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Interfaces complexes : gouttes et bulles, milieux granulaires
et
turbulence dondes
Christophe Josserand
Institut Jean Le Rond DAlembert,
CNRS-Universite Pierre et Marie Curie (Paris VI) UMR 7190,
Case 162, 4 place Jussieu, 75005 Paris, France.
13 mars 2008
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ii
PreambuleCe memoire presente divers travaux de recherches
portant sur des problemes de dyna-
miques complexes dinterfaces, realises depuis au Laboratoire de
Modelisation en Meca-nique, maintenant Institut Jean Le Rond
DAlembert.
Depuis mon entree au CNRS en octobre 1999 au Laboratoire de
Modelisation en Meca-nique, mon activite de recherche est en fait
partagee entre quatre thematiques principales :les ecoulements
interfaciaux, la modelisation de systemes granulaires, quelques
problemeslies aux ecoulements turbulents (fusion de tourbillons,
turbulence dondes) et les liquidesquantiques. Dans ce document, je
mattache cependant a decrire mes travaux lies auxecoulements
complexes dinterface, notamment des problemes dimpacts de gouttes
pourlesquels la dynamique de linterface, fortement deformee, est
donc primordiale. En fin demanuscrit, je presente tres brievement
mes travaux effectues sur la modelisation decou-lements granulaires
(ecoulements sec denses cisailles et dynamique derosion
notamment)et un exemple de turbulence dondes avec les vibrations
dune plaque elastique.
Comme ce document en temoigne, mon interet se porte en general
sur des problemespour lesquels une approche combinee entre
modelisation, calculs analytiques et approchenumerique est
necessaire. Il peut dailleurs etre particulierement pertinent
dutiliser lasimulation numerique certes pour interroger la
modelisation mais aussi sous une formeappelee parfois experiences
numeriques ou les resultats des simulations servent de baseau
developpement dune approche analytique. Laspect experimental parat
incontournablepour ces ecoulements, il nest qua voir le nombre de
publications recentes sur les impactsde gouttes) et le
developpement de collaborations avec des equipes experimentales a
doncete un souci constant pour moi durant ce travail.
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Table des matieres
I Qui suis-je ? 3
II Quelques problemes dinterfaces. 11
1 Splash ! 131.1 Historique et contexte . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.2 Formulation generale du
probleme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.2.1 Quelques ordres de grandeur . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . 161.2.2 Nombres sans dimension . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . 181.2.3 Mise en equation . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.3 Methodes numeriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . 201.3.1 Calcul par volume de fluide (VOF) . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . 211.3.2 Suivi dinterface par
marqueur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241.3.3 Methode
integrales de frontieres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
261.3.4 Autres approches : Level Set, champ de phase, methode
particulaire 271.3.5 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . 29
2 Corolles, eclaboussures et etalements. 312.1 Introduction . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
312.2 Transition splash-etalement pour les impacts sur film liquide
. . . . . . . . 39
2.2.1 Theorie visqueuse du jet . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . 392.3 Impacts sur solide : splashes et obstacles,
etalement et retraction . . . . . . 42
2.3.1 Deviation dun film liquide par un obstacle. . . . . . . .
. . . . . . . 422.3.2 Impacts sur surfaces super-hydrophobes :
etalement, retraction et
rebond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . 452.3.3 Etalement et retraction lors dun impact sur
surface hydrophobe . . 47
3 Quelques singularites dinterface 513.1 Singularites et
auto-similarites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
51
4 Conclusion-Perspectives 634.1 Ecoulements granulaires . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.1.1 Un liquide granulaire ? . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . 634.1.2 Meandres laminaires . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . 644.1.3 Perspectives . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
4.2 Turbulence dondes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . 674.3 Dynamiques dinterfaces . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
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2 Table des matieres
4.3.1 Scenario global dimpact . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . 704.3.2 Selection depaisseurs caracteristiques . .
. . . . . . . . . . . . . . . 71
III Publications jointes 75
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Premiere partie
Qui suis-je ?
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5
CURRICULUM VIT
Christophe JosserandNe le 10/07/69 a Sallanches, vie maritale, 2
enfants.Charge de Recherche au CNRS (CR1), Section 10Institut Jean
Le Rond DAlembertUMR 7190, CNRS-Paris VI Case 162, Universite
Pierre et Marie Curie,4 Place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05.tel :
01 44 27 72 61 ; fax : 01 44 27 52 59e-mail :
[email protected] ://www.lmm.jussieu.fr/ josseran
Fonctions Octobre 1999-present : Charge de recherche a lInstitut
Jean Le Rond DAlem-
bert (anciennement au Laboratoire de Modelisation en Mecanique),
CNRS-UniversiteP. & M. Curie, UMR 7190, Paris. (CR1 depuis
Octobre 2002).
Septembre 2002-present : Professeur charge de cours a lEcole
Polytechnique
Formation Octobre 1997-Septembre 1999 : Post-doc au James Franck
Institute, Universite
de Chicago sous la direction de Leo Kadanoff. 1993-1997 : These
de doctorat de luniversite Pierre et Marie Curie (Paris
VI).Sujet : Dynamiques de superfluide : nucleation de vortex et
transition de phase dupremier ordre.Directeur de these : Yves
POMEAU
Septembre 1994-Aout 1995 : Service militaire en tant que
scientifique du contingent,alInstitut Non-Lineaire de Nice.
1994 : Agregation de sciences physiques, option physique. 1993 :
DEA de physique theorique de luniversite Pierre et Marie Curie.
1990-1994 : Eleve a lEcole Normale Superieure (Paris).
Sejour de recherche a letranger Mai-Novembre 2007 : Sejour au
Kavli Institute for Theoretical Research de
lUniversite de Santa Barbara. Octobre 1997-Septembre 1999 :
Post-doc au James Franck Institute, Universite
de Chicago sous la direction de Leo Kadanoff. Fevrier-Mars 1999
: Sejour au Center for non linear studies, Los Alamos,
New-Mexico. 1992 : Janvier-Juin : stage au departement de
Physique de lOhio State Univer-
sity, a Columbus.
Distinctions : Prix de Mme Claude Berthault 2005 de lAcademie
des Sciences. Medaille de Bronze du CNRS 2007.
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Encadrement These de Laurent Duchemin 10/1999-10/2002 (30%).
Position : Matre de Confe-
rences a Marseille, Laboratoire IRPHE, depuis septembre 2005.
These dOlivier Devauchelle 09/2004-09/2007 (50%). Actuellement ATER
a lInsti-
tut de Physique du Globe, Paris VII. Stage de recherche de DEA :
6 etudiants (50%). Stage de Master II et Projet Europeen AlFa de
Leonardo Gordillo, 10/2006-06/2007
(50%).
Enseignement Professeur charge de cours a lEcole Polytechnique,
Departement de Mecanique (Me-
canique des milieux continus, Mecanique des fluides). Cours de
recherche au DEA de Mecanique (24h/an) : Milieux granulaires (3
annees) Moniteur a lUniversite de Versailles-Saint-Quentin
(09/1995-09/1996). Agrege-Preparateur, Ecole Normale Superieure
(09/1996-10/1997).
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7
Liste de Publications
Toutes ces publications peuvent etre trouvees en fichier pdf sur
le site web : http ://www.lmm.jussieu.fr/ jos-seran
1. F. Hayot, C. Jayaprakash and C. Josserand, Long Wavelength
properties of theKuramoto-Sivashinsky equation, Physical Review E.
47, 911-915, (1993).
2. C. Josserand and Y. Pomeau, Generation of Vortices in a Model
of Superfluid 4Heby the Kadomtsev-Petviashvili Instability,
Europhys. Lett. 30 (1), pp. 43-48 (1995).
3. C. Josserand, Y. Pomeau and S. Rica, Cavitation versus Vortex
Nucleation in aSuperfluid Model, Phys. Rev. Lett. 75, 3150
(1995).
4. C. Josserand and S. Rica, Coalescence and Droplets in the
Subcritical NonlinearSchrodinger Equation, Phys. Rev. Lett., 78,
1215 (1997).
5. C. Josserand, Cavitation induced by explosion in a model of
ideal fluid, Phys. Rev.E 60, 482 (1999).
6. C. Josserand, Y. Pomeau and S. Rica, Vortex Shedding in a
Model of Superflow,Physica D 134, 111 (1999).
7. C. Josserand, A 2-D asymmetric exclusion model for granular
flows, Europhys.Lett.48, 36 (1999).
8. R. Jordan and C. Josserand, Self-organization in nonlinear
wave turbulence, Phys.Rev. E 61, 1527 (2000).
9. D. Blair, I. S. Aranson, G. W. Crabtree, V. Vinokur, L. S.
Tsimring, and C. Jos-serand, Patterns in thin high-amplitude
vibrated granular layers : Interfaces, hexa-gons, and
superoscillons, Phys. Rev. E 61, 5600 (2000).
10. C. Josserand and G. Debregeas, A self-similar model for
shear flows in dense granularmaterials, Europhys. Lett. 52, 137
(2000).
11. C. Josserand, A. Tkachenko, D. Mueth and H. Jaeger, Memory
effects in granularmaterials, Phys. Rev. Lett. 85, 3632 (2000).
12. R. Jordan and C. Josserand, Statistical equilibrium states
for the nonlinear Schro-dinger equation, Mathematics and Computers
in Simulation 1897, 1-15 (2000).
13. C. Josserand and Y. Pomeau, Non-linear aspects of the theory
of Bose-Einsteincondensates, Nonlinearity 14, R25-R62 (2001).
14. S. Villain-Guillot and C. Josserand, Non-linear growth of
periodic interfaces, Phys.Rev. E 66, 036308 (2002).
15. L. Duchemin, S. Popinet, C. Josserand and S. Zaleski, Jet
formation in bubblesbursting at a free surface, Phys. Fluids 14,
3000-3008 (2002).
16. Y. Renardy, S. Popinet, L. Duchemin, M. Renardy, S. Zaleski,
C. Josserand, M.A.Drumright-Clarke, D. Richard, C. Clanet and D.
Quere, Pyramidal and toroidalwater drops after impact on a solid
surface, J. Fluid Mech. 48, 69-83 (2003).
17. C. Josserand and S. Zaleski, Droplet splashing on a thin
liquid film, Phys. Fluids15, 1650 (2003).
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18. L. Duchemin, J. Eggers and C. Josserand, Inviscid
coalescence of drops, J. FluidMech. 487, 167-178 (2003).
19. C. Josserand, P.-Y. Lagree and D. Lhuillier, Stationary
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20. C. Josserand, Wave turbulence and Bose-Einstein condensates
, C. R. PHYSIQUE5 (1) : 77-90 (2004).
21. I. Delbende, T. Gomez, C. Josserand, C. Nore and M. Rossi,
Different aspects offluid vortices, C. R. Mecanique 332, 767-781
(2004).
22. C. Josserand, Stability of giant vortices in quantum
liquids, Chaos 14 (3), 875(2004).
23. C. Josserand, L. Lemoyne, R. Troeger and S. Zaleski, Droplet
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obstacle, J. Fluid Mech. 524, 47-56(2005).
24. L. Duchemin, C. Josserand and P. Clavin, Asymptotic behavior
of the Rayleigh-Taylor instability, Phys. Rev. Lett. 94, 224501
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25. C. Josserand and Y. Pomeau, Vortices in condensate mixtures,
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26. C. Connaughton, C. Josserand, A. Picozzi, Y. Pomeau and S.
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27. D. Bartolo, C. Josserand and D. Bonn, Retraction dynamics of
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28. C. Josserand, P.-Y. Lagree and D. Lhuillier, Granular
pressure and the thickness ofa layer jamming on a rough incline,
Europhys. Lett. 73, 363-369 (2006).
29. D. Bartolo, C. Josserand and D. Bonn, Singular jets and
bubbles in drop impact,Phys. Rev. Lett. 96, 124501 (2006).
30. G. During, C. Josserand, and S. Rica, Weak Turbulence for a
Vibrating Plate : CanOne Hear a Kolmogorov Spectrum ?, Phys. Rev.
Lett. 97, 025503 (2006)
31. C. Josserand, Y. Pomeau and S. Rica, Self-similar
Singularities in the Kinetics ofCondensation, J. Low Temp. Phys.
145, 231-265 (2006).
32. O. Devauchelle, C. Josserand and S. Zaleski, Forced
dewetting on porous media.,J. Fluid Mech. 574, 343-364 (2007).
33. C. Josserand, Y. Pomeau and S. Rica, Coexistence of ordinary
elasticity and super-fluidity in a model of a defect-free
supersolid, Phys. Rev. Lett. 98, 195301 (2007).
34. C. Josserand, Y. Pomeau and S. Rica, Patterns and
Supersolids, Eur. Phys. J.Special Topics 146, 47 (2007).
35. C. Josserand and M. Rossi, The merging of two co-rotating
vortices : a numericalstudy, Eur. J. Mech./B Fluids 26, 779-794
(2007).
36. O. Devauchelle, C. Josserand, P.-Y. Lagree and S. Zaleski,
Morphodynamic mode-ling of erodible laminar channels, Phys. Rev. E
76, 056318 (2007).
37. T.H. Vo Thi, J.-L. Rouet, P. Brault, J.-M. Bauchire, S.
Cordier and C. Josserand,A continuous non-linear shadowing model of
columnar growth, J. Phys. D : Appl.Phys. 41 (2), 022003 (2008).
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38. N. Sepulveda, C. Josserand and S. Rica, Nonclassical
rotational inertia fraction ina one-dimensional model of a
supersolid, Phys. Rev. B 77, 054513 (2008).
actes de conferences :
R. Jordan and C. Josserand : Coherent structures and statistical
equilibrium statesin a model of dispersive wave turbulence, in
Differential Equations and NonlinearMechanics, par K. Vajravelu,
Editions Kluwer Academic Publishers (Avril 2000).
C. Josserand and S. Zaleski, actes du Congres Francais de
Mecanique, Nancy (2001). R. Jordan and C. Josserand : Asymptotic
behavior in a model of dispersive wave
turbulence, in Nonlinear PDEs in condensed matter and reactive
flows, H. Berestyckiand Y. Pomeau Eds, Kluwer Academic Publishers
(2002).
P. Carles, L. Duchemin, D. Gueyffier, C. Josserand and S.
Zaleski : Droplet splashingon a thin liquid film, actes de
lInternational Conference on Multiphase Flow, New-Orleans
(2001).
C. Josserand and S. Zaleski, actes de lInternational Conference
on Multiphase Flow,Yokohama (2004).
C. Josserand and S. Zaleski, actes de lInternational Conference
on Theoretical andApplied Mechanics, Varsovie (2004).
C. Josserand and S. Zaleski, actes du Congres Francais de
Mecanique, Troyes (2005).
ouvrages collectifs
M. Marengo, R. Scardovelli, C. Josserand and S. Zaleski,
Isothermal drop-wall inter-actions : introduction to experimental
and numerical studies in The Navier-Stokesequations : theory and
numerical methods, lecture notes in pure and applied mathe-matics,
ed. R. Salvi.
C. Josserand, P.-Y. Lagree and D. Lhuillier On different aspects
of granular physicsin Cours de lEcole de Peyresq, a paratre
(2008).
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10
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Deuxieme partie
Quelques problemes dinterfaces.
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Chapitre 1
Splash !
1.1 Historique et contexte
Les enfants jouant a seclabousser ou a jeter des cailloux dans
les flaques deau imaginent-ils la complexites des phenomenes quils
provoquent ? Quels roles jouent les gouttes de pluiedans les
echanges ocean-atmosphere ou dans la dissemination de maladies
vegetales en agri-culture ? Comment se repartissent les gouttes
creees par atomisation dun spray dans uncarburateur de moteur ? Ces
exemples divers illustrent bien limportance des
situationsimpliquant des dynamiques dimpact de gouttes. Pour bien
decrire ces phenomenes, il fautavoir une comprehension precise de
la maniere dont une goutte de liquide interagit avecson
environnement : autres gouttes, parois (chaudes ou temperees), film
liquide, surfacesstructurees, etc... La difficulte provient du fait
quil y a une grande variabilite des resul-tats dune experience
dimpact. allant du simple etalement au rebond en passant par
laformation de corolles, couronnes liquides et detachements de
gouttelettes secondaires parexemple. Il est en effet
particulierement fascinant dobserver comment la simple
projectiondune goutte de liquide sur une surface (seche, humide ou
recouverte dun film liquide)peut engendrer une grande variete de
dynamiques qui restent encore mal comprises pourlessentiel.
Pourtant, la dynamique de formation dune corolle liquide lors de
limpact dunegoutte sur un film liquide semble navoir plus de secret
pour le (tele)-spectateur assidu :de generiques de previsions meteo
en publicites pour produits cosmetiques, nous sommeshabitues a voir
tout naturellement limpact dune goutte se transformer en une
magnifiquecorolle de laquelle se detachent quelques gouttelettes.
Ces apparentes familiarisations aveces problemes mettant en jeu des
impacts entre gouttes, des films liquides, des bulles,
sonttrompeuses et souvent ces illustrations sont plus le fruit de
limagination de lartiste quedune experience ou un calcul
particuliers. Ces images quasi-iconographiques pour le pho-tographe
amateur cachent en fait de nombreuses interrogations qui restent a
elucider.
La physique des bulles, gouttes et plus generalement celle des
interfaces est en fait tresliee a la notion de tension de surface.
On peut donc faire remonter les premieres etudessur ce type de
probleme a la fin du XVIIIeme siecle et aux travaux de Young,
Laplaceet Benjamin Franklin notamment. Grace au developpement
rapide de la photographie,des cliches instantanes dimpacts de
gouttes permirent de reveler la complexite de cettedynamique des la
fin du XIXeme siecle. Les premieres etudes sappuyant sur
lobservation dephotographies decomposant les differentes phases de
limpact remontent alors aux travauxfondateurs pour le domaine de
A.M. Worthington[111]. Limpact du livre quil publia
-
14 Splash !
en 1908[112] depassa la communaute scientifique et fit decouvrir
a un plus large publicces fascinantes images de splashes ! A sa
suite, Edgerton, professeur au MIT, realisa denombreux cliches
dimpact grace a des techniques de visualisation rapide toujours
plusperformantes (ces nombreux travaux ont ete reedites en DVD
recemment par le MIT[39,40]. Ces photographies rencontrerent un
large succes public grace a leur diffusion dansde nombreux
magazines (National Geographic, revues de photographie...) et les
fameusesphotographies de splashes de gouttes de lait sont devenus
maintenant des classiques detoute revue de photographie.
Depuis Worthington, linteret de la communaute scientifique pour
ces problemes dim-pacts de gouttes ne sest jamais dementie et on
peut meme remarquer une augmentationnotable des etudes
scientifiques et technologiques sur ce type de sujet depuis plus de
vingtans. Plusieurs raisons differentes sajoutent et se conjuguent
pour expliquer cet interet :limpact de gouttes pose toujours des
questions (et des problemes) fondamentales pourle mecanicien des
fluides ; il represente un enjeu technologique et industriel reel
et cru-cial, avec des implications nombreuses pour lenvironnement ;
finalement, limpact dunegoutte sur differents types de surface est
devenu un des problemes-test (benchmark) detoute nouvelle methode
numerique multiphasique.
Dun point de vue academique, on observe un nombre croissant
detudes et de commu-nications traitant dimpacts de gouttes sous
differentes conditions. Outre les applicationsnombreuses qui
motivent indeniablement ces etudes, il me semble que lextreme
richessedes comportements resultant dexperience finalement
relativement simple a realiser ex-plique egalement cet engouement.
Limpact dune goutte sur un film liquide mince peutdoner lieu a un
etalement a faibles vitesses (ou grandes viscosites) ou a la
formation decla-boussures (phenomenes que nous appelerons souvent
splash dans ce document , cedanta cet anglicisme qui correspond
justement a cette formation declaboussures lors dun im-pact) au
plus grande vitesse. Cependant, si limpact se fait dans un
reservoir de liquideprofond, limpact formera plutot une cavite dont
le collapse produira un jet de liquide finet la formation dun
anneau de vorticite se dirigeant vers le fond du reservoir. De
meme,limpact sur un subtrat sec peut conduire a des splashes
intenses, a un etalement simple,voire au rebond partiel ou total de
la goutte ! On peut aussi remarquer que le simple im-pact dune
goutte est le siege dun nombre important dinstabilites
hydrodynamiques etde comportements critiques : instabilites de
Richtmyer-Meshkov au debut de limpact, deKelvin-Helmotz entre la
goutte qui setale et le fluide au repos, celle de
Rayleigh-Taylorlorsque la corolle ralentit, instabilite de
Rayleigh-Plateau lors du detachement des gouttessecondaires,
instabilite liee a leffet Marangoni lorsque les ecarts de
temperatures sontimportants, transition transsonique etc... On peut
donc imaginer une goutte en impactcomme un micro-laboratoire detude
des instabilites hydrodynamiques classiques ! Celaexplique aussi
pourquoi il est difficile davoir un scenario global de la dynamique
de lim-pact qui permette de suivre avec precision les differentes
phases de levolution de la goutte.De meme, etant donne cette
diversite des dynamiques pouvant apparatre durant limpact,il est
souvent malaise dobtenir (et donc de trouver dans la litterature)
des regles simpleset robustes decrivant les resultats de limpact.
Par exemple, des questions aussi banalesque va-ton observer un
splash ou un etalement ?, Combien de gouttes secondaires
serontproduites par le splash ?, Quelles tailles feront-elles ? ou
Quel sera le rayon maximaldextension de la goutte ? peuvent
engendrer une grande variete de reponses, suivant lesconditions
dexperience, les regimes dynamiques consideres ou les parametres de
limpact !
-
1.2. Formulation generale du probleme 15
Il est donc primordial de pouvoir extraire de ces resultats des
lois dimpact les plus simplespossibles ainsi quune theorie et leur
interpretation coherentes.
Mieux comprendre les dynamiques mises en jeu lors de limpact de
gouttes est aussiune necessite pour de nombreuses applications
industrielles. Pour lindustrie automobile, ilsagit notamment de
mieux matriser et controler dans les carburateurs la taille des
gouttesformees lors dimpacts ou la quantite de liquide se deposant
sur les parois. En effet, la zonedechange entre un liquide et un
gaz se situe bien sur a linterface, cest la quont lieu lesreactions
chimiques de la combustion notamment ; les deformations et
transformations decelle-ci lors dun ou de plusieurs impacts peuvent
donc influencer fortement ces echanges.Le ruisselement deau sur les
pares brises ainsi que levacuation des gouttes de pluie sontdes
problematiques importantes apparues plus recemment. En
aeronautique, la aussi lacombustion implique de bien comprendre les
phenomenes dimpact : un exemple specta-culaire concerne laluminium
present comme catalyseur dans les boosters dAriane 5. Ilest projete
sous forme de gouttes dalumine produites lors de la combustion
contre lesparois internes du booster et forme in fine un volume
liquide important retenu dans lastructure particuliere du
booster[51]. Limpact de gouttes entre en jeu dans de nombreuxautres
contextes : impression jet dencre et fabrication de micro-circuits
par jet de matiere,sprays de refroidissement ou de revetement de
surface ou encapsulation en microfluidiquepar exemples. Limpact de
goutte est aussi un facteur important de dissemination de pro-duits
ou dechets toxiques et nucleaires lors de fuites dans les circuits
de production et lesregles de surete industrielle peuvent avoir a
tenir compte explicitement de ces risques.
Mais noublions pas que limpact de gouttes est avant tout un
evenement natureldont le role en agriculture, dans les echanges
thermiques ou chimiques en meteorologie estprimordial. En
agriculture, limpact de gouttes peut-etre benefique quand elle
augmentela dispersion des pollens mais cela peut aussi saverer
dangereux pour les plantes lorsdes pluies violentes ou par la
dissemination des pesticides ou des maladies que
limpactfavorise[11]. Limpact des gouttes de pluies en mer
represente aussi une contribution im-portante dans les echanges
air-ocean [20] : en effet, lemprisonnement de bulles de gaz lorsde
ces impacts favorise les echanges thermiques et gazeux ; de meme,
leclatement de cesbulles dair permet a de nombreux aerosols detre
volatilises dans lair [31].Dans cette partie du manuscrit, je
presente differents travaux portant sur des dynamiquesdimpact de
gouttes. En general, il sagit dune etude experimentale et/ou
numerique surlesquels sappuie une theorie ou une modelisation
simple de limpact.
1.2 Formulation generale du probleme
On considere limpact dune goutte sur une surface plane
recouverte dun film liquidedepaisseur h (h = 0 correspondant ainsi
a limpact sur surface seche), represente sur lafigure (1.1).
On note L et G, L et G les densites et viscosites dynamiques
dans le liquide etle gaz respectivement, ainsi que la tension de
surface liquide-gaz. La goutte que lonconsiderera en general
spherique de rayon R (diametre D = 2R), est supposee tomberen
incidence normale depuis une hauteur initiale d et une vitesse
verticale de chute U =Uez. A priori lensemble est soumis a la
gravite g = gez. Le film, depaisseur h, estforme du meme liquide
que la goutte. On peut remarquer que le probleme ainsi posecontient
deja de nombreuses simplifications et quune formulation plus
generale pourrait
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16 Splash !
Fig. 1.1 Representation schematique de limpact dune goutte sur
une surface plane.
considerer des impacts dincidence non normale, un substrat
solide non plan ou des liquidesdistincts dans la goutte et le film
par exemple. De meme les echanges thermiques ou lapresence de
substances dissoutes pourraient etre modelises, permettant une
prise en comptedeffets Marangoni notamment. Cependant, la situation
simple presentee ici contient dejalessentiel des varietes de
comportement observes lors dimpacts de gouttes quelconqueset permet
une approche systematique du probleme avec un nombre limite de
parametresvariables. On supposera donc les densites et viscosites
des fluides ainsi que la tension desurface constants, ce qui
revient notamment a considerer des fluides incompressibles. Legaz
et le fluide sont des fluides distincts (on ne considere donc pas
lequilibre entre leliquide et sa vapeur) et immiscibles. De meme,
nous garderons toujours a lesprit que lesfluides que nous cherchons
a etudier et modeliser sont realistes : air a des pressions
delordre de la pression atmospherique pour le gaz, solutions
aqueuses, glycerol, alcools oucarburants (diesel, hydrogene liquide
par exemple) pour les liquides.
1.2.1 Quelques ordres de grandeur
Bien que les modeles et les calculs numeriques sappliquent a des
impacts caracte-rises par des nombres sans dimension, il est utile
davoir a lesprit quelques ordres degrandeur, notamment des impacts
realises en laboratoire. Les gouttes ont en general desrayons
variant de quelques microns a quelques millimtres. Les impacts se
font a des vi-tesses correspondant a des chutes de gouttes
realisable en laboratoire (quelques metres)ou a des vitesses
obtenues dans des conditions naturelles (pluie par exemple, soit
anouveau quelques metres par seconde). Le temps durant lequel
limpact se produit corres-
-
1.2. Formulation generale du probleme 17
pond a quelques temps caracteristiques = R/U (sauf effet
particulier de la surface), soitquelques millisecondes. Ceci
explique lutilisation en laboratoire de camera rapide (plusde 1000
images par seconde). On peut justifier lhypothese
dincompressibilite de lecoule-ment puisque les nombres de Mach dans
lair et dans leau M = U/c (ou U est la vitessecaracteristique de
limpact et c la vitesse du son dans le fluide) seront de lordre de
0.01pour lair et 0.001 pour leau. Dans le cas de tres grandes
vitesses dimpact, il faut prendreen compte la compressibilite du
liquide notamment via la formation dune onde choc sepropageant dans
la goutte : des bulles de cavitation peuvent ainsi apparatre au
sommet dela goutte lorsque londe de choc de limpact atteint le
sommet de celle-ci et se reflechit enonde de detente (voir la revue
de M. Lesser et J. Field sur le sujet [74]). Le gaz est lui
aussiconsidere incompressible bien que tres peu detudes (compare a
la litterature sur le sujet)font varier les caracteristique du gaz.
Il est en fait couramment admis, quetant donnelimportante
difference de densite entre le liquide et le gaz, on peut negliger
linfluence dugaz sur la dynamique en premiere approximation (cette
approximation nest en generale-ment pas invoque dans le cadre de
latomisation en revanche). Si on neglige completementlinfluence du
gaz (formellement, cela revient a prendre G = 0 et G = 0) on se
retrouvedans le cadre de lapproximation des ecoulements a surface
libre, ce qui permet notam-ment des traitements analytiques et
numeriques simplifies. Limportance du gaz (ou toutau moins de sa
compressibilite a faibles pressions) a ete spectaculairement
montree recem-ment lors dimpacts de gouttes sur surface solide
puisque diminuer la pression du gaz peutsupprimer la formation du
splash[114] ! Linfluence du gaz sur la dynamique de limpactreste
donc en grande partie a etudier et sort des travaux presentes ici.
Donc, par la suite,linfluence du gaz et sa dynamique seront souvent
negliges en premiere approximation.Cependant, la dynamique du gaz
sera resolue numeriquement dans de nombreuses etudesnumeriques, ce
qui impliquera de prendre les parametres physiques du gaz
compatiblesavec les caracteristiques de la methode numerique.
Dans ce document, nous considererons que la viscosite des
fluides et la tension desurface liquide/gaz peuvent varier
largement. Experimentalement, alors quil est relative-ment aise de
faire varier la viscosite, la tension de surface pour les liquides
courammentutilises change peu. Sous des conditions normales de
pression et temperature (20 Cel-sius), leau a pour viscosite
dynamique eau = 103 Pa s, assez proche de lethanol (etha = 1.19 103
Pa s, lether est quatre fois moins visqueux (ethe 2.3 104 Pa
s)alors que le glycerol est plus de mille fois plus visqueux (gly =
1.5 Pa s). On peut ainsiavec des solutions aqueuses eau-glycerol
faire varier continument la viscosite du liquidedun facteur 1500
pour une faible evolution de la tension de surface. En effet, la
tensionde surface de leau pure (eau/air) vaut eau = 0.073 Pa m
assez proche de celle du gly-cerol (gly = 0.064 Pa m), celles
lethanol et lether etant environ trois fois plus faibles(etha =
0.022 Pa m et ethe = 0.029 Pa m). Remarquons que parmi les liquides
cou-rants, seul le Mercure (dusage delicat !) offre une tension de
surface nettement differente(Hg = 0.425 Pa m).
Finalement, bien que les experiences se fassent en general en
presence de la graviteterrestre (sauf quelques experiences
realisees en micro-gravite) qui accelere les gouttespendant leur
chute, linfluence de la gravite pendant limpact lui-meme est en
generalnegligee. En effet, le nombre de Froude, qui caracterise le
role de la gravite pendantlimpact :
-
18 Splash !
Fr =
gD
U
se situe en general en dessous de 0.1. Ainsi, pour un impact
developpant une corolle etdes eclaboussures, la gravite aura
certainement un role dans la dynamique longue de lacorolle, que
nous netudierons pas particulierement ici.
1.2.2 Nombres sans dimension
Plusieurs nombres sans dimension permettent en fait de
caracteriser limpact etudie, audela des nombres de Mach et de
Froude que nous omettrons en general dans nos etudes. Lesdeux
nombres caracterisants le poids relatif de linertie par rapport aux
forces visqueuseset capillaires pour le liquide sont le plus
souvent utilises ; il sagit du nombre de Reynolds :
Re =LU R
L(1.1)
et du nombre de Weber :
Re =LU2 R
. (1.2)
On peut quelquefois les remplacer par une combinaison de ses
deux nombres, permet-tant de mieux mettre en evidence certains
resultats. Lorsque lon veut etudier linfluencedes parametres de la
goutte autres que sa vitesse dimpact, on utilisera le nombre
deOhnesorge :
Oh =L
L R=
We
Re. (1.3)
Dautre part, le nombre capillaire permet de mesurer le rapport
des forces visqueuseset capillaires (et est independant du rayon de
la goutte) :
Ca =L U
=
We
Re. (1.4)
A ces nombres couramment utilises, il ne faut pas oublier
dajouter les nombres carac-terisant le rapport entre le liquide et
le gaz :
R =GL
et R =GL
ainsi que les nombres lies a la geometrie ; le raport daspect
:
Rasp =h
R
et dans le cas ou lon considererait des gouttes non spheriques,
$ lellepticite de lagoutte lors de limpact. Sauf mention contraire,
nous ne ferons pas varier ces nombres ausein de chaque probleme
etudie dans la suite.
-
1.2. Formulation generale du probleme 19
1.2.3 Mise en equation
La dynamique de chaque fluide obeit a lequation de Navier-Stokes
(N-S par la suite) :
i
(ut
+ u (u))
= P + iu + ig (1.5)
ou lindice i correspond soit a la phase liquide i = L, soit au
gaz i = G. Le champ devitesse est decrit par le vecteur u(x, t) ou
x est le vecteur position et t le temps. La graviteg a ete prise en
compte par souci dune presentation generale. Nous lomettrons par
lasuite. Le champ de pression P (x, t) peut etre interprete comme
un parametre de Lagrangeimposant lincompressibilite de chaque
fluide :
u = 0 (1.6)
A linterface liquide-gaz (notee symboliquement S), la tension de
surface impose lacondition de saut :
[(P Id + 2D)]S n = n (1.7)
Id et D sont les tenseurs dordre deux, identite et taux de
deformation :
D =12(tu +u),
la notation [ ]S indiquant la diference entre les valeurs de
chaque cote de linterface(orientee suivant sa normale n). est la
courbure totale de la surface. Pour une gouttespherique de rayon R,
au repos, la difference de presion entre le liquide et le gaz
exterieurcorrespond au resultat classique 2/R. Dautre part, la
vitesse est continue a linterface,en presence de fluides visqueux
:
[u]S = 0.
Finalement, on adoptera une ecriture mixte valable dans tout
lespace, lequation deNavier-Stokes diphasique :
(ut
+ u (u))
= P + u + Sn. (1.8)
La densite (x, t) et la viscosite (x, t) doivent maintenant etre
vues comme des champsfonction de la position et du temps. Il sagit
en fait de fonctions constantes par domainea priori. Plus
simplement, si on definit la fonction caracteristique (x, t), telle
que :
= 0 dans le gaz, = 1 dans le liquide,
on peut alors definir dans tout lespace la densite et la
viscosite :
(x, t) = (x, t)L + (1 (x, t))G, = (x, t)L + (1 (x, t))G.
(1.9)
Ces definitions, qui peuvent sembler naturelle, cachent en fait
une approximation dansle calcul de la viscosite moyenne. En effet,
cette formule, dans le cas dun cisaillementsimple, se revele exacte
pour decrire un ecoulement dont le taux de glissement serait
-
20 Splash !
constant. La definition dune viscosite qui corresponde a un taux
de cisaillement constant,plus en accord avec les conditions a
imposer a linterface, donnerait :
1
=(x, t)
L+
(1 (x, t))G
.
Notons qua ce stade cette difference na pas de sens puisque ces
formules sont equiva-lentes pour les valeurs discrete de (= (0,
1)). En revanche, cette distinction prend toutson sens lorsquil
faut definir la viscosite moyenne dans une maille traversee par
linterface.Dans ce cas, les deux formules proposees ne se revelent
exactes que dans les limites diffe-rentes decoulements de
glissement simple (normal ou tangent a linterface). Il nest donca
priori pas possible de se donner une formule moyenne pour la
viscosite et on prendradans la suite la convention (1.9).
Levolution des champs de densite et de viscosite est donc liee a
la dynamique de :
d
dt=
t+ u =
t+ (u) = 0 (1.10)
ou nous avons utilise la propriete dincompressibilite du champ
de vitesse. Cette equationtraduit ainsi simplement la dynamique
particulaire de la fonction caracteristique.
Cette ecriture deux-fluides de lequation de N-S que nous venons
de deduire est en faitcelle utilisee pour determier la plupart des
schemas numeriques.
1.3 Methodes numeriques
La resolution numerique de lequation de Navier-Stokes diphasique
reste un problemecomplexe : aux difficultes habituelles rencontrees
pour la resolution de lequation de N-S monophasique (avec constant
et uniforme) sajoute la prise en compte de linterfaceliquide-gaz.
Cette interface, depaisseur nulle dans le modele diphasique que
nous utili-sons, est un ensemble de courbes a lorsque le probleme
est bidimensionnel (2D, geometrieplane ou cylindrique), ou un
ensemble de surfaces dans le cas general (3D). La
difficultemathematique est donc due a la necessite de decrire une
structure depaisseur nulle dansun domaine de dimension superieure
(on peut formaliser cela en notant que linterface estde codimension
1 par rapport au domaine de calcul). Une premiere alternative se
posealors si on veut developper un code de calcul diphasique
performant : doit-on prendre unmaillage ad hoc, cest a dire pris
selon un maillage determine a lavance (meme si on pourrase
restreindre a des sous ensembles de ce maillage, variant au cours
du temps, comme cestle cas pour un raffinement de maillage
adaptatif) au sein duquel linterface devra etre soitreconstruite
(methode Volume of Fluid, notee VOF[55, 72]), soit suivie par une
collectionde marqueurs par exemple[108, 96] ? Doit-on au contraire
utiliser un maillage asservi alinterface soit naturellement dans le
cadre dune methode dintegrale de frontiere, soit enutilisant un
maillage orthogonale mobile propage a partir de linterface (voir
[48, 79] parexemple) ? Toutes ces methodes ont des avantages et des
inconvenients divers et le choixde leur utilisation devrait
dependre idealement du probleme etudie, mais ce sont lhistoireet la
matrise dun code de la part de lutilisateur et plus generalement du
laboratoirequi determinent souvent la methode utilisee. Les
differentes methodes utilisees dans lecadre de ce manuscrit (VOF,
marqueurs et integrales de frontieres) sont decrites ici, sui-vies
dune rapide discussion generale introduisant dautres approches. La
presentation desmethodes numeriques sinspire donc largement des
differentes publications du laboratoire
-
1.3. Methodes numeriques 21
decrivant ces schemas, et a la plupart desquelles lauteur de ce
manuscrit na pas ou a peucontribue[72, 76, 52, 101, 96, 33,
34].
Pour les methodes en maillage fixe, on se donnera en general
(i.e. sauf mention contraire)un maillage fixe et homogene, cest a
dire que les dimensions des mailles du calcul sontconstantes dans
lespace et le temps. On notera alors dx = dy = dz = dr = h suivant
quelon sera a deux ou trois dimensions cartesiennes (x, y et
eventuellement z) ou en troisdimensions avec symetrie de revolution
(coordonnees cylindriques r et z). La generalisa-tion de ces
methodes a des maillages de taille variables (permettant ainsi un
rafinementde maillage dynamique) reste un probleme difficile
notamment pour le suivi de linter-face et le calcul des forces
capillaires. A contrario, les methodes a maillage mobile definipar
linterface sont souvent adaptatives par construction. Pour la
methode VOF (et cesnombreuses variantes), plusieurs methodes de
raffinement de maillage ont ete realiseesrecemment seulement ; on
peut citer en particulier ici la bibliotheque de calcul Gerris
de-veloppee par Stephane Popinet[94, 95]. Par simplicite on decrira
les methodes de calculdans le cas 2D, le passage a 3D, malgre de
reelles difficultes et complications techniques,ne demande pas de
changement de technique. Volontairement, seules les aspects
concer-nant la prise en compte des interfaces seront developpes
(rapidement) et plus de detailspourront etre trouves dans les
articles suivants [72, 76, 52, 101, 96].
1.3.1 Calcul par volume de fluide (VOF)
Les differentes quantites physique sont definies et evaluees sur
la grille de maillagesuivant la methode markers and cells (MAC) qui
consiste a evaluer les quantites scalairestelles que la pression
pij ou la fraction volumique cij au centre de chaque cellule de
calcul(indicee donc par (i, j) a deux dimensions et notee ij) alors
que les vecteurs et les fluxsont evaluees sur les faces de chaque
cellule (voir figure 1.2).
Fig. 1.2 Discretisation suivant la methode MAC. On montre ici la
fraction volumique c,la pression p et les flux de volume.
La fraction volumique dans chaque maille (appelee fonction de
couleur) est definie viala discretisation de la fonction
caracteristique :
-
22 Splash !
cij =
ij
(r)dr
Ainsi cij = 1 lorsque la maille ne contient que du liquide, cij
= 0 sil ny a que du gazet 0 < cij < 1 si linterface traverse
la maille. Pour reconstruire linterface a partir de ladonnee de la
fonction de couleur uniquement, plusieurs options se presentent.
Remarquonstout dabord que dans lequation de N-S, la connaissance
precise de linterface (i.e. a uneechelle plus petite que la taille
de la maille) nest necessaire que pour le calcul des termesde
tension de surface et eventuellement pour le terme de pression. En
effet, il faut etrecapable destimer le plus precisement possible la
valeur moyenne de la courbure dans lamaille de calcul, ainsi que le
vecteur normal associe. De meme, la position du centre dela maille
(la ou se calcule la pression) par rapport a linterface peut aider
a determinerplus precisement les gradients de pression numeriques.
Finalement, la connaissance de laposition de linterface est tres
importante pour le calcul des termes dadvection de masse(eq.
(1.10)) et de quantite de mouvement (dans N-S).
La simplification supplementaire faite en general dans le cadre
des methodes VOFconsiste a reconstruire linterface sous forme de
segment dans chaque maille traversee.Cette approximation se
justifie dans la mesure ou il peut sembler illusoire de
decrirelinterface plus precisement avec la seule connaissance de la
fraction volumique dans chaquecellule. Dans un premier temps, les
methodes developpees se sont attachees a reconstruirelinterface
sous la forme de segments paralleles a un des axes du maillage
(plan a 3D),comme indique sur la figure 1.3.
Fig. 1.3 Reconstruction de linterface (representee en trait
epais) par des segmentsalignes avec les axes du maillage (methode
SLIC).
On peut imaginer une reconstruction plus fine en prenant des
segments dorientationquelconque et en imposant la continuite de
linterface. On appelle generalement ces deuxmetodes VOF/SLIC
(simple linear interface calculation) et elles se revelent toutes
les deuxassez imprecises car elles ne tiennent finalement pas
compte explicitement de lorientationreelle de lnterface (definie
par sa normale n.
-
1.3. Methodes numeriques 23
La technique la plus utilisee dans le cadre des methodes VOF
consiste en fait a estimerle vecteur normal a linterface, defini
via le gradient de la fonction de couleur c eta construire
linterface sous forme de segments orthogonaux a cette normale en
chaquecellule contenant linterface (voir figure 1.4). Le calcul des
termes dadvection dans lesequations devolution se revelent etre
bien plus precis dans ce cadre la. Notons que lecalcul du gradient
de c devant se faire au centre de la cellule, cela necessite un
calculpar difference finie sur neuf points a deux dimensions et
donc vept-sept points a 3D. Onnomme les differentes methodes
sinspirant de cette technique generalement VOF/PLIC(piecewise
linear interface calculation). Il sagit de la methode utilisee pour
les codes VOFdans ce manuscrit[76, 52].
Fig. 1.4 Reconstruction de linterface (representee en trait
epais) par des segmentsorientes par la normale de la fraction
volumique (methode PLIC).
Lintegration temporelle du systeme dequations (1.6,1.8,1.10) se
fait en plusieursetapes successives. Tout dabord lequation (1.10)
est resolue via la propagation de lin-terface suivant le champ de
vitesse. Cette propagation se fait suivant chaque
directionprincipale (x et y) successivement et permet de calculer
le champ de couleur actualise aupas de temps suivant. Lequation de
Navier-Stokes (1.8) et lincompressibilite (1.6) sontensuite
resolues en deux etapes : tout dabord un champ de vitesse u
explicite est prediten ne prenant pas en compte la pression dans la
dynamique. Le champ de vitesse ainsiobtenu ne satisfait pas la
condition dincompressibilite et une equation de Poisson sur
lapression permet de determiner la pression et le champ de vitesse
actualise :
(
1P
)= (u (u))
u = u 1Pdt
ou dt est le pas de temps. Finalement, la resolution de
lequation de Poisson se fait grace aun shema multi-grille[14] qui
permet daccelerer la dynamique de relaxation vers le champ
-
24 Splash !
de pression voulu. La figure (1.5) illustre limpact dune goutte
sur un film liquide calculepar la methode VOF en geometrie
cylindrique. Le champ de densite est montre pourdifferents temps
apres le debut de limpact.
Fig. 1.5 Impact dune goutte de rayon 1 mm et de vitesse U0 = 3m
s1 sur un film dumeme liquide de 0.5 mm depaisseur calcule par
lamethode VOF. Le liquide a la memedensite que leau = 1000kg m3,
mais est dix fois plus visqueux = 0.01kg m1 s1.Le gaz est environ
deux fois plus dense que lair = 2kg m3 et vingt fois plus visqueux
= 2 105kg m1 s1. La tension de surface est la meme que pour
linterface air/eau : = 0.07kg s2. Les nombre de Weber et de
Reynolds valent donc We = 129 et Re = 300.Les profils de densite
sont representes aux temps t = 0.05, t = 0.25, t = 0.5 et t =
0.75ms, soit t/ = U0t/R0 = 0.15, 0.75, 1.5 et 2.25, de gauche a
droite et de haut en bas.
Dans les travaux lies a ce manuscrit, la methode VOF a ete
utilise pour etudier ladynamique de splashes sur film liquide[70]
et le controle de limpact par une irregularitede surface[67].
1.3.2 Suivi dinterface par marqueur
La methode des marqueurs consiste a imaginer des points
materiels (marqueurs) atta-ches a linterface. Cette methode a ete
developpe par Stephane Popinet durant sa these auLMM, sous la
direction de Stephane Zaleski[96]. Je decris ici succinctement les
differentesparticularites de cette methode. Leur dynamique est donc
simplement donnee par leur
-
1.3. Methodes numeriques 25
vitesse Lagrangienne, extrapolee a partir du champ de vitesse.
Linterface est reconstruitea laide de polynomes reliant les
marqueurs entre eux et permettant ainsi de calculer sim-plement la
resultante des effets capillaires sur chaque maille, comme le
montre la figure(1.6). En effet, la connaissance des points
dintersection de linterface avec les faces dela maille de calcul
ainsi que le vecteur tangent a linterface donne simplement la
forcecapillaire, proportionnelle a la difference des deux vecteurs
tangents (tB tA suivant lafigure (1.6)). La reconstruction
polynomiale doit donc assurer que linterface et les
vecteurstangents soient continument differentiables afin dobtenir
un calcul coherent des effets ca-pillaires. Pour cela, des
polynomes dordre au moins trois sont necessaires et suffisants
(despolynomes dordre 3 sont utilises dans les simulations
numeriques.
Fig. 1.6 Illustration de la methode des marqueurs : des
marqueurs (non representessur la figure) permettent une description
continument differentiable de linterface et desvecteurs tangents a
linterface. Leur difference de chaque part dune maille de calcul
donnela tension capillaire agissant sur la maille.
La connaissance tres precise de la position reelle de linterface
permet de connatrela position du noeud de calcul par rapport a
linterface : il est ainsi possible davoir unemeilleure estimation
de la contribution de la pression dans chaque maille en
corrigeantcette contribution. En effet, il convient alors plutot de
ponderer la contribution de la pres-sion sur une face de la maille
traversee par linterface par les valeurs de la pression auxnoeuds
les plus proches dans la meme phase fluide (pour plus de details,
voir [96]). Unefois linterface determinee par la position des
marqueurs et leurs polynomes associes, lecalcul du champ de couleur
ci,j est immediat par integration et il est donc actualisee
vialactualisation de la position des marqueurs. Lequation de
Navier-Stokes est alors resoluede maniere similaire a la methode
VOF (la contribution de la tension de surface et de lapression
comme explique ci-dessus) en utilisant notamment une methode
multi-grille pourassurer lincompressibilite.Dans les travaux
presentes dans ce manuscrit, la version surface libre de cette
methode aete utilisee. Cette version consiste formellement a
supposer que le fluide exterieur est dedensite nul, ce qui donne
une condition de cisaillement nul a linterface (surface libre).
Limpact dune goutte sur un film liquide est presente figure
(1.7). Les parametres duliquide sont les meme que pour le cas VOF,
mais le calcul est fait dans lapproximationsurface libre pour le
gaz.
-
26 Splash !
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
4
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4
toto.mov.0001 u ($2)/51.2:($1)/51.2
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
4
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4
toto.mov.0015 u ($2)/51.2:($1)/51.2
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
4
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4
toto.mov.0030 u ($2)/51.2:($1)/51.2
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
4
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4
toto.mov.0045 u ($2)/51.2:($1)/51.2
Fig. 1.7 Meme impact que dans le cas precedent (VOF) mais simule
par la methodemarqueur avec surface libre. La forme de linterface
est representes aux temps t = 0.05,t = 0.25, t = 0.5 et t = 0.75
ms, soit t/ = U0t/R0 = 0.15, 0.75, 1.5 et 2.25, de gauche adroite
et de haut en bas.
La methode marqueurs avec surface libre est liee aux travaux de
collapse dune bullesous laction capillaire[35] et limpact dune
goutte sur surface super-hydrophobe[100].Dans ce cas pour lequel
langle de contact du liquide sur la surface est tres proche de
180,on obtient un tres bon accord qualitatif entre les experiences
et les simulations numeriques(voir figure (1.8).
1.3.3 Methode integrales de frontieres
Dans le cas dun ecoulement avec interface pour un fluide parfait
(de viscosite nulle)incompressible, on peut utiliser une propriete
importante liee au potentiel de vitesse dontle Laplacien est alors
nul dans le volume liquide : la connaissance du potentiel vitesse
surlinterface suffit a determiner le champ de vitesse en tous point
du volume liquide. Alors, onpeut remarquer que la dynamique de
linterface se fait simplement en calculant le champde vitesse a
linterface, de meme que lactualisation du potentiel vitesse se fait
la aussisur linterface seulement via lequation de Bernoulli. Cette
methode ou finalement tout lecalcul se ramene a des calculs (certes
dintegrales divergentes) sur linterface seulement,sappelle la
methode par integrales de frontieres (Boundary Integral Methods ou
BIM enanglais). Son utilisation en simulation numerique en
mecanique des fluides remonte aupapier fondateur de Baker, Meiron
et Orszag en 1980[4]. Un avantage apparent de cettemethode reside
dans le fait que tous les calculs se font uniquement sur
linterface, indexeepar une serie de marqueurs. Meme si la
determination de la vitesse en chaque point delinterface necessite
le calcul dune integrale le long de linterface, cette methode est
parti-culierement rapide. Les travaux lies aux integrales de
frontiere (toujours en collaboration
-
1.3. Methodes numeriques 27
Fig. 1.8 Comparaison entre experience et simulation numerique
pour limpact dunegoutte deau sur une surface hyper-hydrophobe, dont
langle de contact est experimentale-ment tres proche de 180, alors
que le code marqueur prend precisement cet angle commeconditions
aux bords sur le solide. Notons, la forme elliptique initiale de la
goutte due asa chute. On observe un tres bon accord entre les
profils de gouttes experimentaux et ceuxobtenus par simulation
numerique.
avec Laurent Duchemin) ont porte sur la fusion inviscide de deux
gouttes[33] et le compor-tement asymptotique du pic forme par
linstabilite de Rayleigh-Taylor en surface libre[34].Dans ces deux
cas, une technique de raffinement de maillage adaptatif a ete
developpe etles details de limplementation de la methode BIM ainsi
que du raffinement de maillagesont decrits en detail dans ces deux
publications. La figure (1.9) illustre la dynamique dupic forme par
linstabilite de Rayleigh-Taylor dans ce cas.
1.3.4 Autres approches : Level Set, champ de phase, methode
parti-culaire
Il reste essentiellement trois autres approches a decrire pour
finir ce rapide panoramarapide des differentes methodes numeriques
permettant de prendre en compte linterface(i.e. sa cinematique et
la dynamique du fluide environnant) : la methode Level Set,
lesmethodes dites de champ de phase ou de second gradient et la
methode particulaire.
La methode Level Set consiste a definir une fonction distance F
(r, t) de linterfacetelle que celle-ci soit donc definie par
F (r, t) = 0
-
28 Splash !
Fig. 1.9 Developpement de linstabilite de Rayleigh-Taylor en
fonction du temps. Leliquide est en haut, la gravite orientee vers
le bas. La condition initial est une sinusodede longueur donde la
largeur du domaine, damplitude tres faible. La courbe de
gauchemontre les differents profils de linterface pour differents
temps. La courbe de droite repre-sente la vitesse verticale en
fonction du temps pour plusieurs points repartis de manierehomgene
sur linterface. On discerne notamment la dynamique dacceleration
des pointspres du pic et la remontee a vitesse constante de la
bulle.
a chaque instant. F est donc pris comme la distance du point
considere a linterface. Onadvecte linterface via la cinematique de
cette fonction F qui satisfait :
DF
Dt= 0
ou loperateur D/Dt correspond a la derivee particulaire. Une
dynamique de relaxationest ensuite introduite pour maintenir la
norme du gradient de F egale a lunite. Cettemethode est tres
precise quant a la prise en compte des effets capillaires (on suit
linterfaceplutot que de la reconstruire) et elle permet aussi de
traiter les changements topologiquesde linterface (detachement,
fusion) sans artifice particulier. En revanche, cette methodene
conserve pas la masse de maniere satisfaisante et doit donc etre
couplee avec dautrestechniques (par exemple particulaires) pour
ameliorer cette faiblesse. Pour trouver unedescription plus
detaillee de la methode Level Set voir par exemple[92, 103, 91,
84].
La methode dite de champ de phase ou de second gradient consiste
a introduire unparametre dordre supplementaire qui passe
continument dune valeur fixe a une autreau travers dune interface.
La dynamique de ce parametre dordre est souvent deduitedune
equation de conservation de type Cahn-Hilliard liee a un
Hamiltonien du parametredordre decrivant lequilibre thermodynamique
entre les phases. La tension de surfaceapparat alors naturellement
comme lenergie liee a linterface et les effets capillaires
setrouvent inclus dans la dynamique generale. Le systeme dequations
final est donc consti-tue dun couplage entre ce parametre dordre et
le champ vitesse. Ce modele prend ainsinaturellement en compte les
transitions de phase entre les fluides (evaporations,
solidifica-tion par exemple). Cette modelisation, par sa prise en
compte en compte intrinseque de latension de surface, est tres
seduisante ; elle permet de plus une approche interessante de
la
-
1.3. Methodes numeriques 29
dynamique de la ligne de contact dans le cas decoulements a
trois phases[102]. Cependant,cette description epaisse de
linterface est particulierement delicate a mettre en oeuvredans la
limite (souhaitee pour les interfaces air-eau qui nous interessent)
ou lepaisseur delinterface doit etre tres faible. Pour un lecteur
interesse, voici quelques exemples dutili-sation de cette methode
pour les ecoulements diphasiques[88, 58, 59]. La formation
duneinterface periodique entre deux fluides dans le cadre dun de
ces modeles de champs dephase, lequation de Cahn-Hilliard, a ete
lobjet dune collaboration avec S. Villain-Guillot,ou nous avons
obtenu une description analytique de la phase non-lineaire de la
croissance(voir la publication [109], ces travaux netant pas
evoques plus loin).
Finalement, on peut decrire la dynamique dune interface (surface
libre notamment)par une methode Lagrangienne de suivi de particule.
Linterface est alors determinee a par-tir de la position des
differentes particules du liquide advectee par le champ de vitesse.
Unedescription detaillee de cette methode particulaire appelee
Smoothed Particles Hydrody-namics ou SPH peut etre trouvee dans les
references suivantes par exemple[85, 86, 90].
1.3.5 Discussion
Les differentes methodes evoquees ci-dessus presentent toutes
des points forts inde-niables mais aussi des handicaps importants
dans la simulation decoulements diphasiques.Le choix dune methode
plutot quune autre devrait ainsi etre adapte au probleme quelon
cherche a resoudre. Malgre tout, on peut extraire quelques
tendances et influencesrecentes qui expliquent le succes
grandissant de certaines de ces methodes.
Ainsi, les methodes de type VOF ont lavantage detre robustes et
de conserver la masseavec grande precision : en effet, la
reconstruction dinterface nexige aucune restrictiontopologique sur
les proprietes de linterface. En revanche, la diffusion intrinseque
delinterface sur les mailles voisines via le calcul des forces
capillaires essentiellement, conduita la presence de courants
parasites assez importants qui alterent la precision de la
methode.
Pour les methodes basees sur le suivi de marqueurs, les termes
capillaires et la pressionsont pris en compte avec une precision
accrue et bien controlee, mais alors les change-ments topologiques
de linterface necessitent un traitement particulier. Remarquons
quebien quune telle prise en compte compliquerait fortement la
methode, elle permettraitdintroduire les comportements
auto-similaires en jeu lors de la coalescence ou la separa-tion
fluides.
Le calcul par integrale de frontiere se rapproche dune methode
marqueur par sa priseen compte des termes capillaires et de la
pression et par sa difficulte a modeliser leschangements
topologiques. Dautre part, il concerne les ecoulements inviscides
et restedonc principalement interessant pour des etudes modeles.
Finalement, notons que cesdeux dernieres methodes (marqueurs et
BIM) sont assez complexes a mettre en oeuvre atrois dimensions
spatiales alors que cela se fait de maniere plus systematique dans
le casVOF, avec une implementation en parallele naturelle (voir par
exemple [52]
La tendance actuelle des methodes numeriques pour interface se
dirige, a mon avis,vers deux directions prometteuses : dune part,
le raffinement de maillage adaptatif, quipermet de traiter la
dynamique proche de linterface en resolution plus fine et si
possiblealors, de reduire les erreurs numeriques ; un couplage de
methode dinterface differentespour ameliorer les methodes de suivi
ou de capture dinterfaces. Par exemple, un couplageentre une
methode particulaire proche de linterface avec une approche Level
Set permet dediminuer fortement la perte de masse de cette derniere
methode[46] ; de maniere similaire,
-
30 Splash !
on peut envisager une methode VOF pour la partie advection de
linterface et Level Setou marqueur pour la prise en compte des
termes capillaires et de pression1.
1Communication privee avec F. Gibou
-
Chapitre 2
Corolles, eclaboussures etetalements.
2.1 Introduction
Limpact dune goutte sur un film liquide ou un substrat sec peut
engendrer des resul-tats aussi divers que lejection de
gouttelettes, la formation dune corolle liquide, ladhe-sion ou au
contraire le rebond de la goutte sur substrat. Dans ce chapitre,
nous decri-vons quelques resultats obtenus lors de letude dimpacts
de gouttes sur films liquidesminces ou sur substrats secs
hydrophobes voire super-hydrophobes. La surface de cessolides peut
aussi etre lisse ou presenter de fortes asperites. Langle de
contact entre lin-terface et le solide varie dun solide a un autre
et varie aussi en general en fonction de lavitesse de linterface.
La prise en compte de la dynamique precise proche de cette
lignetriple reste encore incomplete, soit analytiquement (seuls des
modeles empiriques decriventcette dynamique[23, 110], quelques
approches en theorie de lubrification peuvent traiterdes problemes
stationnaires essentiellement[44]), soit numeriquement (voir par
exemplelimplementation dans la methode VOF dune loi empirique pour
la dynamique de la lignetriple[99]). Malgre des differences
importantes entre ces impacts sur solides ou films li-quides, il
est interessant dobserver quelques comportements similaires lors de
ces impactseffectues dans des conditions variees.
Ainsi, on a pu remarquer que lessentiel de la dynamique de la
goutte aux temps courtsetait determinee par linertie incidente de
la goutte et la conservation de la masse. Ceciapparat clairement
dans le comportement du rayon detalement de la goutte en fonctiondu
temps. Ce rayon detalement R(t) est defini de maniere naturelle a
partir de la surfacedetalement de la goutte sur le film ou le
substrat. On entend par temps courts oulongs, des petits ou grands
rapports entre le temps depuis le debut de limpact avec letemps
caracteristique de limpact R0/U0. Des simulations numeriques sur
films minces etsolide super-hydrophobes (i.e. dont langle de
contact est maintenu a 180 tout au long ducalcul) montrent que de
rayon detalement se comporte comme le rayon de lintersectionde la
goutte incidente a vitesse constante U0 avec le film/substrat (voir
figure (2.1)) :
R(t)
2R0U0t (2.1)
Ni la viscosite ni la tension de surface ninterviennent dans
cette loi, meme si la tensionde surface dans le cas dimpacts sur
solides se revele rapidement ralentir cette expansion,
-
32 Corolles, eclaboussures et etalements.
0.01 0.1 1
Ut/D
0.01
0.1
1
r/D
0.1
1
10
0.01 0.1 1 10 100
R(t
)/R
0
dimensionless time
1.2*sqrt(2*x)
Fig. 2.1 Rayon dexpansion de la goutte en fonction du temps lors
dimpacts sur a) filmsliquides, b) surfaces super-hydrophobes. Pour
des viscosite de liquide variees. Pour chaquecourbe, la droite
represente la loi (2.1) avec un prefacteur multiplicatif 1.2.
jusqua provoquer la retraction de la goutte. En revanche, dans
le cas de limpact sur filmsliquides, cette loi se revele etre
correcte bien au-dela de la validite de largument geo-metrique.
Yarin et Weiss[115] ont donne un argument convaincant pour cette
dynamiqueaux temps longs a partir de equations inviscides des films
minces. Le champ de vitessedetalement obeit a une equation de
Burgers, caracteristique de la formation de choc. Eninterpretant la
corolle formee eventuellement par limpact comme la signature du
choccree par la collision entre la goutte et le film initial, ils
obtiennent une loi detalementproportionnelle a la formule
geometrique (2.1). Le raccord precis entre la loi geometriqueet la
propagation cinematique de choc du film mince reste encore
cependant a etudier.
De meme, on a pu remarquer que le champ de pression dans la
goutte aux temps courtsde limpact ne dependait pas de la viscosite
ni de la tension de surface, sauf dans la regionproche de
linterface ou un jet peut etre eventuellement cree[70]. On peut
observer cecisur la figure (2.2) qui montre le champ de pression
dans la goutte au meme instant pourdifferentes viscosites. Ces
champs de pression ont ete obtenus par simulation numeriquepar la
methode marqueur pour des gouttes de rayon R0 = 1 mm et de vitesse
incidenteU0 = 2 m s1. La tension de surface et la densite sont
celles de leau. On peut retrouverce champ de pression du a linertie
de limpact par un argument de conservation de laquantite de
mouvement assez simple, qui sinspire de la methode de pression
impulsive(particulierement bien decrites par Cooker et
Peregrin[22]).
Cet argument part dune hypothese dautosimilarite du champ de
pression aux tempscourts qui consiste a estimer que la region de la
goutte incidente ou le champ de vitesseest perturbe se comporte
comme R(t). Les champs de pression obtenus a differents tempsapres
limpact montrent clairement cette autosimilarite sur la figure
(2.3).
Le volume de la goutte V (t) dont la vitesse verticale est
passee de U0 a zero (si on consi-dere quapres limpact lessentiel de
la vitesse est horizontal) se comporte donc comme :
V (t) 23R(t)3
Et on obtient pour lordre de grandeur du champ de pression P (t)
cree par limpactsur la surface dintersection de rayon R(t) a la
base de la goutte, en faisant le bilan dequantite de mouvement
verticale, la relation :
-
2.1. Introduction 33
R(t)2P (t) LU0dV (t)
dt
Ce qui donne apres simplifications :
P (t) LU20
2R0U0t
(2.2)
Cette loi dechelle pour lordre de grandeur de la pression est en
bon accord avec lessimulations numeriques sur films liquides ou sur
surface super-hydrophobes (voir la figure(2.4)). On remarque
notamment une chute importante de la pression lorsque t/ 1,
quicorrespond justement a la fin de la validite de largument de
similarite propose (puisquetoute linertie verticale de la goutte a
ete deviee par le champ de pression).
On peut encore raffiner cette approche en considerant cette fois
le meme bilan dequantite de mouvement entre les rayons r et r + dr,
ce qui permet dobtenir un champ dereponse impulsive de la pression
de la forme :
P (r, t) =LU20 R0R(t)2 r2
=P (t)
2
1(
rR(t)
)2 (2.3)
dont le comportement quadratique en r pour r ( R(t) peut etre
observe sur la figure(2.5).
A nouveau, on remarque que le champ de pression ne depend que
tres faiblement de laviscosite du liquide ou de la tension de
surface. On peut alors sinterroger sur linfluencede la viscosite et
de la tension de surface sur la dynamique de limpact. Il est
pourtantevident quelles jouent un role important notamment dans la
formation et la structure desnappes liquides ejectees lors de
limpact. Ces jets sont souvent a lorigine de la formation
degouttelettes expulsees par limpact, a des temps tres courts
(souvent appele alors promptsplashavec des gouttelettes de tailles
tres reduites, de lordre du micrometre de diametre),et/ou plus tard
lorsque la corolle eventuellement produite de destabilise en
gouttelettesde rayons plus important (de lordre du dixieme de
millimetres). Lorsque limpact est faita faibles vitesses (ou comme
nous allons le voir, forte viscosite et/ou tension de
surfaceelevee) aucun jet nest forme et la goutte setale, soit sur
le film liquide, soit sur le substrat.La transition
splash/etalement ainsi definie se trouve de maniere surprenante
suivre uneloi experimentale similaire pour les impacts sur films
minces ou sur solides (voir figure(2.6) et les articles
experimentaux[104, 115, 87]).
Ce critere de transition fait intervenir une combinaison entre
linertie, la dissipationvisqueuse et la tension capillaire sous la
forme :
We
Re = K (2.4)
ou K est un nombre sans dimension, appele parametre de splashes,
qui depend desdetails de la geometrie consideree, de maniere plus
ou moins connue. Ainsi pour limpactsur film liquide, ce nombre
depend en particulier du rapport daspect R0/h entre le rayonde la
goutte et lepaisseur du film. Pour les impacts sur surface solide,
le nombre K estdependant en premier lieu de la rugosite de la
surface solide, suivant une loi empiriqueobtenue experimentalement
:
-
34 Corolles, eclaboussures et etalements.
Dans les deux cas, tres peu de choses sont connues sur
linfluence du fluide exterieur(lair en general) sur le critere de
splash. Il a ete montre recemment que la pression exte-rieure lors
de limpact sur surface solide jouait un role important sur la
transition entreetalement et splashes[114] : on peut ainsi
supprimer totalement le splash en diminuant lapression de lair
suffisamment.
Avec Stephane Zaleski, nous avons tache declairer le role de la
viscosite dans cettedynamique permettant dexpliquer la loi (2.4).
En sappuyant sur des simulations nume-riques avec des viscosites
differentes, nous avons montre que lepaisseur du jet produitpar
limpact etait selectionne par une longueur visqueuse. La loi (2.4)
se retrouve alorssimplement a partir dun argument de bilan de
quantite de mouvement dans le jet. Oncompare alors en fait la
vitesse de reculdu jet due a la tension de surface (appelee
vitessede Taylor-Culick[105, 25]) et la vitesse dejection de
liquide obtenue par conservation dela masse. Cette approche est
decrite avec plus de details dans le paragraphe 2.2 auquel estjoint
la publication[70].
La formation dun splash et/ou dune corolle liquide peut-etre
provoquee lors de lim-pact sur une surface solide par la presence
dirregularites de la surface. Cet effet, qui semanifeste en fait
par la dependance de la loi (2.4) suivant la rugosite de la surface
peutsetudier de maniere plus systematique en creant une
irregularite importante de la sur-face en un point. Avec Luis
Lemoyne, Richard Troeger et Stephane Zaleski, nous avonsetudie
experimentalement dans un premier temps, puis numeriquement de
maniere simpli-fiee ensuite, la deviation du film obtenu lors de
limpact par la presence dune marche defaible epaisseur. Nous avons
notamment cherche a comprendre langle de deviation de lacorolle en
fonction des donnees du probleme (voir le paragraphe 2.3.1 avec la
publicationjointe[67]).
Le paragraphe 2.3.2 et la publication jointe[100] decrivent une
collaboration notam-ment avec Yuriko Renardy dans laquelle on
realisait une comparaison qualitative detailleeentre les
experiences dimpacts sur surfaces super-hydrophobes et des
simulations nume-riques par methode marqueur imposant un angle de
contact de 180. Ce travail illustre amon avis a la fois le niveau
de precision atteint par les methodes numeriques
recemmentdeveloppees, qui sont capables de bien reproduire une
dynamique deja complexe de defor-mation dinterface et une
utilisation predictive du numerique qui permet davoir acces ades
quantites difficilement mesurables experimentalement.
Finalement, le dernier paragraphe 2.3.3 de ce chaptre correspond
a un article de colla-boration experimentale avec Denis Bartolo et
Daniel Bonn sur les differents regimes deta-lement et de retraction
dune goutte lors de limpact sur une surface hydrophobe (maisnon
super-hydrophobe)[7]. On decrit notamment un regime de retraction
domine par ladynamique fortement hors dequilibre de la ligne de
contact mobile, via la relaxation delangle de contact vers sa
valeur dequilibre. A contrario, cette etude illustre les
limitesdapproches numeriques ne prenant pas correctement en compte
des effets localises telsque la dynamique de la ligne triple ; en
effet, aucune etude numerique avec les methodesa notre disposition
ne sest revelee reellement pertinente dans le cadre de ce
travail.
-
2.1. Introduction 35
Fig. 2.2 Champ de pression obtenu a t = 104 (soit t/ = 0.2) par
la methode marqueurpour limpact dune goutte sur une surface
super-hydrophobe a la vitesse de 2 ms1. Lesparametres physiques de
la goutte sont proches de ceux de leau (L = 1000 kgm3, = 0.05 kgs2,
pour des viscosite variant de celle de leau 0.001 a 0.005, 0.01 et
0.05(kgm1s1) de gauche a droite et de haut en bas respectivement.
On observe tres peu devariation du champ de pression pour des
nombre de Reynolds variant ainsi de 40 a 2000.
-
36 Corolles, eclaboussures et etalements.
Fig. 2.3 Champ de pression pour limpact precedent avec la
viscosite 0.005 kgm1s1a differents temps t/ = 0.08, 0.12, 0.2 et
0.32, de gauche a droite et de haut en basrespectivement. On
observe ainsi que les variations importantes du champ de
pressionsont essentiellement situees dans une zone de taille R(t)
proche de la paroi. Ces differentschamps suggerent une loi dechelle
autosimilaire pour le champ de pression.
-
2.1. Introduction 37
a)0.01 0.1 1
t/!
0.001
0.01
0.1
1
1e+01
Pressure
b)
1e-05
1e-04
0.001
0.01
0.1
1
10
0.1 1
P(t
)/P
0
dimensionless time
1./sqrt(x)
Fig. 2.4 Mesure de lordre de grandeur de la pression dans le
cadre dun calcul dim-pact a) sur film mince (VOF) b) sur surface
super-hydrophobe (marqueurs). La pressionest adimensionnee par la
pression dynamique P0 = LU20 et le temps t/ = U0t/R0. a)represente
la valeur de la pression maximale, obtenue a la base de la corolle
formee pourdes differentes viscosites ; b) correspond a la valeur
de la pression au centre de la zonedimpact z = 0 et r = 0. Les
courbes sont obtenues pour differentes viscosites et tensionsde
surface. Les droites indiquent la loi 1/
t/ .
a) b)
Fig. 2.5 Profil radial du champ de pression en z = 0 en fonction
a differents tempsdans le cas dune simulation dun impact de goutte
sur surface super-hydrophobe par lamethode Marker (We = 80 et Re =
2000). a) Profil radial P (r, t)/P (0, t) en fonction der/R0b) P
(r, t)/P (0, t) 1 en fonction de r/R(t) en log-log. La droite
correspond au profilparabolique valable aux faibles r suivant la
formule (2.3).
-
38 Corolles, eclaboussures et etalements.
a)
b)
Fig. 2.6 Evaluation experimentale de la transition entre
splashes et etalement pourdes impacts de gouttes sur a) solide sec
(figure empruntee a Mundo et al.[87], page 162)et b) film liquide
mince ((figure empruntee a Yarin et Weiss[115], page 149). Les
loisempiriques obtenues se ramenent a la formule (2.4) une fois
lecriture suivant les nombressans dimension appropries
effectuee.
-
2.2. Transition splash-etalement pour les impacts sur film
liquide 39
2.2 Transition splash-etalement pour les impacts sur film
liquide
2.2.1 Theorie visqueuse du jet
Le role de la viscosite et de la tension de surface sur la
formation dun splash et doncdeclaboussures semble difficile a
elucider a partir des variations de quantites telles que lapression
ou le rayon dexpansion de limpact. Cependant, la formule (2.4)
montre dunepart que que ces parametres sont primordiaux et quils
interagissent de maniere complexe.On peut aussi observer les
changements des profils de densite pour des impacts qui
differentpar des variations de viscosite importantes (voir figure
(2.7)).
Fig. 2.7 Profils de densites obtenus avec une methode VOF pour
We = 8000 et desnombres de Reynolds Re = 1000, 100 et 40 de gauche
a droite. Le rapport daspect entrelepaisseur du film (colore en
gris clair) et le diametre de la goutte est 1/6. Les liquidesdu
film et de la goutte sont les memes et la difference de couleur est
la pour illustrer laprovenance du liquide formant la corolle.
On peut alors observer que ces variations sont essentiellement
concentrees dans lacorolle (si elle est formee) et notamment a la
base de la corolle (ou plus generalement dansla zone dexpansion de
limpact, i.e. proche de R(t)). Le calcul du champ de vorticite
danslecoulement (voir figure (2.8)) permet de voir quen effet, de
la vorticite est precisementcreee dans cette zone, et dautant plus
forte que le nombre de Reynolds est eleve.
Pour expliquer la creation de vorticite dans cette region, on
peut invoquer la relation deKelvin qui indique quun ecoulement le
long dune interface courbee produit de la vorticite.Or la zone
dexpansion de limpact est precisement une region a forte courbure
le long delaquelle le liquide de la goutte glisse dans le liquide
du film au repos. Dautre part, cettezone est aussi le siege dun pic
de pression et donc dun gradient de pression qui tenda vouloir
expulser le liquide (ce qui, en labsence dune surface libre ne
creerait pas devorticite cependant). Ceci explique que la vorticite
soit creee sous la forme dun dipolecorrespondant a lemission dun
jet de liquide (la figure (2.8) correspond effectivement ades
situations ou un splash est observe). La vorticite est donc
produite sur linterface memeet est ensuite diffusee dans le liquide
(mais aussi dans une moindre mesure dans le gaz ou laviscosite est
en fait bien plus faible). On se trouve finalement en presence dune
dynamiqueassez classique de developpement dune couche limite
visqueuse a partir de la surface librecourbee et en mouvement. Des
lors, on peut estimer que la zone de diffusion de la vorticitedoit
evoluer a priori comme l
t, ce qui nest pas evident a observer sur la figure
-
40 Corolles, eclaboussures et etalements.
Fig. 2.8 Champs de vorticite pour We = 8000 et des nombres de
Reynolds Re = 1000et 100 (de gauche a droite) obtenus par
simulation numerique (meme calculs que pour lafigure (2.7)).
presentant les champs de vorticite (2.8) a cause notamment du
choix de la palette couleur.Puisque, comme nous lavons vu,
lecoulement hors de cette zone dintersection semble trespeu
dependant de la viscosite, la quantite de vorticite creee nen
depend que faiblement etseule sa diffusion est influencee
directement par la viscosite. On peut donc attendre quele champ de
vorticite ait une extension spatiale normale a linterface
proportionnelle a lalongueur visqueuse l . Cela revient a avoir un
pic de vorticite inversement proportionnel al lorsque lon fait
varier la viscosite. On peut observer cette dependance sur la
figure (2.9)ou lamplitude du dipole est representee en fonction du
temps pour differents impacts ouseule la viscosite varie.
0 0.5 1 1.5
time unit
0
20000
40000
60000
80000
1e+05
vort
icity
0 1
time unit
0
1000
2000
3000
4000
vort
icity
Fig. 2.9 Amplitude du dipole de vorticite genere par limpact en
fonction du temps pourviscosite variables telles que le nombre de
Reynolds varie de 40 a 1000 (gauche). La courbede droite represente
la meme quantite divisee par la racine carree du nombre de
Reynoldsde chaque impact.
Lorsque lon represente lamplitude divisee par la racine carree
du Reynolds, on observe
-
2.2. Transition splash-etalement pour les impacts sur film
liquide 41
que les courbes des differentes amplitudes se superposent
raisonnablement, notamment auxtemps courts. Ceci suggere donc que
lepaisseur du jet selectionnee est bien determinee parla viscosite.
On peut des lors faire un bilan de masse au travers du jet
depaisseur l enconsiderant que lessentiel de la masse de liquide
impactant le film est ejecte. On obtientalors que cette vitesse
dejection vj suit la loi :
vj =
Re
2U0
qui est en bon accord qualitatif avec les mesures experimentales
de S.T. Thoroddsen[106].On peut maintenant comparer cette vitesse
dejection a la vitesse de retraction de Taylor-Cullick vret quon
peut obtenir par un bilan de quantite de mouvement (stationnaire)
atravers le jet :
vret =
2l
La formation du jet est donc possible suivant ce modele
simplifie si la vitesse de retractionest inferieur a la vitesse
dejection, ce qui conduit a la relation :
We
Re
U0t
R0 2.
Finalement, les bilans mis en jeu dans ce calcul etant valables
pour U0tR0 1 on obtientcomme critere pour la formation dun splash
:
We
Re K
ou K est une constante dependant des autres parametres du
probleme (qui peuvententrer en jeu notamment dans les prefacteurs
des bilans de masse et de quantite de mouve-ment), en bon accord
avec les lois experimentales empiriques. Cette theorie qui
introduitune couche limite visqueuse lors de limpact offre une
explication coherente de cette loiexperimentale robuste mais
appelle cependant quelques remarques supplementaires :-dans
larticle de Yarin et Weiss[115], une longueur visqueuse avait ete
introduite dans leurmodele et permettait de retrouver le critere de
formation du splash. Cependant, dans lecadre de ce modele, cette
longueur correspondait a lepaisseur du film sur lequel limpactavait
lieu et non a lepaisseur du jet forme.-une etude plus detailee de
la couche limite et notamment le raccordement asymptotiqueavec
lecoulement de fluide parfait dans la goutte a ete developpee par
la suite dans [56].-dans le modele ci-dessus le point crucial est
de considerer que la largeur du jet est determi-nee par une
longueur de couche limite visqueuse. Bien que les observations
experimentalesde [106] semble en accord avec une epaisseur
dependant du temps comme l , la longueurvisqueuse du probleme
R0U0 aurait donne le meme critere final. -le lien entre la
for-
mation de ce jet et la corolle classique observee dans de
nombreux impacts reste encoremal compris. Il a ete notamment
propose recemment de bien distinguer entre ce que lonappelle le
prompt splashqui serait lejection de liquide dans un jet fin, aux
temps courts,par le processus decrit plus haut et la formation plus
tard dune corolle (de laquelle se de-tachera souvent des
gouttelettes secondaires) via la collision horizontale entre le
film du aletalement de la goutte avec le film liquide au repos[29].
Cette formation dune corolle parcollision de jet a ete presentee
auparavant par Peregrine dans un article au titre evocateurThe
fascination of fluid mechanics[93].
-
42 Corolles, eclaboussures et etalements.
2.3 Impacts sur solide : splashes et obstacles, etalement et
retraction
Nous avons evoque ci-dessus deux mecanismes de formation dun
splash, qui ne sontdailleurs pas independants et dont le lien reste
en fait a eclairer : en bref, ce que lon appellegeneralement les
prompt splashes induits par le champ de pression aux temps courts
etla deviation du film liquide cree par la goutte setalant au
contact du film initial. Onpeut observer la formation
declaboussures par dautres mecanismes comme par exemplecelui, mal
compris, mettant en jeu le role de lair lors de limpact sur surface
seche[114].Le role de la rugosite et de la forme de la surface
solide pour ces impacts sur surfacesseches est aussi crucial dans
la formation de splashes. Il est interessant de rappeler icique le
critere de transition etalement-eclaboussure precedent (2.4) est
aussi vrai pour desimpacts sur solides, le parametre dimpact K
etant alors fonction de la rugosite de lasurface notamment[104].
Letude de linfluence dune rugosite macroscopique (fractionde
millimetre a comparer aux rugosites micrometriques usuelles)
controlee peut donc sereveler particulierement instructive dans ce
cadre (voir ci-dessous et la ref. [67]). Limpactdune goutte sur une
surface seche est donc sensible aux rugosites de la surface
maisaussi aux proprietes physico-chimiques de celle-ci, qui se
manifestent notamment via unedynamique complexe de la ligne de
contact (ligne dintersection entre les phases liquide,solide et
gazeuse). Loin de vouloir discuter en detail ici la dynamique de la
ligne de contact(on peut notamment voir larticle de revue de P.-G.
De Gennes [28]), on peut remarquerque celle-ci joue un role
important lors de limpact dune goutte. Schematiquement, onpeut
distinguer deux phases lors de limpact : letalement (lexpansion) de
la goutte sur lasurface et la retraction partielle, jusqua
atteindre un rayon dequilibre obtenu par langlede contact statique
et le volume de liquide (cette retraction peut meme correspondre
aun etalement supplementaire si le rayon maximal atteint lors de
limpact est inferieur aurayon dequilibre), ou la retraction totale,
i.e. allant jusquau detachement dune partie oude la totalite du
liquide. Le cas super-hydrophobe est etudie a laide simulation
numeriqueou lon observe deux regimes dimpacts distincts lorsque le
frottement de la surface estneglige : soit le film detalement
sasseche (cela se fait alors au point dimpact) ce quidevrait
conduire au demouillage de la surface (transition que lon ne peut
pas modelisernumeriquement actuellement), soit la goutte rebondit
apres une deformation de linterfaceimportante mais sans
demouillage[100]. Letude experimentale de limpact de gouttes
sursurface hydrophobe donne lieu a lidentification de quatre
regimes, suivant quel balanceentre linertie, la capillarite et les
effets visqueux domine limpact et la retraction[7].
2.3.1 Deviation dun film liquide par un obstacle.
En collaboration avec Luis Lemoyne et Richard Troeger
(Laboratoire de MecaniquePhysique, Saint-Cyr) et Stephane Zaleski,
nous avons propose detudier limpact dunegoutte sur une surface
lisse sur laquelle une marche depaisseur controlee est
ajoutee.Lepaisseur de la marche est grande comparee a la taille
caracteristique de la rugosite dela surface. On considere alors des
parametres dimpacts tels quen labsence de lobstacleforme par la
marche, aucune eclaboussure nest observee. On observe alors
experimentale-ment et numeriquement (la marche etant alors
cylindrique) que cette marche devie le filmmince detalement cree
par limpact de la goutte. Une corolle partielle se forme au dela
decette marche conduisant a la formation declaboussures et
lejection de petites gouttelettes
-
2.3. Impacts sur solide : splashes et obstacles, etalement et
retraction 43
(voir figure (2.10).
Fig. 2.10 Profils a differents instant dune goutte impactant une
surface lisse a laquelleune marche a ete ajoutee. On observe la
formation dune corolle a partir de la marche etle detachement de
gouttelettes de cette corolle.
Langle forme par la corolle et lhorizontale obeit a une
dynamique complexe commele montre la figure (2.11) : apres une
emission quasiment a angle droit, la corolle sembleatteindre
ensuite un angle constant aux temps longs, qui depend a la fois de
lepaisseur dela marche et de la distance de la marche au point
dimpact.
0 0.5 1 1.5 2 2.5 330
40
50
60
70
80
90
Time (t*U/D)
Angle
()
* 0.035mmo 0.07mm+ 0.2mm
Fig. 2.11 Angle de deviation de la corolle (mesure aux temps
longs) en fonction de ladistance r entre le point dimpact et la
marche : (+) experiences, (*) simulation numeriqueset la courbe
pour le modele.
On retrouve un comportement similaire en simulant numeriquement
cet impact engeometrie cylindrique avec la methode VOF. La marche
est alors de facto cylindrique.Langle de deviation en fonction de
la distance entre le point dimpact et la marche obtenudans les
experience et en simulation numerique est represente sur la figure
(2.12) les autresparametres de limpact restant les memes. On
observe que langle de deviation numeriqueest inferieur a celui
mesure experimentalement.
Un modele simple base sur la theorie classique dimpact dun jet
sur un obstacle re-trouve la dependance generale entre langle et la
distance de limpact : le modele essaie
-
44 Corolles, eclaboussures et etalements.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2
sheet angle
(degre
es)
dimensionless obstacle distance dobs/D
measurementstheory
numeric
Fig. 2.12 Angle de la corolle en fonction du temps pour trois
epaisseurs de marchedifferentes. Les courbes correspondent a une
interpolation des resultats experimentaux(representes par les
symboles).
destimer le champ de pression exerce par la marche sur un jet
depaisseur h arrivant avecune vitesse u sur une marche depaisseur
e. Le bilan de quantite de mouvement horizontaldonnera alors langle
de deviation. La difficulte reside dans lestimation de la pression
lelong de la marche, pression qui, si lon peut negliger la
viscosite, est de lordre de Lu2 ala base de la marche et proche de
zero en haut de la marche (ou on a une surface libre).On obtient
alors aux petits angles de deviation une relation de
proportionnalite entre e,h et :
e
h= C 2 (2.5)
Une theorie potentielle existe qui donne cette loi avec la
determination de la constanteC [12] mais la viscosite semble jouer
un role complexe puisque des simulations numeriquespreliminaires
donnent une relation en bon accord avec la loi (2.5) mais avec un
prefacteurC different de celui predit par la theorie potentielle
(lerreur est de lordre de 50%).Dautre part, il reste a estimer la
relation entre h(r) entre lepaisseur du film liquideimpactant la
marche a une distance r du point dimpact. Cette question de
lepaisseur desjets ou films selectionnee est recurrente dans les
problemes decoulement a surface libreet notamment dans les impacts
en general et reste encore a eclaircir. On peut remarquerquun
ecoulement potentiel en labsence de tension de surface ne donnerait
pas dautrelongueurs caracteristiques que celles liees a la
geometrie de lecoulement, ce qui conduitsouvent a des jets
singuliers (par exemple dans le cas des calculs de jets en
approximation depression impulsive[22] ou dans le cas gener