléchirais justement à cette crainte de la rencontre avec

un soi étranger, qui pourrait perturber le fragile équilibre gagné, jamais définitif, qui lui est

garanti par l’anonymat.

En tout cas, on peut soupçonner que, en fonction du destinataire des lettres, des

entretiens, des notes, etc., ses propres mots sur la jeunesse tumultueuse disent de facto autre

chose, même si, en principe, le sens des affirmations reste le même, en exprimant le regret

d’une jeunesse tumultueuse, folle, ahurissante. Ils disent autre chose parce que, en fonction du

contexte, ce sont des témoignages justificatifs et annihilants. D’une façon ou d’une autre,

Cioran doit (il sait qu’il le doit) nier son passé. S’il le renie véritablement, c’est une autre

question à laquelle je ne donnerais pas des réponses toutes faites. En tout cas, en exprimant

son regret, Cioran ne fait que lire sa jeunesse comme on lit un texte (il en garde dans sa

mémoires des bribes), qu’il traduit dans un autre texte. Ainsi, une interprétation qui vise, au-

delà du besoin de se comprendre soi-même (réellement ou pas, on l’ignore), la réaction d’un

destinataire. Mais Cioran peut-il encore être sincère si le monde dans lequel il vit se rapporte à

des valeurs tout à fait différentes? Combien de lâcheté (opportunisme ou conformisme) reste-

t-il du courageux qu’il était dans sa jeunesse?! Savait-il qu’il était poursuivi par la police

secrète française? En tout cas, même s’il avait été tout à fait sincère, honnête avec lui-même

et qu’il se situerait, par là même, au-delà de l’intention de communiquer une image sur soi-

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même, Cioran regarde vers son propre passé comme sur une toile de cinéma: il se voit dans un

film et essaie de s’y reconnaître. L’étranger qui porte (partiellement) son nom doit être

compris. Difficile à croire qu’il puisse être plus «objectif» que quelqu’un qui n’y est pas

impliqué.

Quant à une vérité absolue extérieure, les difficultés, non pas plus grandes, sont

d’autre nature. Comprendre les mécanismes subtils qui ont généré l’adhésion de Cioran à la

droite nationaliste ne signifie pas seulement comprendre l’époque, mais aussi connaître le

personnage dans ses vibrations intimes. Souvent, on le sait bien, des trajets essentiels sont

générés par des faits absolument dépourvus d’importance, oubliés dans la zone plutonique de

l’être. On a, en tout cas, les différentes interprétations qui se superposent, se complètent, se

nuancent, même en se contredisant. Je proposerai, finalement, une de plus, qui n’a pas la

prétention de nier les autres, mais peut-être l’orgueil d’en faire une somme, tout en les

dépassant. En tout cas, le but de cet article n’est pas cette hypothèse en elle-même, mais le

débat d’une idée, véhiculée ces dernières années dans l’espace culturel français. Je l`ai

retrouvée formulée clairement dans une étude signée par Marie Dollé, L’imaginaire des

langues.

De quoi s’agit-il, brièvement? Citons quelques fragments qui renvoient à la conversion

de Cioran: «Tout ce qu’écrit Cioran en français possède une dimension réflexive et, de son

propre aveu, le changement de langue introduit une cassure brutale et définitive dans sa vie

d’écrivain» (Dollé, 128). Plus tard: «Renoncer au roumain permet sans doute d’expier et

d’extirper de lui-même les racines d’une langue qui avait permis en même temps que

l’enthousiasme et la fureur ce qu’il appelle des divagations» (Dollé, 135-136). Les

conclusions de la dernière phrase? «...ce renversement n’est possible, que parce que Cioran

change de langue: renoncer à l’idiome dans lequel ont été exprimées les opinions antisémites

constitue la seule façon de les mettre à distance et de s’en séparer» (Dollé, 137). La folie de la

jeunesse serait ainsi due au fait que Cioran écrit en roumain, une langue, comprend-on, non-

réflexive (éventuellement expressive et, par là même, impulsive); une fois entré dans l’espace

culturel et linguistique français, Cioran abandonne la langue de la jeunesse, et, par voie de

conséquence, une des causes qui auraient généré la folie de la jeunesse, son discours (lui-

aussi) s’illuminant par l’accès de réflexivité. J’espère n’voir rien détourné, par condensation,

du sens explicite de cette idée que l’exégèse française plus récente construit sur ce thème.

Plus encore, Cioran sacrifie sa langue, mais le fait afin de se sauver lui-même, non pas en tant

qu’auteur, qui est sur le point d’utiliser une langue qui pourra assurer sa célébrité, mais

surtout, sousentend-on, en tant qu’être. Et, même si l’on sait que Cioran fait des affirmations

souvent contradictoires, conséquence d’une identité pulvérisée, on y cite les mots dits à

Gabriel Liiceanu: «J’ai rompu d’un coup avec tout: ma langue, mon passé, tout». En dépit du

tranchant ferme d’une telle réponse, il reste la question si une telle rupture était-elle possible.

J’y ferais plutôt une lecture suspicieuse. Ce n’est pas justement l’impossibilité de rompre

définitivement et irrémédiablement qui génère la fermeté d’une telle affirmation? De plus, en

dépit de la décision de rompre définitivement d’avec le passé, ce n’est pas surtout cette partie

abyssale de l’être qui revient avec une récurrence obsessionnelle, de manière stringente, et,

par là justement, le besoin d’affirmer la rupture avec le désir même de la réaliser?! S’il avait

vraiment rompu d’avec le passé, Cioran n’aurait plus été intéressé par le passé. Plus encore, je

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crois que, chose que j’essayerai même de démontrer en quelque sorte, quoiqu’à un autre

niveau, sur un autre plan, Cioran reprend à Paris une partie des obsessions et du

comportement de sa jeunesse, de sorte que les différences ne sont pas du tout si grandes que

certaines interprétations le laisseraient croire, y-compris celle de Cioran. Et si l’on parlait de

multiples «moi», comme dans le cas de Pessoa, on ne prend pas en compte les deux possibles

hypostases – avant France et après Roumanie – mais les multiples changements d’attitude, de

comportement et d’identité, pas seulement d’un jour à l’autre, mais aussi d’une phrase à

l’autre. Différents «moi» à l’intérieur d’un même paragraphe des Cahiers.

Mais revenons. Ce qui est surprenant au fond dans l’hypothèse à laquelle je me

confronte est, avant tout, sa simplicité. Certes, cela peut être un moyen de couper une fois

pour toutes le noeud gordien. Mais Cioran est trop compliqué pour qu’il puisse être réduit à

une si élémentaire, au sens de simple, interprétation. Sans doute, la langue est un sceau qui

donne forme à l’être. Pourtant, au-delà de la beauté de la théorie, la langue n’est pas le seul

facteur déterminant; si tel était le cas, tous les écrivains en langue roumaine auraient le même

tempérament que Cioran lorsqu’il était jeune. Or, Cioran, on le sait bien, est plutôt une

exception. (Une autre exception, mais dans une manière différente, est Celan, qui continue à

écrire dans la langue de ceux qui avaient tué ses parents). Pour être clair depuis le début, je

dirais que blâmer la langue de Cioran pour les ferveurs de sa jeunesse me semble une solution

commode, supérieure, ignorante. Qui a comme but, d’un côté, sauver Cioran et, de l’autre

côté, démontrer la supériorité (par la réaction qu’elle génère) de la langue française, langue de

l’esprit, de la raison.

Au-delà de tout, il me semble qu’au coeur de cette hypothèse se trouve une

contradiction de fond. Comment expliquer le fanatisme de la jeunesse par la langue d’un

peuple que Cioran considère inapte pour faire l’histoire? Autrement dit, pour tous les autres,

amorphes, dépourvus de vitalité, la langue a été anihiliée pendant des siècles et seulement

pour Cioran elle est explosive et tempéramentale?! Au fond, revenons à Cioran. La «fureur

désespérée» de jeunesse – mais le syntagme est extrait des cahiers parisiens est fait donc

référence au présent – ne peut pas être comprise qu’en regardant ce Cioran des années

parisiennes. Il parle de lui comme de quelqu`un de douteux, suspect et incertain, qui aurait en

lui quelques chose de slave et de hongrois, non pas latin (rien donc de rationnel), il s’identifie

aux juifs errants, il est ravagé par la mélancolie, impuissant, il fuit devant l’histoire.

Autrement, il refuse tout: un mariage, un travail, un fait quelconque qui puisse l’inscrire dans

la société. Il semble n’assumer aucun type de responsabilité centrale. Tout est assumé comme

revers. Il n’explore que le négativisme et transforme ses impuissances, ses maladies, ses

échecs, ses lâchetés, ses vices en chance. Étrange comme il se reconnaît dans sa mère et dans

son peuple. Citons quelques fragments éloquents des Cahiers: «Tous ces peuples heureux,

gavés, Français, Anglais... Oh! je ne suis pas d’ici, j’ai derrière moi des siècles de malheur

ininterrompu. (Cahiers, 48). Je citerai encore une seule affirmation: «Tout homme veut être

autre qu’il n’est (Cahiers, 78)1. Et une de plus, afin de regarder d’un autre angle le désir de

rompre d’avec le passé. Voilà: «Quand je pense à l’effervescence où j’étais dans ma jeunesse

à cause de ma tribu! Quelle folie, grands dieux! Il faut s’arracher à ses origines, ou tout au

moins les oublier. J’ai tendence à m’y reporter, sans doute par masochisme, par goût de

1 Tous les passages sont reproduits d’après les Cahiers (1957-1972), Cioran, Éditions Gallimard, Paris, 1997.

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l’esclavage, des «chaînes», de l’humiliation» (Cahiers, 708). Suffisamment pour construire un

autre portrait et d’autres causes.

Par conséquent, la folie de jeunesse est due, d’après moi, pas nécessairement au besoin

de sauver son peuple par flagellation, mais surtout à l’auto flagellation. Il y est question non

seulement du sentiment de solitude supérieure, mais d’une haine de soi – qui le rapproche des

Juifs de l’Europe Centrale – causée par ses propres limites qu’il veut dépasser. Quelques uns

des portraits plus tardifs, des années parisiennes, nous montre Cioran dans la posture de la

Roumanie, dont il désirait la transfiguration. Cioran – un goût pour l’asservissement, pour les

chaînes, pour l’humiliation, qui l’aurait cru?! En réalité, c’est la haine de ses propres limites,

où il voit les limites de son peuple, qui transfère la flagellation de soi vers son propre peuple.

C’est une façon d’attaquer le noyau de son propre être. En tout cas, ce que Cioran veut c’est

d’être autre. Comme on le sait, il échoue. Il ne lui reste donc qu’aimer les limites – les siennes

et celles de son propre peuple. Dans une des citations précédentes on sent le bonheur

d’appartenir à un peuple qui a derrière soi des siècles de malheur. Il admire les anonymes

restés en Roumanie et qui ont échoué, il regrette de ne pas être un berger dans les montagnes,

enfin, il ne nie plus son vide, mais le cultive. Si un changement survient donc dans la période

parisienne, il n’est pas du tout lié au fait d’avoir dépassé la ferveur de jeunesse en faveur

d’une raison lumineuse. D’autre part, la ferveur de jeunesse n’est plus ce qu’elle semblait être,

tout comme la sagesse donnée par la langue française n’est qu’un moyen d’accepter et

d’explorer ce qu’il blâmait lorsqu’il était jeune: l’impuissance de faire histoire, l’existence en

marge, l’humiliation et l’anonymat. Il me semble qu’il s’y agit de l’être lui-même et non pas

de la conjoncture. Par conséquent, le changement de langue ne génère pas le saut dans les

raisons (et le reniement de sa propre jeunesse), mais en plus il attire une identification

évidente avec le peuple duquel il est parti et qu’il voulait différent, parce que Cioran se

voulait différent lui-même. En France il fait l’apologie de l’échec et de l’incréé. Citons aussi

des Cahiers, deux séquences qui se répondent mutuellement. D’un côté: «Pourquoi je suis un

raté? Parce que j’ai aspiré à la félicité, à un bonheur surhumain, et parce que, n’y pouvant

atteindre, je me suis enfoncé dans le contraire, dans une tristesse sous-humaine, animale, pis

même, dans une tristesse d’insecte. J’ai voulu le bonheur qu’on goûte auprès des dieux, et n’ai

obtenu que cette prostration de termite» (Cahiers, 600). De l’autre: «Peut-être fallait-il s’en

tenir à l’état de larve, se dispenser d’évoluer, demeurer libre et inachevé, s’inaugurer dans le

ratage et s’épuiser interminablement dans une extase embryonnaire» (Cahiers, 674).

Voilà pourquoi je ne crois ni dans une rupture entre l’époque française de Cioran et

celle roumaine, que dans le sens d’un changement d’attitude, car ce qu’il hait au début il

arrive finalement à aimer – c’est sa façon de sauver son moi, sa solution de survivence – ni

que, en renonçant à la langue roumaine en faveur de la langue française Cioran ait abandonné

la folie de jeunesse par un saut brusque dans la bateau de la raison.

***

Mais, entre apparence et vérité, qui est Émile Cioran? La peur qui est à la racine de

toutes ses interrogations, la peur originaire, renvoie justement à sa propre identité, une identité

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mircea a. diaconu Cioran, ou l’impuissance d’être plus qu’un roumain

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précaire, qui glisse entre limites incompatibles, qui pourtant ne s’excluent pas, questionnée en

permanence, niée souvent dans toutes ses hypostases. Au fait, affirmée ainsi par la négation.

À un moment donné, Cioran soupçonne de mystification justement sa préoccupation

constante pour l’identité de l’homme. C’est sa façon de reconnaître qu’il ne s’agit que de sa

propre identité. Il se pose ainsi la question: «Pourquoi l’homme m’intéresse au point d’en

faire mon unique préoccupation? Ne serait-ce pas là une voie détournée pour masquer

l’obsession que j’ai de mon cher petit moi? (Cahiers, 345). Si par moi on comprend sa propre

identité, alors oui, Cioran est obsédé avant tout par le «cher petit moi». Il n’existe, que par

voie collatérale, un autre thème de l’écriture cioranienne. Les autres, au fait ne comptent

même pas. L’être humain, encore moins

La peur d’appartenir à ceux qui mystifient ronge plus d’une fois Cioran. «Que je hais

ma poltronnerie, mon manque héréditaire de dignité» (Cahiers, 369), s’exclame-t-il à un

moment donné. Et ce qui suit renvoie à l’attitude que Cioran manifeste conséquemment vis-à-

vis de soi-même: «Cet après-midi je suis passé par les transes du dégoût de soi, je me suis

même exécré jusqu’à une fureur meurtrière. Je me demande parfois par quel miracle j’arrive à

me supporter encore. Haine de moi voisinant le cri ou les larmes» (idem). On déduit, en tout

cas, que la poltronnerie est un moyen lâche de se soustraire aux confrontations, à la vie, aux

énergies en action. Or, étant ce qu’il déteste, il ne lui reste que se nourrir de cette haine de soi.

Sans s’identifier complètement à quoi que ce soit, il vit «dans des situations fausses»,

«toujours à côté» (Cahiers, 369): lorsque, ayant la nostalgie de ceux qui croient et qui, par la

suite, s’identifient à une croyance, lorsqu’il les accuse de cultiver, sous le masque de

l’engagement, leur propre vanité. En méprisant donc les autres pour leur activisme, il se

méprise lui-même pour le refuge dans la lâcheté. L’admiration secrète et la révolte, la haine

de soi et l’orgueil caché satisfait, voilà les faces du même individu multiplié sans fin. C’est

pourquoi le besoin d’une croyance, qu’il admire parfois aux autres, est doublé par «l’horreur

de me manifester». «La perspective d’être présent, où que ce soit, me donne la chair de poule.

Je me suis rabattu sur le Vide par besoin de sécurité...» (Cahiers, 479). Voilà, au fond, les

causes de la lâcheté et celles du dépit de soi. «Ma pusillanimité m’a empêché d’être moi-

même. Je n’aurai eu le courage ni de vivre ni de me détruire. Toujours à mi-chemin entre ma

quasi-existence et mon néant» (Cahiers, 25). C’est la lâcheté, souvent nommée sagesse, ou,

plus encore, le grand secret de l’errance délibérée, de la projection dans l’apparence: «Le

dépouillement est le grand secret. Si on peut se mettre en dehors de sa propre vie et la traiter

comme si elle appartenait à un autre, on doit en arriver à vaincre la peur et même mépriser sa

propre mort» (Cahiers, 280). Mais, en méprisant sa propre mort, Cioran se méprise souvent

lui-même. Entre parenthèses soit dit, le fait de trouver dans la «poltronnerie» une solution

c’est un fait qui perd de son importance. Souvenons-nous: «imposteur quiconque, par excès

de lucidité ou par une autre raison, n’arrive pas à s’identifier avec quoi que ce soit» (Cahiers,

510). Or, il préfère rester un «escargot», même si «un faux escargot» (Cahiers, 518) et, s’il

n’était pas un détracteur, il aimerait éviter, comme il le fait d’ailleurs, le jeu social de la

conversation, qui «exige un minimum de laisser-aller et de cabotinage» (Cahiers, 613).

Enfin, dans ce balancement entre engagement et abandon on devrait peut-être

identifier les moments d’une métamorphose, d’une transfiguration. Cioran dit: «À l’âge où

j’écrivais en roumain Cartea amăgirilor (vingt-cinq ans?) je vivais avec une telle intensité

que j’avais littéralement peur de finir en fondateur de religion... À Berlin, et à Munich, j’ai

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connu des extases fréquentes- qui demeureront à jamais les sommets de ma vie. Depuis, je

n’en ai plus que des simulacres» (Cahiers, 579). Ailleurs, sur les années passées à Berlin:

«Ma solitude berlinoise ne se laisse pas imaginer par un homme normal. Comment ai-je pu

tenir nerveusement? Jamais je n’ai été aussi près de la dégringolade, et de la sainteté...»

(Cahiers, 646). Ou bien: «À vingt ans, j’avais un insatiable désir de gloire» (Cahiers, 25).

Ainsi donc, regardée ici avec admiration, la jeunesse, âge de l’engagement aveugle, serait-elle

suivie par l’abandon du monde, la lucidité mortifiante, l’illumination de l’impuissance, ou,

autrement dit, la lâcheté. Mais la diachronie n’est qu’une apparence. C’est vrai que certains

accents changent avec le temps, mais les cahiers sont, en tout cas, l’expression des

contradictions qui se développent en synchronie. Sa victoire – qui s’édifie sur les ruines de

l’impuissance d’agir – est qu’il ne s’engage à rien, qu’il ne croit en rien. C’est pourquoi

l’envie et le dégoût vis-à-vis de ceux qui croient est dans une permanente confrontation.

Chez Cioran, le vide ne prend pas seulement le visage de la peur de l’hypocrisie, mais

aussi, comme on l’a déjà observé, celui de la propre projection dans l’illusoire, du vide

intérieur, du manque d’identité. Le 24 février 1960 Cioran note: «Aujourd’hui, en écrivant

mon nom sur un formulaire, ce fut comme si je l’avais écrit pour la première fois, comme si je

ne le reconnaissais pas. Le jour, l’année de ma naissance, tout me parut nouveau, et

inexplicable, sans aucune relation avec moi. Les psychiatres appellent cela sentiment

d’étrangeté. Quant à ma figure, souvent il me faut faire un effort pour l’identifier, un effort

d’adaptation pénible et humiliant. / Prostré, déconcerté, écoeuré devant la révélation d’être

soi» (Cahiers, 51). Étranger (aucune dénomination, dit Cioran, ne lui convient en ne le flatte

autant), il regarde les gens autour de lui comme s’il se rappelait «un cauchemar fait dans une

autre vie» (Cahiers, 74). «Je ne suis plus moi-même» (Cahiers, 98), témoigne-t-il ailleurs, ne

comprenant pas les éloges qui ont comme objet un livre qu’il avait écrit. Ou bien, regardant

derrière et ne reconnaissant plus rien, il se sent habité par le vide: «J’ai cinquante-quatre ans:

où sont allées les sensations que j’ai éprouvées durant cet espace de temps? Les ai-je senties

vraiment, puisque toutes sont disparues? Je suis un étranger qui a mon âge. Je ne retrouve pas

mon identité, je ne sais plus qui je suis» (Cahiers, 301).

Au fait, Cioran garde cette inquiétude dans la question qui le hante: «Ah! Si je pouvais

me convertir à mon essence! Mais si elle est corrompue? Décidément, je m’infirme et tout

m’infirme. Il n’y a plus de trace de moi en moi-même» (Cahiers, 24). Plus encore, il garde le

sentiment de l’échec. «Je n’ai pas trouvé le chemin le plus court vers mon centre» (Cahiers,

301), dit-il à un moment donné, car, évidemment, le grand thème de l’écriture de Cioran est le

labyrinthe du moi intérieur, dans lequel il erre sans cesse, sans la possibilité de pouvoir

revenir en arrière, sans la chance d’arriver au centre. Ainsi, Cioran s’explore-t-il et, de cette

manière, un dramatisme s’institue. Toute descente en soi-même acquiert les dimensions et les

significations d’une genèse. Sauf que chez Cioran la genèse a un statut ambigu: «J’entends en

moi, pour peu que j’y descende, les appels et les déchirements du Chaos avant de se convertir

ou de se dégrader en univers...» (Cahiers, 26). Or, l’écriture est motivée seulement par ce

besoin de se connaître soi-même, y-compris par la torture de soi: «Nul esprit clairvoyant ne

devrait prendre la plume, - à moins d’aimer se torturer» (Cahiers, 79), pour continuer le

même paragraphe: «L’enfer de se connaître, que l’oracle ni Socrate n’ont deviné» (idem).

Cioran descend perpétuellement dans cet enfer, s’autotorture, retrace les marges d’une identité

Page 47: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

mircea a. diaconu Cioran, ou l’impuissance d’être plus qu’un roumain

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qui est chaque fois une autre. Justement à cause de n’être jamais le même, la quête de soi-

même est un enfer. «J’ai une capacité infinie de convertir tout en souffrance, ou plutôt

d’aggraver toutes mes souffrances. / Génération des douleurs» (Cahiers, 35). Une souffrance

qui devient haine de soi-même. L’exploration de soi ne laisse d’espace à aucune utopie et sa

finalité est l’autodestruction délibérée, comme chance pour l’édification: «Je suis la

succession de mes états, de mes humeurs, je cherche en vain mon «moi», ou plutôt je ne le

retrouve que lorsque toutes mes apparences se volatilisent, dans l’exultation de mon

anéantissement, quand se suspend et s’annule ce que précisément on appelle un «moi». Il faut

se détruire pour se retrouver: essence est sacrifice» (Cahiers, 61).

Enfin, ce que Cioran voit avant tout dans soi-même est l’impuissance d’être quelque

chose. «Ce que je sais détruit ce que je veux» (Cahiers, 478), constate-t-il avec une lucidité

sceptique. Mais, le plus souvent, au lieu de la lucidité apparaît la furie de soi-même et, à

l’extrême, une violence dirigée vers lui-même et vers tous. À côté de cette lucidité tournée en

violence, la honte d’être: «Je ne veux plus voir personne, tellement j’ai honte de moi. Je ne

sais vraiment plus sur qui exercer mon mépris, je me trouve plus bas que ceux qui n’existent

même pas à mes yeux» (Cahiers, 317). Bien sûr, cette honte aussi est une preuve du même

orgueil: «Tant qu’on n’a pas touché aux extrémités de l’humiliation et de la honte, on n’a pas

le droit d’aborder les grands problèmes» (idem).

Au-delà de cette dispute, entre savoir et vouloir, Cioran est, en permanence, soit

l’autre, qu’il regrette ou qu’il blâme, soit une somme de contradictions. On s’arrêtera sur cette

somme impossible, sur cette synthèse ratée- d’où jaillit la souffrance. Quleque part Cioran

constate: «Il y a en moi du moine et de l’esthète, et sans, il va sans dire, aucune possibilité de

synthèse. À chaque instant, quelqu’un en moi proteste et se lamente, en attendant de prendre

le dessus » (Cahiers, 316). Il y a en lui quelque chose de bavard et de moine trapiste. Il est

lâche ou humble, mais se déclare sage, pour après exploser dans des accès de violence.

Quoiqu’il arrive, quoiqu’il fasse, Cioran regrette, car il ressent une permanente impuissance

d’être. En méprisant la tribu, Cioran aime se confondre avec, soit dans des lieux «décadents»,

soit dans des espaces élémentaires, primitifs. Ailleurs, il parle du «mélange entre le doute et le

rêve», pour se poser enfin la question: «Les sceptiques grecs et les romantiques allemands,

comment peuvent-ils se combiner dans une même âme? Se tourmenter au milieu d’apories

lyriques...» (Cahiers, 76). Ailleurs il note sec, sans aucun commentaire: «Ballotté entre le

cynisme et l’élégie» (Cahiers, 21). Plus explicitement, avec les conséquences qui découlent

de ces contradictions, voilà: «Par nature, je suis violent – par option, sceptique. Comment

concilier des tendances aussi divergentes? Comment vivre, à chaque instant, en contradiction

avec soi-même? De quel côté, en toute occasion, vais-je me pencher? pour qui vais-je me

décider? à quel moi me ranger?» (Cahiers, 580). Voilà, par conséquent, les raisons de

profondeur qui déterminent Cioran à se nommer, soi-même, l’étranger. Il est sans cesse autre,

une altérité. La cause de ces contradictions? Parfois, Cioran accuse l’hérédité immédiate: «Ma

mère et mon père, on n’imagine pas deux êtres plus divergents. Je n’ai pas réussi à neutraliser

en moi leurs caractères irréductibles; ainsi pèse-t-il sur mon esprit une double et

irréconciliable hérédité» (Cahiers, 27). Souvent, le pays d’où il provient: «Le paradoxe du

peuple roumain est d’être à la fois malheureux et frivole» (Cahiers, 570). Sauf que, se

méprisant lui-même, Cioran méprise en même temps ses racines. Ou, plus clairement: le

mépris envers les siens est une conséquence du mépris envers soi-même. En tout cas, parfois

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c’est justement ce mépris qui nourrit la survie – et le sens. Il note quelque part: «Ma peur

héritée devant la vie, un cadeau de famille. J’essaie en vain de me débarasser de mes ancêtres;

et j’ai beau les écarter et refouler, ils reviennent à la charge. Plus je vais, plus je constate

qu’ils ont sur moi l’avantage et que ma lutte contre eux devient désespérée. Je retombe dans

mes origines, en attendant de m’y abîmer» (Cahiers, 111-112).

Enfin, voyons d’autres contradictions: «un ermite en plein Paris» (Cahiers, 23), un

frivole, condamné à la gravité (cf. Cahiers, 73), un «superficiel de nature» qui ne connaît en

profondeur que «l’inconvénient d’être né» (Cahiers, 572), un lâche aux accès furibonds de

violence, un buffon qui souffre de l’absence de l’absolu, un héros en négativité, qui survit

grâce à la haine de soi, au mépris envers soi, à la lâcheté. «Avec une vision des choses comme

la mienne, il est douteux qu’un autre eût pu réussir à travers tant d’années. Aussi bien, et si

étrange que cela paraisse, y a-t-il des jours où je me fais l’effet d’un héros» (Cahiers, 112).

Déchiré entre nostalgie et anxiété, entre passé et futur, il est dégoûté par soi-même, par le

monde, mais, comme il précise quelque part, s’il demeure encore sur cette terre, c’est parce

que sa terreur «de ce monde est insuffisante et incomplètement sincère» (Cahiers, 85). Est-il

possible que derrière cela se trouve l’orgueil? Ou bien la fascination? La simple, instinctive

hypocrisie? S’agit-il d’impuissance? Cioran aime, le déclare-t-il souvent, «les temperaments

agressifs et contradictoires, violents et déchirés, et qui par leur excès vous stimulent, et vous

désarçonnent. Mon aboulie a besoin de fouet» (Cahiers, 344). Le voilà dans l’hyosthase qui le

sauve, d’aboulique, mais en admirant les énergies élémentaires, voire les figures

contradictoires, comme lui souvent. Pour se sauver, il lit souvent des livres sur des figures de

souverains. «Extrémités de l’aboulie!», exclame-t-il à un moment donné. Et il continue: «Pour

y échapper, je lis de temps en temps quelque livre sur Napoléon. Le courage des autres nous

sert quelquefois de tonique» (Cahiers, 16). Mais les choses vont plus loin encore. En se

rappelant l’admiration pour les Allemands, du temps où il était passé par Berlin, il affirme:

«Ce qui a dû me fasciner chez ces ci-devant Germains, c’est le fait de n’avoir rien de commun

avec eux» (Cahiers, 338). Transformées en idéologie, les accès de violence de sa jeunesse

illustrent ce besoin d’être, par construction de soi, autre, celui rêvé et, indiscutablement,

admiré. Certes, on déduit que la haine est provoquée justement par des éléments communs.

Et, plus loin, Cioran généralise: «J’ai toujours, pour mon malheur, cherché dans les autres ce

que je ne trouvais pas en moi-même, au lieu de m’en tenir à mes insuffisances et de m’en

contenter» (idem). Il admire en tout cas, ceux qui se manifestent, qui agissent, qui vivent dans

l’histoire, non pas en dehors d’elle. Or, voilà une raison de plus pour que Cioran se sente un

étranger, un exilé. Son exil métaphysique a cette connotation. «Toute ma vie j’aurai vécu avec

le sentiment d’avoir été éloigné de mon véritable lieu» (Cahiers, 342). Mais le mépris et la

honte de soi, conséquence de l’impuissance de faire partie de l’histoire et de sa déchéance,

sont doublés par un orgueil luciférique, damné. Que d’orgueil, au fond, dans le fait d’assumer

la déchéance, l’anonymat, l’absence! Un orgueil qui ne peut pas éliminer les moments de

cruauté envers les autres et envers soi. Un hédoniste à l’envers, Cioran n’aime que

«l’effacement, avec l’orgueil que cela implique» (Cahiers, 352).

Ainsi donc, Cioran est conscient de toutes ces contradictions, de toutes ces ruptures:

«La cruauté et la pitié, l’une et l’autre abstraites, cérébrales, sont mes traits caractéristiques.

Tyran ou ermite, voilà à quoi je serais bon: un monstre dans les deux cas» (Cahiers, 360). Au

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mircea a. diaconu Cioran, ou l’impuissance d’être plus qu’un roumain

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fait, il sait bien que le mépris envers les autres et la haine que les autres lui provoquent ne sont

que la conséquence de sa propre identité: du mal qui habite son intérieur ou de la

métamorphose subjective du monde. «N’ayant pas réussi à trouver l’art de me supporter moi-

même, comment aurais-je appris celui de supporter le monde? C’est toujours en nous que

réside le mal, et le chercher ailleurs c’est prouver qu’on est encore à l’enfance de la sagesse»

(Cahiers, 94). Ou bien: «Tout bien pesé, ma sensibilité s’apparente à celle des romantiques

[...], je prends mes humeurs pour des mondes, je les considère comme des substituts de la

réalité dernière» (Cahiers, 102). Quand je les condamne, je les incrimine, je les abjure, les

autres ne sont que moi-même, dit Cioran dans ses moments de lucidité, ces moments où il sort

de soi-même, afin de pourvoir se regarder froidement, comme l’on regarde un autre. Mais le

plus souvent Cioran ne se supporte pas soi-même: «J’ai beau me démener, je n’arrive pas à

me réconcilier avec moi-même, je suis toujours en mauvais termes avec mon être. Ma fureur

n’a pas de bornes, que j’en sois l’objet ou que ce soit l’univers indifférement» (Cahiers, 361).

Une furie sans marges, mais qui n’entraîne ni le suicide, ni l’immersion du monde dans le

néant. À un moment donné, Cioran témoigne qu’il a cessé de croire dans la destruction. C’est

la raison pour laquelle il s’appelle un «démon désabusé» (Cahiers, 635).

Qu’est-ce que Cioran aurait aimé être? En tout cas, autre chose de ce qu’il était:

«Toute ma vie j’ai voulu être autre chose: Espagnol, Russe, Allemand, cannibale- tout, sauf ce

que j’étais. En insurrection permanente contre le sort, contre ma naissance. Cette folie de se

vouloir différent de ce qu’on est, d’épouser en théorie toutes les conditions sauf la sienne»

(Cahiers, 687). Comment quelqu’un qui dit «personne n’a aimé autant que moi ce monde»

(Cahiers, 804) pourrait être anarchiste et nihiliste? L’apathique devient souvent fervent, voire

fanatique. Le sceptique vit des moments euphoriques. Il note, parce qu’il s’y reconnaît, la

comparaison faite par Berdiaev entre Neceaev et Ignace de Loyola: «Le révolutionnaire

comme ascète» (Cahiers, 818), pour continuer dans le paragraphe suivant: «S’il me fallait

choisir entre l’ascèse et la débauche c’est vers la dernière que j’inclinerais. / D’ailleurs la

débauche est, elle aussi, une lutte contre la «chair»; elle abuse de celle-ci, elle l’exténue et

l’appauvrit» (idem). Il se sent près des écrivains russes, parce qu’il sent le besoin de

«s’intoxiquer de vertige» (Cahiers, 883). Au fait, il aime les Espagnols, les Hongrois, quelque

part il arrive à se nommer rien qu’un «Mongol dévasté par la mélancolie» (Cahiers, 34). Mais

la définition la plus exacte, comme étranger, est celle-ci: «Je suis métaphysiquement juif»

(Cahiers, 254). Un juif, parce que ces racines ne se trouvent nulle part, parce qu’il est en

permanence autre, parce que sa propre identité se nourrit de crise, arce qu’il vit grâce à un

courage négatif qui se traduit par une haine de soi. «Je ne m’entends en profondeur qu’avec

les Juifs. Nous avons des tares communes» (Cahiers, 721), avoue Cioran.

Dans ces conditions, la rupture entre l’époque française, de la raison, et celle

roumaine, de l’anarchisme extrême, n’est plus si évidente. Peut-être parce que, souvent,

quoiqu’il refuse de parler le roumain et qu’il est agacé par les Roumains, il voit dans cette

langue les racines qu’il a trahies? Voilà: «L’extraordinaire langue roumaine! Chaque fois que

je m’y replonge (ou plutôt que j’y songe, car j’ai hélas! cessé de la pratiquer), j’ai le sentiment

d’avoir commis, en me détachant, une criminelle infidélité» (Cahiers, 67).

BIBLIOGRAPHIE:

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Journal of Romanian

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andrei bodiu The Generation of 2000 in Romanian Poetry

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ANDREI BODIU

Transilvania University of Brasov

The Generation of 2000 in Romanian Poetry. Two Eccentric authors:

Radu Vancu and Vasile Leac

The main stream poetry of the 2000 generation in Romanian poetry is considered to belong to

the neo-expressionism. Its claimed roots can be found in the extensions of expressionism in the

Romanian literature. These extensions do not represent the mainstream poetry of the ’80, the

generation of Romanian poets who write before the 2000 generation. However there are voices, like

Radu Vancu and V.Leac whose poetry is different because they claim different cultural sources than

their colleagues of generation. This paper examines these sources and stresses the originality of the

poetry of Radu Vancu and V.Leac.

In 2009, starting from two very interesting PhD theses authored by Cristina Ispas 1 and

Georgeta Moarcăs,2 I wrote a study

3 on the relationship between the Romanian generation of

poets of the 2000 and postmodernism. The main idea was that the main cultural background

of the Romanian young poets is to be found not in the postmodernism of the 80’s, but in the

Romanian expresionism and its, sometimes very recent, extensions. There are some very

interesting and particular cases of the 2000 generation poetry which are not dealing with the

main stream that I depicted in the article from 2009. These particular cases I debate in this

paper are Radu Vancu and V.Leac, two poets who are eccentrical in the generation of 2000.

First, Radu Vancu is not so clearly against the main stream poetry of the 80’s generation

represented by Cărtărescu, Iaru, Traian T. Coşovei, Ion Stratan, Romulus Bucur or Alexandru

Muşina. In other words, Radu Vancu is not very affirmative in pointing out that his cultural

background includes poets like Angela Marinescu or Ion Mureşan, important representatives

for the extensions of the expressionism in Romanian poetry. To the question about the models

and the antimodels of the 2000 generation in a special issue of „Vatra” dedicated to his

generation, Radu Vancu gives a balanced answer: „there is no dogmatic corpus of literary

works that is to be claimed by the members of the generation.” Further on, Radu Vancu insists

upon the idea that the cultural sources of his generation are „eclectic”4. Things seem not to be

the same for other poets of the generation who clearly affirm their affiliation to the extensions

of the Romanian expresionism. Instead of opposing the main stream of the 80’s generation,

Radu Vancu pledges for the idea of diversity. It is not the main atitude for the poets of his

generation. Moreover, in a recent interview5, Radu Vancu agrees with the idea that the so

called „douămiişti” are a part of the same generation as the poets of the 80’s. He finds the idea

1 Cristina Ispas, Fenomenul poetic românesc postdecembrist (teză de doctorat), Univeristatea din Bucureşti,

2009 2 Georgeta Moarcăs, Expresionişti după expresionism (teză de doctorat), Universitatea din Bucureşti, 2009

3Andrei Bodiu, Douămiism şi postmodernism, Analele Universitatii "Stefan cel Mare" Suceava serie Filologie,

B: Literatura , 2009 4 Radu Vancu, „Vatra” nr. 3/ 3009,p. 48

5 „Scrisul trebuia să mă scoată dintr-o problemă existenţială şi şi-a făcut treaba” interviu cu Radu Vancu de

Ecaterina Pavel, Daniel Puia-Dumitrescu şi Dan Ţăranu, „Corpul T” nr.3/ 2011

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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at Bogdan Creţu and Dumitru Chioaru but the first theoretician that emphasized it was Ion

Bogdan Lefter in different areas of his work.6 The idea of separation for the Romanian

generations of poets is not the theme of this paper. Vancu’s idea is that he, as a poet, is

opened to communication with the other generation and, moreover, that his way of

understanding poetry is very similar to that of such poets as Alexandru Muşina, for instance. I

can define Vancu’s attitude as relaxed and soft, because he does not define himself in

opposition to the main stream of the 80’s poetry but in accordance with it. It is clear that this

is not the main attitude of the “douămiişti” who ignore pragmaticaly and programmaticaly the

main stream of the ’80s in poetry. Vancu’s “ecumenical” vision can be also the result of the

influence that one of the most important post World War II Romanian poets, Mircea Ivănescu,

had upon him. In a way, Ivănescu’s cosmopolite perspective on literature and culture seems to

be the most influential for Radu Vancu. It is interesting to read the latest volume of poems

written by Radu Vancu, Sebastian în vis (Sebastian in Dream) both from the point of view of

its cultural background and from the point of view of the cultural remarks in the text. I think

that Radu Vancu’s poetic connection with the vision of the poets of the 80’s can be underlined

from the perspective of the cultural genealogy that can be found in the volume published in

2010 at Tracus Arte publishing house. First, the volume is situated in the line of Romanian

poets who can be considered poeta faber, starting with Tudor Arghezi and Ion Barbu,

followed by Leonid Dimov and Mircea Cărtărescu. Ivănescu’s presence should be found,

maybe, in the exploration of the intimate life, a mark of the great poet who died this year.

Dimov and Cărtărescu are also present as two of the most important oniric contemporay

Romanian poets. Cărtărescu himself considers Dimov one of the most important Romanian

poets and acknowledges Dimov’s influece upon him. Besides, both Dimov and Cărtărescu

developed a deeply ludic dimension in their poetry, a fact that is also relevant for the poetry of

Radu Vancu. In the first part of the second canto, Radu Vancu introduces Dimov, in an

amusing image, as a character of his poem. Sebastian, the dreaming baby falls asleep on

Leond Dimov’s belly. There is, maybe, an allusion to the image of the great poet, walking

with his baby niece, after the banning of the onirist movement by the communist regime, an

image which can be found in one poem writen by Mircea Cărtărescu. This kind of cultural

sophistication meets the refinement of the ecriture. Radu Vancu writes all the seven cantos of

the poem using the block-text which is specific for prose, creating the rhythm and rhymes of

verse. Regarding the second level, namely that of the cultural allusions in the text of the

volume, Radu Vancu’s perspective is consistent with his permissive and tolerant vision of the

cultural models of his poetic age. In this respect, he is close to the postmodern way in which

Mircea Cărtărescu mixes the cultural allusions in his work. In the first canto of the book, we

can find an ingenious mixture of remarks connected to culture and also to the specific

belongings of a baby. The sphere of elements contained in the first canto of the book puts

together: the Nestle condesed milk, the Nuk nose pump, the Rubik cube, the Lego games, the

Avent bottle in an explicit or implicit dialogue with fairy-tale charachters like Snow White,

medieval stories, Ayenbite of Inwyt, the multiplied image of Mihai Eminescu, the Shoah and

6 The idea of an extended postmodernism is one of Ion Bogdan Lefter basic ideas în Postmodernism, “din

dosarul unei bătălii culturale”, Piteşti, Paralela 45, 2000

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andrei bodiu The Generation of 2000 in Romanian Poetry

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the Gulag or with elements like Beauty and Eloquence which evoke the authors of the

European Renaissance. This mixture, connected with the personality of the new born

strenghtens the idea of ludic, essential for the author of Sebastian în vis (Sebastian in dream).

The title itself is a Romanian version of a famous book by Georg Trakl, Sebastian in Traum

In an interview published in the quaterly „Corpul T”, Vasile Leac answers a question

regarding the poets towards whom he displays affinity. „ I do not know if I feel any

resemblance with the poets of my generation. Many of them write deep, in a traditionalist

manner- I don’t know if the term traditionalist is good- and they are very important poets.”7

There is a clear irony in Leac’s words, for whom another literature than the one written by his

generation seems to be, truly, more important. In the same interview, questioned about his

literary models, Leac answers that he reads mainly prose and, seldom, poetry. Regarding the

prose writers, Leac speaks about Becket, Joyce and Salinger8 It is interesting that, like Vancu,

he recalls, as literary models, Leonid Dimov, “ whom I like very, very much”, then Mircea

Ivănescu and Cristian Popescu.9 We can find common features between Leac’s and Vancu’s

cultural models. This affinity between the two stresses the fact that in their generation they are

eccentric, their cultural models being not the poets that are significant for the extensions of

expresionism like, for instance, Angela Marinescu and Ion Mureşan. The main stream is what

Leac’s calls “the deep, traditionalist poets.” I think that we can assimilate the term

“traditionalist” with the term “neoexpressionist”. At both Vancu and Leac, there is a

fascination for the poeta faber, but also, on the other hand, for ludic and for irony, features

which can be found at Dimov, Ivănescu, Mircea Cărtărescu or Cristian Popescu. One of the

earlier volumes of poetry written by V.Leac is intitled Dicţionar de vise (Dictionary of

Dreams) a title which is a cultural echo of the famous Cartea de vise (The Book of Dreams)

by Leonid Dimov. Like Dimov, both Radu Vancu and Vasile Leac preserve something from

the” anxious and drilling spirit of the anvantguard.”10

In his most recent book of poetry

published in 2010, Toţi sînt îngrijoraţi (Everybody is worried)11

V. Leac proves a real

explorative dimension of his poetry. In fact, all the three parts of the book offer different

approaches to poetry. First of all we may emphasize that in all the three chapters: Între noi

(Between us), No signal and Hei, stranger!, a connection with the interest of Leac for prose

can be found. In fact, the author takes a total freedom in elaborating the poem, developing it

at the border between poetry and prose. This feature is clear in the last part of the book

because the poem is writen in a prose-like manner, over the entire surface of the page. But

apart from it, the echoes of prose can be found starting with the first poem. On the other hand,

this form of the poems is misleading because Leac’s poems develop as an original

combinations of onirism, surrealism and postmodernism. The oniric roots can be found, for

instance, in the imagined situations in real spaces like Nordkapp. In the far north of Europe,

Leac imagines the life of a scholar, probably a student in marine biology. The surrealist

7 “Intenţia mea a fost să-l fac pe cititor să surâdă” un interviu cu Vasile Leac de Ecaterina Pavel, Daniel Puia-

Dumitrescu şi Dan Ţăranu în „Corpul T” nr2/2011 8 idem, p.64

9 idem, p.64

10 Rodica Ilie, Manifestul literar. Poetici ale avangardei în spaţiul romanic, Braşov, ed Universităţii

Transilvania, 2008, p.281. In the same field of the definition of avantguard, Adrian Lăcătuş, Urmuz,2002 11

Toţi sînt îngrijoraţi, Bucureşti, Ed. Tracus Arte, 2010

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features can be found at the level of poetic imagery. Both the oniric and the surrealist aspects

are filtered through a strongly confessional voice. This voice is structured in a postmodern

manner, with connections to the biographic poetry specific for the main stream of the 80’s

generation, at poets like Cărtărescu, Iaru, Alexandru Muşina or Romulus Bucur. With

Romulus Bucur, V. Leac has in common the usage of different icons in the poem: a dog, a

pair of gloves, icons from the doors of toillets.

As I mentioned at the beginning of this paper, both Radu Vancu and Vasile Leac are

eccentric in the so called generation of the 2000. On the other hand, they are, as you have

seen, poets who connect, in very original manners with the main stream of the poetry of the

80’s and with other important voices of the Romanian post-World War II poetry. Alexandru

Cistelecan defined the art of the “douămiist” poets as „neoexpresionist and not

postmodernist”.12

Radu Vancu and Vasile Leac continue the postmodern Romanian poetry

adding new approaches, new poetic ideas. Confessional, ironic, ludic, oniric, believing in the

art of poeta faber, Radu Vancu and Vasile Leac are still, even though important poets, at the

margin of their generation. Nobody can say until when. The quality of their poetry can make

them become central at any moment.

BIBLIOGRAPHY:

Ispas Cristina, Fenomenul poetic românesc postdecembrist (The Romanian Poetic

Postdescmbrist Phenomenon) (teză de doctorat), Univeristatea din Bucureşti, 2009.

Moarcăs, Georgeta , Expresionişti după expresionism, (Expressionists after Expressionism),

(teză de doctorat), Universitatea din Bucureşti, 2009.

„Corpul T”, 2/2011.

„Corpul T” 3/2011.

Lefter, Ion Bogdan, Postmodernism- din dosarul unei „bătălii culturale” (Postmdoernism- of

the dossier of a cultural „battle”, Piteşti, Paralela 45, 2000

Vancu, Radu, Sebastian în vis ( Sebastian in Dream), Bucureşti, Ed .Tracus Arte, 2010

Leac, Vasile, Toţi sînt îngrijoraţi ( Everybody is worried), Bucureşti, ed. Tracus Arte, 2010

Ilie, Rodica Maria, Manifestul literar. Poetici ale avangardei în spaţiul romanic, (The literary

Manifesto. Avantguard poetics in the romanic world) Braşov, Ed Univeristăţii din Braşov,

2008.

www. atelier.liternet.ro.

12

Al Cistelecan în www. atelier.liternet.ro

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gheorghe perian L’idée de génération chez le critique roumain Mircea Vulcănescu

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GHEORGHE PERIAN

Babes-Bolyai University of Cluj-Napoca

L’idée de génération chez le critique roumain Mircea Vulcănescu

In the Romanian literary criticism, the issue of generations became the subject of theoretical

reflection later than in Western Europe. Much later than in Germany, where the first studies on the

subject dates from the late nineteenth century, but much later than in France, where attention to the

phenomenon of generations began to grow and result in books after the First World War. In our

country such concerns became more obvious in the early 30s of last century, when the Romanian

Society of Philosophy organized a series of conferences on "The problem of generations", conferences

held in the auditorium of the ‘Carol I’ University Foundation and presented by some of the leading

thinkers of the time. The first big "generation" moment in the evolution of the Romanian literary

theory represented the critic Mircea Vulcanescu. He published a series of articles about the

phenomenon of generations, culminating with the Generation study, published in the journal

"Criterion" in 1934. The author based his study on Dimitrie Gusti’s monograph concept, whose work

fellow he was, and defined the concept of generation of a multiple perspective, seeking to highlight all

its senses, from the biological one to the sociological, historical, psychological, cultural and economic

one.

Dans la critique littéraire roumaine le problème des générations est devenu sujet de

réflexion théorique plus tard que dans les pays de l’Europe occidentelle. Beaucoup plus tard

qu’en Allemagne, où les premières études sur ce thème remontent à la fin du XIX-e siècle,

mais plus tard aussi qu’en France, où l’intérêt pour le phénomène des générations a augmenté

après la première guerre mondiale. Chez nous, les préoccupations de ce genre deviennent plus

manifestes au début des années ’30 du dernier siècle, quand la Société roumaine de

philosophie a organisé un cycle de conférences sur „Le problème des générations”,

conférences tenues dans l’amphithéâtre de la Fondation universitaire Carol I-er et présentées

par quelques penseurs importants de l’époque.

Tenant compte de la chronologie, nous pouvons affirmer qu’il y a eu dans la critique

littéraire roumaine trois moments „générationistes”, inégaux en envergure et qualité, mais qui

ont produit des clarifications importantes et ont essayé d’offrir des solutions raisonnables aux

questions difficiles de ce domaine. Loin d’être une préoccupation constante des critiques

littéraires roumains, l’étude des générations littéraires a connu des périodes propices, quand le

sujet intéressait tout le monde et on en écrivait beaucoup, mais aussi des périodes

défavorables, d’oubli ou de refus. L’idée a stimulé la réflexion théorique des critiques chaque

fois que dans la littérature roumaine a eu lieu un changement de générations et chaque fois

que ce changement a eu pour effet des polémiques et des conflits d’intérêts. Chez nous, les

études sur ce thème n’ont pas été uniquement le résultat des recherches de bibliothèque ou des

réflexions de cabinet, mais elles ont eu comme point de départ l’observation directe de la vie

littéraire avec toutes les confrontations intergénérationnelles qui l’agitaient périodiquement.

Dans l’évolution de la théorie littéraire roumaine, le premier grand moment

„générationiste” a été celui des années 1930, quand Mircea Vulcănescu a publié une série

d’articles sur le phénomène des générations, dont le plus important, Génération, a paru en

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1934 dans la revue „Criterion”. L’auteur partait de la conception monographique de Dimitrie

Gusti, dont il a été le collaborateur, et définissait la notion de génération de plusieurs points

de vue, en distingant tous ses sens: biologique (considéré primordial), sociologique,

historique, psychologique, culturel et économique.

Le premier et le plus durable sens de la notion de génération est celui biologique,

relevé par l’étymologie latine du mot. D’un tel point de vue, par génération on comprend la

multitude des descendents issus d’un même géniteur, descendants dont les dates de naissance

constituent un niveau temporel distinct et distancé de l’âge des parents. C’est un éloignement

uniquement chronologique, parce que, autrement, la continuité entre la génération des parents

et celle des fils est assurée toujours par l’hérédité. Du sens biologique, les théoriciens de la

littérature ont gardé uniquement l’idée du décalage temporel grâce auquel les deux catégories

d’âge arrivent à s’éloigner l’une de l’autre, et ont éliminé le principe de l’hérédité en tant que

facteur de continuité. Au contraire, pour ceux qui étudient les caractères hérités et les

problèmes de la généalogie, il n’y a pas de ruptures graves dans la succession des âges. La

lecture à l’horizontale d’un arbre généalogique suffit pour comprendre une génération.

Sous l’aspect sociologique, il est à observer que, dans une communauté, les adultes et

les jeunes forment non seulement des catégories éloignées par l’âge, mais aussi des catégories

sociales engagées différemment et ayant une importance inégale dans la vie quotidienne.

Ceux qui sont actifs et intégrés pleinement dans la société, occupant les positions les plus

fermes et les positions de direction, sont les adultes liés entre eux par leur passé et intérêts

communs. Les jeunes sont en attente et se préparent pour devenir, à leur tour, actifs. Quand

l’attente se prolonge d’une manière exagérée, leur impatience augmente progressivement et

un état de nervosité sociale, qui peut atteindre des niveaux explosifs, apparaît dans leur cercle

d’existence. Les hiérarchies dans la société se fondent en fonction de l’âge aussi, parce que

celui-ci conditionne souvent la performance, en plan quantitatif et qualitatif également. Il est

vrai que dans la société moderne, caracterisée par complexité, l’âge perd de son importance à

l’avantage d’autres règles qui décident la distribution des positions sociales, sans tenir compte

du facteur biologique. Il s’agit du marxisme, qui fixe la société moins dans des catégories de

génération que dans des classes sociales en antagonisme.

Mircea Vulcănescu a soutenu que le sens sociologique est essentiel pour définir la

génération, terme autour duquel s’organisent tous les autres sens. La prééminence accordée au

sens sociologique s’explique par l’affiliation de l’auteur aux idées de l’école monographique

de Dimitrie Gusti, mais aussi par la nécessité de résoudre d’urgence les problèmes d’ordre

social de la jeune génération de son temps. Quoiqu’il ait maintes fois rejeté le marxisme,

Mircea Vulcănescu utilise ses termes chaque fois qu’il écrit sur „la prolétarisation de la

jeunesse intellectuelle”, sur „le chômage” ou sur l’incapacité de la société roumaine d’intégrer

la nouvelle génération dans le système institutionnel déjà bloqué, en l’obligeant ainsi au

mécontentement, à la haine et au ressentiment. Le placement du sens sociologique en position

de critère supraordonnateur et la descente des autres sens au niveau de subsidiarité ont été, de

ce fait, les conséquences en plan théorique d’une expérience sociale désagréable que la

génération „Criterion” a dû supporter après la fin des études, au début des années 1930.

La génération est une unité qui mesure l’intervalle de temps nécessaire pour le passage

d’une catégorie d’âge de la période active à celle de retrait de l’activité sociale. Selon les

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études démographiques, la régénération du substrat biologique de la société se passe tous les

trente ans. Il faut préciser que c’est une limite flexible et que la durée de prééminence d’une

génération est plus longue ou plus restreinte en fonction du climat social. Le change de

générations peut produire un changement de paradigme aussi, mais pas toujours et pas de

manière obligatoire, parce qu’il y a des générations qui, bien qu’elles aient pris les positions

des retirés de l’activité, continuent à se manifester dans les anciennes structures. Ce sont les

générations d’héritiers, les générations respectueuses, pas assez fortes pour édifier leurs

propres normes, leur propre univers thématique. Le passage de ces trente années crée chaque

fois le cadre nécessaire pour l’apparition d’une nouvelle génération, mais c’est uniquement de

temps en temps, quand les astres sont favorables, que se produisent des changements de

mentalité.

Pour illustrer la périodicité mentionnée en haut, observée par les historiens grecs déjà

dans l’Antiquité, Mircea Vulcănescu a dressé un tableau des générations qui se sont succédé

dans la littérature roumaine à partir du XIX-e siècle. On sait aujourd’hui que, par son tableau,

il a été l’un de ceux qui ont fondé ce „genre” dans l’histoire littéraire de chez nous. Sa

démarche a été suivie d’autres essais similaires, surtout à l’époque des années 1980, quand les

débats sur la génération ont connu leur dernière recrudescence. La suite peu longue des

générations roumaines commence par la soi-disante „génération des précurseurs”. Elle a

annoncé son existence en 1821, en même temps que la Révolution de Tudor Vladimirescu, et

elle s’est fait remarquer par une attitude anti-grecque et autochtoniste. Ses représentants ont

été Gheorghe Lazăr en Munténie et les „carvunari” en Moldavie. Après eux, en 1848 s’est

constituée la génération romantique, celle qui a créé la Roumanie moderne, avec Ion Brătianu,

M. Kogălniceanu, C.A. Rosetti et Avram Iancu en tête. Composée de petits boïards avec des

études en France, cette génération a mené une vie tumultueuse, engagée dans des révolutions

et des guerres mais aboutissant à la fin à transformer la Roumanie en un État européen. En

1880 c’était le tour de la génération junimiste de s’affirmer. Conservatrice et réactionnaire,

elle groupait les représentants de l’aristocratie (P.P. Carp, Iacob Negruzzi), de la paysannerie

et de la bourgeoisie (Titu Maiorescu, Ion Creangă, Mihai Eminescu), la plupart ayant une

culture allemande. Leur revue a été „Convorbiri literare” („Conversations littéraires”) tandis

que leur idée maîtresse était celle des „formes sans fond”. La quatrième génération, issue

après la révolte de 1907, s’est trouvée sous l’influence du „narodnicisme” russe et a créé une

littérature d’inspiration rurale. Son idéal politique a été l’unification de tous les Roumains en

un seul pays. Elle a initié des courants idéologiques tels le „semănătorism” (courant

nationaliste animé par Nicolae Iorga et A.C. Cuza) et le „poporanism” (courant socialiste

ayant au premier plan C-tin Stere). Le premier courant était pour l’unification de la

Transylvanie avec la Roumanie et le deuxième pour l’annexion de la Bassarabie à l’État

roumain. Les revues dans lesquelles ils se sont manifestés étaient „Semănătorul” et „Viaţa

Românească”. Les débuts de la génération suivante, la génération de la Grande Unification

(ou la génération de la revue „Gîndirea”) remontent à l’année 1914. Ses représentants (Nae

Ionescu, Octavian Goga, Lucian Blaga, Nichifor Crainic, Pamfil Şeicaru, Cezar Petrescu,

Emanoil Bucuţa, Tudor Vianu, Victor Ion Popa, Ion Marin Sadoveanu, Mihail Ralea, Camil

Petrescu) se préoccupaient en égale mesure du roumanisme et de l’universalité. L’opinion de

la génération a été résumée par Nae Ionescu en quatre mots: réalisme, orthodoxie, monarchie

et autochtonisme. La statistique des générations, peu convaincante jusqu’ici, devient encore

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plus embrouillée lorsque Mircea Vulcănescu commence à parler de la sixième génération, la

sienne, qui ne voulait pas respecter la périodicité de trente ans. Le problème était qu’il ne

pouvait pas associer cette génération a un événement historique, comme il l’avait fait dans le

cas des premières. De plus, il n’avait aucun nom pour elle. Tout ce qu’il affirme en cette

question montre le fait qu’il s’agit, en réalité, d’une semi-génération issue à l’ombre de la

génération antérieure, de l’autorité de laquelle voulait s’échapper, mais sans réussir

complètement.

Le tableau panoramique dressé par Mircea Vulcănescu est fragile pour deux raisons.

Premièrement, en délimitant les générations en fonction de quelques repères chronologiques

importants (la Révolution de Tudor Vladimirescu, la Révolution bourgeoise de 1848, la

Proclamation du Royaume en 1881, la Révolte de 1907, la Grande Unification de 1918),

l’auteur semble avoir oublié que la littérature a sa propre périodicité interne, qui ne coïncide

que rarement avec celle de l’histoire événementielle, socio-politique. S’il avait utilisé pour

périodiser, tout comme on fait aujourd’hui, des critères strictement littéraires, il n’aurait eu

aucune difficulté à comprendre que la génération romantique a ses origines en 1840, lorsque

Mihail Kogălniceanu a fait paraître la revue „Dacia literară”, que la génération junimiste n’a

pas attendu la Proclamation du Royaume pour faire son entrée dans la littérature, mais elle a

signalé son existence dès l’année 1867, par les „Conversations littéraires” et quand Titu

Maiorescu a publié sa grande étude intitulée Une recherche critique sur la poésie roumaine à

partir de 1867, que le poporanisme remonte à 1893, depuis la fondation de la revue

„L’Événement littéraire”, dans les pages de laquelle la doctrine du courant a été exprimée

d’une manière irrévocable. Dépourvu d’expérience préalable dans la délimitation correcte des

générations de la littérature roumaine, Mircea Vulcănescu devient tendancieux. Dans la

génération de Junimea il n’a pas trouvé de place ni pour Caragiale (probablement parce que

l’écrivain était allogène et avait la langue bien affilée), ni pour Slavici (à ce temps-là, celui-ci

ne passait pas encore pour un grand prosateur et, outre cela, il avait collaboré avec l’occupant

allemand pendant la guerre). Il se fait coupable d’autres omissions graves quand il décrit la

génération qui suit, qu’il réduit au „poporanism” et au „semănătorism”, malgré la présence

active des écrivains décadents et symbolistes, ayant Alexandru Macedonski en tête. Attaché

au nationalisme et à l’orthodoxie de la revue „Gândirea” („La Pensée”), il a ignoré presque

totalement le groupe littéraire de la revue „Sburătorul” et s’est borné à mentionner – en fin de

liste – le nom de Camil Petrescu. Où sont Ion Barbu, Hortensia Papadat-Bengescu, Anton

Holban? L’élimination de E. Lovinescu du tableau de la génération de l’entre-deux-guerres

est encore plus stupéfiante et réprouvable si l’on pense que, à l’heure-là, le critique avait déjà

publié deux de ses livres importants, il est vrai, d’orientation démocratique et libérale:

L’Histoire de la civilisation roumaine moderne (1924-1925) et L’Histoire de la littérature

roumaine contemporaine (1926-1929). Composé des positions de la droite intellectuelle,

erroné et tendancieux, comme j’ai déjà affirmé, le tableau des générations de Mircea

Vulcănescu peut être lu aujourd’hui uniquement comme un document d’époque.

Située dans la même catégorie que la mode, le courant, le siècle, l’époque, l’ère et

l’éon, la génération devient un élément d’une chaîne conceptuelle plus longue, subordonnée à

l’idée de temporalité, mais pas très cohérente en son essence. Les sept notions énumérées en

haut forment une échelle et se distinguent l’une de l’autre par l’intervalle de temps qu’elles

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mesurent, de plus en plus étendu, jusqu’à l’indéterminé. Dans nos calculs de temps, nous

utilisons fréquemment les quatre premières notions (la mode, la génération, le courant, le

siècle) et très rarement (ou guère) les autres. Peu importe pour nous, en tant qu’individus, en

quel éon on vit ou en quelle époque, mais c’est important de savoir de quelle génération on

fait partie, en quel courant on s’inscrit ou quelle mode on suit. Dans leur énorme ouverture,

accessible à peine à nos esprits pragmatiques, les notions d’époque, d’ère ou d’éon ont en

elles quelque chose de surhumain, ont une dimension spéculative et presque mystique. C’est

pourquoi elles ont tant plu aux écrivains romantiques. Il nous est facile de compter les années

d’un siècle ou d’une génération, mais on ne peut pas dire avec la même précision quels

intervalles de temps mesurent les trois notions romantiques. Combien dure une ère? Une

époque? Et un éon? Les durées courtes, parmi lesquelles la génération, apparaissent toujours

plus clairement que les durées longues, dont la description globale est compliquée et difficile

à prouver.

De ces sept notions, seulement quelques-unes sont des termes strictement d’ordre

temporel (le siècle, surtout), les autres ayant des conotations qui renvoient vers un champ

sémantique plus large. Le courant littéraire, par exemple, grevé d’un sens temporel faible, se

rapporte à des manifestations à durée variable, plus longue dans le passé et de plus en plus

courte à mesure qu’on s’approche du présent. Il peut être la création des deux générations

successives, dont l’une innovatrice et l’autre d’épigones, intéressée uniquement à continuer

l’oeuvre de la première et, à certains égards, à la répéter. Le „junimisme” a été édifié, dans ses

grandes lignes, par la génération de Maiorescu et il a été maintenu en actualité pour

longtemps, jusqu’au début du vingtième siècle, par la génération des disciples, dévouée au

maître et aux règles imposées par celui-ci. L’épigonisme résulte de la peur de l’avenir et du

désir (ou résignation) d’être semblable aux précurseurs et, si c’est possible, à leur hauteur.

Suprahistorique et plaçant ensemble des écrivains d’époques différentes, la notion de

„typologie” n’a pas de place dans la chaîne conceptuelle de la génération. Les typologies sont

des faits de répétition, et non pas de succession, comme les générations. Quoiqu’il ait proposé

deux séries typologiques, celle des écrivains fougueux (Heliade, Hasdeu, Iorga) et celle des

écrivains raisonnables (Kogălniceanu, Maiorescu, Rădulescu-Motru), Mircea Vulcănescu n’a

pas mené à bout la distinction d’ordre théorique entre la typologie et la génération. Mais il a

séparé là où, plus tard, les critiques littéraires ont voulu lier et même unir. Aujourd’hui peu de

gens croient encore à la dissociation nette entre la typologie et le courant littéraire, surtout

après qu’Eugenio d’Ors et Gustav René Hocke ont découplé le baroque et, respectivement, le

maniérisme de leur sens strictement temporel et les ont considérés des styles artistiques

trouvables dans plusieurs siècles, y compris au vingtième. Comme je disais, les typologies se

définissent par leur sens suprahistorique, mais aussi par le fait qu’elles sont toujours des

constructions de la critique littéraire. Le critique a la possibilité d’identifier une typologie, à

l’aide de son information et de son pouvoir de corrélation, et d’observer son évolution dans le

temps. Mais les générations existent d’une manière objective, en dehors de sa volonté et

indépendemment de sa raison. La mission du critique est seulement de constater leur aparition

et d’étudier leur évolution avec les moyens de l’analyse.

On sait qu’au début des années 1930 la réflexion de Mircea Vulcănescu et de ses

confrères a été monopolisée dans une grande mesure par les thèmes de la vie sociale, en se

référant explicitement aux difficultés d’intégration dans le système des jeunes intellectuels du

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temps. C’est pourquoi, dans la définition de la génération, l’auteur a donné la primauté au

sens sociologique, en lui subordonnant, au moins au niveau d’intention et au niveau déclaratif,

tous les autres sens. Malgré tout cela, nous avons vu que dans la périodisation, lorsqu’il veut

délimiter les générations qui se sont succédé dans la littérature roumaine, il quitte le plan

sociologique et invoque les grands événements de l’histoire politique. C’est une contradiction

qui montre que le premier, mais non pas le plus important, rôle attribué par Mircea

Vulcănescu à l’événement historique, est de construire les bornes entre lesquelles se manifeste

une génération littéraire. Des inconvénients de ce procédé j’ai déjà écrit. Plus loin, suivant la

conception déterministe d’Hippolyte Taine, l’événement historique est considéré un facteur

qui produit, par sa grande force d’influence, des modifications d’ordre structural dans la

manière de penser et d’agir de ceux qui l’ont vécu. Une guerre, une révolution et encore

d’autres circonstances moins explosives deviennent les lieux communs dans lesquels les

membres d’une génération se rencontrent et qu’ils invoquent fréquemment comme un signe

de reconnaissance, comme une parole. Les uns de ces événements peuvent être considérés des

actions de génération (la Révolution de 1848, par exemple), les autres ont leurs causes en

dehors de la génération qui doit seulement les supporter. Dans son étude, Mircea Vulcănescu

a voulu montrer que les jeunes de son âge disposent de tout ce qu’il faut pour être une

génération et qu’ils remplissent, point par point, toutes les conditions que l’exemple théorique

de la notion les a mises en évidence. Poussé par la conviction qu’une structure générationnelle

ne peut pas apparaître en l’absence d’un événement historique qui la modèle, il a invoqué la

guerre de 1916, en passant avec trop d’aisance sur le fait que ni lui et ni ses confrères

n’étaient pas complètement sortis, à cette heure-là, de l’enfance et que, par suite, ils

disposaient d’une capacité de compréhension trop réduite pour être profondément marqués de

ce qui se passait. Selon eux, la guerre a ouvert la voie à un processus de liquidation des

valeurs héritées du XIX-ème siècle (la raison, la liberté, la démocratie), un processus qui ne

pouvait plus être arrêté et qu’ils étaient obligés à mener jusqu’au bout. Cette hâte de se

séparer, parfois en claquant la porte, du siècle précédent, a été une limite majeure de la

génération „Criterion”.

Toujours dans l’esprit de Taine, l’événement historique est compris comme une cause

primaire dont les effets se voient surtout au niveau de la psychologie, dans la structure d’âme

de ceux qui font partie d’une génération. La réverbération interne produite par l’événement a

une amplitude inégale, étant conditionnée en grande mesure de l’âge. L’influence maxima et

formatrice s’exerce sur les jeunes à la mentalité encore peu formée, intéressés à assimiler de

l’expérience et à construire leur personnalité. L’ancienne génération, figée dans ses

convictions et ayant une curiosité réduite vis-à-vis du nouveau, se retire sur une position

désengageante ou de rejet de l’événement et n’accepte pas son influence. La psychologie des

âges se distingue et apparaissent les conditions nécéssaires pour l’éclat d’un conflit

intergénérationnel, conditions dont la plus importante est la résistance au désir de s’affirmer

des jeunes, manifestée par les vieux fortifiés dans les institutions de l’État (académies,

collèges, instituts, universités). Dans les époques de calme, quand les événements historiques

manquent, les solidarisations sur des critères d’âge sont plus rares et plus faibles et laissent

lieu à des associations sur la base d’affinités esthétiques ou idéologiques.

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D’une manière surprenante, quand il se réfère aux générations culturelles, Mircea

Vulcănescu abandonne le point de vue déterministe et adopte une conception de type

platonicien, axée sur la question du logos. Il affirme que les positions spirituelles (l’idéalisme,

le réalisme, le théisme, le matérialisme, le nationalisme, le communisme) sont éternelles et

extratemporelles, des idées actualisées sélectivement dans l’histoire par chaque génération.

Toutes les générations ont un caractère temporel, transitoire, étant soumises à la précarité,

mais les idées qu’elles embrassent et soutiennent sont sous le signe de la pérennité. C’est un

fait qu’à l’intérieur d’une génération on distingue plusieurs positions spirituelles, parfois

difficiles à concilier, mais toujours hiérarchisées. L’une d’elles a un caractère de dominant.

Elle peut être identifiée avec des moyens statistiques, grâce à queques indices d’une relative

précision, tels les tirages et les éditions d’un livre, le succès d’un genre ou d’un style, le degré

d’influence d’une oeuvre littéraire. Ce serait une erreur de forcer la réduction à l’unité des

positions spirituelles sur lesquelles se fixe une génération. La solution correcte est de

reconnaître la diversité de ces positions, de relever les mérites de la plus répandue et de

définir la génération à partir de celle-ci. En 1934, lorsqu’il a publié cette étude, Mircea

Vulcănescu voulait encore tenir sa génération loin de l’action politique, en la guidant vers une

dominante spirituelle, dans la sphère de la culture et de la philosophie. Mais les évolutions ont

été différentes, catastrophales.

L’étude finit par l’observation que le marxisme, dont le principe explicatif est la

réduction au facteur économique, a une contribution sans importance à la clarification de la

notion. L’auteur met la doctrine marxiste dans la catégorie des soi-disant sociologies

unilatérales auxquelles il reproche d’avoir expliqué la génération d’une manière exclusiviste,

par l’influence d’un facteur unique (milieu, race, base économique etc.). Pour les marxistes,

une génération se définit par la manière de participation à l’activité économique et par le

degré d’intégration dans „la hiérarchie sociale existante”. Les générations sont assimilées aux

classes sociales et le conflit entre les générations est transposé en lutte de classe. Bref, le

marxisme dissout le problème des générations en déterminisme économique et en idéologie

politique.

Une première conclusion est que, dans toutes ses explications, Mircea Vulcănescu a

donné une importance spéciale à l’influence que l’événement historique et la situation sociale

exercent sur les gens d’une époque. D’autre part, il a très bien compris que ni séparés et ni

ensemble ces deux facteurs ne peuvent pas aboutir à la constitution d’une génération en

l’absence du support biologique de l’âge, celui qui conditionne et module toute influence

venue de l’histoire ou de la société. La génération est, avant tout, une catégorie d’âge, unie

par un sentiment de solidarité et par des intérêts communs. Les différences d’ordre social,

psychologique et culturel qui apparaissent entre deux générations voisines se succèdent aux

différences d’âge et en dépendance de celles-ci. Quoique le sens biologique de la notion soit

le plus ancien et le plus durable, Mircea Vulcănescu signale deux cas où il paraît qu’il perd de

son importance, concurrencé par les sens nouveaux. Dans les sociétés évoluées, comme sont

celles européennes du vingtième siècle, interviennent des critères de différentiation sociale

sans corrélation directe et nécessaire avec l’âge. Aussi peu d’importance a celui-ci dans les

époques de calme historique, quand les jeunes n’éprouvent pas le besoin de se renfermer dans

le bastion de leur génération et s’associent selon d’autres critères que celui biologique.

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La deuxième conclusion est qu’un thème très sensible, tel celui du conflit entre les

générations, n-a pas constitué sujet de réflexion pour Mircea Vulcănescu. Il a été exprimé

parfois, mais en termes vagues et d’une manière fugitive. En discutant du sens psychologique

de la notion de génération, il a laissé échapper une phrase sur les dissensions entre les jeunes

et les vieux, sans y insister. Je crois que son silence sur cette question a été un silence

diplomatique. Car autrement, en affirmant partout que les différences entre les générations

commencent à partir de l’âge et qu’elles deviennent plus profondes au niveau de l’expérience

historique et sociale, Mircea Vulcănescu a toujours sous-entendu la possibilité du conflit

intergénérationnel.

Devenue tout de suite un repère dans la réflexion indigène sur le problème, l’étude a

créé une émulation et nous pouvons dire que toutes les contributions suivantes, jusqu’aux

années 1950, quoiqu’elles aient évité la polémique directe et explicite, ont été écrites en

réplique et ont essayé d’adoucir la théorie un peu abrupte de Mircea Vulcănescu, formulée en

1934.

BIBLIOGRAPHIE:

Julius Petersen, Die literarischen Generationen, dans Emil Ermatinger (coord.), Philosophie

der Literaturwissenschaft, Berlin, 1930.

Henri Peyre, Les générations littéraires, Boivin, Paris, 1948.

Pierre Nora, La génération, în Les lieux de mémoire, II, sous la direction de Pierre Nora,

Gallimard, Paris 1997.

Mircea Vulcănescu, Generaţie, în „Tânăra generaţie”, ediţie îngrijită de Marin Diaconu,

Editura Compania, Bucureşti, 2004.

Karl Mannheim, Le problème des générations, traduit de l’allemand par Gérard Mauger et

Nia Perivolaropoulou, Armand Colin, Paris, 2011.

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iulian boldea Mircea Eliade – Meanings of Autobiographical Discourse

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IULIAN BOLDEA

Petru Maior University of Targu-Mures

Mircea Eliade – Meanings of Autobiographical Discourse

The function and finality of Mircea Eliade’s autobiographic works is multiple: on one hand,

these texts reveal essential stages of his spiritual becoming, with obvious results on the level of the

literary works and, on the other, the mechanisms of Eliade’s writing are revealed, as the subjective

text conciliates the diurnal writing and the nocturnal one, the two registers of Eliade’s discourse.

In the structure of Mircea Eliade’s polyvalent work, the autobiographic writings have

a very special place, considering the features and formal paradigms of this type of discourse.

A hermeneutical perspective on Mircea Eliade’s works implies certain risks and difficulties,

due to its complexity and profundity and to the various fields of approach and manifestation

of the imaginary. Eliade’s writing variety, doubled by a an encyclopedic spirit, denies a

univocal interpretation, opening itself to a plurality of interpretations, to polyvalent readings,

able to capture the nuances, the symbols, the representations and figures that are privileged in

this 20th

century modern work of art.

On the other hand, an analysis of the “syntax of the imaginary” in Eliade’s works must

deal with two dominant sides: the scientific discourse and the literary discourse, which may

be integrated into a unitary interpretation by assuming a transdisciplinary method that would

favor, in Edgar Papu’s terms, “the synthesis in an organic entity of erudition and sensibility”.

We may say that, several times, Mircea Eliade’s works were investigated through a

dichotomist perspective, its two fields – the scientific one and the literary one – being, if not

completely separated, at least subjected to a distinct analysis, therefore lacking the benefits of

a synthetic principle.

It may be considered that Eliade’s syntax of imaginary is marked by two axes, two

dimensions: a diurnal one, materialized in the scientific texts and a nocturnal one, featured by

the works of fiction. The two types of discourse should not be seen in dichotomy, but as

complementary ways of manifestation of the creative spirit, as between them numerous

translations and combinations may be noted, sometimes even in the same text. The analysis of

such a “hybrid discourse” should be accomplished by a double perspective, following the

glides of the diurnal discourse in the space of the literary work as well as the avatars of the

nocturnal discourse and its translation in the scientific text, a fact noted by a young researcher

of Eliade’s work, Nicolae Sera. By such a dual, mirror-like approach of the text, a synthetic,

integral perception may be achieved, resulting in an efficient description of the dimensions,

paradigms and revelations of Eliade’s works.

It is certain that Eliade himself appreciated the role played by imagination in his

creative system, not only in the field of fiction but also in that of the erudite text: “Scientific

imagination is not far from artistic imagination. My scientific books are almost always books

that express the real dreams of humanity. The two tendencies conciliate very well in my ego”.

But imagination also has a very well defined congnitive function, allowing it to configure a

type of analogic knowledge, a more supple and dynamic knowledge, able to easily follow the

paradoxes and diversity of the universe. Through such a methodic perspective on the

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Journal of Romanian

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interferences, connections and filiations of the two voices of Eliade’s writing, the texts with

autobiographical features play a mediating and integrating role, appearing as spaces of

confluence, of intersection.

A few considerations on the status and finality of the autobiographical texts must be

made, as these texts are part of a hybrid literary genre, a “frontier” genre. Thus, it may be said

that an ego that continuingly contemplates itself in the mirrors of the autobiographical text

receives, by the very act of reflection, a certain distance from itself and a tendency of no

longer recognizing itself in its own past or in its own text. From this point of view,

autobiographical writing is not the invocation of an ideal image, of a mythical projection of

the personal ego, but the evocation of an ego that restlessly searches its own identity. On the

other hand, we must underline the fact that the speculation and self-speculation are

“immediate” data of autobiographical writings, as the impressions, sensations and perceptions

are permanently subjected to a “direction”, to a scenery of the present, being, so to say,

“presentified”.

The diary, the memoirs, as well as the other forms of autobiographical discourse have,

beyond any doubt the status of a document, of a de-doubled writing in which the world, with

its polymorphic landscape, meets the subjectivity of the writer. From this perspective of

revelation, the autobiographical text produces a dual effect – both mystifying and un-

mystifying – because, while it imposes a central figure, a character – the ego that objectifies

its desires and frustrations, becoming the witness of its own role – the subjective writing

nevertheless reveals, in a direct relation to the lucidity of the writer, the imposture of the

narrative-self, reducing to their true dimensions its gestures and experiences. The freedoms

and servitudes of the autobiographical discourse result exactly from these difficult relations

between interiority and exteriority, from the unstable balance on which the autobiography –

an impure genre, lacking prestige- builds itself, in an uncertain space where confession and

objectivism, the exit from the self, live together beneficially.

We must also underline the fact that the autobiographic text represents an ambiguous

literary genre, defined by its condition of authenticity and sincerity that has a somehow

decorative form, a conventional, artificial aspect, as between the moment of confession and

the moment of the transposition of the contemplation there is an interval of reflection, when

random gestures are reorganized. In other words, between the time of confession and the time

of existence a relation of inner-determination and even disruption is established. From this

point of view, autobiography is more of an attempt of purification than a genuine self-portrait,

an invocation of an ideal image rather than the evocation of an ego that restlessly seeks for the

degraded contour of its personality in the latest drawn figure. Undoubtedly, the

autobiographic discourse is at the same time a document, a writing with depositional features,

where the echoes of the world, in their direct reference, meet the subjectivity of the one

writing himself in the most direct way. It is obvious that this type of literature has decisively

contributed to the revelation of the hidden face of artists, and that it has favored the

representation of events, physiognomies, facts and even revealed the mysterious side of

famous works.

By gathering speculation and self-speculation in a point of convergence that is

somehow transfiguratory, any autobiographical writing proposes an image of the ego and of

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iulian boldea Mircea Eliade – Meanings of Autobiographical Discourse

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the world that is altered by the auctorial intentions of the writer. The impressions, sensations,

perceptions of the past are subjected to a direction of the present of writing that distorts,

motivates or redraws the facts, giving them an idealizing contour. This process of styling is, in

fact, the danger faced by any diary, with or without its author’s will. Subjective literature

always focuses, in its structure, on the fragility of minor notations and on the benefits of an

essential utterance of the self. Autobiographical writing is meant to satisfy some documentary

exigencies (about the literary life, the political system, the evolution of consciousness) as well

some esthetic exigencies (style, manner of portraying characters, psychological dynamics,

etc.). We may even consider that these works are also meant to be mirrors of the exterior and

interior existence, documents and substitutes of real and personal life. We must also underline

the fact that this mirror often lacks harmony and utopia, being lucid and fragmentary. It is a

broken mirror, revealing the most contradictory features of the being and of reality.

In Claude-Henri Rocquet’s book of interviews L’epreuve du Labyrinthe (The Trial of

the Labyrinth), Mircea Eliade attempts to draw the generative nucleus and, at the same time,

the mechanisms on which literature relies and its role in the configuration and revelation of

human essence: “It is known that literature, oral or written, is the daughter of mythology and

has inherited some of its functions: to narrate events, to narrate something significant that

has happened in the world. But why is it so important for us to know what is happening, to

know what happens to the lady having her tea at 5 o’clock? I think that every story, even the

story of a common fact, prolongs the great tales narrated by the myths that explain how the

world was born and how our condition has become the one we know today. I believe that our

interest in the narrative is part of our way of being in the world. It answers our need of

hearing finding out what happened, what people have accomplished and what they are able to

do: the risks, the adventures, their various attempts. We are not like rocks, unmovable, or like

flowers, insects, the lives of which are pre-defined: we are human beings formed by

happenings, by events. And the man will never give up listening to stories”.

Trying to decipher the plans and dimensions of his own literary writing, Eliade refers

to the components of narrativity, to the particular way of structuring in his texts. Here is how

he explains the generative mechanisms and the fictionalizing models of real in Noaptea de

Sanziene, a novel he considered his masterpiece. We have here, in the contracted lines of his

expressions, a Poetics of Eliade’s prose: “I am unable to make a plan. The work always

appears around a vision, a landscape or a dialogue. I see the beginning very clearly,

sometimes the end and, step by step, during work, I discover the events and the web of the

novel or the short-story. For Noaptea de Sanziene, the first image was the main character. He

was walking through a forest near Bucharest, about the midnight. In the forest, he meets with

a car and then with a girl. All these were an enigma for me. Who was the girl? And why was

the character walking through the woods looking for a car near the girls? Slowly, I found out

who the girl was, I knew all her story. But it all initiated in some sort of vision. I saw all of

these, as if I had dreamt them… I was not interested only in the religious symbolism of the

solstice, but also in the images and themes of Romanian and European folklore. In this

particular night, the sky opens and one may see the world beyond and disappear in it… If

somebody sees this mysterious vision, that somebody steps out of time and space. He will

experience a moment lasting an eternity… Nevertheless, it was not this meaning of the

symbolism that was obsessing me, but that night itself”.

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Journal of Romanian

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Short-stories and novels are seen by the author from the perspective of a dialectics

sacred / profane and of some fundamental themes that are iterated with natural nuances in

almost all his literary works: the coincidence of contraries (coincidentia oppositorum), the

road to the center, the labyrinth, the attic, the dream, the myth of eternal return, the double,

the levitation, etc. An extremely important theme of Eliade’s speculative system is that of the

coincidence of contraries, a theme originating in Nicolaus Cusanus and also frequented by

Jung, from a more psychological point of view.

The considerations about the dialectic relation between sacred and profane, about the

symbolic value of the elements acting as vehicles of transition between the sacred and the

profane, about the mythical meaning of the hierophant experiences, are mainly based on this

duality of hiding and revelation, of coding and decoding, of forgetting and anamnesis, that is a

feature of Mircea Eliade’s texts. The sacred space, the symbolic of the centre, of the limit and

positive or negative utopia, the sacred time with its specific morphology, the theme of the

double, represent thematic invariants that structure Eliade’s discourse. The essential feature

for Eliade is the theme of the camouflaging of the sacred into the profane, with various textual

avatars and representations: “In my novels, I always try to camouflage the fantastic into the

everyday life. In this novel that complies to all the rules of the Romanesque novel of the 19th

century, I wanted, therefore, to camouflage a certain symbolic significance of the human

condition. This camouflage was successful, I think, since the symbolism does not alter at all

the epic of the story. I think that the trans-historic is always camouflaged into the historic and

the extraordinary in the ordinary. Aldous Huxley was speaking about the vision provided by

LSD, referring to it as a visio beatifica: he say the forms and colors as Van Gogh say his

famous chair. It is certain that this dark real, this everyday reality, camouflages something

else. It is my profound belief. This aspect should also pass into the novel-novel, not only in the

fantastic one… In all my stories, the narrative develops on several levels, in order to

progressively reveal the fantastic hidden in the everyday simplicity. Like a new axiom revels a

new structure of the real, unknown until that moment – or, in other words, establishes a new

world – fantastic literature reveals, creates, parallel universes. This is not an evasion, as

historicist philosophers claim, because the creation – on all levels and in all the meanings of

the term – is a defining feature of the human condition”.

The symbolic of the labyrinth is of major importance to Eliade’s writing. In fact, in the

same dialogues with Claude-Henri Rocquet, Mircea Eliade considers that his life is placed,

with all the successes and revelations, under the sign of the labyrinth, a sign that confers an

organic character, coherence and integrative vocation to events that appear as neutral, random

during a lifetime: “A labyrinth is sometimes the magical protection of a centre, of a treasure,

of a meaning. Entering it may be an initiation ritual, as it may be seen in the myth of Theseus.

This symbolism is the model of any existence that, by passing through numerous trials,

approaches its own center, its own self, Atman, to use the Indian term… Several times I was

aware that I was exiting the labyrinth, that I had found the way. Before, I felt desperate,

lost… Of course, I didn’t say to myself I am lost in the labyrinth, but, at the end, I still had the

impression that I had conquered a labyrinth. Each of us has known this experience. It must

me added that life is not made of a single labyrinth: the trial is renewed… Not once I was

certain that I had touched it (the centre, nn, I. B.) and, by touching it, I learned a lot, I

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iulian boldea Mircea Eliade – Meanings of Autobiographical Discourse

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recognized myself. Then I got lost again. This is our condition, we are neither angels, nor

heroes. When man reaches his centre he enriches himself, his consciousness widens, all

becomes clear, significant> but life goes on: another labyrinth appears, other trials, other

ways of trial, on another level”. The mythical, archetypal figure of Ulysses is related to the

symbol of the labyrinth, a prototype of the politropic condition of the European man, always

searching for his own condition and spiritual identity. His adventures at sea may well be

assimilated to a symbolic road to the Centre (“Ulysses is for me the prototype of man, not

only modern man, but also the man connected to the future, for he is the type of the haunted

traveler. The travel is a road to the centre, to Ithaca, in other words, to himself. He was a good

sailor, but destiny – or the initiating trials he had to go through – always forced him to delay

his return home. I believe that the myth of Ulysses is extremely important to us. Each of us

will have something from Ulysses, searching, like him, trying to get to some place and

undoubtedly finding our country, our home, ourselves. But, like in the labyrinth, in any travel

there is the risk of getting lost. If you manage to exit the Labyrinth, to find your home, then

you become a different being”).

The stature of Mircea Eliade’s personality may be understood through his double

vocation, as for him the scientific research and literature represented ways of deciphering the

signs of the world and of history, privileged hermeneutic approaches. We must underline that

literature is not configured as a simple, didactic, demonstrative illustration of the scientific

ideas; the two universes explain and illuminate each other’s meanings and symbols. Thus, a

generative relation is drawn, that is archetypal to Eliade’s creative effort: the Hermeneutical

relation. On one hand, Mircea Eliade’s literature contains various modern elements, on the

level of epic construction, fictional representation of the real or formal expression: the

insertion of interior monologue, temporal discontinuity, confessions, the presence of essay-

like elements, the refined dosage of narration and interpretation, etc.

On the other hand, the role of the symbol in Eliade’s work is of great importance, and

its unifying and integrative function allows the fragments to unite into harmony.

Hermeneutics is, for Mircea Eliade, the methodic attempt that is able to decode and

understand the meanings in religious symbols. “Hermeneutics is the search for meaning, for

signification or significations that an idea or a phenomena had in time. A history of different

religious expressions may be drawn. But Hermeneutics is also the discovery of the more and

more profound meaning of religious expressions. I call it creative from two reasons. First of

all, it is creative for the Interpreter himself. The effort he makes to decipher the revelation

present in a religious creation – ritual, symbol, myth, divine figure… - to understand its

signification, function, goal, this effort enriches the consciousness and existence of the

researcher. It is an experience that the historian of literatures, for instance, does not know…

Hermeneutics is also creative because it reveals certain values that were not obvious on the

level of immediate experience… The Hermeneutic work reveals the latent significances of

symbols and their becoming… Hermeneutics creative to the reader because he understands,

for instance, the symbolisms of the cosmic tree – and this is also true for people who are not

interested in the history of religions – and thus the reader experiences more than an

intellectual delight. He makes an important discovery for his life. From that moment on, when

he will look at some trees, he will see in them the mystery of the cosmic rhythm. He will see in

them the mystery of life that is reborn and continues – during winter – the loss of leaves, than,

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Journal of Romanian

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the spring… This has a totally different meaning than deciphering a Greek or Latin

inscription. A historic discovery is, of course, important. But, by this, the man discovers a

certain position of the spirit in the world”.

Eliade’s Memoirs have the fluent form of a story of his own life and destiny, that is

textually directed from the dominating perspective of authenticity, a key-concept of his

literature. The synthetic feature of the “author’s spiritual biography” (Mircea Handoca) is

dominant. Respecting the chronology of his own life, the author also performs temporal

interferences and mutations of spatial dimensions that play a contextual role in the narrative.

Some interior scenes are also memorable, descriptions of spaces familiar to Eliade (the

famous attic, for instance), as well as the detailed description of events that marked the

biographic and artistic destiny of the writer.

On the other hand, some portraits of remarkable personalities, seen in their essential

features, with exponential gestures and revealing aspects, are extremely interesting. Nae

Ionescu’s portrait is very significant, as he is the philosophy teacher that marked the spiritual

destiny of many intellectuals between the two world wars. The portrait is accompanied by an

introduction into the “context” that is revealing for Eliade’s epic talent: “I shall never forget

the first Metaphysics lesson I attempted. He had announced a course on “Faust and the

problem of salvation”. The Titu Maiorescu room was full and I had difficulty finding a seat in

the back. A dark, pale man, entered, with black eyebrows and sad bluish eyes of unusual

brightness; when he suddenly looked from a wall to the other he seemed to thunder across the

room. He was thin, quite tall, dressed in a sober manner, but with an elegant negligence; and

he had the most beautiful and expressive hand I had ever seen, with long, thin and nervous

thumbs. When he spoke, his hands were shaping the mind, underlining the nuances,

anticipating the difficulties, the question marks… He sat on the chair, rolled his eyes to the

back of the room and started to speak. An strange silence came, as if everybody was holding

their breath. Nae Ionescu did not talk like a teacher, he was not holding a lesson or a

conference. He had started a conversation and he was speaking to each of us, as if he was

telling a story, presenting a series of facts, proposing an interpretation and than waiting for

our answers. You had the impression that the whole lesson is only a part of a dialogue, that

each of us was invited to discuss, to confess his opinion at the end of the class. You felt that

what Nae Ionescu was saying wasn’t to be found in any book. It was something new, freshly

thought and organized right there, in front you, on the desk. It was a personal thinking and, if

you were interested in this kind of thinking, you knew you couldn’t find it anywhere else, that

you had to come here to receive it from the source. The man was speaking to you directly,

opening problems to you and teaching you how to solve them, forcing you to think”.

Writing meant for Eliade a continuous offering, a fascinating implication into the

universal rythms and into the rythms of his own destiny, a tension of the understanding and

perfomance, a search for genuine experience („To feel that each written line tears something

out of your own life, drinks your blood, empties your brains. To feel how writing drains all the

substance in your life. That is the only way it is worth writing”).

Mircea Eliade’s autobiographical texts, either diaries, memoirs or his interviews are

totally relevant for the stature, methods and Poetics of the writer. We find here, in a

fragmentary, concise or, on the contrary, digressive style, the essential data of his spiritual

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iulian boldea Mircea Eliade – Meanings of Autobiographical Discourse

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portrait, his unique physiognomy, the landmarks of his destiny and, at the same time, the

articulations of his overwhelmingly complex and profound work.

BIBLIOGRAPHY:

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Eliade, Mircea. Încercarea labirintului. Cluj: Ed. Dacia, 1990.

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Călinescu, Matei. Despre Ioan P. Culianu şi Mircea Eliade. Iasi: Ed. Polirom, 2002.

Cistelecan, Alexandru, Diacritice, Ed. Curtea Veche, București, 2007.

Culianu, Ioan Petru. Mircea Eliade. Bucuresti : Ed. Nemira, 1995.

Deprez, Stanislas. Mircea Eliade: la philosophie du sacré. Paris : Ed. Harmattan, 1992.

Finaru, Sabina. Eliade prin Eliade. Bucuresti : Ed. Univers : 2003.

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Ștefănescu, Dorin, Prezență și înțelegere, Ed. Paralela 45, Pitești, 2000

Vodă-Căpuşan, Maria. Mircea Eliade – spectacolul magic. Bucuresti : Ed. Litera, 1991.

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DORIN ŞTEFĂNESCU

Petru Maior University of Targu-Mures

Georges Bernanos ou la pensée en quête de quelle vérité?

The interpretation points out one of the main theme of Georges Bernanos’ novels: the thought

in its quest of the truth. It represents a fundamental hermeneutic nexus, stating a third dimension of

the significance, as a trans-figurative level of the living which illuminates an original existential

scene. The strictly rational objective thought, whose anxiety in face of the incomprehensible is the

sign of a sterile abstraction, is constantly transformed by the revelation of an ascetic thought.

Transpierced by the light of the Truth which is the Way and the Life, it is nothing more than an ardent

witness, a trans-lucidity eternally creative hic et nunc.

Dans sa préface aux Œuvres romanesques de Georges Bernanos, Gaëtan Picon

affirme la présence d’une « troisième dimension » qui sous-tend la linéarité événementielle

du discours narratif, en le projetant dans l’horizon d’une ambiguïté féconde. Mais, se

demande-t-il, « l’ambiguïté est-elle le moyen de suggérer cette troisième dimension ? Elle

surgit chaque fois que la psychologie ordinaire atteint ses limites, chaque fois que

l’événement ne se laisse pas réduire à l’explication naturelle ».1 Ambiguïté éloquente mais

pas suffisante pour imposer une profondeur, puisque « éludant le sens immédiat », elle

pourrait déboucher sur une absence de sens, n’étant elle-même, parfois, que l’ébauche du

réel, la vaine postulation d’un désir. « La troisième dimension, poursuit Picon, vient non de

l’absence de sens, mais de la signification secrète par laquelle la signification apparente este

portée et comme doublée »,2 vu que l’image est approfondie au-delà de sa signification

manifeste (visible) dans un autre ordre de la signifiance, en s’ouvrant vers « une autre ligne

d’horizon ». L’image et sa signification apparente – celle qui apparaît en tant que fait

d’apparaître de l’événement dans le cadre narratif d’un champ textuel – sont « mises en

abyme », occultées dans les plis de l’ambiguïté, de sorte que ce qui se profile, au-delà du

contour de la facticité, c’est le sens virtuel ou la possibilité d’une signifiance portée à l’acte

justement par ce qui crée le passage vers une fertile multiplicité sémantique. Si, en effet,

« l’image qui se dessine à la surface du récit, hic et nunc, cernée par son actualité et sa

localisation, s’évade dans une ombre où le regard qui la perd la sent infiniment multipliée »,

c’est que, par une sorte de réduction phénoménologique, « la signification apparente s’égare,

s’occulte et, à la place de la scène que les personnages, hic et nunc, sont en train de vivre, se

profile la scène originelle dont elle est la répétition ».3 L’image superficielle, actualisée à la

surface de l’événementiel narratif, « s’évade » comme minée par une autre dimension, tout

comme la signification apparente, constitutive pour le réseau textuel porté à la vue de la

lecture de première instance, « s’égare » dans le lointain originel d’un sous-texte invisible.

Elles témoignent de l’inconsistence de ces « ombres » et de ces « reflets » platoniciens dont

1 In Bernanos, Œuvres romanesques. Préface par Gaëtan Picon. Texte et variantes établis par Albert Béguin.

Notes par Michel Estève, Paris, Gallimard, 1988, p. XXIX. 2 Ibidem, p. XXX.

3 Ibidem, pp. XXIX, XXX.

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dorin ștefănescu Georges Bernanos ou la pensée en quête de quelle vérité ?

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la vocation n’est que de répéter (mimétiquement, voire symboliquement) la lumière du

premier principe, pâles répliques – tautégoriques, selon le mot de Schelling – d’un modèle

originel vers lequel est orientée leur référence cachée, et dans lequel elles s’enracinent

comme dans leur propre possibilité génératrice.

Ce qu’il faut ajouter, c’est que la fonction déictique du discours ne se rapporte pas

seulement à la contextualité référentielle et à la situation communicative (au pur donné et au

déjà atteint, ce qui prouverait l’insuffisance de l’ici et du maintenant), mais le hic et nunc a

pour tâche d’actualiser et de re-créer dans une présence de chaque instant un sens profond, de

manifester la perpétuelle nouveauté du sens spirituel dans la vétusté de la lettre. Or, « cette

nouveauté s’évanouit, si elle n’est pas nouveauté quotidienne, si elle n’est pas neuve hic et

nunc ».4 C’est que le sens spirituel – l’éternité du principe originel – , en se montrant dans un

événement temporel, en dévoile le sens existentiel, fruit d’une tension féconde « entre les

deux pôles de la vérité éternelle de son objet et de la situation temporelle dans laquelle cette

vérité doit être reçue ».5 Pareillement – dans ce nœud herméneutique fondamental – la langue

est révélée dans la parole qui l’insère dans l’acte vivant d’un appel kérygmatique : « la parole

est ce qu’elle est, c’est-à-dire révélation, non d’après son contenu intemporel, mais comme

l’interpellation qui nous est adressée hic et nunc ».6

Or, cette mise en abyme est en même temps une mise en question (et bientôt en valeur

– une remise en lumière en fait) de ce qui fait l’objet d’un choix et qui réalise de cette

manière – au-delà de la contingence empirique mais en-deçà d’une certaine illusion

métaphysique – la rencontre existentielle d’un instant transcendant. Instant d’un signifiable

qui appelle – et interpelle – le soi du moi-même, qui réclame – et pro-clame – une situation

concrète de sa manifestation, situé comme il l’est sous la lumière de la grâce qui resitue le

sujet du choix : « Du fait que chaque instant me met en question et exige ma décision, il

m’apporte pour ainsi dire la possibilité de réaliser hic et nunc mon Je authentique et

transcendant ».7 « Cette constante référence à un archétype sacré »

8 fait que la troisième

dimension de la signifiance soit une « dimension transfiguratrice » du vécu, par laquelle

s’illumine un paysage existentiel originel, tel que celui – fort spiritualisé – de la pensée en

quête de la vérité, qui témoigne d’un véritable pèlerinage spirituel du sens lui-même, entre

l’angoisse et l’ascèse.

*

« O fous que nous sommes de ne voir dans notre propre pensée, que la parole

incorpore pourtant sans cesse à l’univers sensible, qu’un être abstrait dont nous n’avons à

craindre aucun péril proche et certain ! O l’aveugle qui ne se reconnaît pas dans l’étranger

rencontré face à face, tout à coup, déjà ennemi par le regard et le pli haineux de la bouche, ou

dans les yeux de l’étrangère ! » (SS, 163).9

4 Paul Ricœur, Le conflit des interprétations. Essais d’herméneutique, Paris, Seuil, 1969, p. 377.

5 Paul Tillich, Systematische Theologie, I / II, Berlin , New York, Walter de Gruyter & Co., 1987, p. 9.

6 Rudolf Bultmann, Foi et compréhension. Eschatologie et démythologisation, Paris, Seuil, 1969, p. 47.

7 Ibidem, p. 91.

8 Gaëtan Picon, in op. cit., p. XXX.

9 Pour les citations tirées de l’œuvre romanesque de Bernanos, nous utiliserons les sigles suivants, en marquant

après le numéro de la page de l’édition mentionnée : SS (Sous le soleil de Satan), JC (Journal d’un curé de

campagne), MO (Monsieur Ouine).

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Tout comme le regard présentatif qui identifie et déchiffre le concret du monde, la

pensée est un être vivant, une présence presqu’autonome par rapport à celui qui la pense.

L’abstrait est illusoire car incapable de « voir » et de « com-prendre » l’existence qui ne

signifie que dans ce qui existe en tant que pulsation et énergie, de même que l’aveuglement

qui ne « re-connaît » que l’absence du concrète. On se trouve, dès maintenant, dans le monde

des postulables déterminés rationnellement. Mais le postulat, indémonstrable par définition,

est l’abstraction même, le réel figé dans un concept forgé par le cogito. Or, le réel ne saurait

pas être démontré dans ce qui l’enferme dans le rationalité d’une logique axiomatique ; sans

se laisser dé-montrer, il se montre dans son existence vive. La monstration révèle donc d’une

double apparition : ce qui aparaît en tant que sens postulable, thématisable et compréhensible

dans une cogitation, mais aussi le fait d’apparaître d’un signifiable non-affirmable comme tel,

car il n’est pour l’instant, vu en soi, que la possibilité originelle d’un cogitable incarné dans

l’acte même de sa constitution, de son pouvoir-être. La pensée est impliquée dans la vérité

dont elle jaillit, mais elle y est impliquée comme à la recherche de quelque chose qui la rend

possible et qui pourtant lui échappe. Ce qu’elle recherche, elle le trouve dans une dé-couverte

de chaque instant, un hic et nunc de la vérité qui ne saurait être surpris (et compris) que par la

bonne pensée, par une conscience lucide et clairvoyante qui « voit » plus qu’on ne lui donne à

voir. Ce n’est pas la conscience cartésienne du « clair » et du « distinct », qui reste dans les

limites du cogito, mais une sorte de lucidité poétique dont le paradoxe est poignant : « la

certitude de traduire par l’écriture une vérité qui dépasse de loin les contenus de la conscience

claire, et le doute, l’interrogation, jamais apaisée de l’écrivain sur la part de mensonge

inhérente à son art ».10

L’autre pensée, la mauvaise, reste la prisonnière de sa propre

démarche postulante, surplombante, subordonnée au thème objectivé de sa visée abstraite,

enfermant le monde dans un sens qui, tout en essayant de le dé-finir, l’anéantit dans ce qu’il a

de plus profond.

Situation dans laquelle l’être devient « un misérable prisonnier d’une seule et

constante pensée » (SS, 136), d’une pensée qui se pense sans pouvoir déceler la raison

existentielle de sa démarche, en encerclant, stérilement, l’objet de son action. « La pensée

tourne en rond, de plus en plus vite, ainsi qu’une grosse mouche » (MO, 1455), ou bien « sa

pensée tourne sur elle-même, ainsi qu’un rat dans une trappe » (MO, 1478). Mouvement

circulaire qui engendre cette rumeur indisctincte des idées qui se heurtent les unes aux autres

dans une confusion totale de la vérité : « La rumeur des idées dans sa cervelle l’étourdissait ;

mille mensonges, une infinité de mensonges y bourdonnaient comme une ruche » (SS, 89).

L’étourdissement ne vient pas de la pensée elle-même, mais du doute dont il a été question,

doute et interrogation, ambiguïté et dérision du mal qui la fait tourbillonner.11

Même si cette

rumeur se tait, le silence qui prend sa place est vicieux, impur, car c’est le silence de

l’illusion, du mensoge camouflé dans une image de la mesure – et de la censure –

rationnelle :12

10

Albert Béguin, Bernanos par lui-même, Paris, Seuil, 1971, p. 66. 11

« Resserré entre Dieu et Satan, l’homme n’est plus que le tourbillon de leur lutte, la proie qu’ils se jettent en

rempart l’un contre l’autre » (Emmanuel Mounier, « Un surnaturalisme historique », in L’Espoir des désespérés,

Paris, Seuil, 1953, p. 149). 12

« La vérité inattaquable des rêves premiers », ceux qui marquent la pureté de l’enfance, étant opposée

« aux prestiges et aux mensonges » (Albert Béguin, op. cit., p. 12).

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dorin ștefănescu Georges Bernanos ou la pensée en quête de quelle vérité ?

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« La petite rumeur du cerveau s’était tue. Des pieds à la tête, il n’était plus que

silence, entêtement, patience obscure. Toutes les images de malheur dont le nombre et la

diversité avaient affolé un moment ses nerfs, s’étaient fondues en une seule, élémentaire :

celle d’un obstacle, d’une masse inerte contre laquelle il appuyait le front » (MO, 1461).

C’est l’image même de la démarche stérile, et bien plus que cela, de la démarche

coupable d’avoir choisi la voie de la pensée seule,13

au cœur de laquelle pousse la fleur

décolorée – sinon impure, voire démoniaque – de l’angoisse,14

le péché de la logique de

serre : « Une idée seulement traversa toutefois sa cervelle, mais qu’il ne put fixer, et dont il

ne sentit que l’angoisse. Entre deux routes offertes, il eut cette impression vague d’avoir

choisi la mauvaise et de s’y être engagé à fond, irréparablement » (SS, 66). L’effervescence

incontrôlée de la pensée abstraite objectivante, incapable de bien choisir et de garder intacte

la vie des choses, engage l’être sur une voie au bout de laquelle l’horizon se lève sur la

présence d’un mal irréparable, puisqu’il dé-finit éternellement le fini lui-même, la faute

originelle du choix, reprise sans cesse jusqu’à la consommation de la liberté : « L’effrayante

aurore, qui se lève au-dedans de l’homme, donnera à la pensée la plus secrète sa forme et son

volume éternels, et le cœur double et furtif ne pourra même plus se renier...Consummatum

est, c’est-à-dire tout est défini pour toujours » (SS, 234).

Or, ce mal « vient du cerveau toujours en travail, l’animal monstrueux, informe et

mou dans sa gaine comme un ver, pompeur infatigable » (MO, 1461), artisan de l’angoisse

blottie au sein de la logique la plus serrée. Il y a un certain isomorphisme entre l’animal

monstrueux de la pensée angoissée et la matérialité déchue du corps ; la pensée et la

souffrance confondues dans la même plaie d’un monde saignant : « souffrir et penser, pour

lui, ne font qu’un. Toujours il a fallu au travail de son cerveau l’accompagnement de quelque

blessure, volontaire ou non, de sa chair » (MO, 1472). C’est le même péché de l’abstraction,

et bien davantage, celui de la relativisation des données du réel opérée par un esprit qui, dans

le sens le plus propre du terme, abstrait du champ de l’existence des qualités générales,

indépendamment de ce qui peut en être le sujet, en un mot, les isole dans une fière insularité

de la pensée pour en faire ses objets et leur attribuer un corps artificiel.15

L’existence est

formalisée de sorte que la vérité demeure au-delà du compréhensible du point de vue de

l’existant, comme immobilisée par une pensée qui sait mais qui ne comprend pas : « ce

n’était pas la vérité qu’il souhaitait d’atteindre au terme de ces formules abstraites, d’ailleurs

presque toujours incompréhensibles, car il ne se sentait nul appétit de vérité, quelle qu’elle

fût » (MO, 1472). Identité qui s’appuie sur un paradoxe : d’une part la pensée qui vise à

l’abstraction, et d’autre part la souffrance concrète de cette pensée. Mais ce paradoxe ne

13

Versus « la poursuite passionnée de la vérité », une quête métalogique, existentielle, qui est « une voie de

perfection » (Carlo Bo, « Notes sur Bernanos », in Georges Bernanos. Essais et témoignages réunis par Albert

Béguin, Éditions de la Baconnière, Neuchatel, Éditions du Seuil, Paris, 1949, p. 230). 14

« Le masque du plaisir, dépouillé de toute hypocrisie, est justement celui de l’angoisse » (JC, 1127) ; « le

démon de l’angoisse est essentiellement, je crois, un démon impur » (JC, 1107). 15

C’est en fait l’affreux reniement d’une sorte de désincarnation ou d’une « inversion démoniaque du mystère de

l’Incarnation », ce qui signifie que « l’existence corporelle habitée par Dieu est transformée, au cours d’une

progressive dématérialisation, en schèmes intellectuels ; il n’en reste qu’une formule abstraite selon laquelle

l’homme se croit capable de manier les leviers de la matière et de l’esprit. Au lieu de l’incarnation de l’esprit

prescrite par Dieu, nous assistons à son contraire : la réalité devient relativité, la vie se transforme en énergie

physique, la plénitude de l’existence n’est plus que force abstraite. » (Walter Warnach, « Un homme de

chrétienté », in Georges Bernanos, ed. cit., p. 209).

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s’éclaire que dans l’identité même : la pensée rationnelle, abstractive, est souffrance parce

qu’elle n’aboutit pas à une vérité signifiante ; de même, la souffrance est le signe d’une

pensée infirme, écoulement d’énergie vitale.

Si la pensée est identifiée à la souffrance, il est bien légitime de se demander : « à

quoi bon penser ? » (MO, 1461) et de répondre : « Comme c’est donc bête de penser » (MO,

1474). La souffrance de la pensée est, en d’autres termes, « la peine de réfléchir » (JC, 1115),

qui met un écran entre l’esprit en quête de la vérité et le sens d’une transcendance qui refuse

de s’offrir.16

D’une part, « dès qu’on y réfléchit un peu, la chose paraît certaine, évidente »

(JC, 1115), d’autre part « la réflexion n’est trop souvent qu’un alibi, qu’une manière

sournoise de nous confirmer dans un dessein. Le raisonnement laisse aisément dans l’ombre

ce que nous souhaitons d’y tenir caché » (JC, 1034). Or, la certitude et l’évidence sont – au

terme de leur statique – les masques du signifiable dynamique qu’elles cachent17

; elles ne

confirment pas une présence qui les transcende, afin de déstabiliser ce qui est stable, mais un

substitut de celle-ci, l’ombre d’une illusion. Ce n’est que cette illusion qui est certe, ce n’est

que l’absence qu’elle désigne qui est évidente.18

Il n’est pas donc surprenant que dans cet espace de l’évidence ambiguë la « pensée

hésite, recule, avance de nouveau » (SS, 266), ne sachant pas où se fixer et quoi comprendre.

Ce n’est pas le dérèglement d’une pensée désaxée (affranchie de tout accrochage à l’axe),

confrontée au sens transcendant d’une vérité qui la dépasse, la met en branle et l’affole.19

C’est un délire de la connaissance stérile, un pur connaître pour connaître, mais aussi pour

détruire ce qui saurait être connu :

« [...] ce délire de la connaissance qui perdit la mère des hommes, droite et pensive, au

seuil du Bien et du Mal. Connaître pour détruire, et renouveler dans la destruction sa

connaissance et son désir – ô soleil de Satan ! – désir du néant recherché pour lui-même,

abominable effusion du cœur ! » (SS, 237).

Délire de la connaissance qui ne peut plus distinguer entre le Bien et le Mal,

désintéressée et au-delà du Bien et du Mal, car ce dernier est à la racine du connaître

désolidarisé de l’être, le seul qui « sait », qui nourrit une science sans conscience ou privée du

sens éthique.20

Aspect qui situe le problème de la vérité dans le champ moral ; la

16

Un connaître qui reste « la norme du spirituel » en excluant la transcendance (cf. Emmanuel Lévinas,

Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Martinus Nijhoff, 1974, p. 123). Cf. aussi : idem, Éthique et Infini,

Paris, Fayard, 1997, p. 70. 17

Comme d’ailleurs la fausse clarté : « Au plan de la conscience, dans l’univers de Bernanos, les êtres vivent

fermés les uns aux autres par toutes les illusions de l’idée claire, s’effrayent les uns les autres par le carnaval de

leurs mensonges » (Emmanuel Mounier, op. cit., p. 152). 18

« La certitude dont se prévaut le savoir historique n’est également qu’illusion, pour autant qu’il se donne pour

une certitude de la réalité, puisque l’on n’est instruit d’une réalité historique qu’après l’avoir ramenée à la

possibilité. [...] L’abstraction est la possibilité, qu’elle précède ou suive. La pensée pure est un fantôme » (Søren

Kierkegaard, Post-scriptum non scientifique et définitif aux Miettes philosophiques, in Kierkegaard, L’Existence,

Paris, P.U.F., 1981, p. 31). 19

Situation qui reprend le rapport entre l’étant et l’Être : « L’étant s’affole, parce qu’au lieu de marquer le sens,

il devient lui-même libre de tout sens, insensé, aliéné à et par un sens non seulement inconnu, mais surtout

inenvisageable, impensable » ; « affoler l’étant signifierait donc rien de moins que : le rendre fou en le rendant

libre de l’Être, le désaxer de l’Être, le désolidariser de l’Être » (Jean-Luc Marion, Dieu sans l’être, Paris,

Quadrige / P.U.F., 2002, pp. 134-135). 20

Or « la subjectivité réelle n’est pas celle qui sait, [...] ; elle est celle qui existe sur le plan éthique »

(Kierkegaard, op. cit., p. 31).

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connaissance cogitante reste impure puisque son délire est en réalité un désordre de la

conscience rongée par le mal :

« Une à une, les images épuisent sur nous leur venin, puis, en plein désordre de la

conscience, la raison vient qui nous achève. Autant que l’instinct même, la haute faculté dont

nous sommes fiers a sa panique. Le curé de Lumbres l’éprouve ; il consomme la pensée qui le

tue » (SS, 263-264).

L’image de l’animal immonde qui représentait allégoriquement la pensée est

remplacée par l’image venimeuse de la raison criminelle. La haute faculté n’a pas de si hauts

desseins ; si la pensée consomme le sens du réel, en le dé-finissant dans ses propres limites,

elle finit par anéantir la conscience du penseur, c’est-à-dire par l’abandonner à l’absence du

sens et à l’incompréhension, à un savoir qui manque de voir.21

Mais ce qui semble être plus

grave encore, c’est que cet abandon (quelle pourraient être sa « logique » et sa « raison » ?)

atteint la pureté de l’âme et finit par la corrompre. Voilà pourquoi « la réflexion [...] est

devenue si pénible » (JC, 1171) ; parce qu’« aucun raisonnement au monde ne saurait

provoquer la véritable tristesse – celle de l’âme – ou la vaincre, lorsqu’elle est entrée en

nous » (JC, 1183). Au-delà de l’univers postulable de la pensée, au-delà de la vérité logique

objectivable, il y a l’univers de l’âme solitaire, de l’existence concrète et transcendante à la

fois. Il s’agit d’une vérité que l’on ne peut plus réfléchir, connaître comme telle par

l’entremise des seules lumières de la raison pure, mais saisir en action, dans l’instant même

de sa signifiance surgissante, par une sorte de lucidité surnaturelle ou d’arché-compréhension

qui serait en mesure d’« ausculter » la sur-signification qui s’incarne dans sa propre

révélation de soi.

*

« On répète donc volontiers qu’il ne ne ‘faut pas chercher à comprendre’. Mon Dieu !

mais nous sommes cependant là pour ça ! » (JC, 1033). Phrase qui repose sur un

malentendu : il ne faut pas chercher à comprendre le vrai dans l’ordre de la nature par

l’entremise de la pensée naturelle, mais bien à l’aide d’une compréhension surnaturelle. Il y a

entre les deux ordres – naturel et surnaturel – une intime correspondance ou une analogie

inverse, en vertu de laquelle ce qui se manifeste comme vrai dans l’ordre naturel ne l’est

réellement qu’en rapport avec un Vrai d’autre nature qui le surplombe infiniment (puisque

c’est l’infini dans le fini)22

et qui en est en quelque sorte une essence génératrice.23

Les

données métaphysiques de l’existence participent au monde en lui conférant une autre

dimension qui est du domaine du méta-logique ; voilà pourquoi existence et transcendance

n’en font qu’un ; voilà la raison de ce refus de la réflexion rationnelle insuffisante, remplacée

par une compréhension lucide et clairvoyante. « Je ne voulais pas trop réfléchir » (JC, 1194)

devient « j’essaie de comprendre » (JC, 1148), puisque ce qui se révolte, au sein d’une

21

Un savoir dans lequel sum est identifié – assumé, absorbé – par le cogito : « Ce qui marquera dès lors la

modernité, c’est de pousser l’identification et l’appropriation de l’être par le savoir, jusqu’à l’identification de

l’être et du savoir » (Emmanuel Lévinas, Éthique comme philosophie première, Paris, Payot & Rivages, 1998, p.

73). 22

N’est-ce pas déjà la rupture de l’immanence et de l’actualité de la pensée, « mise de l’Infini dans la pensée,

mais tout autre que celle qui se structure comme compréhension du cogitatum par une cogitation » (Emmanuel

Lévinas, De Dieu qui vient à l’idée, Paris, Vrin, 1998, p. 105) ? 23

« Ce qui est vrai dans l’ordre de la nature l’est infiniment dans l’ordre surnaturel » (Walter Warnach, op. cit.,

p. 207).

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conscience désorientée, c’est la pensée mise en branle, qui reconnaît ses limites, la pensée

arrivée au terme de son horizon et de son action. Elle se confronte à une vérité incomparable,

incompréhensible parce qu’impossible à comparer à quoi que ce soit au niveau des choses

sûres qui rassurent. Par conséquent, « la révolte c’est de ne pas comprendre » (JC, 1166),

donc un scandale herméneutique, une pro-vocation du connaître signifiant qui « révèle » la

signification de l’existence en tant que transcendance, tout en « interprétant » la portée

signifiante de sa propre démarche.24

On a vu que la pensée sans vérité n’était qu’angoisse, souffrance de l’âme incomprise,

douleur presque physique provoquée par un mal inconnu. Le désir secret de cette pensée est

de détruire non pas le mal manifeste, mais le principe même du mal, or elle le cherche dans

cet effet illusoire qui est la chair – théâtre d’un combat sans merci – , afin de l’objectiver et

neutraliser son action : « Sa pensée, comme engourdie par l’excès de la douleur physique, ne

se fixait plus et il ne formait aucun désir, sinon d’atteindre et de détruire, dans cette chair

intolérable, le principe même de son mal » (SS, 149). Mais le principe ne peut être atteint

dans sa manifestation sensible, et surtout pas à l’aide de la pensée seule qui ne pourrait

détruire la souffrance qu’en la remplaçant par une autre. Loin de penser le mal, il faudrait le

comprendre par un amour surnaturel, une intelligence par amour à l’encontre d’un « savoir

sans amour ».25

On devrait donc « épouser » le mal, le com-prendre par un jugement lucide

qui révèle sa vraie portée symbolique. « Qui juge la faute ne fait qu’un avec elle, l’épouse »

(JC, 1139), assume sa condition privative, car la force du mal consiste justement dans le fait

qu’il ne signifie pas, qu’il est l’absence même du sens, une vérité à laquelle la pensée ne

pense pas.26

C’est qu’elle ne peut pas penser ce qui la nie, la met en doute et en question, bien

qu’elle essaie de projeter ses lumières sur l’être d’ombre tant redouté.27

Ce n’est que l’acte

compréhensif de la prière qui y a accès28

; voilà pourquoi « une pensée, même déchirante,

24

Pour Bernanos, « Dieu se manifeste comme paradoxe des âmes plus que comme lumière des esprits, comme

Scandale plus que comme Pensée, comme provocation plus que comme explication. Partout où Il est en vérité,

viennent à nous l’ignorance, l’obscurité, l’ambivalence, le désarroi, l’insécurité de l’esprit et du cœur. Si la

théologie a dans notre monde d’aujourd’hui une vocation spéciale, ce n’est pas de rassurer, mais de nous assurer

pourquoi il n’y a pas d’assurance, si ce n’est de la foi, et dans la foi » (Emmanuel Mounier, op. cit., p. 156). 25

Cf. Hans Urs von Balthasar, Le Chrétien Bernanos, Parole et Silence, 2004, chap. « Dimension de la raison ».

« Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est de cette dernière sorte

que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaie

de les combattre » (Blaise Pascal, Pensées, I, édition de Michel Le Guern, Paris, Gallimard, 1988, fr. 101, p.

104). 26

Si elle y pense, c’est qu’elle fait du mal, selon l’expression de P. Ricœur, un « symbole rationnel » ; démarche

critique selon laquelle « le faux savoir est en même temps vrai symbole, vrai symbole de quelque chose qu’il est

seul à pouvoir transmettre », de sorte qu’il faut défaire le symbole pour récuperer son sens, retrouver le sens

droit. Le symbole rationnel est une synthèse analogique entre le concept sans consistance propre et des

expressions pré-rationnelles marquées par un excès de signification. « Ce qu’il faut donc sonder dans le concept

de péché originel, ce n’est pas sa fausse clarté, mais sa ténébreuse richesse analogique. Il faut dès lors rebrousser

chemin : au lieu de s’enfoncer plus avant dans la spéculation, revenir à l’énorme charge de sens contenue dans

des ‘symboles’ pré-rationnels » (Paul Ricœur, « La symbolique du mal interprétée », in op. cit., pp. 266, 277). 27

« La raison n’est jamais plus versatile que quand elle se met en question » (Emmanuel Lévinas, « Entretien

avec R. Kearny », 1981, in Éthique comme philosophie première, ed. cit., p. 22). 28

Accès hyperdoxal à une vérité métaproblématique qui se donne comme réponse. Car si « le propre des choses

consiste en effet à ne pouvoir rien me présenter jamais qui se laisse assimiler à une réponse », et que « celui qui

prie se pense lui-même comme incertain quant à la réponse qui sera faite à sa prière », là où la prière est pure

« elle ne peut pas se concevoir comme restant sans réponse », c’est-à-dire sans l’exigence de transcendance qui

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n’est pas, ne peut pas être une prière » (JC, 1117). Elle ne peut aboutir qu’à des concepts

qu’elle défait ou à des idées, or bien que « des idées, ça ne porte tort à personne », « l’idée

[...] c’est féroce ! Une supposition que tu sois sale, tu te laves, il n’y paraît plus. Mais contre

l’idée d’être sale – l’idée, comprends-tu ? – eh bien ! contre l’idée, il n’y a rien » (MO, 1439).

L’idée est intouchable, hors de la portée de la compréhension existentielle ; elle n’existe pas

comme présence incarnée du réel, mais comme abstraction pure dans l’ordre de l’esprit dont

le savoir est un pouvoir-être détaché de ce qui est.29

De même que « l’idée du divin » ne saisit

pas la présence du divin, « l’idée de la mort, c’est comme un mort, c’est point touchable »

(MO, 1511). Tout comme la raison criminelle qui consomme le sens du réel par

l’incompréhension, l’idée consomme l’être de l’âme même, sèche et évapore son énergie

vitale dans la combustion obsédante de l’abstraction : « l’idée qui s’est peu à peu emparée de

son âme est momentanément cette âme même, flamboie dans chaque cellule nerveuse, règle

chaque poussée de sang dans les artères, ainsi qu’un autre indomptable cœur » (MO, 1417).

La pensée, même quand elle ne se raidit pas et ne se fixe pas dans une idée, bien

qu’elle soit mobile, n’est pas en mesure de saisir ce qui est au-delà de son empreinte

cogitante qui donne corps aux choses pensées. Son dynamisme est l’hésitation, le mouvement

incontrôlé d’un désir d’explication réductrice qui, se privant d’une source fondamentale de la

compréhension, empêche le dévoilement de la vérité, une effervescence chaotique qui trouble

le surgissement du sens, pareille à la surface d’une eau fouettée par le vent et la pluie30

:

« L’agilité de sa réflexion était telle qu’il en éprouvait comme une impression physique, cette

excitation à fleur de peau, le besoin de dépenser en activité musculaire un trop-plein de

pensées et d’images » (SS, 164). Déconcertée et décentrée, la pensée se voit soumise à une

épreuve qui l’écarte de sa voie habituelle ; elle devrait trouver la ténacité de l’attention et le

répit de l’attente pour se recentrer et se concentrer, véritable miracle de la patience et non pas

la curiosité fébrile, qui puisse la « fixer », l’arrêter sans moyen de salut, éblouie devant ce qui

se donne à voir.31

Cette « ténacité d’attention [...] comme un miracle » (SS, 135) est une

permanente tension de l’esprit partagé entre l’apparaître d’un sens incompris par la pensée

seule et la sensation que ce sens puisse se dévoiler par une sorte de lucidité surnaturelle :

« cette continuelle tension de l’esprit jointe à une espèce de résistance intérieure, la mise en

garde instinctive d’une imagination déjà surmenée, détournait sa pensée d’une certaine

sensation nouvelle, indéfinissable, qu’il eût été bien en peine d’analyser » (SS, 186). La

pensée détournée de ses prémisses, détachée de ses qualités définitoires qui inhibaient son

action cogitante, se rend compte qu’elle ne saurait pas analyser ce qui est in-définissable. Ce

instaure une voie intermédiaire dans l’esprit de prière (Gabriel Marcel, Le Mystère de l’être, II. Foi et réalité,

Paris, Aubier-Montaigne, 1967, pp. 97, 122). 29

« L’illusion de la connaissance définitive » conduit « à une idée à peu près vide », car « rien n’est plus aisé que

de raisonner géométriquement, sur des idées abstraites, [...] mais cette rigueur vient de ce qu’on a opéré sur une

idée schématique et raide, au lieu de suivre les contours sinueux et mobiles de la réalité ». Or « l’idée est un arrêt

de la pensée ; elle naît quand la pensée, au lieu de continuer son chemin, fait une pause ou revient sur elle-

même » (Henri Bergson, L’énergie spirituelle, Paris, Quadrige / P.U.F., 1985, pp. 3, 45). 30

« Les mouvements de l’âme cachent l’âme, l’explication des êtres fait oublier leur vérité » (Emmanuel

Mounier, op. cit., p. 154). Voilà pourquoi chez les personnages bernanosiens « la passion des âmes était l’unique

source d’une lucidité dont l’objet n’est pas une explication des actes, mais la mise en évidence d’une situation

surnaturelle » (Albert Béguin, op. cit., p. 77). 31

« Ce n’est point par les superbes agitations de notre raison, mais par la simple soumission de la raison, que

nous pouvons véritablement nous connaître » (Blaise Pascal, op. cit., fr. 122, p. 115).

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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qui résiste, c’est le déjà-vu et le déjà-connu, la certitude éprouvée – imaginée – d’un

« cerveau terriblement lucide » (JC, 1140). Mais ce qui résiste n’est pas ou, dans le meilleur

des cas, n’est que l’empreinte encore agissante d’un cogito peu enclin à lâcher prise. La

sensation nouvelle qui s’y superpose est justement ce qu’il ne peut pas analyser et définir,

l’in-définissable inépuisable, incomparable et inégalable, pour lequel il faudrait avoir une

clairvoyance surnaturelle, « une céleste lucidité » (SS, 187).

« Rien ne ressemblait moins à la lente investigation de l’expérience humaine, quand

elle va du fait observé au fait observé, hésitant sans cesse, et presque toujours arrêtée en

chemin, lorsqu’elle n’est pas dupe de sa propre sagacité. La vision intérieure de l’abbé

Donissan, précédant toute hypothèse, s’imposait par elle-même ; mais, si cette soudaine

évidence eût accablé l’esprit, l’intelligence déjà conquise ne retrouvait que lentement, et par

un détour, la raison de sa certitude. Ainsi l’homme qui s’éveille devant un paysage inconnu,

tout à coup découvert, à la lumière de midi, alors que son regard s’est déjà emparé de tout

l’horizon, ne remonte que par degrés de la profondeur de son rêve » (SS, 193).

Cette vision intérieure qui impose sa présence est celle-là même de l’identité entre la

pensée qui observe et le fait observé, l’analogie profonde qui s’établit entre une soudaine

évidence et une certitude impliquée. C’est la vision d’un éveil et d’un refus à la fois, la vision

d’un paysage illuminé, d’un regard qui s’empare de l’horizon, l’accès à une autre dimension

de la reception compréhensive du réel. C’est tout d’abord le refus de la morale rationnelle,

impérative et normative,32

prêchée d’un point de vue strictement psychologique et

explicatif.33

C’est envers ces petits « professeurs » de morale dont le prototype est Monsieur

Ouine – « Je n’ai jamais pu, [...], obtenir de sa courtoisie une parole pour ou contre la

religion, il semble ne s’intéresser qu’au problème moral » (MO, 1359)34

– que s’érige l’abbé

Menou-Segrais :

32

« Bernanos ne s’arrête pas plus à l’étage moral qu’il n’a accepté de s’arrêter à l’étage ‘objectif’ de la

psychologie. Le bien ? le mal ? Dans l’univers surnaturel ils sont indétachables de la foi et de ses mystères : cette

parenté tragique empêche à jamais que nous en dressions un savoir, une claire conscience où ils se révéleraient

avec la netteté de l’évidence » (Emmanuel Mounier, op. cit., p. 154). 33

Sur le refus de la connaissance psychologique, cf. Emmanuel Mounier, op. cit., p. 149 (« C’est à peine forcer

les mots que de parler chez Bernanos d’un triple refus : de la psychologie, de l’éthique et de la théologie. Refus

tout provisoires, spiritualité négative greffée à la tradition mystique, refus ouverts sur un dépassement du

refus ») ; Albert Béguin, op. cit., p. 77 (« le romancier Bernanos, vis-à-vis de ses personnages, cherche à exercer

non pas l’analyse du psychologue mais une connaissance qui ressemble bien davantage à celle dont il a doué ses

prêtres ») ; Michel Estève, « Notes et variantes », in Bernanos, Œuvres romanesques, ed. cit., p. 1779 (Bernanos

passe « sans cesse du registre de la psychologie à celui de la métaphysique, donnant une évidente dimension

métaphysique à ce qui est très souvent étudié sous le seul angle de la psychologie »). Refus qui place les romans

bernanosiens « à l’antipode du roman psychologique » (Emmanuel Mounier, op. cit., p. 153). Il s’agit d’une

« ambivalence transportée du plan psychologique sur le plan surnaturel » (Guido Piovene, « Dialogue », in

Georges Bernanos, ed. cit., p. 221) ; or, « sur ce plan, on ne saurait parler d’explication. Il n’y a d’ailleurs rien à

expliquer. Aucun objet de connaissance n’est offert à la curiosité du lecteur. Ni l’analyse logique ou

psychologique, ni l’exégèse morale ne trouve là matière à s’exercer » (Antoine Giacometti, « Georges Bernanos,

l’auxiliateur », in Georges Bernanos, ed. cit., p. 76). 34

Cette connaissance est d’une toute autre nature que la connaissance sacerdotale : « Il n’aperçoit pas, en autrui,

les chances de salut ou les risques de perdition, mais les ressorts psychologiques, le jeu compliqué des forces,

des passions, des désirs, les manies et les routines, l’habitude vicieuse et la puissance suggestive des rêves. Car

la source de sa clairvoyance n’est pas l’amour passionné des âmes et l’anxiété de leur sort éternel ; c’est une pure

curiosité, une curiosité sans amour » (Albert Béguin, op. cit., p. 78).

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dorin ștefănescu Georges Bernanos ou la pensée en quête de quelle vérité ?

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« Que font-ils de la vie intérieure ? Le morne champ de bataille des instincts. De la

morale ? Une hygiène des sens. La grâce n’est plus qu’un raisonnement juste qui sollicite

l’intelligence, la tentation un appétit charnel qui tend à la suborner. À peine rendent-ils ainsi

compte des épisodes les plus vulgaires du grand combat livré en nous. L’homme est censé ne

rechercher que l’agréable et l’utile, la conscience guidant son choix. Bon pour l’homme

abstrait des livres, cet homme moyen rencontré nulle part ! » (SS, 221).

Il s’agit de « cette lutte intérieure » (SS, 135) entre « l’élan de tout être » et son

écartèlement, entre la vérité et la souffrance de sa quête, entre « l’effusion d’amour » et le

renoncement et la défaite.35

Bien que ce soit en fin de compte un combat entre le bien et le

mal, il n’a pas lieu selon les normes éthiques36

; la pensée morale ne peut pas en rendre

compte, elle ne peut, dans le meilleur des cas, que surprendre un seul aspect et non pas les

correspondances qui relient les éléments au niveau d’une synthèse cohérente, qu’observer les

faits qu’elle subordonne à son désir de curiosité analytique37

:

« L’observation la plus sagace, tournée vers l’univers intérieur, n’en saisit qu’un

aspect à la fois. Et ce que découvrait le futur saint de Lumbres, à ce moment, c’était

l’ensemble et le détail, ses pensées, avec leurs racines, leurs prolongements, l’infini réseau

qui les relie entre elles, les moindres vibrations de son vouloir » (SS, 180).

Il ne s’agit pas d’un refus de la pensée proprement-dite, mais de cette connaissance

sans lumière38

qui, dans sa suffisance logique, obscurcit au lieu d’éclarcir. C’est une

connaissance icônique, dont l’image forgée par la pensée trahit l’essence originelle qu’elle

présente dans une sorte de réflexion inverse, inauthentique39

: « Que m’importe de me

connaître ? L’examen particulier, sans autre lumière, suffit à un pauvre pécheur » (SS, 181).

Par contre, la connaissance aléthique ignore tout obstacle sensible, toute image illusoire pour

aller droit vers le sens qu’elle dévoile. Dans cette révélation de ce qui se donne à la

compréhension d’une autre lumière, la lutte intérieure qui déchirait l’être connaissant devient

une étrange paix, étrange parce qu’elle seule est insondable par le regard de la logique, libre

de toute tentation, déployée au dedans jusqu’aux profondeurs impensables, déversée en

même temps à l’extérieur jusqu’à l’affranchissement d’une vision surnaturellement

compréhensive :

« Dès lors, l’abbé Donissan connut la paix, une étrange paix, et qu’il n’osa d’abord

sonder. Les mille liens qui retiennent ou ralentissent l’action s’étaient brisés tous ensemble :

l’homme extraordinaire, [...], trouvait enfin devant lui le champ libre, et s’y déployait.

35

« Si dans notre for intérieur se livre une telle guerre entre les voix du bien et celles du mal, un grand pas est

déjà fait dans la connaissance de la vérité » (Carlo Bo, « Notes sur Bernanos », in Georges Bernanos, ed. cit., p.

229). 36

« Et à travers toute l’œuvre de Bernanos, si souvent interprétée à tort dans le sens d’un manichéisme, retentit

l’écho de la perpétuelle défaite du mal, de la dérision sous laquelle ne manque jamais de succomber l’Ange de

dérision » (Albert Béguin, op. cit., p. 76). 37

« Une curiosité sans amour » qui devrait être remplacée par « une passion de l’âme humaine qui est plus

proche de la charité que de la curiosité intellectuelle » (ibidem, p. 77). Bernanos donne à ce dernier concept son

contenu théologique, défini ainsi par Hans Urs von Balthasar : « un savoir sans amour, celui qu’on n’a ni payé ni

garanti du prix de son existence et de sa peine, cette impatience de celui qui brûle de posséder dès à présent,

comme un fruit défendu, une vision que seule peut accorder la grâce divine » (op. cit., p. 108). 38

Car « sans la lumière de Dieu, il n’est pas de connaissance de soi ; et quand elle nous frappe, elle dissipe le

besoin de connaître » (Emmanuel Mounier, op. cit., p. 149). 39

« Nous sentons une image de la vérité et ne possédons que le mensonge, incapables d’ignorer absolument et de

savoir certainement » (Blaise Pasal, op. cit., I, fr. 122, p. 114).

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Journal of Romanian

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Chaque obstacle, abordé de front, pliait sous lui. En quelques semaines l’effort de cette

volonté que rien n’arrêtera plus désormais commença d’affranchir jusqu’à l’intelligence »

(SS, 134-135).

C’est plus qu’une réduction des données immédiates de la conscience, car le réel n’est

pas mis entre paranthèses ; c’est plutôt une conservation et un dépassement, une authentique

Aufhebung phénoménologique, puisque le réel est préservé et transcendé à la fois. Il est là,

mais sans son horizon étroitement mondain, débordant de vie et de lumière, aspiré vers une

autre dimension, et pourtant retrouvé dans sa manifestation sensible et reconnu dans sa

ressemblance profonde avec ce qui le rend possible. La pensée elle-même subit la loi de cette

transformation, car – loin d’être souffrante et angoissée – elle est maintenant apaisée,

soumise à la volonté qui l’achemine vers la vérité.40

En route vers la terre promise de la joie

pascale, elle doit cependant faire l’expérience du désert. Avant de se laisser pénétrer par la

Parole qui donne vie, elle subit l’épreuve de l’agonie de son angoisse, qui est le silence de

Dieu.41

C’est une pensée ascétique consciente de sa vocation transfiguratrice (« une telle

pensée m’a été un soulagement », JC, 1195), d’une part une lucidité souveraine et volontaire

puisqu’elle est naturellement humaine, mais d’autre part surnaturelle, engagée sur une voie

qui hausse la ligne d’horizon au-dessus de ce qu’elle ne s’était jamais doutée. Il ne reste à

l’autre pensée – « lucidité farouche, reflet de l’enfer » 42

– que de flotter au-delà de sa raideur

crispée, absorbée par ce qui la transcende absolument, absorbant à son tour une lumière qui

ne lui appartient pas, mais qui féconde la stérilité de sa « science » obscure : « Je n’irai plus

au-devant de rien. Comme ces gelées vivantes, au fond de la mer, je flotte et j’absorbe »

(MO, 1368). Transpercée par le rayon d’une Vérité qui est à la fois la Voie et la Vie, elle n’en

est plus que le témoignage ardent, trans-lucidité éternellement créatrice dans l’ici et le

maintenant ; par ce qui lui est donné à comprendre, elle donne un sens à tout ce qui n’en

paraissait pas avoir43

:

« À présent, sa pensée flottait au-delà dans une lumière si douce ! Il la sentait plus

calme, plus lucide qu’à aucun autre moment de sa vie, mais inexprimablement détachée du

passé. Ce n’était dejà plus l’accablement, la demi-torpeur du réveil. Les derniers voiles

40

« Une pensée enracinée dans la réalité et tournée vers elle doit tout de même tendre, en premier lieu et sans

détours, à instaurer, contre la confusion des opinions et des calculs, la vérité réelle » (Martin Heidegger, « De

l’essence de la vérité », in Questions I, Paris, Gallimard, 1968, p. 161). 41

« L’agonie est une mort vivante. L’angoisse de la mort, sous toutes ses formes, traque les chrétiens fervents

que Bernanos décrit. Le paradoxe de la vie chrétienne est ici à son comble ; nous sommes au plus profond du

silence de Dieu » (Charles Moeller, Littérature du 20e siècle et christianisme. I. Silence de Dieu, Tournai, Paris,

Casterman, 1965, p. 387). 42

Mots écrits par Bernanos dans une lettre expédiée de Verdun, le 31 juillet 1925, in Albert Béguin, op. cit., p.

112. 43

« Ce complexe rapport entre les puissances qui sollicitent la créature se retrouve dans l’analogie de la

clairvoyance sacerdotale opposée à la lucidité psychologique, la première étant souveraine parce que l’amour

l’inspire, la seconde restant insuffisante et grimaçante parce qu’elle n’est que curiosité de l’intelligence seule »

(Albert Béguin, op. cit., p. 76). Lorsque Bernanos déclare dans sa correspondance : « Je ne crois plus qu’à la

vérité » (Pirapora, le 15 septembre 1939, in Albert Béguin, op. cit., p. 131), c’est à cette vérité profonde qu’il

pense, qui n’est plus objet de connaissance mais de croyance. Ce n’est que dans « cette angoisse essentielle et

fondamentale » (Bagnères, le 17 décembre 1926, in Albert Béguin, op. cit., p. 112) qu’est possible le saut vers

l’ascèse aléthique, « la recherche d’une vérité plus urgente et plus profonde » (Lettre à Frédéric Lefèvre, 1926,

in Albert Béguin, op. cit., p. 154).

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étaient effacés, il se retrouvait lui-même, s’observant d’une conscience claire et active, mais

avec un désintéressement surhumain » (SS, 151).

BIBLIOGRAPHIE :

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Notes par Michel Estève, Paris, Gallimard, 1988.

*

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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SANDA CORDOŞ

Babes-Bolyai University of Cluj-Napoca

La littérature roumaine d’après-guerre. Une ébauche

The article “The Post-War Romanian Literature" seeks to clarify the main features of the

Romanian post-war literature in terms of its relationship with the Communist authorities and their

directives. Thus, one can distinguish between a type of literature that turns into propaganda and a

type of literature that attempts to circumvent the political and preserve individual values such as:

memory, personal histories, Self-culture. The article also drafts the biography of the Post-Communist

Romanian literature, focusing on the deep felt need to reorganize its status, vision and themes.

Pendant le régime communiste, institué en Roumanie en 1947 sous la forme d’une

république de démocratie populaire (à la place d’une monarchie constitutionnelle), la

littérature a été considérée, d’après le modèle soviétique, une forme de l’idéologie et un

moyen de propagande qui se subordonne au politique. En ce sens, Gheorghe Gheorghiu-Dej

dit dans un discours de 1961 : « Étant un genre de la création artistique, la littérature est, en

même temps, un domaine de l’idéologie, et même un des plus importants, grâce à la grande

puissance d’influence qu’elle possède. Notre littérature est appelée à avoir un rôle d’autant

plus actif dans la formation de la conscience socialiste, dans l’anéantissement des influences

de l’idéologie, de la morale, des habitudes héritées de l’ancienne société »1. Dans les soi-

disant Thèses de juillet (deux discours prononcés au cours de l’été 1971 et par lesquels, après

une période de libéralisation relative, il se produit un retour vers la doctrine jdanovienne et

staliniste sur la littérature), Nicolae Ceauşescu dit d’un ton ferme : « L’art doit servir à un seul

but : à l’éducation socialiste, communiste »2. Une année plus tard (comme, d’ailleurs, dans

tous les discours qui vont suivre), dans un discours prononcé à la Conférence Nationale des

Ecrivains, le chef de l’Etat souligne le rôle magnifique de l’écrivain : « Quel but plus élevé,

quelle mission plus noble peuvent avoir les hommes de la plume que ceux de mettre leurs

talent, fantaisie et inspiration au service de la création de l’homme nouveau de l’époque du

socialisme et du communisme ! ». En revanche, sont critiqués les écrivains insensibles à cette

cause grandiose et qui cherchent leurs sujets « dans des évènements insignifiants, banals des

existences consommées au bord de la société, dans des cafés, dans l’atmosphère de la vie de

boulevard », aussi bien que ceux qui deviennent « les prisonniers de leur propre imagination

maladive, qui ne peut donner naissance qu’à une littérature stérile, languissante, dépourvue de

force émotionnelle, d’audience auprès du grand public, qui n’est pas utile à l’homme, à son

bien-être ou à ses bonheur et élévation spirituelle »3.

Une partie des écrivains assument ces directives politiques et ce sont eux qui réalisent

en Roumanie la littérature de propagande, une littérature officielle. Présence constante

1 Gheorghe Gheorghiu-Dej, Cuvîntare rostită la Conferinţa organizaţiei de partid a oraşului Bucureşti, 15

februarie 1961, Bucureşti, Editura Politică, 1964, p.21. 2Nicolae Ceauşescu, Expunere la Consfătuirea de lucru a activului de partid din domeniul ideologiei şi al

activităţii politice şi cultural-educative, raport republicat în „Vatra”, anul XXIX, nr. 8, august 2001, pp.42-44. 3 Nicolae Ceauşescu, Cuvîntarea la Conferinţa Naţională a Scriitorilor din Republica Socialistă România, în

„Viaţa românească”, anul XXV, nr. 5, mai, 1972, pp.6-9.

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sanda cordoș La littérature roumaine d’après-guerre. Une ébauche

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pendant le régime communiste, elle connaît des étapes différentes. Elle est souveraine de 1947

à 1964, dans ce qui est appelé (selon une terminologie politique) une étape de gel ; elle est

plus faible pendant la période 1965-1971, qui est une période d’autonomisation de la

littérature, pendant laquelle Nicolae Ceauşescu, le nouveau chef du Parti, s’est trop peu

intéressé à régler la vie littéraire. Par contre, elle revêt de nouvelles formes après 1971, quand

la littérature de propagande se manifeste surtout par la participation au culte de la

personnalité, dans la presse et dans des volumes publiés en honneur du président. Mais pas

seulement. Il se développe de plus en plus pendant cette période (qui dure, dans des formes de

plus en plus dégradées, jusqu’à la chute du régime, en 1989) un langage hypocrite, qui

fonctionne à l’échelle nationale. On retrouve ainsi, dans l’œuvre d’un même écrivain,

l’optimisme officiel pratiqué dans la presse (surtout à l’approche des dates importantes du

calendrier officiel) et une inquiétude présente dans ses volumes personnels, notamment dans

ses ouvrages fictionnels.

A l’exception de la première période d’après l’institution du régime communiste (en

particulier les années ‘50), dans les périodes qui ont suivi, pendant lesquelles la littérature

s’est efforcée de maintenir une certaine autonomie par rapport au Pouvoir, celle-ci a essayé de

se soustraire au triomphalisme spécifique de l’homme nouveau et de parler le langage

beaucoup plus riche de l’homme de toujours. Dans un article paru après 1990, Ana Blandiana

avoue le dilemme qu’elle a vécu pendant la période totalitaire : « si ce n’est pas par hasard

plus honnête de ne pas du tout publier, même les pages les plus héroïques, dans les conditions

dans lesquelles nous publiions. Nous écrivions des œuvres courageuses, publiés par des

rédacteurs, à leur tour, courageux, et nous nous sentions coupables même pour notre courage,

parce que nous n’étions pas sûrs que ce courage ne serait pas manipulé et utilisé comme un

argument pour démontrer une liberté d’expression qui au fond n’existait pas et qui pouvait

être seulement de temps en temps réalisée par le risque des individualités séparées et des

solidarités tacites, à la suite des luttes épuisantes et prolongées ». Pourtant, elle a assumé le

risque de renoncer au silence pour rester « toujours à côté des candidats à la défaite »4.

Cette manière d’assumer le rôle peut être trouvé non pas seulement dans les pages

publiées dans le postcommunisme, mais aussi dans quelques professions de croyance parues à

l’époque. Constamment, Marin Preda considère que l’écrivain doit « donner voix à

l’inquiétude morale des masses » et rester du côté non pas de l’Histoire (l’un des grands

principes souverains de l’idéologie communiste), mais de l’individu, en se demandant, par ses

écrits, «quel est le destin de chaque homme séparément, en sachant que l’homme n’a qu’une

seule vie à vivre, tandis que l’histoire est lente et impassible»5. En se situant du côté de la

marche obstinée des gens ordinaires (et non pas du côté de la marche enthousiasmée des

grands gens des prescriptions officielles), les écrivains parlent dans leurs œuvres non pas d’un

passé glorieux, mais d’une mémoire outragée, non pas d’un présent héroïque, mais d’un

présent inquiétant. Malgré tout cela, Ion D. Sîrbu (l’un des rares écrivains qui a écrit quelques

livres destinés au tiroir) s’adresse à un ami dans une lettre de 1987 : « Mais, il y a, chez nous,

une énorme inflation de souffrance, une souffrance jamais articulée ou racontée, nous n’avons

pas le droit de traverser la vie comme des esclaves sans confession. Toute la littérature que

4 Ana Blandiana, Spaima de literatură, Bucureşti, Editura Humanitas, 2006, p. 114.

5 Marin Preda, Imposibila întoarcere, Bucureşti, Cartea Românească, 1971, p. 43 şi p. 24.

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j’ai écrite tout au long de ces années pourrait s’inscrire dans la formule de Panait Istrati, [...]

c’est-à-dire : Les confessions des vaincus ! »6.

Il y a ainsi dans la Roumanie d’après guerre, à côté de la littérature de propagande, une

littérature alternative, appelée par certains commentateurs littérature de la résistance, une

littérature qui a soutenu d’autres valeurs et d’autres sujets que ceux de la littérature officielle,

et qui, par conséquent, a offert la chance d’une résistance contre celle-ci. Ainsi, dans un

article de 1990, Ioana Em. Petrescu considère que la littérature de la résistance englobe « les

livres, peu nombreux, parus à grande peine, toujours ajournés, souvent mutilés, mais jamais

pervertis dans leur vérité, lourde et proclamée dans une époque où le verbe

„professionnaliser” est apparu comme synonyme avec une accusation politique. Quoi d’autre

sinon une admirable „littérature de la résistance” signifient non pas seulement le roman

politique des 15 dernières années, mais aussi les écrits de Constantin Noica et de son école,

l’acte culturel fondamental de récupération – soit-elle tardive – de la philosophie grecque, la

série „Orientalia”, les essais d’Anton Dumitriu, la dramatique histoire du servage de

l’académicien David Prodan ou, à l’autre pôle des âges, l’explosion des années ’80 ? La

culture roumaine majeure, authentique, a survécu quand même, je veux dire, d’une manière

dont elle n’a pas été capable de survivre dans les décennies 5-6. Et, fait extrêmement

important, son public a survécu aussi »7. À son tour, Mircea Iorgulescu considère que la

littérature participe plutôt à une culture tolérée : « il y a en Roumanie, outre la culture

officielle, une culture tolérée aussi. Elle n’est pas une culture parallèle ; elle n’est pas ni une

culture alternative ; elle est une culture autonome, une autonomie bien sûr limitée, dont

l’existence est formellement acceptée par le pouvoir, mais aussi progressivement limitée.

Cette culture tolérée prolonge les élans démocrates et libertaires de la fin des années ’60, mais

par une métamorphose qui à long terme conduit à l’asphyxie. […] Puissante tout au long des

années ’70 et même au début des années ’80, aujourd’hui cette culture tolérée a l’air de se

suffoquer. Son existence en Roumanie n’a pas rendu possible l’apparition d’une littérature et

d’une culture de type „samizdat”, mais depuis quelques années, une fois avec la dégradation

accélérée du système, le degré de tolérance a beaucoup baissé, et une des explications de

l’augmentation du nombre des écrivains qui ont pris position par rapport à la politique du

régime est la suivante : la limitation drastique de l’autonomie dont ils s’étaient réjouis. Des

revues supprimées, des revues dont le tirage est interdit à la diffusion et brûlé, des livres en

cours d’impression qui ont été retirés et fondus, toutes ces mesures qui ont été menées les

dernières années contre la culture tolérée montrent que le pouvoir tend maintenant de

l’annuler, qu’il n’est plus disposé à l’accepter »8.

Cette littérature a joué un rôle très important dans le totalitarisme. L’importance et le

mécanisme de la lecture sont expliqués aussi par un théoricien de la relecture ; émigré de

Roumanie dans les années ’70, Matei Călinescu note dans son autobiographie : « Lire dans un

monde totalitaire est presque identique à lire dans la prison – quand les gardiens vous le

6 Ion D. Sîrbu, Scrisori către bunul Dumnezeu, édition par Ion Vartic, Cluj, Editura Biblioteca Apostrof, 1998, p.

166. 7 Ioana Em. Petrescu, Literatura “rezistenţei”, în „Tribuna”, serie nouă, anul II, nr. 2, 11 ianuarie 1990, pp. 1 şi

2. 8 Mircea Iorgulescu, România – ultima banchiză, în „Contrapunct”, nr. 15, 13 aprilie 1990.

Page 85: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

sanda cordoș La littérature roumaine d’après-guerre. Une ébauche

84

permettent. La lecture qui en résulte est en même temps rigoureuse, attentive (les livres dignes

d’être lus, relativement peu nombreux, sont soumis à une lecture profonde, intensive) et

projective – dans le sens que le lecteur projette dans le texte ses propres aspirations secrètes,

ses désirs, pensées, théories. L’intérêt pour ce type de lecture dérive de la tension entre

l’attention et la projection, entre le respect pour la lettre et la tendance de voir dans le texte

une expression allégorique du drame du lecteur»9.

Qu’est-ce que la littérature a réussi à faire pendant toute cette période ? Elle a réussi à

remplir, même si partiellement, une fonction de mémoire communautaire dans un régime

caractérisé – selon le politologue Vladimir Tismăneanu – par « amnésie et viol psychique »10

.

C’est justement pour cela, observe Marin Preda : « Qu’on demande souvent à l’écrivain

roumain de faire un travail d’archiviste, un travail de sociologue, de politologue, d’historien,

avant de passer à la rédaction d’un livre sur des sujets d’histoire contemporaine »11

. Sur la

base de cette fonction, aussi bien que du rôle assumé (d’une manière atypique) par la

littérature, par la fiction, de dévoiler la vérité communautaire, il s’est développé toute une

orientation de la prose littéraire : la prose de l’obsédante décennie, développée notamment

dans le roman. Constamment placées dans les années ’50 (l’obsédante décennie), des mondes

rongées par le mensonge, la haine, la culpabilité ont été construites. S’inscrivent ici – comme

sommets esthétiques – les romans de Marin Preda (Moromeţii, II; Cel mai iubit dintre

pămînteni), Dumitru Radu Popescu (en particulier le cycle F duquel font partie les romans F,

Vînătoare regală, O bere pentru calul meu), Bujor Nedelcovici (la trilogie Somnul

vameşului), Augustin Buzura (Feţele tăcerii, Orgolii), Constantin Ţoiu (Galeria cu viţă

sălbatică). Cette orientation a été aussi appelée à l’époque une orientation du roman politique,

précisément parce qu’elle indiquait une problématique du pouvoir politique, de son rapport

abusif avec l’individu.

Une autre fonction assumée par la littérature a été de préserver une culture du moi

dans une société qui se propose la dissolution de l’individualité et son absorption dans un

nous exprimé seulement par le truchement de l’idéologie officielle. Selon Herta Müller, les

livres – lus sans cesse et assidûment discutés avec les amis – « t’aidaient à ne pas rester muet

devant toi-même. Changer, les livres ne pouvaient rien changer, ils décrivaient seulement

comment c’est l’homme quand il n’y a aucun bonheur possible. Ne serait-ce que ça, et ça fait

beaucoup quand même – je n’ai jamais demandé d’avantage d’un livre »12

. Dans la période

des années ’50, la soi-disant poésie intimiste, des émotions individuelles, est condamnée et

interdite. Un écrivain comme Radu Cosaşu exécute, dans ces années-là, par conviction, cette

exigence. Mais plus tard, la récupération de son intériorité qui à cette époque-là « n’avait pas

de biographie, de racine, de culture, d’intimité » se produit dans un des plus intéressants écrits

autobiographiques : Supravieţuiri (vol. I-VI, 1973-1989). Il est noté ici le processus

douloureux, passé par des doutes, trahisons, défaites, de naissance d’un moi. Il se développe,

dans la littérature, une intéressante prose psychologique, qui cherche à investiguer les

psychologies des vaincus, de l’abysse intérieur, qui cherche à parler d’inadaptation et d’échec.

9 Matei Călinescu, Ion Vianu, Amintiri în dialog, Iaşi, Polirom, 1998, pp.305-306.

10Vladimir Tismăneanu, Arheologia terorii, Bucureşti, Editura ALLFA, p. 51.

11 Marin Preda, Creaţie şi morală, édition par V. Crăciun et C. Popescu, Bucureşti, Cartea Românească, 1989,

pp. 519-520. 12

Herta Müller, Regele se-nclină şi ucide, traductions et notes par Alexandru Al. Şahighian, Iaşi, Editura

Polirom, 2005, p. 193.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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Le représentant le plus important de cette orientation est Nicolae Breban, dans des romans tels

În absenţa stăpînilor, Îngerul de gips, Bunavestire. Un rôle très important dans cette culture

du moi este joué par la poésie. Elle réussit à exprimer les sujets de la sensibilité

contemporaine : la solitude, l’aliénation, la scission, aussi bien qu’une riche thématique

religieuse, officiellement interdite aussi dans un régime déclaré (et militant) athée.

Une autre fonction assumée par la littérature est de consigner (en particulier dans les

années ‘80) la réalité immédiate, le fait banal, car – selon Gabriela Adameşteanu – « A cette

époque-là, le quotidien était déjà entré dans la zone interdite. La façon dont on vivait alors, au

niveau „ du détail”, aujourd’hui ressemble à un document »13

. Elle l’écrit elle-même dans un

roman exceptionnel, Dimineaţa pierdută, tout comme la littérature du quotidien est un vrai

programme littéraire de la génération des années ’80 (Mircea Cărtărescu, Gh. Crăciun, Al.

Vlad, Ioan Groşan, Mircea Nedelciu, Adina Kenereş, Al. Muşina). Cette réalité devenue

subversive à cause du gri (mais aussi de la famine et du froid) qui l’éloignait de plus en plus

du rose des documents officiels est présente aussi dans la littérature souterraine,

respectivement dans les journaux et les lettres qui paraîtront seulement après 1989, en

esquissant l’image d’une Roumanie exaspérée, au seuil de l’Apocalypse. Il s’agit des écrits

dus à Mircea Zaciu (Jurnal), Victor Felea (Jurnalul unui poet leneş), Livius Ciocârlie

(Paradisul derizoriu), Florenţa Albu (Zidul martor), Tia Şerbănescu (Femeia din fotografie),

Liviu Antonesei (Jurnal din anii ciumei: 1987-1989), Liviu Ioan Stoiciu (Jurnal stoic din

anul revoluţiei), Ion D. Sîrbu (Scrisori către bunul Dumnezeu), Stelian Tănase (Acasă se

vorbeşte în şoaptă) etc. Pour se faire une idée de cette fin des années ’80, voilà ce qui était

consigné dans ces écrits personnels. Stelian Tănase : « Une respiration dans un espace sans

dimensions, mais non pas une vie. Seulement une respiration. Seulement le bruit truqué d’une

respiration. Une fin sans fin du monde »14

. Tia Şerbănescu se place là aussi : « C’est une

chose faite, on n’a aucun moyen de salut, la fin du monde nous trouve plus prêts, plus aptes

pour elle que jamais. On n’est que des larves paresseuses ; on a renoncé à réfléchir, on a

renoncé à discerner »15

. Effrayée par « les pogromes roumains contre les Roumains », arrivée

au bout de ses forces intérieures, Florenţa Albu écrit : « Dans la réalité historique donnée – un

seul courant s’unit : l’apocalyptique »16

.

La position et le prestige de l’écrivain dans le régime communiste disparaissent après

1989. Selon le critique Al. Cistelecan: « Bien sûr, il n’est ni agréable ni facile pour un

écrivain qui a vécu le vertige de son propre classicisme de devoir maintenant ne pas confirmer

qu’il est un „classique”, mais, par contre, de confirmer qu’il est un écrivain »17

. Un autre

critique, Dan C. Mihăilescu, croit (en 1990) que « la littérature, notre paradis artificiel par

lequel on a traversé autant de saisons en enfer, sera submergée ». L’explication du critique

mérite d’être retenue : « Après avoir consommé cette première étape de notre convalescence,

le monde voudra deux chose simultanément : comprendre (c’est-à-dire se rappeler) et oublier

13

Gabriela Adameşteanu, postface à Întîlnirea, Iaşi, Polirom, 2003, p. 306. 14

Stelian Tănase, Acasă se vorbeşte în şoaptă. Dosar & Jurnal din anii tîrzii ai dictaturii, Bucureşti, Editura

Compania, 2002, p. 90 15

Tia Şerbănescu, Femeia din fotografie. Jurnal 1987-1989, Bucureşti, Compania, 2000, p. 179. 16

Florenţa Albu, Zidul martor (Pagini de jurnal), 1970-1990, Bucureşti, Cartea Românească, 1994, p. 358. 17

Al.Cistelecan, “Istoria a provocat un fel de repetenţie generală a scriitorimii noastre”, în “Familia”, nr.10-11,

octombrie-noiembrie 1994, p.33.

Page 87: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

sanda cordoș La littérature roumaine d’après-guerre. Une ébauche

86

(c’est-à-dire guérir complètement). […] Il y aura une faim terrible pour des témoignages, pour

le document nu, pour des statistiques, photographies, mémoires, enquêtes »18

. La littérature

accuse donc, dans le postcommunisme, une crise qui a deux aspects : institutionnel (la

littérature doit créer et soutenir ses propres institutions) et scriptural : quelques-uns des sujets,

aussi bien que la conception d’avant 1989 deviennent inactuels, inintéressants. Il apparaît, en

échange, de nouveaux phénomènes : la réintégration dans la littérature de Roumanie (avec

droit de circulation et de discussion publique) des écrivains exilés ; la publication des œuvres

autobiographiques, d’un genre littéraire qui comprend les mémoires historiques de

récupération d’un passé interdit qui a dans son centre l’expérience de la prison. Bien des

écrivains de première importance de la vie littéraire d’avant 1989 entrent dans un cône

d’ombre, n’écrivent plus (pour longtemps) de littérature, entrent dans la politique ou dans le

journalisme. Ils s’intéressent surtout aux publications périodiques, afin de donner une réponse

immédiate à la réalité kaléidoscopique et, à coup sûr, accaparante, sinon séduisante. Par

contre, la réponse artistique apparaît plus difficilement. Les écrivains ont attendu (tout

comme, peut-être, leurs lecteurs) que ce monde s’éclaircisse, ne serait-ce que dans son

désordre et cauchemar, de sorte qu’un retour intéressant de ces écrivains ne se produit que

vers la fin de années ’90. Toujours à cette époque-là on peut parler d’une stabilité du système

éditorial, par le bon fonctionnement des maisons d’édition telles Polirom, Humanitas, Paralela

45 etc.

Une partie de l’imaginaire de ces prosateurs qui proviennent des générations et

poétiques différentes présente certaines ressemblances, participe à un phénomène littéraire

que j’appellerais la détabouisation de la Roumanie. Dans les pages des auteurs tels Gabriela

Adameşteanu, Dumitru Ţepeneag, Adrian Oţoiu, Petru Cimpoeşu, Dan Lungu, Petre Barbu,

Bogdan Suceavă, Radu Pavel Gheo ou Florina Ilis est présentée une Roumanie de nos jours,

déboussolée, terrifiante, souvent insupportable. Par le destin des personnages, les livres de ces

écrivains réinventent narrativement un pays, en le débarrassant des clichées et des tabous, en

le rendant – ce qui est de la compétence de l’art – sinon supportable, alors intelligible et

accessible. En se confrontant avec les thèmes les plus graves de la vie communautaire (la

migration, le manque de chance et d’avenir, la crise de la famille, le désespoir et la folie), en

mettant en mouvement l’acuité et la profondeur de l’art, mais aussi la force propre à l’épique,

ces écrivains lancent des représentations communautaires troublantes, en proposant des

réponses substantielles, non ignorables à la question obsédante de la société roumaine de nos

jours : qui sommes-nous ?

Après 2000, on parle de plus en plus souvent de l’apparition d’une nouvelle génération

littéraire, qui a d’autres thèmes et d’autres préoccupations. Sous un nom commun, des auteurs

différents sont groupés entre eux. Certains d’entre eux continuent d’être (tout comme les

cinéastes de la nouvelle vague – Cristian Mungiu, Corneliu Porumboiu – qui ont vers les 40

ans) des artistes de la mémoire, soit qu’il s’agisse d’une mémoire personnelle ou d’une

mémoire communautaire. Pour eux, le passage d’un monde à l’autre, de la dictature au

postcommunisme, est fondamental et ils mettent leur propre art au service de cette

investigation. C’est le cas de certains auteurs tels Florina Ilis, Bogdan Suceavă, Filip Florian,

Dan Lungu, Lucian Dan Teodorovici, Doina Ioanid, Ioana Nicolae. Pourtant, d’autres

18

Dan C.Mihăilescu, Legea pieţei, nu?, în “22”, nr.11, 30 martie 1990, p.4.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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écrivains, plus jeunes de quelques années, ne ressentent plus ce trauma communautaire

comme étant le leur. Je ne dirais pas que c’est une génération sans mémoire, mais plutôt une

génération contre cette mémoire confuse et, pour elle, oppressive. Les écrivains des années

2000 refusent le thème de l’obsédant communisme et proposent leur propre authenticité et

leurs propres thèmes : le voyage, la corporalité, la sexualité, l’inadaptation de type

underground. Qu’ils font cela parfois avec des moyens de l’anti-littérature, c’est un

phénomène lui-même bien connu dans la littérature. Ce qui me paraît intéressant c’est que,

plusieurs fois, cette attitude anti- (anti-culture, anti-bibliothèque) utilise les formes du

livresque. Tout comme je dirais qu’on assiste à un passage d’une marginalité des inadaptés

esthètes (qui se retrouvaient dans la littérature des générations antérieures) à un underground

véritable, social, une périphérie des déclassés. En vue de la nouvelle authenticité, la littérature

(ré)essaie des alliances nouvelles et intéressantes : avec le reportage, le langage des groupes

musicaux, la sociologie etc. Parmi eux, je retiendrais : Cecilia Ştefănescu, Ana-Maria Sandu,

Alexandru Vaculovski, Adrian Schiop, Ioana Bradea, Ionuţ Chiva, Dan Sociu, Liviu Bîrsan

etc.

BIBLIOGRAPHIE :

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Page 89: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

andrei terian Toward a History of Critical Reading

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ANDREI TERIAN

Lucian Blaga University of Sibiu

Toward a History of Critical Reading

This paper proposes the plan of an alternative history of literary criticism, which should be

able to avoid both the mere succession of theories and methods in the traditional historiography and

the simple registration of the succession of representations of the works and authors, considered by

the ‘aesthetics of reception’. For this purpose, we advance the hypothesis that, between the ‘pure’

theory and the ‘applied’ commentary, there is an intermediate level, the level of the categories that

govern the interpretation and the valuation of works during a certain period. Our hypothesis is then

checked by the analysis of the readings dedicated to the Romanian writers Ion Creangă, Mihail

Sadoveanu and George Bacovia, whose reception was carried out, throughout the 20th century, along

the ‘natural’ – ‘artistic’ (‘artificial’) – ‘bookish’ (‘livresque’) axis. The conclusion of this paper is that

such a history of critical reading provides us with the opportunity of considering in a unified manner

the literary paradigm shifts and, thus, to reintegrate better the history of literary criticism in the

history of literature as a whole.

Almost seven decades ago, René Wellek put across a famous aporia of the literary

history: “Most leading histories of literature are either histories of civilization or collections of

critical essays. One type is not a history of art; the other, not a history of art.”1 The

consequences of this statement are generally known: a great part of the contemporary literary

historiography still lives in the shadow of this paradox, seeking to reconcile successfully the

criticism and the ‘general’ history. However, the American critic failed to note that these

issues are not raised only by literature as such, but also by the manner of commenting it. For

example, if we consider the literary criticism, we will detect here a similar dilemma. Most

histories of literary criticism are, in fact, histories of literary theory in which the authors

attempt to reconstruct from the shards of the analyses the grand mirrors of theories and

methods. A conclusive aspect in this direction: the only history of this genre existing in

Romania – Florin Mihăilescu’s2 – is called Conceptul de critică literară în România [The

Concept of Literary Criticism in Romania], and certainly not The History of Romanian

Literary Criticism. But not even the monumental History of Modern Criticism3, written by

Wellek himself, could be an exception: essentially, it is a history of literary theories from

neoclassicism to the Second World War, although – strangely enough – Wellek himself had

delineated clearly the criticism from the literary history and theory. In other words, most

literary criticism historians take into consideration the Theory, in its ‘phenomenal’

incarnations, rather than the Criticism seen as an autonomous set of heterogeneous practices.

Several hypotheses

The consequences of this state of things are by no means auspicious. First, such an

1 René Wellek and Austin Warren, Theory of Literature, Harcourt, Brace and Company, New York, 1949, p.

264. 2 Florin Mihăilescu, Conceptul de critică literară în România, 2 vol., Minerva, Bucharest, 1976-1979.

3 Cf. René Wellek, A History of Modern Criticism: 1750-1950, 8 vol., Yale University Press, New Haven, 1955-

1992. The same situation is also seen in Peter Brooks, H. B. Nisbet and Claude Rawson (eds.), The Cambridge

History of Literary Criticism, 9 vol., Cambridge University Press, Cambridge/New York, 1989-2005.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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approach is obviously restrictive: it is as if we condensed the history of poetry to the history

of artes poeticae. Then, many historians ignore frequently an ordinary aspect: the reality of

the reading announces recurrently the critics’ theoretical intents. In the act of reading, the

critics often move away from their assumed method, similarly to how the poets comply with

the promises they make in their artes poeticae. As it may be easily guessed, this idea

originates in an older essentialist (even metaphysical) preconception, with respect to the

precedence of theory over practice. Like a pupil who cannot use his spelling book without

help from the teacher, the critic should follow the advice from the theoretician meant to

alphabetise him. Certainly, the reality is completely different, for, many times, the empirical

behaviour determines the theory and not the other way around. However, even if we were to

surmount such a preconception, the essential problem lingers: is an alternative history of

criticism possible, one that could see in the evolution of the genre something different from a

mere succession of theories? The alternative could be given only by shifting the problem to

another level, regularly ignored until now: the reading. However, another obstacle is seen

here: could we cut satisfying paradigms in the heterogeneous field of the critical readings?

As far as I am concerned, I believe that the diversity of the critical readings is not

substantially different from the diversity of the literary creations. When discussing Borges,

Gérard Genette explained, in several sentences, the relation between these two plans: “Each

book is reborn in each reading, and literary history is at least as much the history of the way

and the reasons for reading as it is the history of the ways or the aims of writing. ‘A literature

differs from another less in the text than in the way it is read: if I could read any page written

today – such as this page – as it will be read in the year 2000, I would know the literature of

the year 2000’”4. Therefore, there is a coherence of the readings of an era as there is

equivalence between these readings and the works that determined them. Which of these

coordinates determine the other – this is an issue I’m not interested in here. Nevertheless, the

important aspect is that regularities exist and that they can be described. We only need to find

the appropriate concepts.

I will attempt to further draw a small theory on this phenomenon. Readings are

heterogeneous, but they always intersect on an empirical field (i.e., works commented on),

whereas the works as such are present only in the conceptual glasshouse painstakingly built

around them by the critics. Irrespective of how challenged the concept of ‘literary work’ may

have been, ever since the structuralism, it is undeniable that two different readings of the

novel Madame Bovary share more common notes than, for instance, Madame Bovary and Le

Rouge et le Noir. Certainly, such an observation is embarrassingly commonplace. However, it

does not lack signification, since metacriticism enjoys a consistency of its own object, which

can only be dreamt of by the ‘regular’ criticism. On the other hand, here, too, the differences

are as important as the convergences. While it is homogeneous at the level of the object, the

critical reading is necessary polemic, irrespective of whether we label it ‘unfaithful’5 (Nicolae

Manolescu) or ‘antithetical’6 (Harold Bloom). Rome’s expansionism could only manifest

4 Gérard Genette, Figures I, Editions du Seuil, Paris, 1966, p. 130.

5 Nicolae Manolescu, Lecturi infidele, Editura pentru Literatură, Bucharest, 1966, pp. 178-187.

6 Harold Bloom, The Anxiety of Influence. A Theory of Poetry, second edition, Oxford University Press, New

York/ Oxford, 1997 [1973], pp. 93-96.

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andrei terian Toward a History of Critical Reading

90

fully once the ground on which once stood Carthage was ploughed; likewise, criticism can

only build on the ruins of former structures.

I cannot see a more appropriate metaphor to describe this clash of interpretations than

the image of the ‘field’. Pierre Bourdieu uses it often7 in order to illustrate the arrangement of

agents in the social space. His perspective is, certainly, a sociological one, but I see no

impediment in using this model in order to describe the position of the interpretations in

relation to a literary work or paradigm. All the more so as, no matter how spread in time they

are, the works, as well as their readings, exist, in T.S. Eliot’s words, in a simultaneous “ideal

order”8. Beyond this, Bourdieu’s model has three major advantages. First, because of its

polarisation (positive and negative), it also includes an axiological perspective, often eluded

by literary theorists. Second, it is a dynamic model that explains the changes within the

(succession of movements, of formulas, or briefly, of paradigms) by the weakening or, on the

contrary, by the intensification of the forces claiming the field. Finally, the chart is complex

enough so as not to mutilate the corresponding empirical reality. This happens because

Bourdieu’s field is, in its turn, a scaling reduction for a series of ‘subfields’ that coexist and

whose tectonics determines the system’s general variations.

Several examples

However, in order to exit this arid ground of discussion, I would better use several

examples that can illustrate more compellingly what was said. Briefly, I will refer to the

manner in which, throughout the 20th

century, the reading of three important Romanian

writers (Ion Creangă, Mihail Sadoveanu and George Bacovia) evolved; their ‘cases’ are

relevant first of all owing to their ‘canonical’ status, but also because, given the extensive

process of their reception, they allow a more comprehensible development of the process

occurred in one of the ‘subfields’ mentioned. More precisely, I am talking about the ‘natural’

– ‘artistic’ – ‘bookish’ axis, which reveals one of the most important polarities of the critical

reading.

Shortly after Ion Creangă’s death (1839-1889), one of his first commentators, N.

Iorga, was stating that the prose writer’s works “act only in the direction of rendering to us,

unspoiled by foreign tendencies and neologisms in vocabulary and syntax, the authentic spirit

of the people from whom he learnt his writing craft and who placed on this vivacious and

sturdy temperament their indelible seal”9. Iorga affixes here the well-known image – later

turned into a preconception – of Creangă’s ‘popularity’, whose main merit seems to have been

his artlessness, the inspired fact of having stayed close to the people’s heart. However, the

thesis was already commonplace in the epoch; Titu Maiorescu himself had anticipated it in

Literatura română şi străinătatea [The Romanian Literature and the Overseas (1882)], when

he has placed Creangă’s writing in the category of the ‘popular novel’10

. This ‘popular’

7 Pierre Bourdieu, The Field of Cultural Production: Essays on Art and Literature, edited and introduced by

Randall Johnson, Columbia University Press, New York, 1993; see also The Rules of Art: Genesis and Structure

of the Literary Field, Stanford University Press, Stanford, 1996. 8 T.S. Eliot, “Tradition and the Individual Talent” [1919], in Selected Essays, Faber & Faber, London, 1948, p.

15. 9 N. Iorga, “Ion Creangă” [1890], in Pagini de tinereţe, vol. I, edition, foreword and bibliography by Barbu

Theodorescu, Editura pentru Literatură, Bucharest, 1968, p. 206. 10

Titu Maiorescu, “Literatura română şi străinătatea” [“The Romanian Literature and the Overseas”, 1882], in

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Journal of Romanian

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stereotype will only be rectified by Ibrăileanu’s studies – Povestirile lui Creangă [Creanga’s

Stories (1910)] and I. Creangă. Ţăranul şi târgovăţul [I. Creanga. The Peasant and the Town

Dweller (1924)] –, which dissociate the (anonymous, collective, ‘national’) literary material

from the (individual and original) literary form. In this new critical representation, Creangă

becomes a “fine” writer, a “great talent”, original owing to “his sensitivity, his tone, his turn

of phrase”, in short, a true artist, eventually an artisan11

. It is not the ‘nature’ (material) of the

prose that matters now, but the author’s ability of processing it, of turning it into ‘art’. But the

preconception of the ‘people’s writer’ was definitively shattered only by Călinescu’s

monograph, in which Creangă was seen as “a bookish author”, “an erudite” and “an aesthete

of the philology”12

. The prose writer is placed here in the sphere of ‘learned’ literature and,

even more, Călinescu deems him a downright intellectual author, noting only one aspect: the

writer proves his skill in the area of popular culture and not in the space of modern literature.

Călinescu’s interpretation closes thus a loop: during one half of a century, Creangă’s creation

had walked the way from the ‘natural’ to the ‘bookish’ (via the ‘artistic’), and came to attain

diametrically opposite significations to whose attributed to it in the starting point. During the

immediately following epoch, a surprise came from a young critic who considered that

“everything was said about Creangă, it is impossible to say something absolutely new”13

.

Particularly that the author of this statement was himself a follower of Călinescu’s style and

of the unrestricted re(invention) of the creation. However, Nicolae Manolescu was right, to a

certain extent: in the ‘subfield’ we are discussing here (which was, for a long time, the core of

the critical concerns on Creangă), “everything was said”, all the semantic alternatives had

already been exhausted. The space of the possible interpretations had become saturated, so to

speak. “New (absolutely new?) things” have been said ever since, but not in this line of

argumentation.

Things were different with the reception of Mihail Sadoveanu (1880-1961). In his

1906 academic report, Titu Maiorescu notes the “simplicity” of the characters’ speech (“each

according to his special nature”) an identified the “highest merit” of Sadoveanu’s story in the

veridical culmination of the action: “The denouement is never strained, instead it is handed as

a necessary result, somehow similar to a natural law”14

. Therefore, the ‘natural’. For several

decades, Sadoveanu’s readings will be marked by ‘naturalism’ (doubly understood: as the

historical movement founded by Zola, and as the intimacy with the physical or moral

‘nature’). Several years later, in the definitive edition of the first volume of Critice [Critical

Essays (1925)], Lovinescu locks the novelist in the formula of a “lyrical materialism: life is

sung depending on its elementary functions, depending on instincts, on bestiality, lacking

ideal preoccupations”15

. Conversely, Ibrăileanu will seek to prove the writer’s capacity of

Opere, vol. I: Critice, edition, chronology, notes and commentaries by D. Vatamaniuc, introductory study by

Eugen Simion, Fundaţia Naţională pentru Ştiinţă şi Artă – Univers Enciclopedic, Bucharest, 2005, p. 556. 11

G. Ibrăileanu, “Povestirile lui Creangă” [“Creanga’s Stories”, 1910], in Opere, vol. II, critical edition by Al.

Piru and Rodica Rotaru, foreword by Al. Piru, Minerva, Bucharest, 1975, pp. 187. 12

G. Călinescu, Ion Creangă: Viaţa şi opera, Editura pentru Literatură, Bucharest, 1964, p. 321. 13

Nicolae Manolescu, Lecturi infidele, ed. cit., p. 7. 14

Titu Maiorescu, “Povestirile d-lui M. Sadoveanu” [“Mr. Sadoveanu’s Stories”, 1906], in Opere, vol. I: Critice,

ed. cit., p. 764. 15

E. Lovinescu, Critice, vol. I, definitive edition, Ancora, Bucharest, 1925, p. 53.

Page 93: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

andrei terian Toward a History of Critical Reading

92

‘creation’, but this time his demonstration remains in the sphere of the general ideas16

. The

rehabilitation he had managed to perform for Creangă will fail in Sadoveanu’s case. However,

the polemics between the two critics is significant for a specific mentality: none of them

challenges the other’s interpretations, but merely his value judgments; both of them share the

same common image of the work, but each of them assesses it differently; therefore, this is

not a clash of two systems of reading, but of two ideologies. This also explains why the

‘artistic’ proof of Sadoveanu’s work will be brought only later by Călinescu in his 1941

Istoria literaturii române [History of the Romanian Literature]. He will bring it by using one

of Ibrăileanu’s preferred arguments: the language. By considering the 1930s historical novels

“the writer’s most valid work”, Călinescu remarks here Sadoveanu’s “maturity of the verbal

means”: the language is “unreal [...], an original blend of Neculce’s, rural, Transylvanian and

even Wallachian speech, learned language and religious language, bearing no resemblance

with its partial sources”17

. A quarter of century later, this perspective will be substituted by

the image of an erudite and intertextual Sadoveanu, asserted by Nicolae Manolescu in his

1976 monograph. The specificity of the novelist’s work is described here in several sentences

that will become famous in the Romanian criticism: “The World and the Book face each other

relentlessly: and their relation is the most profound concern of Sadoveanu’s last works. The

beautiful Book prevails over an ugly World. The imaginary universe of the literature is the

sacred cave in which the writer shuts himself, like Breb, last Deceneus of a serene and

morally uplifting art. Hence, a utopia of the book.”18

In this manner, they close the circle of

the interpretation, sentencing the future readings – even those made by skilled exegetes such

as Al. Paleologu, Constantin Ciopraga, Ion Vlad or Monica Spiridon – to enter a fortiori an

epigone corridor.

With respect to George Bacovia (1881-1957), the dispute between ‘natural’ and

‘artificial’ polarised the field of the inter-war Romanian reception. Without being exclusively

revealed in the polemics between E. Lovinescu and G. Călinescu, it did identify, however,

with the dispute between the two critics. Thus, in Poezia nouă [The New Poetry (1923)], the

former placed Bacovia in the category of “poetry of atmosphere”, which would mean,

according to the critic, “the removal of any artifice”. Moreover: “Bacovia’s poetry is the

expression of the most elementary of the soul states; it is the poetry of the inert, scrape

kinaesthesia, which is not intellectualised, it is not spiritualised, it is not rationalised; intensely

beastly kinaesthesia; secretion of a diseased body, just as dampness is the tear of damp walls;

kinaesthesia that does not differentiate from the putrid nature of autumn, of the rains and of

the snow with which it blends.”19

G. Călinescu’s reply gravitates round the same orbit, but at

the other extremity of the interpretation: “G.-V. Bacovia’s poetry was strangely seen as

lacking any poetical artifice, as a simple, artless poetry (E. Lovinescu, A. Maniu). But it’s

16

G. Ibrăileanu, “Creaţie şi analiză. Note pe marginea unor cărţi” [“Creation and analysis. Notes on Books”,

1926], in Opere, vol. III, critical edition by Al. Piru and Rodica Rotaru, foreword by Al. Piru, Bucharest,

Minerva, 1976, pp. 199-245. 17

G. Călinescu, Istoria literaturii române de la origini până în prezent, Fundaţia Regală pentru Literatură şi

Artă, Bucharest, 1941, p. 558. 18

Nicolae Manolescu, Sadoveanu sau Utopia cărţii, afterword by Mircea Martin, Paralela 45, Piteşti, 2002

[1976], p. 219. 19

E. Lovinescu, “Poezia nouă” [“The New Poetry”, 1923], in Opere, vol. IX, edition by Maria Simionescu and

Alexandru George, notes by Alexandru George, Minerva, Bucharest, 1992, p. 321.

Page 94: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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precisely the artifice that strikes you and definitely builds its value. In fact, on the whole, it is

a relocation, sometimes bordering on pastiche, of French symbolism, with the difference it’s

made on the temperament of a Traian Demetrescu.”20

Like with Mihail Sadoveanu, this

contextualisation will be radicalised, several decades later, by Nicolae Manolescu, who,

nonetheless, reverses the meaning of the bookish metamorphosis: from mimetic (at

Călinescu), it becomes purely polemic, and leading to the wrecking of the formula rather than

to its accomplishment: “At Bacovia, we may see an authentic anti-symbolism. At one end of

his poetry, a disintegration of the language takes place, through syncope, through the choice

of deliberately prosaic and unarticulated forms. At another end, symbolist poetics is overbid

and sometimes compromised by the pathetic. The grin, the tone of sarcasm in the voice or in

the manner of installing images which indicates – in an excessive manner or purely devoid of

intent – the parody of decadent symbolism.”21

Therefore, the evolution in the reception of

Bacovia’s poetry follows the same line of the interpretation (‘natural’ – ‘artistic’ – ‘bookish’)

noted at Creangă and Sadoveanu. Apparently, there’s nothing new. Nevertheless, halfway

through the 1980s, an interesting phenomenon is seen in Bacovia’s case. Not only that the

poet’s integration in symbolism (or, generally, in modernism) is challenged, but the author’s

verse is increasingly praised for his last volumes, rejected bluntly or simply ignored by the

previous critics. The tone of the new perception was set by Ion Bogdan Lefter, who

emphasised the prosaic, anti-metaphorical nature of Bacovia’s last volumes, and concluded

that the poet “has travelled the road of the transition from modernism to postmodernism”22

.

Along the same line, Gheorghe Crăciun will see in G. Bacovia the first indicator of the

Romanian ‘transitive’ (non-metaphorical) poetry: “Between the learnedness of the artificial,

paroxysmal lyrical attitudes in the first two volumes and the biographical unaffectedness of

his speech in Stanţe [...] a path is travelled, which is the path of the (post)modern poetry

itself.”23

Such a reading moves away both from Lovinescu’s interpretation (this time, the

‘unaffectedness’ of the discourse is the outcome of an aware embracing of the formula) and

from that of Manolescu (prosaism is not only a polemic strategy; it involves an important

existential value). In other words: “Only now can we talk about a total indiscernible nature

between poetry and existence”24

.

Several conclusions

The previous examples lead us to several important conclusions. One of them is the

fact that the ‘subfield’ analysed above (i.e. the ‘natural’ – ‘artistic’ – ‘bookish’ axis) may be a

relevant operator in the description of the evolution of critical readings in the Romanian

literature of the last century. Certainly, there are more complex situations (for example,

Eminescu or Arghezi), whose detailed discussion goes beyond the intent of this article; as

there is partial obscuring, because of the opacity of one or another of the categories

20

G. Călinescu, Istoria literaturii române de la origini până în prezent, ed. cit., p. 627. 21

Nicolae Manolescu, Lecturi infidele, ed. cit., p. 73. 22

Ion Bogdan Lefter, “Postfaţă: Bacovia – un model al tranziţiei”, in G. Bacovia, Poezii. Proză, Minerva,

Bucharest, 1987, p. 241. 23

Gheorghe Crăciun, Aisbergul poeziei moderne, with an “Argument” from the author, afterword by Mircea

Martin, Paralela 45, Piteşti, 2007 [2002], p. 139. 24

Idem.

Page 95: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

andrei terian Toward a History of Critical Reading

94

mentioned. But we could hardly find examples from which any of these paradigms is utterly

absent. Even at Ion Barbu, who was read almost exclusively by applying the ‘artistic’ grid (all

his monographers, ever since Tudor Vianu, have done it) or the ‘bookish’ one (Marin Mincu

and Ioana Em. Petrescu), we can identify certain elements of an implicit ‘naturalisation’ (for

example, in E. Lovinescu’s study Poezia nouă).

At a somewhat higher level of analysis, I believe that the perspective described here

can validate an alternative history of literary criticism, this time not written from the

standpoint of theories and methods, but from the point of view of the reading and of the

options undertaken de facto on the field of the analysis. The three concepts used for

illustration can be, certainly, accompanied by many other ones, in order to provide a more

authentic image of the diversity and complexity of the ‘subfields’ that divide the space of the

critical reading. Furthermore, the ‘vertical’ vision approached in the above presentation (‘how

did critics read the author x?’) ought to be supplemented by a ‘horizontal’ description (‘how

did the critic x the authors on whom he wrote?’), able to indicate both the unity and the

specificity of the readings carried out by a certain critic25

.

Nevertheless, the most important consequence of this perception is the possibility of

considering in an even manner the picture of the evolution of the literary genres, from which

criticism has often been excluded or discretely marginalised. It is not by accident that I’ve

insisted on the turn registered during the 1980s in the interpretation of Bacovia’s poetry: it is,

as it can be checked easily, perfectly synchronous with, if not even triggered by the transition

of the Romanian literature from neo-modernism to postmodernism. Obviously, the ‘bookish’

vision (broadly used by the ‘reflexive’ and mannerist Romanian literature of the 1960s-1970s)

is, in the ninth decade, not necessarily annihilated, but in any case rectified by a prose-

rendering tendency claiming to be ‘natural’. Thus, the literary paradigm shift explains the

critical paradigm shift. Ultimately, each era (re)creates the literature of the past in its image

and likeness. This statement is confirmed by two other examples at hand. First, if we follow

the dispersion of the above three categories in the discourse of the most important Romanian

critics, we can note easily that, in the interpretive and evaluative practice, at Maiorescu the

‘natural’ prevails, at the inter-war critics (particularly Lovinescu and Călinescu) – the

‘artificial’, and at a Nicolae Manolescu – the ‘bookish’. Second, such a distribution is not

without a tie to the evolution as such of the Romanian literature during the last century: the

‘natural’ – ‘artistic’/‘artificial’ – ‘bookish’/‘livresque’ axis is surprisingly matched by the

sequences ‘Doric’ – ‘Ionic’ – ‘Corinthian’26

(in prose), respectively (post)romanticism –

25

As it can be seen, the concept of ‘history of critical reading’ that we tried to develop in this paper shares a

series of notes with the well-known ‘aesthetics of reception’ theorised by the ‘Konstanz School’ (see, for

instance, Hans Robert Jauss, “Literary History as a Challenge to Literary Theory” [1967], in New Literary

History, Vol. 2, No. 1, Autumn, 1970, pp. 7-37). However, the main purpose of our project is not to follow the

empirical variation in the reception of the works, but to extract, from the ‘applied’ interpretations, the invariants

that define a certain critical (and, by extension, cultural) paradigm. From this point of view, the ‘history of

critical reading’ resembles to a greater extent to what Adrian Marino called ‘the criticism of literary ideas’ (cf.

Critica ideilor literare, Dacia, Cluj-Napoca, 1974), with the essential difference that, unlike Marino’s ‘ideas’,

our categories are not borrowed directly from the theoretical discourse, but extracted, through an inductive

method, from the ‘applied’ criticism. 26

The concepts ‘Doric’, ‘Ionic’ and ‘Corinthian’ were theorised by Nicolae Manolescu in his Arca lui Noe. Eseu

despre romanul românesc (100+1 Gramar, Bucharest, 2004) and they match, broadly, the ‘social’ novel that

adheres to Balzac’s model, the ‘psychological’ novel inspired by Proust’s model, respectively the metanovel.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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modernism – neo-modernism (in poetry), whereas the resurrection of the ‘natural’ in the

literature of the last two decades can be correlated with the ‘biographist’-postmodern

Romanian literary revolution. Obviously, such an – regrettably schematic – representation

requires various detailed discussions, concerning certain delays, distortions and substitutions.

However, we think that, along its main lines, it renders a plausible image of the dynamics of

the Romanian literature during the last century and that such a method of analysis could be

applied successfully in the study of other literatures as well.

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Acknowledgements

We express our gratitude to the Romanian National Research Council (CNCS-

UEFISCDI), which sponsored this research as part of the Project code PN-II-RU-PD-

676/2010.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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LUMINIŢA CHIOREAN

Petru Maior University of Targu-Mures

'The Political Bestiary’.

The Level of Discursive Practices in the Opinion Editorial

The contribution of our article entitled 'The Political Bestiary’ consists in applying rhetoric

notions to journalistic discourse – a controversial domain, especially in Romania, and mainly focused

on the production of journalistic text rather than on deep analysis. The considerations regarding the

discursive architecture as developed from Classical Rhetoric and discursive Ethos (applied to

opinion-based journalistic discourse) - are all focused on the writing of Cristian Tudor Popescu and

aim to maintain the interest for reading among the everyday individual. The extra-discursive Ethos

gives value to the fame and authority of this critical voice of Romanian media. As a leader of

opinion, he influences the reading and offers an ideatic plan to his own opinion on the events.

Preliminaries

Included in the paradigm of communication sciences as the science of

managing the word, a specialized annex of literature, journalism is defined as the "creative

activity in the written, spoken and audio-visual press, through which professional pressmen,

correspondents and contributors make possible the act of communicating with the public in

different styles and manners, messengers of the imediate present (reality).” (Vişinescu,

2002:152-154) The pragmatism of the publicistic styles (Vişinescu, 2002:132) is verrified

through the concrete communication of the event, defined both as imediate present (reality)

and as interest for reading (Preda, 2006:27-29).

The taxonomy of the journalistic discourse inventories various discourse types

(Jean-Michel Adam in Preda, 2002:62-83) like: the narrative discourse, focused on the story,

the narration, the fabulation, epic constructed sequentially; descriptive acts (topographic,

chronographic, posographic, portraitistic, ethopic, variants of description, apud Fontanier); the

explanation, manifested through analytic and/or synthetic acts; the argumentation reflected

through persuasive acts with the characteristic persuasion techniques (discursive anaphor,

metaphor, symbol, irony etc.); the injuction – discourse focused on the elocutive act

(imperative discourse which contains warnings, recipes etc.); prediction – anticipative and

prospective act; commissive acts (promises, threats) specific to orality, discourse which uses

dialogue, monologue or soliloquy – a polyphonic construction; polemic discourse conserved

at the level of the reactive act or of the sophisms – dissent, ascertainment.

Without being a caprice, setting as a goal to establish a friendship with the

readers, the serious journalist convinces us that he constructs his discourse applying the

strategy of reading the publicistic text in three steps: the atraction, the allurement and/or the

lectorial stimulation (through the title, images, pagination, holding etc); the provocation or the

maintainance of the interest for reading (through lead, attack, subheads etc.); and the

reception of the discourse or the total reading. Starting from the current reading, we have

observed that the journalistic discourse which convinces reflects the creative spirit of the

journalist. In journalistic writing the one who gains respect and is recognized as an opinion

Page 99: Journal of Romanian Literary Studies, nr. 2, 2012

luminița chiorean 'The Political Bestiary’

98

leader is the one who proves to be a spirit that cumulates as many communication virtues as

possible, like: being a great narrator, but also a descriptive, analytic and/ or synthetic spirit;

using a persuasive discourse; giving value judgements about the society he represents and

having a discourse which also contains predictive acts; being a critical spirit that manifests

thorugh a natural behavior, oscilating between conviction, irony and aporia, excluding

sophisms through viable and valid arguments in the socio-politic present reality of a

collectivity. And last but not least, the polyphonic configuration of his contemporaries must

be found in the journalist’s Ethos.

1. Why the political editorial signed by CTP?

The editorial is the pillar and the conscience of the journal where it is

published. The fields which are privileged in the editorial are interesting and actual: politics,

society, economy, education, criminality. Editorials are samples of the journalistic idiostyle:

between humor, sarcasm and satire, parable and parody. The editorial is written by an

experienced journalist or a recognized leader of opinion, who insist that, through his

discourse, he can change to world. It conserves the opinion and the official attitude of the

magazine where it is published, has socio-cultural functions, specific to the publicistic style

(informative, persuasive or critical, educational-instructive functions). Finally, the definition

os completed with Daniela Roventa-Frumusani's affirmation: "The mediatic discourse can be

understood as a general discourse which mixes and focalizes the beliefs and knowledge about

what was, is and should be, of course with stressing the present ("news”, "now”, "hic et

nunc”), without the exclusion of memory and prospective. [...] Defined largely as

'enunciation’ about the social reality (mediatic discourse) it is unmistakably a plural concept,

characterized by diversity, polymorphism and ubiquity.” (Rovenţa-Frumuşani, 2005:120-121)

Preferring the 'inverted pyramid’technique, which consists in the summarized

presentation of the information right in the introduction, followed by explanation, comments

etc., the editorial is text organized in three parts: the introduction (causa scribendi) and/or the

expositive part or naratio; the explicative-argumentative part (narrative models propose either

the gradual ascending order or the 'homeric’one) and the final-conclusive part (ending

formulas: 'cliche’ ending; figurative, emphatic ending; reformulated argumentative ending).

Why the political editorial? During an electoral campaign or the debate of an

inflammatory subject, the opinion leaders are the 'critical voices’ with the greates resonance

together with the ones of the political actors. Cristian Tudor Popescu (CTP), the author of the

editorial group proposed for analysis, is an important opinion leader in the contemporary

Romanian press, with a considerable experience in the field of political journalism. The

option for such editorials, born in tense moments for the Romanian society – stage marked by

the second round of the presidential elections between December 2009 and September 2010,

the economic crisis – represents the optimal application in the rethoric of the Romanian

journalistic discourse. The variety and the signification of the metaphors represented an

additional challenge for the interpretation of the article from a rhetorical perspective. More

than this, the editorial analyzed offers an interesting reading on all levels: textual, discursive

and socio-cultural, the influence of the Ethos in the orator-public relationship being obvious.

The editorials analyzed carry a well-defined 'CTP’ style included in the tendencies of the

opinion journalism of the contemporary Romanian press.

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Journal of Romanian

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2. Editorials under "the magnifying glass”

The political editorials signed by CTP between 2009(Dec) - 2010(Sept),

published in the newspaper Gândul, have been the fundamental document of the research

which has as a goal the analysis, the imposition of a 'CTP’style and the recognition of an

opinion leader. Two representative groups of three discourses each have been selected from

these editorials. The first group presents events from the election campaign (the second round

of the presidential election in Romania in Dec. 2009): With the Fist on the Bible/ The Right of

the Last Night1 (4th Dec. 2009), Vote with desinfection

2 and Iz ză seim picceăr

3 (7th Dec.

2009). The second group refers to representative discourses on the theme of the economic

crisis: Summer Is Not Like Winter (3rd Aug. 2010), Death Is Not Like Life (8th Aug. 2010)

and Upside Down (23rd Sept. 2010) The interpretation of the rethoric of the opinion editorial

refers only to two texts: With the Fist on the Bible/ The Right of the Last Night and Upside

Down, which have the imaginary in common announced from December 2009: a political

maladive, consumed by fear and hatred

2.1. The Textual Level: The Confrontation

CTP's editorials are either pamphlets, or samples of essayistic discourse –

publicistic essays (especially film chronicles). The explanation lays in the writing talent of the

author of SF literature, essay (discourse between prose and journalism). It is obvious that CTP

prefers the ironic discourse. The affirmation is verified through the essayistic simulation of

the architecture of the political editorial which respects the rethoric of the classic discourse:

exordium, presentatio, naratio, confirmatio, refutatio and peroratio. (Chiorean, 2006)

After an inferential exordium (frag.0/I): the confrontation of the potential

candidates (actors A and B), the discourse With the Fist on the Bible... (I) starts ex abrupto

through the subjective topic of the attitudinal attribute "terrible", which proposes the forceful

entry of the first actant: actor A – presidential candidate (presentatio - frag. 1/I). But the

euphoria of the moment is blown to pieces on the shocking discovery of a sum of "political

(terribil)-ism" announced through the repetition of the 'deaf' ignorance, expressed through the

phraseology "to turn a deaf ear" (frag.2, 3/I), paradox in behavior, inexplicable attitude in the

avant-electoral context. The aggressive actant tone of the presentatio structures the rethoric of

the presumption of guilt and compromise. It is the moment when the objective voice of the

CTP journalist-narrator can be sensed, which describes the events and characters implied

using persuasive elements – verbal and nonverbal language, evocations either with the

presidential candidates (in naration, confirmatio), or through the widening of the political

spectrum: actor C – the politicians (refutatio – frag. 8/I), a symptomatology of the political

maladive.

In conformatio a few attitudinal models can be visible, models which are

representative for the 'political bestiary’. In conflict with these behavioral-political samples

the narration hypostases are relevant (frag. 3/I: the historical conscience; frag. 5/I: the Self

conscience; frag. 7/I: the indignant and dissapointed Self), states/manifestations comprised in

1 http://www.gandul.info/opinii/cu-pumnul-pe-biblie-dreptul-ultimei-nopti-5155088

2 http://www.gandul.info/puterea-gandului/vot-cu-dezinfectie-5158031

3 http://www.gandul.info/puterea-gandului/iz-za-seim-piccear-5161781

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luminița chiorean 'The Political Bestiary’

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the ethic code marked by the civic conscience (peroratio – frag. 9/I). The decision of the

omniscient narrator: "I will vote" (frag. 9/I) is the line of the citizen who is confident in the

democratic values of the society, his word against the "political terribilism”.

The same rhetoric pattern is also conserved at the textual level of the article

Upside Down(II). In the exordium the rethoric of the present state of things: the narrator’s

revolt, which comes as an answer to the question regarding the interhuman relationship, asked

by curious people (frag. 0/II). In presentatio, the narrator developes the concept of "vulgarity”

as opposed to "human nobless” and the derived "vulgar” (frag. 1/II) – label of actor B, which

provokes his disdain and dissaproval (frag. 2/II), reality supported through the axiological

pseudo-samples (the narrator's irritation and revolt is triggered by the state of "being vulgar

with oneself” – frag. 2/II).

In the naratio, the narrator uses the same imaginary of the 'political bestiary’,

this time the attitudinal model being conserved at a linguistic level: 'basescian’ becomes the

metaphor of a strange behavior which manifests its disdain and igorance towards education

and culture (frag. 3, 4, 7/II – narrations which have an axiological subject: homo valens in

actor B’s opinion).

It is already known that in conformatio the reader comes across the voice of the

narrator, whose discursive Ethos takes form through axiological conscience (frag.1/II:

"vulgarity, in its first meaning of vileness” vs. "human nobless”); ethical conscience (frag.

2/II: "being vulgar with oneself”); sarcasm (frag. 5/II: "doesn’t understand the meaning of the

word vulgarity not even when it creates it”); revolted self (frag. 8/II: "I am keeping the outer

signs of respect, [...] but I do not have the inner ones anymore”).

In refutatio, the omnipresent narrator warns the reader about the infestation of

the political imaginary with vulgarity (frag. 9/II: "Which does not mean that vulgarity is

produce only by" actor B). More than this, the narrator's deontological conscience is

dissapointed by actor B: "The journalistic profession includes the pamphlet, while the one of

the head of state does not” (frag. 6/II)

Peroratio reaches the peak with the luxury of hating belonging to a revolted

and dissapointed Self (frag. 10/II: "Romania is getting every day more vulgar...”). The same

symptomatology of a political maladive can be sensed here. Just like time would have standed

still, the period between 2009 and 2010 has nothing new to offer the citizen who believes in

democracy.

As a conclusion, the journalist respect the same rethoric which, generally,

conserves the parts of the classic discourse, even though the discoursive Ethos dominates the

text through the alternation of naratio and confirmatio: the narrated event, triggered by one or

two actors, is analized each time by the narrator who views reality through his own

'magnifying glass’. Hence, the different manifestation of the discoursive Ethos which gives

solutions and contours the socio-political model of reference in the editorial.

It is possible for CTP’s writing to evolve towards the journalistic essay and the

soliloquy, as the reader can notice the journalist’s option for paradox, sophisms and formal

and conceptual aporia characteristic both to the political model and the cultural and civic ones

as answers to the astonishment, speculation and aporias referring to the human being’s

position in society (here, in the Romanian society). For this, the argumentation through the

interpretation of the editorial Upside Down is necessary, editorial which has the rethorical

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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question as its discursive mechanism. Questions trigger the aporetic potential which will

generate the model of a political maladive which has as a consequence the inevitable 'luxury

of hating’.

2.2. The level of discursive practices: 'the political bestiary’

The readers are the nominal audience, where there is the certainty of a real and

exigent audience of the citizen, who is either disoriented, drifting, either traumatized by the

laws given by the government. The orator transfers the state of the confused citizen without

offering an answer. Both the imperative of voting ("I will vote" - I), and the certainty of the

society’s infestation with 'vulgarity’ (II) are adecquate attitudes both for the historical

moment, and the publishing of the articles (December 2009 and September 2010). Both

articles express the voice of a collectivity that is exigent with 'the nation's chosen leaders’.

The framing into style and category allows the presentation of some specific

information regarding the language used. Luminiţa Roşca’s affirmation: "The structure of the

journalistic language is conditioned by the reader and the context where the communication

takes place, the journalist-receiver relationship determining a code specific to journalism”

(Roşca, 2004) is complementary to the rethoric perspective, where the audience (the reader)

and the rethoric situation (the context) influences the structure of the discourse, and the orator-

audience relationship implies the creation of a language of its own. At this level, the

resistance trope is the poetic or non-poetic metaphor, sine qua non element of human

communication which has a double purpose: it codes the message and facilitates the

understanding of the alegoric imaginary of the 'political bestiary’ proposed and supported by

Cristian Tudor Popescu.

The political scene of 2009 (I) is resumed to a compromised imaginary

characterized by anemias and strategies in order to obtain "the mediatic execution of the

opponent”. Consequently, the political grid generates characters recognized in the CTP

discourse through the actants: A, B and C. Manifesting through 'terribilism’ and other

behavioral '-isms’, the political weakness determined by power are ridiculed through actor A.

The ostrich politicy, characteristic to actor A, triggers fear and disorientation because the

symbol of the 'ostrich’ is a sign of recognizing both the mocking, and the reiteration of the

comunist behavior described gradually from "turning a deaf ear” (frag.1/I) to the stage of

"pretending not to hear” (frag. 2/I), and culminating with the image of "ostrich G” (frag. 4/I),

"autoprotective” tactic, which has, in fact, negative results: "with its head buried deep in sand

and its butt raised towards the neons of the room, it awaits for the wind to stop blowing”

(frag. 4/I).

The polysemy of the word "wind” ("element”, "storm”, "hurricane”; "to give

somebody the push”= "to abandon”, "to cast out”) brings into discussion the friendship with

S.O.V., key characterin conserving the political maladive, mediator that will also bring actor

B to the stage, the one who is attributed the metaphor of "political beast” (frag. 7/I)

In contrast to the metaphor of the ostrich with a sarcastic effect created

visually, which evolves in the symbol of weakness and ridicule, "the political beast” brings

forward the symbol of cunningness and (social) danger, image which will have as an effect

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dissaproval, anger and even "the luxury of hating”. The epithet "hideous on the inside” (frag.

7/I) together with the in absentia metaphor completes the narrator’s revolt. Also in this case,

the metaphor generates an unreliable ethical code for actor B (frag. 5, 7/I comprise relevant

mini-narrations: the episodes with SOV, GO or "the moment of maximum thrill” of the oath

"with the fist” on the Bible - in an electoral battle, the invocation of "the case of the sick

child”)

The metaphor of the "serpent-like mating” (frag. 8/I) generates the alusive

semantic of compromise: unpredictable alliances and collaborations dictated by a politic full

of party principles.

Without the persuasive function of the metaphor both in the sequencial and

global creation and perception of the text (Lakoff and Johnson, 1980), the audience would

lack the interpretation of a unitary perspective. By accesing the argumentative function of the

metaphor in the distinction and the qualification of the political characters, CTP signs the

conformity of the political avatar at the level of the stage of enuntiation through real links

between the metaphor and the event, and also the actor. The offer of the political

dimension/2009 (I) is overshadowed by stupidity, a political maladive consumed between

"fear and hatred”4: between "the right of the last night” – frustration and "anemia” – and "with

the fist on the Bible” – "strategy” and power – intertexts in linguistic decal.

Although they are not taken into account as metaphors, there are two

syntagmas which have a neological and sarcastic imprint: "illogical and grotesque jumble

with shadows of horror” (frag. 4/I) and "sequence of political romance” (frag. 4/I). The

neologisms of cinematographic art define the kinetic mechanism and the political cliche. The

rethoric of "terribilism", which focuses on the "political bestiary” (ostrich, beast, serpents), is

supported through the metaphor of political pathology: money make the world go round,

especially politics – allusion to the friendship with oligarchy, like "The Cruel Trinity” (decal),

forgetting that "money is the root of all evil”. Consequently, the meeting between actor A and

the businessman S.O.V. is presented as film scenes, which mock the event described,

transforming the audience into the public of a decaying film, in which the well-known actors

act predictably and in a hilarious way: "an illogical and grotesque jumble” (frag. 4/ I),

culminating with "the right of the last night” (frag. 6/I). The narration of "the sequence of

political romance”, where S.O.V. changes his discourse partner "into business", actor B,

accentuates the countour of the metaphor of human decay (in "the premogul phase of the

basescian way of thinking” – frag. 5/I): "vileness, vulgarity opossed to the nobless of the

human spirit”.

The image of protagonists A and B is negatively influenced by the 'game’of

interests, which disadvantages them both in front of the audience. As follows, the politics of

the ostrich favourizes the interation of the communist model ("everything we pretend doesn’t

exist does not exist” – frag. 3/I), and the politics of "the mediatic execution of the opponent”

through elimination, the strategy of "the silver bullet” (frag. 4/I), is nothing but the new face

of the 'guerrilla’: the chasing of game (without taking into consideration that game can

become hunter), action which is similar to the one of the communit security. The dichotomy

'communists vs. security’ will be mentioned again in the articles of 7th December 2009,

4 http://www.gandul.info/puterea-gandului/iz-za-seim-piccear-5161781

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conclusioned through the equivoque of the states of "the fear of what tomorrow might bring”

and 'the hatred’ against the system. In order to support the 'tipsy' electorate, represented

through the image of citizen Ionescu, allusion to I. L. Caragiale’s characters, the narrator

offers the solution in the end: "I will vote" (frag. 9/I) – the manifestation of the civic

conscience.

The political scene of the year 2010 does not bring great surprises. Still, now

the causes that have changed the mentality of a nation until it reached the level of

"drunkenness of hatred” are explored. Mainly, the political system, which has an axiology

leaves a lot to be desired, is accused: by using cataphora, the narrator takes into account the

offer of vulgarity (actor A/ frag. 2/II) that comes from homo valens in ’the Basescian

language’ (frag. 3, 4, 5/II), language detested in a political leader (actor B).

That he is intrigued by the state reached by society, this world of paradox, this

world 'turned upside down’ (intertextual decal of the "world turned the other way round”,

used by I. Creangă), anger, disdain, unrest have also been expressed in the editorial "Summer

is not like winter” (3rd Aug. 2010), proving that the reader is dealing with an authentic

opinion leader that has credibility in front of the public opinion. This is how he presents the

paradox of "the religious philosopy of the today’s Romanian citizen”, which has many

followers: "Vulgar materialism in a nation who believes 95% in God? How this can be

possible is explained by the French Blaise Pascal, who anticipated hundreds of years ago the

religious philosophy of today's Romanian citizen: If I believe in God and God does not exist, I

cannot lose much. If I do not believe in God and God exists, I am in trouble. So, I believe."

The editorial "Upside down” proposes another type of structure: it is a

journalistic essay which has a subject that evolves based on reflection ”To survive means to

survive hatred” (Glucksmann, 2004, 2007). The aporetic potential strenghtened through

rethorical questions develops 'hatred’as an effect of the political maladive announced in 2009.

Hatred is written in stages, gradually, from anger (frag. 1/II), as the first form of revolt, to

despair, "dolor or self-mourning” (frag. 2/II), anger, "furor or mouring the others” (frag. 3, 4,

5, 6), to disdain (frag. 7, 8) and reaching to the aversion towards a system, „nefas or universal

mourning” (Glucksmann, 2004, 2007)

2.3. The level of socio-cultural practices:

"The limits of my language mean the limits of my world” (Wittgenstein)

The journalistic style pleads for an imaginary based on metamorphosis,

discoursive strategy which persuades the public-reader. The journalistic metaphor is proposed

and used as political semantics (specialized communication) by the narrative authority of an

opinion leader, whose articles, pamphlets and essays impose a style, as in CTP’s case.

All editorials signed by CTP impose a 'CTP style’, recognized in Vişinescu’s

opinion as: "The stylistic individuality (which) appears with full reliefs when the talented

journalist uses the methods of narrative art – portraits, for example – which he creates through

transferic stylistics. Common words become word-play, epithets, comparisons and

personification are subordinated to a logic which is ment to cancel appearances and bring the

essence and the pure truth into light.” (Vişinescu, 2002:141)

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The journalistic discourse usually conserves superlative, hyperbolic metaphors,

'definition’- metaphors or paraphrases, which bring their contribution in argumentation, tropes

generated by semantic spheres, like: the univers of today’s life; the disagreeable and the

ridicule. Journalists also use contrastive, oxymoronic (the association from different semantic

fields) metaphors; negative, interrogative and euphemistic metaphors (Mancaş, 1991:237-

249). From "the grammar of metaphor” there should also be mentioned the metaphors of

expression: the nominal metaphor (explicit/implicit), frequently found in CTP’s editorial; the

verbal metaphor (which has a role in annihilating the differences between the semantic areas

of the [Concrete] and the [Abstract]; the adjectival metaphor (or the metaphoric epithet); the

metaphoric chain or the 'trailed’ metaphor (Mancaş, 1991:206-214). Depending on their

presence in context, metaphors can be explained, argumented or discussed – in praesentia

methapors – or only named, without receiving appositional constructs: in absentia metaphors;

both types are successfully used in the Romanian editorial (also in CTP’s case).

Through its trichotomous structure, the metaphor is: a trope, a discursive-

referential strategy and a suggestive and argumentative method, persuasive in the

understanding of the textual meaning, no matter its nature (artistic, scientific, journalistic

etc.). More than this, the metaphor is a component of daily language, characteristic confirmed

by the theory of discourse. (Rovenţa-Frumuşani, 2000:118)

In journalism, metaphors are all the more important so as the editorial is the

reference object of a mass communication5. More than this, the editorial belongs to the

opinion, formative-interpretative publicistic genre, which may use figures of speech, unlike

the informative genre. This is why the use of metaphors in sending a message of general

interest to an appreciable audience, which thinks in metaphors, without being aware of this,

can favour the its receipt and internalisation. Also, the metaphor can contribute to creating a

contextual understanding, the orator having the possibility to (re)formulate the context

through this rethorical figure. The journalistic style also signals the use of metonymy, created

either based on a rapport of contiguity (of substitution of a name with another, with which it

has in common some particularities), either by manifesting itself as a whole-part relationship

(as synecdoche). In the case of these tropes (metaphor and metonymy), the poetic language is

characterized by parallel series: the metaphoric serie and the metonymic serie. The serie of

metonymic figures consists in: the synecdoche, the antonomasia, the catachresis, the

synecdochic comparison, tropes which function based on the same technical principle: the

motivated semantically substitution.

In the sphere of figures of reasoning, the metaphoric series generate the symbol

and/or the allegory (Corbett and Connors, 1991:396). For example: for the allegory of the

political 'bestiary’, CTP prefers the metaphors: ostrich, beast, serpents. Depending on the

feedback of the receiver-reader, metaphors can create symbols (the ostrich; fear vs. hatred),

the metonymic symbol (for example: the political maladive). It should be remebered that CTP

frequently uses cultural symbols (biblical and christian; mythological and bookish) which he

inserts in the discourse through a 'disparaging' decal ("The Cruel Trinity” from "The Holy

Trinity”; decal and antithesis with connotations for "the first night” through the feudal code

or "the last night of love” from Camil Petrescu's prose etc.), but also inovations in the sphere

5 http://ebooks.unibuc.ro/filologie/dindelegan/36.pdf

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Journal of Romanian

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of the symbols of 'adversity', of 'deceiving appearances', of repression (n.n.), figurative

language created by the apories which flood the text (symbols of hatred and revolt, in other

editorials signed by CTP).

But beyond the stylistic purpose of the metaphors specific to the 'CTP style’

amd the contribution to the contextual understanding, it is important that they also have a

phatic function, in the sense that: "the message mostly intends to fix, to extend

communication or to suspend it, in order to verify the circuit and the quality of the receipt."

(Panaitescu, 1994:79) Consequently, in the phatic function, the accent is on the chanel. In this

case the focus is on an article, published in a newspaper which is both printed and online, so

that the shape and content of the discourse cannot be distorted or jammed. More than this,

being a written communication, available for large numbers of people thanks to the internet,

persons from the audience who are interested to read it again can do it easily. Still, it can be

said that metaphors also have the purpose of keeping the audience excited, which, in damage

to argumentation, is frequently fascinated by the stylistic register.

Having a persuasive discourse, CTP stresses a few defining characteristics for

the two political actors, which aim at the human dimension, just as the orator himself says:

"there will be made a choice, first of all, between the characters of two people, between their

ways of being, between their moral cores” (frag. 8), the political dimension being

overshadowed. The orator’s intention is to determine a change in the election behavior of the

audience, encouraged to participate to the presidential elections even if it lack a viable

candidature, in order to demonstrate that the civic and democratic spirits are superior to the

'political bestiary’.

The implicit discursive Ethos finds its resource in the rethorical person,

constructed, in this case, by style (ample sentences, figures of reasoning like the metaphor or

the symbol, the allegory, the oxymoron etc. which define the 'CTP style’). As it has been

observed, the description of actors A and B, in the first article, without being favorable to any

of them, supports the final affirmation, which represents the goal of the persuasive effort. The

use of the Ethos works as a persuasive technique of the discourse (Aristotle, 2004), the author

adapting the discourse depending on the audience and the ocassion (Aristotle, 2004:263) –

which implies o previous knowledge of the latter two, but also of what was communicated

before, as Bahtin points out (Aristotle, 2004:274). The expressed discursive Ethos consists in

reminding the audience of the past moments when the orator had an edifying role in the

political conflict ("Until when can I say I, because I have not forgotten about the time when I

was the only voice criticizing Mr. B.(...)” – frag. 5/I) and has the purpose of making the orator

more legitimate. The red wire of the discourse structured mainly on the rethoric function of

metaphors is monopolized by the orator, who manifests his historical conscience ("I cannot

stop remembering” – frag. 3/I), his self conscience ("can I say I” – frag. 5/I), and the right to

decide his own fate ("I will vote” – frag. 9/I) – the civic conscience. The editorial "Upside

Down” (II) comes with new meanings of the journalistic conscience: axiological (frag.1/II),

ethical (frag. 2/II), sarcastic (frag. 5/II), of revolt, "the luxury of hating” (frag. 8, 10/II), the

deontological conscience (frag. 6/II).

The extra-discursive Ethos fructifies Cristian Tudor Popescu’s journalistic

notoriety and experience. The audience has previous knowledge about the orator, whom they

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luminița chiorean 'The Political Bestiary’

106

recognize as an important critical voice on political subjects in the Romanian media and as a

notable presence in the electoral campaigns of the last 20 years. Ethos, as image of the

auctorial self, consists in the use of credibility by the author of the discourse, achieved in

time, for achieving the goals of the discourse. If the situation is favorable for the author, the

audience will believe his words. But how can the author of discourse become credible? The

answer is given by Aristotle: credibility consists in displaying a practical intelligence

(phronesis), good faith and virtue. In fact, the aristotelic Ethos consist in the trichotomy:

phronesis or prudence; arete or virtue; eunoia or goodwill.

In Dominique Maingueneau’s opinion, Ethos is implied in the enunciation

stage which represents and supports the image of the auctorial self, an Ethos, in the sense of

the enunciator’s positive image (Maingueneau, 2007). From here: the Ethos consists in the

socio-discursive notion implied in an interactive process of influencing the other and is

perceived as a secondary plan of enunciation, being complementary ot an prediscursive Ethos.

The prediscursive Ethos refers to the image given by the receiver about the sender before the

latter manifests, taking into consideration the fact that any writer (essayist, journalist) is a

public character and that the belonging to a certain discourse implies a certain horizon of

expectation. The extradiscursive Ethos includes everything that refers to the journalistic self,

and the implications should be rational and not emotional.

A completion of the prediscursive Ethos is brought by 'incorporation’, that is

the reader’s (addressee) way of adopting the Ethos, as it is known that the Ethos is linked to a

habitus. Through Ethos, the reader takes on an identity that is somewhat 'embodied' and filled

with historical values (Maingueneau, 2007:235-257). Referring to identity folding, the

spectacular is represented by the receiving part: the reader.

The receiver-lector’s halving can become unique through consecutive halvings

which can happen from a virtual reader to a reader – model belonging to the dramatic genre,

doubled by a virtual spectator liable to cross over into an authentic (advised) spectator; from

here, he may be found in a director that can often easily become a dramatic author, isolated in

his character played by an actor on the stage. This is a process for what will be called

hiperprotection. The duplicitous path is not always linear, as it can also be characterized by

'leaps’, by ignoring some of the masks. Halving as a result of duplicity is nothing but a "play

of masks" (Zumthor), and the reiteration of the enunciation scenes represent hiperprotection

itself or the temporal legitimacy of the piece of work. In the study of political discourse, the

Ethos refers to the power of conviction of a discourse based on the orator's status, on his

recognized qualities, on his image, recongnized by public opinion.

Conclusions

The observations regarding the discursive architecture tributary to classic

rethoric and regarding the discursive Ethos (with a case study on the opinion journalistic

discourse – the editorial) have had as a main goal keeping up the interest for reading of the

reader active in everyday life: possible introduction for a poetics of the journalistic reading.

Even if it may be thought that the present study is focused more on the

journalistic dimension of the political editorial, the author’s intention has been to keep a

balance between the two fields and to underline the rethoric dimension, which could not be

valued without being linked to the stylistic register specific to the journalistic discourse.

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Although the number of rethorical figures is narrow, the option has been to stress the

metaphors that have an essential role in the discursive construction and their correlation with

the other figures of reasoning.

This article’s contribution consists in applying the notions of rethorics to the

journalistic discourse – a controversial field, mostly in Romania, focused more on the

production of the journalistic text than on a profound analysis. If during electoral bampaigns,

both the electors and the journalists’ attention is focused on the candidates’ discourses,

through this process, the present study has tried to underline the more profound layers of the

discourse which accompanies the political.

The editorial represents the journalistic discourse characterized by the

dominance of free indirect style, not only reproductive, but also reflexive, the crossing to

essay and solliloquy being natural. The latter is a discourse of the orator’s solitude who, using

ethical irony, raport reality, the event, to his own behavioral models, situation that explains

the theme s chosen by the journalist: revolt; delirium of existence; disgust and ridiculous;

even the crossing from trauma to drama, isolation (solliloquy). The study has proved that the

persuasive potential of the metaphor expressed through intertext, under the sign of irony and

sarcasm or through linguistic decal, processes the sociopolitical realities into a critical

imaginary.

The extradiscursive Ethos develops the notoriety and authority of the critical

voice in the media (e.g. in Romanian media: Cristian Tudor Popescu, Lelia Munteanu –

Gândul; Cornel Nistorescu - Cotidianul; Mircea Toma - Academia Caţavencu etc.). In CTP’s

case, it can be noticed the holding and the insertion of the essay in the media discourse, the

obsession of the characteriological metaphor which implies human typology, but also the

noomorphic metaphor – the one of structuring the poetic thought (Poeziar): "I've always been

a man of his word. And of imaginary, but image always comes afterwards, it is born out of the

word. I say death and only then I see in black and white...” (CTP – Cuvinte rare. Poeziar); the

affective implication in the orator-reader relationship.

The opinion leader influences the receiver's reading and/or offers an ideatic plan to the

launch of his own opinions regarding the events he evokes and interprets. The opinion

journalistic discourse verrifies its value through the rader’s critical voice (comments,

interpellations – on CTP’s editorials in Gândul - printed and online daily paper).

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108

ANNEX

I. With the fist on the Bible/ The

Right of the Last Night by Cristian Tudor

Popescu, 4th Dec. 20096

II. Upside Down by Cristian

Tudor Popescu, 23rd

Sept. 20107

0. Inferences in confrontation ...

(Exordium)

0. "After all, why can you get along

with B.?" I was asked this question by

presidential intellectuals, when we still used to

talk. It is the type of question that, if the

interlocutor doesn’t know how to answer,

doesn’t deserve to be answered, mostly when

we are talking about someone who sees

himself as an intellectual. (Exordium)

A

Ss 1. Terrible in MG was the method

which can be named, using an old Romanian

idiom, of 'turning a deaf ear’ (Presentatio A)

A

1. Vulgarity, in the primary sense of

vileness, is the main factor of blockage in the

undersigned's relationship with people. I've

talked to stupid, intelligent, crazy, poor and

wealthy people, to geniuses, whores and

thieves. I can say that vulgarity can be found

in every social and human category. There are

people who can curse, talk illiterately, who

frequently prove their inculture and, still,

without being vulgar. As there are also some

people who even by saying a simple yes or a

no or by being silent can be vulgar. Vulgarity

means the strong accent on the lowest part of

the human being, on what is linked to the guts,

sex, insticts, brute force and cruelty. It also

means disdain for the opposite of vileness,

human nobless. (Presentatio G &

Confirmatio)

2. Every time he was in difficulty –

"What is the name of the institute?”, "What

markets have fallen in exports?" – Mr. G tried

to ignore the questions repeatedly asked by

Mr. B., pretending not to hear them, while

millions of people could. (Presentatio B)

B.

2. Mr. B. is maybe the most vulgar

person I have ever met on such a high level of

the social scale. I have come to this conclusion

not starting from obscene public statements "I

have small years, but I have something else

6 http://www.gandul.info/puterea-gandului/cu-pumnul-pe-biblie-dreptul-ultimei-nopti-5155088

7 http://www.gandul.info/puterea-gandului/cu-susul-in-jos-7409994

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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that is bigger”, "Năstase makes love with his

butt”, "20% of the Romanians are gay”, not

from outbreaks like 'stinky gipsy’, 'assholes’

and many others, which I won’t mention, but

from the ascertainment that Mr. B. is vulgar

not only towards others, in the public space,

but also with himself, in his very conscience.

(Presentatio P & Confirmatio)

3. I cannot stop remembering the

almost religious faith of Ceausescu's party

"everythig we pretend does not exist, does not

exist." (Confirmatio)

3. Do you remember how Mr. B.

defines value in politics? "He has a politician's

stomach", he used to say about his former

acolyte Mr. Guşă. Stomach. Not mind, not

brain, not vocation, not qualities. What about

the relationship with the U.S., based on the

preferable organ of suction of the Big Fire

Fly? These are the fundamental values in Mr.

B.’s political way of thinking. But in his little

soul, in his nature that he exhibits in “poetic

moments”, like the one of reciting his own

poem dedicated to his deceased mother when

she was more alive than ever, one of the most

horrible kitsch created inside a human being.

(Naratio)

4. This was also the core of the K.O.

suffered by Mr. G. in the moment of the

"silver bullet” (the way Mr. B. calls the hits

ment to publicly terminate his opponent). For

dozens of seconds, Mr. B. kept telling him

"Did you like your last night’s meeting with

S.O.V.?”, and the ostrich G., with his head

deeply buried under the sand and with his butt

raised towards the neons of the room, was

waiting for the wind to stop blowing. The rest

is just an illogical and grotesque jumble, with

shadows of horror: the second man in the

state, who could also be the first one in three

days, goes to visit Mr. S.O.V. the night before

a decisive political confrontation, to justify

himself for calling S.O.V. "malicious and

turbulent” in a newspaper! To this, citizen

S.O.V. says that M. G., his secret friend in the

last 4 years, visited him ‘to relax’! This is

followed by a scene that seems taken from a

4. When he tells students to search for

herodot on Google or states that he is reading

Cărtărescu’s book The Levant and then, after 4

years, the same book, T. B. (who must have

stopped reading Cărtărescu since the latter

called him to be finished) expresses, in fact,

his sincere disdain towards culture. "We need

auto tinsmiths and waiters, not phylosophers”

means, in basescian, that he could not care less

for educated people, who know foreign

languages, and even Romanian, who have

common sense, good taste, tact, fineness and

decency. For him, they are some jerk-offs,

who have no cojones, another organ of the

bascescian phylosophy. Andrei Pleşu would

be the most qualified to say a few things about

this, but he will not do it because he has not a

pinch of his former boss’ vulgarity, who now

claims that V. P. “licked the door mat in my

office in 2008” and that he had once written

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luminița chiorean 'The Political Bestiary’

110

political romance: S.O.V. and B. meet in the

parking lot in Tâncăbeşti, whispering hidden

from Năstase’s security - the beginning of

another beautiful friendship which would

have materialized into the discreet support of

Mr. B. by S. O. V. in 2004 and which lasted

up to "a certain point". (Naratio)

Crin A. on the parliamentary list in Bucharest.

(Naratio)

5. I can say up to what point, as I have

not forgotten the time when I was the only

voice in Romania that criticized B. on

Realitatea TV. Neither have I forgotten B.’s

stubbornness when he refused on the same TV

chanel to call Mr. S.O.V. together with Mr. P.

and Mr. Voic. 'oligarchs’ (pre-mogul phase in

the basescian way of thinking), so that he can

make the Cruel Trinity today. At the

undersigned's live insistence, he made an

‘imperial’ concession: “Ok, Mr. Popescu, for

you, I will call him a financial oligarch, as he

is not involved in politics!" (Confrontatio)

5. In fact, Mr. B. does not understand

the meaning of vulgarity not even when he

produces it. How could he otherwise say, in

the same discourse, "I regret the Dinescu and

the Cristian Tudor Popescu before they

became vulgar” and, about V. P., "he has the

figure of an immature person, he is impudent,

behaves like a monkey”? (Confrontatio)

6. After this bewildering scenes, what

else can citizen Ionescu understand but the

fact that Romanian presidents get to Cotroceni

only by respecting the condition of a beautiful

friendship with Mr. S.O.V.? That in the

Middle Age the lord had the 'right of the first

night’, meaning that he had the right to take

the virginity of his serf's wife, and that now,

Mr. S.O.V. has used on Mr. G. 'the right of

the last night’? (Refutatio)

6. Some will criticise the fact that I

also use vulgar expressions in the texts

referring to Mr. B. and other politicians. It is

not the same thing. I only use strong words

when the subject needs that. I will not find this

kind of things in my texts about cinema and

tennis. In particular, I will say it again, I

profoundly loath vulgarity. Among my

feminine preferences there have never been

goddesses of vulgarity like E. Udrea and R.

Anastase. The journalistic profession includes

the pamphlet, while the one of head of state

does not. The prestige of the presidential

function is affected in a negative way with

each of Mr. B.’s 'outburst’ – he will never

understand this. (Refutatio)

B

7. In T.B.’s case, the moment of

maximum thrill was not determined, in my

case, by the qualities attributed without

batting an eyelash by Mr. President to Gen.

Gabriel Oprea - in 2004, "the thief of

thieves”, "the head of the Năstase mafia”, in

7. Once, Mr. B. publicly declared me

his favourite newsman. Back then, I wrote in

favour of his position, which I considered to

be correct, in the conflict from the Democratic

Convention and I declared him, when almost

everyone stopped believing, the winner in his

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Journal of Romanian

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2009, minister of Interuir in the Negoiţă

government, nor the swindle uttered with the

hand on the Bible, "Do you swear that you did

not hit the child Bogdan Istrăţoiu?” "I swear I

did not punch him in the plexus, nor in his

face" to cover the truth which comes to light

on the spot: the candidate B. hit the child with

the back of his hand, as it can be seen on the

video that he said to be "edited on the

computer", but the invocation made in a TV

show of electoral confrontation, where there

are given points just as in boxing, of the case

of a child with leukemia that his mother,

second name, first name, home town, cannot

look after because they are poor. This kind of

things are to be solved quietly if you are really

a person, but if you are a hideous political

beast on the inside you have to squeeze out

electoral tears using a child's suffering. That's

right, Mr. B. does not punch children.

(Naratio & Confirmatio)

confrontation with his opponent from PSD, S.

Oprescu, when they ran for Mayor of the

capital city. (Narratio)

8. I did not use to write differently than

I do today, when Mr. B. has discovered me as

being vulgar and has announced that he does

not give me the outer signs of respect. I am

keeping the outer signs of respect towards him

for the very improbable case that we shall ever

meet again, but I do not have the inner ones

anymore. (Confirmatio)

C C

8. The political, economic and social

programmes of the two candidates have

moved into a distant plan after the TV show

on Thursday evening. On Sunday, there will

be made a choice, first of all, between the

characters of two people, their ways of being,

their moral cores on the background of the

coverlid raised of a corner of the Romanian

politics, making visible the underground

serpent-like mating. (Refutatio)

9. This does not mean that vulgarity is

produced only by Mr. B. V. Ponta’s reaction

of announcing the launch of the T.B.’s

suspension soon after he was called 'licker of

door mats' and 'little monkey' is sordid. One

should not answer these personal insults with

such strong means that affect the entire state.

(Refutatio)

9. I will vote (Peroratio) 10. No matter how alarming and

degrading is what T. B. does, it is a

comfortable illusion to think that he is the one

who infests Romania with vulgarity. The day

by day more vulgar Romania is the one that

gave birth and raised Mr. president.

(Peroratio)

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luminița chiorean 'The Political Bestiary’

112

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Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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DUMITRU-MIRCEA BUDA

Petru Maior University of Targu-Mures

Ways of Reception Regarding the Works of Lucian Blaga. The Issue of Mystery

The paper attempts to draw some of the significant lines of Lucian Blaga’s critical reception

regarding the problem of mystery, showing the major trends recorded since the publication of his first

books and suggesting that his creative personality should be defined in the convergence of poetical,

theatrical and philosophical writing.

A major area of philosophical exploration, a structural obsession in the universe of the

poems (at least referring to the most privileged section of his work by critics), a dramatic

archetype, operating in the plays, not only regarding the hyper-symbolic characters but also

the scenarios worked directly from the native mythological “clay” - these are the fields in

which the major roles are played by mystery and its explicit poetry, famous and mythologized

already, probably representing a sort of an axiomatic criterion with the same basic substance

as all the metamorphosis of the creative personality of the Lancrăm writer. Those

metamorphoses which the criticism has abusively and dogmatically separated – as had already

happened in the first two decades of Communism, when Blaga was manicheically read, as a

first rate poet and play-writer yet negligible philosopher; in fact, his philosophy was seen as a

taboo by the official Marxist-Leninist ideology which transformed the reception of his work

into an easy- didactic one, without any real hermeneutical contribution - Blaga being behold

either as the “poet-philosopher” or as the “ philosopher-poet”, because of the fact that some

sets of metaphors had the same semantic structure as some philosophical concepts and vice-

versa, just as other ideas, that have poetic structure regarding the typology of knowledge, its

limits, the ontological meaning of the mystery itself or the approximation of the

transcendence - were to be recognized inside the language and the imagery of the poems.

Not just about this consubstantiality, but about the convergence, “convergence

between the poet and philosopher”, wrote, perhaps the most proficiently, taking into

consideration his double formation, Cornel Moraru in his newest monograph of Blaga

published in our country. The latest traditional- aesthetic monograph, so to say, because in the

meantime, Blaga began to be studied by the poststructuralist critique, by semio- stylistic

experts, and there are some published PhDs theses which dealt with this monographic

perspective, that had been approved and authorized from the 70’s of the last century by

Alexandra Indrieş or Maria Carpov. Cornel Moraru disclaims, using strong arguments, the

already mentioned excesses, being himself a partisan of balance and an referee of tempered

comment, giving, as an example of this kind of abuse, the readings of some poems through

the autognostic, pseudo- positivistic key (first named so by Vasile Băncilă), regarding the

Blagian philosophic concepts, a method that ignores, in the first place, the diachronic ways of

the creation - the separation of the concepts and their wording being subsequently realized

after their initial establishment in the poems. The solution advanced by Cornel Moraru is a

hermeneutical convergence - it refers in fact to a consubstantial reading of Blaga’s

philosophy, poetry and theatre promoting the philosophy and theatre - all those

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dumitru-mircea buda Ways of Reception Regarding the Works of Lucian Blaga

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metamorphoses that were disadvantaged by the previous contexts and in which the critic sees

the update potential, the possibility of making Blaga’ s work more contemporary.

From a more personal point of view, there are some reluctances regarding the chances

of a massive rediscovery in the present day, and there is but a slightly breakthrough in the

Western culture, a European rehabilitation of Blaga’s philosophy being a part of the so called

“philosophy of existence” at the beginning of the 20th

century (Lebensphilosophie). There are

two counterarguments that can immediately be seen: on the one hand there is his conceptual

language, highly poetic and thereby not sufficiently stable (hence untranslatable), although

expressive, and on the other hand there is the interest of many literary critics regarding the

Blagian philosophy, despite the fact that this segment of Blaga’s work should have been

studied by the actual philosophers. A literary philosophy, or paraliterary, the term should be

acknowledged without derogatory connotations, as the philosophy of Blaga is advantaged and

doomed at the same time because of its condition. This consubstantiality that we are talking

about (with reference to all his literature) prevents his philosophy to expand itself into a

strong thinking system. But this is not a tragic thing, on the contrary. We believe that a

multidisciplinary reading, where there are no rigid or complex boundaries between an

hermeneutical, philosophical or dramatic approach, may prove the most updated and

beneficial way of understanding the work of Lucian Blaga either as a whole or divided into

separate sections, being able to finally reveal an original creative archetype from which

emerges, one by one or simultaneously, the poetic imagery, dramatic vision and the

philosophical system. Thus, there may be highlighted some ways of investigation proposed by

Corin Braga, in his work entitled Lucian Blaga- The genesis of the inner worlds (Lucian

Blaga- Geneza lumilor interioare) a truly remarkable psycho-critical essay, but also older

approaches, with more convincing results as those of Eugen Todoran; Lucian Blaga- the

poetic myth and Lucian Blaga- the dramatic myth, the former being resumed and revised in

the most recent volume of this critic Lucian Blaga. Myth. Poetry, Poetic Myth.

Located on this premise, which touch the issue of the access at the consubstantiality of

Blagian work, the discussion about the poetic mystery and the poetic universe encountered in

the Light Poem’s author work turns out to be inevitable. As I was saying, the mystery could

be that consubstantial criterion, being, as a literary theme and concept, the result of what Ov.

S. Crohmălniceanu called “the taste of this naïve, tale figment like, primitiveness, having as a

reverse the aversion that he (the writer) feels against the cold, judicious and mechanical

civilization.” All this considered, after the author of the famous work “Romanian literature

and expressionism” declares himself assured that “Blaga’s literary and philosophical work

grew up together in a perfect osmosis.” This sympathy for mystery can be seen probably as a

compensatory reflex of Blaga, in his way to adhere to the philosophical trend that

foreshadowed, in those times, the declension of the assertive Western society and the crisis of

reason’s authority, not only referring to Nietzsche, with whom Blaga’s thought and

expressionist sensibility shares so many common points but also Oswald Spengler or Ludwig

Klages.

It is not at all adventitious; the mystery being the central point of his writing even from

his double debut in 1919, when the Light Poems are accompanied, even at the Academy

awards with the Adamachi prize, by some reflections that can be found in another volume -

Stones for my temple. Both books were, in fact, to be re-edited in 1920 at Romanian Book

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Publishing house. The thematization of mystery becomes even more significant in 1921, the

next year in which two more volumes appeared, where the new Arcadia, marked by the

individual consciousness and the exclusion from the initial paradise, as remarked by Ion Pop

in the poems that compose the volume Pasii profetului / Prophet’s steps, is doubled by the

poematic drama regarding the pre-Christian saintliness of Dacians illustrated in Zamolxe.

Mister păgând / Zamolxe. Heathen mystery. Besides, Ion Pop suggests that the mystery is the

original point of Blaga’s mythological geography, both in poetry, where the evolution starts

from the “metaphysical gloominess of the problematic human being that has been alienated

from the secrecies of the universe and is now striving to retrieve the original balance, under

the symbol of a reintegration myth”, and in theatre - the critic seeing the plays as dramatic

poems and being interested in “the powers that are hidden in the night and in the ethnos sleep

with which the characters identify themselves”- and we could also add mystery- characters by

themselves. Ion Pop calls them “stylized generics.”

Paradoxically, the reception, which was truly enthusiastic in the year of his debut

1919, is significantly restrained in 1921, primarily because now Blaga seems to be in some

sort of contrast with the new trends of the epoch (Transylvania is still manly traditional-

sămănătoristă) because of the fact that he adopted the modern expressionist formula/way of

writing (Iorga - "the poet prophesies meaningless things"). It takes about a decade until the

reception of Blaga begins to follow a normal path and this mystery issue is now, for the first

time acknowledged as being a fundamental element in his writing, in a special number of

Gândirea in December 1934, from which he has not quit yet due to the doctrine

incompatibility. Here, Emil Cioran’s article on “Blaga’s interior style” stands out talking

about “a serenity in chiaroscuro”, “the key for the man and work”, opening “the hidden rooms

of the soul” and revealing “the fear under the quietude, the eternity under the shape, the

mystery under the transparency”. Or, Cioran adds more poignant “Blaga would not have

reached the issue of ecstatic knowledge if he had not had the intimate experience of mystery”

and, moreover, “the intensity of the rupture increases with the extent of mystery.” Cioran

practically supported our previous statement regarding the compensatory nature of mystery

for the agony of the modern world- “to the devitalizing force of the spirit (Geist), in the

terminology of Klages, Cioran says, Blaga opposes the metaphysic of mystery because

precisely the presence of the mystery in the world is the one that limits the destructive action

of the intellect and also exposes the logo- centrism illusions.” We could add that, inside the

poetic universe, the metaphysic of the mystery functions as a reflex of vitalism, a Dyonisian

experience of the world.

Future opponent, Nichifor Crainic has, in the same anniversary number of Gândirea in

1934, an interesting intervention, because of the same point of view regarding the “religious

mystery” which he believes to be, along with the “folklore myth”, a form of art and thinking.

Naturally for Crainic, “mystery, if it cannot be divided using rational means, it can be

ecstatically lived through religion or embodied in a mythical formula through art.” Because

any approach, be it thematic or conceptual, of Blaga’s work, can only be an implicit opening

to his reception (a section in the history of his reception, so to say), it cannot be ignored that

there is an overwhelming difference between the 1934 moment and the later minimizing and

trivialized attacks of his theoretical concepts, that began in the latest years of the inter-war

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dumitru-mircea buda Ways of Reception Regarding the Works of Lucian Blaga

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period and would eventually grow to a full extent during the “obsessive decade” because of

the official ideology promoted in those times. The issue of mystery is no exception- from this

derives the overused appellation “mystic”, on the one hand, by his contemporaries, in the

well-known condemnation made by theologians, respectable ones like D. Stăniloaie, and, on

the other hand by the proletcult propaganda, later on. Fortunately, there are some notable

exceptions among these two extremes- for example N. Bagdasar, talking, in 1937 about the

centrality of the mystery idea in Blaga’s gnoseology and about his so called “estatic

rationalism.” There are two more critical approaches- having a monographic perspective, even

though slightly different, they are still important and notable- Lucian Blaga, Romanian energy

written by Vaile Băncilă (the first monograph), being a much more mimetic writing and up to

Ovidiu Drimba’ s The philosophy of Lucian Blaga, where there are no distinct limits between

Blaga as a writer and Blaga as a critic (this work was somehow written by two hands, because

Blaga, being a very close friend to Drimba, read his writing and personally subedited it.) In

any case, this concept of mystery lays at the foundation of his knowledge theory and poetic

sensibility. As conclusive, regarding the imposing of the idea of mystery as an essential axis,

is the third monograph belonging to Constantin Fântâneru, The poetry of Lucian Blaga and

the mystic thinking, where there are two chapters about the influence of Blaga over the poetry

written by the young generation of the time. The poet of mysteries is seen as an ultra-

modernist: “the expression of poetic configuration of a new meaning” and maybe, the fact

that Blaga was seen for a while as an “vanguard”, is not just a simple detail because, being

interested, as Crohmălniceanu says, in Edvard Munch, Van Gogh, Brâncuşi, Barlach or

Arhipenko, he had been conquered, in fact, by the European expressionism during his studies

at Vienna. The comprehension point up to which the writer brings the mystery may be due to

that atmosphere of indecision that governed in that period, because of the fact that the

cultural innovations came from those modernists prepared inside traditional circles and vice-

versa.

For a man that has been “hypnotized by the mystery”, and continually pertaining to it

“not as an unattainable threshold of knowledge or as a mere metaphysical hypothesis,"

because "the cognitive structures are also shaped by this original ontological framework" as

he is memorably described by Cornel Moraru, Blaga is, however, a zealous when referring to

the thinking method used in connection with mystery. Or, at least, referring to the persuasive

approximation of his concepts. The poems, previous to the philosophical trilogy

thematization, comprise, as the same critic suggests, the mystery pictured as a “germ cell”. A

concept, that has already been regarded as a cliché and which the poems vitally and

obstinately proclaim as a counterpart for depleting the miracles of the world, of its

uncharming effect (using the original meaning of the word proposed by Max Weber).

Mysteries require protection and enhancement, the paradoxical revelation by deepening them

more and more into the abyss of the unknown, by the “minus- knowledge” or, luciferical

knowledge” and although the lyrics are full of “light” the mystery is not revealed but it

happens quite the opposite, the secret is expended. This concept is not just highly visible but

is also encrypted (almost explicitly) in the imagery of the famous Ars poetica entitled Eu nu

strivesc corola de minuni a lumii / I do not crush the wonders corolla of the world, but it is

supplying, in fact, implicitly, most of the poems from the beginning volume and it is shaped

in the form of the poetic of vision even after the “end of the Eden age” announced by Ion Pop,

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Journal of Romanian

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in the series of Moartea lui Pan / The Death of Pann, as the volumes are beginning to be

more and more occluded because of this inability to decipher the thing’s transcendence or the

heartbreaking nostalgia of a beyond thing, or of a beginning that in the real life turns out to be

irrecoverable and unrecognizable. In the next volumes Marea trecere / The great transition

and especially in Lauda somnului / The Praise of Sleep, the mystery is illustrated as a fatal

thing, the product of the rupture from the cosmic All and it enters in the composition of the

heart rending lamentation regarding the alienation of the human being. Only during the night

or while sleeping, the night and sleep being updated romantic sites, as it also happens with the

uprooting element that has an obvious Transylvanian lineage, as it is above mentioned, this

are the only sites in which Blaga’s poetry can still fascinatingly relate with mystery, being

under the guilt-ridden isolation (the murderer of mysteries) and away from the dark forces

that disturb the initial order of the universe. Finally, the golden age of mystery is restored in

the poems belonging to the volume “At the court of longing”, and even more decidedly in the

volume “Unsuspected steps” where the lost harmony is retrieved and the entire blagian poetry

changes in the end. The semi-Eden like age of the world is restored and the being is

reintegrated into the cosmos, being now in an indestructible solidarity with it. Along with the

reinvestment with meaning of the eros - a somehow secondary theme in Blaga’s poetry and

with the reiteration of the primordial mystery theme, the volume Patria Mumelor / The Land

of the Mothers, highlights other poetic motifs such as the cycle of the phenomenal world or

the native places; this is the last point of Blagian poetry that also coincides with the grate

concluding remarks. Between these volumes, the issue of mystery, acts like an operating

vehicle and a catalyst for the vision that can be found in all Blagian spaces and times, and is

now more fertile than ever: the security of the world’s secrets, as an essential condition for

their sustainability, is fulfilled and along with it, there is also the complete Blagian poetic

myth that all the exegetes talk about.

But the same fruitful fulfillment is obvious for the philosophical and drama myth also,

to take over Eugen Todoran’s terminology. The poetic pattern of mystery is practically solved

in all Blaga’s creative books, the solving itself being as a kind of pattern too, a mold that can

be easily seen by psycho- critics. Along with its more or less objective predeterminations with

Blaga’s philosophy and destiny, it seems worthy to pursue, at least from a multidisciplinary

perspective approach, the effects of its visionary inside the poem, concurrent with its

conceptual definition in Blaga’s philosophy. It is impressive how the entire poetic universe of

Blaga lodges, as Cornel Moraru says “under the magical power of mystery”, that is not

different, regarding the exerted hypnotic power, from the cosmic elements. The mystery has

the same status as the light, earth, sky or water, and is undoubtedly an expression, a demonic

temptation – an element that cannot be separated from the whole imagery of the mystery. As

each item, it is a part of the Great All, which tends to its original fragment, to “the source of

all things”, sensing it, heartbreakingly reclaiming it, as it is in one of the most beautiful

poems ever written in Romanian literature – Marea trecere / The Great Transition, where

there is the echo of an overwhelming call that crosses the geography of a fairy forest, trying,

without success, to engage a response from the entire disappeared human race and, through

regression, to capture something of the original moment’s resonance. Blaga acts here through

a filter, creating an imaginary populated by totemic figures such as the stag and its "lost in

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dumitru-mircea buda Ways of Reception Regarding the Works of Lucian Blaga

118

death" hind, the symbolic originally couple from ancient world, whose recovery is denied

because of the modern time, that has an eschatological orientation, and has already replaced

the initial, mythical one. The forest, with its springs’ murmur that imperceptibly rhyme is the

silent announce that there is “the great transition”, and this forest can neither be “the garden

from the other world”, nor “the lost paradise”. It is perhaps the most dramatic of all the

hypostases regarding the relationship with mystery, because here mystery refuses to

inexhaustibly devote itself in meaning, precisely because it is brought under the attention of

modern, desecrated knowledge.

Moreover, the mystery can strictly be revealed in terms of life, not in some abstract

ones because, that goes without saying, the right path is the creation itself, be it cultural,

artistic, or seen as a the reflection of cosmic creation. The mystery that is still hiding from the

thought, being beyond the limits of human knowledge, but for which the art can still serve,

reshaping it, keeping it, reiterating its fullness, is therefore tangible only if we are speaking

about its poetic or metaphysical sense, remaining, deep inside, a more philosophic equivalent

to the Platonic “idea”, Kantian “thing in itself”, or the “absolute spirit” of Hegel. Blaga’s

philosophy reclaims the mystery giving it a new meaning (it was assimilated, by the Greeks,

with chaos, or with sin by the Christians) in such a persuasive and centrality degree that

becomes a creative obsession. In fact, Blaga himself stated, and not just once: “We theorize in

this way because we are under the influence of mystery”, and it can be said that this

confession like statement, may be extended, with amazing results regarding Blaga’s exegesis,

an all his work and destiny.

Aknowledgement: This paper is a result of the project `Transnational Network for Integrated

Management of Postdoctoral Research in Communicating Sciences. Institutional building (postdoctoral

school) and fellowships program (CommScie)" - POSDRU/89/1.5/S/63663, financed under the Sectoral

Operational Programme Human Resources Development 2007-2013.

BIBLIOGRAPHY:

Gândirea, Anul XIII - nr. 8, decembrie 1934.

Vasile Băncilă, Lucian Blaga, energie românească. Cluj, Tipografia Cartea Românească, 1938, Ediţia a

doua Timişoara, Editura Marineasa, 1995.

Constantin Fântâneru, Poezia lui Lucian Blaga şi gândirea mitică. Bucureşti, Inst. de arte grafice şi editura

"Bucovina" I. E. Torouţiu, 1940.

Alexandra Indrieş, Corola de minuni a lumii. Interpretare stilistică a sistemului poetic al lui Lucian Blaga,

Timişoara, Editura Facla, 1975.

Alexandra Indrieş, Sporind a lumii taină. Verbul în poezia lui Lucian Blaga, Bucureşti, Editura Minerva, 1981.

Maria Carpov, Captarea sensurilor. Coordonate stilistice, Bucureşti, Editura Eminescu, 1987.

Eugen Todoran, Lucian Blaga. Mit. Poezie. Mit poetic. Bucureşti, Editura Grai şi suflet - Cultura Naţională,

1997.

Corin Braga, Lucian Blaga. Geneza lumilor imaginare. Prefaţă de Nicolae Balotă. Iaşi, Institutul European,

1998.

Dicţionarul esenţial al scriitorilor români (coordonatori Mircea Zaciu, Marian Papahagi, Aurel Sasu), Editura

Albatros, Bucureşti, 2000.

Dictionarul General al Literaturii Romane (A/B) – volumul I, Bucuresti, Editura Univers Enciclopedic, 2004.

Cornel Moraru, Lucian Blaga. Convergenţe între poet şi filosof, 2005.

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Journal of Romanian

Literary Studies Issue no. 2 / 2012 ISSN: 2248 - 3004

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BOOK REVIEWS by Al. Cistelecan / Iulian Boldea / Doina Butiurcă The Masks of M. I. - Gabriel Liiceanu in dialogue with Mircea Ivănescu /

Măştile lui M. I. - Gabriel Liiceanu în dialog cu Mircea Ivănescu, Editura Humanitas, Bucureşti, 2012

A confrontation between Liiceanu and Mircea Ivanescu, even in the tender form

of a dialogue, seems not only unthinkable (supposing it has been performed), but truly

inacceptable. The reason for this lies in the disproportion of forces and discordance of

ethos between the two, to the point where they seem to exclude any chance of

cohabitation in / through dialogue. Needless to say, a collaboration of any kind seems just

as impossible. As a matter of fact, Gabriel Liiceanu himself realized he was dealing with

something almost impossible, since he sets as a premise (in the foreword) the fact that

they were living “on extremely distant cultural continents” (p. 5). And still, it is not the

cultural “distance” (that might have not been as large as Mircea Ivanescu was simulating)

that generates this (yet!) exorcised “impossibility”, but the structural and attitudinal

antagonism of the two; on one side, you have this “dogmatic” of the inflexible principles

and of “hard” morality, while on the other there is a relativist who dissolves everything in

doubt and insignificance (and first of all dissolves himself). What confrontation might

result between an individual that is certain of himself and of the correctness of his own

gestures and one that is shy and never certain that he even exists, not to mention unable

to support an idea or to build an attitude? Between a “fundamentalist” of rigor and a

relativist who is only vaguely more consistent than an absence?! Obviously, though, the

dialogue is not exactly a fight, especially since this one ((”Măştile lui M. I. Gabriel Liiceanu

în dialog cu Mircea Ivănescu”, Editura Humanitas, Bucureşti, 2012) is performed under

the conventions of an interview and therefore Gabriel Liiceanu is interested to get as

much as possible aut of M. Ivanescu, having to prove enough strategic flexibility as well

as attitudinal slenderness. But regardless of the concesions imposed by the genre and goal

of the dialogue, the positions remain clearly outbalanced. Even if M. Ivanescu would have

been in the greatest shape of his best day (if something like that had ever existed) of his

life, the confrontation with Gabriel Liiceanu would still have resembled the one between a

ferocious hawk and a poor mouse. Not to mention that, in fact, M. Ivanescu was on his

deathbed and living his last days of agony. Obviously, I wasn’t imagining that Gabriel

Liiceanu would take him by the throat (exactly then) in order to pull out the secret of the

existence, to force him into becoming a „confessor” (Liiceanu is still human, in spite of

the fame others try to make around him), but his questions couldn’t have been petting or

purely sparing. However, someone who comes with questions and with the hope to get

out of the interlocutor as much as possible from his mystery remains an agressor. And,

anyway, Mircea Ivanescu, even if not agressed by anything, was still a victim (his poetry is

also the diary of heroless victimity). To be honest, I felt sorry for poor Ivanescu from the

beginning, picturing him being followed through all the corners by Liiceanu’s fierce and

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imperative questions, by his radical summons. The scenario of this confrontation could

only have been irremediably and eminently unfair: on one side Liiceanu’s trenchant spirit,

on the other – Mircea Ivanescu’s continuous evanescence; on one side, Liiceanu’s

ultimate breakageness, on the other – M. Ivanescu with his shadowy consistence;

Liiceanu’s rigor and abrupt directness raiding over Ivanescu’s fragile nuances and his

perpetual refuge from a nuance into the other. The poet had, obviously, no chance: no

other than that of the leaf of grass standing in front of a tank.

However, if I think better, what other ”opponent” would be more suitable for

Gabriel Liiceanu than Mircea Ivanescu?! Where would his ultimate fusillades prove to be

more useless than in this confrontation with a shadow protected by an armour made of

wool? And not of a layer of wool, but of shadows of wool? No matter how many arrows

and how patetic Liiceanu fired, they would all fly in the abyss, failing to hit the master of

dodging that the poet was. If, at the end, somebody was to experience a feeling of futility,

of the uselessness of the assault, it would certainly be the philosopher and not the poet.

Basically, Liiceanu was chasing a shadow and hunting a chimera. Therefore the virtual

feeling of compassion would have to be equally shared by the two.

The fact that they poet is going to also apply to the dialogue the parenthetical

tactic and dodging strategy from his poetry, continuously deviating from the course, is

immediately obvious, from the first clash / question, however innocent it might appear to

be (but Liiceanu was not aware that he would touch the most profound and incurable of

the poet’s wounds). Asked to develop his first memories, the poet makes a quick dodge

and initiates a comment on Stalin’s death, taking as a pretext one of Stelian Tanase’s TV

shows (p. 28 sqs.). When it comes to this type of things, that only regard him partially, he

discusses as much as possible with the sensuousness – and art – by which he also

dismantles into baroque arabesques the states, in his poetry, escaping from one pretext to

the other and from one undefinition to the next. So that Gabriel Liiceanu, if he truly

wants to get to something, must prove extreme tenacity and catch him from where he

runs in order to bring him in front of the lost or suspended question. It’s true that

Liiceanu actually stimulates his “deviationism”, being so certain of his own tenacity and

patience. This running away from the question, the detour through all kinds of stuff, the

tolerated or even encouraged twists and turns and then the return of the question assure

the authenticity of the dialogue but also the playful script in which Liiceanu pretends to

lose the poet’s trail (or to follow him on the intentionally complicated paths) only to wait

for him on the first corner (and Liiceanu himself speaks of this playful convention of the

dialogue in the foreword). There is a certain game in this dialogue, but it has a dramatic

background (it’s also a gesture of delicacy from Liiceanu to accept, even temporarily, this

game of hide and seek and confusion). Anyway, if Liiceanu ever imagined that he would

easily get a final confession and then give the absolution, he was wrong: the poet is

vigorous enough in his dodging and highly inventive in deviating pretexts. I also think

that he wasn’t fond of the intrinsic pathetism of the topos itself: he wouldn’t accept the

dialogue as a cathartic, saving, confession. Although he was dying, he rejected the specific

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rhetoric of the extrema in morte. And, of course, if he had escaped, he would continue to

blather in all the five rounds of the dialogue about the weather (since he was, as a poet, an

academic of the meteorological nuances). But Liiceanu obviously doesn’t get carried away

by these shifts of modesty and humility and often, in order to end them, has to use the

pincers and show himself more unrelenting in directness that he actually was (there are

some stimulatingly played “angers” that are offered as satisfaction to the poet who, of

course, was looking exactly for this). Since there is no other Romanian poet more skillful

in crumbling any seed of pathetism, it is no wonder that M. Ivanescu refuses the pathetic

aspect of the situation he was in. This is a consistency of Poetics that is kept until death.

As well as a full concordance between the ethos of the existence and that of poetry.

But one shouldn’t exclude the hypothesis that the poet actually wanted to be

forced to confess and that all his strategies of refuge and refusal were no more than a test

of the honest interest for his own confession. It might be (is it really?!) why he simulates

from time to time his surprise in front of the development of the confession (”But I see

that I end up speaking of myself…”, p. 42) and he tests the tenacity and intensity of the

interest in it (”… and, how should I put it, it is a thing that I neither like nor believe to be

interesting”). If this is the case (and nothing is certain if we consider the perverse subtlety

of M. Ivanescu’s poetry), then Liiceanu has clearly managed to pass all the tests of

honesty and implication in the dialogue. Anyway, the dialogue achieves some revelations

that are fully equal to the spirit of Ivanescu’s poetry but, above all, emphasize the tragic

layer it is extracted from (and I am not referring, obviously, to the “late revelation”

brought shockingly by the subtitle: “I was an undercover officer”; this is one of the self-

humiliation and self-impeachment games of M. Ivanescu in which Gabriel Liiceanu allows

him to stay for too long). I refer to the truly painful part of the confession, the one where

he talks about his sister’s death (that had taken place a year before the poet was born) and

about his brother’s suicide; but especially of his existential feeling of being a substitute, a

simulacrum. “A appeared in the world – says M. Ivanescu – to fill a gap, as a

compensation” (p. 32) and he lived “under the strange feeling” that he was doing it

“somehow on behalf of the dead brothers” (p. 48). He had, therefore, a destiny of

mourning (“all my life I had to burry something”, p. 49), that he tried to dissimulate (“it

seems that I am a funny guy that laughs a lot”, p. 48). This profound existential causality

justifies the litany rhythmicity of his poetry, the monody of absence that lies in the core of

his Poetics. Maybe even his condition of an absent from history (“In a way I have lived,

almost all the time, like I were absent from the world”, p. 65), of an irrelevant and

insignificant witness. The childhood traumas relativize any other dramatic feeling and

Liiceanu tries in vain to make him admit that he was wrong by joining a “party stained

with blood”: “What does the formal adhesion to a party mean when you experience

during childhood what I tried to recount to you?” (p. 77). The eventual “moral” drama

Liiceanu is looking for could by no means amplify the “existential” and destinal drama of

the poet. A confrontation between rigor and relativism develops quite largely from this

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point forward, but at the same time it undermines the entire dialogue. Fortunatly,

Liiceanu does not turn the dialogue into a symposium (their positions where, anyway,

irreconcilable and, according to M. Ivanescu, negotiations are pointless since “each one

perceives the world from the angle he is in”, p. 65) and thus the debate moves into the

underground of the memory narratives, with enough anecdotic features and delicious

fragments.

Of course, Liiceanu’s “theme” was not mainly “the poet”, but his confession as a

man who had crossed an entire history. But “the poet” cannot be marginalized in the

dialogue, at least for the fact that M. Ivanescu was only a “poet”, and one that “(I) was

never convinced of the fact that I was a poet” (p. 149). He belonged, therefore, to a very

rare, if not unique, species. One might hardly imagine more self-inconsideration than the

one showed by M. Ivanescu to the poet that he was. First he boasts about having writing

his texts in response to the orders or bets made with Ion Draganoiu (p. 88) and then he

declares himself a simple versifier (“I am no more than a versifier”, p. 150). And, to

emphasize the self-pejoration, he declines and creative feeling: “Be serious, sir! I only had

the awareness of duty, induced by the bet I had made” (p. 154). This insistence to

maintain childish declarations drives Liiceanu crazy; but Liiceanu also manages to grate on

Ivanescu’s nerves and obtains some fundamental phrases regarding his Poetics: “my

principle in poetry was not to lie”, “not to say anything that I couldn’t assume” (p. 155),

breaking the wire of what he calls “the Stylistics of self-persiflage” (p. 157). Of all the

trenches dug by Mircea Ivanescu around his intimacy, the ones surrounding his poetry are

the most impenetrable. He would under no circumstances accept a more serious

perspective upon his own poetry. I would dare say that such a grimly attitude translate a

hidden – a too-well hidden – feeling of sacrality that mustn’t be violated, of religiosity that

mustn’t be displayed. Maybe there is only one moment when the voice of an outrageously

pent pride is heard when, brought back by Liiceanu to the theme of poetry, he says: “I

never accepted to write poetry where to narrate trifles or lies” (p. 215). It is a sentence

that makes the sacrifice of all the twists and wanderings that lead to it worthwhile.

Because, at least apparently, Mircea Ivanescu’s poetry seems to “narrate” exactly that kind

of stuff, drawing a strategy of gossip in which “the truth /… / related to my life” is

encrypted (p. 216). This is a key-sentence, which may stand on the basis of a new

perspective of interpretation. Eventually, the poet did not manage to escape from

Liiceanu and maybe this had always been his secret wish: not to be overlooked: ”I hope,

nevertheless, that you will not get out of your hand, like the ribbon from Henric’s sleeve”,

(p. 224.) An extremely vivid Ivanescu in a deeply pleasant and genuinly empathetic book

(because it assumes its angatonies), this is what Gabriel Liiceanu has achieved through

this revelatory dialogue.

Al. CISTELECAN

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George Banu, The Trilogy of the Removal: The Rest, the Night, the Oblivion / Trilogia îndepărtării. Odihna, noaptea, uitarea (Cartea Românească, 2010)

The most known Romanian theatre writer of the moment, George Banu is

the supporter of the type of writing where the print of the essayistic style is prevailing.

George Banu’s recent publication, The trilogy of the removal: the rest, the night, the oblivion

(Romanian Book Publishing House Ed, 2010) folds itself on such a stylistic dominant, the

author reuniting quotations, impressions, confessions, with a diverse theme, which is

generally put under the sign of the removal. The rest, the first part of the book, is

constructed on the principles of the lexical structuring, being marked by the formulas of

the firm definitions, by the correlations and the association of terms, notions and

semantic nuances, sometimes of the paradox kind („The rest calls for the courage to

assume the absence from within the people; the courage of being forgotten by the

others“). The semantic field of the rest has its stake both on the beneficial resources and

the negative ones of the term (the courage of the rest, the tradition of the rest, interval, as

a rest in the denouement of the theatrical spectacle, etc.). George Banu also insists on the

functions of the rest, ranging from the recovery ones, the holiday or the remedy to those

of social sanction, of intellectual comfort or of secured space marked by a feeling of

peace, of interior peace or of a temporary anaesthesia in the tumult of a disorganised

reality, even if, it attracts the attention of the essayist, within the commerce of the intellect

with its own resources and limits, a certain communicational difficulty can intervene („on

a long term, the rest «by Himself » proves to be practically impossible: his own

companionship is difficult to bear!"). The rest is, as the author mentions it, an antidote to

the incontinence waste, of the entropic dissolution in fortuitous forms and multiple

activities, capable of abolishing the identity dynamic of the self. On one hand, the

remoteness, the detachment from the daily spectacle represent a way to find again the self,

to adjust the personal feelings to the requirements of the moment, to adequate the

gestures and the attitudes to revelations, assumed by their own identity structures. What is

also beneficial, in the economy of George Banu’s book, is represented by the references

to the plastic arts (Caravaggio, Delacroix, Van Gogh, Magritte, etc), to the different

literary works, especially to the theatre, with its potential of significances and symbols.

On the other hand, one must notice that the reflexions of the essayist

regarding the rest are not situated only in a theoretical or philosophical horizon. On the

contrary, they are legitimated also by the confessional nature that the sentences acquire,

by the emotional load the words imply, by the evocative reverberations of the phrase:

„When I want to take a rest I have to sacrifice the theatre. Then I manage, for some time,

to fulfil the dream of an unknown Shakespearian character: exasperated by the multitude

of roles he was obliged to act, the man only wanted to get rid of them. […] As this seems

difficult to achieve for the rest of his life, I have at least those rare moments where I rest

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from the theatre. Even if you love the theatre it is good to take some distance from it,

every now and then; both from the social one and from the artistic one.”

The second part of the book, The night, is configured through the appeal to

the principle of comparison with dialectical resorts, the nocturnal regime of the being has

a healing, completing and regenerating role, but, on the other hand, being associated to

some avatars of the clandestineness or of the occult, where abuses, murders and

conspiracies can be deciphered. Talking about the nocturnal metamorphoses of the

theatre, George Banu underlines the fascination that the nocturnal exerts over the theatre

(„In the theatre, the night is mostly Shakespearian. From Macbeth to the Dream... and to

Hamlet, it gives a feeling of restlessness and anxiety; it never remains neutral, peaceful and

serene. Regardless the context, Shakespeare’s night does not allow people to sleep”; „The

universal dramaturgy does not lack «nights». (...). «The nights» of the theatre are

numerous, confusing and different. We see them again and again and relive them

regularly. They are our nights, the nights of the show within us.” The night is also an

essential element of the scenery belonging to Wagner’s drama. The essayist’s trips in

diverse cultural areas (theatre, philosophy, painting, poetry) are made through a

fascinating writing of analogies and correspondences, a writing that combines the allusion

and the paradox, the digression and the analytical verve, in an available and mobile style,

which also takes advantage of the expressive iridescence of the words, but also of the

feelings’ relief, of the ephemeral accidents of the affects.

The oblivion, the third part of George Banu’s book benefits of a leading built

after all the laws of the narration. The circumstances and the instances of the oblivion are

inventoried both in the medical register and in the spiritual one. Even if oblivion blurs or,

sometimes, annihilates the past feelings, the past of the human being, it cannot abolish

the being’s joy of plenary ceasing the moment. Otherwise, between oblivion and

departure, commune semantic inflexions and accents can be identified („In a way,

forgetting means leaving, without a destination and without an explicit reason; a traveller

without luggage and without landmarks”. The phrase requires, not in a few occasions, the

rigid and deep reverberations of the sayings: „We build the memory; we endure the

oblivion” or „The lovely holiday of the self (Mallarmé), the oblivion detaches the man

from himself”. If the memory validates an ontic identity, it gives the contour of an

affective vibration or the relief of a smile, both the oblivion and the distance have the gift

of making a gap, of isolating the human being.

The themes juxtaposited by George Banu’s fluid writing in The Trilogy of the

removal: the rest, the night, the oblivion alternate in a fragmentary, elliptical and supple speech,

te philosophical speculation, the aphorism, the quotation, the theoretical commentary or

the anecdote, legitimating a superior way of understanding the world and its own

existential adventure. George Banu’s writing, fragmentary and allusive, stakes, first and

foremost, on the fluidity of the reverie in love with the shapes of the world and of the

past’s alluviums, of the memory’ reflexes and the inter-textual iridescence of the

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fundamental approached theme: the removal. Besides, in an interview, the essayist resized

the role and the place of the imagination in the structure of the human personality, stating

that “through imagination we do not forget the world, but we find it modified according

to our own projections. Our imagination allows us to find the world in this way, as it

protects us in order to live it and to know it beyond appearances.” George Banu’s

meditations suggest, beyond their idea tic scale, a subtle dialectic of the closeness and

distancing, with indisputable ontologic and gnosiological significances. The self placed

within the subtle interval of the contraries lucidly assumes its own condition, fairly

considering that “to rest means to go on a date with you”, and “finding the authentic,

legitimate and deep essence”.

Iulian BOLDEA

Vasile Bahnaru, The Rise in Decline of the Romanian Language in Basarabia/ Ascensiunea în descensiune a limbii române în Basarabia, Princeps Edit, Iaşi, 2011

In 2011 the book written by Vasile Bahnaru (the Director of the A.Ş.M. Philological

Institute of Chişinău) entitled “Ascensiunea în descensiune a limbii române în Basarabia”

(ISBN : 978-606-523-155-9) was published in Iaşi in 2011, dedicated to the memory of the

Academician Silviu Berejan. The four compartments (Bahnaru, V. Preface) of the volume

are: I. Linguistic issues; II. Etymological notes; III. From the history of linguistics; IV.

Sociolinguistic issues - polemics, have as a common denominator the study of the

Romanian language. The whole volume is an explicitation, a definition of its own

conception, just as we read in the debute of the Preface: “Since 1990 we had a certain

apprehension, though not always aknowledged, that what I have written regarding the

linguistic problems could contain some diversions from the truth, some interpretations

being conformist or conjuncturist. On a second reading of articles and studies written in

different times I reached the happy conclusion that all of these do not bear the fingerprint

of the dominant ideology of thise times and as a result this fact has determined me to put

together older and more recent studies in a separate volume.” The studies included in the

chapter entitled “Linguistic issues” make reference to lexical, semantic, stylistic and

grammatical aspects of the vocabulary of the Romanian language. The predilect concept of

the study of the chapter is represented by the class of “occasionisms”: “the occasional

antonymy”, “lexical occasionisms” (The Bucovinian lexical ocasionisms are created by the

author with different purposes - p.25): “neptunizăm, interplanetoplan, lucrurism, lucruristă”

(lexical forms excerpted from Em. Bucov’s work) etc. The linguist reports the class of

occasional lexems to the different registers of the Romanian language - the stylistic-

semantic level, the report of these linguistic facts with the literary language etc. remarking

that “in the artistical work the deviation from the existing norms results as a consequence

occasional words with certain goals, following aesthetical and well determined

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communicative goals, and that is why it is totally justified.” The orthographical fluctuations

existing in the Romanian language over the river Prut imposes the foundation of a new

concept in the domain, and this is the opinion of the linguist continuing the tradition of

innovation proposed by Silviu Berejan in the 80s. The correlation between morphology and

lexicology, between transitivity and voice, the semantics of certain lexical units, actual issues

regarding the lexicography in the Republic of Moldova are valuable studies encompassed in

chapter I. The second compartment entitled Etymological notes incorporated 14

microstudies not of the etymology of certain words but of identifying the semantics of the

original etymon with the aim to explicitate and concretize the meaning of these words on

the level of evolution of the Romanian language (Bahnaru V. p.8.). The study methodology

is varied, the linguist using with the same scientific rigour the comparative method, the

comparative-historical method, the contrastive method for words such as: nebun, negoţ, a

scăpăta, rost, a abandona, aberant (mad, trade, to come down in the world, blacklash, to

abandon, aberrant) etc. The third compartment, From the history of linguistics includes

three articles linked to Romanistics in the Republic of Moldova up to 1990. A special place

in constituting Romanian and European linguistics was offered by Vasile Bahnaru to the

work of Bogdan Petriceicu Haşdeu, in two of his studies: “B.P.Haşdeu în contextul

lingvistic european” (B.P.Haşdeu in the European linguistic context) and “B.Petriceicu

Haşdeu şi problemele dezvoltării lingvisticii moldoveneşti” (B.Petriceicu Haşdeu and the

problems of lingiustic development in Moldova). The linguist from Chişinău makes ample

references to the encyclopedic preoccupations of the Romanian scholar, to his philological

preoccupations on Slavic and Indo-European languages in the domain of etymology and

lexicology, sustaining its European value: “Haşdeu was the direct forerunner of the great

Swiss linguist, F. de Saussure in several respects: he distinguishes the language in abstracto

and the language in concreto, and realizes the diachronic-synchronic distinction etc.” (p.

259). The theory of uninterrupted continuity of dialects, the theory regarding the circulation

of linguistic elements, the theory of dialectal discontinuity are other elements in which B.P.

Haşdeu imposes himself in European linguistics - based on professor Bahnaru’s opinion.

The fourth compartment of the volume is entitled Socioliguistic issues and includes

especially studies published in magazines. The attention of the author is drawn upon

problems of culture of the Romanian language spoken in Basarabia under the fata influence

of “harmonious bilingualism” on the Romanian language from Basarabia. Issues of wooden

language, their propagation in the post-totalitarian language use are discussed. In this point

the linguist Vasile Bahnaru becomes the athoritative voice, he criticizes the “alleged heroes”

of the research of the Romanian language, who in the totalitarian period were “either not

known, or managed with prudence their confortable existence” (p.8.). The polemic spirit is

strongly accentuated in the problem of the “Moldavian language”. “Who needs Moldavian

language” is the question very much rhetorical, also the subtitle of the article “Between

fiction and reality” (320). The author criticizes vehemently the linguistic insertions foreign

from the spirit of the Romanian language which gradually make their way in the Romanian

language spoken within Basarabia. The lexical patterns, the unspecific linguistic calques, the

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cumbrous syntactical constructions are all dangerous. The fundamental concept of the

book is that of the “Romanian language in the Republic of Moldova” and it rejects the idea

of the “Moldavian language”.

Doina BUTIURCĂ