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ACADEMIE DE PARIS
Année 2009 / 2010
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-‐Réanimation
Coordonnateur : Mr le Professeur
Marc SAMAMA
par
Présenté et soutenu le 15 Avril
2010
Travail effectué sous la direction
de :
Pr AUSSET, Service Anesthésie
Réanimation, HIA PERCY
Pr FISCHLER, Service Anesthésie, Hôpital
FOCH
Impact d’un programme d’amélioration des
soins sur la qualité des soins
et les complications
cardiovasculaires en chirurgie orthopédique
majeure.
DONAT Nicolas
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2
Table des matières :
1 Introduction
.....................................................................................................
3
2
Rationnel..........................................................................................................
4 2.1 Physiopathologie des complications
ischémiques myocardiques péri-‐opératoires .4
2.2 Incidence de l’ischémie
myocardique dans la période péri
opératoire ..........................7 2.3
Troponine, marqueur d’ischémie myocardique
........................................................................8
2.3.1
Définition................................................................................................................................................8
2.3.2 Propriétés
...............................................................................................................................................9
2.3.3
Validation...............................................................................................................................................9
2.3.4 Causes non ischémiques
d’élévation de la troponine
:..................................................... 13
2.4 Qualité des
soins...................................................................................................................................13
2.4.1
Définition.............................................................................................................................................
13
2.5 Spécificités de la chirurgie
orthopédique majeure
...............................................................16
2.5.1 Particularités de l’arthroplastie
de hanche :
.......................................................................
16 2.5.2 Particularités des interventions
pour fracture du col
fémoral.................................... 17 2.5.3
Particularités de l’arthroplastie de
genou............................................................................
18 2.5.4 Gestion des pertes
sanguines en chirurgie orthopédique
majeure ............................ 19 2.5.5
Type d’analgésie
réalisée..............................................................................................................
19
3 Matériels et méthodes
...................................................................................
20 3.1 Critères d’inclusion
.............................................................................................................................20
3.2 Critères de non-‐inclusion
.................................................................................................................20
3.3 Mesures
....................................................................................................................................................20
3.4 Suivi et devenir
.....................................................................................................................................20
3.5 Intervention sur la qualité
des soins
...........................................................................................21
3.6 Analyse statistique
..............................................................................................................................25
4 Résultats
........................................................................................................
27 4.1 Effectifs et caractéristiques
des populations étudiées :
......................................................27 4.2
Troponine................................................................................................................................................28
4.3 Complications
cardiovasculaires...................................................................................................29
4.4 Mortalité
..................................................................................................................................................31
4.5 Qualité des
soins...................................................................................................................................35
5 Discussion
......................................................................................................
37 5.1 Que peut-‐on retenir ?
.........................................................................................................................37
5.1.1 Qualité des soins
...............................................................................................................................
37 5.1.2 Critères cardiovasculaires
...........................................................................................................
37 5.1.3 Réflexion coût-effets
.......................................................................................................................
39
5.2 Limites
......................................................................................................................................................39
6
Conclusion......................................................................................................
41
7 Annexes :
.......................................................................................................
42
8 Bibliographie :
................................................................................................
49
-
3
1 Introduction Depuis dix ans,
l’hôpital et le système de soins
tout entier vivent une véritable
mutation à travers un nouvel
objectif qui lui est assigné :
évaluer ses
performances et améliorer son
efficacité. Ce mouvement suit
l’évolution des
mentalités de la société dans son
ensemble. Le patient est dorénavant
considéré
comme un client, comme un
consommateur de l’offre de soin ;
il faut donc lui
offrir le meilleur service possible.
Cette démarche vient également
du corps
médical prenant exemple sur les
pratiques anglo-‐saxonnes. Le législateur,
à son
tour, participe à ce processus en
imposant des procédures spécifiques
telles que
l’accréditation et la certification des
établissements de soins. Le système
de soins
a ainsi besoin de s’évaluer et
de construire sa propre échelle
de jugement, il lui
faut alors des critères objectifs
et des indicateurs. Dans une
étude précédente,
l’équipe d’anesthésie de l’Hôpital
d’Instruction des Armées Percy a
montré que
l’incidence des élévations post-‐opératoire
de troponine en chirurgie
orthopédique majeure, corrélée à la
mortalité cardiovasculaire, pouvait
être
considérée comme un indicateur de
la qualité des soins (1). Dans
la continuité de
ce travail, nous avons tenté
de mettre en évidence et
d’évaluer l’impact d’un
programme d’amélioration des soins sur
la qualité des soins dispensés
et sur les
complications cardiovasculaires en chirurgie
orthopédique majeure.
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4
2 Rationnel
Actuellement, on estime que sur
les 27 millions de patients qui
bénéficient d’une
anesthésie chaque année aux
États-‐Unis, 50 000 sont victimes
d’une ischémie
myocardique (2, 3). Cette préoccupation
ira croissante dans les années
futures,
conséquence de la prévalence de la
maladie cardiovasculaire qui augmente
avec
l'âge et du nombre d’actes
chirurgicaux effectués chez les
patients âgés. Ces
événements ischémiques péri-‐opératoires ont
une valeur pronostique forte :
leur
mortalité est de 50% (4, 5),
ils représentent un tiers des
décès péri-‐opératoires
(6), ils sont associées à un
allongement du séjour hospitalier
(7), et à une
élévation du taux de mortalité
à long terme (8). Cependant,
l’incidence de ces
complications ischémiques myocardiques peut
être réduite en améliorant la
prise en charge de nos patients.
La survenue de complications
cardiovasculaires
doit être considérée comme une
complication évitable dans nos
projets
d'amélioration de la qualité des
soins péri-‐opératoires.
2.1 Physiopathologie des complications
ischémiques myocardiques péri-‐
opératoires
La maladie coronarienne est dans
sa grande majorité causée par
l’athérome
coronarien. Celui ci est responsable
d’une réduction du calibre des
artères
coronariennes empêchant l’augmentation du
débit sanguin coronaire lors des
périodes d’augmentation de la
consommation en oxygène du myocarde.
Les
manifestations cliniques en sont
variables, allant de l’angor stable
au syndrome
coronarien aigu (SCA).
Dans sa définition cardiologique, un
syndrome coronarien aigu peut
occasionner
différentes modifications électrocardiographiques.
La classification de l’ACC /
AHA (9) distingue différents
types de SCA selon la présence
ou non de
modifications électriques, la présence
ou non de marqueurs biochimiques
de
nécrose myocardique, ces entités
constituant en réalité un même
continuum. Les
SCA avec sus décalage du segment
ST évoluent le plus souvent
vers des infarctus
du myocarde (IDM) avec onde Q
et plus exceptionnellement vers des
IDM sans
onde Q. Les SCA sans sus
décalage du segment ST peuvent
être soit des angors
-
5
instables (sans marqueurs biochimiques
de nécrose myocardique), soit des
IDM
sans onde Q (présence de marqueurs
biochimiques de nécrose myocardique)
(9).
Ces entités ne sont pas
figées et le passage d’angor
instable vers l’IDM est
possible. Les marqueurs biochimiques
de la nécrose myocardique, dont
la
Troponine Ic, permettent de tracer
une limite nosologique entre l’angor
instable
et l’IDM sans onde Q (10,
11), y compris en période
post-‐opératoire (12).
La physiopathologie de l’ischémie
myocardique en général, et de
l’ischémie
myocardique post-‐opératoire en particulier,
est complexe (9). Le primum
movens
résulte toujours d’une inadéquation
entre les besoins du myocarde
en oxygène et
l’apport coronarien en oxygène
(13-‐15). Les causes d’ischémie
myocardiques
péri-‐opératoiressont multiples : diminution
du débit sanguin coronaire,
élévation de la consommation
d’oxygène du myocarde, ou encore
élévation
insuffisante du débit sanguin
coronaire en réponse à une
élévation de la
consommation du myocarde (Figure 1).
Les principaux facteurs responsables
d’une baisse ou d’une élévation
insuffisante du débit sanguin
coronaire sont, par
exemple, une hypotension, une
anémie, une sténose coronarienne
athéromateuse, une thrombose coronarienne…
Les principaux facteurs
responsables d’une élévation de la
consommation myocardique en oxygène
sont,
par exemple, une hypertension
artérielle, une tachycardie, une
hypoxie…
La majorité des épisodes d’ischémie
myocardique post-‐opératoires sont associés
à la tachycardie (16, 17). Le
maintien d’une fréquence cardiaque
péri opératoire
inférieure au seuil d’ischémie
myocardique défini pour chaque patient
est
associé à une diminution significative
de l’incidence de l’ischémie
myocardique
(18, 19). Cependant, le maintien
de la stabilité hémodynamique per
opératoire
ne semble pas pour autant le
gage de prévention de survenue
d’accidents
ischémiques (20). Ainsi l’ischémie
myocardique péri opératoire peut
survenir en
dehors des épisodes d’instabilité
tensionnelle, les épisodes de
tachycardie isolés
favorisent l’apparition d’accidents
ischémiques. A contrario, un contrôle
trop
strict ou excessif de la fréquence
cardiaque par l’introduction de béta
bloquants
systématiques peut également être
délétère par ses effets
hémodynamiques (6,
21, 22).
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6
Figure 1 : Mécanismes de
l’ischémie myocardique péri-‐opératoire.
En dehors de ces facteurs
hémodynamiques ou exogènes, d'autres
mécanismes
peuvent être impliqués dans la
survenue d'une ischémie, il
s'agit de facteurs
intrinsèques liés à l'instabilité de
la plaque d'athérome ou de
facteurs modifiant
l'agrégabilité plaquettaire et les
paramètres de la coagulation. La
période péri-‐
opératoire est une période à
risque de rupture des plaques
instables : les
modifications de vasomotricité coronaire
favorisées par la tachycardie,
l'hypertension artérielle, la stimulation
adrénergique génèrent une contrainte
sur la paroi des artères. Les
déséquilibres de la balance du
myocarde en oxygène
(tachycardie, hypotension artérielle,
anémie, hypoxémie) peuvent aggraver ce
phénomène. L'activation des phénomènes
inflammatoires et la modification de
la
coagulation pourraient également jouer
un rôle délétère (23).
Les SCA péri-‐opératoires seraient
donc le produit de l’interaction
d’une
coronaropathie préexistante et de
facteurs extra cardiaques déstabilisant
survenant autour de la chirurgie.
Cette relation physiopathologique
suggère
deux stratégies de prévention du
risque coronarien dans ce
contexte. La
-
7
première consiste à traiter la
maladie coronaire avant l’intervention
par des
moyens pharmacologiques ou
interventionnels. Une abondante littérature
est
régulièrement analysée par l’ACC/AHA qui
publie annuellement le consensus se
dégageant des derniers travaux
scientifiques, permettant alors de
fixer des
recommendations concernant à la fois
le dépistage et le traitement
de l’athérome
coronaire. Cette stratégie ne doit
être réservée qu’à une catégorie
spécifique de
patients sous peine de devenir
elle même délétère (24). L’autre
stratégie
consiste à limiter la survenue
en péri opératoire des facteurs
déstabilisants
évoqués ci dessus.
Si les mécanismes physiopathologiques
immédiats de l’ischémie myocardique
péri opératoire sont décrits par
la littérature, il n’existe pas
de données
concernant le déterminisme des
complications à moyen et long
terme des
épisodes ischémiques péri opératoire.
2.2 Incidence de l’ischémie myocardique
dans la période péri opératoire
L’incidence de l’ischémie myocardique
péri-‐opératoire est difficile à
établir lors
de l’analyse de la littérature.
Les chiffres retrouvés présentent
de grandes
variations, allant de 1 à
20% (25, 26). La difficulté de
la comparaison réside dans
les variations des définitions
nosologiques, des populations étudiées,
et des
procédures analysées. Ainsi, l’ischémie
peut recouvrir une définition
clinique,
électrique, ou biologique. Ces
différentes définitions ont une
incidence croissante
car les critères diagnostiques
croissent en sensibilité. De plus,
l’incidence des
phénomènes ischémiques asymptomatiques est
encore plus élevée lorsqu’ils
sont recherchés de manière
systématique (5, 26-‐29). La confusion
augmente
lorsque les populations étudiées
recouvrent aussi bien la population
générale, ou
uniquement des sujets à risques.
C’est le cas également lorsque
les procédures
comparées regroupent des chirurgies
vasculaires à risque ou des
actes tout
venant. Cette variabilité est bien
illustrée par le travail de
Badner et col sur
l’infarctus du myocarde periopératoire
qui montre que, selon les
critères
employés, l’incidence de l’infarctus
du myocarde varie entre 5 et
20 % et
l’incidence des infarctus fatals entre
4 et 17 % (29).
-
8
En réalité, ces discordances
épidémiologiques s’expliquent par la
difficulté de
diagnostic de la nécrose myocardique
post-‐opératoire. Sa symptomatologie
clinique et électrique est fruste
: seuls 15% des IDM
présentent une douleur
thoracique caractéristique et uniquement
10 à 30 % présentent des
modifications électriques classiques (12,
29, 30). La compréhension de la
gravité,
de l’épidémiologie, et de la
physiopathologie des complications ischémiques
postopératoires se heurte donc tout
d’abord à un problème de
définition. On le
voit, de nombreux évènements
ischémiques infracliniques échappent au
simple
dépistage et à la comptabilisation
des seuls phénomènes cliniques.
L’évaluation
de leur incidence doit donc
faire appel à des critères
paracliniques. Les
manifestations électriques de l’ischémie
myocardique, en particulier la
présence
d’un sous décalage du segment
ST, peuvent être recherchée à
l’aide d’ ECG
répétés ou mieux par Holter ECG
(12). Les manifestations biologiques
peuvent
être détectées grâce aux dosages
répétés des enzymes cardiaques,
et plus
particulièrement de la Troponine Ic.
Ces deux méthodes de monitorage
de
l’ischémie myocardique ont prouvé leur
efficacité et sont, en outre,
corrélées à la
mortalité à long terme (31-‐38).
2.3 Troponine, marqueur d’ischémie myocardique
2.3.1 Définition
La Troponine est un complexe
protéique qui sensibilise les
cellules musculaires
au calcium. La Troponine se
retrouve aussi bien dans les
muscles cardiaques que
les muscles squelettiques, mais les
formes spécifiques de la Troponine
diffèrent
dans leur composition selon les
types de muscle du fait
d'une expression
différente de leurs gènes
respectifs. La Troponine est composée
d’une
association de plusieurs sous-‐unités
distinctes parmi lesquelles on
distingue :
• La Troponine C (TnC):
sous-‐unités responsable de la liaison
avec le calcium.
Une fois le calcium lié le
complexe troponine-‐calcium se déplace
et cesse
d'empêcher la liaison entre la
myosine et l'actine. La TnC
présente une forte
similitude entre la forme cardiaque
et la forme squelettique, rendant
impossible
l'obtention d'anticorps monoclonaux et
excluant tout intérêt clinique.
-
9
• La Troponine I (TnI) :
sous-‐unité responsable de l'inhibition
de la liaison entre
la myosine et l'actine (en
masquant le site de l'actine
qui sert à la liaison avec
la
myosine). Elle a une fonction
inhibitrice qui a pour effet
d'amorcer la
décontraction musculaire. La TnI
présente 3 isoformes, spécifiques
respectivement du muscle squelettique
à contraction rapide, du muscle
squelettique à contraction lente et
du cœur (TnIc).
• La Troponine T (TnT) :
sous-‐unité responsable de la
liaison avec la
tropomyosine.
Seules la Troponine T cardiaque
(TnTc) et la Troponine I
cardiaque (TnIc) sont
mesurées par méthode immunoenzymatique
spécifique, elles seules ont
un
intérêt concret dans le diagnostic
et le suivi de la nécrose
myocardique.
2.3.2 Propriétés
La TnIc est absente du sérum
chez l'individu sain. L'élévation de
son taux sérique
signe la nécrose de cellules
myocardiques. Cette élévation est
précoce, sa
normalisation est lente. Sa
positivation se fait en 3 à
6 heures après lyse
cellulaire, le pic plasmatique est
atteint en 12 à 24 heures,
sa normalisation est
constatée en 3 à 5 jours
(tableau 1).
Tableau 1 : Cinétique des enzymes
cardiaques (39)
CK CK-‐MB Myoglobine
Troponine Ic
Positivation 4-‐6 h 3-‐6 h 2-‐3
h 3-‐6 h
Pic plasmatique 18-‐22 h 16-‐24
h 8-‐12 h 12-‐24 h
Normalisation 36-‐48 h 48-‐72 h
24-‐36 h 5-‐15 jours
2.3.3 Validation
Depuis l’utilisation en routine de
la Troponine comme marqueur
enzymatique de
la nécrose myocardique, il est
établi qu’il existe une étroite
corrélation entre
l’ischémie électrique détectable au
holter et l’élévation de ce
marqueur (40). En
ce qui concerne le diagnostic
d’IDM avec modification du segment
ST la
sensibilité et la spécificité élevée
des dosages répétés de la
TnIc sont
démontrées. La sensibilité de la
TnIc approche 100 % 12 heures
après le début
-
10
de la douleur, et reste voisine
de 100 % dans les 5 jours
suivants (41). La TnIc est
détectée dans le sang 4 à 6
heures après le début de la
douleur, et sa sensibilité
est comparable à celle des
marqueurs conventionnels lorsque les
dosages sont
réalisés moins de 6 heures après
le début de la douleur (42).
Sa faible sensibilité
précoce justifie la répétition des
dosages. En revanche, la
spécificité des
Troponines est supérieure à celle
des marqueurs conventionnels (CPK,
Myoglobine, LDH) (43). Son principal
avantage réside dans sa valeur
prédictive
négative, permettant d'exclure une
nécrose du myocarde. Son dosage
répété
permet de contrôler une extension
ischémique avec reprise secondaire
de la
nécrose ou d'apprécier la
reperfusion du myocarde après
fibrinolyse par
exemple. Il est de plus
démontré que l’élévation isolée de
cette enzyme est un
évènement significatif dans un
contexte évocateur comme la période
péri
opératoire, et ce même pour des
valeurs en dessous des seuils
retenus pour le
diagnostic de l’infarctus du
myocarde (29, 33, 34, 44).
Ainsi, en chirurgie
générale, le risque de décès à
un an serait multiplié par 15
en cas d’élévation de
la Troponine en postopératoire (31).
En outre, il a été démontré
que les mesures
itératives de TnIc constituent le
principal outil diagnostic pour
détecter la
survenue ischémie post-‐opératoire(34, 45).
La chronologie de son élévation
est
connue, elle est maximum dans les
trois premiers jours (26, 46,
47).
La recherche d’un dommage
myocardique au travers d’une élévation,
même
isolée, de la Troponine en
postopératoire est donc une donnée
pertinente quant
au devenir des patients. L’incidence
précise d’un tel phénomène dans
une
population non sélectionnée de
chirurgie générale est inconnue car
les études
d’incidence de complications
cardiovasculaires sur de vastes
collectifs de
malades portent sur les évènements
cliniques confirmés par
l’électrocardiographie ou le dosage
enzymatique et ne prennent pas
en compte
les évènements asymptomatiques tels
que les ischémies électriques ou
les
lésions myocardiques avec libération
de Troponine (48-‐53). Les rares
études
portant sur l’incidence des
élévations isolées de la Troponine
portent sur des
populations sélectionnées (patients
coronariens documentés et chirurgie
vasculaire) avec des valeurs seuils
variables pour le dosage de
la Troponine
(Tableau 2).
-
11
Tableau 2 : Incidence retrouvée
dans la littérature des élévations
de la troponine
en postopératoire de chirurgie non
cardiaque (54).
Population étudiée Seuil Troponine
(μg/l)
% patient avec élévation Troponine
Association avec complications cardiaques
Lee et al (55) 1996
1175 patients > 50 ans
chirurgie non cardiaque
5 % anévrisme Ao Abdo -‐ 20
% chirurgie vasculaire majeure -‐
33 % chirurgie ortho -‐ 12
% chirurgie thoracique -‐ 11 %
chirurgie digestive -‐ 19 %
autres
Tropo T > 0.1 17% OR=4.6
à 6 mois
Metzler et al (44) 1997
67 patients, risque intermédiaire
57 % chir. vasculaire – 31 %
chir. digestive – 12 % chir.
orthopédique
Tropo T > 0.2 Tropo I
> 0.6 19.5 % Non connue
Badner et al (29) 1998 323
patients coronariens, > 50 ans
Tropo T > 0.2 20.7 %
Non connue
Zaugg et al (11) 1999
63 patients, > 65 ans
52 chir abdo majeure – 2
chir thoracique – 5 arthroplasties
de hanche
Tropo Ic >0.4 27 % >
0.4‡ 4.8% > 1.5† Non connue
Gauss et al (56) 2001
185 patients, risque cardiovasculaire
intermédiare
80 % chirurgie vasculaire 20 %
chirurgie abdominale
Tropo T > 0.1 during >
48H 9 % Non connue
Jules-‐Elysee et al (57) 2001 85
patients, chirurgie orthopédique
Tropo Ic > 3.1 * 6 %
Non connue
Kim et al (33) 2002 229
patients, chirurgie vasculaire Tropo
Ic > 1.5
12% > 1,5† 31% 0,4-‐1,5
OR=6 à 6 mois pour la
mortalité
OR=27 pour IDM péri-‐opératoire (cTnI
> 1.5)
Landesberg et al (34) 2003 447
patients, chirurgie vasculaire
Tropo Ic > 0.6 ‡ 23.9%
OR=1.9 pour la mortalité à 5
ans
Higham et al (58) 2004 157
patients / 90 % chirurgie
vasculaire Tropo Ic > 0.1
7.6 %
OR=4.9 pour la mortalité à 1
an
Oscarsson et al (31) 2004
546 patients de plus de 70
ans / 18 % chirurgie
orthopédique
Tropo T ≥ 0,02 ‡ 9,7
%
OR=15 pour la mortalité à 1
an
Filipovic et al (59) 2005
173 patients, coronariens / chirurgie
vasculaire Tropo Ic > 2
15.6%
Non-‐significatif en analyse multivariée
Le Manach et al (45) 2005
1136 patients, anévrisme Ao abdominale
Tropo Ic > 1.5 † 14%
Non connue
-
12
Martinez et al (60) 2005
467 patients coronariens ou chirurgie
vasculaire (90%)
Tropo Ic > 1.5 † 13%
Non connue
Motamed et al (61) 2005
150 endarterectomies carotidiennes / 75
sous AG 75 sous anesthésie
locale Tropo Ic > 0.5
13% (AG)
1% (AL) Non connue
Feringa et al (62) 2006 272
patients, chirurgie vasculaire Tropo
T > 0.1 16.2%
OR=2.6 pour la mortalité à 2
ans
OR=4 pour les complications cardiaques
(2ans)
Howell et al (63) 2006
65 patients, chirurgie vasculaire
majeure
Tropo Ic > 0.06 § 40%
Non connue
Blecha et al (64) 2007
190 patients, chirurgie vasculaire
majeure Tropo Ic > 2 11%
Non connue
Mouzopoulos et al (65) 2007
90 patients à risque cardio-‐vasculaire,
arthroplastie de hanche
Tropo Ic > 3.1 * 8.9%
Non connue
Ausset et al (46) 2008 88
patients, arthroplastie de hanche
Tropo Ic > 0.08 ‡ 12.5%
OR=41.4 pour la mortalité à 1
an
OR=17.4 pour les complications
cardiaques (1 an)
Ausset et al (66) 2008 75
patients, fracture de hanche
Tropo Ic > 0.08 ‡ 26.7%
HR=3.6 pour la mortalité à 1
an
OR=6.6 pour les complications cardiaques
(1 an)
Dawson-‐Bowling et al (67) 2008
108 patients, fracture de hanche
Tropo T > 0.03 ‡ 39% Non
connue
Fisher et al (68) 2008 238
patients, fracture de hanche
Tropo Ic > 0.06 ‡ 29%
Non connue
Chong et al(69) 102 patients,
fracture de hanche
Tropo Ic > 0.03 ‡ 52%
OR=12 pour la mortalité à 1
an
* Valeur seuil déterminée par une
courbe ROC par rapport à une
population présentant un IDM selon
les critères OMS.
† 97.5ème percentile d’une population
présentant un IDM, selon définition
OMS.
‡ 99ème percentile d’une population
d’individus en bonne santé.
§ Seuil correspondant à la limite
de sensibilité de la méthode de
dosage.
-
13
2.3.4 Causes non ischémiques d’élévation
de la troponine :
Une élévation de la Troponine
en l’absence de souffrance
ischémique peut
survenir dans différentes situations
cliniques (Tableau 3). La plupart
de ces
situations correspondent cependant à une
authentique souffrance myocardique
et la Troponine est alors un
marqueur de gravité, corrélé à
la mortalité comme
dans l’insuffisance cardiaque instable,
l’embolie pulmonaire ou l’insuffisance
rénale terminale (41, 70). Dans
des cas plus rares des maladies
dysimmunitaires
peuvent perturber les tests basés
sur l’identification d’anticorps (41,
70).
Tableau 3 : Principales situations
cliniques ou la troponine peut
s’élever sans
insuffisance coronarienne (41).
• Myocardite et myopéricardite •
Traumatisme cardiaque
(chirurgie cardiaque, contusion, ablation,
biopsie, cardioversion, stimulation,
défibrillateur implantable)
• Embolie pulmonaire • Sepsis et
défaillance viscérale
sévère chez des patients réanimés
• Insuffisance cardiaque sévère •
Chimiothérapie
(anthracyclines) • Maladies infiltratives
(amylose, sarcoïdose, sclérodermie)
• Insuffisance rénale sévère • Rhabdomyolyse
avec atteinte
cardiaque • Pathologies neurologiques
aiguës (accident vasculaire cérébral,
hémorragie)
• Hypertension sévère (prééclampsie)
• Hypotension artérielle (avec arythmies)
• Effort sportif d’endurance extrême
(épuisement physique)
2.4 Qualité des soins
2.4.1 Définition
Définir et évaluer la qualité des
soins est une démarche essentielle
si l'on veut
améliorer le système de santé
(71). L’OMS définit la qualité
des soins comme la
capacité à « garantir à
chaque patient l’assortiment d’actes
thérapeutiques lui
assurant le meilleur résultat en
termes de santé, conformément à
l’état actuel de
la science, au meilleur coût
pour le même résultat, au
moindre risque
iatrogénique, pour sa plus grande
satisfaction en termes de
procédures,
-
14
résultats, contacts humains... »
(72). Mais la définition la plus
largement
employée vient de l’Institut de
médecine des Etats-‐Unis (Institute
Of Medicine)
qui précise que la qualité
est « la capacité des services
de santé destinés aux
individus et aux populations d’augmenter
la probabilité d’atteindre les
résultats
de santé souhaités, en conformité
avec les connaissances professionnelles
du
moment » (73). Concrètement, il
s’agit de mesurer le degré de
concordance entre
les recommandations basées sur l’état
actuel des connaissances scientifiques
et
les soins réellement prodigués au
quotidien. Etudier la qualités des
soins, c’est
étudier de multiples aspects :
efficacité, sécurité, réactivité, accès
et efficience
des soins.
2.4.2 En France Depuis une décennie,
on assiste en France à
une démarche globale
d’amélioration des soins délivrés aux
patients. Améliorer la façon de
soigner les
patients est voulue par les
patients eux même, par les
médecins bien sûr, mais
aussi par les assureurs, le
législateur… Cependant, malgré sa
réputation « de
meilleur système de santé dans
le monde », selon l’OMS,
la France accuse un
retard certain dans ce domaine.
A l’heure actuelle, Il existe
peu de système
d’information permanent sur la
qualité et la sécurité des soins
dispensés en
France, les données demeurent
partielles, contradictoires et difficilement
accessibles. Nous pouvons citer
l’indicateur ICALIN mis en place
par le ministère
de la santé comme précurseur.
L’Indicateur Composite des Activités de
Lutte
contre les Infections Nosocomiales
(ICALIN) a pour objectif d’inciter
les
établissements de santé à mesurer
leurs actions dans le domaine
de la lutte
contre les infections nosocomiales.
Il s’agit d’un indicateur de
processus et de
moyens mis en œuvre pour lutter
contre les infections nosocomiales,
et non une
évaluation du taux d’infection
nosocomiale. Il évalue ainsi les
activités de lutte
contre les infections nosocomiales
d’un établissement de santé et
établit un
indice composite des activités de
lutte contre les infections
nosocomiales
conduisant à un score sur 100.
Le score est ensuite complété
par une classe de
performance de A à E (suivant
la taille, le nombre de lits
de l'établissement).
-
15
2.4.3 La mortalité comme indicateur
Concrètement, pour améliorer ses
performances, le praticien doit
d’une part
savoir quoi faire en théorie,
d’autre part savoir ce qui est
fait au quotidien, et
enfin être capable d’identifier les
aspects améliorables (74, 75). Pour
concevoir
une amélioration, il faut donc
posséder tout d’abord la
capacité de s’évaluer.
Cette étape d’évaluation constitue
la principale difficulté du processus
d’amélioration de la qualité des
soins d’une part par la nature
« abstraite » des
critères à mesurer, et d’autre
part par le défaut de
consensus sur la nature des
paramètres à surveiller. Ainsi, mesurer
la qualités des soins dispensés
fait appel,
selon l’approche, à une grande
variété de paramètres : incidence
des infections
nosocomiales, mortalité, ou recueil
évènements indésirables par exemple. La
mortalité est un exemple d’indicateur
de qualité, celui ci a pour
avantage d’être
objectif et indiscutable, il est
d’ailleurs utilisé dans certains
domaines
chirurgicaux (76-‐83). Un des
meilleurs exemples de son utilisation
est le
programme NSQIP. En 1986, le
congrès américain suspectant un
défaut dans la
qualité des soins dispensée aux
vétérans de l’armée américaine, va
obliger par loi
(N°99-‐166) les hôpitaux des anciens
combattants à mesurer et publier
leur
morbi-‐mortalité chirurgicale. Les premiers
résultats, publiés en 1991-‐93 dans
le
registre National Veteran Affaires
Surgical Risk Study (NVASRS),
regroupent 44
hôpitaux et 117 000 interventions
(84). A partir de ces
constatations, ils
développèrent un modèle de risque
pour la morbi-‐mortalité à 30
jours et sa
corrélation à la qualité des
soins (85). Parallèlement, est mis
en place un
programme d’amélioration de la
qualité des soins, le National
Surgery Quality
Improvement Program (NSQIP). De 1991
à 1997, 417 944 interventions
furent
analysées dans le NSQIP, démontrant
que les données du modèle de
prédiction
comme la morbidité et la mortalité
à 30 jours peuvent être «
capturées » dans les
123 établissements des vétérans (86).
Ce programme de qualité a
permis une
diminution de la mortalité et de
la morbidité de 9% et 30%
respectivement sur
la période concernée. En 1999,
le principe du NSQIP est
testé dans 3
établissements privés pour étudier son
applicabilité (87). Deux ans plus
tard, le
NSQIP est adopté par l’American
College of Surgeons (ACS) comme
gold standard
pour mesurer et améliorer la
morbi-‐mortalité des patients opérés.
-
16
2.4.4 Autres indicateurs
Cependant, la mortalité comme critère
de qualité a pour défaut d'être
complexe à
utiliser comme outil d’évaluation des
performances car elle est plus
influencée
par les caractéristiques des patients
telles que l'âge et les
comorbidités que par
la qualité des soins. De
plus, pour les activités médicales
à faible mortalité, il
nécessite de très larges échantillons
pour permettre des comparaisons (80,
85,
86, 88-‐90).
Devant ces obstacles, nous nous
sommes orientés vers d’autres
méthodes
d’évaluation de la qualité issues
du monde de l’entreprise ou de
l’aéronautique.
Ces méthodes, appelées Total quality
management (TQM) ou continuous
quality
improvement (CQI), proposent une
approche intégrée de l’amélioration
de la
qualité des soins (91). Ces
méthodes concentrent leurs actions sur
les
caractéristiques organisationnelles du
système de soins plutôt que le
facteur
humain comme facteur décisif
d’amélioration des soins délivrés aux
patients.
Ainsi, dans une méthode TQM,
on mesure la performance d’un
système, on
implémente des modifications, puis on
mesure l’impact de ces changements.
2.5 Spécificités de la chirurgie
orthopédique majeure
Le terme de chirurgie orthopédique
majeure désigne l’ensemble des
procédures
chirurgicales orthopédiques potentiellement
responsables d’une spoliation
sanguine importante (> 1
Concentré Erythrocytaire), associées à
une durée
d’intervention longue ou à une
morbidité péri opératoire élevée.
Il s’agit
classiquement des arthroplastie de
genou ou de hanche et leur
reprise, ainsi que
les interventions pour fracture du
col fémoral (92). Les chirurgies
du rachis sur
plusieurs étages, les interventions
correctrices de scoliose, la chirurgie
de
métastases osseuses sont également des
chirurgies orthopédiques majeures. En
France, un quart des anesthésies
réalisées concernent la chirurgie
orthopédique,
soit 1 500 000 actes annuels,
dont 200 000 arthroplasties de
genou ou de hanche
(93).
2.5.1 Particularités de l’arthroplastie de
hanche :
L’âge moyen de la population cible
est supérieur à 60 ans, 100
000 interventions
sont réalisées par an (94). La
prise en charge anesthésique des
arthroplasties de
-
17
hanche varie grandement selon le
type de technique chirurgicale, sa
complexité,
et bien sûr selon le terrain
du patient (95). Les
interventions comportant une
greffe osseuse, la mise en
place d’une prothèse cimentée, à
long fût, ou la
présence d’une protrusion du cotyle
sont des facteurs de risques
chirurgicaux de
saignement. Au plan anesthésique, la
symptomatologie de coxarthrose
complique l’évaluation de la
tolérance à l’effort du patient,
masquant une
pathologie cardio-‐pulmonaire sous jacente,
justifiant la mise en œuvre
de tests
cardiaques dynamiques non invasifs lors
de la phase d’évaluation
anesthésique.
En outre, il faut noter que
la position du patient, au
cours de la chirurgie pour
arthroplastie de hanche, en décubitus
latéral, réalise une modification du
rapport
ventilation perfusion potentiellement
responsable d’hypoxie, a fortiori
s’il existe
une pathologie cardio-‐pulmonaire
sous–jacente (95). Par ailleurs,
sachant que
l’utilisation de ciment pour pose
de prothèses de hanche est
associée à morbidité
spécifique (complications hémodynamiques
aiguës), les prothèses posées en
première intention à l’HIA Percy
sont impactées et non cimentées
(96-‐98).
2.5.2 Particularités des interventions pour
fracture du col fémoral
La fracture du col du fémur
est un problème complexe et
fréquent aussi bien en
terme de santé publique qu’en
terme de prise en charge
anesthésique (99, 100).
Ainsi, on estime qu’au cours de
la décennie précédente, 1,7 million
de patients
dans le monde ont été
victimes d’une fracture du col
du fémur, ce nombre
s’accroissant rapidement avec le
vieillissement de la population. En
France, le
nombre annuel de fractures du col
du fémur était de 48 000
en 1990 et 80 000
en 2008. Du fait du
vieillissement de la population on
estime qu'il sera de 150
000 en 2050. La population
cible de cette intervention est
constituée par des
sujets de plus de 70 ans, le
sexe ratio est de un homme
pour 4 à 5 femmes (95).
La gravité du pronostic résulte
en grande partie de
l’accumulation des
comorbidités chez ces patients âgés.
La mortalité intra hospitalière est
au moins
de 3%, variant selon les
structures, la mortalité à 12
mois est de 20%, influencée
par l’âge, la démence, et le
score ASA (101). En France, les
mortalités à 1 mois, 3
mois et 6 mois, rapportées par
l’étude ESCORTE, sont respectivement
de 5,2%,
10,6%, et 14,7%. Selon ces
taux, environ 8000 patients
décèderaient chaque
année en France après une fracture
de hanche (102). Globalement, un
tiers des
-
18
patients décède dans l'année suivant
l'accident, un tiers devient plus
ou moins
dépendant et seulement un tiers
récupère une fonction normale.
Les facteurs prédictifs de mortalité
après fracture de hanche sont :
• l’âge et le sexe masculin
(103-‐105) :
Roberts et al ont montré sur
une étude menée entre 1984
et 1998 que la
mortalité à 1 mois et 1 an
après fracture de hanche croît
avec l’âge des patients,
et diffère selon le sexe du
patient. Les hommes ont une
mortalité supérieure aux
femmes après fracture de hanche
(106).
• l’altération des fonctions supérieures
(107)
• l’existence de comorbidités,
notamment cardiovasculaires : les scores
ASA III et IV sont associés
à un risque relatif entre 2
et 7 (103, 105, 107)
• une autonomie limitée avant la
fracture (107, 108).
La question de l'influence de
la technique anesthésique sur la
morbidité et la
mortalité des patients victimes
d’une fracture du col fémoral
reste ouverte.
L’ALR neuraxiale n’a pas fait la
preuve de sa supériorité en
terme de mortalité à
long terme. Il existe certes
une diminution des complications
thrombo-‐
emboliques, hémorragiques, respiratoires,
et de la mortalité d’un tiers
par
rapport à l’anesthésie générale,
mais ce bénéfice disparait 1
mois après
l’intervention (109-‐111). Plutôt que
d’affirmer la supériorité d’une
technique sur
l’autre, il convient plus certainement
de décider de la stratégie
anesthésique au
« cas par cas », en
fonction des antécédents du patient
(facteurs de risques
spécifiques) et des situations
médico-‐chirurgicales, telles que la
durée ou le type
de chirurgie.
2.5.3 Particularités de l’arthroplastie de
genou
L’arthroplastie de genou concerne
généralement des sujets de plus
de 60 ans, la
gonarthrose est fréquemment associée
au surpoids. Le sexe ratio est
neutre,
l’incidence est estimée à 40 000
interventions par an en France
(112). Le cadre
étiologique et physiopathologique de
l’arthropathie hémophilique est
exceptionnel dans notre structure.
Notre équipe réalise l’intervention
sous
anesthésie générale en association
avec une anesthésie loco régionale
du
territoire du nerf fémoral par
pose d’un cathéter périnerveux
en site inguinal
sous neurostimulation.
-
19
2.5.4 Gestion des pertes sanguines en
chirurgie orthopédique majeure
Le risque et l’importance de
pertes sanguines sont caractéristiques
de la
chirurgie orthopédique majeure (92).
Ces pertes sanguines sont évidemment
plus élevées lors des reprises
d’arthroplastie, nécessitant une
planification
spécifique (113, 114). Le cas de
l’arthroplastie de genou est
particulier. Le site
d’intervention étant éloigné de la
racine du membre, l’intervention
est réalisée
sous garrot, permettant la
diminution des pertes sanguines per
opératoires.
Cependant, les pertes sanguines sont
plus élevées lors de la
période post-‐
opératoirerejoignant les niveaux des
arthroplasties de hanche (115). Les
pertes
sanguines moyennes par type
d’intervention ont été évaluées dans
le service
d’orthopédie de l’HIA Percy. Le
saignement moyen pour arthroplastie
hanche ou
genou réglée est de 691
(±316)mL, 909 (±661)mL lors d’une
reprise
d’arthroplastie, et 512 (± 305)mL
en cas de fracture du col
fémoral.
2.5.5 Type d’analgésie réalisée
En accord avec les recommandations,
une analgésie multimodale est
réalisée
(116). Elle associe des antalgiques
de pallier 1 (paracétamol, néfopam,
AINS) à la
morphine en titration puis selon
un mode d’administration auto-‐contrôlé
intra-‐
veineux. Dans le cas particulier
de l’arthroplastie de genou, une
analgésie loco-‐
régionale est associée. Un cathéter
périnerveux fémoral est posé
avant
l’induction sous neurostimulation, il
est alimenté durant 72 heure
par
Ropivacaïne 0,2% permettant une
réhabilitation post-‐opératoire accélérée.
(117-‐
119)
-
20
3 Matériels et méthodes Le protocole
de cette étude a été soumis
au comité d’éthique de l’Hôpital
d’Instruction des Armées Percy et
approuvé.
3.1 Critères d’inclusion
Durant 3 ans, tous les patients
devant bénéficier d’une chirurgie
orthopédique
lourde ont été inclus. Il s’agit
des arthroplasties réglées de hanche,
de genou, des
reprises d’arthroplasties, ainsi que des
chirurgies pour fracture de
l’extrémité
supérieure du fémur.
3.2 Critères de non-‐inclusion
Etaient exclus les patients ayant
déjà participé à l’étude dans
les douze derniers
mois ou ayant déjà une élévation
de leur TnIc sérique en phase
préopératoire.
3.3 Mesures
Les mesures de TnIc sériques
étaient réalisées les matins des
trois premiers
jours post-‐opératoires, en même
temps qu’un hémogramme (Ortho-‐vitros®,
Orthoclinical, Raritan-‐New Jersey). Le
seuil de TnIc considéré comme
pathologique était le 99ème
percentile d’une population normale
donné par le
constructeur de l’automate de mesure
(120).
L’âge, le sexe, le score ASA
étaient collectés. Les éléments
anamnestiques
constitutifs de l’index de risque
cardiovasculaire (CRI) défini par Lee
et col (50)
étaient systématiquement notés. Les
traitements cardiotropes (Betabloquants,
IEC, Inhibiteurs calciques) suivis par
les patients ont été colligés.
Ces traitements
sont poursuivis selon l’analyse de
chaque anesthésiste lors de la
consultation
d’anesthésie, les traitements par
statines sont systématiquement
poursuivis.
3.4 Suivi et devenir
Les patients ont tous été
contactés par téléphone 12 mois
après l’intervention
chirurgicale et répondu à un
questionnaire semi-‐structuré destiné à
rechercher
un évènement cardiaque grave. (Annexe
3)
-
21
3.5 Intervention sur la qualité des
soins
L’intervention sur la qualité des
soins a été étudié au
travers de deux phases
successives, une phase 1 (P1)
observationnelle et une phase 2
(P2)
interventionnelle.
Lors de P1, les soins
périopératoires étaient laissés à la
discrétion de
l’anesthésiste en charge du patient,
sans modifications liées à l’étude.
Après 16 mois d’enquête (P1),
un premier bilan portant sur la
fréquence des
élévations de TnIc et sa
corrélation avec la morbidité
intra-‐hospitaliére a été
réalisé. En parallèle, la
littérature portant sur le risque
ischémique
postopératoire a été analysée et
plusieurs éléments de risque ont
été identifiés :
la douleur, l’anémie, l’hypoxémie,
l’hypotension, la tachycardie, le
sevrage des
béta-‐bloquants, les troubles de
coagulation et l’hyperglycémie (Figure
1).
Les éléments choisis à l’issue
de l’Analyse des Modes de
Défaillance, de leurs
Effets, et de leur Criticité
(AMDEC) ont été l’anémie,
l’hypoxémie, l’hypotension,
la tachycardie, le sevrage des
béta-‐bloquants, et l’hyperglycémie
(Figures 2 et 3).
Ces choix ont été réalisés en
prenant en compte la gravité,
la fréquence, et la
détectabilité de ces évènements. Le
processus de soins des patients
opérés de
chirurgie orthopédique majeure a été
représenté sur un logigramme
afin de
déterminer les meilleures opportunités
d’action sur les éléments choisis
à l’issue
de l’AMDEC (Figures 4, 5, 6).
Deux phases propices aux interventions
ciblées ont été identifiées. La
première
était la phase d’évaluation
préopératoire avec deux actions :
identification des
patients sous béta-‐bloquants, engagement
des anesthésistes réanimateurs à
réaliser la consultation d’anesthésie
des patients victimes de fracture
de hanche
dés l’admission afin d’avoir la
meilleure opportunité d’interroger le
patient avant
l’apparition d’une dysfonction cognitive
et de rencontrer les proches.
La seconde
opportunité pour les interventions
destinées à agir sur le risque
d’ischémie
myocardique était les prescriptions
postopératoires où pouvaient être
anticipées
le traitement et/ou la prévention
de l’anémie, de l’hypotension, de
la tachycardie,
et des hyperglycémies (Annexe 1 :
protocole de prescriptions
post-‐opératoires).
-
22
Figure 2 : Analyse des modes
de défaillance et de leur
criticité conduisant à la
survenue d'une ischémie myocardique
postopératoire : Graphique
Gravité/fréquence.
(FC : Tachycardie ; ➘TA :
hypotension artérielle ; Insul :
Hyperglycémie ; Doul : Douleur
postopératoire ; Coag :
Hypercoagulabilité ; β-‐ : Sevrage
en béta-‐
bloquants ; CGR : Anémie
postopératoire)
-
23
Figure 3 : Analyse des modes
de défaillance et de leur
criticité conduisant à la
survenue d'une ischémie myocardique
postopératoire : Graphique
détectabilité/fréquence.
(FC : Tachycardie ; ➘TA :
hypotension artérielle ; Insul :
Hyperglycémie ; Doul :
Douleur postopératoire ; Coag :
Hypercoagulabilité ; β-‐ : Sevrage
en béta-‐
bloquants ; CGR : Anémie
postopératoire)
-
24
Figure 4 : Logigramme situant
dans le parcours d'un patient
victime d'une
fracture de hanche les opportunités
d'assurer la poursuite d'un
traitement béta-‐
bloquant
Figure 5 : Logigramme situant
dans le parcours d'un patient
victime d'une
fracture de hanche les périodes
les plus à risque d'hypoxie.
-
25
Figure 6 : Logigramme situant
dans le parcours d'un patient
victime d'une
fracture de hanche les périodes
les plus à risque de présenter
une hypotension
artérielle non traitée.
3.6 Analyse statistique
Les caractéristiques préopératoires des
patients ont été comparées entre
les
groupes de patients ayant ou
non présenté une élévation de la
TnIc
postopératoire ainsi qu’entre les deux
phases de l’étude. Les variables
continues
ont été comparées en utilisant le
test t de student et les
variables discontinues
avec le test du chi2 ou
le test exact de Fischer.
Pour rechercher les facteurs
associés à la survenue d’une
complication cardiovasculaire majeure ou
d’un
décés, une analyse multivariée par
régression logistique a été
réalisée pour
vérifier l’indépendance des facteurs
identifiés au cours de l’analyse
univariée
comme statistiquement significatifs avec
un p
-
26
l’élévation de TnIc au dessus
du seuil de référence. Les
complications
cardiovasculaires majeures regroupent :
le syndrome coronarien aigu,
l’insuffisance cardiaque aigue, une
procédure de revascularisation coronaire,
ou
un décès d’origine cardiaque. La
survenue d’un décès, toute cause
confondue, est
un critère de jugement secondaire.
-
27
4 Résultats
4.1 Effectifs et caractéristiques des
populations étudiées :
439 patients bénéficièrent d’une
chirurgie orthopédique majeure au
cours de la
période d’étude (octobre 2003 à
octobre 2006). 61 furent exclus
: 23 patients
pour une précédente inclusion au
cours des 12 derniers mois et
38 pour données
manquantes (pas de dosage de
TnIc). Ainsi, 378 interventions et
355 patients
furent analysées, 123 pour la
phase 1 et 255 pour la
phase 2 (tableau 4 et annexe
2). L’analyse statistique ne
retrouve pas de différence concernant
les
caractéristiques de la population (sexe,
âge, score ASA, score CRI),
hormis pour
le type de chirurgie. En effet,
on observe plus de reprise
d’arthroplastie durant la
phase 1 par rapport à la
phase 2 (15,4 vs 6,2%,
p=0,0178), et plus
d’arthroplasties réglées lors de la
phase 2 par rapport à la
phase 1 (60 vs 70%).
-
28
Tableau 4 :
Caractéristiques des populations
étudiées (pourcentage entre
parenthèses).
P1 n=130
P2 n=105
p
Age (ans) 73±11,8 72±13,3 ns
Sexe ratio (M/F)
55/75 112/134 ns
Type d’anesthésie :
Anesthésie générale
112 280
Anesthésie Loco-‐régionale
2 5
Antécédents
Coronaropathie 15 (12) 30 (13)
Insuffisance rénale
23 (18) 15 (6)
Insuffisance cardiaque
4 (3) 5 (2)
AVC 7 (5) 14 (6)
Dyslipidémie 37 (29) 64 (27)
Diabète 10 (8) 26 (11)
Tabagisme actif
11 (9) 22 (9)
HTA 62 (50) 112 (47)
ns
Traitements :
Beta-‐bloquants 27 (21) 48 (18)
Inhibiteurs calciques
25 (20) 44 (18)
Antagonistes Angiotensine II
9 (7) 24 (10)
Dérivés nitrés 7 (5) 11 (5)
Anti aggrégants plaquettaires
23 (18) 55 (23)
IEC 29 (22) 51 (21)
ns
ASA Classification:
ASA 1 13 (10) 26 (11)
ASA 2 76 (59) 147 (62)
ASA 3 35 (27) 63 (26)
ASA 4 5 (4) 3 (1)
ns
Cardiac Risk Index :
CRI 1 93 (72) 159 (67)
CRI 2 22 (17) 54 (23)
CRI 3 11 (9) 21 (8)
CRI 4 3 (2) 4 (2)
ns
Chirurgie:
Arthoplastie réglée
79 (61) 175 (71)
Facture du col fémoral
30 (23) 54 (22)
Reprise d’arthroplastie
20 (15.5)
17 (7)
0,02
4.2 Troponine
Une élévation de la troponine au
delà du seuil pathologique a
été observée dans
21 cas (5,5%) au cours des
trois premiers jours post
opératoires. L’incidence de
l’élévation de TnIc baisse de 8,9
à 3,9% (p=0,0458) entre la
phase 1 et la phase 2
(Figure 7).
-
29
Figure 7 : Incidence de
l’élévation de TnIc, des complications
cardiovasculaires
tardives (MACE), et de la
mortalité toutes causes confondues
selon la phase de
l’étude.
4.3 Complications cardiovasculaires
Une complication cardiovasculaire grave
a été observée chez 15 patients
soit une
incidence de 3,9% (Tableau 5).
L’incidence des complications
cardiovasculaires
sévères sont significativement réduites
après initialisation du programme
d’amélioration des soins (8,1% vs
2,0% p=0,001) (Figures 7 et
8). En analyse
univariée, les items suivant étaient
associés à la survenue de
complications
cardiovasculaires sévères : l’âge, le
score ASA, le Cardiac Risk
Index, le type de
chirurgie, et l’élévation post-‐opératoirede
Troponine Ic. Après analyse selon
le
model de Cox prenant en
compte l’âge, le sexe, le score
ASA, le Cardiac Risk
Index, le type de chirurgie, et
l’élévation post-‐opératoirede Troponine
Ic, seul le
sexe masculin (HR=3,6 -‐IC 95 :
1,1 – 11,1), la phase 1
(HR=4,5 -‐IC 95 : 1.4 -‐
14, 3)
et l’élévation post-‐opératoirede Troponine
Ic (HR=6,4 -‐IC 95 : 1,9
– 21,5 ) sont
des facteurs prédictifs de survenue
de complications (Tableau 6).
-
30
Tableau 5 : Description des
complications cardiovasculaires enregistrées
(RCRI :
revised cardiac risk index, PH
: prothèse de hanche, RPH :
remplacement de
prothèse de hanche, PG : prothèse
de genou, RPTG : remplacement
de prothèse
de genou, SCA : syndrome
coronarien aigu).
Phase Résumé clinique Type de
chirurgie
TnIc positive
Type de complication cardiaque
P1 Homme, 65 ans, ASA 2,
RCRI 1
PH Oui SCA, J 43
P1 Femme, 89 ans, ASA 4,
RCRI 4
Fracture col fémoral
Oui Décès cardiaque, J2
P1 Homme, 97 ans, ASA 3,
RCRI 3
Fracture col fémoral
Non Décès cardiaque, J 305
P1 Femme, 96 ans, ASA 3,
RCRI 3
RPH Non Décès cardiaque, J49
P1 Femme, 94 ans, ASA 3,
RCRI 4
Fracture col fémoral
Non Décès cardiaque, J49
P1 Femme, 92 ans, ASA 2,
RCRI 2
Fracture col fémoral
Oui Décès cardiaque, J90
P1 Homme, 54 ans, ASA 3,
RCRI 1
Ostéotomie genou
Oui Remplacement Valve Ao, J116
P1 Homme, 75 ans, ASA 4,
RCRI 2
Fracture col fémoral
Oui SCA, J2
P1 Homme, 82 ans, ASA 4,
RCRI 3
RPH Oui Décès d’origine cardiaque,
J13
P1 Homme, 75 ans, ASA 3,
RCRI 2
PH Non Insuffisance cardiaque, J4
P2 Femme, 93 ans, ASA 3,
RCRI 2
Fracture col fémoral
Non Décés d’origine cardiaque, J24
P2 Homme, 63 ans, ASA 2,
RCRI 1
RPG Non SCA, J199
P2 Femme, 80 ans, ASA 2,
RCRI 2
PG Non SCA, J74
P2 Femme, 96 ans, ASA 3,
RCRI 3
Fracture col fémoral
Non SCA et Insuffisance cardiaque,
J252
P2 Homme, 98 ans, ASA 2,
RCRI 1
PG Non SCA, J73
-
31
Tableau 6 : Facteurs associés à
la survenue d’une complication
cardiovasculaire dans l’année. (HR
: hazard ratio)
Analyse Univariée (données
brutes)
Analyse multivariée (ajustée selon
l’âge, le score CRI, ASA, le
type de chirurgie, et
l’élévation de TnIc postop)
Incidence de complications
cardiovasculaires n (%)
HR (95%CI)
HR (95%CI)
Phase 1 10 (8,1) 4,2
(1,4-‐12,4) 4,5 (1,4-‐14,3)
2 5 (1,9) Ref Ref
Sexe Femme 7 (3,4) Ref
Homme 8 (4,7) 1,4 (0,5-‐3,8)
Type de chirurgie
Arthroplastie réglée 4 (1,6) Ref
Ref
Fracture de hanche 8 (9) 6,3
(1,9-‐21) 1,4 (0,3-‐6,4)
Reprise d’arthroplastie 3 (8,8) 5,9
(1,3-‐26,4) 1,5 (0,3-‐9)
Age 1,1 (1-‐1,1) 1
(0,98-‐1,1)
Revised Cardiac Risk Index
Classe 1 4 (1,5) Ref
Ref
Classe 2 5 (6,7) 4,6
(1,2-‐17) 2,7 (0,6-‐12,3)
Classe 3 4 (11,8) 8,4
(2,1-‐33,6) 3 (0,5-‐17,2)
Classe 4 2 (28,6) 24,7
(4,5-‐135) 6,6 (0,7-‐58,7)
Score ASA
1 – 2 5 (1,8) Ref
Ref
3 7 (6,9) 4 (1,2-‐12,6)
1,5 (0,4-‐5,7)
4 3 (33,3) 27,8 (6,6-‐117)
5,7 (0,9-‐37,8)
Elévation postopératoire de
TnIc
6 (28,6) 13 (4,6-‐36,8) 6,4
(1,9-‐21,5)
4.4 Mortalité
A un an, 21 décès sont
rapportés pour 378 procédures (5,5%).
On note une
tendance nette à la diminution
de la mortalité toute cause
de la phase 1 à la
phase 2 qui n’atteint toutefois
pas le seuil de significativité
statistique: 10/123
(8,3%) pour P1 et 11/255
(4,4%) pour P2 (p=0,136). Après
analyse selon un
modèle de Cox, les facteurs
indépendants associés à un décès
sont : le score ASA
III (HR=5.1 - CI 95% 1,3 – 19,8) et IV (HR=22 - CI 95% 4,4 –
108) et un CRI IV
(HR=4.4 - CI 95% 1 – 19) (Tableau 7 et Figures 7 et 8).
-
32
Tableau 7 : Facteurs associés à
la survenue d’un décès, toutes
causes confondues,
dans l’année. (HR : Hazard Ratio)
Analyse Univariée
(données brutes)
Analyse multivariée (ajustée selon
l’âge, le score CRI, ASA, le
type de chirurgie et l’élévation
de TnIc postop)
Décés
n (%)
HR
(95%CI)
HR
(95%CI)
Phase 1 10 (8,3) 1,9
(0,8-‐4,5) 1,7 (0,6-‐4,4)
2 11 (4,4) Ref Ref
Sexe Femme 12 (5,9) Ref
Homme 9 (5,4) 0,9 (0,4-‐2,1)
Type de chirurgie
Arthroplastie réglée ou reprise
d’arthroplastie
3 (1) Ref Ref
Fracture de hanche 18 (21,4)
22 (6,6-‐75) 1,4 (0,3-‐6,4)
Age 1,1 (1-‐1,2) 1
(0,9-‐1,1)
Revised Cardiac Risk Index
Classe 1 4 (2,3) Ref
Ref
Classe 2 6 (6,9) 4,6
(1,2-‐17) 1,5 (0,4-‐5,6)
Classe 3 5 (18,8) 8,4
(2,1-‐33,6) 1 (0,3-‐3,5)
Classe 4 6 (57,1) 36
(10-‐128) 4,4 (1-‐19)
Score ASA
1 – 2 3 (1,1) Ref
Ref
3 12 (12,2) 94 (23,3-‐78)
5,1 (1,3-‐19,8)
4 6 (66,7) 11,3 (3,2-‐42)
22 (4,4-‐108)
Elévation postopératoire de TnIc
4 (19) 4,4 (1,5-‐13) 1,2
(0,3-‐4)
-
33
Figure 8 : survie actuariée
(Kaplan meyer) en fonction des
phases de l’étude.
8.a : Incidence de patients sans
complications cardiaques majeures (MACE)
selon
l’élévation ou non de la TnIc
en période post opératoire.
8.b : Survie cumulée selon
l’élévation ou non de la TnIc
en post opératoire.
50
60
70
80
90
100
Sur
vie
cum
ulée
(%)
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Durée (jours)
MACE/TnIc
TnIc pos
TnIc neg
P < 0.0001 (lograng test)
50
60
70
80
90
100
Sur
vie
cum
ulée
(%)
0 50 100 150 200 250 300 350
Durée (jours)
400
TnIc pos
TnIc neg
P < 0.0036 (lograng test)
Décès/TnIc
-
34
8.c : Incidence de patients sans
complications cardiaques majeures (MACE)
selon
la phase de l’étude.
8.d : survie cumulée selon la
phase de l’étude.
0 50 100 150 200 250 300 350
Durée (jours)
400
50
60
70
80
90
100
Sur
vie
cum
ulée
(%)
MACE/Phase
Phase 1
Phase 2
P = 0.0042 (lograng test)
50
60
70
80
90
100
Sur
vie
cum
ulée
(%)
0 50 100 150 200 250 300 350 Durée (jours)
400
Décès/Phase
Phase 1
Phase 2
P = 0.1301 (lograng test)
-
35
4.5 Qualité des soins
Sans surprise, « l’intensité de
monitorage » a été améliorée
entre P1 et P2
(annexe 3). Le nombre moyen de
mesures s’est élevé pour l’oxymétrie
de pouls
(p=0.001) et la pression artérielle
(p=0.014). Un nombre supérieur de
patient a
reçu de l’insuline et de l’oxygène
pendant la phase 2 :
26.4% vs 6.4% (p=0.001)
et 90% vs 79% (p=0.047) pour
P2 et P1 respectivement. Il
n’existait pas de
différences statistiquement significatives
concernant le nombre moyen de
mesure de la glycémie capillaire,
ni pour la quantité de
liquide de remplissage
vasculaire administré, ni pour le
nombre d’hypoxémie et d’hypotension
détectées lors de la période
post-‐opératoire (Tableau 8).
-
36
Tableau 8 : Qualité des
soins pour les trois jours post
opératoires.
P1 P2 p*
Prescrit :
Oxygénothérapie (%) 60 81
-
37
5 Discussion
5.1 Que peut-‐on retenir ?
5.1.1 Qualité des soins
Nous avons choisi d’améliorer la
qualité des soins postopératoires en
améliorant
différents paramètres plutôt qu’un
seul, afin de tenter d’augmenter
l’effet
potentiel observable et donc sa
détection. Nous pensons, comme
d’autres
auteurs (91), que pour améliorer
le devenir de nos patients,
il existe très
certainement plus de bénéfices à
bien délivrer les soins déjà
connus que d’en
trouver de nouveaux.
Le premier volet de cette étude
a permis de valider notre
critère d’évaluation de
la qualité : l’incidence de
l’élévation de la Troponine
post-‐opératoire en chirurgie
orthopédique majeure (1, 46, 66,
121, 122). Ainsi, sur une
période de 18 mois,
l’incidence de l’ischémie myocardique
péri opératoire en chirurgie
orthopédique
majeure fut mesurée au moyen de
dosages répétés de TnIc, avant
et après un
programme d’amélioration de la qualité
des soins. Une réduction de
l’incidence
de l’élévation de la TnIc a
été mise en évidence entre les
deux phases de l’étude,
permettant de proposer le dosage
répété de la TnIc en
post-‐opératoire de
chirurgie orthopédique majeure comme
critère d’évaluation de la qualité
des
soins. Ces données sont confortées
par la littérature en chirurgie
vasculaire mais
également en chirurgie orthopédique (33,
34, 63, 68, 123).
5.1.2 Critères cardiovasculaires
Par ailleurs L’analyse des résultats
nous permet de dégager trois
points
importants concernant l’ischémie myocardique
pér-‐opératoire :
Premièrement, l’incidence des complications
ischémiques périopératoires est
élevée, atteignant 5,5% après
chirurgie orthopédique majeure (8,9%
avant
démarche qualité).
Deuxièmement, l’introduction d’un programme
d’amélioration des soins post-‐
opératoiresa permis de réduire
l’incidence des complications cardiovasculaires
-
38
précoces et tardives. Cette
corrélation mise en évidence dans
l’étude est
comparable, dans le principe de
variation de la qualité des
soins, à d’autres
études montrant une variation de
la mortalité selon le jour
d’intervention
(vendredi comparé au reste de
la semaine, semaine comparé au
weekend ou
vacances) (124, 125). Par contre,
la corrélation entre la qualité
des soins
postopératoires immédiats et la
réduction des complications cardiovasculaires
précoces et différées est inédite.
Troisièmement, cette étude a
confirmé le lien existant entre
la survenue d’une
souffrance myocardique ischémique
péri-‐opératoire et la survenue de
complications cardiovasculaires dans
l’année. Cette relation a déjà
été décrite
pour les patients à risque
cardiaque élevé, pour la chirurgie
vasculaire, mais
aussi récemment après chirurgie
orthopédique majeure (31-‐33, 45, 46,
126,
127). Ceci pose directement
la question d’une corrélation directe
entre
l’ischémie péri-‐opératoire et la
morbi-‐mortalité cardiovasculaire différée.
Devereaux envisage dans un éditorial
récent deux explications à ce
phénomène
(128). Dans le premier cas, on
considère que les deux groupes
de patients (avec
ou sans ischémie péri opératoire)
possèdent la même incidence de
maladies
cardiovasculaire et la même
prédisposition à la survenue d’une
complication
cardiovasculaire tardive avant chirurgie.
Le déroulement péri opératoire
modifie
alors le pronostic à long terme
des patients. Dans l’autre cas,
on considère que la
survenue d’une ischémie myocardique
péri opératoire n’est que la
traduction
d’une pathologie cardiovasculaire
sous-‐jacente méconnue expliquant ainsi
la
dégradation du pronostic associé à
ces patients.