Antoine Gérin-Lajoie JEAN RIVARD, LE DéFRICHEUR suivi de Jean Rivard, économiste roman Un des joyaux du XIX e siècle québécois. Yannick Roy
Antoine Gérin-Lajoiejean RivaRd, le défRicheuRsuivi de Jean Rivard, économisteroman
Un des joyaux du xix e siècle québécois.
Yannick Roy
Les Éditions du Boréal, rue Saint-Denis
Montréal (Québec) HJ L
www.editionsboreal.qc.ca
Jean Rivard, le déricheursuivi de
Jean Rivard, économise
La collection «Boréal compact classique» est dirigéepar Dominique Fortier.
Antoine Gérin-Lajoie
Jean Rivard, le déricheurRéci de la vie réelle
suivi de
Jean Rivard,économise Postface, chronologie et bibliographie
de Yannick Roy
Boréal
© Les Éditions du Boréal
Dépôt légal: e trimestre
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Diffusion au Canada: DimediaDiffusion et distribution en Europe: Volumen
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Gérin-Lajoie, Antoine, -
Jean Rivard, le défricheur; suivi de, Jean Rivard, économiste
(Boréal compact; )
Éd. originale: Montréal: J. B. Rolland, et .
Comprend des réf. bibliogr.
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I.Roy, Yannick, - . II. Titre. III. Titre: Jean Rivard, économiste.
. ’. --
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NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION
Les textes que nous publions ici reprennent fidèlementceux des deuxièmes éditions parues à Québec en 1874 eten 1876 respectivement chez J. B. Rolland & fils et chezL. J. Demers & Frères.
Nous avons respecté l’orthographe et la ponctuationde ces éditions, nous bornant à corriger les coquilles évi-dentes et à moderniser la présentation typographique.
JEAN RIVARD, LE DÉFRICHEURRÉCIT DE LA VIE RÉELLE
PRÉFACE
La première édition de Jean Rivard, le défricheur, a étépubliée dans Les Soirées canadiennes, en 1862. Le but del’auteur était de faire connaître la vie et les travaux desdéfricheurs, et d’encourager notre jeunesse canadienne àse porter vers la carrière agricole, au lieu d’encombrer lesprofessions d’avocat, de notaire, de médecin et les comp-toirs des marchands, comme elle fait de plus en plus, augrand détriment de l’intérêt public et national. Afin d’enrendre la lecture moins aride, l’auteur crut devoir mêler àson récit certains détails de sa vie intime et divers incidentsqui ont eu l’effet de faire considérer ce récit comme unefiction. L’intention de l’auteur toutefois n’a jamais été defaire un roman, et il peut assurer que dans les faits et inci-dents qu’il raconte, il s’est appliqué avec un soin scrupu-leux, au risque même d’ennuyer les lecteurs frivoles, à nerien dire qui ne fût strictement conforme à la réalité.
Cette nouvelle édition diffère peu de la première. Ona cependant supprimé quelques pages et fait quelques légerschangements, en vue de rendre l’ouvrage plus acceptable àla classe de lecteurs auxquels il s’adresse plus spécialement.
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Les pensées d’un homme fort et laborieux pro-duisent toujours l’abondance; mais tout pares-seux est pauvre.
SALOMON
La hardiesse et le travail surmontent les plusgrands obstacles.
FÉNELON
AVANT-PROPOS
Jeunes et belles citadines qui ne rêvez que modes, bals etconquêtes amoureuses; jeunes élégants qui parcourez,joyeux et sans soucis, le cercle des plaisirs mondains, il vasans dire que cette histoire n’est pas pour vous.
Le titre même, j’en suis sûr, vous fera bâiller d’ennui.En effet, «Jean Rivard»… quel nom commun! que
pouvait-on imaginer de plus vulgaire? Passe encore pourRivard, si au lieu de Jean c’était Arthur, ou Alfred, ou Oscar,ou quelque petit nom tiré de la mythologie ou d’unelangue étrangère.
Puis un défricheur… est-ce bien chez lui qu’on trou-vera le type de la grâce et de la galanterie?
Mais, que voulez-vous? Ce n’est pas un roman quej’écris, et si quelqu’un est à la recherche d’aventures mer-veilleuses, duels, meurtres, suicides, ou d’intrigues d’amourtant soit peu compliquées, je lui conseille amicalement des’adresser ailleurs. On ne trouvera dans ce récit que l’his-toire simple et vraie d’un jeune homme sans fortune, né dans une condition modeste, qui sut s’élever par son
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mérite, à l’indépendance de fortune et aux premiers hon-neurs de son pays.
Hâtons-nous toutefois de dire, mesdames, de peur de vous laisser dans l’erreur, que Jean Rivard était, en dépitde son nom de baptême, d’une nature éminemment poé-tique, et d’une tournure à plaire aux plus dédaigneuses devotre sexe.
À l’époque où se passent les faits qu’on va lire, ilapprochait de la vingtaine. C’était un beau jeune hommebrun, de taille moyenne. Sa figure mâle et ferme, sonépaisse chevelure, ses larges et fortes épaules, mais surtoutdes yeux noirs, étincelants, dans lesquels se lisait uneindomptable force de volonté, tout cela, joint à une âmeardente, à un cœur chaud et à beaucoup d’intelligence, fai-sait de Jean Rivard un caractère remarquable et véritable-ment attachant. Trois mois passés au sein d’une grande cité,entre les mains d’un tailleur à la mode, d’un coiffeur, d’unbottier, d’un maître de danse, et un peu de fréquentationde ce qu’on est convenu d’appeler le grand monde, eneussent fait un élégant, un fashionable, un dandy, un cava-lier dont les plus belles jeunes filles eussent raffolé.
Mais ces triomphes si recherchés dans certaines classesde la société n’avaient aucun attrait pour notre héros, etJean Rivard préféra, comme on le verra bientôt, à la vie dulion de ville celle du lion de la forêt.
I
Jean Rivard vint au monde vers l’an 1824, à Grandpré, unede ces belles paroisses canadiennes établies dans la vallée duLac Saint-Pierre, sur la rive nord du Saint-Laurent.
Son père, Jean-Baptiste Rivard, ou simplement Bap-tiste Rivard, comme on l’appelait dans sa paroisse, auraitpassé pour un cultivateur à l’aise s’il n’eût été chargé d’unefamille de douze enfants, dont deux filles et dix garçons.
Jean était l’aîné de ces dix garçons.Comme il montra dès son bas âge, une intelligence
plus qu’ordinaire, son père se décida, après de longuesconsultations avec ses plus proches parents et le curé deGrandpré, à le mettre au collége pour l’y faire suivre uncours d’études classiques.
La mère Rivard nourrissait l’espoir secret que Jeanprendrait un jour la soutane et deviendrait prêtre. Son plusgrand bonheur à la pauvre mère eût été de voir son fils aîné chanter la messe et faire le prône à l’église deGrandpré.
Jean Rivard obtint d’assez bon succès dans ses classes.Ce n’était pas un élève des plus brillants, mais il était stu-
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dieux, d’une conduite régulière, et, parmi ses nombreuxcondisciples, nul ne le surpassait dans les choses qui requiè-rent la constance et l’exercice du jugement.
Les années de collége s’écoulèrent rapidement. Dès lecommencement de sa cinquième année, il était entré enRhétorique, et il goûtait par anticipation les jouissancesintellectuelles des années suivantes, car les études philoso-phiques et scientifiques convenaient à la tournure sérieusede son esprit; il se laissait même entraîner à faire des planspour l’avenir, à bâtir des châteaux en Espagne comme onen bâtit à cet âge, lorsqu’un évènement survint, qui ren-versa tous ses projets: le père Baptiste Rivard mourut.
Ce décès inattendu produisit une révolution dans lafamille Rivard. Quand le notaire eut fait l’inventaire desbiens de la succession et que la veuve Rivard eut pris sapart de la communauté, il fut constaté que le patrimoinede chacun des enfants ne s’élevait qu’à une somme dequelques cents piastres.
Jean, qui avait fait une partie de ses études, était censéavoir reçu quelque chose «en avancement d’hoirie», et nepouvait équitablement prétendre aux mêmes avantagespécuniaires que chacun de ses frères et sœurs. Sa part d’hé-ritage à lui ne s’éleva donc en tout et partout qu’à lasomme de cinquante louis.
Il lui fallait, avec cette somme, et vivre et s’établir.
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II
CHOIX D’UN ÉTAT
S’il est dans la vie d’un jeune homme une situationpénible, inquiétante, c’est bien celle où se trouvait alors lepauvre Jean Rivard.
Il avait dix-neuf ans; la pensée de son avenir devaitl’occuper sérieusement. Ne pouvant s’attendre à recevoirde personne autre chose que des conseils, il lui fallait, pourfaire son chemin dans la vie, se reposer uniquement sur sespropres efforts. Or, disons-le à regret, l’instruction qu’ilavait acquise, bien qu’elle eût développé ses facultés intel-lectuelles, ne lui assurait aucun moyen de subsistance. Ilpouvait, à la rigueur, en sacrifiant son petit patrimoine, ter-miner son cours d’études classique — et c’est ce que dési-raient sa mère et ses autres parents —, mais il se disait avecraison que si sa vocation au sacerdoce n’était pas bien pro-noncée, il se trouverait après son cours dans une situationaussi précaire, sinon plus précaire que s’il n’eût jamaisconnu les premières lettres de l’alphabet.
La première chose qu’il décida fut donc de disconti-nuer ses études collégiales. Mais ce n’était pas là le point leplus difficile; il lui fallait de plus faire choix d’un état,démarche grave qu’un jeune homme ne peut faire qu’entremblant, car de là dépend le bonheur ou le malheur detoute sa vie.
Le suprême ordonnateur de toutes choses a répartichez ses créatures une diversité de talents et d’aptitudesconformes aux besoins des sociétés. Mais des circonstancesparticulières, une famille nombreuse, une grande gênepécuniaire, le défaut de protection, et mille autres raisons
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forcent, hélas! trop souvent, de malheureux jeunes gens àembrasser une carrière où ils ne rencontrent que misère etdégoût. Trop souvent aussi, résistant à l’instinct qui lespousse vers un genre de vie plutôt que vers un autre, ils selaissent guider dans leur choix par des considérations deconvenance, ou qui pis est, par une absurde et pernicieusevanité.
Rarement le sage conseil du poète:
Soyez plutôt maçon, si c’est votre talent,
est écouté dans cette importante conjoncture.Il existe aussi malheureusement chez nos populations
rurales un préjugé funeste qui leur fait croire que lesconnaissances et l’éducation ne sont nullement nécessaires àcelui qui cultive le sol: à quoi sert d’être savant, dira-t-on, pour manier le manchon de la charrue? Et rien n’estplus étrange aux yeux de certaines gens que de voir un jeunehomme instruit ne pas faire choix d’une profession libérale.
Aussi les professions d’avocat, de notaire, de médecin,refuges obligés de tous les collégiens qui n’embrassent pasle sacerdoce, sont déjà tellement encombrées dans notrejeune pays qu’une grande partie de leurs membres ne peu-vent y trouver le pain nécessaire à la vie matérielle. La car-rière des emplois publics est pareillement encombrée;d’ailleurs sans le secours de protecteurs puissants, un jeunehomme ne peut rien attendre de ce côté. Le peu de consi-dération accordée à la noble profession d’instituteur l’a faitregarder jusqu’à ce jour comme un pis-aller. L’arpentage,le génie civil, l’architecture ne sont une ressource que pourun très-petit nombre d’individus. L’armée et la marinesont à peu près fermées à notre jeunesse.
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TABLE DES MATIÈRES
NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION
JEAN RIVARD, LE DÉFRICHEUR
PRÉFACE
AVANT-PROPOS
I
II • Choix d’un état
III • Noble résolution de Jean Rivard
IV • Jean Rivard, propriétaire
V • Une prédiction
VI • Mademoiselle Louise Routier
VII • Le départ — Pierre Gagnon
VIII • Les défrichements
IX • Les heures de loisir et les heures d’ennui
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X • La sucrerie
XI • Première visite à Grandpré
XII • Retour à Louiseville — Le Brûlage
XIII • Les semailles
XIV • La belle saison dans les bois
XV • Progrès du canton
XVI • Une aventure
XVII • La récolte
XVIII • Une voix de la cité
XIX • Une seconde visite à Grandpré
XX • Les voies de communication
XXI • Encore un hiver dans les bois
XXII • La grande nouvelle
XXIII • La corvée
XXIV • Un chapitre scabreux
XXV • Le mariage et la noce
JEAN RIVARD, ÉCONOMISTE
I • La lune de miel
II • L’exploitation
III • Rivardville
IV • Le missionnaire — L’église — La paroisse
V • Pierre Gagnon
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VI • Où l’on verra qui avait raison
VII • La marche du progrès
VIII • Cinq ans après
IX • Revers inattendu
X • Le citadin
XI • En avant! Jean Rivard, maire de Rivardville
XII • Gustave Charmenil à Jean Rivard
XIII • Réponse de Jean Rivard
XIV • Jean Rivard et l’éducation
XV • Jean Rivard, candidat populaire
XVI • Le triomphe
DERNIÈRE PARTIE
I • Quinze ans après
II • La ferme et le jardin
III • Détails d’intérieur — Bibliothèque de Jean Rivard
IV • Les secrets du succès — Révélations importantes
V • Une paroisse comme on en voit peu
VI • Visite à Monsieur le curé — Dissertations économiques
VII • Un homme carré
NOTE SUR QUATRE CHAPITRES RETRANCHÉS PAR L’AUTEUR
XVII • Jean Rivard, membre du Parlement
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XVIII • Extraits des lettres de Jean Rivard
XIX • Incendie de l’hôtel du Parlement
XX • Retraite de Jean Rivard
POSTFACE • L’imitation de Jean Rivard
CHRONOLOGIE
BIBLIOGRAPHIE
CRÉDITS ET REMERCIEMENTS
Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour leurs activités d’édition et remercient le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.
Les Éditions du Boréal sont inscrites au Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.
Couverture: Jef Friboulet, Le Défricheur de pommes de terre.
MISE EN PAGES ET TYPOGRAPHIE:LES ÉDITIONS DU BORÉAL
CE DEUXIÈME TIRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D,IMPRIMER EN AOÛT SUR LES PRESSES DE MARQUIS IMPRIMEUR
À MONTMAGNY (QUÉBEC).
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194 On a aujourd’hui trop souvent tendance à réduire Jean Rivard, le défricheur et Jean Rivard, économisteà leur statut de « romans de la terre », refusant d’y voir autre chose que des textes édifiants conçus dans le but d’exalter les vertus de la colonisation. ce faisant, on néglige le caractère profondément littéraire de l’œuvre de Gérin-Lajoie, ignorant ce qui la rend à la fois unique et nécessaire, même, et peut-être surtout, plus de cent cinquante ans après sa parution. Ouvrage à la fois classique et par mo-ments étonnamment moderne, digne héritier de Robinson Crusoé aussi bien que de Don Quichotte, Jean Rivard offre une merveilleuse leçon de littéra-ture et mérite d’être redécouvert d’un œil neuf.cette édition comprend quatre chapitres parus à l’origine dans Le Foyer canadien, mais jamais reprisen livre jusqu’à aujourd’hui.
Postface, chronologie et bibliographie de Yannick Roy.
né à Yamachiche en 1824, Antoine Gérin-Lajoie est d’abord avocat. correcteur puis rédacteur à La Minerve, il devient secrétaire de la société Saint-Jean-Baptiste en 1845. Avec l’abbé casgrain, Joseph-charles Taché et hubert LaRue, il fonde Les Soirées canadiennes, puis lance Le Foyer canadien. c’est dans ces deux revues que paraîtront Jean Rivard, le défricheur et Jean Rivard, économiste. en 1888, six ans après sa mort, paraîtra Dix ans au Canada, 1840-1850, ouvrage consacré à l’établissement du gouvernement responsable.
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Antoine Gérin-Lajoiejean RivaRd, le défRicheuRsuivi de Jean Rivard, économisteroman
Un des joyaux du xix e siècle québécois.
Yannick Roy