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Printemps-Eté 2014 Numéro 4 Finance Islamique en Afrique L'UMEOA : vers une perspective sous régionale L'exemple de la Libye TAKAFUL Interview Sohail Jaffer, Partner and Head of International Business Development Interview Renat Bekkin, D.SC. in Economics, Ph. D. in Law L’assurance islamique “TAKAFUL” Par Abderrazzak Elmezziane, Professeur de finance à l’Université de Mohammed V – Agdal Interview Zubair Miah, Shariah Scholar at Cobalt Interview du Dr. Umer Chapra au sujet de l’économie et de la finance islamique. Interview de Kacem Ibn Abdeljalil (Banque Chaabi). Interview d'Abdelhakim Hadjou (Directeur Général SALAMA Assurances Algérie) ANALYSE RETOUR D’EXPERIENCE DOSSIER PAROLE D’EXPERT
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Ifso mag n°4 - Printemps Eté 2014

Dec 05, 2014

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Analyse

La Finance Islamique dans l'espace UMEOA
La Finance Islamique en Lybie

Dossier TAKAFUL

Interview de Mr Sohail Jaffer
Interview de Mr Renan Bekkin
L’assurance islamique « TAKAFUL »
Interview de Mr Zubair Miah

Parole d'Expert

Interview du Dr. Umer Chapra

Retours d'Expérience

Interview de Mr Kacem Ibn Abdeljalil
Interview de Mr Abdelhakim Hadjou

Les activités de l’IFSO

Les Rendez-vous de l’IFSO

Les Rendez-vous de la FI dans le Monde
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Page 1: Ifso mag n°4 - Printemps Eté 2014

Printemps-Eté 2014 Numéro 4

Finance Islamique en Afrique L'UMEOA : vers une perspective sous régionale L'exemple de la Libye

TAKAFUL

Interview Sohail Jaffer, Partner and Head of International Business Development

Interview Renat Bekkin, D.SC. in Economics, Ph. D. in Law

L’assurance islamique “TAKAFUL” Par Abderrazzak Elmezziane, Professeur de finance à l’Université de Mohammed V – Agdal Interview Zubair Miah, Shariah Scholar at Cobalt

Interview du Dr. Umer Chapra au sujet de l’économie et de la finance islamique.

Interview de Kacem Ibn Abdeljalil (Banque Chaabi). Interview d'Abdelhakim Hadjou (Directeur Général SALAMA Assurances Algérie)

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T

out au long de l'été, des annonces inédites se sont produites dans le monde de la Finance Islamique, avec les émissions des premiers Sukuk souverains au Royaume-Uni en juin,

et au Luxembourg au mois de juillet, ainsi qu’avec l’adoption de projets de lois favorisant l’implémentation de la finance islamique dans différents pays de la zone MENA. C’est ainsi qu’au Maroc, à la fin du mois d’août, le CESE (Comité Economique Social et Environnemental) a émis des recommandations qui, si elles sont prises en compte, devraient permettre aux banques et autres institutions financières participatives de bénéficier d’un cadre règlementaire mieux intégré et plus stable, et qu’ en Tunisie, une loi amendant le Code des assurances a été adoptée en vue de permettre la mise en place du Takaful. L’Algérie semble elle aussi s’orienter vers une adaptation de sa législation en faveur de la Finance Islamique.

C’est dans un tel contexte que s’ouvrira le 28 octobre prochain à Dubaï le 10ème salon du WIEF (World Islamic Economic Forum) auquel, comme pour le précédent à Londres, assistera une délégation de l’IFSO. La publication de cette édition Printemps-Eté de l’IFSO Mag vous offre une lecture riche et ancrée dans l’actualité de la finance islamique, avec notamment une analyse sur le Takaful, dont les travaux et réflexions de certaines institutions nous laissent à penser que son implantation et son développement en France et en Europe est inéluctable, ainsi qu’une réflexion sur le crowdfunding, nouvel outil de financement participatif qui connait un développement remarquable en France ces dernières années. Je vous encourage par ailleurs à lire attentivement l’interview du Dr. Umer Chapra, éminent conseiller à l’IRTI (Islamic Research and Training Institute) de la Banque Islamique de Développement à Djeddah, lequel nous apporte sa vision du développement de la finance islamique dans le monde à ce jour. Même si on constate une forte exigence et attente de la communauté musulmane pour le développement et la mise en place de solutions financières, alternatives et éthiques, fidèles aux principes de la Charia, force est de constater que malgré cette forte demande, la finance islamique n’est encore que peu présente dans le paysage français. Cela peut s’expliquer par une insuffisance d’acteurs présents sur ce secteur ainsi que par une communication hésitante - voire inexistante - autour de la finance islamique. Ce constat a incité l’IFSO à organiser les « Universités de la Finance Islamique » (UFI), dont l’objectif est d’offrir au grand public, tant en France qu’à l’étranger, une présentation concrète de la matière. Après le lancement des premières Universités à Limay (région parisienne) le 10 mai dernier, et au Luxembourg le 25 juin, l’IFSO s’apprête à terminer l’année avec l’organisation d’UFI à Tours, Villeurbanne, Toulouse et Paris. Cette initiative contribue par ailleurs à mettre en avant les diplômes en finance islamique de l’Université de Strasbourg, laquelle a créé en 2009 le premier pôle universitaire dédié à la finance islamique, en France et en Europe occidentale, et qui vient de se voir classer 4ème de France par le CWUR Shangaï 2014 (Center for World University Ranking), confirmant ainsi sa progression au sein des Top 100 des meilleures universités au monde. J’ai le plaisir, avec toute l’équipe de l’IFSO, de vous présenter ce 4ème numéro de l’IFSO Mag qui, je l’espère, vous apportera autant de satisfaction que les précédents. Bonne lecture.

Editorial

Moummad,

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Analyse

La Finance Islamique dans l'espace UMEOA 4

La Finance Islamique en Lybie 6

Dossier TAKAFUL

Interview de Mr Sohail Jaffer 9

Interview de Mr Renan Bekkin 12

L’assurance islamique « TAKAFUL » 14

Interview de Mr Zubair Miah 15

Parole d'Expert

Interview du Dr. Umer Chapra 17

Retours d'Expérience

Interview de Mr Kacem Ibn Abdeljalil 20

Interview de Mr Abdelhakim Hadjou 22

Les activités de l’IFSO 25

Les Rendez-vous de l’IFSO 26

Les Rendez-vous de la FI dans le Monde 26

Sommaire

I F S O Mag La Tribune de la Finance Islamique

Responsable de publication : Mustapha Beldjoudi

Contributeur pour ce numéro : Taher Amadou, Ayoub Mazek, Ezzedine Ghlamallah, Hala Mekkaoui, Aberkane Salah.

Conception graphique : Mustapha Beldjoudi

Revue Trimestrielle numérique publiée par IFSO, Islamic Finance Specialists Organisation, Strasbourg.

Courrier : [email protected]

IFSO Mag Printemps-Eté 2014 www.ifso-asso.com 3

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CLa Finance Islamique dans l'espace UMEOA : Vers une perspective sous régionale

es trois dernières décennies, la Finance Islamique (FI) connaît un développement remarquable. Elle

devrait peser 2.000 milliards de dollars à l'échelle mondiale d’ici fin 2014 : ce qui représente un bond de 25% par rapport à 20131. Toutefois, en dépit d’un marché de la Finance Islamique relativement important au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), à savoir plus de 60 millions de clients potentiels, celle-ci représenterait moins de 1% du système bancaire de la sous-région.

La Finance Islamique et l’espace UEMOA: un « mauvais départ »

La Finance Islamique (FI) a très tôt pénétré l’intégration régionale ouest africaine. Après le 2ème choc pétrolier de 1979, les pays arabes du golfe persique sentirent le besoin de placer les excédents qui en ont résulté dans des actifs rentables et charia compliant. C’est ainsi qu’en 1982, la Dar al-Maal al-Islami (DMI) et la Banque Islamique de Développement (BID) exprimèrent leur volonté de créer des banques islamiques au sein de l’Union. Néanmoins, le cadre juridique réglementant les activités financières de l’UEMOA était défini selon les principes de la finance dite conventionnelle:

- Les banques n’étaient pas autorisées à exercer des activités d’ordre commerciales, industrielles et agricoles.

- Les octrois de prêts et autres opérations bancaires étaient à titre onéreux, une pratique prohibée par la charia.

Il fallait donc pallier cette absence de cadre qui régirait les Institutions Financières Islamiques (IFI) afin d’accueillir essentiellement les banques islamiques et attirer davantage de fonds « islamique ». La solution finalement adoptée par le conseil des ministres de l’espace UEMOA fut de reconnaître le caractère particulier des activités bancaires islamiques en les plaçant sous le même régime de contrôle et de réglementation que les banques classiques tout en leur accordant des dérogations.

1 Propos tenus par Muhammad Zubair Mughal, président de AlHuda Center of Islamic Banking andIslamic Economics (CIBE) et rapporté par le site : http://www.latribune.fr/entreprises-finance/20140106trib000808026/la-finance-islamique-ne-connait-pas-la-crise.html

Les gouvernements des 8 pays membres de l’Union étaient alors autorisés (via un 3ème alinéa de l’article 2 de la loi communautaire portant réglementation bancaire) à accorder les dérogations nécessaires aux banques islamiques afin de faciliter leur fonctionnement. Cet amendement permit en 1983, la création de deux banques islamiques dans la zone respectivement au Niger et au Sénégal.

30 années ont passé depuis l’installation de ces banques islamiques et pourtant, la Finance Islamique est toujours à un stade balbutiant au sein de l’UEMOA. Théoriquement, ces 30 années d’activités supposeraient un ancrage de la Finance Islamique ainsi qu’une forte croissance des activités bancaires islamiques dans la sous-région. Cependant, le stade encore précoce de la Finance Islamique en dit long sur son « état ». A priori, un certain nombre de facteurs entraveraient son processus de développement.

On en arrive aujourd’hui à se demander si le simple fait d’octroyer des dérogations aux banques islamiques permet de jouir pleinement des opportunités de la Finance Islamique dans la sous-région.

La nécessité d’un cadre réglementaire-FI (Finance Islamique)

Les sociétés humaines sont en perpétuelle évolution. Une sorte de challenge s’installa entre les pays du monde au cours des années 80, chacun voulant attirer plus d’investisseurs et de capitaux étrangers sur son territoire en vue de relancer son économie. C’est dans cette optique que les pays membres de l’UEMOA prirent à l’époque, des mesures estimées faisables et appropriés s’agissant de l’installation des banques islamiques. En revanche, une solution jugée efficiente il y’a 30 ans pourrait paraitre obsolète et inefficace de nos jours.

La Finance Islamique ne se résume pas uniquement qu’aux banques islamiques : les systèmes financiers décentralisés (SFD) islamiques et l’assurance Takaful offrent également de bonnes perspectives. D’où une nécessité d’instaurer un cadre légal spécifique aux Institutions Financières Islamiques ou du moins réguler ces IFI à l’instar de la France. Ce « vide juridique » constitue une des principales limites de la Finance Islamique en zone UEMOA et entraine :

Analyse

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La Finance Islamique dans l'espace UMEOA : Vers une perspective sous régionale

• Un risque de non-respect des principes de laFinance Islamique : du moment qu’aucuneréglementation n’impose aux InstitutionsFinancières Islamiques de faire appel à un chariaboard afin de veiller à la conformité des produitsfinanciers proposés, mais aussi à la préventiondes risques de non-conformité.

• Un accès difficile des Institutions FinancièresIslamiques (IFI) au marché monétaire de la sous-région en raison du taux d’intérêt ; uneproblématique à laquelle la banque centrale del’Union s’est récemment engagé à remédier pourque la banque islamique du Niger (BIN) et celledu Sénégal (BIS) puissent, elles aussi, recevoirl’assistance financière requise. L’émission en juindernier d’un Sak par l’Etat du Sénégal constitueun pas important dans ce sens.

• Un problème d’uniformisation au niveau desmesures prudentielles bancaires : posant ainsi leproblème de classement des opérationsfinancières islamiques au niveau du systèmecomptable ouest africain (SYSCOA). D’oùl’intérêt d’instaurer au sein de la zone undispositif prudentiel adéquat tenant compte descontraintes liées aux IFI.

• Une double imposition de certains produitsfinanciers islamiques sur le plan fiscal : A titreillustratif, la marge sur les actifs vendus dans lesopérations de Murabaha n’est généralement pasconsidérée par les administrations fiscales de lazone comme un produit financier au même titreque l’intérêt classique ; cette marge bénéficiairesubit donc l’impôt sur les revenus.

La Finance Islamique : vers une approche « Penser Local, offrir Local »

Il y’a 3 décennies, au sein de l’UEMOA, on cherchait une solution à la question : comment attirer les investisseurs des pays riches du golfe persique ?

A l’aube du 21ème siècle, la réussite et la prospérité de tout acteur économique et/ou financier résident dans la prise en compte de l’environnement dans lequel il opère. Il est temps de se demander : comment mettre en place une Finance Islamique sous régionale ? Autrement dit, une Finance Islamique pour l’UEMOA ? Rappelons que la Finance Islamique est avant tout une finance éthique. Elle rassemble des personnes partageant un certains nombres de principes et de valeurs moraux.

C’est également une finance du nombre : son succès dépend du nombre d’individus prêts à

investir et soutenir des activités génératrices de revenus conformes à l’Islam. Il serait donc intéressant d’impliquer la population elle-même. La Finance Islamique serait plus productive si les fonds provenaient d’investisseurs locaux : un point que le Sénégal a bien su décelé en lançant récemment le tout 1er Sak de l’Union.

De plus, l’émergence d’une FI « sous régionale » permettra d’influer sur le prix des produits financiers islamiques, connus pour être relativement chers. Une demande de la population étant susceptible d’entrainer une baisse du cout des produits financiers islamiques et par là une baisse du prix.

Ajoutons à ces pistes de réflexion l’ingrédient indispensable à la pérennité de toute entreprise : offrir des produits financiers islamiques adaptés aux habitudes et réels besoin des habitants de l’intégration régionale

Dans cette région par exemple, le e-commerce est très peu connu du public et quasi inexistant. Les achats et ventes de biens se font habituellement au Marché et souvent à crédit. Une Murabaha peut alors être mal perçue et constituer une offre peu attractive.

Ainsi, compte tenu d’une population majoritairement jeune, rurale et agricole, d’un accès difficile aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), et d’une faible insertion de l’UEMOA dans les Chaines de Valeurs Mondiales (CVM), le contrat Salam, Mudaraba ou Musharaka et l’assurance mutuelle Takaful peuvent répondre aux attentes des citoyens de cette contrée.

A noter enfin que les SFD islamiques semblent être les véhicules qui conviennent le mieux dans une région où le taux de bancarisation est très faible et le micro crédit vulgarisé.

La Finance Islamique dispose de tous les éléments nécessaires à sa croissance au sein de l’UEMOA : population jeune et majoritairement musulmane, marché relativement important. Néanmoins l’absence de cadre réglementaire constitue un énorme frein au développement des Institutions Financières Islamiques dans la zone. Maintenant que la FI se régionalise : attirer les fonds charia compatibles c’est bien, mais cela demeure insuffisant.

Par Taher AMADOU : Doctorant à l'Université de Strasbourg, sujet de thèse : "l'émergence d'un cadre réglementant les institutions financières islamiques dans l'espace UEMOA"

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DLa Finance Islamique en Libye

epuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye tend à se tourner davantage vers la religion officielle du pays, l'islam1. Les nouveaux

responsables politiques se succèdent à la barre du navire libyen pour affirmer l’application de la charia, rendant ainsi officiellement la Loi islamique source législative du pays et faisant en sorte que toutes les institutions de l’État s’y conforment. Un Comité spécial sera mis en œuvre pour examiner toutes les lois existantes afin de garantir leur conformité avec la charia. Les secteurs financier et bancaire n’ont pas échappé à cette évolution, ce qui signifie donc l’existence d’un régime financier et bancaire sans intérêt, et une transformation vers la finance dite islamique, système « régi par des principes religieux, tirés de la Sharia (Coran et Sunna), et faisant référence à des valeurs morales. La finance islamique exhorte ainsi à une gestion du patrimoine et à un système financier plus éthique prenant source sur une conception différente du travail, de l’argent et des contrats commerciaux »2. Se pose alors la question des raisons qui ont provoqué un élan aussi soudain pour la finance islamique. Il semble que cela doit beaucoup à la crise qui a ravagé les secteurs bancaire et financier à travers le monde (la crise économique mondiale 2008)3. Mais en réalité, il est regrettable de constater que si la Libye a plutôt bien résisté à la crise financière mondiale, elle s’est révélée beaucoup moins apte à gérer les conflits internes qui ont eu de lourdes conséquences sur le secteur formel, notamment la détérioration de l’accès aux services financiers.

En effet, depuis 2011 et le chaos qui règne dans le pays, les systèmes bancaire et financier libyens accusent des déséquilibres structurels. Si l’économie du pays s’est vue ralentir à cause des interruptions de production pétrolière, les divisions tribales ainsi que la montée en puissance des groupes armés ont mis à mal l’autorité gouvernementale ainsi que les efforts de réformes socio-économiques. Pour se sortir de ces difficultés, la finance islamique est perçue comme un moyen de redynamiser l’économie.

1 La déclaration constitutionnelle libyenne prévoit dans son article 1 que « l'Islam est la religion, la Charia Islamique est la source principale de la législation. » Cette déclaration est publiée par le Conseil national de transition libyen, à Benghazi, le 3 août 2011. La Déclaration a été amendée par le CNT le 13 mars, le 10 juin et le 5 juillet 2012. En sachant que la Libye n’est pas encore dotée d’une constitution. V. la déclaration constitutionnelle :http://mjp.univ-perp.fr/constit/ly2011.htm.Voir aussi : http://www.liberation.fr/monde/2011/11/16/reperes-libye_7749682 http://www.acerfi.org/glossaire/f/finance-islamique_15.html3 Voir Nicolas Sagnes, « Economie mondiale 2008 : de la crise financière à la crise économique », Encyclopædia Universalis http://www.universalis.fr/encyclopedie/economie-mondiale-2008-de-la-crise-financiere-a-la-crise-economique/

Ainsi, la Libye est en phase de connaître un changement radical de son système bancaire dès 2015, et cela par l’interdiction absolue du taux d’intérêt pour les personnes morales. On ne peut que déplorer un tel choix à un moment où les circonstances ne se prêtent pas à de tels changements.

Depuis les années soixante-dix, la Libye a commencé à amender les législations adoptées après l'indépendance afin qu’elles soient conformes à la loi islamique et à se rapprocher ainsi de la finance islamique4. Les changements les plus importants opérés figurent dans le Code civil libyen à travers la loi n°74 de 1972, qui interdit le riba al-nasee'ah dans les transactions civiles et commerciales5, et la loi n°86 de 1972 qui prévoit l’interdiction du certains contrats de gharar (aléa) dans le droit civil et son amendement pour l’adapter à la loi islamique. Ces deux lois constituent le point de départ de la finance islamique en Libye.

De nombreuses années plus tard, en 2005, la Libye promulgue la loi n°1/2005 consacrée aux banques. Les savants, les juristes et les économistes libyens intéressés par la finance islamique, décrivent cette nouvelle loi comme une loi « souple et flexible » qui pourra permettre l’introduction des services islamiques au sein des banques libyennes6. Cela s’explique par le fait que le paragraphe 9 de l'article 16 de cette même loi rend la Banque Centrale Libyenne (BCL) compétente pour accorder des autorisations de créations de banques commerciales, de banques spécialisées ou de banques de financement ou d'investissement, etc., ainsi que pour élaborer des standards et réglementations régissant leurs activités, notamment avec la rédaction de modèles de contrats. Cet article est un texte formel et explicite quant à la possibilité de créer des banques spécialisées exerçant des activités bancaires islamiques. Il est d’une importance majeure, car il permet, avec les autres articles de la présente loi, un nouveau passage vers la finance islamique.

4 Toutefois, le Code civil libyen lors de sa promulgation en 1953 prévoit des textes basés sur la loi islamique, comme les obligations de voisinage de l'article 816, les dispositions relatives à la servitude urbaine qui apparaissent aux articles 863 à 864, et les dispositions de préemption prévues aux articles 939 à 952. Mais aussi les dispositions de la Mughrasah prévues aux articles 1003 à 1012, ou les dispositions de la Muzar’aa et de la Musaquah.5 Cette loi interdit la pratique du riba al-nasî’a dans tous les types de transactions civiles et commerciales entre personnes physiques, et déclare nulle toute condition impliquant le riba explicite ou déguisé. Toutefois cette ancienne loi, en plus de ne viser que les transactions effectuées par des personnes physiques, n’interdisait qu’une seule forme de riba, le riba al-nasî’a. Ceci étant perçu comme un inconvénient de la part de législateur libyen.6 Az-Zriki.Guima, « Mawqif al-tashrr’ al-libyi min khadamat al-islamyya al-qayima », conférence (2) des services financiers islamiques, Tripoli, 2010, p.6.

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Analyse

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La Finance Islamique en Libye

Notons toutefois que jusqu’en 2008, les activités bancaires et financières s’exercent de manière classique et nous n’assistons pas encore à la possibilité d’introduire des offres islamiques au sein des instituts bancaires et financiers. Il a fallu attendre 2009 et les effets de la crise économique mondiale pour que la BLC publie la circulaire n°9 /2009 intitulée « les produits bancaires alternatifs », visant par-là à préparer un terrain propice à la finance islamique. Cette dernière autorise les banques commerciales en Libye à développer et à offrir de nouveaux produits alternatifs qui se trouvent être en conformité avec les règles de la charia1. Pour continuer dans sa lancée, la BCL publie au courant de l’année 2010 la circulaire n° 9/2010 intitulée « normes et fondements de l’offre des produits bancaires alternatifs conforme aux règles de la charia islamique dans les banques commerciales ». Dans un esprit de logique et dans le souci d’améliorer l’offre de ces services financiers et bancaires dits islamiques, la Banque Centrale Libyenne a donc créée des normes et principes auxquels les banques commerciales devront se plier. Ce processus de développement qui semble avoir connu une accélération en 2011, notamment à cause des révolutions arabes, a montré que la finance islamique s’impose de plus en plus. Mais alors que des pays comme le Maroc, la Tunisie et l'Egypte tendent à mettre en place des cadres juridiques favorisant la coexistence entre la finance et les banques islamiques et le système bancaire classique, la Libye va plus loin en interdisant intégralement le système bancaire classique2. C’est en effet à travers deux lois successives votées en mai 2012 et en janvier 2013 que l’histoire de la finance islamique connaît dans le pays un tournant. La première, la loi bancaire n°46/20123 qui vient amender la loi n°1/2005, paralyse le système bancaire conventionnel par l’ajout d’un chapitre spécial sur la finance islamique4. Cette loi est caractérisée par l’interdiction totale d’offrir ou d’exercer certaines activités ou services bancaires non conformes à la loi islamique ainsi que

1 Cette circulaire précise que ces nouveaux produits alternatifs seront développés et offerts par des fenêtres et succursales bancaires qui seront créées spécialement à cette fin. Selon cette circulaire, les produits alternatifs qui seront en mesure d’être développés et offerts consisteront en un financement sur la base de la Mourabaha, un financement sur la base de la Moudharabah, un financement sur la base de la Musharakah et un financement sur la base de l’Ijara. 2 http://brownrudnick.com/news-resources-detail/2014-05-libye-vers-une-criminalisation-de-la-finance classique- 3 La loi n°46/2012 qui prévoit l’ajout d’un quatrième chapitre intitulé « les règles spécialement conçues pour la finance islamique » à la loi n°1/2005 figure désormais dans la deuxième partie de la loi n°1/2005, il contient neuf articles annexés à l’article 100 de la loi n°1/2005 4 Voir la loi n°46/2012 amendant la loi n°1/2005 sur les banques.

l’interdiction de toutes opérations jugées illicites du point de vu chariatique5. La loi n°1/2013 quant à elle, proscrit les taux d'intérêts et prohibe toute forme de riba dans les transactions effectuées par les personnes physiques dès sa promulgation, mais aussi par les personnes morales dès 2015, ce qui ne va pas sans poser de problèmes6. Cette décision, semble-t-il, aurait été prise sans aucune concertation, laissant très peu de temps aux établissements pour s'adapter. La crainte est de voir les transactions rémunérées par intérêts interdites en l’absence d’un système financier islamique correctement établi, ce qui ne manquera pas de créer des désordres, notamment en compromettant les efforts du secteur privé pour investir et créer des emplois7. Si elle n’est pas traitée avec toute la prudence requise, cette législation pourrait plonger le secteur financier dans une situation risquée et saper les efforts de diversification de l’économie. Bien que le système financier libyen ait été réformé et considérablement transformé avant et après la « révolution », il reste médiocre et tributaire des banques8. Les établissements de crédits spécialisés que détient l’État ont un rôle clé dans le secteur. On compte un réseau de seize banques commerciales, dont la majorité appartient à l’État, quatre établissements de crédit spécialisés, cinq compagnies d’assurance et une place boursière nouvellement établie. Notons également que compte tenu de l’instabilité politique qui marque le pays depuis 2011, les banques commerciales ont aussi souffert d’une crise des liquidités, malgré le doublement de la monnaie en circulation. Cette pénurie de liquidités en dinars n’est en réalité que le reflet des défaillances caractérisant les infrastructures bancaires. Cela a eu pour conséquence de limiter les opérations des banques commerciales, mais aussi de saper la confiance du public dans les banques. C’est ainsi que la finance islamique est perçue comme un moyen de redynamiser l’économie libyenne. Elle est un axe majeur mis en avant par le nouveau gouvernement libyen.

5 Voir l’article 100 (4) de la loi n°46/2012 amendant la loi n°1/2005 sur les banques. 6 Voir : Kilian Bälz, Paolo Greco, « Libya: Law No. 1 of 2013 on the prohibition of interest-based financial transactions » banking law newslertter fe bruary, 2014. 7 Taghdisi.Rad Sahar, « Libye-Perspectives économiques en Afrique », 2014.p.10. 8 Il est évident que la Libye dispose d’importants moyens pour intégrer le système de finance islamique. Mais malgré de considérables changements cette dernière décennie, le secteur financier libyen souffre toujours d’un manque de structure, de stabilité et reste ainsi fragile. Le système bancaire est caractérisé par la forte prépondérance du gouvernement, de faibles moyens institutionnels et des prêts au secteur privé limités. Il n’y a qu’à voir l’Indice de compétitivité mondiale 2013-14, pour voir que la Libye est classée 147ème sur 148 en termes de développement du marché financier, et 130ème sur 148 pour la facilité d’accès au crédit.

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La Finance Islamique en Libye

Mais tel qu’apparait la Libye, et au regard de la situation actuelle qui est marquée par les conflits internes, nous sommes en droit de nous demander si le pays ne va pas se diriger vers ce qu’on appelle un modèle ascendant/descendant comme l’a fait par la suite le Pakistan ; le passage d'un régime conventionnel basé sur l'intérêt à un régime sans intérêt puis le passage d’un régime sans riba à un régime dualiste qui comprend les deux systèmes conventionnel et islamique. En effet, les institutions bancaires libyennes ne semblent à l’heure actuelle, pas prêtes à rendre des services classiques, a fortiori qu’en serait-il de rendre des services islamiques ayant besoin d’un environnement propre ? Rappelons que la loi de 2013 a fixé un délai butoir à 2015 pour les personnes morales, ce qui paraît trop brutal.

En définitive, la Finance Islamique en Libye a connu une expansion remarquable (théoriquement) ces cinq dernières années, cependant, ce progrès ne s’est pas fait pas sans difficultés et en dehors de tout risque. Les défis à surmonter sont lourds et menacent de compromettre cet essor ou du moins l’affaiblir. Le pays doit aujourd’hui surmonter de grands obstacles afin d’arriver aux buts économiques et financiers qu’il s’est lancé. Il doit tout mettre en œuvre pour parvenir à une unité politique et à une diversification économique pour sortir de la dépendance pétrolière et de la corruption. La reconstruction de la Libye, la modernisation de ses infrastructures, ainsi que le développement des services publics sont les priorités du gouvernement en 2014. Par Ayoub MAZEK : Doctorant à l'Université de Strasbourg, sujet de thèse : "le droit islamique dans le droit international public"

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Interview de Sohail Jaffer

Sohail Jaffer is a Partner and Head of International Business Development for “private label” bancassurance with the FWU group based in Dubai. FWU is an international financial services group focusing on innovative and customised product design in the field of unit-linked investments and family takaful savings plans for several Emerging Markets. Mr. Jaffer has successfully originated, negotiated and won several major bancassurance deals in the GCC region, Pakistan and Malaysia. He has written extensively on alternative investments and has edited several Euromoney publications on hedge funds, multi-manager strategies, Investing in the MENA region as well as six books in the Euromoney Islamic finance series including Retail banking, Asset management, Takaful, Wealth management, Investment banking, Sukuk, and a CPI publication on investing in the GCC markets. Mr Jaffer is a speaker at several international industry events and is currently leading the activities of the Alternative Investment Management Association (AIMA) in the Middle East and is also a participant member in the Gulf Bond and Sukuk Association.

You are considered to be one of the most eminent experts in Takaful, could you tell us more about your career? Following my appointment as audit partner with the Price Waterhouse practice in Africa from 1984 until 1988, I first became involved with banking in 1989 when I joined Citibank in London as Vice President, Financial Institutions Group. While at Citibank, I was initially involved with new business and product development for the Fund manager customer segment in the Financial Institutions Group EMEA. In 1996 I joined the sales team of Citibank’s Alternative Investment Strategies (AIS) group, responsible for asset gathering of multi-manager hedge funds, credit debt obligations (CDOs) real estate and private equity investments and also served as a member of Citi’s Hedge Funds “Policy and Strategy Committee” responsible for the evaluation and selection of external hedge fund managers. In 1997 I was appointed Chairman of the Alternative Investment Management Association (AIMA) and served 2 terms until 2000.I am currently the AIMA representative for the Middle East region based in Dubai. In 1997 I was appointed Chairman of the Alternative Investment Management Association (AIMA) and served 2 terms until 2000.I am currently the AIMA representative for the Middle East region based in Dubai.

I joined the FWU group in July 1999 and soon became involved in the group’s strategic business diversification initiative. During my business development trips and meetings with major bank client relationships in the Middle East, I first encountered Islamic finance and became interested in the field. I was appointed Deputy CEO of FWU Global Takaful Solutions in May 2012 and moved to the UAE. What inspires you? Innovation, excellence, deal making and enhancing industry best practice standards. What kind of education did you get? I attended Karachi Grammar School and then went to London in 1970 and qualified as a UK Chartered Certified Accountant (FCCA). How to explain that the Takaful only 11 billion euros in 2012, while having total Islamic finance were more than 1600 billion dollars on that date? Islamic Banking, Islamic Capital Markets and Islamic Asset Management are in a mature stage of development whilst the takaful industry is relatively young and started a decade ago. However, the value proposition of takaful is compelling due to its transparency, full disclosure, alignment of values with mutuality and socially responsible investing.

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Interview de Sohail Jaffer

How do you see the evolution of the global Takaful and more precisely in Europe? Phenomenal growth in the GCC Takaful business has been experienced over the past few years, with gross Takaful contributions between 2007 and 2011 growing year-on-year by a compound annual growth rate (CAGR) of 22.4% . The GCC is an important market for Takaful, having generated 2011 gross Takaful contributions of around US $ 6.4 billion, accounting for an estimated 68% of World gross Takaful contributions. In the GCC, BancaTakaful is the most important distribution channel, particularly for family Takaful. As a result BancaTakaful has grown enormously over the last few years. Although takaful's footprint in Europe is limited at present there is tremendous opportunity for it to grow in UK, France, Benelux, Germany and Turkey. Interestingly most global brands like Prudential UK, Aviva, AXA, Allianz, AIA, Sun Life, Manulife and others are active in the takaful business but currently in the Growth markets mainly in South East Asia. Similarly several European banks like Deutsche Bank, BNP Paribas, Socgen and others are players in the world of Islamic Finance but again in the Emerging markets. The challenge for takaful in Europe is to reposition its value proposition and broaden appeal to all consumers, evaluate alternative distribution channels and enhance service quality by deploying digital applications. Currently Swiss Life has entered the French market with Salam Savings Plan and a couple of Luxembourg life insurers are providing takaful solutions. Given the increasing number of Sharia compliant mutual funds domiciled in Dublin and Luxembourg, and the growing awareness of takaful, we should see takaful gain its fair share of the European market.

What do you see as the key opportunities and challenges facing bancatakaful in the GCC? Key opportunities: SME market and Corporate Retirement plans. Currently bancaTakaful in the GCC is focused on the retail segment, with little focus on the underserved corporate segment. For example, within the UAE, 75% of the labour force is employed by Small and Medium Sized Enterprises (SMEs), however less than half of corporates offer employee retirement plans. The market potential in the SME market for Corporate Shari’ah compliant Savings and Retirement plans is vast, where employers would use these plans as an integral part of their expatriate employee retention program. Customer Service. High disposable income levels and low market penetration in the GCC provides a significant growth opportunity for bancaTakaful and family Takaful, in particular. As with conventional products, Takaful products usually need to be sold to customers, rather than bought by customers. As a result, understanding the needs and expectations of customers are key to unlocking the potential. For example, a recent study by E&Y suggests that in the UAE, over a third of consumers switch life insurer due to the operator’s inability to meet the evolving needs of consumers, while 51% of those who switch operators would stay for loyalty rewards. 72% of repeat product purchases were due to a simple sales process. Key challenges: Consumer Awareness. In the GCC (excluding Saudi Arabia), Takaful’s share of gross contributions is only 13%. When considering that 90% - 95% of the population of the GCC is Muslim; and that Muslims are more inclined to prefer Takaful products, it is expected that the Takaful market share will increase as customer awareness of Takaful increases. Which are the most promising markets for bancatakaful in the GCC, and why? The UAE continues to provide immense growth opportunities for bancaTakaful, due to its large population and high disposable incomes. Additionally, the financial maturity of the UAE market is improving, becoming more receptive to product innovation - such as shari’ah compliant savings & retirement plans – that is helping create self-induced appetite.

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Interview de Sohail Jaffer

Oman. While bancaTakaful regulations are in their infancy in Oman, this is a market that offers much promise. As the Takaful industry itself is fairly new in Oman, there are only a handful of licenced takaful operators. BancaTakaful will be an important distribution channel for operators to gain market share. What should takaful operators be mindful of when entering into a bancatakaful deal? The focus of bancaTakaful should be on delivering products that meet the needs of customers, while providing excellent customer service. Several challenges exist when entering bancatakaful partnerships: • Inequitable allocation of costs between partners • Uneven recognition of the value that insurance

sales add to the bank’s core products and services

• Differing views of best product, best channel and customer segmentation of needs and wants

• Resistance to share information • Attempts to dominate the relationship by either

party

How can takaful providers and banks cultivate sustainable, long-term relationships?

Successful, long-term partnerships are formed by recognising that bancaTakaful involves a symbiotic relationship between takaful operator and bank. A collaborative approach is needed where each party contributes in different ways toward developing bancaTakaful product offerings that meet customer needs. With every successful product launch, the relationship between takaful operator and bank will strengthen.

Propos recueilli par Ezzedine Ghlamallah

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Interview de Renat Bekkin

Renat Bekkin (b. 1979). D.Sc. in Economics, Ph.D. in Law. One of the leading Russian experts in Islamic law, Islamic economy and finance. The pioneer of studying Islamic economy in Russia. The author of monographs: ‘Insurance in Islamic Law: Theory and Practice’ (2001), ‘Islamic Economy: Short course’ (2008), ‘Islamic Economic Model Nowadays’ (2009 – 1st edition, 2010 – 2nd edition), ‘Islamic Insurance (Takaful)’ (2012 – 1st edition, 2014 – 2nd edition) and more than 100 articles on Islamic economy, finance and Islamic law. In 2012 he provided Islamic insurance products for “Evro-Polis” insurance company firstly launched takaful at the Russian market. Permanent member of Shariah board at Mutual insurance society “Takaful” (Kazakhstan) – since 2010; Shariah advisor at “Evro-Polis” insurance company (2012–2013). The head of Oriental and Islamic studies department at the Kazan Federal University (Kazan, Russia); Senior research fellow at the Institute for African studies, Russian Academy of Sciences (Moscow, Russia).

You are the author and co-author of ten monographs and textbooks and have written more than 150 journal articles covering the topic of Islamic finance and economics. Tell us when the idea to become a Shariah scholar first came to your mind. When I was a student at the International Law faculty of the Moscow State Institute of International Relations (MGIMO-University), one of the mandatory subjects on our curriculum was Arabic language. It was then that I decided to combine law and language and started to read books and articles on Islamic law. One day when I was searching the Internet I came across an interesting paper. It was a discussion between two Muslim scholars on legitimacy of insurance from the view point of Islamic law. One of the scholars was a proponent of Islamic insurance model, named takaful which is an Islamic alternative to conventional insurance used in the Western world. The concept seemed interesting to me and I started to explore the subject further. I decided to write my graduation thesis on takaful and then, in 2001, I published a book “Insurance in Islamic law: Theory and Practice”. The book eventually grew into my Ph.D. dissertation. It was the first-ever scientific research paper on Islamic insurance or takaful as you prefer to call it published in the CIS region, wasn't it? Yes, it was. While working on this book I plunged into the study of Islamic insurance and realised that takaful could be implemented in Russia within the current Russian legislation.

I prepared a 'road map' for the development of takaful business in Russia. Tell us a bit more about Islamic finance and takaful in Russia. In 2004, I was approached by a manager of a regional insurance company named “Itil” who offered me to take up a role of a head of the project for setting up a takaful business in one of the Russian republics, namely, the Republic of Tatarstan. It was planned that “Itil” itself would be converted into takaful company. However, at some point the owner of the company changed his mind and the project was put on hold and then aborted. Later, I was engaged in three more projects on takaful as a Shariah advisor. Only the last of them succeeded. By then I have already realised that the smaller the company, the easier it would be to carry out the project through to the completion. Speaking about the successful takaful project, it was implemented on the basis of “Evro-Polis” insurance company, for which I developed a line of Shariah compliant insurance products for. In June 2012, we sold our first Islamic insurance policy. It was a real breakthrough in this direction. Eight years have passed before Islamic insurance business was first started in Russia. By the way, my colleague and pupil (as she calls herself) Kuralai Eldesbai in Kazakhstan also managed to realised the idea of takaful in Kazakhstan and established “Takaful” mutual insurance society in the city of Almaty. I am the member of the Shariah Board of this society.

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Interview de Renat Bekkin

What about other Islamic financial institutions in Russia? Financial institutions providing Islamic financial services are primarily concentrated in three Russian regions: Tatarstan, Bashkortostan and Dagestan – the Russian republics with significant ethnic Muslim population. Nowadays one can find subsidiaries of Islamic financial institutions from these regions in Moscow. However, Moscow with its one to two million Muslim population is still a Terra Incognita for Islamic finance. I have made a study of Islamic financial institutions' activity in Russia and came to some interesting conclusions. The first and in my opinion foremost problem for such institutions is the very low level of business ethics. The main idea of making business in Russia is that you will not succeed in business if you are honest, you have to be dishonest both with the state and your competitors in the market. Unfortunately, these words are true about the majority of Russian businessmen, including Muslim businessmen. The second problem is the lack of transparency among Islamic financial institutions that operate in Russia. However, it may well be the consequence of the first problem, Islamic finance institutions do not feel comfortable in the Russian current political and business environment and prefer to hide rather than advertise their activity to the market. The third problem is the lack of social responsibility of Islamic business in Russia. In 2000, I worked at “Badr-Forte bank”, the first bank in Russia that provided Islamic financial services. I saw a lot of request from people and businesses (especially small ones) for financial assistance. However, I have not seen that the bank provided financial assistance to any of them and I doubt if it has. I think Islamic financial institutions nowadays can fail in case they are not social responsible and socially oriented. I do not mean zakah only. It is general responsibility. What I mean is broad social activity. Solidarity business in France is a good example to follow for Islamic financial institutions. We should understand that Islamic economy is not only a set of financing techniques; it is much more, I would say, it is the philosophy of business (including conduct of all actors in the business from the general manager to its junior colleague).

What are your current areas of research? Islamic economy and Islamic law are not the only areas of my interest. For example, now I am doing a historic and topographic research on Muslims in St. Petersburg. You know, St. Petersburg was the capital of the Russian Empire. It was a multicultural city from its very establishment. A lot of Tatars (that is the main Muslim nationality in Russia) were attracted to the new city as builders, sailors, soldiers. In the 19s and 20s centuries, Muslim minority in St. Petersburg pushed a lot of worthy figures: scientists, doctors, military men (including high ranked officers), lawyers, merchants-philanthropists etc. Have you made some interesting discoveries, can you tell us about them? I do not know what you mean by discoveries. For example, if we take research on Muslims in St. Petersburg, I have spent a lot of time in archives and libraries and discovered a lot of unpublished information on this subject. It is a big fortune to find a place in a small town near St. Petersburg, where a mosque was situated many-many years ago. I think, when you make a serious deep research you are discovering a brand new world for yourself and for others. I also hope I could provide a fresh view on takaful and Islamic finance in my books and articles. Being apologist of the conservative approach towards Islamic finance in general and Islamic insurance in particular (such approach prevails in the Gulf countries as opposed to the more liberal Malaysia), I provided some critical comments on the performance of Islamic financial institutions which take more liberal views on Islamic finance principles. Also, I have examined not only technical aspects of Islamic finance but also philosophical and cultural foundations of the phenomenon. This enables the reader to measure the scale, prospects and influence of Islamic finance on the development of the financial services market in the world taking into account cultural and religious differences between people around the world.

Propos recueilli par Ezzedine Ghlamallah

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L’assurance islamique « TAKAFUL »

La Direction des Assurances et de Prévoyance Sociale (DAPS) s’apprête à introduire un nouveau produit d’assurance conforme à l’éthique islamique : le Takaful.

En contexte islamique, on invoque souvent que l’assurance est non conforme à l’éthique musulmane du moment qu’un bon musulman devrait se soumettre entièrement à la volonté divine. Chercher à s’assurer reviendrait, selon cette logique, à ne pas faire preuve de dépendance (Tawakkul) totale à Allah.

En réalité cette idée est complètement erronée, car « une personne assurée n'est pas une personne qui cherche à changer la volonté d'Allah. Un musulman est pleinement conscient du fait qu’il / elle n'a aucun contrôle sur les événements futurs, avec ou sans assurance. Un musulman doit, en réalité, prendre ses précautions tout en faisant entièrement confiance et être totalement dépendent du Tout-Puissant Allah»1

Si le principe de l’assurance n’est pas condamnable du point de vue islamique, sa pratique au sens classique l’est en revanche pour au moins trois raisons2 :

• L’assurance conventionnelle comprend le « Gharar » et la « Jahala », car au moment de la conclusion du contrat d’assurance l'assureur ne sais pas s'il sera amené ou non à verser des indemnités à l’assuré, de même qu’il ignore le montant de ces indemnités en cas de survenance du sinistre. L’assuré, quant à lui, paie une prime mais ne sait pas s'il va être indemnisé à l’avenir.

• L’assurance conventionnelle engendre de l’intérêt prohibé (riba) en ce sens que l’assuré s’attend à avoir une indemnité supérieure au montant de la prime qu’il aura réglé à l’assureur.

• L’assurance conventionnelle comprend le « Qimar » et le « Maysir » (jeu de hasard) en ce sens que l’assureur mise sur la probabilité de non réalisation du risque pour réaliser des gains.

Ces objections à l’assurance conventionnelle étant confirmées, les jurisconsultes musulmans ont cherché à élaborer des alternatives éthiquement acceptables sous la forme d’une assurance mutualiste dont la pratique est basée sur le principe islamique de la coopération et de la solidarité (Ta’awun /Takaful).

1 Mohammed Obaidullah, Islamic financial services, Islamic Economics Research Center, King Abdulaziz University, Jeddah, Saudi Arabia, 2005 2 Abderrazzak ELMEZIANE, ABC de la finance islamique, éditions Amazon, 2012

Le produit Takaful peut prendre la forme d’un contrat « Tabarru », contrat Moudaraba ou contrat « Wakala ».

Le produit Takaful basé sur le contrat « Tabarru », est un modèle à but non lucratif où les promoteurs de l’assurance offrent leurs fonds à titre de « Qard Hassan » (crédit de bénévolat) au profit des membres de la communauté les moins fortunés, à ce fonds initial s’ajoutent les donations (Tabarru) des membres souhaitant s’assurer. Un tel modèle idéal convient mieux dans le cadre de compagnies d’assurance à caractère social ou appartenant au secteur public.

Le produit Takaful basé sur la Moudaraba est un modèle résolument à but lucratif où les souscripteurs jouent le rôle de fournisseurs de fonds ou « rabb al-Maal » au capital de la Moudaraba instituée par la compagnie Takaful qui agit en tant que « Moudarib » en investissant les fonds ainsi collectés.

Il y a, de surcroit, une nette distinction entre les affaires de Takaful ou assurance et l'entreprise d'investissement des fonds mobilisés dans le cadre de la Moudaraba. L’assurance ne réclame pas de rendement de la gestion des fonds d’assurance mais elle partage les gains générés par le placement des fonds Moudaraba avec les assurés et les associés.

Le produit Takaful basé sur la Wakala est un modèle où l’opérateur Takaful agit comme wakil (agent) au nom des assurés et, en tant que tel, il a droit à une rémunération et il supporte tous les frais d'exploitation pour le compte de son mandant.

La principale appréhension relative au produit Takaful est de trouver des produits dans lesquels les compagnies Takaful peuvent investir les primes récoltées qui doivent être conformes à la charia, assez liquides et non risqués. Il n’est pas, en effet possible d’investir dans des actions même si elles sont compatibles avec la charia parce qu’elles sont risquées.

Les Sukuk représentent une réponse adéquate à une telle appréhension. Dans ce cadre, le projet d’amendement de la loi sur la titrisation prévoit l’institution des Sukuk ce qui augure d’un développement prometteur du produit Takaful. Une seconde appréhension a trait à la formation: la rareté des profils en matière de finance islamique est un fait confirmé. Les compagnies d’assurance désireuses d’investir le créneau Takaful ont tout intérêt à se mettre à la sellette.

Par Abderrazzak Elmeziane

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Abderrazzak

Elmeziane Prof. de finance

Université Mohammed V -

Agdal

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Interview de Zubair Miah

Zubair Miah is Shariah Scholar at Cobalt the only Shariah Compliant Underwriting Agency working within the London Insurance Market.

Is there a need for regulatory bodies to strengthen supervisory roles to protect stakeholders in the Takaful industry? It is essential for regulatory bodies to strengthen supervisory roles to protect stakeholders in the Takaful industry Regulations Regulations in the Takaful industry is needed to maintain confidence in that new system as a whole, increasing the information available to investors, potential clients, other Takaful providers, other re-Takaful providers and brokers. Regulators in the Takaful industry must show willingness to intervene at all stages of the business cycle and scrutinise Takaful Operators and look to strengthen the regulatory framework of the Takaful industry. But strengthening the regulatory framework is not the responsibility of the regulators alone, it requires the focused efforts and the support of all industry stakeholders to take bold actions and initiatives to improve Takaful practices and policy making process and develop a sound Takaful industry. Regulations should directly affect the Operators management of internal controls, information systems, human resources and risk, most notably, Shariah compliance risk to ensure that the Takaful business model and product strategies deliver value to all stakeholders’ interests. Several countries, both Muslim and non-Muslim, have introduced sound regulatory changes to protect consumers, maintain confidence and provide them with a better services. Regulations are there to govern the activities, operations and transactions of the financial institution as well to monitor and supervise the roles of all its players to ensure that the business is run prudently without compromising the interest of the participants and the industry. Supervision Supervision is also an important factor for Takaful Operator’s economic development, efficiency, and stability.

The supervisory authority carries out persistent checks on compliance with the regulations ensuring its implementation and adherence. Its objectives may cover functions like inspection program to ascertain whether the financial strength of the Takaful company is being maintained on an ongoing basis, industry sound practices, examination procedures and examination of trading operations and risk management issues encountered in trading and dealer operations. The role of supervision in the Takaful industry is to prevent crises or to mitigate their effects and to strengthen public confidence in the product, by defining the objective means to support sound and safe discipline for the development of the takaful companies. It is there to uncover, discover, protect, and correct any anomalies or shortcomings within its activities and operations. It is also possible for supervisory agencies to compel the Takaful companies to produce accurate, comprehensive and consolidated information on its activities and risk-management procedures. Therefore, for the supervisor to carry out its role, mentioned above, effectively and efficiently, it only makes sense that there should be regulations in place strengthening the role of supervisors ensuring that more important regulations effecting stakeholders and the Takaful industry are implemented and observed. Key product growth segments in Asian Takaful markets: How can the industry maintain present growth rates? Harmonising the Takaful standards: Currently the standards are fragmented and incomplete. Standard setting institutions and regulatory bodies must come together and create standards and regulations which work together and not against each other which are applicable to all. These standards and regulations should drive Takaful Operators towards growth, sustainability, investment, product innovation, staff management and risk management.

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Interview de Zubair Miah

Marketing: The Takaful industry need to gain the confidence of Muslims. Insurance has always known to be unlawful in the Muslim world. Despite its illegitimacy, millions of Muslims have benefited from insurance out of necessity or otherwise. For some, such as myself, it is the only form of insurance I have ever known and utilized. For millions like me, it has become the norm. Therefore, it is a challenge for the Takaful industry to convince the Muslims that the Takaful is simple, ethical and conforms to Islamic religious requirements. The industry must make the Muslims feel obliged to accept change and bring them out of their comfort zone. The Takaful industry must market itself and be available to non-Muslims too. There are more non-Muslims than Muslims in this world and there are many amongst them who would value the ethical, transparent and fair nature of the Takaful product. Takaful must not be marketed as an exclusive product available to those with religious interest, but available to all who wish to benefit. Reinsurance: Currently, many Takaful Operators, reinsure the risk using conventional reinsurers. As a result, the Shariah compliant premiums (Contributions) are passed on into the conventional financial industry never to return within the Islamic finance industry. It is essential that all assets financed by Islamic Institutions are insured by an Islamic Insurer and if reinsured, then through a Shariah compliant re-insurer, such as Cobalt Underwriting. A flourishing Takaful Market will then provide demand for Shariah compliant investment products that meet their needs, thus ensuring that the contributions received from Islamic institutions are then invested back into the Islamic financial industry, or more particularly, the Takaful industry, rather than leaking away into the conventional markets. This virtuous circle has existed in the conventional sector for centuries. Therefore the Takaful Operators should look to invest within the Islamic finance industry and help them to grow and in return, these Islamic finance institutions should utilise Takaful products helping the Takaful industry to grow.

Investment: The continued success and growth of the Takaful industry is linked to investment in Shariah compliant assets. Therefore is follows that Shariah compliant assets must be made available to allow the Takaful Operator to invest the Participant’s risk fund and the Shareholder’s fund in profitable Shariah compliant assets. What is the reality for Takaful operators and their investment mandates and options? I believe one of the greatest problem facing Takaful industry and Islamic finance industry in general is Liquidity. There is a lack of Shariah compliant assets with sufficient liquidity. This inhibits and restricts innovation in the Takaful industry due to lower returns and the risk of liquidity and mismatching and as a result restricts growth. Despite the historical and well documented growth of Islamic finance industry, there is still a shortage of tradable Shariah compliant assets. Whatever short term Sukuk becomes available, it is immediately usurped by the Islamic banks leaving little or nothing for the Takaful companies. Long term Sukuk come with liquidity issues. Takaful companies are then coerced into investing in highly volatile regional equity or real estate markets which then may require them to increase their capital under the risk based capital framework. Furthermore, some investment assets which purport to be Shariah compliant, are in fact non-Shariah compliant in accordance with majority of the scholars due to the high debt ratio, thus limiting the options for Takaful companies. As there are real problems facing Takaful companies regarding investing in Shariah compliant assets that can resolve liquidity issues. One solution may be, as suggested by many practitioners, is that Takaful companies should outsource their investment responsibilities to experts and professionals who, at the very least, will use their expertise and knowledge to get better returns for the Takaful company.

Propos recueilli par Ezzedine Ghlamallah

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Interview du Dr. Umer Chapra : L’économie et la finance islamique

Dr. Umer Chapra est conseiller principal à l'Institut de Recherche et de Formation Islamique (IRTI) de la Banque Islamique de Développement (BID) à Djeddah. Avant d'occuper ce poste, il était conseiller économique à la Saudi Arabian Monetary Agency (SAMA) et enseignait également l'économie et la finance à l'Université du Wisconsin (Platteville), à l'Université du Kentucky et à celle de Lexington. Mondialement connu pour ses nombreuses contributions en économie et finance islamiques au cours des trois dernières décennies, il est l'auteur de 16 livres et de plus de 100 articles, dont un grand nombre sont traduits en plusieurs langues. Ses contributions les plus remarquables sont ces quatre ouvrages: Vers un système monétaire juste (1985), L'islam et le défi économique (1992), L'avenir de l'économie: une perspective islamique (2000) et La civilisation musulmane : les causes du déclin et de la nécessité d'une réforme (2008). Il a reçu de nombreux prix pour son excellence académique, notamment le prix de la Banque Islamique de Développement pour l'économie islamique et le prestigieux prix international du Roi Fayçal pour les études islamiques.

Quelle est la mission principale de l’économie et de la finance islamiques ? La mission principale de l'économie et de la finance islamiques ne peut pas être différente de celle de l'Islam lui-même. Il est une miséricorde pour l'humanité (Le Coran, 21:107) en assurant la justice et le bien être réel (Falah) de tous les membres de la famille humaine. Tous les secteurs de la société, politique et économie sont tenus de contribuer dans la mesure du possible à la réalisation de cet objectif. Le système financier ne peut être l’exception. Il peut remplir ce rôle de deux façons importantes :

• Pousser le financier et l’entrepreneur à

prendre part aux risques encourus par l’entreprise.

• Veiller à ce que les bénéfices de toutes les ressources financières mobilisées par les institutions financières soient équitablement répartis entre toutes les parties prenantes.

Peux-t-on dire que l'économie et la finance islamiques ont rempli ces deux objectifs ? Non! L’Économie et la finance islamiques se situent encore loin de l’objectif escompté puisque leur contribution à la résolution des problèmes économiques des sociétés musulmanes est minime.

On peut souligner le fait qu’une attention particulière a été donnée à la finance islamique mais son développement n'a pas été compensé. Cela a conduit à la fausse impression que le financement sans intérêt constitue tout ce que l'économie islamique a à offrir. En outre, même la finance islamique a été incapable de se débarrasser de l’influence de la finance conventionnelle. La plupart de ce qui se passe dans le secteur de la finance islamique est similaire à ce qui se fait dans la finance conventionnelle. Qu'est-ce qui pourrait selon vous permettre au système financier islamique de remplir ses missions? Il y a un certain nombre de choses qui sont nécessaires à mettre en place.

1- Se concentrer sur les problèmes socio-économiques auxquels l'humanité est confrontée et montrer comment l'adoption d'une stratégie équilibrée et orientée moralement peut aider à les résoudre. Cela n’est pas une tâche facile dans un monde qui est généralement éloigné de la base morale des religions révélées.

Paroles d’Expert

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Interview du Dr. Umer Chapra : L’économie et la finance islamique

2- Définir clairement une stratégie de réforme islamique qui ne consiste pas simplement à réformer le système financier : il faut réformer l'être humain ainsi que les institutions socio-économiques et politiques qui influent sur le comportement et le bien-être de l’espèce humaine. Cela implique non seulement les croyances religieuses et les valeurs morales, mais aussi toutes les institutions sociales, économiques, financières et politiques. Le problème avec le monde musulman et la plupart des autres pays n'est pas seulement l'existence d'un système financier inéquitable, mais aussi des gouvernements inefficaces et corrompus, un déclin moral, un manque d'éducation morale et une absence de justice et de fair-play. Par conséquent, l'économie islamique doit adopter un modèle plus complet si ces problèmes, tous liés entre eux, doivent être résolus. Nous devons nous inspirer du modèle dynamique de causalité circulaire multidisciplinaire d'Ibn Khaldoun au lieu du modèle néoclassique qui repose essentiellement sur des variables économiques.

3- Connaître la position réelle dans les pays

musulmans - la façon dont les individus, les familles, les entreprises et les gouvernements se comportent réellement et pour quelles raisons leur comportement n'est pas en harmonie avec leurs idéaux. Une fois connue l'ampleur de l'écart et les causes de la déviation, il peut être possible de trouver des solutions pratiques pour éliminer cet écart à la lumière des enseignements de l'Islam et de l'expérience d'autres pays.

Êtes-vous satisfait de la façon dont la finance islamique a été exploitée à ce jour? Très peu de gens sont vraiment satisfaits. C'est parce que la plupart des banques islamiques à l'heure actuelle ne sont pas significativement différentes des banques traditionnelles. Elles utilisent différents « hiyals » - stratagèmes juridiques - pour perpétuer des pratiques bancaires classiques avec une étiquette islamique. Tous les différents modes de financement islamiques ont été contaminés de cette manière.

À votre avis, quelle en est la raison? La principale raison réside dans le fait que la finance islamique est plus difficile que la finance conventionnelle. Un effort est donc fait pour la rendre moins difficile grâce à l'adoption de « hiyals ». Cela rend les modes de financement en apparence islamiques, même s’ils ne le sont pas vraiment. S'il y avait une réelle volonté, les difficultés peuvent être surmontées progressivement. Une autre raison est que tous les membres des conseils de conformité à la Charia sont payés par les banques elles-mêmes, ce qui crée un conflit d’intérêts. Même si les membres du conseil sont respectables, ils cherchent à faciliter la mise sur le marché de nouvelles solutions. Ceux qui ne le font pas auraient du mal à tenir leur position très longtemps. Que peut-on faire d’après vous pour réformer le système? Plusieurs actions doivent être mises en œuvre. 1- Les autorités de contrôle devraient jouer un

rôle plus important dans la réforme. Pendant les audits bancaires qui sont régulièrement effectués, les auditeurs essaient généralement de veiller à ce que les banques ne violent pas la loi bancaire du pays et que toutes leurs opérations soient conformes à ce qui est nécessaire pour assurer la santé de la banque et la stabilité du système financier. Pourquoi ne pas aussi s'assurer que les activités des banques auditées sont également en harmonie avec la Charia, non seulement dans la forme mais aussi dans le fond.

2- Les verdicts de tous les conseils de

conformité à la Charia devraient être publiés pour assurer une plus grande transparence. Dans un tel cas, les membres des conseils de conformité à la Charia devront résister à l'utilisation excessive de « hiyals » pour protéger leur propre réputation.

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Interview du Dr. Umer Chapra : L’économie et la finance islamique

3- Un conseil suprême de conformité à la Charia chargé d'examiner les verdicts des conseils de conformité à la Charia de banques individuelles devrait exister afin de s'assurer que leurs verdicts sont vraiment charia compatible.

4- Un effort pour définir juridiquement les différents modes de financement islamiques doit être fait. S’il y a une différence d'opinion entre les jurisconsultes, d'autres définitions doivent être fournies. Dans ce cas, les banques doivent informer leurs clients de la définition qu'elles utilisent.

Que doit faire maintenant l'industrie financière islamique pour maintenir l'avantage acquis au cours de la crise financière ? Une des principales raisons de la crise acceptée de tous est le fort effet de levier et l'expansion excessive du crédit. En outre, le crédit n'était pas connecté à l'économie réelle.

La vente de la dette, rendue possible par la titrisation, a réduit le niveau de souscription et a augmenté les risques auxquels les banques se sont exposées. Une quantité importante de crédit a également été débloquée pour les transactions spéculatives. Les bonus injustifiés versés aux dirigeants ont également été une source de problèmes. Les principes de la finance islamique sont assez solides pour prendre soin de tous ces défauts dans le système financier. C'est à cause de cela qu'elle a gagné en respectabilité dans le monde entier. Les banques islamiques ne devraient néanmoins pas faire preuve de complaisance et transiger sur ces principes. Elles peuvent toujours rencontrer des difficultés en prêtant trop, en ne maintenant pas de marges suffisantes sur les prêts et en octroyant des crédits destinés à la spéculation sur les matières premières et les marchés immobiliers et boursiers.

Propos recueillis par Ezzedine Ghlamallah

Traduction par Hafsa Lamrani & Ezzedine Ghlamallah

LA VISION ISLAMIQUE DU DÉVELOPPEMENT A LA LUMIÈRE DE MAQASSID AL-CHARIA Par Umer Chapra

Accéder au bien être personnel, n’est possible que si la consommation d’un bien ou d’un service contribue à participer aux objectifs de la vie humaine sur terre.

Infographie SAAFI

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Interview de Mr Kacem Ibn Abdeljalil

Filiale de droit français à 100% du groupe Banque Populaire du Maroc, la banque Chaabi du Maroc a été créée en 1972. Présente dans sept pays d'Europe, elle est particulièrement active en France, où elle possède 19 agences qui gèrent les comptes de 14000 clients. Initialement dédiée à la promotion des opérations de collecte et de transfert d'épargne des Marocains du monde vers leur pays d'origine, elle a élargi ses activités depuis les années 90.

Depuis quand la Chaabi Bank propose-t-elle des services correspondant aux principes de la finance islamique? La finance islamique a fait très souvent l’actualité ces dernières années notamment avec la parution des instructions fiscales en août 2010. On peut dire aujourd’hui que le marché est mûr, certaines études de marchés ont révélé un vrai potentiel. Le moment était donc venu, en tant qu’acteur bancaire, de nous lancer. C'est ainsi qu’en 2011, après une année de mise en place, nous avons lancé une « islamique window », en devenant la première banque française à commercialiser un compte de dépôt compatible avec les principes et les préceptes de la finance islamique. En 2012, nous avons élargi notre gamme de produits en proposant à nos clients un produit de financement immobilier conforme à l’opération islamique connue sous le nom "mourabaha". Nous prévoyons de lancer un compte courant à destination des entreprises et des associations, toujours selon ces principes, au cours du dernier trimestre 2014. Quelles sont les principales règles de la finance islamique? Tout d’abord les investissements sont adossés à des actifs ou services réels et « palpables », avec une sélection rigoureuse et précise des secteurs d’activités. Comme vous devez vous en douter, en finance islamique il y a des secteurs d’activités comme l’alcool ou les jeux de hasard, qui sont prohibés. Par ailleurs, l’argent est un simple moyen d'échange, il ne peut par conséquent, à lui seul, faire l'objet d'un contrat ou être utilisé comme un moyen de réaliser un profit. La finance islamique se distingue par le fait qu’elle privilégie les investissements participatifs où « prêteur et emprunteur » deviennent partenaires et partagent les risques. Les termes fondamentaux des contrats sont clairement définis sans aucun élément d’incertitude. Parmi les autres règles, il y a la prohibition de la spéculation excessive et du « commerce » de la dette (une créance ne peut en effet être considérée

comme un actif pouvant s’échanger à titre onéreux à l’inverse de ce qui se fait en finance conventionnelle avec les titres obligataires par exemple) ou bien encore l’interdiction de la vente à découvert (on ne peut, en effet, vendre ce qui ne nous appartient pas). Qu'est-ce que la mourabaha, et comment se concrétise l’opération dans la pratique? Il s’agit plus précisément, pour le sujet qui nous intéresse ici, d’une mourabaha avec ordre d’achat pour financer un bien immobilier. C'est un contrat aux termes duquel un propriétaire vend un actif à un intermédiaire financier - la banque en l'occurrence - qui le revend ensuite à son client moyennant une marge bénéficiaire, contractuelle, connue au moment de la signature du contrat. Dans la pratique, en France, la banque n’intervient pas dans la négociation du prix d’achat avec le vendeur initial car c’est généralement le client qui identifie le bien et négocie son prix de vente. Le principe à retenir est que la banque ne peut vendre un produit qu’elle ne possède pas. Dès lors que la banque procède au financement du bien, elle doit d’abord en devenir réellement propriétaire, et donc assumer pleinement les risques inhérents avant la revente finale à son client. C’est cette prise de risque qui lui donne droit à un profit sur l’opération concernée. Une fois la revente effective, la banque transfère la propriété du bien au client final, qui en devient ainsi seul et unique propriétaire. Pourriez-vous nous donnez quelques chiffres clés sur le volume d’activité de ces opérations ? En 3 ans plus de 2500 clients particuliers nous ont fait confiance, dont 9/10 sont des nouvelles recrues avec un solde moyen deux fois supérieur à la moyenne des comptes conventionnels. Preuve en est que cette clientèle a un fort pouvoir d’épargne. Environ 300 demandes de financement mourabaha nous sont parvenues. Ce qui est remarquable, c’est le taux d’apport personnel moyen avoisinant les 33%.

Retours d’Expérience

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Interview de Mr Kacem Ibn Abdeljalil

Est-il possible pour un client qui s'est fait financer son bien de façon conventionnelle de racheter ce premier prêt avec une Mourabaha? Non, car les opérations de rachat de crédit ne sont pas autorisées. Nous rappelons que l’argent est un simple moyen d'échange, il ne peut par conséquent, à lui seul, faire l'objet d'un contrat. Les achats sur plans sont-ils possibles? Oui, mais pas avec la technique de la Mourabaha dans laquelle le bien doit exister réellement au moment de sa vente. En fait, l'idée principale à retenir est que la finance islamique n'est pas un commerce d'argent mais de biens. Il existe néanmoins des contrats islamiques qui permettent de vendre des biens à construire (donc sur plan), mais nous ne les avons pas encore commercialisés. Ils présentent quelques complexités juridiques d’une part, et d’autre part nous avons déjà une très forte demande pour des biens déjà construits à laquelle il faut faire face. Par conséquent, nous étudierons le financement sur plan dans un plus long terme. Que se passe-t-il en cas de défaut de paiement? La banque applique bien évidemment la même procédure pour ce qui concerne les incidents de paiement relatifs au produit « mourabaha » que pour ceux de la finance conventionnelle. Cependant, dans le cadre de la « mourabaha », la banque ne prélève pas d’agios mais exige une indemnité forfaitaire par échéance de retard. Il faut également savoir que sur les sanctions financières payées par le client, seul le coût de traitement de l'impayé est encaissé par la banque, le reste de la somme étant reversé à une œuvre caritative, comme l'exige la finance islamique. Et en cas de remboursement par anticipation? Quelle que soit la durée de remboursement, le client paiera le même prix en cas de remboursement anticipé. En droit musulman, le prix et le profit du financier sont déterminés, dès le départ, en toute transparence avant la signature du contrat. En termes de coût, comment se situe la Mourabaha par rapport à un emprunt à taux fixe? Sur le contrat Mourabaha que nous avons lancé, nous nous sommes efforcés à rester compétitifs par rapport à un crédit conventionnel classé comme « très bon » par les comparateurs de taux. Qui sont les clients qui souscrivent à une Mourabaha en France?

Il s'agit d'une clientèle jeune, avec une moyenne d’âge de 35 ans. Ce sont en général des primo accédant ayant un apport personnel assez important - environ 33% du programme d’investissement- ce qui est rare en finance conventionnelle. Des clients à forte capacité d’épargne donc, qui s'étaient probablement abstenus d'investir tant qu'ils n'avaient pas trouvé de produit correspondant à leur demande. Des non-musulmans se sont-ils adressés à vous pour des demandes de Mourabaha? Oui, certains clients sont venus à nous en nous précisant qu’ils étaient attirés par le coté tout simplement éthique du mécanisme de financement. Les principes de la finance islamique sont avant tout des principes Ethique (avec un grand E) et universels. Chaabi Bank est une banque française traditionnelle ouverte à tous, qui a ajouté, à son catalogue, des nouveaux produits. Si ceux-ci ont une spécificité « islamique », il n’en reste pas moins qu’ils ne sont absolument pas réservés aux individus de confession musulmane. Bien au contraire, tout le monde peut y souscrire. Est-ce que Chaabi Bank offre d’autres produits financiers sharia compliant, autre que le mourabaha? Si oui, lesquels ? (comment sont rémunérés les dépôts des clients) Chaabi Bank ne propose actuellement pas d’autre produit financier compatible avec les préceptes de la FI. Un produit d’épargne rémunéré est en cours d’étude. Comment faites-vous connaître votre offre? Notre stratégie autour du lancement de nos produits reste très prudente. Nous avons choisi une communication ciblée sur internet. Les communiqués de presse ont suscité énormément d’intérêt et ont été repris largement dans les médias à grande diffusion. La bouche à oreille a ensuite fonctionné. Nous avons tenu à utiliser le terme « Finance Islamique » pour poser clairement la nature de nouvelle offre. La signature « Ma banque Mes valeurs », qui accompagne notre gamme, vient de l’intention exprimée par notre cœur de cible de revendiquer ses choix sans ostentation. Elle évoque, sans galvauder l’idée de la finance éthique. Nous nous faisons connaître également par le tissu associatif et la participation régulière à des conférences sur le thème de la finance islamique. Ensuite, le premier canal d'entrée vers la banque est notre Centre de Relations Clients.

Propos recueillis par Hala Mekkaoui

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Interview de Mr Abdelhakim HADJOU

Peut-on avoir un aperçu sur Salama Assurance Algérie ?

Salama Assurance est une compagnie d’assurance de droit algérien, créée en 2000. Nous appartenons à un groupe international d’assurance et de réassurance, Salama-lslamic Arab Insurance Company (IAIC). Notre filière algérienne dispose de plus de 200 points de vente et 06 directions régionales. Quels sont les activités et les produits offerts par Salama Assurances ? Nous mettons à la

disposition de nos clients particuliers et entreprises une gamme complète de produits d’assurance. Dans le marché algérien nous sommes en train de faire beaucoup d’efforts afin de nous distinguer pas seulement par nos tarifs mais essentiellement par la prestation offerte sur le territoire national par notre réseau qui devient de plus en plus étoffé. Aussi, il y a lieu de signaler que présentement SALAMA est la seule compagnie TAKAFUL en ALGERIE. En dépit de l’inexistence d’une réglementation spécifique qui régit ce type d’opération TAKAFUL, nous nous efforçons donc à appliquer notre modèle de gestion autant que la réglementation locale nous le permet. Il est utile de signaler que notre Groupe est spécialisé dans le TAKAFUL à travers le monde. A la lumière des visas obtenus du Ministère des Finances, SALAMA offre à sa clientèle comme mentionné précédemment toute une gamme de produits. Il s’agit notamment de couverture des risques inhérents à l’automobile, à l’habitat, aux activités des professions libérales, aux transports, à l’engineering et aux risques techniques, aux responsabilités civiles et autres destinées aux particuliers, aux PME/PMI et aux professions libérales, d’une part, et d’autre part, SALAMA dispose d’un éventail de produits destiné aux ménages devant répondre parfaitement aux besoins de couvertures des familles sous forme de solutions pour constituer une épargne pour la retraite, la protection en cas de décès ou d’accident, de maladie ou d`invalidité, par l’attribution aux ayants droits d’un capital ou de

prestations. Ces formules permettent aussi d’ouvrir droit à un capital en cas de maladie grave, ce qui est souvent exclu de la Garantie par les produits classiques. La filiale spécialisée (Assurances de personnes) que nous comptons lancer prochainement prendra en charge cette gamme de produits. Qu’est-ce qui vous motive le plus dans l’économie islamique ? L’économie islamique est un sujet qui m’a intéressé depuis 2005, l’année de mon intégration dans la compagnie actuelle. J’avoue qu’avant cette année je croyais que la limite entre l’économie conventionnelle et islamique était faible au point qu’un initié dans le domaine aura la conviction de croire que les produits bancaires et d’assurance islamique ne diffèrent des produits conventionnels que dans la forme et donc le wording des contrats. En réalité, et pour revenir à l’économie islamique, cette dernière puisant ces fondements du Coran, la Charia et Fiqh El Mouamalat est un véritable modèle économique alternatif digne d’intérêt. En s’intéressant un peu plus sur le sujet, j’ai eu à constater que ce modèle devient de plus en plus le centre d’intérêt des experts non seulement musulmans mais aussi occidentaux par rapport aux caractéristiques de l’économie islamique. Par définition l’économie islamique est un système d’un ensemble de principes et fondements qui régissent l’activité économique ; ces principes comme j’ai précisé précédemment, puisent leurs fondements, du Coran, du Sunna du Prophète (que Dieu salue son âme et le bénisse) et du Fiqh El Mouamalat. Ce qui est intéressant c’est que ces principes sont valables dans le temps et dans l’espace et peuvent ainsi varier selon les avis des experts (El Ijtihad). Ainsi, l’économie islamique, en résumé, est basée sur deux grands principes :

1- L’argent est propriété de Dieu et l’homme est mandaté pour l’utiliser pour son bien et le bien de la communauté, il est ainsi responsable devant Dieu et comptable devant la communauté.

المال مال هللا و اإلنسان مستخلف فیھ لینتفع بھ مع ’‘المجتمع و محاسب فیھ أمام هللا في الدنیا و اآلخرة و

.’’محاسب أمام المجتمع

Retours d’Expérience

Abdelhakim

HADJOU Directeur Général

SALAMA Assurances

ALGERIE

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Interview de Mr Abdelhakim HADJOU

Grace à ce principe, vous pouvez imaginer ce que nous pouvons disserter sur le sujet de l’éthique en l’économie, un sujet très répondu ces derniers temps notamment après les crises financières qui ont secoué les marchés financiers et l’économie mondiale.

2- Le deuxième principe repose sur le fait que l’argent n’est qu’un outil d’évaluation lors des transactions commerciales. De ce fait l’argent ne doit pas créer l’argent.

’’المال ال یلد المال’‘Ce principe nous renvoie à l’interdiction formelle de l’usure (Riba) dans les transactions commerciales. Encore une fois ce sujet intéresse les experts même étrangers. Nous pouvons disserter énormément sur ce sujet notamment sur les caractéristiques de l’économie islamique qui représentent tout un modèle de gouvernance formant un véritable modèle alternatif pouvant servir nos économies. Quelle est votre stratégie et votre vision pour Salam Assurances ? Il faut reconnaitre que vendre un contrat d’assurance est énormément plus difficile que d’autres produits ou services, et la très forte concurrence tarifaire que connait notre marché rend l’élaboration de la stratégie de la compagnie d’assurance un travail extrêmement laborieux. Il faut savoir que maintenir sa position dans le marché commence par la fidélisation de sa clientèle, une démarche très difficile en l’état actuel. La problématique se situe dans le rétablissement de la confiance de la clientèle, malheureusement ébranlée par les délais de traitement des dossiers, notamment durant les années antérieures. SALAMA, aujourd’hui, travaille sans répit pour renforcer et améliorer sa prestation laissant le client ressentir l’utilité de souscrire un contrat d’assurance. Ainsi, notre stratégie est basée essentiellement sur la confiance et la consolidation des relations avec les clients, l’aspect d’écoute des clients, la sensibilisation à travers notre réseau de distribution et particulièrement l’aspect de bonne gouvernance. SALAMA pour concrétiser cette Stratégie, s’est lancée dans un processus d’automatisation de son système de gestion s’appuyant sur les nouvelles technologies de la communication et de l’information afin de construire le contact avec le client et raccourcir sensiblement les délais de traitement de dossiers au profit de notre clientèle.

Malgré l’absence de réglementation spécifique, vous avez lancé des produits Takaful sur le marché algérien ; quels sont les obstacles que vous avez rencontrés pour implémenter le Takaful en Algérie ? Takaful est une notion qui remplace l’assurance conventionnelle. Le Takaful n’est pas seulement un concept mais aussi tout un modèle de gestion qui répond aux préceptes de la Charia. L`opérateur, la Compagnie d’assurances propose à la clientèle des couvertures de protection des personnes, du patrimoine et des responsabilités sous forme de nouvelles formules alternatives à l’assurance conventionnelle fondées sur le principe de la solidarité entre les membres de la mutualité formée par l’ensemble des participants. Effectivement SALAMA est la première et la seule compagnie qui a lancé ces produits sur le marché en Algérie. Ces produits Takaful proposent deux catégories de couvertures : « General Takaful » qui porte sur la protection du Patrimoine et sur les responsabilités des Particuliers et Entreprises ; et « Family Takaful›› qui, à travers la nouvelle filiale qui sera lancée prochainement, propose des couvertures aux familles en cas d’accident, d’invalidité, de maladie, de décès, de solutions d’épargne et autres. En Algérie, l'assurance «Takaful» n'existe qu'à travers Salama Assurances Algérie, face à une majorité d’assurances conventionnelles qui dominent le marché. Le service offert par l’assurance Takaful est le même proposé par l’assurance traditionnelle, la différence réside dans le système de gouvernance. Cela veut dire, que le «Takaful» repose sur des principes bien déterminés notamment, une organisation particulière de l’entreprise en adoptant comme conseillers et superviseurs à la fois, des spécialistes de la Charia musulmane. Une assurance islamique est aussi dotée de deux fonds séparés ; le premier est propre aux participants tandis que l’autre fond est réservé pour les capitaux. Toutefois, il est tout à fait prévu de soutenir le premier fonds par le deuxième dans le cas de déficit. Quant au principe le plus important et le plus évident est celui d’éviter la «Riba» (le taux d’intérêt). Pour ce faire, il est bien à noter que les fonds sont déposés dans les banques islamiques existantes en Algérie afin de financer des projets d’investissement. Cela permettra de fructifier les fonds grâce à des «Ribh» (bénéfices) variables au lieu d’un taux d’intérêt «Riba», qui par contre, lui, est fixe et déterminé à l’avance.

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Interview de Mr Abdelhakim HADJOU

Cependant, la réglementation algérienne est très exigeante en ce qui concerne la gestion des fonds et leurs flux. Cela réduit les choix d’investissement pour les banques islamiques qui optent par exemple à investir dans la création des entreprises ou dans le commerce international. En revanche, ceci n’a pas empêché Salama Assurances de grandir et d’évoluer dans le marché algérien, bien au contraire, notre compagnie a enregistré en 2013 un taux d’évolution de 24%. Notre part de marché a été de 2,5% il y a cinq ans ; elle est aujourd’hui de 4,5% avec 500 000 clients et plus de quatre milliards de dinars de chiffre d’affaires. Dans ce marché prometteur, Salama Assurance Algérie prévoit le lancement d’une assurance-vie avant la fin de l’année en cours, et ce, en s’associant avec un partenaire algérien conformément à la règle 49/51%. Quel modèle utilisez-vous ? Les différents modèles de gestion des assurances participatives Takaful ont en commun le principe de séparation des fonds en deux entités juridiques distinctes ; le fonds où sont versées les cotisations des participants (assurés) chargé de payer les sinistres et les charges de fonctionnement d’une part, et d'autre part, un fonds des actionnaires de la société qui a comme objet la gestion de fonds des participants. En fin d’exercice l’excédent sera totalement réparti entre les actionnaires et les participants selon un pourcentage préalablement définis dans le cadre du modèle Moudharaba.

En cas de modèle Wakala, l’excédent sera totalement versé au fonds des participants. Par contre en cas de pertes, ces dernières seront financées par un prêt sans intérêt « Qardh Hassan » remboursable progressivement par le fonds de participants. A SALAMA nous avons opté pour un modèle hybride qui est éclectique ralliant les deux modèles, Moudharaba et El Wakala Bi Adjr Maloum. Dans tous les cas, une exécution parfaite du modèle nécessite une règlementation adaptée car actuellement en Algérie il n’existe pas de réglementation spécifique régissant le Takaful. La communauté algérienne est très présente en France, pensez-vous pouvoir proposer une offre d’assistance rapatriement, obsèques Takaful aux Algériens de France ? Juste après le lancement de notre filiale en assurances de personnes, ce segment de marché nous intéressera certainement notamment que le dispositif règlementaire en la matière a déjà été mis en place par les autorités algériennes. Au regard du nombre de plus en plus important d’algériens vivant à l’étranger notamment en France, il est utile de penser à mettre en place des couvertures spécifiques pouvant les intéresser et permettant la protection de leurs familles, c’est à dire, nous y pensons sérieusement.

Propos recueillis par Ezzedine Ghlamallah

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L’IFSO lance les Universités de la Finance Islamique à Limay – 10 Mai 2014

Présence de Abdelwahed Moummad (EMBA 2014/Président de l'IFSO), Fouad El Hajji (EMBA 2014/Vice-président de l'IFSO), Ezzedine Ghlamallah (EMBA 2013/Directeur de SAAFI/Trésorier de l'IFSO), Mohamed Bachir Ould Sass (ACERFI/enseignant à l'université de Strasbourg), Othman Benharoun (EMBA 2013/FI Consult)

Universités de la Finance Islamique à Luxembourg le 25 juin 2014

Présence de Abdelwahed Moummad (EMBA 2014/ Président de l'IFSO), Mohamed Bachir Ould Sass (ACERFI/enseignant à l'université de Strasbourg), Kamel Ikherrazen (membre de l'Islamic Finance Professionnals Association), Jean-Luc Karleskind (professeur de finance à la Luxembourg School for Commerce), Asma Abdelouhab (Présidente de E-Slamshop), Rachid Bellabbas (Président d'Alardeen, cabinet de recrutement en banque, finance et assurance)

Les dernières Universités de la Finance Islamique à Luxembourg ont attiré 75 personnes. Une fois de plus, les thèmes abordés et la qualité des conférenciers ont permis à ces UFI d’apporter une vraie communication et des informations nouvelles et explicites aux participants. Les questions et les demandes des personnes avec lesquelles nous avons pu discuter, toutes intéressées par le sujet de la FI, ses acteurs mais aussi les diplômes proposés par l’université de Strasbourg, nous encouragent à maintenir notre objectif d’organisation d’Universités de la Finance Islamique.

IFSO trip to London – 18/20 Août 2014 L'IFSO a organisé et emmené une délégation d'étudiants de l'EMBA 2014, avec l'appui ce Cheikh Faizal Ahmad Manjoo. Présence d’Abdelwahed Moummad, Fatima Aoual, Soukaina Melkaoui, Karim Bahroune. Visite de Marksfield Institute for Higher Education (MIHE), Islamic Bank of Britain (IBB), CII (Chartered Inurance Institute) et la LLOYD'S.

Les activités de l’IFSO

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Les Rendez-vous de l’IFSO

Date Evènement Lieu

24-30 Oct. 14 Présence d’une délégation de l’IFSO au 10ème WIEF UAE, Dubai

08 Nov. 14 Université de la Finance Islamique France, Tours (35)

13 Déc. 14 Université de la Finance Islamique France, Villeurbanne (69)

17 Déc. 14 Colloque IFSO - Chaire Normes et Ethique de la Finance France, Paris (75)

20 Déc. 14 Université de la Finance Islamique France, Toulouse (31)

Les Rendez-vous de la Finance Islamique dans le Monde

Date Evènement Lieu

28-30 Oct 14 10th World Islamic Economic Forum UAE, Dubai

28-29 Oct 14 Seminar on Liquidity Risk Qatar, Doha

04-05 Nov 14 The 3rd Annual Islamic Banking Summit: Africa (IBSA) Djibouti, Djibouti

04-Nov-14 IFN Africa Forum 2014 Nigeria, Abuja

06-Nov-14 IFN Turkey Forum 2014 Turquie, Istanbul

11-12 Nov 14 Bonds, Loans & Sukuk Turkey 2014 Turquie

17-Nov-14 IFN Saudi Arabia Forum 2014 Arabie Saoudite, Riyadh

20-21 Nov 14 New Challenges for Islamic Economics and Finance Development Bosnie, Sarajevo

23-24 Nov 14 6th World Islamic Retail Banking Conference UAE, Dubai

28 Nov 14 2nd Summit of Islamic Finance Espagne, Barcelone

01-03 Dec 14 21st World Islamic Banking Conference Bahrein, Manama

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