I. Essor et déclin des puissances : un regard historique (Axe 1) COMMENT L’EMPIRE OTTOMAN ET LA RUSSIE DEPUIS 1991 PERMETTENT-ILS D’IDENTIFIER LES FACTEURS DE RECOMPOSITION, ENTRE AFFIRMATION ET DÉCLIN, DES PUISSANCES DE RANG INTERNATIONAL ?
I. Essor et déclin des puissances
: un regard historique (Axe 1)COMMENT L’EMPIRE OTTOMAN ET LA RUSSIE
DEPUIS 1991 PERMETTENT-ILS D’IDENTIFIER LES
FACTEURS DE RECOMPOSITION, ENTRE
AFFIRMATION ET DÉCLIN, DES PUISSANCES DE
RANG INTERNATIONAL ?
Observation des trajectoires de la puissances de
l’empire Ottoman et de la Russie contemporaine :
affirmation, déclin, effondrement, influence dans
les relations internationales.
A. L’Empire Ottoman, de l’essor au déclin
Comment l’empire ottoman du XIVe au XXe siècle
permet-il d’identifier et comprendre les facteurs
d’affirmation et de déclin d’une puissance de rang
international qui a longtemps dominé une partie de
l’Europe et du bassin méditerranéen ?
L’approche géopolitique de la puissance ottomane s’inscrit dans l’histoire longue
d’un empire qui connaît d’abord un essor à partir du XIVe siècle avant de vivre un
long déclin qui se conclut par son démantèlement après la Première Guerre
mondiale.
Entre ces deux moments, l’État ottoman a participé de manière active et à ses
dépens aux enjeux internationaux. Le concept d’empire, envisagé comme
matérialisation de la puissance, est ici central
L’essor de l’Empire Ottoman :
- D’après la frise ci-dessous, par quel moyen l’empire Ottoman affirme-t-il sa puissance ?
- Cela vient-il confirmer ce que nous disions en introduction ? Donnez d’autres exemples.
- Dans quels autres domaines la puissance ottomane est-elle visible ici ?
Fondation de l’empire Prise de Constantinople qui donne Conquête de l’Egypte
Par Osman 1er à l’empire une dimension universelle du Moyen-Orient et des
elle fait du sultan Mehmed II l’héritier lieux saints de l’islam
d’Alexandre le Grand et de César
Modernisation de l’armée Venise doit payer Règne du sultan
Création d’une artillerie moderne et un tribut annuel aux Ottomans Soliman le
Du corps d’élite des janissaires. Pour conserver ses privilèges Magnifique : réformes
Conquête de l’Europe balkanique commerciaux administratives et extension
Chrétienne maximale de l’empire
1299 1354-1396 1453 1479 1512-1520 1520-1566
Divan (gouvernement
)Sultan
Janissaires
armée
permanente
Juges (cadis)
Communauté des
musulmans de
l’Empire
COHABITATION
Chrétiens et juifs
Jeunes chrétiens
des Balkans
Doc : L’organisation de l’Empire vue par l’historien
« Le judaïsme et le christianisme sont maintenus en vertu des règles de
la dhimma (contrat de protection accordé aux non musulmans vivant en
terre d’islam dans une situation d’infériorité juridique) Chrétiens et
juifs vivent et commercent dans l’empire. Mais partout, les échanges
sont conditionnés par le droit islamique. Le système politique repose
sur le consensus. Il n’a rien de despotique ; l’autorité du sultan est
corsetée par la loi. Les Ottomans ont couvert les espaces conquis de
mosquées et de couvents et y ont diffusé leurs idéaux. Mais ils ont
conservé la plupart des usages et des traditions des pays dominés et
s’accommodent des pouvoirs locaux placés sous leur tutelle. »
Olivier Bouquet, « Les Ottomans. Question d’Orient », La
Documentation photographique n°8124, juillet-août 2018
- D’après l’organigramme et le texte ci-dessous, montrez que le gouvernement ottoman porte en lui les aspects d’une
puissance politique réelle.
Doc Les janissaires (fantassins recrutés parmi les zimmi c’est-à-dire les sujets
chrétiens et juifs sous protection du sultan) : piliers de la puissance
Au XVIe siècle, le diplomate Ogier Ghiselin de Busbecq, en route pour Istanbul décrit
le système des janissaires.
« A Buda, pour la première fois, je vis des janissaires. C’est ainsi que les Turcs
appellent l’infanterie de la garde. Quand leur effectif est au complet, le roi des Turcs
peut en présenter 12 000. Ils sont dispersés presque partout dans le royaume pour
servir de rempart contre l’ennemi ou protéger les chrétiens ou les juifs des violences
de la foule. Et il n’est pas de villages un peu peuplés, de villes ou de forteresses où ne
se trouvent pas quelques janissaires pour défendre les chrétiens, les juifs ainsi que les
autres qui sont dénués des ressources, des attaques des méchants. Ils portent des
vêtements qui descendent jusqu’aux talons. Sur le front se dresse un cône oblong
brodé d’argent doré et orné de pierres précieuses mais sans grande valeur. »
Ogier Ghiselin de Busbecq, Les lettres turques.
Pourquoi les
janissaires sont-ils
piliers de la
puissance
ottomane ?
➔Au XVIe siècle, la puissance ottomane s’appuie sur différents leviers :
❑ Le premier est la capacité d’adaptation d’un pouvoir centralisé aux réalités diverses d’un
territoire allant de l’Égypte à la Hongrie actuelle. La loi coranique reste le fondement du
droit, mais elle peut s’adapter aux réalités locales quand celles-ci touchent à des aspects
ignorés par celle-ci, comme le droit minier dans les Balkans. Tout en restant des sujets
de seconde zone (zimmi) soumis à un impôt spécifique, les non musulmans (chrétiens ou
juifs, notamment après l’expulsion de ces derniers d’Espagne) peuvent continuer de
vivre selon leur droit : le patriarcat grec orthodoxe est reconnu à Constantinople en
1454. Dans la seconde moitié du XVe siècle, Mehmed II puis Bayezid II avaient
d’ailleurs fait promulguer des codes de lois coutumières, qui témoignent du pragmatisme
du pouvoir central. L’autorité sur les provinces reste largement négociée avec les élites
locales, souvent chrétiennes, qui en retour fournissent une partie de l’administration
centrale.
❑ Les pouvoirs du sultan sont théoriquement immenses (réglementations, armée,
nominations…) : cette autorité absolue s’inscrit dans le paysage urbain par la stricte
codification de l’architecture des mosquées, sous l’impulsion de l’architecte Sinan (1490-
1588), qui distingue les édifices du sultan de ceux de fondateurs de moindre rang.
- En réalité, les pouvoirs du sultan sont limités par le respect de la charia, source du droit
jusqu’à la fin de l’Empire, et des droits coutumiers. Ceci rapproche son pouvoir réel de
celui des souverains occidentaux.
- Le gouvernement (divân) est constitué par les vizirs et d’autres dignitaires, le grand-vizir
étant souvent issu des régions chrétiennes de l’Empire. La volonté du sultan de contourner
les grandes familles musulmanes pour créer un lien de fidélité direct avec des serviteurs
déracinés se confirme dans l’institution du devshirmê. La mission du devshirmê consiste à
prélever des jeunes garçons dans les provinces conquises, en particulier chrétiennes. De
statut servile, coupés de leur famille et convertis à la religion musulmane, ceux-ci
fournissent ensuite des agents fidèles à l’administration et au corps des janissaires. Pour
leur région d’origine, ils peuvent aussi servir de relais d’influence au plus haut niveau de
l’État, signe du caractère relatif de leur déracinement. C’est la cas de Sinan.
Sinan architecte des mosquées de Soliman à Istanbul et ingénieur artisan de la
puissance ottomane dans l’ombre des sultans.
Mosquée Süleymaniye (https://toutelaturquie.com/mosquee-de-soliman-le-
magnifique/)
Intérieur de la mosquée Selimiye (https://theredlist.com/wiki-2-19-878-1079-view-
ottoman-architecture-profile-selimiye-mosque-1568-1574-edirne-turkey.html)
❑Le corps des janissaires, quant à lui, représente un autre pilier de la
puissance ottomane. Ces jeunes gens d’origine chrétienne forment le
cœur des fantassins et le noyau opérationnel de l’armée. La marine
ottomane sait aussi mobiliser des Italiens, des Français et des Grecs : le
nom du corsaire Barberousse, amiral de la flotte dans les années 1530,
est resté célèbre. Dans les provinces, l’autorité du sultan est assurée par
l’institution du timâr. Il ne s’agit pas d’une concession territoriale
comme la féodalité en Occident, mais uniquement de la concession des
impôts sur un territoire. Les soldats perçoivent ainsi directement les
impôts, sans passer par le sultan. Ce système, non héréditaire, connaît
un essor considérable à la faveur des conquêtes.
❑ La prospérité de l’empire ottoman au XVIe siècle assure au sultan prestige et autorité.
Istanbul, notamment, conserve son rôle de carrefour économique et culturel entre Orient et
Occident, et entre les mondes slaves et méditerranéens.
❑ Comme capitale, elle est aussi la vitrine d’un empire multi-ethnique : dès la fin des années
1450, un grand programme architectural inscrit dans l’espace de la ville le nouvel ordre
ottoman, par la conversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée, la construction de
nouveaux marchés et palais (Topkapi) ou la revitalisation de la Mésè, artère principale et
cœur des processions de la ville byzantine, devenue le Divanyolu.
❑ Entre héritage byzantin, expérimentations urbaines inspirées de l’Italie de la Renaissance et
affirmation spatiale de l’autorité du calife, Constantinople synthétise au XVIe siècle les
multiples visages de la puissance ottomane.
Selim III (1761-1808) reçoit ici les chefs de l’empire devant la porte de la Félicité du palais de Topkapi résidence du sultan
manifestation architecturale de la puissance politique , au seuil de la troisième cour. © De Agostini/Leemage
https://www.geo.fr/histoire/empire-ottoman-de-lemirat-a-la-republique-dankara-194423
Une vue de Constantinople en 1852 par le lithographe belge Louis Haghe. © www.bridgemanimages.com
Territoire très ancien et capacités militaires, continuité dynastique, appropriation
de l’héritage byzantin, unité politico-religieuse, puissance commerciale,
gouvernement autoritaire mais autorisant des formes d’autonomie, en acceptant la
diversité ethnique et religieuse. Les formes d’autonomie laissées à ses périphéries
donnent à l’empire un caractère hybride mais ces accommodements sont
également le signe de ses capacités d’adaptation l’inscrivant dans une durée.
❑ Fascination des Européens pour le « Grand Turc », rôle d’allié provisoire lorsque les
puissances européennes sont en conflit entre elles et cherchent une alliance de revers, ce dont
témoignent notamment d’une part Louis XIV et la Sublime Porte et d’autre part l’appui
allemand pour la construction du réseau ferroviaire du Bagdad Bahn à la fin de la période, qui
s’insère dans un effort de modernisation de l’empire.
❑ Ces atouts font de l’empire une puissance incontournable sur la scène internationale jusqu’au
XVIIIe siècle. L’Empire ottoman fut un des Etats les plus influents, dont la puissance, la
longevité et l’exotisme servirent d’inspiration a nombre d’artistes du reste de l’Europe. La
mode des turqueries puis de l’orientalisme s’exprimèrent par exemple dans : la littérature
(Molière, Le Bourgeois gentilhomme, 1670 ; Montesquieu, Les Lettres persanes, 1721 ; Hugo,
Les Orientales, 1829) ; la musique (Lully, Marche pour la cérémonie des Turcs, 1670 ;
Mozart, Die Entfuhrung aus dem Serail, 1782 ; Klavier sonate Nr. 11 Rondo „Alla Turca“,
1783 → écoute active) ; la peinture (Cogniet, L’Expédition d’Egypte sous les ordres de
Bonaparte, 1836 ; Ingres, Le Bain turc, 1862 ; Gérôme, Le Marchand de tapis au Caire, 1887)
; l’armée (spahis, zouaves et turcos portant la chechia, le burnous, la veste a parements, la
ceinture de laine et le séroual)
Le chemin de fer Berlin-Bagdad, plus connu sous son nom
allemand de Bagdadbahn, est une voie ferrée de 1 600 km de
long, construite entre 1903 et 1940 dans l’Empire ottoman et
ses États successeurs, pour assurer la liaison entre Konya
(Turquie actuelle) et Bagdad (Irak actuel).
https://www.laro
usse.fr/encyclop
edie/autre-
region/Empire_ot
toman/136521
Séquence et questionnaire vidéo
➔ Recentrer spécifiquement le premier documentaire sur la problématique de la puissance : Quels sont les fondements de la
puissance ottomane et en quoi cela valide-t-il ce que nous avons vu en introduction ?
Questionnaire 1 : Les origines et l’essor à rendre pour lundi 11 mai
Le dessous des cartes « Empire Ottoman : comment se fabrique un empire ? » 2004
https://www.youtube.com/watch?v=fPf2QLAr8mI
1. Quelle tribu turcomane est à l’origine de l’Empire ?
2. Localisez le berceau de l’Empire Ottoman.
3. Quelles réformes sont à l’origine de la puissance de l’Empire ?
4. A la fin du XIVe siècle, quel espace territorial est dominé par les Ottomans ?
5. Quels sont les facteurs de la puissance ottomane ?
6. Pourquoi la prise de Constantinople marque-t-elle une étape importante ?
7. Quels sont les territoires conquis durant la seconde moitié du XVe et au XVIe siècle ?
8. Quelles conquêtes ont une dimension religieuse particulièrement importante pour les musulmans ?
9. A quelle autre grande puissance l’Empire de Soliman est-il confronté ?
10. Quelles sont les sources de revenus de l’Empire Ottoman ?
11. Quelles sont les marques visibles de la puissance ottomane ?
12. Quelles étaient les caractéristiques de l’Empire Ottoman d’après la conclusion ?