1 JOURNAL INDELICAT Joseph SCIPILLITI Avocat
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JOURNAL
INDELICAT
Joseph SCIPILLITI Avocat
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C'est une exprience ternelle, que tout homme qui a du pouvoir est
port en abuser ; il va jusqu' ce qu'il trouve des limites.
Montesquieu : De lesprit des lois
Il ny a point de plus cruelle tyrannie que celle que lon exerce
lombre des lois et avec les couleurs de la justice.
Montesquieu : Considrations sur les causes de la grandeur des
Romains
Le raisonnement de lhumanit tient tout entier dans cette bassesse :
si je ne te crains pas, je me fous de toi
Georges COURTELINE : larticle 330
La dmocratie cest le pouvoir pour les poux de manger les lions
Georges CLEMENCEAU
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SOMMAIRE
1. ETAT DE DROIT, INSTANTANES DE LA VIE SOCIALE 14
2. VIE QUOTIDIENNE DE LAVOCAT, DU MYTHE A LA REALITE 51
3. CONSEIL DE LORDRE, QUEL ORDRE ? 74
4. LE BTONNIER, MONARQUE EN SON ROYAUME 90
5. LE JUGE, TROISIME OU PREMIER POUVOIR ? 114
6. AIDE JURIDICTIONNELLE, ALIBI DES BONNES CONSCIENCES 130
7. PERMANENCE PENALE. 143
8. PROCEDURE DISCIPLINAIRE : LA DISCIPLINE, PAS LA JUSTICE 152
9. LENTREPRISE AVOCAT 168
ANNEXES 223
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INTRODUCTION
Ce journal faillit sappeler inachev , plutt que indlicat . Il est en effet constitu de
notes prises pendant mon exercice professionnel partir de la fin de lanne 1991, et dont jai
sans cesse diffr la mise en forme. Mon but tait den faire un livre quand le moment serait
venu, c'est--dire quand je quitterais la profession, volontairement ou contraint. Bien sr
jaurais d ldulcorer car les diteurs auraient recul devant son contenu iconoclaste.
A partir de 2014 il devint clair que ce moment approchait. Je drangeais trop dintrts depuis
trop longtemps et lheure tait venue pour le systme de sonner lhallali. Le systme sest
incarn en loccurrence par le nouveau btonnier H. V., qui ds avant sa prise de fonction
pour les annes 2014-2015 avait fait connatre son intention den finir avec moi.
Jai alors dcid de renoncer ldition pour une diffusion anticipe, plus large et gratuite par
voie dinternet. Malheureusement le temps ma manqu. Il fallait complter les matriaux
dont je disposais, les synthtiser, les structurer, tout en continuant de travailler dans un mtier
extrmement prenant, et en continuant de me dfendre contre les multiples turpitudes quon
mimposait, terriblement chronophages. Une fatigue gnre depuis des annes par des
problmes de sant non ltaux mais gnants, une neurasthnie pisodique conscutive ma
situation, rduisaient encore mon temps disponible. Le moment vint o je dus me rsoudre
utiliser ce dont je disposais.
Le rsultat ne me satisfait que modrment. Je laurais voulu plus exhaustif, moins dcousu,
mieux structur, avec de nombreuses pices illustratives. Ce sont des briques en nombre
insuffisant, lies par un ciment lui-mme limit, mais il y a au moins un difice partiel.
Ce journal dcrit une imposture enseigne dans nos coles et universits, claironne par nos
responsables politiques, pratique avec navet par les uns, avec hypocrisie par les autres :
lEtat de Droit, et plus prcisment ses effets dans la vie quotidienne des avocats.
Nest-ce pas beau une socit o le droit prime la force, un droit soucieux de justice c'est--
dire dquit, malgr la relativit de cette notion ?
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Cest le monde dans lequel nous sommes censs vivre. Des gens vertueux font des lois
inspires par leur souci de justice, qui sappliquent tous. Il en rsulte notamment que
larbitraire nexiste pas car toute forme de pouvoir est limite par un contre pouvoir, ou la
possibilit de poursuivre un abus pour qui le subit.
Cette fable, jy ai cru peu ou prou jusqu mon entre au Barreau, malgr quelques
expriences qui mavaient troubl sans que jen saisisse alors clairement le sens. En 1989, je
quittai lenseignement secondaire pour revtir dfinitivement la robe, aprs une premire et
brve exprience mi-temps entre fin 1981 et dbut 1983. Mes gots me poussaient vers un
exercice lancienne , artisanal bien quavec les outils technologiques modernes. Rien ne
me fait plus horreur que ces usines avocats que sont les gros cabinets de groupe.
Je devais alors dcouvrir ce quest vraiment notre socit, travers le prisme dun milieu
judiciaire lui-mme bien loign de limage quil cherche se donner dans le public.
Avocat. Un mot qui inspire considration, respect, voire admiration chez toute personne
extrieure ce milieu, notamment les catgories sociales modestes. Peu de professions
souffrent dun tel dcalage entre limage et la ralit. Les avocats sont trop souvent vus
travers le prisme dformant du cinma, de la littrature, de la tlvision, ou dune actualit
mettant en vedette une poigne davocats pnalistes, (moins dune dizaine, sur environ
soixante mille praticiens) qui ne se font pas prier pour alimenter les strotypes.
Pouvoir, argent, relations, clbrit, que ne leur prte-t-on pas ? La croissance exponentielle
du Barreau franais ces dernires dcennies tmoigne de la fascination quil exerce sur les
jeunes diplms en droit : 20 000 avocats en 1985, plus de 60 000 en 2015. A Paris, 5000 en
1975, plus de 27 000 aujourdhui. A Lyon, 400 en 1987, 2800 en 2015.
Ceux qui ne sont pas issus du srail, nayant pas un parent ou une relation personnelle au
Barreau, sont les moins informs, et y arrivent parfois avec des attentes la hauteur du mythe.
Certes pendant leur formation ils ont t en contact avec des avocats, mais ceux-ci nont pas
eu le mauvais got de les clairer sur certains aspects du mtier au risque de les dcourager, et
de se dvaloriser eux-mmes. Il leur faudra dcouvrir seuls des ralits quotidiennes souvent
bien loignes de leurs rves.
Pourtant le mtier est en soi passionnant, abstraction faite du statut qui en dcoule. Si on aime
le droit, la rencontre avec des situations concrtes dont la diversit est infinie, la contribution
des solutions qui peuvent apporter aux gens un peu de bien-tre et parfois de bonheur, on
doit en principe pleinement sy panouir. Mais voil, deux ombres ternissent cette image
lumineuse.
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La premire, qui ne constitue pas lessentiel de mon propos, est conomique. La lgende
imbcile de lavocat riche, hrite dune poque rvolue, sestompe trs vite pour 95 % des
praticiens (statistique videmment empirique, portant sur une notion - la richesse - elle-mme
imprcise). Pour le pourcentage restant, les moyens dacquisition de cette aisance
ncessiteraient des dveloppements qui nont pas leur place ici.
La seconde est relationnelle : lavocat na aucun pouvoir. Limportant personnage qui a le
bras long et balaye dun discours brillant tout obstacle, appartient limaginaire dun
public nourri de fictions bon march. Lavocat est un technicien du droit qui rsout des
problmes juridiques comme le mdecin traite des maladies. Il coute, fait un diagnostic, et
sil y a lieu propose une solution. Celle-ci nexiste que dans la limite du droit en vigueur, de
mme quun traitement ne peut tre prescrit quavec les connaissances mdicales du moment
et les lois de la nature. Il y a des situations juridiques irrmdiables comme il y a des maladies
incurables.
Si solution il y a, elle sera neuf fois sur dix judiciaire. Lavocat engagera donc une procdure
dans laquelle cest un autre qui prend les dcisions : le juge. Et cest alors quune dcouverte
lattend : sil na aucun pouvoir, dautres en ont sur lui. Non seulement le juge, mais tous les
acteurs de la vie judiciaire sont placs dans une situation leur donnant au quotidien un pouvoir
de fait sur lavocat, sans rciprocit et pratiquement sans recours. Un juge, un huissier, un
greffier, voire un simple employ du tribunal dans certains cas, et surtout le btonnier,
peuvent le traiter comme un laquais et influer dfavorablement sur son exercice professionnel,
ponctuellement ou durablement, voire dfinitivement. Pourtant nous sommes censs avoir une
profession indpendante. Aucune profession librale ne lest moins, mais aucun tudiant en
droit ne le saura avant de sinscrire au barreau et dy exercer quelques annes au moins.
Il lui faudra donc admettre ce paradoxe : lui qui a pour mtier de dfendre les autres, ne peut
se dfendre contre les actes darbitraire rpts dont il est victime. Face ce dni de justice
permanent, limmense majorit des avocats fait preuve dune passivit qui ma tout de suite
paru incomprhensible. Beaucoup en souffrent, sen plaignent (entre avocats sentend),
dautres font partie de lternel troupeau de lindiffrence, qui fait le dos rond en soupirant
des bof, questu veux faire . Tous ou presque saccordent pour se rsigner. Pas moi.
Je nai jamais pu supporter linjustice. Trs tt jai rejet les prceptes tels que : la vie est
une jungle , lhomme est un loup pour lhomme , dans la vie il faut tre bourreau ou
victime , censs lgitimer le rapport de force comme rgle de base de la vie en socit.
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Linjustice, ce nest pas seulement celle spectaculaire, qui intresse les journalistes ni celle
hmiplgique, inspire par lidologie ; mais aussi celle discrte, neutre et banale, que chacun
peut subir au quotidien avec une frquence et une intensit inversement proportionnelle au
pouvoir de nuisance dont il dispose, et qui sappelle : mpris de lautre, got de la domination,
amoralisme, et presque toujours btise.
Le dcouvrir et le subir au quotidien en tant quavocat fut pour moi un choc. Il nest point
dglise o le diable nait sa chapelle dit-on. Qui croirait que mme dans ces cathdrales du
droit que sont les palais de justice, les dmons de larbitraire ont leur autel ?
Jai dabord cru possible de provoquer une raction collective, et je me suis intress au
syndicalisme. Peine perdue. Les syndicats et associations davocats sont pleinement dans le
systme. Pour lutter contre le statut de soumission de lavocat, il faudrait dabord le
reconnatre, au risque de le faire connatre. Or lobsession de la profession, cest limage .
Cette image faussement flatteuse dcrite plus haut, et au nom de laquelle sont accepts tous
les abaissements, toutes les humiliations, pourvu quils ne soient pas connus au dehors.
Jai alors essay de provoquer une raction collective ponctuelle chaque fois que ctait
ncessaire, et le rsultat fut tout aussi infructueux, mme si on reconnaissait que javais
raison. Routine, pusillanimit, peur des consquences.
Que faire ? Quitter un mtier que jaimais parce que je refusais de courber lchine ? Je my
refusai. Je ne tenterais plus rien pour changer notre statut, mais je refuserais larbitraire
chaque fois que jen serais victime moi-mme, libre aux autres de laccepter. Il me fallut peu
de temps pour comprendre que cette dmarche me conduisait dans le mur. Sopposer seul
larbitraire exerc par tous ceux qui dtiennent une parcelle de pouvoir, ctait attirer sur moi
les inimitis, les reprsailles sournoises, les vengeances minables. Et surtout, chose
inattendue, la jalousie.
Ce fut une nouvelle surprise. Je devais dcouvrir que quand on fait preuve dans une situation
donne de courage, de dignit, on se met dos non seulement ceux qui on rsiste (cest bien
normal) mais aussi ceux qui placs dans la mme situation, se sont soumis. Cest ainsi que
nombre de mes confrres se mirent men vouloir parce que ma rsistance faisait ressortir par
contraste leur propre passivit. Je les mettais dans la pnible obligation pour se justifier, de
nier la situation de domination quils vivaient, et dont parfois ils staient plaints auprs de
moi. Alors, cest moi qui tais excessif, trop ractif, manquant de souplesse En langage
barreau, cela sappelle manque de dlicatesse .
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Rapidement je compris qu terme mon exercice professionnel pouvait tre compromis, mme
si le temps passant, je retrouvais priodiquement espoir de poursuivre ma route jusquau bout,
cahin caha.
Par rflexe jentrepris la rdaction du prsent journal de faon sommaire, notant les pisodes
marquants que je me rservais de dvelopper plus tard, ce que je faisais quand le temps me le
permettait. Sans but prcis lorigine, il devint ensuite la trame dune ventuelle publication.
Les annes passrent. Ceux dont je contestais les abus de pouvoir, comme ceux que je
renvoyais involontairement leur faiblesse, se protgrent en me faisant une rputation
dacaritre, de bas du front, de pachyderme gar dans ce magasin de porcelaine quest le
barreau. Les premiers multiplirent les reprsailles sous toutes leurs formes, que je devais
galement combattre pour ne pas sombrer, perdant ainsi un temps prcieux au prjudice de
mon exercice professionnel.
Cette rputation se transmettait auprs de tout nouveau venu au barreau. Quand un confrre se
prsentait et qu mon tour je donnais mon nom, il ntait pas rare quil rponde un ah ...
parfaitement significatif. Ctait dautant plus irritant que je me battais contre des gens
souvent primaires sur le plan intellectuel. A cet gard une bonne partie du barreau usurpe sa
rputation, comme je lexpose dans un passage de ce journal. Passer pour un idiot aux yeux
dun imbcile est une volupt de fin gourmet disait Courteline. Je ne suis pas daccord. Cest
au contraire particulirement nervant.
Javais priodiquement des accs de dcouragement qui me dmobilisaient jusque dans mon
travail. En temps normal le mtier davocat implique dj une norme pression
psychologique. Nous sommes dpositaires de centaines de problmes personnels plus ou
moins angoissants, parfois dramatiques. Chaque dossier est un problme existentiel dont nous
devons grer les aspects non seulement juridiques mais galement psychologiques, humains,
sociaux. Il y faut un grand quilibre de la personnalit. Quon imagine alors la force mentale
ncessaire pour exercer dans le climat qui mtait impos. Jai connu des insomnies
rptitives, des accs de lassitude, des pisodes de relle dpression.
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Je ne pouvais me confier personne. Le caractre rcurrent des problmes qui mtaient poss
aurait fini par lasser mes interlocuteurs qui au surplus taient gns par leur propre inaction,
comme je lai dit.
A deux reprises, entre 1999 et 2003, puis partir de 2011 des problmes de sant sajoutrent
cette tension nerveuse pour entraver encore ma capacit de travail.
La consquence en fut chaque fois une baisse dactivit, puis de revenu. Par manque de
temps je dus ngliger (involontairement cela va de soi) la partie comptable de mon activit,
neffectuant pas certaines dclarations fiscales ou sociales, sans cesse remises au lendemain.
Je fis alors connaissance avec un autre domaine o lEtat de droit joie sa comdie : les
relations avec les organismes fiscaux et sociaux (URSSAF, CNBF). Le professionnel
indpendant en difficult est un objet dont ils peuvent faire ce quils veulent. Non seulement
les sanctions lgales sont tellement lourdes quil est impossible dy faire face (ce dont tout le
monde se moque) mais ceux qui les appliquent ou en grent les consquences peuvent y
ajouter leur propre arbitraire, sans relle parade car les recours sont illusoires.
En 2005 une rforme lgislative applicable au 1er janvier 2006 a tendu aux professions
librales les rgles applicables aux entreprises en difficult , et notamment le redressement
et la liquidation judiciaires. Ds le dbut 2006 des milliers de professionnels, parmi lesquels
nombre davocats et de mdecins furent ainsi assigns devant les tribunaux cette fin. Au
barreau de Paris on les compta par centaines puis par milliers. A Melun il y eu une premire
fourne dont je fis partie.
En juin 2007 je fus plac en liquidation judiciaire mais je my tais prpar. Un confrre
accepta de me prendre comme avocat salari dans son cabinet pendant le temps de la
procdure qui dans mon cas fut brve, notamment parce que je navais pas de bien
immobilier. En janvier 2008 elle fut clture avec extinction du passif car ce dernier tait
tellement exorbitant (taxations doffice + majorations + intrts de retard + frais) quil ny
avait aucun espoir dy faire face. En application de la loi, je retrouvais donc le droit de me
rinstaller, ce que je fis.
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Pendant toute la procdure, ceux qui rvaient de me voir partir staient montrs
tonnamment agrables avec moi. Cest quils taient satisfaits : dans leur esprit, soit je
restais salari, et je rentrais ainsi dans le rang puisque mes manifestations dindpendance
auraient mis en difficult mon employeur, soit je quittais le barreau, je me demande bien
pourquoi. La reprise de mon activit librale aprs extinction de mon passif fut pour eux une
dception et une frustration intolrables.
Le btonnier H.V. qui exerait son premier mandat, sonna lattaque. B.J.D. (1), mon confrre
ex employeur, ainsi que moi-mme, fmes convoqus devant le Conseil de lOrdre en vue
dventuelles poursuites disciplinaires. En ralit cest moi seul qui tais vis, mais ils
voulaient lancer un message au barreau : tout confrre qui maiderait sous une forme ou sous
une autre subirait des reprsailles, quon se le dise.
Laide de B.J.D. en loccurrence tait toute relative tant les contreparties taient lourdes. Il est
tout sauf philanthrope. Pendant ces mois il me fit plaider ses dossiers les plus ingrats, assurer
ses permanences de week-end, ntait jamais disponible pour me voir Surtout il se dispensa
de faire toutes les dclarations ncessaires mon gard sur le plan administratif, ce qui ntait
tout de mme pas de ma faute. Ils prtendirent pourtant quil y avait eu collusion en vue dun
contrat de travail fictif, alors que cest lui seul qui aurait d tre inquit. Mais comme je lai
dit, cest moi seul qui importais.
Jignore ce que dcida ensuite le Conseil de lOrdre, mais titre prventif je fis savoir au
btonnier Vannier que si poursuites il y avait, je me rservais de saisir le Parquet Gnral de
certaines pratiques douteuses qui avaient eu cours au barreau. Il ny eut pas de poursuites,
mais comme on le verra ce ntait que partie remise.
(1) Les noms ou abrviations utiliss ici sont tantt authentiques, tantt changs. Cette
incertitude protge les personnes sans donner au rcit un caractre fictif. Il nest cependant
pas toujours possible de cacher les vritables identits, notamment quand des documents sont
reproduits.
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En 2008-2009 tout se passa bien. En 2010 le ciel me tomba sur la tte. Je me mis recevoir
de la part de certains organismes sociaux et fiscaux des demandes de payement relatives
aux annes davant ma liquidation (CNBF, Trsor ), ou calcules sur les revenus des ces
annes, qui avaient t taxs doffice (URSSAF, CNBF ). Or conomiquement et
juridiquement jtais une nouvelle entreprise, et je devais donc tre trait comme telle, la
preuve en est quon ne mavait rien rclam pendant deux ans. Mes protestations restrent
vaines et je compris que l encore on se vengeait. Mon passif tait effac dune manire
parfaitement lgale, comme pour des millions dautres professionnels indpendants avant
2006, et sans que jy sois pour rien puisque ce ntait tout de mme pas moi qui avais tendu
cette loi aux professions librales, ni avais demand ensuite ce quon me lapplique.
Quimporte. Dans notre prtendu Etat de droit, ceux qui ont le pouvoir sans contre pouvoir
dcident eux-mmes sils doivent respecter la loi. Jeus beau protester, par tlphone, par
lettre, rien ny fit, sauf avec le Trsor qui accepta de renoncer. A la CNBF et lURSSAF, on
me dit que si je ntais pas satisfait, je navais qu engager les recours ncessaires. Encore.
Bien sr je pouvais thoriquement le faire, mais cest un dilemme sur lequel comptent les
racketteurs lgaux : lnorme perte de temps que cela induit (outre le discrdit pour un avocat,
car cela se passe devant des tribunaux o on le connait) mobligerait ngliger mes dossiers,
surtout si on envisage les recours conscutifs au jugement : appel, ventuellement pourvoi en
cassation Sans compter les invitables reprsailles indirectes. Jen tais fatigu davance. Et
ne pas engager de recours, cest rendre la somme rclame mme indue, exigible au bout
dun certain dlai. Ce dilemme est constant vis vis de tous ceux qui ont un pouvoir sur
lavocat.
A terme cela ne pouvait conduire qu une nouvelle liquidation, ce que recherchaient
videmment les racketteurs. Et ce jour l tous les imbciles au barreau et ailleurs, qui ne
connaissent pas les circonstances ci-dessus (ou qui sen moquent car cela leur fait plaisir), me
regarderaient avec un mpris satisfait. Tant defforts, despoirs, dobstacles franchis, pour
revenir au point de dpart. Je sombrai dans le dcouragement, la dmotivation, avec des accs
de lthargie de plusieurs heures quelques jours.
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Cest le moment o apparurent de nouveaux problmes de sant (pathologie de la prostate).
Un tat semi-dpressif sinstalla.
Bien videmment les rpercussions professionnelles de cette situation furent dsastreuses.
Ma capacit de travail tant rduite dune bonne moiti le retard saccumulait, le
mcontentement dune partie de la clientle aussi. A nouveau labsence de dclarations
administratives, nouveau les taxations doffice. Je devais donner des explications dilatoires
ce retard, dans lespoir quil serait combl ensuite.
Bien sr les bonnes mes que javais contre moi depuis toujours sen rjouissaient. Quel nul !
Que faisais-je encore au barreau ? Dautant que je continuais justifier ma rputation
dinsoumis, contestant linacceptable, exigeant que lavocat soit trait avec dignit. Un
comble. Et les reprsailles que cela me valait taient une cause supplmentaire de temps
perdu.
En 2014 je sus quon approchait probablement de lpilogue. En janvier le nouveau btonnier
lu, H. V. me fit comprendre quil ferait tout pour cela. Je men doutais dj, pour avoir pu le
connatre au cours de son premier mandat en 2008-2009 ; en outre il sen tait ouvert au sein
du barreau et au dehors. Il incarnait lui seul tout ce que je combattais depuis le dbut de
ma carrire. On naurait pu me donner de meilleur interlocuteur pour que je puisse exprimer
comme jallais le faire ce que je prparais et retenais depuis longtemps avant de partir. Il tait
le candidat idal.
Il engagea au bout de quelques mois une procdure disciplinaire mijote de longue date et
ficele de telle manire que javais le choix entre ne pas me dfendre, ou le faire en ngligeant
tellement mon activit que cela quivaudrait un point final.
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A la mme poque linluctable deuxime procdure en liquidation fut engage par
lURSAFF dun ct, la CNBF de lautre, soit les deux organismes qui au mpris de la loi
avaient refus de tenir compte de lissue de la premire. Comme prvu, les crtins autour de
moi hochaient la tte sans savoir (ou sans en tenir compte) que ctait la suite du film de 2007,
dont le clap final navait t quun entracte. H.V. lui, jubilait.
Tout ce que je fis alors ne consistait qu gagner du temps. Il fallait travailler pour ne pas lser
les clients et gagner ma vie, tout en prparant ma sortie car cette fois je savais que jtais au
bout du chemin. Le tout dans un tat dpuisement aliment par des insomnies bien
comprhensives, ou des produits dendormissement doses massives laissant leurs squelles
la journe.
Ce journal qui avait t tenu en pointill devait tre complt pour tre rendu public, et je nen
eus pas le temps comme je laurais voulu.
Quon ne se mprenne pas. On ne lira ici rien de sensationnel. Pas de cadavre (ou presque),
dans les placards, de dtournement de fonds colossal et habituel, derreur judiciaire
dramatique, rien qui alimente habituellement les titres des journaux. Chaque vnement
rapport pourrait, sparment de lensemble, sembler banal. Ce qui me parait digne dintrt,
cest laccumulation, la mise en perspective dune ralit inconnue sur la vie des avocats, qui
nest que lun des aspects dune socit encore trop rgie par les rapports de force.
En outre je ne prtends pas que lEtat de droit est totalement absent. Je dis quil lest dans
bien des domaines, notamment quand on est assez fort pour lui rsister.
Me voil donc sur le point de satisfaire ceux qui pour justifier leur domination ou leur
soumission mont fait une rputation de cosaque. Pour une fois, je vais vraiment manquer de
dlicatesse.
Melun le 27 octobre 2015
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1. ETAT DE DROIT
Instantans de la vie sociale
Aot 1991
Je minstalle en rgion parisienne venant de la rgion Rhne Alpes, et je vais minscrire au barreau
de Melun comme collaborateur dans un cabinet, avant de minstaller peu aprs mon compte. Jai
vendu mon appartement avant mon dpart et je recherche un logement louer, ce qui en plein mois
daot est encore plus difficile que dhabitude. Coup de chance : une annonce dans le journal local
mamne visiter un appartement qui me convient parfaitement. Un deux pices coquet dans un
petit immeuble neuf au calme, pas trop loin de mon futur cabinet, le loyer dans la limite de mon
budget, dcidment il ne faut jamais dsesprer.
Cest une agence immobilire qui gre ce bien, et en cette priode estivale le grant est semble t-il
seul, cest lui en tout cas qui est mon interlocuteur. Comme locataire (je lavais t avant dacheter
le bien que jai revendu) jai toujours ressenti un certain agacement dans mes rapports avec les
agents immobiliers cause de leur insupportable condescendance. Ils ne doivent rien au locataire
car leur client est le propritaire, lequel est en situation dominante puisque loffre locative est
toujours trs infrieure la demande. Ds lors lagent immobilier ne prend jamais de gants avec le
locataire, et souvent on nest pas loin du mpris. Mais cette fois la distance sera franchie, avant
mme que jaie sign le bail.
Demble lagent me pose des questions dune brutale indiscrtion, par exemple : qutes vous
venu faire Melun ? . Puis, lui ayant donn les renseignements bancaires quil ma demands,
jassiste une scne stupfiante.
Sans me prvenir, encore moins me demander mon avis, il dcroche son tlphone et appelle ma
banque. Il se prsente, explique que je suis aspirant locataire, et dun ton parfaitement dtach,
demande aprs avoir donn mon numro de compte, sil ny a pas de problme . Un temps de
silence correspondant la courte recherche de son interlocuteur, qui le rassure, et il raccroche
aprs avoir remerci.
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Je suis estomaqu. Devant moi sest droule une violation de secret bancaire mon dtriment, et
dune manire naturelle indiquant que cest une pratique courante. Je ne sais ce qui est le plus
rvoltant, de cet agent immobilier qui mprise suffisamment un futur locataire pour faire cela sous
ses yeux, ou de ma banque qui ne se fait pas prier pour commettre un dlit pnal mon prjudice.
Et encore je men tire bien puisque lavis donn a t positif.
Que puis-je faire en retour ? Rien bien sr. Outre le fait que je nai aucune preuve, je subis le
rapport de forces : si je ne suis pas content, on me priera daller voir ailleurs. Je ne ragis donc pas,
malgr lenvie qui me dmange de lui dire son fait, et je signe mon bail.
29 septembre 2004
Au journal tlvis ce soir. En Corse, des nationalistes trouvent quil y a trop de Pieds Noirs,
arrivs aprs lindpendance de lAlgrie en 1962, et qui pour certains ont acquis des terres dans
lle. Ils ont donc dcid de pratiquer lexpropriation gratuite. Un jour, un groupe dautochtones
arrive sur le terrain dun Pied-Noir, et linforme que dornavant ce terrain appartient lun dentre
eux. Le propritaire est somm de dguerpir sur-le-champ.
La plupart du temps lexpropri se tait, sous la menace de reprsailles physiques sur lui et sa
famille. Il continue dtre le propritaire lgal et donc de payer les impts et taxes affrents un
bien qui de fait nest plus le sien.
Lun dentre eux a eu le courage daller en justice, et le tribunal a ordonn lexpulsion de
loccupant. Belle victoire de la justice nest-ce pas ? Ne tenthousiasme pas trop vite, lecteur naf.
Car ce jugement nest quun bout de papier sans valeur. Loccupant refuse videmment de partir,
et pour ly contraindre, il faut le concours de la force publique, cest dire que la police ou la
gendarmerie doit procder lexpulsion manu militari. Or la loi prvoit que quand lexpulsion
risque de provoquer un trouble lordre public , le Prfet peut refuser de fournir les forces de
lordre ncessaires, et le jugement nest donc pas appliqu.
Dans le cas prsent, le Prfet concern, certain davance que les nationalistes vont sopposer par la
force lexpulsion, considre quil y a risque de trouble lordre public . Il a donc ordonn la
gendarmerie de ne pas rpondre la demande du propritaire lgal. Interrog par le journaliste,
il dit sans la moindre gne : je ne prendrai pas le risque de faire tuer un gendarme .
Cela est parfaitement lgal : la loi prvoit quune dcision de justice peut ne pas tre applique
mais par lEtat seulement. Cela sappelle un Etat de Droit.
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Oui, objecteront les juristes troits, mais le propritaire peut prsent se retourner contre lEtat
pour demander tre indemnis de ce refus. Cela aussi est prvu par la loi.
Belle consolation. Aprs une premire procdure probablement longue et coteuse, le propritaire
doit maintenant en introduire une autre devant les juridictions administratives, connues pour leur
lenteur. Il va lui falloir prouver la valeur de son bien, laquelle ne peut rsulter que dune expertise
judiciaire. Or loccupant bien videmment va sopposer ce que lexpert dsign par le juge
pntre sur le terrain pour lvaluer. Donc le tribunal rpondra au demandeur que lindemnit
rclame, cense tre gale la valeur allgue du bien, ne repose sur aucun lment concret, et
soit la refusera, soit la rduira fortement.
Dans le meilleur des cas, notre courageux plaideur, dix ou quinze ans aprs son expropriation
physique, percevra une indemnit le ddommageant partiellement. Il ne sera indemnis ni pour la
valeur relle du bien, ni pour le temps consacr ces longs procs, ni pour le prjudice moral
davoir t trait comme on ltait au Far West. En outre, loccupant aura ainsi acquis un terrain
par la force, le prix (mme partiel) tant pay par le contribuable.
Pendant ce temps, partout en France, on expulse sans tat dme des locataires qui ne peuvent plus
payer leur loyer. A condition quils soient isols. Car sils sont soutenus par un comit daction
quelconque qui menace de sopposer lexpulsion, si des lus sen mlent, si la presse couvre
lvnement le Prfet capitule comme ci-dessus, et la force lemportera comme dhabitude.
Bienvenue en France, Etat de Droit.
3 avril 2005
Cette brve information dans le Nouvel Observateur de cette semaine (N 2108 p. 48) que je
veux transcrire telle quelle. Le Ministre de la Justice ne respecte pas la loi commune et
emploie au noir bon nombre de collaborateurs occasionnels. Cette information na pas t
conteste par le Ministre. En janvier 2000 Martine Aubry avait tent de mettre fin cette
situation par un dcret que la chancellerie juge aujourdhui inapplicable .
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Il y a quelques annes dj, javais tiqu en entendant cette information la radio : dans une
grande ville du sud (je crois quil sagit de Montpellier) on avait appris aprs que la
construction du nouveau Palais de Justice ft termine, quune ou plusieurs entreprises qui
avaient t choisies pour le chantier avaient employ des travailleurs au noir. Cette fois cest
le ministre lui-mme.
Tous les jours en France, les parquets sous lautorit du Ministre de la Justice engagent des
poursuites contre des employeurs pour travail clandestin. Pendant ce temps le ministre,
labri de son impunit, se comporte comme ceux quil fait poursuivre.
Mise jour : Dalloz Actualits 7 octobre 2014
La Chancellerie est-elle en rgle avec le Trsor et
lURSSAF ?
Les collaborateurs occasionnels du service public de la justice ne sont pas dclars par la
Chancellerie et la plupart neffectuent pas les dmarches sociales et fiscales qui
simposeraient.
Madeleine (*) est retraite depuis quelques annes. Ancienne fonctionnaire travaillant dans le
monde judiciaire, elle est appele il y a cinq ans par un vice-procureur pour devenir dlgue
du procureur, un mtier qui consiste assister les magistrats du parquet et mettre en uvre
les mesures dites alternatives aux poursuites pnales. Rappels la loi, rparations pnales,
compositions pnales, etc. Bref, un nombre non ngligeable de missions qui permettent de
dcharger les tribunaux de France.
Loffre est tentante, elle aime ce milieu la justice et elle arrondirait bien ses fins de mois.
Elle accepte. Jai six audiences par mois environ, sans compter le temps de prparation, qui
se font sur rquisitions du procureur. Je partage mon temps entre le tribunal et la Maison de la
justice et du droit (MJD). Cela quivaut un mi-temps . En tout, cela peut rapporter entre
300 et 1 000 au gr des paiements des rgies des tribunaux, sur les frais de justice, aprs
remise dun mmoire de frais. Mais voil, cet argent est vers sans bulletin de paie, sans
facture, sans rien. En somme, aucune charge sociale nest paye, aucun impt non plus.
Cest hyper pratique pour la justice. On la soulage et on gagne un peu plus la fin du mois.
Tout le monde y gagne , sourit Madeleine. Lindemnisation des dlgus du procureur
permet quelques-uns, si leur procureur les chouchoute, de se faire dagrables complments
de leur retraite , souffle une magistrate.
La situation nest pas franchement nouvelle et elle dpasse largement les mille dlgus du
procureur tous des retraits issus de la police, de la gendarmerie, de lenseignement ou
encore de la fonction publique - que comptent les tribunaux en France. Le Canard enchan,
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Le Figaro, Libration avaient dj rvl ces travailleurs au noir plein les palais de justice
. Les dputs galement, qui ont, plusieurs reprises, interpell le ministre de la justice sur
la situation de ceux qui sont appels les collaborateurs occasionnels du service public de la
justice (COSP). Une nbuleuse , comme le dit Madeleine, de personnes qui travaillent pour
la justice mais dont le statut est ce point compliqu que la Chancellerie, elle-mme, avoue
son incapacit rgulariser la situation sociale et fiscale.
Jusquen 2000, on peut parler de no mans land concernant les bnvoles indemniss . Que
sont-ils ? Des salaris ? Des travailleurs indpendants ? En 1994, la Cour de cassation, saisie
du cas dune psychologue experte judiciaire, est claire : il sagit dune activit librale1. Puis,
plus rien. Il faut attendre un dcret du 17 janvier 20002 pour que toutes ces personnes soient
finalement rattaches au rgime gnral. Experts, enquteurs sociaux, mdiateurs civils,
administrateurs ad hoc, mdecins experts, dlgus du procureur, etc. se retrouvent alors
soumis aux rgles du rgime gnral. Les cotisations de scurit sociale dues au titre des
assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, [] sont calcules
sur les rmunrations verses mensuellement ou pour chaque acte ou mission, le cas chant,
par patient suivi annuellement , prcise larticle 2 du dcret.
Un texte qui est rest lettre-morte. En 2013, le ministre de la justice, dans une rponse
ministrielle3, le reconnaissait : Ce rgime sapplique une grande diversit de situations,
allant du concours ponctuel, voire exceptionnel, dune personne ladministration, une
activit rgulire pour le compte du service public, pouvant mme constituer lintgralit de
lactivit professionnelle des personnes en question . Pis, selon la Chancellerie, la situation
est trop complexe pour la rsoudre. Au ministre de la justice, la mise en uvre de ce
dispositif savre particulirement complexe en raison du volume des mmoires traits, du
nombre de prestataires concerns et de la diversit de leur situation .
Il est vrai quentre-temps, en 2012, Bercy a dcid que tous ces collaborateurs occasionnels
devaient tre assujettis la TVA et quils navaient aucun rapport avec le statut de salari. Un
peu plus de complication en vue. Sans compter dcidment qu aucun logiciel nest
actuellement en capacit de traiter la fois des prlvements sociaux et lapplication de la
TVA . Contrairement bon nombre dentreprises du secteur priv, il semblerait.
Dans une circulaire du 8 octobre 2013 de la direction des services judiciaires et de la direction
de la lgislation fiscale, les collaborateurs occasionnels sont donc finalement soumis la
TVA. Reste que personne ne sait si cela est fait partiellement, en totalit ou pas du tout. Le
trsor franais continue ne recevoir ni TVA ni impt sur le revenu. LURSSAF continue
ne pas recevoir de cotisations sociales sur ces montants. Madeleine, elle, ne dclare toujours
pas les revenus de son travail et le tribunal non plus, dailleurs. Une situation quelque peu
cocasse de la part dun ministre dont lune des missions est notamment de lutter contre le
travail illgal. Il suffit de jeter un il au Bulletin officiel du ministre de la justice pour
retrouver les circulaires adresses notamment aux procureurs relatives la mise en uvre
du plan national de coordination de la lutte contre la fraude pour 2011 (7 juin 2011) ou
relative au plan national de lutte contre le travail illgal (5 fvr. 2013).
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La Cour des comptes sest galement penche sur la question. Dans un rapport de 2012 sur les
frais de justice, les magistrats sinterrogent sur certains facteurs de laugmentation des frais de
justice en prix et en volume. Le dcret de 2000 prvoit ainsi en application de cette loi le
calcul de la part employeur des cotisations sociales des COSP. Le cot de cette mesure, qui
na encore reu aucune application, est estim 30 millions deuros dans le dernier budget
triennal. Lapplication des prlvements sociaux apparat pourtant difficilement compatible
avec lassujettissement la TVA cette taxe ayant vocation sappliquer une activit
conomique exerce sans lien de subordination . La Cour ajoute quil est urgent
dexaminer la combinaison des rgles sociales et fiscales applicables aux rmunrations des
expertises judiciaires au risque de crer des difficults de financement budgtaire . Et
dajouter que, selon lestimation de la Chancellerie, lapplication cumule des charges
patronales et de la TVA aurait pour effet daugmenter la dpense en matire dexpertises
judiciaires de plus de 40 % . Une valuation qui ne prend en compte que les experts
judiciaires. Et sachant que, selon lestimation de la Chancellerie, seuls 53 % des mmoires
de frais sont pays dans lanne au cours de laquelle lexpertise a t effectue 4.
Lurgence il ny en a pas, pour linstant. Les gardes des Sceaux successifs ont t alerts.
Rachida Dati, en 2008, dans un courrier adress Dominique Balmary, prsident de
lUNIOPSS5, tait trs claire : Je souhaite vous assurer de ma volont de voir enfin aboutir
sous mon ministre les ngociations permettant lapplication dune mthode simple qui amne
les professionnels concerns cotiser effectivement aux rgimes sociaux sur les sommes
quils peroivent . Lancienne ministre cite un dcret du 18 mars 2008 qui permet
lemployeur de retenir une rmunration lacte ou la mission comme assiette de calcul de
cotisations. Sauf que, quelques lignes plus tard, Rachida Dati conditionne la mise en
application de ce texte au dveloppement de moyens techniques et budgtaires.
Le snateur Jean-Pierre Sueur, prsident de la commission des lois, sest galement fendu
dune lettre lactuelle garde des Sceaux. Christiane Taubira lui rpond par crit le 20 aot
2013. Selon le ministre, la mise en uvre de ce dispositif savre particulirement complexe
en raison du volume de mmoires traits, du nombre de prestataires concerns et de la
diversit de leur situation . Des actions ont nanmoins t entreprises : le ministre a obtenu
des modalits de calcul simplifies pour les cotisations verser lURSSAF, il a rationalis
le circuit de traitement des mmoires de frais et a prvu la modification du logiciel implant
dans les juridictions pour raliser le calcul des prlvements sociaux . Sauf que, encore une
fois, la modification du prologiciel na pu aboutir et les volutions ont t reportes la
ralisation du nouveau logiciel webis de gestion des frais de justice interfac avec Cur
Chrorus . Pas simple, effectivement.
Alors, le 21 janvier 2014, la Chancellerie, le ministre des affaires sociales et Bercy ont
missionn lInspection gnrale des services judiciaires sur le rgime social et fiscal des
collaborateurs occasionnels du service public et leurs modalits de gestion . La lettre de
mission prcise bien que lapplication concrte de la rglementation en vigueur est toutefois
partielle et trs disparate []. Cette situation est porteuse de risques juridiques : le non-
paiement des cotisations sociales a donn lieu des condamnations de ladministration par les
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juridictions administratives, en raison du prjudice cre par labsence de droits retraite.
Labsence de dclarations sociales de la part des administrations a, en outre, facilit
loccultation de ces sommes limpt sur le revenu par certains professionnels, tandis que
labsence de facturation de la TVA pour certaines activits pourrait tre susceptible
dentraner des procdures dinfraction de la part des instances europennes . Le rapport a
t rendu en juillet la Chancellerie. Depuis, chut. Les conditions et difficults de mise en
uvre des rgles du rgime social COSP sont connues et font rgulirement lobjet de
discussions au plan interministriel []. Les recommandations du rapport sont actuellement
ltude afin de faire voluer la situation , a rpondu la Chancellerie. Contacte galement, la
Caisse nationale du rseau des URSSAF (ACCOS) na pu apporter les lments de rponse
requis .
Martigues, Christiane Taubira tacle les associations socio-judiciaires
Ce sont dabord les associations socio-judiciaires qui se sont plaintes de la situation
ingalitaire entre collaborateurs occasionnels, personnes physiques, et collaborateurs
travaillant au sein dassociation. Les 19 et 20 juin dernier, lors du congrs national des
fdrations Citoyens et Justice et INAVEM, Thierry Lebhot, prsident de Citoyens et Justice,
est revenu la charge sur ce sujet, devant le garde des Sceaux. Nos associations demeurent
une variable dajustement tandis que prosprent des personnes physiques, il faut que je vous
le dise aussi, dlgu du mdiateur du procureur que je continue de qualifier de travailleur au
noir au ministre de la justice, ce qui est quand mme une situation dlicate pour un ministre
charg de poursuivre les dlinquants . Christiane Taubira rpond dun seul trait. Nous
veillerons ce que de telles situations, en tous les cas quil y ait des raisons il peut y avoir
des raisons objectives, hein, nayons pas un prjug de fantaisie de la part du parquet qui
dcide dinterrompre le travail avec une association. Ceci tant, il peut y avoir une difficult
ponctuelle, il faut la regarder, faire en sorte quon y apporte des correctifs, que ces difficults
ponctuelles naient pas pour consquence un sort fatal lassociation [] Je me suis permise
de regarder vos rsultats financiers [sadressant Thierry Lebhot, ndlr], je me suis rendue
compte que vous avez une trs bonne gestion [rires dans la salle, ndlr] et que nous avons
quand mme maintenu le niveau dintervention du ministre auprs de votre association et
vous avez de beaux rsultats. Donc, je vous fais mes compliments et a nuance le sentiment
de catastrophe que jai eu un peu un certain moment en vous coutant . Le prsident de
Citoyens et justice tente dintervenir. Christiane Taubira cingle, en souriant. Vous navez
pas la parole .
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15 Aot 2014
Un fabricant de trompettes cribl de dettes,
faute d'tre pay par l'arme
Par France tv info 15 aot 2014
https://fr.news.yahoo.com/fabricant-trompettes-cribl%C3%A9-dettes-faute-d%C3%AAtre-
pay%C3%A9-larm%C3%A9e-141234638.html
En quatre ans, il a fourni 400 instruments de musique l'arme. Mais depuis la dernire
livraison, en juin, la Grande Muette fait silence radio. Un commerant de Lille (Nord) est
cribl de dettes cause des retards de paiement de l'arme, rvle Mediapart, jeudi 14 aot.
Alors que l'Etat lui devrait plus de 240 000 euros, l'entreprise Cuivre et bois est dsormais
dans une situation critique, puisque ses cranciers l'ont assign au tribunal. "Si l'arme ne
paye pas, clairement, on sera KO", rsume Pierre Vicogne, interrog par France Inter.
D'autres PME souffrent de retards de paiement de l'arme
L'arme s'est refuse tout commentaire. Mais selon Mediapart, des sources auraient voqu
des livraisons incompltes ou en mauvais tat pour justifier des non-paiements.
Au total, quelque 3600 PME sous contrat avec le ministre de la Dfense souffrent de retards
de paiement, selon la dpute de Moselle Anne Grommerch. Pierre Vicogne n'est, semble-t-il,
pas le seul se plaindre.
Des trois choses lune. Soit lEtat a des difficults et ne peut rgler ses fournisseurs. On voit alors que lEtat, qui dtruit les vies de ceux qui ont une dette envers lui (mme quand cette dette est le rsultat de son racket) se comporte ensuite comme eux quand il est dans le mme cas, car comment
faire autrement ? Pas plus que nous, il ne fait pousser de largent dans des pots de fleur. Soit il sagit de ngligences, et l encore il y a une diffrence de traitement injustifiable entre lEtat et nous. Lui nest pas sanctionn, mme sil accule la faillite des centaines dentreprises. Par contre le particulier ou lentreprise ngligent le paie dune vie gche, et parfois perdue. Soit le retard est volontaire, justifi par des choix de gestion. On est alors dans le mpris absolu des
citoyens, qui eux ne peuvent se permettre une telle facilit.
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6 avril 2005
En rangeant quelques affaires au grenier, japerois au fond dun carton deux billets de thtre
jaunis et dchirs. Et je me souviens. Ctait au printemps 1990, jhabitais Lyon. Le Thtre
des Clestins, gr par la commune, donnait la pice Romo et Juliette . Jy invite une
amie, et je prends lavance deux billets. Le soir du spectacle, nous nous y rendons avec mon
vhicule. Arrivs sur place, impossible de se garer : un kilomtre la ronde, la moindre
place de stationnement est occupe (probablement par les spectateurs puisque dans ce secteur,
il ny a rien dautre que le thtre).
Aprs avoir tourn un long moment, je finis par dnicher une place assez loigne. Je me
gare, et nous filons au pas de course vers le thtre. Nous sommes en retard, alors que nous
tions partis largement lavance.
Qui pouvait prvoir un tel encombrement ? Arrivs la caisse, nous donnons nos billets
quon nous rend poinonns. Nous pouvons aller nous installer.
Il sagit dun amphithtre en plein air. Nous devons parcourir quelques dizaines de mtres
partir de la caisse pour y arriver. La pice est dj commence et nous entendons les acteurs
dclamer. Vite, essayons de ne pas manquer tout le dbut.
Nous voil au sommet de lamphithtre. En face de nous l bas, la scne et les acteurs qui
nous font face. A nos pieds, nous tournant le dos, les spectateurs sur leurs gradins. Est-ce
possible ? Il ny a pas une place libre. Pas une. Impossible de sy tromper : cette fin de
journe est encore ensoleille et on y voit parfaitement. Les spectateurs sont serrs comme des
sardines dans leur bote et on ne pourrait mme pas poser une fesse sur le bout dun banc.
Nous voyons sur les cts dautres attards qui semblent aussi dsempars que nous.
Il faut nous rendre lvidence : la direction du thtre a fait du surbooking . Elle a vendu
plus de billets quil ny a de places disponibles. Je sens la colre me gagner. Tout ce temps
perdu, pour aller chercher les billets au centre de Lyon en plein aprs-midi plusieurs jours
lavance, prendre mon amie en voiture ce soir de lautre ct de la ville, chercher une place,
remonter pied la longue distance nous sparant du thtre. Le projet de passer une bonne
soire. Tout a pour a.
Il y a non loin de nous deux employs municipaux chargs de canaliser les spectateurs,
auxquels un couple est all demander des explications, mi-voix pour ne pas perturber le
spectacle. Nous nous approchons, et entendons le mpris des deux grouillots : il fallait arriver
lheure disent-ils en substance. Une telle btise nous met hors de nous. Ds lors quil ny a
pas assez de places, il devait ncessairement y avoir des gens debout. Le ton monte. En ce
lieu conu selon les lois de lacoustique, les clats de voix arrivent jusque sur la scne o les
acteurs sinterrompent et lvent leurs regards vers nous, imits par les spectateurs qui se
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retournent. Gns, les deux sots nous disent voix basse et lair soudain radouci : venez, on
va vous rembourser , et nous ramnent vers le guichet.
A une dizaine de mtres de celui-ci ils sarrtent, le visage nouveau ferm, et nous font
signe de nous adresser la guichetire. Laquelle, visiblement habitue ce stratagme, refuse
tout remboursement avec la mme arrogance que ses deux collgues. Nous avons t jous :
le but des deux larrons tait de nous loigner des gradins et nous empcher dy retourner.
Cen est trop. Il y a devant le guichet un groupe dune dizaine de personnes furieuses, tandis
que dautres reviennent du haut de lamphithtre dans les mmes dispositions. Lambiance
devient lectrique, ce que voyant, le personnel va chercher les policiers de faction
lextrieur. Nous leur exposons la situation, qui ne semble gure les intresser. Eux, leur seul
problme cest lordre. Jessaye de calmer les esprits et propose celui qui semble leur chef
de bien vouloir monter jusquau sommet de lamphi, afin de constater quil nexiste pas une
seule place libre. Il refuse : ce nest pas une infraction pnale dit-il, ce qui est (en principe)
vrai. Jessaye dargumenter : si les choses dgnrent il y aura bien dlit de notre part et cest
dailleurs pour cela que la police vient dtre sollicite. Ds lors elle peut constater ltat de
fait susceptible de provoquer ce dlit, dautant quelle est sur place. Peine perdue, cest un
raisonnement trop compliqu pour ce gardien de la paix, qui nous propose, afin de se
dbarrasser de nous, de dposer une main courante au commissariat le lendemain, formalit
parfaitement inutile en lespce.
Constatant que la tension a baiss dun cran, les policiers scartent mais restent non loin du
guichet, lil sur nous. Je tente alors de convaincre les autres pigeons dchanger nos
coordonnes afin de dposer une rclamation collective auprs du thtre ou de la mairie,
voire une action en justice, leur prcisant que je suis avocat. Une action en justice ? Cest
comme si je leur avais propos de jouer dans un film porno. Un seul accepte de me donner ses
nom et adresse. Lternelle lchet, le fatalisme, les bof, ils sont plus forts que nous .
Nous partons. Dans la voiture, La qui ne dcolre pas, me dit : ils ne savent pas sur qui ils
sont tombs faisant allusion mes mystrieux pouvoirs davocat. Je mabstiens de la
dtromper, ntant que trop conscient de mon impuissance. Ds lors que nous ne sommes que
trois, sans preuve, aucune action judiciaire na de chance daboutir.
Le lendemain je massois mon clavier et cris une belle lettre la direction du thtre avec
copie la mairie, dans laquelle je relate les faits, et demande le remboursement des trois
billets. Je suis aussi aimable que possible, soulignant notre intrt pour les activits culturelles
de la Ville, notre certitude (inexistante cela va de soi) quil y a l une bvue ponctuelle dans la
gestion des places. Bien entendu jcris comme particulier, et ne fais aucune allusion une
action en justice que je sais voue lchec.
Je ne recevrai jamais la moindre rponse.
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Combien de centaines, de milliers de personnes ont-elles t ainsi gruges sans recours
possible par une personne publique, sous la protection de la police ?
23 avril 2005
Un journaliste du Parisien relate brivement dans ldition de ce jour la scne anodine dont il
a t tmoin sur la route. Alors quil roulait la vitesse limite autorise sur cet axe, soit 110
km/h, lil riv au compteur pour ne pas la dpasser, il se fait doubler par une voiture de
gendarmerie.
Ni gyrophare ni sirne, donc pas durgence. Du coup le conducteur derrire le journaliste,
enhardi par cet exemple en fait autant. Un peu plus loin notre journaliste voit la voiture de
gendarmerie arrte et leurs occupants discuter tranquillement devant le vhicule : cest la
confirmation quils ntaient pas presss.
Et le rdacteur de faire un commentaire amer : ainsi ceux qui reprsentent la loi
Je nai pu mempcher de sourire avec attendrissement devant cette indignation pure et saine.
Cest exactement ce que je ressentais autrefois, avant dtre dniais par tout ce que je raconte
ici, et le reste.
20 septembre 2005
Le Tribunal Correctionnel de BOBIGNY devait juger un Camerounais de 19 ans en situation
irrgulire qui avait refus de sembarquer dans lavion devant le ramener chez lui aprs un
arrt dexpulsion.
Chaque semaine ce tribunal juge des fournes dtrangers dans cette situation. Ils sont
condamns une peine de prison et aprs lavoir purge, sont nouveau conduits dans
lavion o en principe tout peut recommencer ; cependant en pratique les forces de lordre,
lors de ce deuxime embarquement, utilisent la contrainte physique adquate. Et personne
nen entend parler.
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Mais cette fois, lhomme bnficiait dun comit de soutien constitu par lextrme gauche et
les organisations de dfense des immigrs.
Lavant-veille, soit dimanche 18 septembre, plusieurs dizaines de ses sympathisants lavaient
attendu laroport et soutenu physiquement, provoquant des chauffoures avec les forces
de lordre. Celles-ci ont donc renonc lembarquer et lont prsent au Parquet, qui la
renvoy en correctionnelle laudience daujourdhui.
Quatre cents immigrs et militants manifestaient avant laudience dans la cour du tribunal.
Entre-temps la presse avait largement couvert lvnement : ce jeune homme avait un enfant,
il prparait son bac
Alors lEtat a capitul. Le Ministre Public a renonc aux poursuites et lhomme ne sera pas
jug. En outre le ministre de lintrieur lui dlivre un titre de sjour provisoire dun an, dont
le caractre dfinitif na chapp personne.
Le ministre de lintrieur Sarkozy, qui se prsente comme le champion de la fermet face la
dlinquance sous toutes ses formes, et donc limmigration clandestine, a fait comme les autres
avant lui et aprs lui : il a montr que lEtat de Droit est le cache-sexe de lEtat de Force.
Si cet homme avait t seul, on lui aurait appliqu la loi dans toute sa rigueur, comme on le
fait rgulirement pour ses coreligionnaires. On aurait mme viol la loi pour tre plus svre
si tel avait t le bon plaisir des dcideurs. Lhomme isol a toujours tort, le nombre lemporte
toujours.
Si laudience du Tribunal stait tenue, les magistrats, qui jugent souvent en faveur de ceux
qui font le plus de bruit, auraient probablement rendu une dcision indulgente.
Jai assist il y a une douzaine dannes ma premire audience devant le Tribunal
Correctionnel de BOBIGNY. Une salle bonde o sentasse une faune forte proportion de
jeunes immigrs venus soutenir leurs copains qui comparaissent pour des larcins, des
violences, des outrages. Et plusieurs trangers expulss ayant refus dembarquer.
Lambiance est celle dune classe indiscipline face un professeur dpass. Une prsidente
blase qui ne cherche mme plus faire cesser le brouhaha. Des quolibets qui fusent a et l.
Un seul policier de faction avec un air de brave pre de famille qui se demande ce quil fait l.
Et la peur. Tacite. Latente. Pas celle des prvenus qui doivent tre jugs : ils la cachent. Pas
celle de leurs proches qui sont dans le public et qui font de mme. Non, la peur des victimes,
de leurs proches qui sont l aussi, des tmoins. Et des juges, qui sefforcent de donner une
image impassible, mais qui nosent faire taire les perturbateurs, encore moins les faire
expulser.
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Certes des condamnations sont prononces. Mais qui peut jurer que dans cette ambiance, les
juges ont tranch comme ils lont voulu ? Mme si cest le cas, la suspicion planera toujours.
Le rapport de force, encore et toujours.
10 octobre 2005
La presse rapporte que le nouveau Ministre de la Justice, Pascal Clment, issu du Barreau, a
prsent devant les dputs un projet de loi portant aggravation des peines de la rcidive. Il sagit
donc de faire en sorte quun dlinquant rcidiviste soit puni plus svrement quil ne lest
actuellement : pourtant depuis toujours la rcidive est sanctionne plus durement que le dlit
initial, mais le gouvernement ne sait comment faire pour montrer lopinion quil se proccupe de
la dlinquance, alors il sagite comme une mouche dans un bocal.
Et voil la proposition du ministre-avocat. En ce qui concerne les dlinquants sexuels rcidivistes,
le projet prvoit quaprs leur sortie de prison, ils seront placs sous surveillance lectronique
permanente grce un bracelet lectronique quon leur imposera de porter.
Quoi quon pense de la mesure, lessentiel nest pas l mais dans la suite. Car le ministre veut que
la mesure sapplique aux dlinquants qui ont t condamns avant ladoption de la loi. Autrement
dit celle-ci serait rtroactive. Or la non rtroactivit des lois est inscrite dans la Dclaration des
Droits de lHomme (art.8) dont la France est si fire, et laquelle le prambule de notre
constitution fait explicitement rfrence.
Notre ancien protecteur des droits de lhomme devenu ministre veut donc violer ouvertement ces
deux textes fondamentaux de la Rpublique. Sachant que le Conseil constitutionnel annulerait la
loi coup sr, que fait-il ? Il demande aux dputs, aprs avoir reconnu que son projet nest pas
conforme la Constitution, de ne pas saisir le Conseil Constitutionnel.
Un vnement aussi inou a d rarement se prsenter dans la vie parlementaire, en tout cas sous la
V Rpublique.
Le toll est tel, dans la presse notamment, que lavocat-ministre doit retirer son projet pour le
transformer en lui donnant un air plus convenable.
Dans un vritable Etat de Droit, ce ministre, supposer quil puisse avoir une ide aussi
choquante, devrait dmissionner. Mais non. Le gouvernement peroit cela comme une gaffe, quil
demande limprudent de rparer.
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Nous avons l une partie visible de liceberg. Ce Garde de Sceaux, comment se comporte t-il dans
lexercice de son ministre ? Cet avocat-gardien-des-liberts , qui aurait t scandalis si un
autre avait fait une telle proposition, combien dindlicatesses a-t-il commis lorsquil tait au
barreau, sans consquences ds lors quil tait docile avec les dtenteurs du pouvoir ? Et combien
y a-t-il de comportements attentatoires au droit, la morale, chez ceux qui sont censs les incarner,
sans que lopinion en soit informe car ce nest pas assez spectaculaire ?
2 novembre 2005
La banlieue parisienne est en feu. Il y a quelques jours trois adolescents de CLICHY SOUS BOIS
(93), poursuivis ou non par la police (le fait nest pas clairement tabli mais na aucune
importance) staient rfugis dans un transformateur E.D.F. malgr lavertissement bien visible
qui sy trouvait plac. Deux sont morts lectrocuts, lautre a survcu avec de srieuses blessures.
Aussitt un scnario bien rd depuis des annes a t rejou. Un jeune dun quartier
difficile ne doit pas mourir de mort violente quelle quen soit la cause (bagarre entre deux bandes
rivales, poursuite avec la police) sans que la collectivit en fasse les frais. Voitures brles,
abris-bus dtruits, pompiers recevant des jets de pierre alors quils ne font que porter secours aux
blesss, et teindre les incendies, sont la rponse automatique tout dcs brutal.
A chaque fois, les sociologues en chaise longue, les hommes politiques dmagogues et
irresponsables, certains journalistes, aucun nayant jamais approch un seul de ces jeunes , se
penchent gravement sur le phnomne et donnent leur diagnostic. Il faut comprendre ces
jeunes . Ils mnent une vie difficile. Sont victimes de racisme. Nont pas davenir. Et on ne leur
propose que la rpression, qui ne rsout rien. Alors quand au surplus lun deux meurt
violemment, cest trop, cest lexplosion. Il faut soccuper deux , les prendre en charge, leur
fournir du travail, des loisirs
Les pouvoirs publics, interpells par lopposition ou certains groupes de pression, cherchent
calmer le jeu . Pas question de punir svrement les auteurs de toutes ces dgradations, souvent
ruineuses, qui seront payes par le contribuable. On en arrte quelques uns, on les relche presque
tous sans poursuites, et les deux ou trois qui sont trop compromis passent tout de mme en
jugement (il faut bien garder la fiction dun Etat de droit). Les magistrats, qui comprennent ce
quon attend deux, leur infligent une peine lgre, afin de ne pas attiser les braises.
Les parents des victimes deviennent pour quelques jours les vedettes des mdias. Ils lancent un
appel au calme, disent quil faut avoir confiance en la justice (et les juges comprennent
parfaitement le message). Demandent tre reus par les autorits, qui bien entendu sexcutent :
prfet, ministre, voire premier ministre, promettent que toute la lumire sera faite sur ce drame .
A la sortie de lentretien, les journalistes les assaillent comme des personnalits de premier plan.
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Dans les jours qui suivent, les journaux et magazines font leurs choux gras de lvnement, avec
interview du sociologue de service, reportage dans le quartier chaud concern ou dans un autre
identique. Et toujours le mme esprit : il faut traiter la dsesprance de ces quartiers, sinon cela va
recommencer.
Pendant ce temps, dans la modeste chambre dun foyer ou dans un appartement do il est menac
dexpulsion, un chmeur honnte et anonyme rumine sa rancur. Lui, personne ne lui demandera
rien et ne fera rien pour lui, car il ne fait pas de bruit.
Pendant ce temps, des millions de franais qui connaissent ces jeunes mieux que ceux qui en
parlent, enragent. Ils savent que ce sont pour lessentiel des tres dcervels, avec qui aucun
dialogue nest possible. Que leur dsesprance nest pas pire que celle dautres catgories de la
population, qui ont le tort de ne rien brler. Que la casse est pour eux un jeu excitant, comme on le
voit chaque anne Strasbourg, o les voitures incendies Nol sont une tradition locale au
mme titre que la Feria de Nmes ou la braderie de Lille
Faut-il tre stupide pour sen prendre des pompiers ou leur caserne parce que dans le cerveau
atrophi de ces demeurs, ceux qui portent un uniforme, ont un vhicule avec gyrophare et sirne,
reprsentent lAutorit, comme la police ?
Je suis avocat et jai souvent approch ces individus en tant que commis doffice. Je les connais
mieux que nimporte quel universitaire perch sur son nuage. Je nai presque jamais pu avoir un
change cohrent avec eux.
Quel que soit leur ge, ils ont dix ans. Comme pour un gosse, il est inutile dessayer de leur faire
prendre conscience de ce quils ont fait. Il faut seulement quils sachent que leur acte a un prix, et
le leur faire payer. Alors la peur de le payer nouveau les retiendra dans lavenir.
Cela nempche videmment pas une politique intelligente de prvention, et de rinsertion aprs la
prison, quand cela est possible. Mais les intellectuels brumeux pour qui la rpression ne rsout
rien sont aussi dangereux que ceux quils dfendent.
Jai entendu un jour la tlvision un avocat pnaliste tenir un discours hallucinant. Un pnaliste
ne pratique que le droit pnal, et a donc essentiellement pour clientle des dlinquants, petits et
grands (il prfre bien sr les grands, cest plus valorisant).
A un certain moment il a dit : il faut fermer toutes les prisons. Elles ne servent rien . Question
(logique) du journaliste : par quoi les remplacer ? . Rponse (consternante) : ce nest pas mon
problme. Je ne suis pas un constructeur, je suis un dnonciateur. .
Je suis rest bouche be. Quajouter cela sinon que sous la mme robe, nous ne faisons pas tous
le mme mtier ? Quil peut y avoir autant de diffrence entre deux avocats quentre deux citoyens
lambda ? Contrairement ce que pense lopinion, tous les avocats nont pas dempathie avec les
voyous.
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Alors aujourdhui, une nouvelle fois, lEtat de Droit cde devant ltat de force. Le premier
ministre annule son voyage au Canada et promet quon va rsoudre les problmes sociaux qui se
posent ces jeunes . Car bien sr ce sont les problmes sociaux qui ont tout cass, non les
jeunes .
Et ceux qui comme moi sont seuls, anonymes, impuissants face larbitraire de lEtat et de tous les
dtenteurs du pouvoir, saigrissent un peu plus. Car cest un exemple supplmentaire de ce que la
loi masque les rapports de force.. Les jeunes et leurs groupes de pression sont plus forts que
lEtat.
5 dcembre 2005
Le Monde dat daujourdhui publie un article sur lapplication des lois en France. Daprs un
rapport alarmiste du Snat, depuis 1981 une loi sur cinq vote par le Parlement na jamais t
applique parce que le dcret ncessaire son application na pas t pris par le gouvernement.
Nest ce pas beau lEtat de Droit ? On lit des dputs et des snateurs qui conformment la
Constitution, votent des lois. Quand lune delle ne plait pas au gouvernement et quun dcret
dapplication est ncessaire (ce qui nest pas toujours le cas), il suffit au gouvernement de ne rien
faire : enterrement de premire classe.
Ainsi lAdministration ne viole pas seulement le droit, mais aussi la dmocratie. Vive lEtat de
Force.
16 janvier 2006
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LExpress du 12 au 18 janvier enqute sur linscurit dans les trains, aprs deux pisodes
rcents qui ont particulirement choqu lopinion. En rgion parisienne sur la ligne allant de
Mantes-la-Jolie Conflans-Sainte-Honorine, les loubards ne paient plus le transport, avec
lassentiment tacite des pouvoirs publics. Voil ce que dit un conducteur (P. 52) : pour ces
jeunes, la gare et le train sont le prolongement de leur territoire. Certains trains sont les leurs, ils
ont leur voiture, - souvent la dernire. Il y a un semblant de compromis : sils ne font pas le bazar,
on les laisse tranquilles, on ne vient pas les chercher . On ne leur demande mme pas davoir
un billet, mais juste davoir un comportement qui ne soit pas trop drangeant. Sinon tous les
samedi aprs-midi ce serait la bagarre.
Un autre : je me rappelle quun jour les contrleurs avaient bloqu des jeunes sans billet. Le
maire de Mantes-la-Jolie lui-mme est descendu en gare pour demander quon les laisse prendre
le train : il ne voulait pas les garder parce quils cassaient tout en ville .
Cest beau lEtat de Droit, nest ce pas ? Un individu isol na pas de billet. Il reprsente une force
de nuisance nulle, on lui appliquera la loi dans toute sa rigueur. Vingt voyous nont pas de billet et
menacent de tout casser si on leur en demande un : ne vous fchez pas, ce nest pas si grave.
La farce de lEtat de Droit, lomniprsence de lEtat de Force, linexistence de lindividu face aux
pouvoirs et aux groupes de pression. Voil ce quest notre belle socit.
20 janvier 2006
Lexpress de cette semaine en page 20. Sous le titre petits arrangements sont relats les
passe-droits dont bnficient quelques clbrits, sur le dos de lEtat de Droit.
Il y a le cinaste Luc Besson qui obtient de la Prfecture de Police de Paris que lon bloque une
rue pour une soire entre amis ou des travaux son domicile .
Il y a Catherine Deneuve qui exige que lon vide de ses convives la salle de certains restaurants
quelle frquente, afin que soit prserve sa tranquillit (encore que l les pouvoirs publics ne
soient pas en cause ).
31
Il y a Nathalie Baye, dont la voiture, stationne depuis plusieurs semaines au mme endroit
Paris, na pas eu le moindre P.V., les pervenches de son quartier ayant appliqu la consigne : pas
de prune pour lactrice.
Dans un numro prcdent, le mme journal (semaine du 1er
au 7 dcembre 2005) voquait (P. 24)
lincarcration de lacteur Samy Nacery aprs quil ait sauvagement agress et dfigur un pauvre
bougre qui venait lui livrer des tee-shirts avec un peu de retard. Lacteur, ancien dtenu, bagarreur
impnitent et dangereux, avait lui aussi bnfici jusqu ce moment de la comprhension slective
et slecte de la haute administration. Le cabinet de M. Sarkozy a certes estim cette fois que le
personnage tait trop gravement impliqu. Mais larticle rapporte avec beaucoup de
circonlocutions que mme ses plus proches amis tel Jean Reno- ont renonc solliciter le
ministre de lintrieur comme ils ont parfois t tents de le faire, par le pass .
Vous qui avez lu ce journal jusque-l, cela vous tonne encore ?
Mise jour du 20/3/2014 : article ci-desssous
La femme de Manuel Valls prise en flagrant dlit de passe-droit Le Point.fr- Publi le 19/03/2014 10:31
Anne Gravoin a us de ses relations pour faire sauter le P-V de stationnement d'une amie mal gare dans la rue du 11e arrondissement o vit le couple.
Les passe-droits dans la police sont une tradition... rpublicaine. Ce n'est pas Anne Gravoin,
l'pouse violoniste du ministre de l'Intrieur, qui dira le contraire. Le 28 janvier dernier, 10 h
30, un agent de surveillance de la voie publique (ASVP) verbalisait les vhicules dmunis de
ticket de stationnement ou gnant la circulation dans la rue o rsident les poux Valls,
situe dans le 11e arrondissement de Paris. La pervenche s'en tient au rglement et aligne
ses amendes dans la plus stricte galit des conditions. Lorsqu'elle appose sa contravention
sur une voiture de marque Toyota gare sur un bateau pav, un gardien de la paix lui
ordonne de ne pas la verbaliser. "Trop tard, c'est dj fait !" lui lance-t-elle. Le policier n'tait
pas l par hasard. Le matin mme, il avait reu un appel d'Anne Gravoin "via le tlphone de
service" pour le prvenir qu'une amie venait lui rendre "une visite strictement prive" en
Toyota, comme il est crit dans son rapport "pour verbalisation intempestive" destin sa
hirarchie que Le Point.fr a pu consulter. Dans ce cadre, elle rclamait l'indulgence des
forces de l'ordre pour son amie ventuellement mal gare.
SDF dplacs
Lorsque l'pouse du ministre de l'Intrieur sort de chez elle vers 12 h 30, le gardien de la
paix lui narre sa msaventure, insistant sur le fait qu'il a "tout fait pour empcher cela", c'est-
-dire la verbalisation de l'automobile de son amie. "J'appelle immdiatement Manuel",
s'nerve la musicienne prfre de Manuel Valls. Deux heures plus tard, un commandant du
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groupe de scurit du ministre de l'Intrieur (GSMI), qui dpend de l'ex-Service de protection
des hautes personnalits (SPHP devenu Service de la protection), prend contact avec le
gardien de la paix pour lui dire "qu'il s'occupait de faire le ncessaire".
Ce n'est pas la premire fois que l'pouse de l'ex-ministre le plus populaire du gouvernement
Ayrault use de ses relations pour obtenir des faveurs de la part de la police. Agace par le
nombre de SDF qui frquentent son quartier, elle avait demand aux lotiers de les dplacer.
Le ministre de l'Intrieur avait dmenti l'intervention de sa femme.
Mais parfois, ce sont les policiers qui font preuve d'un zle certain auprs des proches du
titulaire actuel de la Place Beauvau. Ainsi, lorsque son ex-femme, mre de ses quatre
enfants, s'est fait voler son sac main en fvrier 2013 vry (Essonne), la hirarchie a
mobilis la police technique et scientifique pour retrouver les auteurs du larcin. Dlest de
son argent et de ses cartes bancaires, l'objet avait t retrouv Corbeil-Essonnes dans le
quartier sensible des Tarterts. C'est le commissaire en personne qui tait venu rapporter le
sac main au domicile de sa propritaire. Les prlvements ADN pour confondre les
coupables ont fait moins de bruit que ceux effectus pour arrter les voleurs du scooter du
fils de Nicolas Sarkozy en janvier 2007.
2 novembre 2006
En prenant mon caf ce matin jcoute France-Infos. LEtat de Force vient une nouvelle fois de se
montrer avec une lumineuse clart. A Roubaix les gendarmes ont voulu perquisitionner chez un
gros trafiquant de stupfiants, habitant dans un quartier sensible . Comprenez un endroit o les
voyous font la loi, interdisant lentre tous ceux qui ne leur plaisent pas, commencer par les
reprsentants de lordre.
Le Prfet, afin dviter un trouble lordre public a interdit aux gendarmes de faire leur
perquisition. Bien videmment le trafiquant alert, a eu tout le loisir de prendre ses dispositions,
voire de disparatre. Le Prfet est satisfait : lordre rgne. Cest celui des voyous ? Peu importe.
LEtat vient de se comporter exactement comme un Etat mafieux, la motivation en moins : il ne
sagit certes pas de partager largent de la drogue, mais dans les deux cas le banditisme dicte sa loi,
et celle de lEtat sefface de faon officielle, assume, dans un partage implicite du pouvoir.
Si les bandes qui mettent ce quartier en coupe rgle navaient pas t assez fortes pour faire
planer une menace dmeute, si le trafiquant avait habit un quartier tranquille, si lindividu
impliqu navait eu aucun pouvoir de nuisance, la justice et suivi son cours.
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Selon que vous serez puissant ou misrable . Toutes les formes de pouvoir permettent de
pitiner la loi, y compris la puissance primitive que confre la force physique. Le misrable, cest
celui qui na aucun pouvoir, quel que soit son statut social.
11 septembre 2007
France info ce matin. Un des fils Sarkozy est poursuivi en correctionnelle pour dlit de fuite aprs
quil ait accroch avec son scooter un automobiliste. Ce dernier ayant relev le numro du deux-
roues avait port plainte.
Jai commenc par ragir ngativement vis--vis de cette nouvelle : quon fiche la paix aux
familles des clbrits. Mais ce qui ma intress cest la suite. Aprs que les policiers aient
retrouv le propritaire du scooter, et constatant qui ils avaient faire, ils nont engag aucune
poursuite. Donc lautomobiliste comme cest son droit, va voir un avocat pour lui demander de le
faire. Toute victime peut en effet faire dlivrer lauteur suppos de linfraction une citation
directe comparatre devant le tribunal.. Et l nouveau, le mur. Deux avocats successivement
contacts refusent dintervenir, pour ne pas avoir dennuis . Le troisime a accept.
Bilan. Dun ct, le parquet qui a pour mission de poursuivre les auteurs dinfraction aurait protg
le fils du Prsident de la Rpublique, et deux avocats ont eu peur dintervenir. Dun autre ct, un
troisime a eu le courage de le faire, et la procdure pnale franaise permet toute victime de
contourner linertie du Parquet.
La bouteille de lEtat de Droit est-elle moiti vide ou moiti pleine ?
1er
octobre 2007
Quand on habite certains quartiers, on vit la peur au ventre. Depuis longtemps R. me disait son
apprhension de rentrer chez elle le soir, de passer devant des groupes dadolescents et jeunes
adultes lair dsuvr, la provocation aux lvres et dans les yeux, semblant guetter le moindre
prtexte de violence. Les bagarres et dprdations de toute sorte sont courantes.
Dans lassociation o elle travaille et dont je suis lavocat, je la rassurais comme je pouvais, mais
je savais bien que ses craintes ntaient pas excessives. Jai vu trop de cas semblables dans des
quartiers semblables. Une femme contrainte de dmnager parce quelle avait os protester
poliment contre lencombrement de lescalier qui lempchait de passer. Un homme menac de
mort, dont on avait incendi nuitamment la porte dentre de lappartement parce quil avait
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tmoign contre lun de ces loubards. Lui aussi oblig de dmnager sous la protection de la
police. Un pre de famille battu mort pour avoir voulu reprendre un vlo vol son fils. Et tant
dautres.
Mais quand on a un petit salaire, on loge o lon peut, c'est--dire souvent dans un logement social
frquent de la sorte.
Ce soir-l elle rentre de son travail, et dans lescalier elle trouve un groupe fumant un narguil.
Elle demande poliment le passage. Pas de rponse. Elle insiste, et reoit en pleine figure le
narguil, accompagn dune borde dinjures. Elle senfuit en hurlant, russit se rfugier chez
elle, o les voyous essayent de pntrer avec une barre mtallique. Terrorise elle appelle la police,
mais son arrive ils se sont volatiliss. Ils ne sont pas de cette monte descalier et elle ne les
connat pas, en outre ils avaient tous une capuche, taient noirs et dans le demi-jour, impossible de
reprer un trait particulier.
Les policiers eurent beau lui montrer des photos de personnes connues de leurs services et ayant
les mmes caractristiques physiques, elle ne put en reconnatre aucun.
Deux semaines darrt de travail. Dpression et angoisse crant linsomnie. Insomnie aggravant la
dpression et langoisse. Il lui fallut recourir aux pilules du bonheur, qui furent avares de leurs
bienfaits. Les jours suivants, les jeunes-en-difficult-dans-des-quartiers-sensibles sont revenus. Ils
tenaient une proie, ils ne la lcheraient plus jusqu ce quelle senfuie pour toujours.
Ils lancent des pierres contre sa fentre au deuxime tage, puis senfuient avant larrive de la
police. Elle nose plus se montrer, la police lui dit quelle ne peut la protger en permanence. Au
cours dune de ses rares sorties, elle a crois deux ou trois de ces vauriens qui ont profr des
menaces dans son dos sans insister : pas assez nombreux cette fois-l.
Elle est alle voir le maire de la commune pour demander tre reloge. On lui a fait de vagues
promesses, et comment pourrait-on aller plus loin ? Si les services municipaux satisfaisaient toutes
les demandes identiques, ils seraient rapidement submergs. En outre ce serait reconnatre le
problme, que les lus locaux minimisent toujours pour prserver limage de leur commune. A-t-
on dj vu un lu reconnatre quil y a chez lui une dlinquance galopante, des zones de non-droit,
des gens terroriss ? Ces informations sont toujours exagres , alarmistes , voire
provocantes . Il faut empcher la chute des prix de limmobilier.
Un adjoint du maire a dit quelquun qu son avis certains exagraient voire inventaient
lagression subie pour pouvoir tre relogs. Le propos est maladroit car cest reconnatre quon
veut partir de certains quartiers
Petit petit, partout les quartiers concerns se vident de leurs habitants socialiss, chasss par les
populations marginalises. Cest alors que les sociologues en chaise longue sindignent : on a
fabriqu des ghettos. Et de rclamer la mixit sociale pour viter une communautarisation de la
socit. Bien entendu ils se gardent de donner lexemple.
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Devant le harclement quasi-quotidien quelle subit, et dans la mesure o elle ne peut pas donner
dlments permettant didentifier les auteurs, les policiers ne prennent mme plus ses plaintes.
Elle ma appel pour savoir ce que je pouvais faire pour elle. Je nai pu quavouer mon
impuissance, mais rvolt par cette situation dont je sais quelle nest pas isole, jai appel la
rdaction rgionale du Parisien o je me suis trouv toute de suite en contact avec la rdactrice en
chef.
Aprs avoir relat les faits, et rappel quel point ils sont frquents, jai demand pourquoi la
presse nen parle jamais, pourquoi une chape de plomb recouvre tant de terreur, dimpunit,
pourquoi la loi de la jungle rgne dans tout un secteur de la socit sans que les journalistes, si
prompts dnoncer les scandales, sen meuvent.
Rponse : on nen parle pas parce que personne ne dit rien la presse. Il faut des informations
pour faire des articles. Or tout le monde se tait. Je suis le premier avocat rvler ces faits. Soit
dis-je, acceptez-vous de traiter le sujet avec mes informations et celles plus ponctuelles de ma
cliente ? Cette dernire rclame lanonymat, quant moi cela mest gal.
Oui me dit la journaliste, cela mintresse. Donnez-moi votre numro de tlphone et celui de la
victime, nous vous rappellerons.
Est-ce possible ? Un journal osera-t-il dire quil fait jour midi, quitte braver le courroux des
voyous, des lus, des idologues ? Oui. Larticle paratra dbut 2008 sur presque une page, avec
photo de dos de ma cliente, son prnom chang. Entre temps elle aura dmnag, tenaille par la
peur. La force aura eu le dernier mot, et continuera de lavoir, comme le relatera larticle ci-aprs
sept ans plus tard, dans un cas voisin.
Mise jour du 11/5/2015 :article ci-dessous
Lenfer de la famille de Roubaix victime de harclement
continue : elle a dormi lhtel dimanche soir
http://www.lavoixdunord.fr/region/l-enfer-de-la-famille-de-roubaix-victime-de-harcelement-
ia24b58797n2818580
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Publi le 11/05/2015
PAR CCILE VIZIER
Lenfer continue pour la famille Godefroy, au quartier du Pile Roubaix. Pour avoir dnonc
les actes dont ils sont victimes au quotidien, leur vhicule a t incendi partiellement dans
la nuit de samedi dimanche. Ils ont accept un relogement durgence.
Leur sort a mu toute la rgion. Victimes de la dlinquance ordinaire 300 m seulement dun
commissariat, Philippe Godefroy, Vanessa et leurs enfants navaient quune hte : quitter le
quartier du Pile et la ville de Roubaix. Aprs un nouvel incident dans la nuit de samedi
dimanche, la mairie a propos de les reloger lhtel dimanche soir.
Barricads chez eux, dans leur maison de la rue Desaix, ils ont ouvert la porte, ce dimanche
matin, Milouda Ala. Ladjointe au maire charge des quartiers est et du logement est venue
annoncer la famille quelle pouvait bnficier dune solution de relogement, dans un htel,
le soir mme.
Llue, en contact rgulier avec ces habitants du Pile, se dit outre par ce qui pourrait tre
des reprsailles. Samedi, vers 2 h 20 du matin, le vhicule familial, une Renault Clio en
location, a t incendi partiellement. Un voisin serait intervenu, permettant de limiter les
dgts (le feu est parti dun pneu, les flammes ont fait fondre une partie du pare-chocs
arrire).
Ce nest que vers 7 h 30 que Philippe Godefroy sen est aperu. Jtais descendu pour
donner le biberon mon fils de 16 mois, indique-t-il. Un voisin a alors frapp ma porte pour
me prvenir. bout de nerfs, lhomme sest une nouvelle fois rendu au commissariat pour
dposer plainte. Ce dimanche midi, il a accept de fuir une situation quil avait os dnoncer
en manifestant avec sa famille mardi dans lhtel de ville de Roubaix.
La municipalit sest engage financer les nuites dhtel, dans lattente dune solution
prenne. Mardi, la famille Godefroy doit rencontrer Guillaume Delbar, le maire UMP de
Roubaix.
4 aot 2015
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Sur France Bleu, un reportage sur lenfer que vivent les habitants honntes des quartiers
sensibles . Les rodos incessants des voyous en motos et squads jusquau milieu de la nuit,
les autres sources de tapage nocturne, ne font lobjet daucune intervention policire, et ce de
faon parfaitement revendique de la part des autorits. Le Directeur Territorial de la Scurit
Publique estime que tout vaux mieux quun affrontement avec les jeunes . Cest ainsi que
les habitants, bout de nerfs, ont beau appeler la police, celle-ci ne bouge pas.
Vous habitez un quartier sans histoire, et vous ftez votre anniversaire, un peu bruyamment
au-del de 22 h. Un voisin excd appelle la police. Celle-ci se dplacera, pourra verbaliser,
et vous pouvez vous retrouver devant un tribunal de police pour tapage nocturne. Cest
suffisamment grave pour quen 2007, la loi ait donn aux policiers municipaux et mmes aux
gardes champtres, la possibilit de verbaliser. Normal : la socit na rien a craindre de
vous.
Vous habitez un quartier sensible, vous appelez la police parce quune dune bande de
voyous pourrit la vie des habitants par ses rodos motocyclistes, les empche de dormir
tandis queux dormiront paisiblement le lendemain jusqu midi : la police a reu instruction
de ne pas bouger. Normal, elle a tout craindre des suites de son intervention : poursuites,
possible accident, meutes, exploitation politique.
Bien sr les responsables de lordre pour se donner une contenance prtendent que les