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Journal des Maladies Vasculaires (Paris) © Masson, 2005, 30, Cahier 3 du n° 4, 4S13-4S28 LES CLAUDICATIONS INTERMITTENTES F. BECKER (1), J.P. BOISSEL (2), C. BOISSIER (3), H. BOUNAMEAUX (4), G. CAMELOT (5), J. CONSTANS (6), D. DUBOC (7), J.P. FAVRE (8), D. HAYOZ (9), P. JEGO (10), P. LACROIX (11), J.L. MAGNE (12), C. MOUNIER-VÉHIER (13), I. QUÉRÉ (14), D. STEPHAN (15) (1) Médecine Vasculaire, Université de Franche-Comté, CHU, Besançon. (2) CRI@T, Faculté RTH Laennec, Université Claude Bernard, Lyon. (3) Médecine Vasculaire, CHU, Saint-Étienne. (4) Division d’Angiologie et d’Hémostase, Hôpitaux Universitaires de Genève (CH). (5) Chirurgie Vasculaire, CHU, Besançon. (6) Médecine Vasculaire, Hôpital Saint André, CHU, Bordeaux. (7) Cardiologie, Hôpital Cochin, CHU, Paris. (8) Chirurgie Vasculaire, CHU, Saint-Étienne. (9) Angiologie et HTA, CHUV, Lausanne (CH). (10) Médecine Interne, CHU, Rennes. (11) Médecine Vasculaire, CHU, Limoges. (12) Chirurgie Vasculaire, CHU, Grenoble. (13) Médecine Vasculaire et HTA, CHU, Lille. (14) Médecine Interne, Médecine Vasculaire, CHU, Montpellier. (15) Médecine Vasculaire et HTA, CHU, Strasbourg. A – SÉMÉIOLOGIE, HISTOIRE NATURELLE A1 – PHYSIOPATHOLOGIE ET SÉMÉIOLOGIE DES CLAUDICATIONS VASCULAIRES (F. Becker) A1.1 – Claudication Intermittente d’origine artérielle (CIa) La CIa a été magistralement décrite par J.F. Bouley en 1831 à propos d’une jument qui boitait de l’arrière-train. J.M. Charcot s’en souvint pour un patient présentant un cas similaire publié en 1858 (Becker, J Mal Vasc 2005). Si le terme claudication n’a pas été très judicieux pour l’hom- me qui boîte rarement en cas de CIa, le rapport de Boulet contenait la phrase clé de la physio-pathologie de la CIa « Lorsque la bête était au repos les nombreuses anas- tomoses suffisaient à l’entretien de la vie, mais dès que l’on accélérait la circulation par la marche, ces anastomo- ses cessaient de fournir une quantité suffisante de sang ». La CIa traduit l’inadéquation entre les besoins des mus- cles impliqués dans la marche, ou équivalent, et le débit ar- tériel disponible pour ces muscles. Deux points sont fondamentaux : – cette CI survient pour une certaine quantité de tra- vail musculaire, la douleur cède rapidement à l’arrêt de celui-ci, elle se reproduit à l’identique avec la même quantité de travail ; – la douleur intéresse en règle un territoire musculai- re en aval de l’obstacle artériel. La CIa est fonction de l’effort réalisé, de l’entraîne- ment du patient, des modalités de marche (vitesse, pen- te, régularité et nature du terrain), du siège des lésions majeures, de l’état des bifurcation-clés, du réseau de suppléance et d’éventuels facteurs de confusion (ortho- pédique, cardio-pulmonaire,…). Il existe un lien logique entre le siège de la douleur et les lésions artérielles majeures : les lésions de l’iliaque commune parlent à la fesse, à la cuisse ou au mollet ; les lésions de l’iliaque ex- terne ou de la fémorale commune à la cuisse ou au mollet ; les lésions de la fémorale superficielle au mollet ; les lésions de la poplitée au mollet bas ou jumeau haut. Il existe des CIa atypiques ou trompeuses souvent méconnues : CI lombaire (plaque postérieure aortique oblitérant les artères lombaires sans suppléance par le ré- seau iliaque interne), CI fessière isolée (pouvant être le fait de lésions du tronc iliaque interne bilatérales sans autre signe d’ACOMI), CI plantaire en cas de lésions très distales. CIa à masque de coxopathie, de dérangement in- Texte transcrit de la sténotypie de la séance et des diaporamas des in- tervenants par F. Becker. Session organisée par F. Becker. Modérateurs : H. Bounameaux, J.P. Favre, G. Camelot et I. Quéré.
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[Intermittent claudications]

May 16, 2023

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Journal des Maladies Vasculaires (Paris)© Masson, 2005, 30, Cahier 3 du n° 4, 4S13-4S28

LES CLAUDICATIONS INTERMITTENTES

F. BECKER (1), J.P. BOISSEL (2), C. BOISSIER (3), H. BOUNAMEAUX (4), G. CAMELOT (5), J. CONSTANS (6), D. DUBOC (7), J.P. FAVRE (8), D. HAYOZ (9), P. JEGO (10), P. LACROIX (11),

J.L. MAGNE (12), C. MOUNIER-VÉHIER (13), I. QUÉRÉ (14), D. STEPHAN (15)

(1) Médecine Vasculaire, Université de Franche-Comté, CHU, Besançon.(2) CRI@T, Faculté RTH Laennec, Université Claude Bernard, Lyon.

(3) Médecine Vasculaire, CHU, Saint-Étienne.(4) Division d’Angiologie et d’Hémostase, Hôpitaux Universitaires de Genève (CH).

(5) Chirurgie Vasculaire, CHU, Besançon.(6) Médecine Vasculaire, Hôpital Saint André, CHU, Bordeaux.

(7) Cardiologie, Hôpital Cochin, CHU, Paris.(8) Chirurgie Vasculaire, CHU, Saint-Étienne.(9) Angiologie et HTA, CHUV, Lausanne (CH).

(10) Médecine Interne, CHU, Rennes.(11) Médecine Vasculaire, CHU, Limoges.(12) Chirurgie Vasculaire, CHU, Grenoble.

(13) Médecine Vasculaire et HTA, CHU, Lille.(14) Médecine Interne, Médecine Vasculaire, CHU, Montpellier.

(15) Médecine Vasculaire et HTA, CHU, Strasbourg.

A – SÉMÉIOLOGIE, HISTOIRE NATURELLE

A1 – PHYSIOPATHOLOGIE ET SÉMÉIOLOGIE

DES CLAUDICATIONS VASCULAIRES (F. Becker)

A1.1 – Claudication Intermittente d’origine artérielle (CIa)

La CIa a été magistralement décrite par J.F. Bouley en1831 à propos d’une jument qui boitait de l’arrière-train.J.M. Charcot s’en souvint pour un patient présentant uncas similaire publié en 1858 (Becker, J Mal Vasc 2005). Sile terme claudication n’a pas été très judicieux pour l’hom-me qui boîte rarement en cas de CIa, le rapport deBoulet contenait la phrase clé de la physio-pathologie de laCIa « Lorsque la bête était au repos les nombreuses anas-tomoses suffisaient à l’entretien de la vie, mais dès quel’on accélérait la circulation par la marche, ces anastomo-ses cessaient de fournir une quantité suffisante de sang ».

La CIa traduit l’inadéquation entre les besoins des mus-cles impliqués dans la marche, ou équivalent, et le débit ar-tériel disponible pour ces muscles. Deux points sontfondamentaux :

– cette CI survient pour une certaine quantité de tra-vail musculaire, la douleur cède rapidement à l’arrêt decelui-ci, elle se reproduit à l’identique avec la mêmequantité de travail ;

– la douleur intéresse en règle un territoire musculai-re en aval de l’obstacle artériel.

La CIa est fonction de l’effort réalisé, de l’entraîne-ment du patient, des modalités de marche (vitesse, pen-te, régularité et nature du terrain), du siège des lésionsmajeures, de l’état des bifurcation-clés, du réseau desuppléance et d’éventuels facteurs de confusion (ortho-pédique, cardio-pulmonaire,…). Il existe un lien logiqueentre le siège de la douleur et les lésions artériellesmajeures : les lésions de l’iliaque commune parlent à lafesse, à la cuisse ou au mollet ; les lésions de l’iliaque ex-terne ou de la fémorale commune à la cuisse ou aumollet ; les lésions de la fémorale superficielle au mollet ;les lésions de la poplitée au mollet bas ou jumeau haut.

Il existe des CIa atypiques ou trompeuses souventméconnues : CI lombaire (plaque postérieure aortiqueoblitérant les artères lombaires sans suppléance par le ré-seau iliaque interne), CI fessière isolée (pouvant être lefait de lésions du tronc iliaque interne bilatérales sansautre signe d’ACOMI), CI plantaire en cas de lésions trèsdistales. CIa à masque de coxopathie, de dérangement in-

Texte transcrit de la sténotypie de la séance et des diaporamas des in-tervenants par F. Becker.

Session organisée par F. Becker. Modérateurs : H. Bounameaux,J.P. Favre, G. Camelot et I. Quéré.

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terne du genou (par amyotrophie du quadriceps) ou podo-logique. Le repère séméiologique est le fait que lasouffrance intéresse directement ou indirectement ungroupe musculaire et que la symptomatologie est déclen-chée par l’effort et cède rapidement à son arrêt. Hors quel-ques cas particuliers, toutes les études mettent en relief lamesure d’IPS à la cheville pour certifier l’existence d’uneACOMI, estimer l’importance des lésions occlusives aurepos ou l’importance de la perte de charge à l’effort.

Plus gênant et moins connu, est le fait qu’il n’y a pasde corrélations significatives entre l’importance des lé-sions artérielles et l’importance de la symptomatologiedécrite par le patient, entre distance de marche et scoreartériographique de Bollinger (Müller-Bühl, VascularMed 1999). Ceci illustre le fait que la CI est un symptô-me et que partant elle est empreinte de variables subjec-tives comme en témoigne M. McGrae (Arch Intern Med1999, JAMA 2001). L’analyse de la dispersion des IPSchez des patients ACOMI tous stades en offre aussi unedémonstration puisque nous constatons un chevauche-ment de 50 % des IPS entre stades d’ischémie d’effort etstades d’ischémie permanente (Becker, STV 1990),50 % des claudicants ont des lésions induisant la mêmeperte de charge que les patients en ischémie permanenteet vice-versa, 10 % des claudicants sont dans le troisiè-me quartile des IPS de stades III-IV. Par conséquent, lesMI de certains claudicants sont plus menacés qued’autres, certains valident hémodynamiquement le stadesuivant d’ischémie permanente dans lequel ils« plongeront » dès lors qu’il faudra cicatriser une plaieou tout autre traumatisme cutané du pied.

L’identification de ces patients claudicants à risqueéchappe à l’évaluation de la distance de marche à traversles questionnaires, les qualificatifs en IIA/IIB/CI serrée/CIinvalidante et même à la mesure de DM sur tapis rou-lant. Cette identification passe par une évaluation hé-modynamique clinique (remplissage veineux lent,décoloration rapide de la semelle plantaire à la surélé-vation du talon, pulpe digitale appauvrie) ou instrumen-tale (chute marquée et récupération lente de l’IPS aprèseffort lors du test de Strandness, augmentation du tempsde latence post-ischémique lors d’un test d’hyperémieréactionnelle post-occlusion à la cheville). Dans lemême esprit, il nous paraît important d’identifier les lé-sions menaçantes : hors anévrysme, nous désignons ain-si les lésions sténosantes qui par leur siège sontsusceptibles de mettre en jeu le pronostic vital du mem-bre en cas d’occlusion. Il s’agit le plus souvent de sténo-

se serrée en un point stratégique compromettant lacollatéralité d’un axe principal occlus ou susceptible des’occlure à moyen terme. L’exemple-type est la sténoseserrée du tronc de la fémorale profonde en cas d’occlu-sion longue de l’artère fémorale superficielle, surtout sien plus l’iliaque interne est de mauvaise qualité.

A1.2 – Claudication intermittente d’origine veineuse

La CI veineuse est semblable à la CIa. Néanmoins,plutôt que d’une crampe, il s’agit d’une douleur profon-de crescendo, tensive puis constrictive, culminant en im-potence du mollet ou de la cuisse. À l’inverse de la CIa,elle ne cède pas dès l’arrêt de l’effort, mais lentement enposition de vidange veineuse du MI. Le patient peutéprouver le besoin de se coucher jambe au zénith. La CIveineuse résulte d’une obstruction veineuse au sensd’entrave à l’écoulement, le plus souvent d’originethrombotique, parfois iatrogène, très rarement par com-pression extrinsèque.

En matière de thrombose veineuse profonde, les for-mes mineures sont relativement fréquentes aux premierstemps d’une thrombose fémoro-iliaque, elles cèdentavec la contention et l’entraînement et sont peu souventreconnues. Les formes handicapantes sont rares et quasiexclusivement le fait de l’oblitération chronique isoléede la veine poplitée, de la veine fémorale commune oude la confluence ilio-cave. La douleur est causée parl’augmentation de la pression veineuse et interstitielle àl’effort dans les compartiments musculaires en amont del’obstruction veineuse.

Trois facteurs sont nécessaires à la survenue d’une CIveineuse :

– obstruction limitée d’un confluent veineux(U. Brünner qualifie d’ailleurs la CI veineuse de syndro-me de confluence) ;

– réseau d’amont distensible et le plus souvent sain ;– réseau de suppléance inopérant en débit d’effort.

A. Bollinger a montré, en utilisant la pléthysmographieà jauges de contrainte sur tapis roulant, que le volumeveineux sural augmente à l’effort et que c’est à disten-sion maximale que le patient déclare qu’il ne peut plusavancer.

A2 – LES CLAUDICATIONS NON-VASCULAIRES (P. Jego)

Je limiterai le sujet aux patients présentant une dou-leur qui survient à la marche et qui nécessitera un arrêtde celle-ci. Cette symptomatologie fréquente à partird’un certain âge peut être liée à une pathologie vasculai-re, musculaire, neurologique ou rhumatologique. La dif-ficulté vient du fait que ces pathologies peuvent êtreintriquées. Toute douleur MI survenant à la marche chezune personne ayant une ACOMI ne doit pas être rappor-tée ipso facto à cette artériopathie.

Le caractère intriqué de la pathologie et le caractèreatypique de la séméiologie sont illustrés par un travail

ABRÉVIATIONS :ACOMI : Artériopathie Chronique Oblitérante des Membres

InférieursCI : Claudication IntermittenteDM : Distance de MarcheIPS : Index de Pression Systolique à la chevilleMI : Membres Inférieurs

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Tome 30, Cahier 3 du no 4, 2005 LES CLAUDICATIONS INTERMITTENTES 4S15

de Mc Grae (JAMA 2001) qui a suivi 460 patients(âge moy. 71 ans) ayant une ACOMI définie par unIPS < 0.90 et classés en 6 catégories mutuellementexclusives : 1-CIa typique, 2-douleurs de repos et d’ef-fort, 3/4- douleurs atypiques ne répondant pas aux critè-res de CIa, certains pouvant poursuivre la marche,d’autres devant s’arrêter, 5/6-pas de douleur à la marche,certains étant actifs, d’autres étant inactifs. Parmi les pa-tients présentant une CIa typique : 3.5 % ont une neuro-pathie, 27 % sont diabétiques, 30 % ont une discopathieet 7 % ont un canal lombaire étroit,… En outre, parmiles patients présentant une douleur augmentant à l’ef-fort, les syndromes dépressifs sont beaucoup plus fré-quents chez ceux qui doivent arrêter leur marche. Autotal la CI peut être complètement absente, la polypatho-logie est très fréquente et les comorbidités influencent laséméiologie présentée par le patient.

J’insisterai sur les données séméiologiques d’interro-gatoire et d’examen clinique, qui permettent de prendreune orientation plus ou moins rapidement chez un pa-tient donné. La décision repose d’abord sur un bon inter-rogatoire, même si ce n’est pas toujours facile.

A2.1 – Douleurs rhumatologiques

Quatre affections dominent le diagnostic différentiel :coxarthrose, gonarthrose, syndrome du canal tarsien,syndrome de Morton.

– la coxarthrose : le symptôme classique est une dou-leur de cuisse provoquée par la marche, de siège ingui-nal, irradiant à l’intérieur de la cuisse sans dépasser legenou. La douleur peut simuler une sciatique mais ellen’a pas de caractère neuropathique, il n’y a pas de pares-thésie dans le territoire concerné. Douleur mécanique,elle entraîne une boiterie, un défaut de déroulement com-plet du pied avec une perte de l’arrière-pas. L’examennote une limitation des mouvements de hanche et dansles formes évoluées une amyotrophie quadricipitale ;

– la gonarthrose est fémoro-patellaire et/ou fémoro-ti-biale. L’arthrose fémoro-patellaire est favorisée par unsurpoids voire par une malposition de la rotule. La dou-leur du genou est antérieure, antéro-interne ou antéro-externe, déclenchée par la marche en terrain accidenté ouquand la rotule est plaquée contre la trochlée. L’accrou-pissement et l’agenouillement sont douloureux. Les pa-tients ont des difficultés à maintenir une position assiseprolongée et ont besoin d’étendre leurs jambes. L’examenclinique met en évidence la douleur à l’extension contra-riée du genou et le signe du rabot. À terme, le patient pré-sente également une amyotrophie de cuisse. Dansl’arthrose fémoro-tibiale classique, la douleur siège au ni-veau du compartiment interne, liée à un pincement del’interligne. Elle survient plus souvent sur un genu varum.

– de nombreux syndromes canalaires existent, j’insis-terai sur le syndrome du canal tarsien. L’irritation ou lacompression du nerf tibial postérieur dans le tunnel rétroet sous-malléolaire interne est à l’origine de brûlures, de

paresthésie et d’hypoesthésie de la partie distale de laplante du pied et des orteils. Les douleurs surviennent àla station debout prolongée ou à la marche. Le patientpeut décrire une sensation de « pied mort ». L’examenclinique recherche trois signes : le signe de Tinel (repro-duction de la douleur en percutant la gouttière rétro-mal-léolaire interne), le signe de Phanel (éversion forcée dupied reproduisant des paresthésies dans le territoire dis-tal), la limitation de la flexion des orteils et la difficulté àmaintenir une feuille de papier sous les orteils ;

– la métatarsie de Morton est relativement fréquente.Elle se traduit par des douleurs très vives, prenant naissan-ce dans le 3e espace intermétatarsien, parfois dans le 2e, ir-radiant à la face latérale des orteils correspondants, àdéclenchement brutal lors de la marche ou de la station de-bout prolongée. L’examen peut reproduire la douleur enexerçant une pression sur l’avant-pied 1 cm en arrière dela commissure digitale. Cette pathologie est liée à un petitnodule inflammatoire au niveau de l’endonèvre du nerf in-criminé, le plus souvent secondaire à une réaction inflam-matoire chez un patient ayant des troubles de la statique.

Plus rarement, il s’agira d’aponévrosite plantaire(cause la plus fréquente des douleurs du talon), de tendi-nite et de bursite achilléenne, de ténosynovite des péro-niers et du jambier antérieur, de fractures de fatigue, detumeurs ou de myosites.

En pathologie rhumatologique ou neurologique, l’im-portant est de demander au patient de désigner l’endroitoù il a mal et le trajet de la douleur. En outre, il est im-portant de vérifier que la douleur provoquée à l’examenclinique correspond bien à la douleur ressentie sponta-nément par le patient.

A2.2 – Douleurs neurologiques

Il s’agit le plus souvent du canal lombaire étroit, de lamyélopathie arthrosique, et des radiculagies.

– Le syndrome du canal lombaire étroit est bien définidepuis les travaux de Verbiest qui a montré que l’étroi-tesse était parfois constitutionnelle mais le plus souventacquise (discopathie, arthropathie postérieure, hypertro-phie du ligament jaune, plus ou moins aggravée par desdéformations de la statique rachidienne). Le tableau estd’installation progressive chez des sujets de plus de50 ans. Il s’agit de lombalgies associées à une sympto-matologie pluriradiculaire plus ou moins systématisée,parfois à une sciatalgie, d’installation progressive. Lesdouleurs sont augmentées par la marche, la station de-bout voire assise prolongée. Elles sont calmées par le re-pos et, point très important, par l’antéflexion du tronc(capable d’augmenter de 20 % la surface du canal lom-baire). L’arrêt de la marche survient en raison d’uneaugmentation des paresthésies avec sensations d’en-gourdissement et perte de la sensibilité, et parfois pertede la force au niveau des MI. Contrairement à la douleurde la CIa, le temps de récupération de douleur du canallombaire étroit est en général long (> 30 min). Au repos,

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l’examen neurologique est normal. Le diagnostic reposesur le scanner du rachis lombaire.

– La sténose du canal cervical donne un tableau iden-tique en termes de troubles de la marche. Le diagnosticest généralement plus aisé, car la myélopathie cervi-carthrosique donne un niveau lésionnel défini par la né-vralgie cervico-brachiale, un syndrome sous-lésionnelavec syndrome pyramidal et troubles sensitifs le plussouvent de la lignée proprioceptive. Les formes se tra-duisant uniquement par des difficultés et des douleurs àla marche sont rares. Le diagnostic repose sur l’IRMmédullaire.

– La sciatique commune donne une douleur unilatéra-le, monoradiculaire, et des paresthésies dans le territoireradiculaire concerné. Les facteurs déclenchants sont lastation debout ou assise prolongée, la toux, l’éternue-ment et la défécation. À l'inverse du canal lombaireétroit : 1-la douleur est aggravée par l’antéflexion, 2-le si-gne de Lassègue est positif..

– La névralgie crurale d’origine discale (compressionde L4) est beaucoup plus rare. Les douleurs lombo-crurales descendent à la face antérieure de la cuisse, el-les peuvent se prolonger à la face interne de la jambe.Ces douleurs sont vives avec des paroxysmes nocturnes.L’examen clinique recherche une hypoesthésie crurale,une diminution de la force voire une amyotrophie duquadriceps et une diminution du réflexe rotulien. Ellepeut être associée à un diabète.

A2.3 – En conclusion

La douleur peut être une crampe, un gonflement dou-loureux ou une faiblesse, selon que la pathologie est vas-culaire, articulaire, veineuse ou neurologique. Chez lespatients ayant une ACOMI, la polypathologie et les aty-pies séméiologiques font qu’il n’est pas toujours faciled’identifier l’étiologie du trouble présenté. L’interroga-toire et l’examen clinique sont capitaux. L’idéal estd’examiner le patient en reproduisant la douleur. Dans lecas d’un canal lombaire étroit, l’examen neurologiqueest normal, mais en faisant monter quelques étages aupatient une symptomatologie neurologique clinique ap-paraîtra. Enfin, il convient de ne pas oublier les comor-bidités, notamment le syndrome dépressif, qui peuventinfluencer la séméiologie.

A3 – HISTOIRE NATURELLE

DE LA CLAUDICATION ARTÉRIELLE ET DEVENIR

DU CLAUDICANT ARTÉRIEL PAR ATHÉROSCLÉROSE

(C. Mounier-Véhier)

Nous disposons de séries hospitalières de patientspré-sélectionnées et d’études de cohortes qui nous per-mettent de connaître le devenir des patients par rapportà la population générale. Il importe de différencier lepronostic fonctionnel du pronostic général. Il importe

aussi de tenir compte de la qualité de vie et d’avoir cons-cience que régression des symptômes n’est pas régres-sion des lésions.

A3.1 – Pronostic fonctionnel local à 5 ans

La situation d’un claudicant sur deux s’améliorera ouse stabilisera. Elle s’aggravera sans nécessité d’inter-vention dans 25 % des cas (7 à 9 % la 1re année, 2 à 3 %par an ensuite). 5 % des patients seront vascularisés, sa-chant que le taux de revascularisation par angioplastieaugmente actuellement pour différentes raisons dont laprise en compte de la qualité de vie. Le risque d’ampu-tation majeure à 5 ans est de 1 à 2 %. Parmi les facteursdélétères identifiés, certains ne sont pas modifiables(sexe masculin, âge). D’autres sont améliorables ou sup-primables comme le tabagisme et le diabète (OR 2 à 3),l’HTA et l’hypercholestérolémie. Par ailleurs le risqueaugmente inversement à la valeur initiale d’IPS.

A3.2 – Pronostic général

Le risque de décès par complication au niveau de lajambe est faible, le risque de complications cardio-vasculaires, graves ou fatales, est élevé. Par ailleurs, enraison d’une meilleure prise en charge des lésions coro-naires, nous assistons à une progression des décès parnéoplasie. La première année, 2 à 4 % des claudicantsprésenteront un événement cardio-vasculaire non fatal.Nous retrouvons les facteurs de risque de l’athéroscléro-se, à quelques différences près liées à leur tropisme va-riable. En revanche, tous ces facteurs de risque agissenten synergie.

L’espérance de vie du claudicant est réduite de 8 ans,le taux cumulé de mortalité est multiplié par 3 (environ12 % par an). Les facteurs pronostiques sont l’âge, lediabète, un IPS < 0,5 et l’existence d’antécédentsd’AVC ou d’accidents coronariens. Les patients meu-rent de causes cardio-vasculaires dans 25 % des cas, tan-dis que l’ACOMI elle-même n’est responsable que de1 % des décès.

Au-delà de la mortalité, les événements cardio-vascu-laires (en particulier cérébraux et cardiaques) qui précè-dent ou compliquent la vie du claudicant altèrent saqualité de vie en sus de la CI.

A3.3 – Le médecin peut-il influencer favorablement le sort du claudicant ?

Sans détailler le traitement, je souhaite évoquerHirsch (Vascular Medicine 1996), qui montre que les at-titudes thérapeutiques n’ont pas forcément le même im-pact, selon que nous nous intéressons au pronostic de lajambe ou à la survie. La rééducation pourrait être plusefficace que la revascularisation pour la claudication. Letraitement médical de l’athérothrombose freine l’évolu-tion de la maladie et la survenue des événements et amé-liore la survie. Yusuf (Lancet 2002) montre lui que les4 classes thérapeutiques principales (antiagrégants,

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Tome 30, Cahier 3 du no 4, 2005 LES CLAUDICATIONS INTERMITTENTES 4S17

bêta-bloquants, statines, IEC) ont une action indépen-dante sur la réduction du risque relatif d’événementscardio-vasculaires de l’ordre de 25-30 % chacune et uneffet additif lorsqu’elles sont associées, effet qu’il calcu-le comme une réduction de 70 % du RR et qui passe à85 % avec l’arrêt du tabagisme.

Le pronostic du claudicant a évolué durant ces20 dernières années. Nous agissons clairement sur lepronostic cardio-vasculaire global (avec pour tribut uneprogression du risque néoplasique). Concernant le pro-nostic local, nous assistons à une régression du nombred’amputations et à une meilleure prise en charge de lanotion de qualité de vie. Il nous reste à espérer des pou-voirs publics les moyens nécessaires au développementde centres de rééducation et de la communauté médicaleune prise en charge pluridisciplinaire plus équilibrée.

B – CLAUDICATION ARTÉRIELLE ET AUTRES LOCALISATIONS CIBLES

ASYMPTOMATIQUES D’ATHÉROSCLÉROSE

B1 – QUAND ET COMMENT EXPLORER LES CORONAIRES

CHEZ LE CLAUDICANT ARTÉRIEL ? (D. Duboc)

Je pourrai déjà conclure qu’il ne faut pas explorersystématiquement l’artéritique. Néanmoins, je nuance-rai mon propos. Il s’agit d’une maladie inflammatoirechronique évoluant par poussée. L’artéritique est un ma-lade grave qui a plus tendance à mourir que la popula-tion générale. La cause du décès est fréquemmentcardiologique, par infarctus du myocarde ou insuffisan-ce cardiaque. La question posée au cardiologue est desavoir s’il convient d’explorer ces patients en l’absencede séméiologie cardiologique. Il est nécessaire de bienconnaître les examens complémentaires proposés et cequ’ils nous apportent en termes de pronostic et de priseen charge thérapeutique, il est inutile de constater desanomalies si ça ne change rien.

B1.1 – Comment explorer un artéritique ?

L’ECG d’effort est intéressant mais d’utilité limitéechez l’artéritique même s’il peut faire du vélo. Je suisbeaucoup plus réservé sur l’intérêt des scintigraphies quisont deux sortes. Les scintigraphies de fonction appré-cient la contractilité au repos ou à l’effort et sont de bonsexamens. En revanche la scintigraphie myocardique authallium n’est pas très informative sur notre terrain. Enl’absence de possibilité d’effort, il y a l’évaluation de lafonction ventriculaire gauche, de sa contractilité, lorsd’un stress (si le sang arrive correctement au cœur ce der-nier se contracte normalement). La coronarographie estun autre moyen d’exploration, morphologique, à signifi-cation pronostique. Le registre de l’ARH Ile-de-Francemontre que la scintigraphie au thallium est faussementpositive dans 40 % des cas (hommes et femmes confon-

dus), alors que l’épreuve d’effort est électriquementfaussement positive dans 30 % des cas. L’épreuve d’ef-fort, quand elle est réalisable, a une meilleure sensibilitéque le thallium avec un rapport de coût/efficacité de 4.

B1.2 – Quand devons-nous explorer un artéritique ?

J’ai choisi la période pré-opératoire, en l’illustrantd’un cas récent d’un patient de 40 ans artéritique, coro-narien et présentant une maladie de Cushing. Lors d’uneintervention visant à lui enlever son adénome hypophi-saire, ce patient a fait un infarctus. Après dix ans d’évo-lution, il est nécessaire de lui proposer une surréna-lectomie bilatérale, qui est une intervention lourde. Cepatient a une fraction d’éjection normale à 65 %. Un testà la dobutamine sous bêta-bloquants augmente la fré-quence cardiaque et la fraction d’éjection. Le patient n’apas d’ischémie myocardique, bien qu’il soit coronarienet que nous ne connaissions pas l’état de son arbre arté-riel. Désormais, ce patient se porte bien. Il a eu une co-ronarographie à distance, il est tritronculaire avec uneIVA proximale. Cela constitue une indication chirurgi-cale mais j’hésite à la proposer, le patient ne se plaignanttoujours pas sur le plan coronaire grâce à la prévention.Je ne préconise pas de coronarographie pré-opératoiresystématique, même pour les coronariens avérés, à par-tir du moment où la fonction ventriculaire gauche est sa-tisfaisante, qu’il n’y a pas d’ischémie documentée etque le patient est correctement « bêtabloqué ». Les bêta-bloquants sont les seuls médicaments à avoir prouvé leurefficacité en matière de cardio-protection.

B1.3 – La coronarographie est-elle un élément de pronostic essentiel ?

Prenons l’exemple d’une patiente de 60 ans ayant desdouleurs thoraciques. Il existe des facteurs de risque, unedouleur thoracique atypique, mais une coronarographienormale. Quatre ans plus tard, cette patiente ressent unenouvelle douleur thoracique avec un œdème pulmonaire.Nous découvrons alors une sténose de l’IVA proximale,qui a été dilatée. Cette patiente a développé un athéromecoronaire significatif, alors que la première coronarogra-phie avait été jugée normale. Cet exemple montre les li-mites de cet examen, car un athérome avec unremodelage positif ne sera pas forcément détecté, maiscontinuera d’évoluer. La coronarographie reste l’étalon-or du diagnostic, mais la maladie coronaire est plus liée àla rupture de plaques qu’à l’aggravation des sténoses. Ornous sommes démunis en terme de mesure de l’évoluti-vité des plaques. L’ensemble des valeurs pronostiques dela coronarographie remonte à des études anciennes ; lescritères de gravité — tritronculaire, mauvaise fonction ettronc commun — ont été établis il y a une vingtaine d’an-nées chez des patients symptomatiques. Il est d’autantplus difficile d’extrapoler ces résultats au patient asymp-tomatique que la polychimiothérapie de prévention se-condaire est désormais efficace. La coronarographie nepeut plus être considérée comme un étalon-or du pronos-

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tic des patients asymptomatiques. Les pratiques desNord-Américains chez les sujets de plus de 70 ans sonttrès différentes : peu d’utilisation de la coronarographieau Canada, large utilisation aux États-Unis, pourtant lespronostics vitaux des infarctus sont les mêmes dans lesdeux pays, sous réserve que les patients soient sous bêta-bloquants ou sous aspirine.

Dans toutes les études de prévention secondaire, qu’el-les utilisent des antiagrégants, des IEC ou des statines, lesartéritiques sont les patients qui tirent le plus de bénéficede la prévention. En tant que cardiologue, la polychimio-thérapie chez les artéritiques qui ne présentent pas desymptomatologie angineuse me semble largement suffi-sante, avec des antiagrégants, éventuellement des IEC etdes bêta-bloquants si une intervention est envisagée.

B1.4 – En conclusion

Un test de stress reste utile pour un artéritique demoins de 75 ans, même s’il ne présente pas de sympto-matologie angineuse, afin de s’assurer qu’il n’est pas is-chémique sous le traitement de prévention médicalesecondaire proposé. En revanche, la coronarographie nedoit pas être systématique. Un angio-scanner peut êtreenvisagé afin de voir le tronc commun, bien que son uti-lité soit en cours d’évaluation et que les premiers résul-tats montrent des difficultés d’appréciation du degré desténose. Naturellement, chez le sujet jeune symptomati-que, qui a un angor, qui a fait un infarctus et qui a uneischémie silencieuse, cette voie doit être explorée. Chezle sujet âgé, il convient de limiter au maximum les ex-plorations invasives aux cas d’angors réfractaires auxtraitements médicaux. En phase pré-opératoire enfin, jesuis convaincu que l’exploration invasive est délétèrepour le patient. Même si elle est encore exigée par cer-tains chirurgiens vasculaires, notamment quand ils sontaussi chirurgiens cardiaques, nous essayons de proposersystématiquement un contrôle du traitement des facteursde risque, un traitement bêta-bloquant et une évaluationde stress. Si le patient ne présente aucune manifestationde dysfonction ventriculaire ischémique lors de ce test,l’intervention sera effectuée sans coronarographie etdonc sans revascularisation coronaire préalable.

B2 – QUID DU DÉPISTAGE DES AUTRES SITES

PÉRIPHÉRIQUES D’ATHÉROSCLÉROSE (CAROTIDES,ARTÈRES, RÉNALES ET DIGESTIVES) ? (J. Constans)

Ce dépistage se discute 1-si ces autres localisationssont fréquentes et potentiellement graves, 2-si nous dis-posons de traitements spécifiques efficaces et d’une mé-thode de dépistage simple et sensible.

B2.1 – Est-il utile de chercher une sténose carotide par écho-doppler ?

Chez les sujets de plus de 65 ans la prévalence dessténoses carotides significatives est de 0,5 à 5 %, tandis

qu’elle est de 12 à 30 % chez les patients ayant uneACOMI. La prévalence exacte n’est pas connue, les ré-sultats varient d’une étude à l’autre, suivant les critèreschoisis, le nombre de patients inclus et la proportionde claudicants. La prévalence augmente avec l’âge(> 70 ans), l’existence d’un souffle cervical, la sévéritéde l’ACOMI (plus fréquent en cas d’ischémie perma-nente qu’en cas de claudication, plus fréquent en casd’IPS < 0,50), l’existence d’antécédent d’AVC.

Le débat sur l’intérêt de détecter les lésions caroti-diennes asymptomatiques s’est relativement clarifiéavec la publication de l’étude ACST (2004) qui a confir-mé le bénéfice de l’endartériectomie carotidienne pourles sténoses serrées asymptomatiques de la carotide in-terne sous réserve de la correction des facteurs de risque,d’une espérance de vie correcte, d’une exploration mini-invasive et de bons résultats chirurgicaux. En ce qui con-cerne le territoire carotidien, il me paraît donc licite deproposer un dépistage systématique des sténoses caroti-des chez l’artériopathe claudicant.

B2.2 – Le problème est différent pour les artères rénales

La prévalence des sténoses d’artères rénales chez lepatient ACOMI est moins documentée, mais elle sembledu même ordre de grandeur que pour les carotides.L’écho-doppler y est également une technique fiable dedépistage. La question est en revanche au niveau de l’in-térêt du dépistage puisqu’on ne sait pas s’il faut traiterles lésions découvertes et ce d’autant que le taux decomplications de l’angioplastie va de 0 à 40 % selon lesséries. Par conséquent, je suis moins convaincu de l’in-térêt du dépistage des sténoses d’artères rénales chez leclaudicant hors cas précis (HTA mal contrôlée, insuffi-sance rénale chronique progressive, insuffisance cardia-que congestive à fonction VG conservée).

B2.3 – Nous ne disposons pas de données épidémiologiques pour les artères digestives

Il semble que 10 à 25 % des patients ACOMI ont aumoins une sténose d’un tronc digestif. Mais la collatéralitéest importante, la majorité des lésions sont asymptomati-ques et on estime depuis Mikkelsen qu’il faut des lésionssévères d’au moins deux troncs sur 3 pour avoir une is-chémie intestinale par atteinte des grosses artères di-gestives. L’utilité du traitement préventif des sténosesdes artères digestives n’est pas démontrée, l’utilité deleur dépistage non plus. Néanmoins, ce dépistage parécho-doppler prend peu de temps et pose peu de problème.

B2.4 – En conclusion

Il me semble utile de dépister systématiquement leslésions des troncs supra-aortiques. Pour les artères réna-les un dépistage systématique (hors patient suspect desténose d’artère rénale symptomatique) ne me paraît pasutile. Il en est de même pour les artères digestives. Danstous les cas, l’écho-doppler est la technique qui répondau critère d’une exploration sensible et non invasive.

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Tome 30, Cahier 3 du no 4, 2005 LES CLAUDICATIONS INTERMITTENTES 4S19

C – ÉVALUATION DE LA CLAUDICATION ARTÉRIELLE

C1 – LES QUESTIONNAIRES (Ph. Lacroix)

Il existe deux types de questionnaires, ceux qui visentessentiellement à savoir si le sujet à une claudication enrapport avec une ACOMI (questionnaires de Rose,d’Edimbourg et de San Diego), ceux qui visent à évaluerla gêne (WIQ) ou la qualité de vie (SF 36, Euroquol et lequestionnaire Clau-S spécifique de l’ACOMI). Je me li-miterai aux questionnaires diagnostiques.

Le plus ancien est celui de Rose qui a été adopté en1962 par l’OMS et traduit en plusieurs langues. Son ob-jectif est de dépister l’ACOMI et la coronaropathie. Ilest à la fois administrable (par une personne posant lesquestions) et auto-administrable (le sujet remplissantlui-même le questionnaire). Comme tout questionnaire,il s’agit d’un compromis entre des items auxquels il fautrépondre de manière positive ou négative et des items dequantification. Le questionnaire d’Edimbourg est issudu questionnaire de Rose. Il est plus simple, certainsitems ont été supprimés, un schéma a été ajouté. Cequestionnaire a été traduit en français. Le patient ou l’in-vestigateur situe la douleur sur le schéma, le diagnosticn’est retenu que si la croix se situe en face d’une massemusculaire. Le questionnaire de San Diego est pluscomplexe, il a un objectif de quantification.

Ces questionnaires ont des spécificité et sensibilitédifférentes. La sensibilité du questionnaire de Rose variebeaucoup avec l’investigateur et le test de référence : 68et 92 % pour Rose (1962, 1977), 9 % pour Criqui (1985),60 % pour Leng et Fowkes (1992), 33 % pour Aboyanset Lacroix (2000). En revanche sa spécificité est excel-lente (90 à 100 %). Le questionnaire d’Edimbourgest plus sensible que celui de Rose : 91 % en populationgénérale pour ses auteurs (référence : avis du clinicien),44 à 86 % en faisant référence à l’IPS. La spécificité res-te très bonne (93-99 %).

Ces questionnaires sont utiles pour l’épidémiologie,ils ont permis de préciser la prévalence de la CI dans lapopulation générale. Néanmoins, il existe une nette dis-cordance entre prévalence de la CI et la prévalence del’ACOMI définie par un IPS < 0,90. Dans l’étuded’Edimbourg la prévalence de la CI est de 4,5 %, cellede l’ACOMI est de 17 %. Nous avons trouvé des résul-tats du même ordre sur une population de médecinegénérale : questionnaires positifs dans 3,5 % des cas,IPS < 0,90 dans 10 % des cas. L’ACOMI est 3 à 4 foisplus fréquente quand elle est évaluée par un IPS < 0,90que quand elle est évaluée par un questionnaire. L’inté-rêt du questionnaire réside dans sa simplicité et la possi-bilité d’application à des populations très importante.

Dans la pratique médicale quotidienne, l’ACOMI estsous-diagnostiquée. Cela justifie l’intérêt des question-naires pour un dépistage en pratique quotidienne. Trèsspécifiques, ils peuvent aussi inciter à indiquer la réali-

sation d’épreuves de marche, devant des réponses posi-tives et des IPS limites.

Ces questionnaires ont des limites à bien connaître.Un questionnaire négatif ne signifie pas que la maladien’existe pas. Certaines douleurs atypiques, qui peuventêtre une CIa, peuvent échapper aux questionnaires(le questionnaire de Rose, par exemple, ne prend encompte que la douleur surale).

En nous intéressant au patient, nous retrouvons en faitles mêmes problèmes que chez les médecins, à savoir unerelative méconnaissance des manifestations de l’ACOMI,comme le confirme Stoffers (Limborg Study) : la claudi-cation intermittente est très mal identifiée aussi bien parle patient que par le non-spécialiste. À cet égard, lesquestionnaires sont aussi des outils éducatifs.

C2 – TESTS DE MARCHE, ÉPREUVE DE STRANDNESS

(C. Boissier)

La réalisation d’une épreuve de marche chez l’artério-pathe soulève plusieurs questions relatives au protocoleutilisé et aux paramètres à prendre en compte pour inter-préter cet examen. Le protocole le plus utilisé est celuidécrit par Strandness. Il fait appel à des conditions stan-dardisées de vitesse de déambulation et de déclivité. Cetest cherchait en premier lieu à éliminer les claudicationsnon-vasculaires, aussi ne prenait-il en compte que la ré-ponse hémodinamique : chute de pression et de temps derécupération, paramètres définissant la « fenêtreischémique ». Secondairement cette fenêtre ischémiquea été utilisée pour quantifier la sévérité de l’artériopathiedes membres inférieurs, associée aux valeurs de distan-ces initiales et maximales de marche.

Pour améliorer les performances diagnostiques de cetest, d’autres protocoles faisant varier vitesse de déam-bulation, ou déclivité du tapis roulant ont été proposés.Mais quelque soit le protocole utilisé, ces tests rencon-trent plusieurs critiques : temps de réalisation,reproductibilité médiocre des mesures, règles d’inter-prétation peu claires et le risque cardiaque encouru parle patient.

La reproductibilité des paramètres mesurés a été par-ticulièrement étudiée lors de la comparaison des proto-coles à pentes progressives [G tests], versus ceux àpentes constantes [C tests]. Ces études permettent d’af-firmer que le paramètre « distance initiale de marche »n’est pas fiable. Elles tendent en outre à réserver l’utili-sation du protocole à pente constante aux patients lesplus sévères. Dans les autres cas le protocole à pente va-riable serait plus fiable. Les rares études ayant pris encompte des données hémodynamiques montrent que leseul élément réellement reproductible est la chute del’index de pression en cheville, quelque soit le protocoleutilisé. C’est essentiellement l’autorisation ou non del’appui du patient sur les barres latérales du tapis roulantau cours du test de marche qui est à l’origine de la mau-

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vaise reproductibilité (Gardner) de certains paramètres(distance). Cet appui n’exerce par contre aucune in-fluence sur les mesures de chute de pression de la che-ville ou du temps de re-perfusion. Ceci souligne encoreune fois l’importance de la mesure de la fenêtre isché-mique.

L’interprétation des tests de marche n’a jamais étéclairement explicitée, certains auteurs ont donc cherchéà proposer des règles d’analyse, pendant que d’autrescherchaient des tests de substitution plus simple. En1985, dans un travail rétrospectif nous avons mis en évi-dence que le seul paramètre hémodynamique permettantd’expliquer le recours à la chirurgie de revascularisationétait la sévérité de la fenêtre ischémique (analyse faiteselon 3 classes de sévérité de la fenêtre ischémique).Pour améliorer cette règle d’interprétation M. Gaillard amontré en 1999 que l’on peut modéliser l’épreuve demarche (équation d’interprétation ou algorithme d’ana-lyse) en combinant des paramètres de repos (index etpression de chevilles) à ceux de l’épreuve de marche(chute de pression, temps de re-perfusion). Gardner aproposé un calcul de substitution, qui prend en comptele statut — homme/femme, fumeur/non-fumeur — etl’index de masse corporelle, mais ce test ne donnequ’une approximation des distances de marche et nepermet pas de quantifier la fenêtre ischémique. En re-vanche, les tests de répétition de mouvements de dorsi-flexion des pieds constituent un procédé indirectd’évaluation de la sévérité de la fenêtre ischémiquealors que le test de marche libre de six minutes a unebonne reproductibilité mais ne permet pas d’appréhen-der la valeur de la fenêtre ischémique. Enfin B. Simon amontré en 2001 que le Holter informatisé de marche(système PADHOC) permettait, au cours d’une doubleépreuve de marche (test répété à 1 minute d’intervalle)d’évaluer à la fois les distances de marche et la sévéritéde la fenêtre ischémique. En outre, comme pour le testde Strandness, les données issues de ce holter de marchepeuvent être modélisées (équation d’interprétation et unalgorithme d’analyse). Au cours de son travail B. Simona également montré que le risque coronarien était équi-valent, quelque soit le protocole de marche utilisé, lapuissance atteinte était en moyenne inférieure à 120watts. Compte tenu de ce risque, le consensus « AMISII » a recommandé la réalisation d’un ECG d’effort,avant tout test de marche pour s’assurer que le patientpeut réaliser un effort d’au plus 120 watts sans risquecoronarien.

En définitive, l’épreuve de marche sur tapis roulant,permet d’identifier différentes sous-populations à ris-que, en fonction de la sévérité de la fenêtre ischémique.Ce paramètre apparaît être indispensable à prendre encompte quelque soit le protocole utilisé. Compte tenu durisque cardiaque il est recommandé de faire pratiquer unECG d’effort avant tout test de marche. Des études pros-pectives apparaissent indispensables pour préciser cesdifférentes notions.

C3 – QU’EST-CE QU’UNE CLAUDICATION INVALIDANTE ?(D. Hayoz)

Nous nous posons cette question quotidiennementsans le savoir, en prévision d’un geste de revascularisa-tion, après échec d’un traitement conservateur. L’OMSdéfinit l’invalidité comme un « désavantage social pourun individu donné, résultant d’une déficience ou d’uneincapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’unrôle considéré comme normal, compte tenu du sexe, del’âge et des facteurs sociaux et culturels ». Il s’agit doncd’un problème de santé conduisant à un désavantage so-cioprofessionnel ou socioéconomique.

Afin d’évaluer ce degré d’invalidité, nous disposonsde critères subjectifs, avec les questionnaires de qualitéde vie, et de critères objectifs, tels que l’IPS et les testsd’effort. Une ischémie d’effort a des répercussions va-riables, en fonction des facteurs économiques, sociauxet éducatifs. Une CI pourra être très invalidante chez unpatient actif. Récemment par exemple, nous avons reçuun jeune patient diabétique de type 1 qui pratique beau-coup de sport et qui a des IPS normaux, mais qui ressentune douleur au mollet après deux kilomètres de jogging.Dans ce cas, il est très difficile d’avoir une attitude thé-rapeutique claire. Pour une population sédentaire en re-vanche, une CI peut se révéler très peu invalidante, lepatient pouvant continuer son activité quotidienne.

Aux États-Unis, les critères sont très simples avec l’or-ganisation des villes en « block » qui mesure 900 pieds.Le patient peut déclarer qu’il souffre d’un certain handi-cap bien que les Américains marchent de moins enmoins. Une claudication est jugée sévère à partir d’uneDM limitée à deux blocs, donc 200 mètres. En Europeen revanche, la distance entre immeubles est aléatoire.Pourtant, la DM standard des patients est généralementde 200 mètres.

Nous avons également recours à des outils de quanti-fication, tels que les questionnaires sur la qualité de vie,le VASCUQUOL (Morgan J Vasc Surg 2001), est trèssimple. Ce questionnaire prend en compte les symptô-mes, les douleurs, l’émotion et le social desquels il ré-sulte un score. Le problème est de définir le seuil à partirduquel un patient peut être considéré comme handicapé.

Les critères objectifs hémodynamiques peuvent lierla CIa sévère au risque d’ischémie critique. L’interfaceentre les deux est difficile à définir, mais reste clair. Ain-si pour Rutherford (J Vasc Surg 1997), la CIa est sévèresi le patient est incapable d’effectuer un test d’effort surtapis roulant (3,2 km/h, 12 % de pente) et si la chute depression à la cheville après l’effort est < 50 mmHg. Ce-pendant, la corrélation entre les indicateurs d’ischémieet la qualité de vie est mauvaise. Vous pouvez constaterqu’il existe des paramètres objectifs différents, tels queles IPS et la DM maximale, mais la médiane de la qualitéde vie est proche pour les différents groupes considérés(Chetter, Cardiovasc Surg 1997). C’est véritablementquand le patient a une douleur au repos que la qualité de

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vie chute. Il existe donc une place pour ajouter des para-mètres, même si je ne suis pas certain qu’il soit nécessai-re d’ajouter la fenêtre ischémique.

Afin de juger de la sévérité ou de la qualité de l’inva-lidation dans la CIa, il est nécessaire de prendre encompte les attentes du patient, les explorations fonction-nelles et les possibilités thérapeutiques. Avec les pro-grès de la technique, de nouvelles possibilités sont misesà jour fréquemment. Il convient également de tenircompte du rapport risque/bénéfice, sans parler des coûts.Tous ces éléments doivent permettre de définir une stra-tégie acceptable pour tous. Néanmoins, il convient de serappeler qu’un traitement conservateur est efficace chezles trois quarts des patients.

D – CLAUDICATION ARTÉRIELLE : CONDUITE À TENIR

D1 – IMAGERIE (ÉCHO-DOPPLER, ARTÉRIOGRAPHIES) : QUAND, POURQUOI, COMMENT ? (G. Camelot)

L’imagerie vasculaire et la prise en charge des pa-tients vasculaires sont intimement liées dans leur évolu-tion. Les progrès de l’imagerie sont impressionnants,nous conduisant parfois à empiler les examens, alors quenotre rôle est d’effectuer les choix les plus éclairés afind’atteindre des objectifs de traitement validés. Nous de-vons nous poser les questions éternelles : pourquoi,quand et comment utiliser l’imagerie vasculaire ?

Les 2 premières questions sont liées, car nous devonsdécider quelles lésions il convient de préciser pour lesdifférentes étapes de la prise en charge. À l’étape du dia-gnostic, il est important d’affiner le diagnostic clinique.Pour la décision thérapeutique, ce sont essentiellementla clinique et le terrain qui priment. À cet égard, le ni-veau et le degré des lésions sont importants. Pour la CIa,nous serons principalement orientés vers les lésions aor-to-iliaque et fémorale commune. L’imagerie est devenueaussi un élément de la tactique chirurgicale, de la tech-nique de revascularisation. Elle est également nécessaireà la surveillance de l’évolution des patients, indépen-damment de la prise en charge.

Les objectifs des différentes techniques d’imageriesont d’abord l’efficience et la fiabilité, à savoir la sensi-bilité, la spécificité, la reproductibilité, la réduction del’effet opérateur. Nous devons également limiter le ris-que. Nous nous limitons généralement au risque néphro-toxique du produit de contraste dans l’artériographieconventionnelle, mais le gadolinium présente égalementune néphrotoxicité. En outre, suite aux réflexions despatients et des professionnels une directive a été publiéequant à l’utilisation des radiations ionisantes. Enfin, unobjectif est la limitation des coûts, certaines machinesétant beaucoup plus coûteuses que d’autres.

La comparaison des techniques d’imagerie est déjàancienne. En 2000, le consensus transatlantique TASC ainsisté sur la nécessité de procéder à des études contrô-lées supplémentaires, afin d’établir des recommanda-tions. En 2002, l’ANAES, dans une évaluation destechnologies centrée sur l’écho-doppler dans l’ACOMI,demandait également des études complémentaires. J’airepris plusieurs études récentes en me centrant sur la CIaet sur les lésions hautes. Malheureusement, la majoritédes études présentent des résultats globaux, ce qui renddifficile d’établir une synthèse acceptable pour la CIa etl’imagerie adaptée à l’ACOMI.

Wikström (Eur J Vasc Endovasc 2000) montre quel’ARM, l’artériographie et l’écho-doppler ont des per-formances identiques au niveau aorto-iliaque. Visserdans une méta-analyse (Radiology 2000) montre quel’ARM a une meilleure sensibilité que l’écho-doppler,mais que les deux techniques ont une spécificité com-parable. Selon Lujan (Eur J Vasc Endovasc Surg 2002)et Back (Ann Chir Vasc 2002), l’écho-doppler et l’ar-tériographie sont équivalents pour planifier une revas-cularisation, la référence étant les constatations per-opératoires. Ascher a montré que la cartographie arté-rielle écho-doppler est mieux corrélée aux constatationsper-opératoires que l’ARM, et que les discordances en-tre ARM et l’artériographie sont plus nombreusesqu’entre écho-doppler et artériographie per-opératoire(Ann Vasc Surg 2004). Nous constatons donc que l’arté-riographie pré-opératoire, en tant que référence, est bat-tue en brèche.

L’imagerie per-opératoire s’est fortement développéedepuis une quinzaine d’années. Ceci a posé des problè-mes de formation, d’adaptation et d’éducation à la radio-protection en bloc opératoire. Par ailleurs, des étudesrécentes tentent de diminuer l’importance des radiationsionisantes, en étudiant la possibilité de réaliser certainsgestes sous échographie, voire sous ARM. Néanmoins,le chemin est encore long, car le matériel doit être adaptéet le bloc opératoire doit être organisé en conséquence.Quand l’artériographie a été suffisamment fiable, elle asoulevé un certain enthousiasme et a été largement utili-sée au stade pré-décisionnel. Son indication a été res-treinte au diagnostic pré-opératoire, mais elle estaujourd’hui un geste per-opératoire et est indispensableà certains gestes opératoires, comme toutes les techni-ques de chirurgie endovasculaire.

L’exploration ultrasonore a pris une place de plus enplus importante. La notion de cartographie artérielleécho-doppler montre que cette exploration devient unevéritable artériographie, avec des durées de réalisationqui diminuent avec l’expérience des équipes, et des ré-sultats qui s’affinent avec l’interactivité entre angiolo-gues et chirurgiens vasculaires pour avoir un retour surles constatations per-opératoires. L’informatisationdes images pourrait permettre de rendre des schémasréels, bien que la standardisation doive encore êtreaméliorée.

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L’artériographie pré-opératoire reste prescrite car nousne disposons pas tous d’une cartographie écho-dopplerde précision, nous souhaitons toujours plus de précisionssur les lésions, il existe aussi des habitudes parfois con-ditionnées par les conditions locales d’exercice.

Enfin, je souhaite formuler quelques propositionspour l’imagerie. En phase de diagnostic, l’écho-dopplerest normalement la seule technique de mise. En phasepré-opératoire, une cartographie écho-doppler peut êtreassociée à l’ARM, sachant que certaines lésions aorto-iliaques peuvent justifier un scanner pour évaluer le degréde calcification et la possibilité de réaliser des gestesd’angioplastie. En phase per-opératoire, l’artériographieavec contraste est actuellement la meilleure technique,bien que l’écho-doppler doive être davantage intégré, afinde limiter l’utilisation des radiations ionisantes. Je sou-haite également voir le développement de l’échographieendovasculaire et l’ARM per-op. En phase de surveillan-ce enfin, l’imagerie revient évidemment à l’écho-doppler.

D2 – MARCHE, ENTRAÎNEMENT À LA MARCHE

OU RÉÉDUCATION (D. Stephan)

Le message est que l’exercice physique constitue unatout pour l’artériopathe, indépendamment du stade desa pathologie. Il faut convaincre le patient que l’arrêt dutabac et la marche sont les meilleures choses qu’il puisseeffectuer.

Les preuves des bienfaits de la marche ou de la réédu-cation sur la maladie sont néanmoins peu nombreuses.Les effectifs des essais cliniques sont faibles, les critèresd’évaluation sont variables. J’ai répertorié quatre méta-analyses (Gardner 1995, 21 essais — Nehler 1999,14 essais — Girolami 1999, 5 essais — Leng 2000,10 essais). Pour Gardner, le critère d’évaluation est leplus souvent la DM sans douleur, l’expression étantl’augmentation de cette DM après une épreuve sur tapisroulant, cette distance double. Nehler met en évidenceune augmentation de 100 à 200 % de la DM, mais l’in-tervalle de confiance du critère d’évaluation est large.Girolami a compilé les données de protocoles de réédu-cation à la marche, de traitement pharmacologique de laCI et de l’arrêt du tabac. La DM augmente de179 mètres. Leng cite dix études randomisées, avec dessuivis d’au moins six mois, et note une augmentation de150 % de la DM mesurée sur tapis roulant, mais avec unintervalle de confiance extrêmement large qui traduitl’hétérogénéité des protocoles de rééducation.

Une étude prospective récente porte sur 500 patientssouffrant de CIa à qui une rééducation non supervisée aété proposée. Les patients devaient marcher 40 min.quatre fois par semaine (Wolosker, Arch Intern Med2003). Ils ont été répartis en 4 groupes, selon qu’ils ar-rêtaient de fumer et marchaient, qu’ils marchaient maisn’arrêtaient pas de fumer, qu’ils arrêtaient de fumermais ne marchaient pas ou qu’ils ne suivaient aucune re-

commandation. L’étude montre une augmentation de laDM sans douleur après six mois chez les patients qui ar-rêtent de fumer et qui marche, la pente étant ensuite li-néaire. Par ailleurs, le seul arrêt du tabac produitégalement un résultat significatif. Néanmoins, il estétonnant que l’intervalle de confiance reste le mêmeaprès six mois, alors que l’effectif diminue.

Pour résumer, les études de rééducation dans la clau-dication sont caractérisées par de faibles effectifs, bienque la méta-analyse permette de compiler les essais. Lessuivis sont variables, selon l’intensité de la rééducation.Ainsi, des périodes de 12 semaines sont suffisantes dansles centres de rééducation, tandis que 6 mois sont néces-saires pour obtenir des résultats avec les programmesnon supervisés. Par ailleurs, les exercices préconiséssont différents : il est possible de demander au patient demarcher ou d’effectuer des exercices dynamiques sur ta-pis de marche. L’intensité de l’effort est fixe dans la plu-part des cas. La majorité des programmes sontsupervisés. Enfin, la qualité de vie et les autres indicessont peu évalués, le critère principal étant la DM sansdouleur.

Dans l’ACOMI, un programme d’exercice physique,seul ou en association, est toujours indiqué. Le meilleurprogramme doit être supervisé et comprendre un entraî-nement d’au moins six mois. Le programme doit êtrefractionné en termes d’intensité de l’effort et faire appelà la marche, qui est l’exercice le plus simple. Enfin, ildoit respecter un rythme tenant compte des possibilitésdu patient.

D3 – ANGIOPLASTIE, CHIRURGIE : INDICATIONS,RÉSULTATS À MOYEN ET LONG TERMES (J.L. Magne)

Je séparerai l’étage proximal et l’étage médial, bienque les lésions combinées soient fréquentes. Nous dispo-sons de 4 traitements : l’angioplastie, la recanalisation, lepontage et l’endartériectomie. J’essaierai de différencierces traitements en fonction du type de lésion.

D3.1 – Pour les sténoses aortiques, l’angioplastie estclairement le traitement de référence comme le montrel’étude de Mol (J Vasc Surg 2004) avec un succès initialde 98 % et une perméabilité secondaire de 97 % à 5 ans.Néanmoins, le degré de calcification est un facteur limi-tant et il convient d’éliminer les patients ayant de grosmacarons calcaires intraluminaux, qui sont très dange-reux.

D3.2 – L’angioplastie est également le meilleur trai-tement des sténoses iliaques symptomatiques avec uneperméabilité de 70 % à cinq ans dans la majorité des sé-ries. Le débat porte sur le stenting. Cela dépend des con-victions de chacun. Je pense qu’il n’existe aucune raisonde placer une endoprothèse au cours d’une angioplastieiliaque lorsque le résultat morphologique immédiat estsatisfaisant, les stents doivent être réservés aux lésionstrès calcifiées ou aux dissections.

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D3.3 – La recanalisation est le traitement de référencedes thromboses de l’iliaque commune. Nous l’avonsprouvé par une étude datant de quatre ans, qui avait com-paré la recanalisation et le pontage sur une série de plusde 100 patients. Les patients étaient tous recanalisés etétaient pontés en cas d’échec. La perméabilité des mala-des recanalisés était nettement supérieure à celle des ma-lades opérés, sachant que les cas d’opération étaient pluscomplexes, avec des thromboses distales associées.

D3.4 – Le cas des thromboses iliaques externes estcomplètement différent, les lésions sont beaucoup plusétendues, l’artère est de plus petit calibre et est souventcalcifiée. Le débat porte sur l’intérêt de la recanalisationet du pontage. L’étude de Powell (J Vasc Surg 2000) meten évidence une perméabilité de 18 % à trois ans du trai-tement endovasculaire des thromboses iliaques externes.Par conséquent, les revascularisations par pontage sontpréférables.

D3.5 – Pour les patients ayant des lésions proximalesétendues, le pontage prothétique reste le traitement stan-dard. Nous disposons de séries à vingt ans sur ce sujet,une étude récente (Nevelsteen 1997) montre une per-méabilité de 84 % à 10 ans. Curieusement, la littératureest pauvre quant aux résultats en terme d’améliorationfonctionnelle. J’ai retenu un article de Crawford publiéen 1981, qui montrait un taux de 70 % d’améliorationfonctionnelle avec un suivi de plus de 15 ans.

D3.6 – Concernant le trépied fémoral et les sténosesde l’origine de la fémorale profonde, avec une occlusionde la fémorale superficielle, les lésions peuvent être trai-tées par endartériectomie ou par angioplastie. Selon moil’endartériectomie est préférable, l’angioplastie est unemauvaise indication pour le trépied fémoral, qui unezone de flexion.

D3.7 – Concernant l’artère fémorale superficielle, ledébat porte sur l’intérêt de l’angioplastie, du pontage oude la rééducation. Les éléments d’indication dépendentde la connaissance de l’histoire naturelle de la maladie,de la qualité du traitement médical et de l’analyse des ré-sultats. Une série récente (Jacobs, Eur J Vasc EndovascSurg 2004) randomisée, portant sur des patients à diversstades, montre que l’angioplastie a une perméabilité de43 %. Par conséquent, les angioplasties sont peu justi-fiées. Les pontages fémoro-poplités hauts ont une per-méabilité comprise entre 47 et 82 % à trois ans, je penseque 50 % est plus près de la vérité. Je considère que cespontages sont néfastes pour différentes raisons : le risquede compétition avec le flux de reinjection poplitée estgrand ; le cas s’aggrave quand le pontage se thrombose.Les indications chez le claudicant doivent donc être ex-ceptionnelles et faire l’objet d’une analyse très attentivede la rentrée poplitée.

D3.8 – Pour conclure

Le traitement des sténoses ou occlusions proximalesdépend d’abord de la qualité de la restauration et du con-

trôle des facteurs de risque. Les sténoses ou occlusionsdes fémorales superficielles deviennent le plus souventasymptomatiques après six mois de traitement médical.

D4 – TRAITEMENT MÉDICAL DE LA CLAUDICATION

ARTÉRIELLE : REVUE DE LA LITTÉRATURE (J.P. Boissel)

Je me concentrerai sur des thérapeutiques illustrativesdes problèmes rencontrés lors du traitement de la CIa.Le travail a été effectué par tout un groupe, la questionposée était de savoir quelles sont les données actuellesde la science concernant l’efficacité des traitements pro-posés dans l’ACOMI par athérosclérose, afin d’établirune recommandation demandée à l’ANAES par laCNAM.

L’efficacité d’une thérapeutique est une quantité, etnon pas quelque chose de binaire. Cette quantité est me-surée par un instrument bien maîtrisé, mais pas toujourssans biais, l’essai clinique randomisé. Ceci nous amèneà nous intéresser au niveau de preuve. Il est souhaitableque plusieurs essais soient réalisés pour le même qua-druplet « maladie, tableau clinique, objectif thérapeuti-que, thérapeutique » de façon à disposer d’une base pluslarge de patients pour estimer l’efficacité. Enfin, il estnécessaire d’établir une synthèse de l’ensemble des con-naissances disponibles par une méta-analyse.

Dans notre étude, nous avons considéré un niveau depreuve minimum requis, qui a permis de sélectionnerles essais entrant dans les méta-analyses : allocationaléatoire des traitements masquée ou non, critère clini-que, durée de suivi et de traitement pertinent, analyse enintention de traiter, taux de perdue de vue ¢ 10 %. Danstous les cas, le diagnostic d’ACOMI devait être validépar un examen écho-doppler ou artériographique. Lesobjectifs thérapeutiques concernés dans cette étude sontl’amputation, les accidents ischémiques cardiaques oucérébraux et les divers indices de distance de marche.La recherche bibliographique a été la plus large possi-ble. L’analyse, la synthèse et la présentation ont utilisél’outil TriaLys_admin, qui gère la recherche bibliogra-phique, enregistre les données de chaque étude, réalisela méta-analyse, interprète automatiquement les don-nées et écrit automatiquement le rapport destiné aux ex-perts du groupe de travail. Le rapport papier contenaitun millier de pages. Passons maintenant à quelques ré-sultats.

En premier lieu, l’angioplastie semble préférable à lachirurgie en ce qui concerne l’amputation à un an, mêmesi la différence n’est pas significative. En terme de mor-talité, l’angioplastie présente un possible bénéfice parrapport à la chirurgie et à l’exercice, ce qui ne s’expliquepas et peut être dû au hasard, comme en témoigne l’in-tervalle de confiance.

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Concernant la distance de marche maximale et la DMsans douleur, les vasoactifs semble intéressants. L’hété-rogénéité est très significative. Les vasoactifs ne mon-trent pas d’effets sur la mortalité, les résultats nemontrent pas d’hétérogénéité.

La stimulation médullaire a été étudiée à l’aune ducritère d’amputation sous 12 mois et comparée àl’absence de stimulation chez les patients suivant untraitement médical. Les bénéfices sur la fréquenced’amputation sont quasiment significatifs. Il est dom-mage que les effectifs n’aient pas été plus importants.Par ailleurs, la stimulation médullaire entraîne un tauxde complications qui est très significatif, même si l’in-tervalle de confiance est large du fait du faible nombrede patients.

La chirurgie de pontage a été comparée à la thrombo-lyse, à l’exercice, à l’angioplastie et à l’endartériecto-mie. La chirurgie de pontage ne présente pas debénéfices en termes d’amputation.

Concernant l’entraînement physique, nos critèresstricts nous laissent un faible nombre d’essais. L’évalua-tion a porté sur la DM maximale. Nous pouvons conclu-re que l’entraînement physique est bénéfique, malgré lefaible nombre de patients et d’essais. Nous notons unehétérogénéité, qui est probablement due à des techni-ques d’exercice physique différentes.

En conclusion, il existe des écarts relativement im-portants entre ce que nous croyons et la connaissancescientifique de l’efficacité des thérapeutiques. Les in-suffisances sont nombreuses. Ainsi, les traitements stan-dards, que vous utilisez quotidiennement, sont malévalués. Les essais conduits correctement ne sont passuffisamment nombreux, les effectifs sont beaucouptrop restreints. Enfin, je suis étonné de l’absence de stra-tégie. Nous devons donc nous demander si les pratiquessont en accord avec la connaissance scientifique.

DISCUSSION

Animée par H. Bounameaux, G. Camelot, J.P. Favre, I. Quéré

De la salle : Le dépistage d’une atteinte coronarienneassociée s’effectue-t-elle bien sous traitement médicalavec des scintigraphies d’effort non démaquillées ?

D. Duboc : J’ai la conviction que le patientartéritique est un coronarien. Par conséquent, il est né-cessaire de traiter sa coronaropathie. Faut-il explorersystématiquement un coronarien asymptomatique ? Jepense que cela n’est pas nécessaire, car nous risquonsd’entrer dans l’engrenage d’une revascularisation qui re-pose sur des valeurs pronostiques datant d’une époqueoù la polychimiothérapie antiathéromateuse n’existaitpas. Une exception peut être le tronc commun, mais

même sous une bonne dose de bêta-bloquants le patientrisque de faire un sous-décalage important sur un vélos’il y a des répercussions sur la perfusion myocardiqueen aval de la sténose. Si vous souhaitez effectuer un exa-men diagnostique à un patient auquel vous ne souhaitezpas appliquer une polychimiothérapie, une certitude dia-gnostique est nécessaire. En cas de doute clinique suffi-sant sur des douleurs chez un sujet jeune, il estsouhaitable d’effectuer une coronarographie diagnosti-que sans passer par l’épreuve d’effort. En cas de maladieathéromateuse en revanche, le patient doit suivre l’en-semble du traitement. Si sa fonction cardiaque est nor-male, il est inutile d’aller plus loin sous ce traitement.

De la salle : Je confirme que les tests d’effort sur tapisroulant sont laborieux à mettre en place. Quel est l’inté-rêt de cette technique complexe, peu reproductible etréalisable principalement à l’hôpital ?

C. Boissier : L’épreuve n’est pas complexe, mais lon-gue, car elle nécessite une demi-heure de récupération.La récupération de la pression en cheville peut être me-surée par une infirmière, si celle-ci a appris la technique.

H. Bounameaux : Existe-t-il des conséquencesthérapeutiques ?

C. Boissier : Nous avions classé les patients en troissous-populations en fonction de la sévérité de fenêtre is-chémique. Cela n’était pas possible en se basant unique-ment sur la mesure de l’IPS. Il s’est avéré que dansl’année qui a suivi les patients qui ont le plus fréquem-ment bénéficié d’un geste de revascularisation sont ceuxdu groupe dont la fenêtre ischémique était la plus sévère.Il semble donc que cette population soit celle pour la-quelle il soit licite d’envisager la réalisation d’examensinvasifs dans l’hypothèse de lésion menaçante (au ni-veau de la collatérale de ré-injection par exemple) etéventuellement d’une intervention.

H. Bounameaux : Les éléments subjectifs semblentimportants. L’appréciation individuelle est une clé del’évaluation, qui est essentielle chez un claudicant. Ilconvient de se demander si nous souhaitons traiter la vi-tesse de marche ou l’index de pression ou si nous sou-haitons réduire un symptôme gênant le patient. En semontrant pragmatique et en choisissant la dernière op-tion, il convient de se référer à l’impression du patient.Ce n’est pas en supprimant une sténose que nous amé-liorons le pronostic du patient.

D. Hayoz : Je considère que notre métier est un art àce niveau, même si des éléments objectifs permettentd’étayer la discussion avec le patient. Le problème dé-pend de votre région. Par exemple, il est difficile deprescrire un traitement conservateur quand la plus pro-che clinique dilate larga manu ces patients.

F. Becker : Je souhaite souligner qu’il est nécessairede revenir à de la séméiologie précise. Ce n’est pas à la4e angioplastie qu’il convient de se demander si le pa-tient ne présente pas en fait un syndrome de Morton.

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I. Quéré : Pouvez-vous commenter le fait que la CIest un symptôme et que l’utilisation d’une classificationa pu engendrer un biais par rapport à l’évolution del’artériopathie ?

F. Becker : Je pense qu’il faut aller chercher l’expli-cation dans l’histoire de la claudication intermittente.Ce symptôme est resté très longtemps ignoré, ce qui dé-sespérait déjà Charcot. Il n’a été véritablement reconnuque dans les années 1950 avec la classification dite deLeriche et Fontaine et de belles envolées lyriques commecelle de Froment « Claudication intermitente douloureu-se, magnifique syndrome fonctionnel ! Grâce à lui, enrapportant seulement sa plainte, le malade signe sondiagnostic, non seulement le trouble artériel sera recon-nu, mais le degré de l’ischémie ainsi réalisé sera estiméde façon précise ». La claudication est alors déclarée lemaître symptôme de l’artériopathie et du même coup de-vient le marqueur de l’épidémiologie de l’ACOMI quiprennait son essor. On n’avait guère d’autres moyensmais cela a été l’erreur. Au-delà des moyens, on n’ima-ginait pas la fréquence des formes asymptomatiquesd’ACOMI et encore moins qu’elles puissent exposer aumême risque cardio-vasculaire que les formes sympto-matiques, on faisait des descriptions cliniques fines maisles règles d’analyse critique statistique étaient inconnuesen Médecine, le plus gênant à mon sens est qu’on ne soitpas dit que la condition première pour manifester une« claudication » est de marcher. En fait la CI est un mau-vais marqueur d’ACOMI, c’est l’histoire de l’arbre quicache la forêt : on a mis en avant un symptôme par naturesubjectif et ignoré la maladie sous-jacente.

P. Abraham (Angers) : François Becker a expliquéque la claudication était avant tout une hypoxémie d’ef-fort. Ces patients sont tous des anciens fumeurs, de nom-breux patients peuvent avoir une broncho-pneumopathiechronique obstructive. Ils peuvent avoir, du fait d’unehypoxémie sur les zones d’activité musculaire, notam-ment le mollet, une symptomatologie typique d’uneACOMI avec des lésions artérielles significatives maismineures. Chez ces patients, il n’est pas exceptionneld’observer des hypoxémies d’exercice, alors que le pa-tient ne se plaint pas d’une symptomatologie respiratoi-re. Je pense que cela fait partie des diagnosticsdifférentiels à observer. Avec l’épreuve d’effort parailleurs, nous sommes capables de prouver quasiment larelation existante entre le symptôme et l’image vasculai-re. Par conséquent, le fait de se passer de l’épreuve d’ef-fort ne témoigne absolument pas d’une qualitéstratégique. Si elles sont techniquement relativementlourdes en effet, les épreuves d’efforts ne sont pas sicomplexes en pratique. Contrairement à ce que l’onpourrait penser en outre, la mortalité due à ce type d’ef-fort est quasiment nulle.

H. Bounameaux : Un examen n’a de sens que si sonrésultat permet d’adopter une attitude thérapeutique dif-férente. Selon moi, il n’est pas utile de procéder à un test

sur tapis roulant afin de s’assurer simplement de l’exis-tence d’une ischémie d’effort. La question est de savoirce que nous faisons du résultat et de savoir s’il est néces-saire de procéder au test chez l’ensemble des claudi-cants. En effet, vous avez présenté la mauvaisecorrélation existant entre les résultats du test d’effort etle sentiment d’invalidité du patient ou sa qualité de vie.

C. Boissier : G. Camelot a montré que l’écho-dopplerétait un examen très fiable pour explorer l’étage aorto-iliaque. Toutefois chez les obèses, l’iliaque primitive estprofonde, il est difficile d’être très performant à cet éta-ge. L’épreuve de marche sur tapis roulant peut s’avérerutile dans ces cas en fournissant des éléments indirectsbasés sur la mesure de la fenêtre ischémique. L’altérationimportante de ce paramètre constitue un argument en fa-veur de lésion menaçante et peut conduire à la réalisationd’une angiographie et d’un éventuel geste de correction.Dans le cas contraire il n’est pas nécessaire de pousser lesinvestigations. Ainsi l’épreuve de marche a pour nous unintérêt dans la décision thérapeutique. Mais ces notionssont issues d’un travail rétrospectif, et il faut les confor-ter par des études prospectives. Bien entendu pour êtrepertinent ce test doit être interprété correctement. Aussidans l’évaluation de l’efficacité des traitements médica-menteux il ne faudrait plus se limiter à la quantificationde la distance de marche, paramètre peu fiable nousl’avons vu, il serait plus judicieux de quantifier l’impactde ces thérapeutiques sur la fenêtre ischémique.

H. Bounameaux : Je me demande si nous ne sautonspas une étape. Quel sera l’élément qui nous décidera àprocéder à une intervention thérapeutique ? Ce peut êtrela chute de pression à l’effort, une image écho-doppler,le symptôme ou l’invalidation du patient. Il faut répon-dre à cette question. Si c’est effectivement l’imageécho-doppler ou une fenêtre ischémique qui amène unedécision thérapeutique particulière, ces tests sont alorsnécessaires. En revanche, si la décision est liée au trai-tement d’un symptôme, ce que j’avais cru comprendre,il convient d’analyser ce dernier et l’invalidité qu’il re-présente pour le patient. Les tests d’effort sont alors inu-tiles, car c’est le patient qui doit nous informer si sa vieest insupportable ou non.

F. Becker : Je pense qu’il existe des nuances. Chezcertains patients qui ont des douleurs à la marche et uneartériopathie, l’analyse anatomo-clinique n’est pas clai-re. Il est alors logique de chercher par un test la preuvequ’il existe une insuffisance artérielle d’effort, corréléeavec les propos du patient. Nous améliorerions certaine-ment la gestion des ACOMI si nous n’assimilions passystématiquement l’ACOMI + douleur à la marche à CId’origine artérielle. L’absence d’interrogation conduit àdes gestes d’angioplastie excessifs, je trouve regrettablequ’on commence à s’interroger à l’xème échec d’angio-plastie ou de pontage.

H. Bounameaux : L’intérêt du tapis roulant est évi-dent quand le diagnostic n’est pas clair ou les symptô-

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mes intriqués. La question est de savoir s’il convient deles préconiser à tous les claudicants d’origine artérielle,quand l’anamnèse et l’examen clinique ont conduit à undiagnostic clair. Je n’en suis pas convaincu.

J.P. Boissel : L’important pour le patient est d’amé-liorer sa qualité ou sa quantité de vie, mais pas forcé-ment d’améliorer son IPS ou un autre indice.

C. Boissier : Si un patient estime objectivement quesa distance de marche est suffisante et si nous trouvonsune oblitération de sa fémorale superficielle et une sté-nose critique au niveau de sa fémorale profonde, un ges-te sur cette dernière peut se discuter, même si le patientest satisfait de sa situation.

J.L. Magne : Il est clair que les chirurgiens peuventagir, notamment en cas de risque hémodynamique.

Vous avez évoqué les pathologies intriquées. Celles-ci sont particulièrement fréquentes dans les claudica-tions fessières. Je souhaiterais savoir si vous mener uneexploration fonctionnelle et objective, à travers un testd’effort, afin d’explorer les claudications fessières.

P. Abraham (Angers) : Je ne souhaiterais pas paraîtrejusqu’au-boutisme quant aux tests d’efforts, car j’adhèrecomplètement aux propos d’Henri Bounameaux relatifsaux indications de ces tests. Nous avons fréquemmentévoqué l’intérêt de l’écho-doppler et de l’IPS. Il est vraique dans certaines situations, l’épreuve d’effort resteimportante, car elle apporte des arguments de relationentre les symptômes et la douleur. Par ailleurs, nousavons beaucoup évoqué la « polyvascularité ». Pour-tant, nos patients ne sont pas uniquement polyvasculai-res, ils ont également des atteintes ostéoarticulaires oubroncho-respiratoires. Le problème de l’épreuve d’ef-fort se pose dès lors qu’il existe une sorte d’incon-gruence entre les constatations d’imagerie et la sympto-matologie du patient, mais certainement pas de façon sys-tématique.

Concernant les moyens de diagnostic de la claudica-tion proximale par ailleurs, la TcPO2 au niveau du mas-sif fessier à l’exercice semble effectivement avoir uneperformance diagnostique très satisfaisante.

I. Quéré : Dans notre expérience clinique, les tests demarche rencontrent des limites chez les personnes âgées,qui posent la question de l’imputabilité de douleurs d’ef-fort à leur ACOMI. L’épreuve sur tapis roulant est malvécue par ces personnes, précisément en raison de pro-blèmes arthrosiques et neurologiques. Que convient-ilde recommander dans cette situation ?

P. Jego : La question est délicate. J’ai l’habitude d’ef-fectuer un examen clinique dans la situation qui déclen-che la douleur. Chez les personnes âgées, il peut suffire deles faire marcher légèrement plus rapidement de la salled’attente à la salle d’examen pour obtenir des données in-téressantes comme un déficit neurologique. Je pense quecela constitue un 1er élément de réponse. Un 2ème con-siste à étudier la gêne fonctionnelle de la personne âgée.

Il n’est pas forcément utile d’aller plus loin si le patient sedéplace simplement de son lit au fauteuil de la salle àmanger dans sa maison de retraite. Le problème le plusfréquent est la lombalgie. Il est possible de retourner leproblème des CIa en prenant le versant rhumatologique.Nos collègues rhumatologues effectuent fréquemmentdes tractions et des infiltrations parce que l’imagerie duscanner rachidien montre des dégâts arthrosiques consi-dérables. Devant l’échec du traitement, ils nous deman-dent de reconsidérer le problème, ce qui nous amène àdiagnostiquer la CIa. En tout cas, il est délicat de placerune personne qui ne marche pas sur un tapis roulant, l’ap-préhension étant déjà très importante à l’approche de lamachine.

J. Ninet (Lyon) : N’y a-t-il aucune place pour les testsd’hyperémie post-ischémique qui avaient été beaucoupdéveloppés à une époque chez les personnes ne pouvantpas marcher ?

F. Becker : La méthode n’est pas plus simple chez lespersonnes âgées chez lesquels il est difficile d’obtenirune bonne hyperémie réactionnelle (problèmes de calci-fications, de masse musculaire réduite). De plus, l’étudede Rotterdam a mis en évidence une prévalence considé-rable de l’ACOMI chez le sujet âgé. Par conséquent, onretombe sur le problème de l’imputabilité et de la qualitéde l’analyse anatomo-hémodynamico-clinique.

M. Perrin : François Becker a expliqué que dans lesCI veineuses, c’était l’hyperpression dans le comparti-ment musculaire qui était le facteur physiopathologique.À l'instar des syndromes des loges, disposons-nous dedonnées quant à l’efficacité de la fasciotomie, comme leproposent les Allemands pour le traitement de l’IVC ?

F. Becker : Il s’agit de publications anecdotiques.

M. Perrin : Je souhaiterais savoir combien de méde-cins présents dans la salle ont ou utilisent un tapis rou-lant. Je pense que cela vous indiquerait ce qui se réaliseen pratique…

Re : De nombreuses personnes lèvent la main !

F. Luizy (Paris) : Je souhaite revenir sur la claudica-tion fessière. En écho-doppler, et même en doppler con-tinu, nous arrivons très bien à enregistrer les artèresfessières, à faire effectuer un test d’effort et à étudier lamodification du profil de vitesse. Cela peut servir àorienter ces malades difficiles.

A. Franco : Je suis enseignant. Lundi prochain, pour-rai-je dire à un externe qui a examiné un malade âgéavec ACOMI que celui-ci est coronarien de facto.

D. Duboc : Non. Même si la probabilité statistique estélevée, cela ne modifie pas la prise en charge thérapeu-tique du patient. Si ce dernier est symptomatique de sacoronaropathie, il sera nécessaire de le bêta-bloquer enplus des autres mesures de prévention secondaire. S’ilest asymptomatique, je n’aurai pas tendance à chercherune coronaropathie chez un sujet de plus de 85 ans.

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Tome 30, Cahier 3 du no 4, 2005 LES CLAUDICATIONS INTERMITTENTES 4S27

H. Bounameaux : Dans ce cas, chez qui iriez-vouschercher une coronaropathie potentielle, en dehors despatients symptomatiques ?

D. Duboc : J’effectuerai d’abord une exploration noninvasive, afin de vérifier que le patient n’a pas une car-diopathie ischémique. Si ce n’est pas le cas, j’applique-rai des mesures de prévention secondaire dans l’espoird’éviter la rupture de plaque qu’aucun examen ne peutprédire. Je pense qu’il convient de réserver les examensinvasifs aux patients qui justifient un traitement inter-ventionnel, qui échappe au traitement. Cela est particu-lièrement vrai chez le sujet âgé qui n’a pas eu uneoptimisation du traitement médical, chez qui une straté-gie invasive s’accompagne d’une surmortalité.

H. Bounameaux : Il faut donc moins investiguer ettraiter davantage.

D. Duboc : Il faut moins investiguer et prévenir da-vantage.

I. Quéré : Effectuez-vous une optimisation systémati-que du traitement médical avant une intervention ?

D. Duboc : Oui, cela est très important. Nous évaluonsd’abord le patient de façon non invasive. Si l’évaluationrévèle des manifestations d’ischémie, cela devient uneaffaire cardiologique, avec tout ce que cela comporte enfonction de l’âge et de différents paramètres. En l’absen-ce d’ischémie en revanche, la recommandation, qui estbasée sur quelques essais thérapeutiques contrôlés, con-siste à bêta-bloquer systématiquement les patients à ris-que. La difficulté est alors de déterminer à quel momentil convient d'arrêter les bêta-bloquants.

P. Ouvry (Dieppe) : Il semble que l’efficacité de lapolychimiothérapie diminue l’indication d’explorationsinvasives et de revascularisation chez les coronariensasymptomatiques. Pourquoi le même raisonnementn’est-il pas tenu pour le territoire carotidien ?

F. Becker : La même question pourrait être posée entermes de pourcentage de risque. La carotide est situéesous la peau, le geste est élégant pour l’angiologue, lechirurgien et le dilatateur,….. Lisez la conclusion desauteurs d’ACST et les commentaires qui ont suivi, il estclairement dit qu’au moment de la décision risque opé-ratoire et risque spontané sont peu différents, que le bé-néfice chirurgical n’apparaît qu’à deux ans échus, que la« polychimiothérapie » rendra peut-être obsolète la chi-rurgie de la sténose carotide asymptomatique.

J. Constans : Il existe une différence entre le dépista-ge d’une sténose carotide par écho-doppler et la corona-rographie qui est le seul examen permettant réellementd’établir un état des lieux coronaire.

J.P. Boissel : J’insiste sur la différence entre sténosecarotide symptomatique et sténose coronaire asympto-matique. Lorsque nous débouchons la première, nousaméliorons le pronostic, ce qui n’est pas le cas lorsquenous débouchons la seconde. Cela répond à la question.Nous devons décider d’un examen uniquement s’il mo-

difie la stratégie thérapeutique, le problème étant de pré-venir les complications locales et générales del’athérosclérose. Par ailleurs, la CIa n’est qu’un facteurde risque des complications de l’arthérosclérose, aumême titre qu’une HTA ou un cholestérol élevé. Parconséquent, le diagnostic signifie simplement que le pa-tient a un risque de faire un infarctus ou un AVC, ce quinécessite une polychimiothérapie de prévention.

D. Duboc : La stratification du risque sur la coronaro-graphie a été établie il y a très longtemps chez des pa-tients qui ont été symptomatiques. Ces études ontmontré que des patients conservaient une ischémie si-lencieuse après avoir été symptomatiques. Je pense quel’entrée dans la maladie clinique marque un tournant quipeut justifier des interventions efficaces dans la préven-tion de l’aggravation de la maladie et l’amélioration dupronostic. En revanche, la méthode n’est pas recomman-dée dans les autres cas.

Jean-Pierre Boissel a déclaré que les vasodilatateursn’avaient pas d’effets sur la mortalité et pouvaient pro-longer la durée d’exercice sans douleur. Le Dolipraneest-il utilisé ? Est-on certain que sur le long terme, lesvasodilatateurs n’ont pas d’effets délétères sur un risqueextravasculaire ?

J.P. Boissel : Je pense que le Doliprane peut allongerla durée de marche. Par ailleurs, nous nous intéressons àla mortalité chez les patients traités par vasodilatateursafin de vérifier que ceux-ci n’ont pas d’effets néfastes.Ceux-ci pourraient apparaître à plus long terme, le pro-blème des essais étant la courte durée de traitement et desuivi, d’où une vision parcellaire et biaisée de la réalité.

De la salle : L’angioscanner se développe, il est pro-bable que nous serons dépassés par des indications po-sées par des tiers. Est-il possible d’affiner la stratificationdu risque en fonction de la topographie de la lésion et del’artère coronaire atteinte ?

D. Duboc : Le problème est complexe car en pleine évo-lution. Il est vrai que chaque fois que nous effectuons unangioscanner chez un asymptomatique ayant des facteursde risque vasculaires, cela se termine toujours par une co-ronarographie, ce qui est inquiétant. En postulant qu’unesténose du tronc commun de la coronaire gauche est né-faste, je pense que cela pourrait être une indication pourchercher des sténoses au niveau du tronc commun. Néan-moins, de nombreuses sténoses sont encore estimées à30 %, alors qu’elles sont à 60 %. Par conséquent, je ne re-commande pas l’angioscanner dans la pratique courante.

De la salle : On pensait que l’effet de l’entraînement àla marche n’était pas hémodynamique mais métabolique.Or D. Stephan a évoqué la possibilité d’un effet sur l’an-giogénèse. Pouvez-vous apporter des précisions ?

D. Stephan : Je pense que le réentraînement est peu lié àl’angiogénèse. En effet, les expérimentations menées chezl’animal montrent que l’animal développe une importantecirculation collatérale sans entraînement physique, les tis-sus ischémiés émettant des signaux pour favoriser cela.

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4S28 F. BECKER Journal des Maladies Vasculaires

De la salle : Pour la rééducation, est-il souhaitabled’aller au terme de la claudication ou de fractionnerl’entraînement quotidiennement ?

D. Stephan : Il convient certainement de le fraction-ner. Les études indiquent que le fonctionnement du mus-cle en aérobiose est l’objectif à respecter lors d’unprogramme de réadaptation, en repérant la distance dé-clenchant la crampe, mais sans l’atteindre.

F. Becker : Une méthode simple consiste à demanderau patient de d’abord marcher jusqu’à ce qu’il ressenteune véritable crampe, afin d’obtenir sa distance de mar-che absolue. Ensuite, nous lui demandons d’effectuerplusieurs fois par jours les deux tiers de cette distance.Au bout d’une semaine, il reteste sa DM absolue et ainside suite.

De la salle : Est-il recommandé de recanaliser une il-iaque commune dans la phase aiguë d’une thrombose oud’attendre trois mois pour éviter toute embolie.

J.L. Magne : Cela dépend d’abord du stade clinique.La revascularisation me semble nécessaire si le patientest en ischémie sévère. Par ailleurs, nous recanalisonsles thromboses, qu’elles soient anciennes ou récentes.

J.P. Favre : Il est effectivement classique de préconi-ser d’attendre, parce qu’une thrombose d’une iliaqueprimitive par exemple est toujours une sténose courte àl’origine et que la thrombose de l’artère s’effectuera surtoute sa longueur. En dilatant quelques jours plus tard,quasiment en phase aiguë, le risque embolique est plusimportant, par fragmentation du thrombus récent quis’est formé lors de la thrombose. C’est pour cela qu’ilest recommandé d’attendre avant de recanaliser, maiscela peut être remis en question en fonction de l’état cli-nique du patient.

J.C. Poulain : Vous vous êtes demandé si un chirur-gien vasculaire pouvait se contenter d’un écho-doppler.Avec l’importance croissante du monde juridique mal-heureusement, les juges ne se contentent pas d’un seulexamen écho-doppler, notamment pour les carotides.Par conséquent, nous devrions respecter les conditionsmédicales d’une part et les conditions juridiques d’obli-gation de moyens d’autre part. Quand j’entends que cer-tains examens peuvent ne pas être effectués dans lecadre d’un bilan d’artérite, je crains qu’il nous soit unjour reproché de ne pas avoir effectué ces examens.

F. Becker : Dans la dernière étude, ACST, la moitiédes patients a été opéré sans artériographie.

H. Bounameaux : Les études scientifiques permettentparfois difficilement de définir les thérapeutiques. Si enplus, nous laissons le soin aux juristes de décider de nosactions, nous ne nous en sortirons plus.

G. Camelot : Je pense que les experts doivent lire lalittérature. Le niveau de preuve n’atteint peut-être pas100 % quant à la substitution d’examens non invasifspar rapport à l’artériographie traditionnelle. Cependant,la technique chirurgicale ayant évolué, elle intègre le

plus souvent une artériographie per-opératoire, qui serapeut-être un jour moins invasive. Je pense qu’il existedes arguments forts vis-à-vis de l’expertise pour dire quela chirurgie du trépied fémoral par exemple peut être ef-fectuée sans artériographie traditionnelle préalable,comme cela est le cas de la chirurgie carotidienne depuisdes années.

C. Boissier : Quand on considère les résultats des ges-tes de reperméabilisation de l’artère fémorale superfi-cielle, on peut se poser la question de la pertinence deson exploration systématique pas-à-pas...

J.P. Favre : Il est important de bien comprendre lemécanisme justifiant la consultation à ce stade. S’il n’estpas indispensable d’examiner la fémorale superficielledans sa globalité, il est indispensable d’examiner le typede réinjection. Les chirurgiens ne souhaitent pas tantconnaître la taille de la thrombose que connaître la situa-tion en aval, afin de confirmer la décision de l’angiolo-gue de ne pas intervenir sur l’artère concernée. C’estdonc aux angiologues de décider de l’exploration et dedonner une réponse argumentée.

J.L. Magne : Il faut savoir se donner du temps en ma-tière de fémorale superficielle. J’ai la chance d’être pro-che des médecins vasculaires. Ainsi, je vois les maladesqui ont déjà été traités médicalement. Les médecins vas-culaires se demandent réellement ce qu’ils vont faire enmatière de revascularisation. Je pense qu’une artériogra-phie est nécessaire avant de confier le patient au chirur-gien, car nous n’avons pas droit à l’erreur. Si jerencontre exceptionnellement un malade qui claudiquedepuis longtemps et dont la rééducation a été un échec,j’aurai tendance à proposer une artériographie ou uneangio-IRM afin que le résultat soit certain.

F. Becker : Je crois que face à des lésions fémoralessuperficielles avec claudication gênante résistante autraitement médical, il convient de chercher l’intrus.L’examen de ces patients ne consiste pas seulement ob-tenir la plus belle imagerie de la lésion, il faut surtout sedemander pourquoi le patient reste gêné avec cette lé-sion, existe-t-il une entrave au développement de la col-latéralité ou existe-t-il un facteur de confusion ?

H. Bounameaux : Cette séance a montré qu’il con-vient de se méfier des certitudes. De nombreuses attitu-des sont basées sur des expériences relativement faiblesquant à leur niveau de preuve. Nous devons être modes-tes dans notre prise en charge des patients. Nous devonstenter de participer ou d’initier des essais cliniques pourla prise en charge de la claudication intermittente afin derépondre aux incertitudes présentées aujourd’hui. Nousne devons pas nous contenter d’appliquer de nouvellestechnologies et nous lancer dans des stratégies thérapeu-tiques sans fondements d’efficacité et de bénéfice pourle patient. J’espère que ce message ne rendra pas les es-prits encore plus confus. Il convient quand même d’êtrenuancés et de ne pas adopter des attitudes systématiquesqui n’auraient pas de bases scientifiques.