L a préparation à la phase épidémique de Covid-19 s’est ouverte avec ce discours du président de la République. Le passage au stade 3, deux jours après, marque l’entrée dans une « organisation sanitaire exceptionnelle ». « L’enjeu consiste à assurer une bonne coordination entre les différents acteurs sur un terri- toire afin de sécuriser et fluidifier le parcours de soins des patients. 2 » La pandémie confronte l’ensemble des acteurs de santé à des questions organisationnelles majeures. Chacun tente d’y répondre collectivement et de façon collaborative. Toutes les forces sont mobilisées. Chacun se prépare à tenir dans la durée et en pro- posant des réponses pragmatiques et innovantes. Les principes du service public – continuité, muta- bilité et égalité – résonnent très fortement pour les acteurs de santé, engagés avec cette crise sanitaire dans une dimension exceptionnelle de « responsabilité populationnelle ». Le rôle et les ressources pivots du secteur hospitalier public, ainsi que la mobilisation d’outils d’organisation comme les groupements hospitaliers de territoire (GHT), sont essentiels dans la gestion de cette crise inédite. Le GHT Aube-Sézannais fait partie des douze GHT de la région Grand Est. La création en 2015 de la direction commune des Hôpitaux Champagne Sud (HCS) a anticipé celle des GHT (2016), assurant une gouvernance solide. Un objectif stratégique majeur, fixé lors de la création de la direction commune, consiste à garantir aux patients des HCS une sécurité et une qualité des soins identiques dans chaque établissement, avec le pôle transversal Évaluation, sécurité et qualité des soins (ESQS), né lors de l’élaboration du projet médical et de soins partagé (PMSP). À la demande de la Haute Autorité de santé, les HCS ont expérimenté un processus de certification commune en juin 2018. L’ensemble des établissements sont engagés depuis 2017 dans une politique commune et unique, représentative des intérêts collectifs et individuels, avec un fil conducteur : la sécurité. Dans la continuité de cette politique, une organi- sation de gestion de crise au niveau du GHT s’est imposée. Un comité de coordination des risques épidémiques et biologiques (COREB) a vu le jour le 24 février 2020 3 . Lorsque la crise sanitaire a atteint le stade 3, la gestion de crise « plan blanc » a été consolidée au sein du GHT afin d’en déployer les modalités exceptionnelles à l’échelle interétablis- sements, voire dans une articulation renforcée avec l’ensemble des acteurs de santé, du domicile et des institutions médico-sociales, publics et privés. Hôpitaux Champagne Sud Philippe BLUA Directeur général Dr Michèle COLLART Présidente du collège médical de groupement Josiane BILS Coordinatrice générale des soins et présidente de la commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) de groupement Dr Corinne LEJEUNE-FRÉMONT Responsable du pôle Évaluation, sécurité et qualité des soins Valérie FRIOT-GUICHARD Directrice générale adjointe « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons. 1 » Cette phrase prononcée par le président de la République lors de son discours du 12 mars 2020 peut être interprétée de deux façons : expliquer et s’expliquer sur les raisons qui ont conduit au développement d’une telle pandémie, mondiale et de ses conséquences, mais également tirer expérience de ce que mettent en œuvre, collectivement et dans des délais contraints, l’ensemble des acteurs de santé pour y faire face. Hôpitaux Champagne Sud Déclenchement d’un plan blanc Covid-19 à l’échelle d’un GHT Premiers enseignements d’une organisation territoriale 12 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE WWW.REVUE-HOSPITALIERE.FR DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
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Hôpitaux Champagne Sud Déclenchement d’un plan …...les acteurs de santé, engagés avec cette crise sanitaire dans une dimension exceptionnelle de « responsabilité populationnelle
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La préparation à la phase épidémique de
Covid-19 s’est ouverte avec ce discours du
président de la République. Le passage
au stade 3, deux jours après, marque
l’entrée dans une « organisation sanitaire
exceptionnelle ». « L’enjeu consiste à assurer une bonne
coordination entre les différents acteurs sur un terri-
toire afin de sécuriser et fluidifier le parcours de soins
des patients. 2 »
La pandémie confronte l’ensemble des acteurs de
santé à des questions organisationnelles majeures.
Chacun tente d’y répondre collectivement et de façon
collaborative. Toutes les forces sont mobilisées.
Chacun se prépare à tenir dans la durée et en pro-
posant des réponses pragmatiques et innovantes.
Les principes du service public – continuité, muta-
bilité et égalité – résonnent très fortement pour
les acteurs de santé, engagés avec cette crise
sanitaire dans une dimension exceptionnelle de
« responsabilité populationnelle ». Le rôle et les
ressources pivots du secteur hospitalier public,
ainsi que la mobilisation d’outils d’organisation
comme les groupements hospitaliers de territoire
(GHT), sont essentiels dans la gestion de cette
crise inédite.
Le GHT Aube-Sézannais fait partie des douze GHT
de la région Grand Est. La création en 2015 de la
direction commune des Hôpitaux Champagne Sud
(HCS) a anticipé celle des GHT (2016), assurant
une gouvernance solide. Un objectif stratégique
majeur, fixé lors de la création de la direction
commune, consiste à garantir aux patients des HCS
une sécurité et une qualité des soins identiques
dans chaque établissement, avec le pôle transversal
Évaluation, sécurité et qualité des soins (ESQS), né
lors de l’élaboration du projet médical et de soins
partagé (PMSP). À la demande de la Haute Autorité
de santé, les HCS ont expérimenté un processus
de certification commune en juin 2018. L’ensemble
des établissements sont engagés depuis 2017 dans
une politique commune et unique, représentative
des intérêts collectifs et individuels, avec un fil
conducteur : la sécurité.
Dans la continuité de cette politique, une organi-
sation de gestion de crise au niveau du GHT s’est
imposée. Un comité de coordination des risques
épidémiques et biologiques (COREB) a vu le jour le
24 février 20203. Lorsque la crise sanitaire a atteint
le stade 3, la gestion de crise « plan blanc » a été
consolidée au sein du GHT afin d’en déployer les
modalités exceptionnelles à l’échelle interétablis-
sements, voire dans une articulation renforcée avec
l’ensemble des acteurs de santé, du domicile et
des institutions médico-sociales, publics et privés.
Hôpitaux Champagne SudPhilippe BLUA Directeur général
Dr Michèle COLLART Présidente du collège médical de groupement
Josiane BILS Coordinatrice générale des soins et présidente de la commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) de groupement
Dr Corinne LEJEUNE-FRÉMONT Responsable du pôle Évaluation, sécurité et qualité des soins
« Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons. 1 » Cette phrase prononcée par le président de la République lors de son discours du 12 mars 2020 peut être interprétée de deux façons : expliquer et s’expliquer sur les raisons qui ont conduit au développement d’une telle pandémie, mondiale et de ses conséquences, mais également tirer expérience de ce que mettent en œuvre, collectivement et dans des délais contraints, l’ensemble des acteurs de santé pour y faire face.
Hôpitaux Champagne Sud
Déclenchement d’un plan blanc Covid-19 à l’échelle d’un GHTPremiers enseignements d’une organisation territoriale
12 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
Le dispositif intègre les plans bleusSuite à la canicule de 2003, chaque établissement de
santé doit être doté d’un plan détaillant les mesures à
mettre en œuvre en cas d’événement entraînant une
perturbation de l’organisation des soins, notamment
lors de situations sanitaires exceptionnelles. Ce
plan lui permet de mobiliser les moyens de réponse
adaptés à la nature et à l’ampleur de l’événement et
d’assurer aux patients une prise en charge optimale.
C’est le plan blanc 4.
Les effets de la décision, qui consiste à déployer un
dispositif, à l’échelle du GHT, pour apporter plus
d’efficacité à une organisation appelée à durer,
furent les suivants :
• déclenchement du plan blanc à l’échelle de l’en-
semble des établissements membres du GHT :
deux centres hospitaliers, dont l’établissement
support siège de Samu, deux hôpitaux de proxi-
mité, un établissement de santé mentale et deux
Ehpad autonomes, ainsi que le GCS Clinique de
Champagne ;
• mise en place de la cellule de crise à l’échelle
des établissements membres du GHT, avec deux
niveaux – stratégique et opérationnel – pour les
décisions organisationnelles majeures ;
• organisation de la gestion de crise à l’échelon GHT
avec les référents du pôle ESQS dans chaque éta-
blis sement. Des représentants des établissements
participent aux comités transversaux du GHT.
Au regard des différentes composantes du plan
blanc, ces échelons de pilotage sont exposés dans
le tableau ci-contre. Le dispositif intègre les plans
bleus 5 des Ehpad (déclenchés également) sans
que ceux-ci soient mentionnés à chaque étape du
pilotage. TABLEAU
Un pilotage GHT de gestion de criseCe pilotage s’appuie sur un organe de gouvernance
éprouvé à l’échelon du GHT et des comités ad hoc
créés en fonction des spécificités auxquelles étaient
confrontés les acteurs. Le 16 mars 2020, l’ensemble
des hôpitaux des HCS passe en plan blanc pour faire
face à l’augmentation prévisible de cas de Covid-19.
Un comité stratégique et six comités techniques
sont créés. SCHÉMA
1. Discours du président de la République du 12 mars 2020, Le Monde, 13-14 mars 2020.2. Phase épidémique Covid-19, guide méthodologique, version du 16 mars 2020, p. 4.3. Phase de préplan blanc, ou « plan de mobilisation interne », selon le guide d’aide à la préparation et à la gestion des tensions hospitalières et des situations exceptionnelles au sein des établissements de santé, ministère des Solidarités et de la Santé, 2019.4. Art. L. 3131-7 du CSP.5. Art. D. 312-155-4-1 du CASF.
PLAN BLANC TABLEAU DE PILOTAGE DES HCS TABLEAU
PLAN BLANC D’ÉTABLISSEMENT (ART. R 3 131-13 CSP)
AU NIVEAU DU GHT (DIRECTION COMMUNE)
AU NIVEAU DE CHAQUE ÉTABLISSEMENT DU GHT
1. Modalités de mise en œuvre de ses dispositions et de leur levée
• Coordination par le directeur général des HCS en lien avec les membres du comité stratégique des HCS
• Participation aux comités de gestion de crise GHT
• Remontée des problématiques
2. Modalités de constitution et de fonctionnement de la cellule de crise
• Coordination au niveau du comité stratégique des HCS
• Relais au sein de chaque établissement
3. Modalités adaptées et graduées d’adaptation des capacités et de mobilisation des moyens humains et matériels de l’établissement
• Organisation et gradation à définir au niveau du territoire
• Création d’un comité RH et d’un comité Approvisionnements
• Déclinaison au sein de chaque établissement
4. Modalités d’accueil et d’orientation des patients
• Principes d’accueil et d’organisation • Déclinaison au sein de chaque établissement
5° Modalités de communication interne et externe
• Coordonnées par le président du comité stratégique et du collège médical de groupement
• Modalités de communication internes
6. Plan de circulation et de stationnement • Propre à chaque établissement
7. Plan de sécurisation et de confinement • Décision de mise en œuvre • Mise en œuvre par chaque établissement
8. Plan d’évacuation • Décision de mise en œuvre • Propre à chaque établissement
9. Mesures spécifiques pour la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, notamment les accidents nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques
• Analyse partagée et discutée avec les experts du GHT
10. Modalités de formation et d’entraînement à la mise en œuvre du plan
Démarche managériale pour articuler les deux niveaux (GHT/établissements) et amener des réflexes communs entre tous les professionnels des établissements du GHT par un apprentissage collectif et une gouvernance partagée
Source : HCS, avril 2020.
Comité stratégique plan blancPilotes : DG HCS
présidente collège médical de groupement
Comité médicalChef de projet : présidente
collège médical de groupement
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Comité santé mentale
/soutien psychologiqueChefs de projet : directeur délégué
et PCME EPSM de l’Aube
Comité Ressources humainesChef de projet DRH établissement support
et présidente CSIRMT de groupement
Coordination des risques épidémiques et biologiques (COREB)
Chef de projet : responsable pôle transversalÉvaluation, sécurité et qualité des soins Comité Approvisionnement
Chefs de projet : directeur des achatset responsable pôle transversal PUI
CommunicationDirecteur
communication
Comité médico-socialChefs de projets : directeur délégué
Ehpad et médecin gériatre
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Cellule réanimation
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ORGANISATION PLAN BLANC COVID 19
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 13W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
Une gouvernance au sein du comité stratégique Covid-19Le comité stratégique, piloté conjointement par la
présidente du collège médical de groupement et le
directeur général des HCS, coordonne l’action des
comités techniques et prend les décisions exigées
par la situation. Il relaie les demandes de l’agence
Site de Brignoles : 580 rue des Lauriers, ZA NICOPOLIS - 83170 BRIGNOLES
Site de Clermont-Ferrand : Cap 4000, 2 Allée Alan Turing - 63170 AUBIÈRE
Site de Lille : 13 allée Lakanal, 59650 VILLENEUVE D’ASCQSite de Paris : 5 Rue d’Alger 75001 PARIS
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REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 17W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
18 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
KPMG : une offre de conseil dédiée
Rencontre avec Alaa Redissi, Senior Manager (Santé - Secteur Public) au sein de KPMG. Avec plus de 10 ans d’expérience dans les établissements de santé (AP-HP) et le conseil, il revient sur le positionnement et l’offre de conseil KPMG dans le secteur hospitalier. Il nous explique également comment le cabinet accompagne ces différents acteurs sur des projets stratégiques et leur mise en œuvre opérationnelle.
KPMG dispose d’une offre de
Au-delà de son cœur de métier historique (le commissariat aux comptes), KPMG
de développer une offre conseil
et médico-social. Ce positionnement et cette stratégie ont été renforcés par le rapprochement avec le groupe ENEIS, un cabinet spécialisé de longue date dans le conseil en santé publique. Sur ce segment, KPMG a aussi fait le choix de se doter d’une équipe de consultants pluridisciplinaires et expérimentés avec une expertise avérée sur ces sujets, sans compter le réseau d’experts, cabinets partenaires et son réseau de bureaux à l’international. Aujourd’hui, nous avons la capacité d’accompagner aussi bien les acteurs institutionnels nationaux et territoriaux (ARS et collectivités) que les établissements de santé et médico-sociaux, dans la conception et la mise en œuvre de leurs projets.
Le secteur de la santé a connu des évolutions majeures durant les vingt dernières années, et à mon avis de ce n’est pas prêt de s’arrêter. Ces évolutions que vit l’hôpital sont teintées de réformes budgétaires et juridiques
Alaa Redissi,Senior Manager (Santé - Secteur Public) au sein de KPMG
PUBLI-RÉDACTIONNEL | KPMG
mais aussi de transformations organisationnelles, architecturales et de transitions numériques...Ces changements nous poussent à continuellement adapter et faire évoluer notre offre qui couvre concrètement deux volets :• Un volet stratégique : accompagner les
établissements publics et privés mais aussi les GHT dans le développement de partenariats, de projets médicaux et projets d’établissements.
• Un volet organisationnel via l’optimisation des plateaux techniques (bloc opératoire et
parcours patient et l’amélioration de la qualité des soins au travers notamment du développement de la chirurgie ambulatoire et de la RAAC (Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie)…
offres sur-mesure et personnalisées pour répondre aux besoins et enjeux propres à chacun des acteurs.
En ce qui concerne les projets liés à l’optimisation des parcours patients, les travaux et réflexions menés s’arrêtaient généralement aux portes de l’hôpital et donc à la sortie du patient. Aujourd’hui, notre approche va un cran au-dessus pour accompagner le patient jusque chez lui et/ou chez son médecin
traitant. Cela s’inscrit dans une approche d’innovation organisationnelle, de renforcement du lien ville-hôpital et de digitalisation des parcours. L’enjeu est ainsi de garantir une meilleure qualité des soins, une sécurité et une continuité de la prise en charge. Nous travaillons aussi sur l’optimisation des plateaux techniques, des PUI, des unités de préparation de chimiothérapies mais aussi des unités de stérilisation avec la volonté de décloisonner ces secteurs dans une optique de mutualisation et/ou territorialisation. À ce titre, nous accompagnons ainsi plus d’une vingtaine d’établissements dans cette démarche et avons développé une
approches et outils éprouvés.
Depuis le début de la crise, KPMG est aux cotés des acteurs hospitaliers et médico-sociaux pour les soutenir et les
de Coronavirus. Soucieux de renforcer notre soutien technique et méthodologique auprès de nos partenaires, nous souhaitons aujourd’hui capitaliser les expériences
ligne un corpus de connaissances et de
d’autres établissements.
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 19W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
KPMG, revient pour nous sur l’activité de commissariat aux comptes auprès des établissements publics de santé. Il nous en dit plus sur la mise en place de cette obligation, ses particularités et les perspectives qu’elle peut offrir à ces établissements.
de la Loi « Hôpital, Patients, Santé et
tout un cadre légal qui vient contribuer
attendu de la part des établissements de santé, notamment publics. Cette
ce qui a été mis en place dans d’autres établissements publics comme les universités publiques qui ont déjà des commissaires aux comptes. Dans cette continuité, KPMG s’est positionné pour participer au mouvement
cabinet dispose de compétences dans les établissements publics aussi bien au niveau des métiers de l’audit, du conseil, mais aussi une forte compétence sectorielle santé opérant déjà en tant que commissaire aux comptes de groupes de cliniques privées et d’établissement de santé privé d’intérêt collectif (groupement de coopération ou d’association). Concrètement, la DGOS et la DGFIP en lien avec la Cour des comptes ont lancé une première phase autour de l’accompagnement et de la préparation à
l’arrivée du commissaire aux comptes. Sur cette phase qui a duré 3 ans, KPMG a accompagné près d’une quinzaine d’établissements sur cette mission de
des procédures pour la sécurisation des dispositifs de contrôle interne, réflexion
Associé et Directeur régional Nord au sein de KPMG
la qualité comptable…).
à hauteur de 100 millions d’euros de recette. Près de 160 établissements sont concernés et KPMG est le commissaire aux comptes de plus de 30 établissements. Dans ce cadre, le cabinet s’est positionné sur une expertise métier au travers d’équipes de commissaires aux comptes spécialistes du domaine de la santé et sur une proximité régionale avec ces établissements. Nous avons mené un travail au cœur des processus de ces établissements
informations et des données. Notre vision est que le commissaire aux comptes aujourd’hui ne doit pas uniquement être en lien avec la direction
mais il doit aussi travailler avec les directions des services fonctionnels pour
permettent l’élaboration de l’information
médicales, achats, pharmacie, recherche, DIM, Recettes, Patrimoine…).Nos clients partagent cette vision et nous perçoivent comme un acteur important
et de la sécurisation des processus.
KPMG a la volonté de promouvoir une démarche transversale basée sur la notion de partenariats avec les établissements. Si le cadre légal leur a imposé un commissaire aux comptes, notre idée est de transformer cette obligation en opportunité pour apporter de la transparence, de la qualité et de la légitimité sur les comptes vis-à-vis des acteurs internes et externes.La mission du commissaire aux comptes doit donc être appréhendée en mode
enjeux, poser un calendrier clair qui prend en compte les recommandations et axes d’amélioration, de garantir l’implication du commissaire aux comptes dans le processus de clôture… Cela permet aussi d’être proactif et dans une posture d’anticipation pour mieux comprendre les faits marquants et les changements de processus, ainsi que leur impact sur la
nous avons pu voir que les établissements qui ont adopté cette méthodologie de gestion de projet ont réussi à maintenir
présence du commissaire aux comptes.
de sa mission légale, le commissaire aux comptes peut apporter des services complémentaires sur des aspects ponctuels (évolution règlementaire, structurelle, projets de fusion entre établissements…) et être un levier d’accélération des prises de décisions.
E n complément de son offre habituelle,
l’équipe des coachs du CNG (encadré
ci-contre) a développé une offre ren-
forcée, ouverte à tout directeur ou
praticien hospitalier, déjà accompa-
gné ou non. Cet article présente les modalités
particulières mises en place et les thématiques
plus spécifiques abordées dans nos accompa-
gnements en cette période inédite.
Des modalités adaptées au contexte Les entretiens individuels de coaching program-
més se poursuivent. Nos modalités d’entretien
ont cependant été adaptées aux conditions de la
crise, et le face-à-face remplacé par des entre-
tiens au téléphone ou en webcam. Nous avons
réalisé une adaptation de format, limitant les
rendez-vous, lorsque la situation s’y prête, à une
heure de coaching (contre une heure et demie à
deux heures habituellement). Nous avons répondu
à une demande de cadence plus rapprochée des
entretiens (tous les quinze jours en moyenne). Ces
rendez-vous sont considérés comme des jalons
d’appui qui suivent l’évolution des situations.
Pour les professionnels non accompagnés avant
le début de la crise sanitaire, des séances d’ac-
compagnement ponctuel sont proposées. Cet
accompagnement permet à ceux qui le souhaitent
d’aborder les sujets professionnels qu’ils ren-
contrent au cours de cette période et sur lesquels
ils souhaitent réfléchir dans un court délai.
Les ateliers prévus entre mars et mai (notam-
ment « Développez votre posture managériale »
ou les ateliers de co-développement) sont repor-
tés, mais ils trouveront un sens renforcé à l’issue
de cette période. En l’attente, nous mettons en
place des ateliers pilotes de coopération entre
pairs par webcam, de courte durée (deux heures),
visant à traiter de situations professionnelles
spécifiques à la crise.
L’équipe de coachs du Centre national de gestion (CNG)
Le Centre national de gestion propose depuis
douze ans une offre de coaching. Pour aider directeurs
et praticiens hospitaliers à faire face à la crise
sanitaire, le CNG a adapté et renforcé ses dispositifs
d’accompagnement professionnel. Le coaching
professionnel trouve en effet naturellement son utilité
en temps de crise, quand un – court – arrêt permet
de prendre du recul sur le présent, de mieux prioriser
ses actions et d’identifier des manières d’agir plus
adaptées à un environnement incertain, transformé
de façon majeure.
Accompagnement managérial en situation de crise sanitairePremiers retours des coachs du CNG
LES COACHS DU CNG
Les prestations d’accompagnement individuel et collectif sont assurées par une équipe de coachs du
bureau mobilité développement professionnel (BMDP). Cette équipe dédiée aux activités d’accompagnement professionnel a été mise en place dès 2008 lors de la création du CNG. Elle comprend sept professionnels confirmés aux parcours diversifiés, issus des secteurs public et privé. Les coachs ont une pratique avérée en termes d’accompagnement de cadres supérieurs et de dirigeants. Ils bénéficient d’une formation initiale et continue au coaching et à d’autres approches de l’accompagnement, et d’une supervision individuelle régulière. Les accompagnements conduits par le BMDP respectent les exigences professionnelles et déontologiques formulées par les fédérations de coaching.
20 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
ACCOMPAGNEMENT MANAGÉRIAL EN SITUATION DE CRISE SANITAIRE
Cette crise a-t-elle modifié les thématiques de nos accompagnements ?>> Les thématiques émergentes Les sujets abordés au cours de ces entretiens
concernent en premier lieu le management, avec
trois problématiques principales :
• la décision organisationnelle : décider plus vite,
plus souvent, définir les priorités et arbitrer, à
quoi renoncer et comment garder une vision
stratégique ;
• le management des équipes sur les questions
d’adhésion, de coopération et de mobilisation dans
la durée. Pour bon nombre d’équipes, solidarité
et coopération se mettent en œuvre sans diffi-
culté, et même parfois au-delà de ce qui pouvait
être attendu. Les réalités demeurent cependant
inégales. De nombreux managers se posent des
questions : comment lever les
freins au changement organisa-
tionnel ? Comment mobiliser les
équipes, les soutenir sur le temps
long ? Comment rassurer et porter
attention à chacun des membres de
l’équipe et au collectif ? Comment
garder la confiance en soi et la
transmettre aux équipes ? Comment travailler
autrement, encourager la créativité pour des solu-
tions hors norme ?… ;
• le maintien de la capacité de réflexion stratégique,
ou comment concilier l’urgence et le flot (la crise
permanente), notamment pour « l’après ». La place,
le rôle du manager et sa posture sous-tendent
ces trois thèmes.
Une thématique récurrenteL’organisation de la communication intervient en thé-
matique récurrente. Là aussi, autour de trois sujets.
L’orchestration du flux d’informations et des direc-
tives organisationnelles tout d’abord. Puis l’objectif
de rassurer les équipes, parfois les résidents et leurs
familles – secteur social et Ehpad - et d’apaiser les
éventuelles tensions. Enfin, l’annonce de mauvaises
nouvelles. Ces thèmes recoupent les questions
de fond (que dire, à qui ?) comme de forme (mode
opératoire, posture…).
Ces sujets managériaux et de communication néces-
sitent souvent, pour les personnes accompagnées
dans le cadre de cette crise, d’aborder des questions
plus individuelles.
En premier lieu la gestion de l’incertitude et de
l’inédit dans une crise qui dure. Cela concerne aussi
bien la gestion du temps, la pénurie effective ou
attendue des ressources, l’attente face « à la vague
qui va arriver », la perte de repères et de sens (pour
soi-même et /ou son équipe). La gestion du stress
est bien sûr présente, exacerbée par les décès de
patients, les risques d’infection, la surcharge ou
les demandes de soutien renforcé des personnels.
La thématique du « prendre soin de soi » et de ses
équipes est presque systématiquement abordée dans
nos entretiens. Chaque professionnel est amené à
identifier les appuis et ressources qui lui permet-
tront de traverser cette crise, y compris dans le lien
social hors de l’hôpital.
Les questions éthiques s’invitent également dans
les entretiens d’accompagnement, sur les choix
médicaux et organisationnels, l’intérêt général,
l’équité et la protection des soignants.
Et maintenant ?S’il est difficile de tirer des enseignements à ce
stade de la crise, le constat apparaît d’ores et déjà
que les enjeux de l’accompagnement de dévelop-
pement professionnel en milieu hospitalier – la
complexité, la surcharge et l’urgence – ressortent
naturellement renforcés.
La plupart des professionnels que nous accompagnons
anticipent dès à présent les besoins de l’après-crise.
Ils s’interrogent sur les changements que cet épisode
va engendrer à moyen et long termes. Il est trop tôt
pour savoir dans quelle mesure cette crise consti-
tuera un levier de changement. Quoi qu’il en soit,
certains médecins et directeurs notent déjà qu’elle
a permis l’émergence de nouvelles ressources et
de nouvelles manières d’agir individuellement et/ou
collectivement. Nous y reviendrons dans un prochain
article, à distance des événements actuels.
La thématique du « prendre soin de soi » et
de ses équipes est presque toujours abordée
dans nos entretiens. Chaque professionnel
est amené à identifier les appuis et ressources
qui lui permettront de traverser cette crise.
DÉFINITION DU COACHING
Le coaching professionnel consiste à accompagner des personnes ou des équipes afin de développer
leurs potentiels et savoir-faire dans le cadre d’objectifs professionnels (Société française de coaching).
CHIFFRES CLÉS
Depuis 2008, plus de 2 000 professionnels ont été accompagnés par le BMDP du CNG en individuel,
1 000 en ateliers collectifs.
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 21W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
Monsieur le Ministre,Par une saisine du 25 mars 2020, vous avez sou-
haité recueillir l’avis du CCNE sur la question du
renforcement des mesures de protection dans les
établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes (EHPAD) et les unités de soins
de longue durée (USLD). Dans le contexte d’état
d’urgence sanitaire, qui s’accompagne de mesures
restrictives des libertés publiques et individuelles, le
CCNE est donc sollicité pour apporter un éclairage
éthique sur la question suivante : « Au regard de ses
avantages sur le plan de la santé publique mais aussi
des conditions à mettre en œuvre pour garantir le
respect du confinement par les résidents, y compris
les résidents atteints de troubles cognitifs, une décision
nationale de confinement préventif de l’ensemble des
résidents paraît-elle justifiée ? Si oui, quels garde-fous
devraient être prévus par le Gouvernement ? »
Au préalable, il conviendra de noter que la réponse
à cette saisine, attendue dans des délais très courts
compte tenu de l’urgence d’une prise de décision
en la matière, est difficilement compatible avec
une réflexion éthique approfondie qui suppose un
regard pluridisciplinaire sur la question posée et la
possibilité d’un dialogue confrontant des opinions
pouvant être différentes. Néanmoins, malgré ce
temps court, le CCNE a rapidement mis en place
un groupe de travail1 qui s’est réuni le 27 mars
2020, puis a élaboré un projet de lettre de réponse
transmis, dans la même journée, à l’ensemble des
membres du CCNE, et discuté avec eux.
La présente réponse synthétise ces discussions en
assumant une modestie délibérée dans les circons-
tances actuelles. Il s’agit pour le CCNE de proposer
quelques repères simples : (1) rappeler les avis et
principes éthiques les plus généraux ; (2) prendre
avec toute la modestie requise la pleine mesure de
la situation d’urgence actuelle, notamment pour les
soignants ; (3) évoquer quelques pistes concrètes
pour le respect des principes dans ce contexte
particulier.
Le CCNE a été amené à se prononcer à plusieurs
reprises sur les enjeux éthiques liés à la prise
en charge de patients en cas de pandémie, dans
son avis 106 de 2009 sur « Les questions éthiques
soulevées par une possible pandémie grippale » et
dans sa contribution récente du 13 mars 2020 sur
« Enjeux éthiques face à une pandémie ». Par ailleurs,
dans son avis 128 (Enjeux éthiques du vieillisse-
ment, 2018), le CCNE avait interrogé le sens de la
Karine LEFEUVRE Présidente par intérim du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
François ANSERMET, Pr Régis AUBRY, Sophie CROZIER, Pierre DELMAS-GOYON, Pierre-Henri DUÉE, Frédéric WORMS
La FHF remercie chaleureusement le CCNE - membres du groupe de travail et membres du comité plénier qui ont contribué à la rédaction du texte - pour leur accord à la reproduction de cet avis.
Plusieurs enjeux éthiques ont été soulevés, dans le
cadre de la crise sanitaire COVID-19, par les mesures de
protection au sein des établissements d’hébergement
pour personnes âgées. Le Gouvernement a souhaité
être éclairé par le Comité consultatif national d’éthique
sur les conditions dans lesquelles ces décisions
peuvent être mises en œuvre, en particulier dans les
établissements accueillant des personnes atteintes de
troubles cognitifs. Le CCNE a rendu son avis le 30 mars
2020. En raison de l’importance de ce texte, préparé
par un groupe de travail restreint et complété par les
contributions des membres du comité plénier, notre
revue a souhaité le publier, avec l’autorisation du CCNE.
Renforcement des mesures de protection en EHPAD et USLDRéponse du CCNE à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé
22 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
RENFORCEMENT DES MESURES DE PROTECTION EN EHPAD ET USLD
concentration des personnes âgées entre elles
dans des établissements dits d’hébergement.
Enfin, un travail de veille réalisé durant la gestion
de la crise COVID-19 concernant les personnes
vulnérables du fait de l’âge, du handicap ou de
l’état psychiatrique avait dégagé les probléma-
tiques éthiques relatives à la rupture de la relation
en raison du confinement et de l’interdiction de
visites des familles en EHPAD2, le risque affectif
de l’isolement, d’une séparation absolue d’avec
les autres, en particulier d’avec la famille et les
personnes significatives pour chacun, s’ajoutant
alors au risque épidémique.
Au regard de ces travaux et dans le contexte actuel,
le CCNE rappelle que les principes éthiques fon-
damentaux doivent être respectés. L’urgence sani-
taire peut justifier que des mesures contraignantes
soient, à titre exceptionnel et temporaire3, exercées
pour répondre à la nécessité d’assurer la meilleure
protection possible de la population contre la pan-
démie, mais cette situation d’urgence ne saurait
autoriser qu’il soit porté atteinte aux exigences
fondamentales de l’accompagnement et du soin,
au sein de l’établissement ou en structure hospi-
talière. Le respect de la dignité humaine, qui inclut
aussi le droit au maintien d’un lien social pour les
personnes dépendantes4, est un repère qui doit
guider toute décision prise dans ce contexte où les
équipes soignantes et administratives, ainsi que les
auxiliaires de vie, dont le dévouement exemplaire
est à juste titre souligné par tous, sont de plus en
plus confrontés à des situations dramatiques. Ces
situations engendrent aussi des risques croissants
pour eux-mêmes et leurs proches, qui enferment
les soignants dans ce dilemme : se dévouer pour
soigner, avec le risque pour soi-même et les autres
d’être infecté par le soin que l’on prodigue.
Le CCNE avait déjà alerté, dans son avis 128, de
la situation parfois difficile que rencontraient les
personnes âgées dans les établissements d’héber-
gement. La crise sanitaire actuelle est révélatrice
du manque de moyens préexistants, notamment
humains, dans ces établissements. La pénurie
de personnels et des ressources indispensables
aujourd’hui (masques de protection, tests de détec-
tion), dans un contexte d’isolement déjà installé,
exacerbe les difficultés auxquelles les profession-
nels de santé doivent faire face dans l’urgence.
Toute mesure contraignante restreignant les liber-
tés reconnues par notre État de droit, notamment la
liberté d’aller et de venir, doit être nécessairement
limitée dans le temps, proportionnée et adéquate
aux situations individuelles. Elle doit être explicitée
aux résidents, aux familles et aux proches-aidants,
et soumise à contrôle.
Un renforcement des mesures de confinement
pour les résidents des EHPAD et des USLD, voire
des mesures de contention pour ceux dont les capa-
cités cognitives ou comportementales sont trop
altérées pour qu’ils puissent les comprendre et
les respecter, ne saurait être décidé de manière
générale et non contextualisée, tant la situation
des établissements diffère.
Le CCNE rappelle vivement que l’environnement
familial ou amical dont les résidents ne peuvent
plus momentanément profiter est, pour nombre
d’entre eux, le lien qui les rattache au monde exté-
rieur et leur raison essentielle de vivre, comme en
témoignent de façon unanime les professionnels
de terrain. Les en priver de manière trop brutale
pourrait provoquer une sérieuse altération de leur
état de santé de façon irrémédiable et même enlever
à certains le désir de vivre. La prise de conscience
de cette situation est aussi de nature à causer à
leurs proches une souffrance majeure à laquelle
il faut être particulièrement attentif.
Avant toute prise de décision au cas par cas et pour
tempérer la rigueur incontestable des mesures
d’isolement et de contrainte, tous les moyens
(humains et ressources) doivent être identifiés
et mobilisés, dans chaque établissement : person-
nels disponibles, y compris dans l’environnement
de l’établissement, utilisation contrôlée de locaux
disponibles et d’espaces extérieurs ou de loisirs,
recours aux nouvelles technologies de commu-
nication numérique, dans le respect des règles
générales de prévention.
Le déploiement rapide de moyens humains néces-
saires pour remplacer les professionnels arrêtés
pour maladie afin que les soins de base (se nourrir,
se laver, se déplacer) soient toujours assurés, ainsi
que des moyens supplémentaires (par exemple,
pour assurer la protection sanitaire et l’accompa-
gnement) est nécessaire en ce domaine, en n’omet-
tant pas de prévoir des moyens humains nouveaux
en compétences, pour faciliter des médiations à
1. Ce groupe de travail était composé des personnes suivantes : François Ansermet, Régis Aubry, Sophie Crozier, Pierre Delmas-Goyon, Pierre-Henri Duée, Karine Lefeuvre et Frédéric Worms.2. Bulletin de veille du CCNE, 23 mars 2020.3. En spécifiant cependant la date précise de fin de cette période.4. Voir la référence au risque de « rupture de la dynamique sociale » qui ressort de l’enquête nationale Éthique/COVID-19 Grand âge et maladies neuro-évolutives, 26 mars 2020, ERER Île-de-France.
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 23W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
distance entre la famille et les résidents confinés,
ainsi que la présence de volontaires bénévoles, sou-
vent indispensables pour permettre, par exemple,
l’utilisation effective des nouvelles technologies par
des populations qui n’en ont pas toujours la maîtrise,
s’agissant des résidents comme des personnes de
l’environnement familial.
À titre d’exemple, l’espace de liberté laissé aux
résidents, nécessairement variable selon les éta-
blissements, et au sein même de chacun d’entre eux,
pourrait se traduire par l’organisation de secteurs
séparés, les uns réservés à l’accueil de personnes
chez lesquelles la recherche de l’infection par le
COVID-19 s’est révélée positive, les autres aux rési-
dents non atteints, mais pour lesquels un dépistage
régulier permettrait de réévaluer périodiquement
le statut infectieux de la personne.
La préservation d’un espace de circulation physique,
même limité, nous semble impérative en dépit des
mesures d’isolement, afin d’éviter que le confine-
ment, quelle que soit sa justification au regard des
impératifs de santé publique, ne devienne pour ceux
qui n’ont plus la liberté de choisir leur cadre et leur
mode de vie, une mesure de coercition.
Pour les résidents « testés négativement », la visite de
être autorisée, dans des conditions strictes de sécurité
sanitaire5. Cette proposition exige évidemment que
des tests puissent être proposés à grande échelle.
Concernant les familles et les proches aidants
qui souhaitent que le résident puisse au moins
temporairement les rejoindre à leur domicile, de
telles initiatives devraient être encouragées, après
avoir bien entendu recueilli l’assentiment du résident
et pratiqué des tests permettant de prévenir des
risques de contamination intrafamiliale. Une aide
appropriée devrait être apportée à ces familles pour
leur permettre de dispenser les soins nécessaires.
Ces préconisations ne peuvent être mises en œuvre
que si les établissements disposent de la possibilité
d’assurer les tests de dépistage du COVID-19 auprès
des personnels et des résidents.
Le CCNE rappelle donc l’impérieuse nécessité de
faciliter la mise en place des tests de dépistage dans
ces établissements et l’accès aux moyens de protec-
tion pour le personnel, comme pour les résidents.
Enfin, un accueil organisé pour les familles et
les proches aidants, parfaitement régulé et sécu-
risé avec les protections qui s’imposent, pourrait
également être envisagé, en particulier pour les
résident(e)s en fin de vie.
Concernant plus particulièrement les personnes
présentant des troubles cognitifs, vouloir leur impo-
ser un confinement est extrêmement complexe,
pouvant engendrer d’autres risques, notamment
la décompensation psychique. Comment imposer
une mesure de restriction des libertés qui ne peut
pas être comprise, entre autres parce que les enjeux
ne peuvent pas être mémorisés ?
Les mesures de santé publique et de confinement
reposant sur le principe de la compréhension, par
chacun, de ces dynamiques de solidarité, qu’en est-il
des personnes qui ne sont plus en état d’assumer
leur propre responsabilité, mais qui vivent encore
à domicile ou en établissement ouvert (résidence
autonomie, EHPAD hors secteur fermé) sécurisé
par la routine soignante instaurée au quotidien,
désorganisée aujourd’hui par défaut de soignants6 ?
Faudra-t-il aller jusqu’à contraindre ces personnes
en leur appliquant des mesures de contention, phy-
sique ou pharmacologique ? La réponse à cette
question complexe est loin d’être évidente, mais pour
chaque situation, cette question doit être posée et
la réponse élaborée en fonction du contexte spéci-
fique. Elle doit être surtout le fruit d’une discussion
préalable, interdisciplinaire et collégiale, associant
des échanges avec des personnes extérieures à
l’institution, comme les professionnels des équipes
mobiles de gériatrie, ainsi que les proches, sans
jamais oublier que l’on peut nier l’humanité de la
personne en niant le sens qu’a sa déambulation.
Tout renforcement des mesures de confinement
doit ainsi être décidé par le médecin coordonnateur
et le directeur de l’établissement, en lien avec les
instances et tutelles dont ils dépendent. Il doit être
adapté aux capacités de chaque établissement,
avec une information, constamment tracée et en
toute transparence, des mesures prises à l’adresse
des professionnels de santé, des personnels et
bénévoles des établissements, des usagers et de
leurs familles et des proches aidants, ainsi que
des citoyens.
Pour la mise en œuvre pratique de ces préconi-
sations, le CCNE rappelle sa recommandation
du 13 mars 2020 de mettre en place des cellules
éthiques de soutien.
5. Si cela s’avérait difficile, cette mesure pourrait être réservée aux seuls résidents (négatifs) en phase terminale de fin de vie.6. La désorganisation de cette routine par défaut des soignants ne risque-t-elle pas de majorer l’anxiété (dans un contexte déjà anxiogène) et, par extension, de contribuer à la survenue de troubles du comportement, qui majoreront eux-mêmes la situation initiale et seront responsables de besoins d’hospitalisations exposant alors paradoxalement ces populations déjà vulnérables au COVID-19 ?
24 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
La digitalisation intelligente qui fait battre les cœurs
Les systèmes de coordination et de soutien d’Opal Solutions ont fait leur preuve. Ils permettent aux équipes soignantes de s’autoorganiser pour augmenter la QVT et améliorer la santé au quotidien. Le point avec Xavier Rouby CEO
Opal Solutions recentre la santé sur l’humain. Quelques mots pour nous en dire plus.Notre objectif est de rendre du temps au personnel soignant pour qu’il puisse se consacrer au patient. Le but est aussi de l’équiper de systèmes
et plus fluide, une communication directe entre le terrain et les cadres, avec un mélange de qualitatif et de quantitatif. Pour nous, l’expression du ressenti est centrale. Nous sommes, en effet, orientés vers l’humain même s’il s’agit de mathématique et de data.Nos solutions favorisent les mécanismes d’aide, d’entre-aide, de support et d’expression-communication. Cela répond aux problématiques actuelles telles que la crise des EHPAD, le mouvement des blouses blanches, les burn-out, la pénurie de personnel et les problématiques de recrutement…Nous mettons en œuvre des solutions innovantes pour soulager l’humain dans son travail au travers d’outils modernes. En outre, nous déployons la digitalisation intelligente au service de la qualité de vie au travail (QVT). Les valeurs ajoutées qu’offre notre solution aux personnels soignants tournent autour de : •
réduction de la charge mentale ;• L’automatisation des encodages et
des reportings ;
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• L’interopérabilité avec les systèmes
d’or de la data existante dans l’hôpital.
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statistiques passées, qu’actuelles tout en anticipant le futur.Parce qu’un service de pédiatrie et un service de gériatrie, par exemple, sont très différents, nous avons la capacité de mesurer de manière précise la charge de travail via la gestion
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REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 25W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
angoisses d’abandon, troubles du comportement et,
plus simplement, de leurs difficultés à se mouvoir
et à effectuer les actes de la vie quotidienne.
Le troisième est le risque de colère, désespoir
et culpabilité ressentis par les familles dans
l’impossibilité de visiter, nourrir, égayer, vêtir, sortir,
aimer, caresser, embrasser, partager, écouter ce que
leurs pauvres mains et regards tristes ont à raconter.
Dans ce contexte, pour nos patients Alzheimer qui
ont oublié jusqu’à l’usage même d’un téléphone,
qui ne peuvent plus lire ou entendre, toutes les
solutions de dématérialisation de ces contacts ne
sauraient fonctionner qu’avec un médium humain :
celui des soignants.
Le quatrième est le risque de décrochage éthique,
quand l’heure douloureuse des choix de priorisation
de réanimation se fait jour.
Quand le principe précaution vient bousculer les libertés individuellesDéjà, pour la plupart des personnes très âgées et
polypathologiques, souffrant de troubles cogni-
tifs, institutionnalisées, le confinement au fauteuil,
chambre, en unité protégée, en unité cognitivo-com-
portementale (UCC), en unité d’hébergement renfor-
cée (UHR) est chose courante, dans leurs intérêts,
nous dit-on : pour éviter toute chute, toute errance,
toute fugue, par principe de précaution lié au prin-
cipe de responsabilité. Cela, nous le compre nons,
mais nos aînés sont aussi des citoyens gouvernés
par les mêmes lois depuis la Révolution française,
celles de respecter leur liberté d’aller et venir au
sein de leurs institutions. Comment faire alors pour
nos patients âgés désorientés déambulants ? Des
recommandations publiées en 2004 réaffirment
cette liberté fondamentale en s’appuyant sur les
notions d’autonomie, de vie privée et de dignité de la
personne. En établissements sanitaires et médico-
sociaux, la liberté d’aller et venir relève du respect
Dr Véronique LEFEBVRE DES NOËTTES Psychiatre de la personne âgée, AP-HP Docteure en philosophie pratique et éthique médicale Chercheure associée LIPHA UPEC EA 7373
À l’heure du confinement pour tous, afin en
particulier de protéger nos « aînés », quels sont les
de ne plus être visités, de crainte de les contaminer
du virus Covid19 ? Vont-ils être les premières
victimes d’un « choix », selon une barrière d’âge, pour
préserver des vies plus « dignes » d’être réanimées,
selon une dynamique de médecine de guerre,
et ce faute de moyens techniques pour tous ?
Du confinement des personnes âgéesQuels risques ? Quels remèdes ?
Notre société, qui se veut généreuse en
termes médico-sociaux, découvre ces
héros en blouses blanches qui ne font
que leurs métiers, mais qui crient aussi
leurs difficultés à l’exercer correcte-
ment depuis plus de dix ans.
Problèmes éthiquesLe premier est le problème juridique et sociétal du
confinement subi par les personnes âgées qui ne
peuvent demeurer au domicile, du fait de troubles
du comportement liés à une maladie neuro-évolutive
et à leurs polypathologies.
Le deuxième réside dans les risques engendrés par
cet isolement psychosocial sur les personnes âgées
et leur santé mentale, cognitive et physique. Avec,
faute de stimulations sensorielles et cognitives,
une acutisation de leurs démences, dépressions,
26 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
DU CONFINEMENT DES PERSONNES ÂGÉES
des droits du malade et de l’usager, édictés par les
lois du 4 mars 2002 et 2 janvier 2002.
Excepté les dispositions relatives à l’hospitalisa-
tion sans consentement, il n’existe pas de base
légale à la restriction de la liberté d’aller et venir
en établissements sanitaires et médico-sociaux.
Néanmoins, la conférence de consensus de 2004
a identifié trois raisons pouvant légitimer une
limitation.
Tout d’abord, celles qui tiennent à la sécurité et
visent à protéger la personne d’elle-même, ou
les tiers. Elles doivent être justifiées, précisées et
connues.Ensuite, des raisons médicales ou para-
médicales, si elles sont expliquées et acceptées par
l’intéressé. Enfin, des contraintes de soins et l’orga-
nisation interne d’un établissement sanitaire. Toute
restriction ne peut s’envisager que si le bénéfice
retiré est supérieur aux risques éventuels induits.
Il nous est demandé, et nous le fai-
sons avec professionnalisme, mais
surtout au cas par cas, d’apporter une
réponse humaine, organisationnelle
et architecturale à la nécessité de
restreindre la liberté d’aller et venir.
Toutes les solutions possibles doivent
être recherchées et examinées. Le
choix de la mesure doit être équilibré et celle-ci
proportionnelle à l’état de santé de la personne.
Or, récemment, par souci de ne pas diffuser le virus
en Ehpad ou institutions gériatriques, le conseil
scientifique suggère1 de confiner en chambre nos
malades déments déambulants, quitte à les sédater
ou à les contentionner au fauteuil. Or, nos malades
déments ne comprennent pas la situation. Aussi
devrions-nous plutôt organiser des déambulations
sécurisées internes ou externes au sein d’unités
Covid-19 dédiées2, ou dans les jardins attenants
de ces unités, accompagnées par nos soignants
protégés par des masques et tenues de protection.
Restrictions de la liberté d’aller et venir : quelles conséquences ?Le confinement injustifié, le manque de moyens
et l’insuffisance de formation des professionnels
sont les principales sources de la maltraitance.
Évidemment, on peut comprendre l’inquiétude
de cette fille ayant « perdu » sa mère partie « la
chercher à l’école » la nuit, en pantoufles et chemise
de nuit ; on peut comprendre cette autre, affolée
par les chutes à répétition de son père qui se lève
toutes les nuits pour bricoler et pour lequel sa fille
demande une institutionnalisation en urgence. Mais
cette tension entre protéger une personne vulné-
rable et décider de son sort peut-elle se passer
d’une nécessaire anticipation ? Du tissage de liens
de confiance entre une équipe qui va du médecin
traitant à l’hôpital, jalonné de moments propices à
réflexions, à confrontations, à délibérations, et du
colloque singulier ? Tout cela demande du temps,
de la confiance et de la présence humaine qu’il
devient impossible de pérenniser en situation de
crise Covid-19. La télémédecine, en outre, n’est
pas adaptée à ces patients et leurs familles en
grand désarroi.
Quels effets sur la santé mentale ?Les effets sur la santé mentale de nos aînés – le
stress, la dépression – sont déjà renseignés et
connus en période de confinement. Ainsi de l’étude
de l’Américan Psychiatryc Association (APA) ou
de celle récemment publiée par nos collègues
chinois3. Ces derniers montrent que 35 % des
répondants présentaient un stress psychologique
modéré, sévère pour 5,14 %. En outre les femmes
paraissent plus touchées par ce stress psycholo-
gique (tranches d’âge les plus touchées : 18-30 ans
et plus de 60 ans). Les auteurs recommandent
donc de mettre en place des services de soutien et
d’accompagnement comme ceux déployés dans les
situations de catastrophes majeures. Il est aussi
recommandé d’organiser des interventions ciblées
pour réduire le stress psychologique et prévenir les
problèmes de santé mentale ultérieurs.
La méta-analyse4 fondée sur vingt-quatre études
issue des grandes pandémies, publiée dans le
Lancet, montre quant à elle que la durée du confi-
nement supérieure à dix jours est corrélée à des
symptômes post-traumatiques, de comportements
d’évitement et de colère. Ce stress ne s’arrête pas
à la fin du confinement. Il est relayé par d’autres
thématiques psychosociales comme les problèmes
d’argent et de précarité.
1. Avis du conseil scientifique, 23 mars 2020 - www.solidarites-sante.gouv.fr 2. P. Bienvault, « Coronavirus, faut-il confiner dans leur chambre tous les résidents d’Ehpad ? », 29 mars 2020 - www.la-croix.com3. J. Qiu and al., “A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the COVID-19 epidemic: implications and policyrecommendations”, 25 février 2020. www.gpsych.bmj.com 4. S.K. Brooks and al., “The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence”, 14 mars 2020 - www.thelancet.com
Toutes les solutions possibles
doivent être recherchées et examinées.
Le choix de la mesure doit être équilibré
et celle-ci proportionnelle à l’état de santé
de la personne.
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 27W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
Que faire de manière concrète ?Dès le 16 mars, les psychologues et la psychiatre de
notre site gériatrique ont mis en place une cellule
d’écoute psychologique pour les patients, les familles
et les soignants sur site. En complémentarité, nous
avons créé une cellule d’appels systématiques de
toutes les familles de patients hospitalisés et une
hotline de soutien psychologique en lien avec toutes
les psychologues de notre site gériatrique, ainsi que
la possibilité pour les familles de communiquer par
des interfaces numériques et, pour les proches qui
le souhaitent, d’envoyer par courriel aux psycho-
logues des photos, dessins, petits mots qui seront
imprimés et lus, donnés aux malades concernés. Le
constat est que lorsque les liens sociaux affectifs
et humains sont maintenus, les familles s’apaisent
et ne présentent pas de réactions de détresse psy-
chique. Les patients, grâce au rythme de l’hôpital
vivons à travers cette épidémie virale sans précé-
dent, nous avons pu mobiliser rapidement l’exper-
tise de médecins spécialisés en éthique et soins
palliatifs au service des médecins et infirmiers,
qu’ils soient libéraux ou hospitaliers.
Les objectifs de cette astreinte sont multiples.
>> Apporter un soutien à la prise de décision
collégiale par l’anticipation d’une décompensation
aiguë, ou en situation d’urgence médicale, chez
des patients relevant par exemple d’une limitation
ou d’arrêt des traitements, ou nécessitant une
sédation en situation palliative. Et ainsi permettre
l’accès en direct à une expertise médicale éthique
pour des médecins libéraux parfois isolés et en
souffrance face à une prise de décision difficile,
sécurisés par la nécessaire collégialité inscrite
dans la loi.
>> Faciliter l’accès à des thérapeutiques hospita-
lières, y compris lorsqu’une sédation en situation
palliative doit être mise en place dans le cadre du
soulagement de symptômes réfractaires.
Dr Antoine LEMAIRE Chef de pôle Cancérologie et spécialités médicales
Dr Marine MULOT et Dr Morgane PLANÇON Médecins
Bénédicte DUMINY, Hélène DEWAELE et Isabelle PIERCHON Infirmières
Cathy FACHE et Emeline WIECKOWSKI Psychologues
Équipe mobile de soins de support et palliatifs Centre hospitalier de Valenciennes
L’installation brutale d’une situation d’urgence
sanitaire liée à la pandémie de coronavirus a
exigé des changements parfois majeurs dans
la structuration de l’offre de soins hospitalière
en France, souvent dans l’urgence. Parmi ces
changements, les équipes de soins palliatifs ont
dû dépasser le cadre régalien de leurs missions pour
étendre leurs périmètres et modalités d’action, tout
en constituant une ressource pragmatique à même
de soutenir les patients, leurs aidants et les soignants
de façon décloisonnée. Cette situation inédite
a précipité ou renforcé les liens entre les soignants
de ville, de cliniques privées ou d’hôpitaux publics,
y compris au sein d’une même structure.
Avec comme difficultés un contexte d’incertitude
lié à une maladie virale que l’on découvre au fur et
à mesure, la nécessité d’apporter une méthodologie
aux engagements forts des soignants et un terrain
insuffisamment préparé à un séisme de cette ampleur.
Éthique et soins palliatifs
Quels dispositifs face à la crise sanitaire liée au coronavirus ?Retour d’expérience du centre hospitalier de Valenciennes
30 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
QUELS DISPOSITIFS FACE À LA CRISE SANITAIRE LIÉE AU CORONAVIRUS ?
>> Poursuivre nos missions d’EMSP (expertise
clinique, formation, recherche et compagnonnage
des soignants, etc.) dans ce contexte pandémique
bousculant nos quotidiens et ainsi favoriser le lien
avec les équipes de ville, les Ehpad mais aussi les
services hospitaliers.
Le télésuivi des patients en situation palliativeDans le contexte pandémique, nous avons également
reconfiguré les modalités du suivi ambulatoire de nos
patients en situation palliative. Notre EMSP organise
habituellement des consultations multidisciplinaires
spécialisées au sein de notre établissement. Notre
souhait a été de ne pas exposer notre population de
patients fragiles, davantage à risque de développer
une forme virale grave, tout en continuant à gérer
de façon optimale leurs problématiques souvent
complexes comme la douleur. Il a été décidé la
mise en place de téléconsultations proactives pour
le suivi de nos patients. Outre un échange d’infor-
mations médicales sécurisées avec le patient, et
l’envoi d’ordonnances – y compris de médicaments
hospitaliers –, elles permettent un lien fonctionnel
avec les professionnels libéraux prenant en charge
le patient, ainsi qu’avec les prestataires de santé
et les professionnels de service d’hospitalisation à
domicile, afin d’optimiser le maintien au domicile
de patients fragilisés.
Le renforcement des ressources en psychologues spécialisésDevant l’accroissement des demandes cliniques,
une seconde psychologue spécialisée en éthique
et soins palliatifs, est venue renforcer les effectifs
de façon à proposer, dans le cadre des missions
classiques de l’EMSP, un étayage aux patients hos-
pitalisés en situation palliative, aux proches et aux
équipes soignantes. Les modalités de fonctionne-
ment restent les mêmes : déplacements au lit du
patient, entretiens à visée de soutien des proches et
des familles, compagnonnage des équipes de soins
confrontées à la fin de vie, entretiens de suivi de deuil.
La situation de crise sanitaire utilise davantage les
outils numériques, et le télésoutien apparaît une
pratique appropriée dans ce contexte.
Une réflexion a été menée concernant le bouleverse-
ment des processus de séparation par l’épidémie à
coronavirus, notamment sur la question des rituels.
Un document spécifique a été mis à disposition des
proches pour les guider durant leur deuil.
Dans le cadre d’un travail en collaboration avec
les services de réanimation, un ajustement des
missions a été proposé sur le temps de la crise
sanitaire. En effet, dans le principe de solidarité
soignante, le psychologue de l’EMSP ouvre ses
missions d’accompagnement pour toutes situations
cliniques requérant de son rôle propre, palliatives
ou non. Cet accompagnement est proposé tant
auprès du patient, des proches (en présentiel ou
en télé soutien) que des soignants.
Une disponibilité est également marquée pour
accompagner les équipes de soins lors du processus
décisionnel, pour des raisons à la fois éthiques et
cliniques (mise en œuvre de la parole autour de situa-
tions complexes). Le profil de poste du psychologue
EMSP témoigne du développement d’une culture de
l’interdisciplinarité et nous trouvons pertinent de
proposer ce modèle aux équipes sous tension. La
crise sanitaire impacte les pratiques. Nous avons à
ce jour peu de recul quant à ces ajustements qui nous
ont cependant paru nécessaires. En effet, l’insertion
LE DISPOSITIF ÉTHIQUE ET SOINS PALLIATIFS EN FRANCE
• Équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) : équipes multidisciplinaires qui proposent une expertise transversale spécialisée, sans se substituer aux équipes la sollicitant, à la fois en intrahospitalier et en établissements médico-sociaux ou en ville. Leur périmètre concerne la gestion des symptômes, l’éthique médicale, l’accompagnement psychologique des patients et de leurs aidants, le soutien et compagnonnage aux professionnels de santé, mais aussi la formation et la recherche.
• Lits identifiés de soins palliatifs (LISP) : en services hospitaliers privés ou publics, ces structures apportent des ressources formées et des moyens organisationnels supplé mentaires dans les services souvent confrontés aux situations palliatives et à la fin de vie.
• Unités de soins palliatifs (USP) : ces unités intrahospitalières privées ou publiques de petite capacité ont une expertise en soins palliatifs pour les situations palliatives les plus complexes sur le plan médical ou éthique. Elles bénéficient de ressources interdisciplinaires expertes, d’une organisation et d’une architecture répondant à des critères précis au profit du patient et de son entourage.
• Comités locaux d’éthique : ces comités sont constitués dans les établissements de santé afin d’apporter une expertise pluridisciplinaire sur les sujets éthiques institutionnels relatifs à l’accueil et à la prise en charge des patients. Leur action ne porte donc pas exclusivement sur les situations liées à la fin de vie, mais celles qui – par nature – soulèvent de nombreuses questions éthiques. Ils ont pour relais régional un espace ressource éthique et, à l’échelon national, le Comité consultatif national d’éthique.
1. Techniques hospitalières, février 2015 et mai/juin 2019.
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 31W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
de psychologues dans des secteurs qui n’en sont
habituellement pas dotés et l’usage de nouveaux
outils cliniques justifient un temps d’acculturation
au terme duquel il conviendra de mesurer les effets.
La création d’une cellule éthique de soutienNous avons rapidement créé une cellule d’éthique
clinique portée par l’EMSP, qui a ensuite été éten-
due en « cellule éthique de soutien » interdiscipli-
naire, lorsque les préconisations nationales ont
été annoncées. Il nous apparaissait logique que
les acteurs de terrain spécialisés en éthique et
confrontés aux situations cliniques complexes
puissent être en première ligne, alors que les
espaces éthiques régionaux sont un recours.
Cette cellule fait notamment la jonction avec l’en-
semble des recommandations régionales, natio-
nales ou internationales, émanant par exemple
du Comité consultatif national d’éthique ou de
sociétés savantes impliquées.
Elle est représentative des disciplines concernées
comme les urgences, la réanimation, la pédiatrie,
l’infectiologie, la gériatrie, l’hygiène, les soins
palliatifs et l’obstétrique. Différents dossiers ont
été traités en appui de l’institution sous l’angle
éthique. Citons par exemple les réflexions sur
le port du masque dans l’institution, les soins
à apporter au défunt, l’accompagnement et les
visites aux personnes en fin de vie compte tenu
des contraintes environnementales, ou encore
l’accès aux traitements expérimentaux des per-
sonnes hospitalisées en unités Covid, la réflexion
sur l’éventualité de devoir prioriser des mesures
réanimatoires ou l’accès à certaines thérapeu-
tiques en cas d’insuffisance de moyens.
La participation aux travaux régionaux de l’ARS et à la recherche cliniqueDevant la multiplicité de protocoles scientifiques
et de sources – parfois contradictoires –, notre
EMSP a pris le parti d’identifier des outils validés
et à la mise en œuvre réaliste. Dès le démarrage
du plan blanc, deux médecins de l’équipe ont
participé au groupe multidisciplinaire d’experts
créé par l’ARS afin d’édicter des recommanda-
tions aux Ehpad sous forme de kits disponibles
et évolutifs, comportant des préconisations, des
outils pratiques et des ressources documentaires
adaptées. Ces recommandations ont été reprises
par le ministère pour diffusion nationale (fiches
aux établissements de santé). Un protocole de
recherche à l’initiative des médecins de l’EMSP du
centre hospitalier de Valenciennes est en cours.
Il porte sur la pertinence d’utiliser certaines
techniques non invasives dans la restauration du
fonctionnement pulmonaire en cas de syndrome
de détresse respiratoire nécessitant une prise en
charge ventilatoire en réanimation.
Une réflexion sur les unités de soins palliatifs (USP)Grâce aux retours d’expérience de centres hospi-
taliers malheureusement très impactés comme
Mulhouse, mais aussi par une architecture propice,
nous avons pu dès le début de la crise mainte-
nir une séparation des circuits de
patients Covid ou non Covid au sein
de notre établissement. Jusqu’à pré-
sent, notre USP est restée en zone
non Covid et les situations palliatives
des patients infectés ont été gérées
dans les unités Covid via l’EMSP
si besoin, sachant que le secteur
gériatrique et le SSR qui gèrent des patients infec-
tés possèdent des lits identifiés soins palliatifs
(LISP). Les LISP d’oncologie ont été renforcés et
transférés sur l’hôpital non Covid. La création
et l’armement d’une USP Covid sont néanmoins
possibles à tout moment si la situation le requiert,
que ce soit en termes d’organisation (personnel
formé) ou d’architecture et de moyens techniques,
sans dégrader l’offre de soin et en respectant les
critères en vigueur.
De nombreuses initiatives ont été déployées en
France pour optimiser et rendre opérationnelles
les ressources en éthique et soins palliatifs dans le
cadre de la crise sanitaire provoquée par le coro-
navirus. Parmi ces mesures, la reconfiguration des
missions des équipes mobiles de soins palliatifs via
une astreinte médicale 24/24 par télémédecine,
mais encore leur implication en éthique clinique
en établissements sanitaires, médico-sociaux ou
en ville sont pertinentes. Un retour d’expérience
permettra de définir si les missions régaliennes de
ces équipes doivent évoluer de façon pérenne dans
ce sens, au-delà de la période exceptionnelle que
nous vivons.
Devant la multiplicité de protocoles
scientifiques et de sources parfois
contradictoires, l’EMSP a pris le parti
d’identifier des outils validés
et à la mise en œuvre réaliste.
32 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
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NIVEAU 1
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La référence en formation pour la gestion hospitalière
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Benjamin LEMOINE Chef de projet, Agence nationale d’appui à la performance (ANAP)
À la demande des établissements de santé
et médico-sociaux, en appui sur son réseau de
professionnels du numérique, l’Agence nationale
d’appui à la performance (ANAP) a mis en place
dès le 26 mars un dispositif exceptionnel d’entraide
entre acteurs du système d’information.
Numérique en période de criseUn dispositif exceptionnel d’entraide
L’ANAP travaille avec et pour les profes-
sionnels du terrain, que ce soit au sein
de groupes de travail ou de réseaux plus
larges. Cette approche est particulièrement
prégnante dans les questions liées à l’usage
du numérique en santé. L’ANAP s’appuie sur un réseau
de vingt-trois experts nationaux (directeurs, soignants,
directeurs de système d’information) et de plus de
cent professionnels en établissements, pour trouver
des solutions concrètes aux difficultés, les diffuser et
apporter une aide aux structures qui les sollicitent.
Ce mode d’action fondé sur l’entraide est l’une des
marques de travail de l’ANAP.
Si la crise sanitaire liée au Covid-19 place les éta-
blissements de santé et médico-sociaux sous tension
en termes de prise en charge et d’accompagnement,
les fonctions supports sont elles aussi mises à rude
épreuve. Le système d’information des établisse-
ments doit être réactif et robuste, qu’il s’agisse de
permettre le déploiement de la télémédecine et du
télétravail, de sécuriser la logistique des approvi-
sionnements ou encore d’accompagner les démé-
nagements et installations d’appareils biomédicaux.
Soutien aux petites structuresDans ce contexte, les plus petites structures, qui
disposent de peu de ressources pour gérer leur sys-
tème d’information, peuvent se retrouver en difficulté.
C’est pourquoi l’ANAP a mis en place un dispositif
exceptionnel d’entraide adossé à son réseau.
Une aide opérationnelle dans tous les secteursCe dispositif est ouvert : tout professionnel volontaire
peut proposer une aide opérationnelle, en temps
réel, aux acteurs qui en expriment le besoin.
En une semaine, entre fin mars et début avril,
quinze structures, tant sanitaires que médico-so-
ciales, ont fait appel à ce dispositif. Les premières
sollicitations ont concerné la mise en œuvre du
télétravail (définition d’une charte, critères d’éligi-
bilité, procédure de mise en œuvre technique, etc.)
et le déploiement de la télémédecine.
Au cours de la semaine, les demandes ont évolué
vers des questions liées au respect des contraintes
de sécurité et protection des données dans un
contexte exceptionnel, de continuité d’activité et
des difficultés plus techniques (réseau, équipe-
ment, etc.).
Les directeurs de système d’information sont éga-
lement confrontés à la difficulté de l’arbitrage entre
les projets urgents à conduire, en équilibrant leurs
capacités d’action : maintenance de l’infrastruc-
ture, support et déploiement express de solutions
informatiques.
Partage des retours d’expériencePour une vision plus précise des sollicitations et
de l’aide apportée, les professionnels partagent
leurs appuis les plus marquants dans l’espace
de discussion de la communauté de pratique de
l’ANAP*. L’Agence prévoit de rendre compte dans
cet espace de retours d’expérience « à chaud » afin
de partager sur le site de l’agence (www.anap.fr),
34 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
1960-2020
60 ansd’action sociale
Retrouvez-nous sur
cgos.info
Covid-19
LA SOLIDARITÉDU C.G.O.S EN ACTIONPrestation exceptionnelle Cesu de gardes d’enfants, aides aux actions collectives des établissements, relais d’information des initiatives solidaires, reportages sur les hospitaliers en 1re ligne...
Fondements juridiques de l’action européenneL’Union européenne (UE) est une construction juri-
dique fondée sur des traités. Les États membres
signataires y ont délibérément limité l’action collec-
tive européenne dans le champ de la santé.
La surveillance, l’alerte précoce et les mesures de
lutte contre les menaces transfrontières graves
pour la santé sont certes considérées comme des
éléments essentiels pour garantir un niveau élevé
de protection en santé au sein de l’UE. Depuis
1992, les traités le mentionnent dans un article
intitulé « Santé publique ». Mais, traité après traité,
l’action de l’Union dans ce domaine consiste pour
l’essentiel à soutenir et à compléter les actions
menées par les États membres, notamment dans
un cas comme celui du SARS-CoV-2.
L’article 168-(5) du présent traité sur le fonction-
nement de l’UE (2009) dispose très clairement
que « le Parlement européen et le Conseil, statuant
conformément à la procédure législative ordinaire
(…), peuvent également adopter des mesures d’en-
couragement visant à protéger et à améliorer la santé
humaine, et notamment à lutter contre les grands
fléaux transfrontières, des mesures concernant la
surveillance des menaces transfrontières graves sur
la santé, l’alerte en cas de telles menaces et la lutte
contre celles-ci, (…) à l’exclusion de toute harmoni-
sation des dispositions législatives et réglementaires
des États membres ».
Sur la base des traités, des actions ont débuté à
la fin des années 1990. Bien que la prévalence des
maladies infectieuses ait diminué ou soit restée
stable dans l’UE avant l’apparition du SARS-CoV-2,
la pandémie de grippe H1N1 (2009) et l’épidémie
d’E.coli en Allemagne (2011) montraient déjà la
survenue possible de nouvelles infections.
Pour renforcer les actions européennes, une
décision (n°1082/2013/UE) a été adoptée en 2013.
Relative aux menaces transfrontières graves sur
la santé, elle vise à améliorer la préparation et à
renforcer la capacité de réaction coordonnée face
aux urgences sanitaires. Elle sert aujourd’hui de
fondement à toutes les actions entreprises. Cette
décision prévoyait notamment :
• de renforcer les capacités de planification en
matière de préparation à l’échelle de l’UE, en
intensifiant la coordination ainsi que l’échange
d’informations et de bonnes pratiques sur les
plans nationaux de préparation ;
• d’améliorer l’évaluation des risques et la gestion
des menaces transfrontières pour la santé, notam-
ment en ce qui concerne les maladies non trans-
missibles ne relevant d’aucune agence de l’UE ;
• de prévoir les dispositions nécessaires pour éla-
borer et mettre en œuvre la passation conjointe
de marché pour l’achat de contre-mesures
médicales ;
• de mieux coordonner la réponse à l’échelle de
l’Union en fournissant un statut juridique solide
Pascal GAREL Directeur général, Fédération européenne des hôpitaux (HOPE)
Alors que l’action de l’Union européenne
dans la réaction à la diffusion du SARS-CoV-2
fait débat, quelques éléments de contexte
devraient permettre de mieux l’évaluer.
Covid-19 : quel rôle pour l’Union européenne ?
36 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
DOSSIER À L’ÉPREUVE DU COVID-19
COVID-19 : QUEL RÔLE POUR L’UNION EUROPÉENNE ?
au comité de sécurité sanitaire pour coordonner
la préparation ;
• de renforcer la coordination de la communication
relative aux risques et aux crises et d’encourager
la coopération internationale, notamment avec
l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans le cadre du programme Santé de l’UE, une
aide est aussi apportée au moyen de formations et
d’exercices, ainsi qu’en facilitant le partage d’expé-
riences, de lignes directrices et de procédures dans
l’ensemble de l’UE. La Commission européenne
organise des exercices réguliers pour tester les
plans de préparation nationaux et de l’Union. Ces
mécanismes ont notamment été déployés pour les
virus Ebola en 2014 et Zika en 2016.
Évaluation des risques pour la santé publiqueL’évaluation des risques constitue une première
étape essentielle en cas de menace transfrontière
pour la santé. La décision 1082/2013/UE met en
place des mécanismes d’évaluation des risques
coordonnés à l’échelle de l’Union. Elle prévoit à
cette fin l’appel à expertise des organes européens
et internationaux compétents, afin de
conférer une base scientifique solide
au processus de coordination des
réactions.
Dans un premier temps, les menaces
transfrontières graves pour la santé
sont notifiées via le système d’alerte
précoce et de réaction (SAPR). Les pays de l’UE
utilisent ce système informatique confidentiel pour
alerter sur les événements susceptibles d’un impact
sur l’Union, partager des informations et coordonner
les réactions.
Lorsque cela est nécessaire, le comité de sécurité
sanitaire (le groupe d’experts chargé de coordon-
ner les mesures de préparation, de réaction et
de coopération internationale) peut demander à
la Commission européenne une évaluation des
risques et d’adopter d’éventuelles mesures de santé
publique. L’évaluation des risques est réalisée par
le Centre européen de prévention et de contrôle
des maladies (CEPCM), situé à Stockholm, si la
menace est d’origine biologique et concerne une
maladie transmissible, la résistance aux antimi-
crobiens ou des infections liées aux soins de santé,
ou d’origine inconnue. L’évaluation des risques
prend en compte, si elles existent, les informations
pertinentes fournies par d’autres entités, en par-
ticulier l’OMS, en cas d’urgence de santé publique
de portée internationale.
Coordination de la réactionLes autorités des pays de l’Union sont tenues d’in-
former la Commission, par l’intermédiaire du SAPR,
au plus tard 24 heures après la découverte d’une
menace transfrontière grave pour la santé. Ensuite,
la Commission travaille en étroite collaboration avec
tous les pays de l’UE pour s’assurer d’une réaction
cohérente et coordonnée. L’Union a par exemple
coordonné les actions lors de l’épidémie d’Ebola
en Afrique de l’Ouest.
À la demande de la Commission ou du pays concerné,
des représentants des services de santé nationaux
se concertent au sein du comité de sécurité sanitaire,
en lien avec la Commission, pour coordonner les
réactions nationales à une menace transfrontière
grave pour la santé ; pour préparer les communi-
cations relatives aux risques et aux crises desti-
nées au grand public et professionnels de santé,
lesquelles sont adaptées aux spécificités et aux
besoins nationaux.
Un pays de l’Union qui souhaite adopter des mesures
de santé publique pour faire face à une menace
transfrontière grave est tenu d’informer et de consul-
ter les autres pays de l’UE sur l’objectif et le champ
d’application de ces mesures avant de les appliquer.
Sauf si une adoption sans délai est essentielle. Dans
ce cas, il doit en informer immédiatement les autres
États membres et la Commission.
En cas de menace transfrontière grave sur la santé
dépassant les capacités de réaction nationales,
un pays de l’Union peut solliciter une assistance
auprès des autres pays de l’UE, via le mécanisme
de protection civile de la Communauté (décision
2007/779/CE, Euratom).
Le comité de sécurité sanitaire se réunit deux fois
par an en session plénière. D’autres réunions sont
organisées de façon ponctuelle. Des rapports suc-
cincts et comptes-rendus des réunions sont acces-
sibles au public.
Une décision adoptée en 2013 vise
à améliorer la préparation et à renforcer
la capacité de réaction coordonnée face
aux urgences sanitaires. Elle sert aujourd’hui
de fondement à toutes les actions entreprises.
REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 593 Mars - Avril 2020 37W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
Communication relative aux risques et aux crisesLa diffusion d’informations claires et une communi-
cation efficace avec le public et les autorités natio-
nales sont essentielles dans les réponses aux crises.
Il est du rôle de la Commission européenne, en
principe, de définir clairement ces voies de commu-
nication en élaborant des stratégies d’action à
l’échelle européenne ; en associant davantage les
responsables de la communication au processus
de gestion des crises ; en renforçant la coopération
entre responsables de la communication, décideurs
et gestionnaires de risques.
Le comité de sécurité sanitaire a créé un réseau
de responsables de la communication. Il réunit
des experts en gestion des risques issus des
États membres, de la Commission et des agences
de l’UE. Ses membres prennent l’initiative sur
les aspects de communication en cas de crise
sanitaire. À l’international, ce réseau constitue
une ressource importante pour contenir et réduire
les menaces sanitaires mondiales. Il permet à
l’UE de diffuser rapidement ses informations
dans le monde, en contactant les réseaux de
communication déployés dans le cadre de l’ini-
tiative pour la sécurité sanitaire mondiale ainsi
que le réseau de l’OMS institué par le règlement
sanitaire international (RSI).
Passation conjointe de marché pour l’achat de contre-mesures médicalesLa pandémie de grippe H1N1 survenue en 2009
a mis en lumière les faiblesses d’accès et de
pouvoir d’achat dans les pays de l’UE, s’agissant
d’obtenir des vaccins et médicaments contre les
pandémies. Pour y faire face, en 2010, le Conseil
européen a demandé à la Commission d’entamer
la préparation d’un mécanisme de
passation conjointe de marché pour
les vaccins.
Les dispositions relatives à l’acqui-
sition conjointe de contre-mesures
médicales sont incluses dans l’ar-
ticle 5 de la décision 1082/2013/UE
relative aux menaces transfrontières
graves sur la santé. Le 10 avril 2014,
la Commission a approuvé l’accord
de passation conjointe de marché. En février 2020,
vingt-cinq pays de l’UE et le Royaume-Uni l’avaient
signé. Cet accord fixe les modalités pratiques du
mécanisme et définit la procédure décisionnelle
relative au type de procédure choisi. Enfin, il
organise l’évaluation des offres et l’attribution
du marché pour l’achat de vaccins, antiviraux
et contre-mesures médicales destinées à lutter
contre des menaces transfrontières graves pour
la santé. L’objectif du mécanisme de passation
conjointe de marché consiste à garantir un accès
plus équitable à certaines contre-mesures médi-
cales, à améliorer la sécurité d’approvisionnement
et à offrir des prix plus équilibrés aux pays de
l’UE participants.
Pour être bien préparés face à une menace
transfrontière grave pour la santé, les insti-
tutions de l’UE et les pays signataires de l’accord
de passation conjointe de marché peuvent engager
une procédure conjointe d’achat des vaccins et
antiviraux, ainsi que de contre-mesures médicales
destinées à lutter contre des menaces transfron-
tières graves pour la santé.
En février 2020, vingt-cinq pays de l’UE
et le Royaume-Uni avaient signé l’accord de
marché pour garantir un accès plus équitable
à certaines contre-mesures médicales,
améliorer la sécurité d’approvisionnement
et offrir des prix plus équilibrés.
COVID HOPE
La Fédération européenne des hôpitaux (HOPE) s’est engagée dans la bataille Covid-19. Les premiers échanges ont débuté mi-février avec le bureau
européen de l’OMS. Leur objet : la check-list hospitalière Covid-19 mais aussi l’identification d’experts auprès des pays les plus fragiles.Les échanges systématiques avec nos membres ont aussi permis, début mars, de caractériser les premières pénuries, les enjeux organisationnels et différentes réponses. La nécessité d’une approche intégrée a été posée pour tous les secteurs : soins à domicile, soins en établissements sociaux et médicaux-sociaux, soins hospitaliers.La crise sanitaire différant selon les pays, les uns ont bénéficié de l’expérience des autres. Les sites dédiés de nos membres, et certaines de leurs bonnes pratiques, sont présentés sur le site de HOPE.Avec d’autres acteurs européens, HOPE s’est félicitée de diverses actions de l’Union, notamment de la Commission, mais a demandé à y être associée. Plusieurs échanges ont eu lieu. De façon systématique, HOPE est engagée dans le suivi des actions européennes.Pour éviter de propager des informations fausses ou commerciales, HOPE privilégie sur son site deux sources d’information : l’OMS et le Centre européen de prévention et contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control - ECDC).Enfin, HOPE travaille sur l’après-crise et l’impact de la crise économique et financière. Le report à 2021 de son programme d’échange permet d’en modifier la thématique. Elle sera dédiée au Covid-19, afin de structurer l’analyse et l’évaluation des actions entreprises.www.hope.be
38 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R
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etc. Nous surveillons les stocks, fabriquons nos
solutions hydroalcooliques, faisons appel à la soli-
darité, tout en veillant à développer nos capacités
en réanimation et post-réanimation. Nous sommes
organisés en deux circuits distincts : Covid-19 et
non Covid. Le personnel soignant et médical est
redéployé. Les lignes de garde et d’astreinte s’ac-
cumulent. Les internes aussi bien que les jeunes
retraités sont volontaires et mobilisés.
Une mobilisation sans précédent des équipesL’équipe d’hygiène hospitalière assiste les équipes,
répond aux questions pointues et relaie dans cette
tâche l’infectiologue.
Les personnels techniques et logistiques confinent
des lieux, gèrent les stocks, acheminent des équi-
pements, aménagent des locaux…
Les personnels des cuisines adaptent les horaires
pour ouvrir plus longtemps le self.
L’équipe de bionettoyage s’active avec la lin-gerie, qui gère les tenues à usage unique, très
précieuses.
Les équipes d’accueil, comme celles des res-sources humaines et de l’informatique sont
présentes.
Les équipes du laboratoire, du biomédical et de la stérilisation sont également sur le pont.
Les directeurs et l ’encadrement supérieur assurent le lien avec l’agence régionale de santé,
les fournisseurs, les personnels, et vérifient en
permanence l’adéquation des organisations avec
les ressources humaines et logistiques dispo-
nibles, actent les décisions.
Et bien sûr, tous les médecins réfléchissent, anti-
cipent, s’activent dans le calme avec, comme
priorité, celle d’être efficaces.
Sandrine BEUCHOT Responsable communication et culture, centre hospitalier intercommunal Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil
Communicante au sein du centre hospitalier
Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, l’auteure côtoie
régulièrement ceux qui sont au front. Médecins,
soignants, mais aussi, en seconde ligne, personnels
administratifs, techniques et logistiques. Ensemble,
ils se coordonnent pour définir une organisation
singulière. Elle souhaite ici leur rendre hommage.
Face à l’urgence
J e peux témoigner des responsa-
bilités portées par les personnels
hospitaliers, très conscients des
enjeux. Leur perception sensible et
active est au service de ce travail de
construction, conçu pour protéger et soigner
tous les patients dans les meilleures conditions
possibles.
Je peux attester de l’énorme travail mené au
quotidien pour rendre opérationnelles les réor-
ganisations internes. Les hospitaliers sont
formés pour réagir à ce type de situation :
l ’urgence, ils connaissent. Ils le démontrent
à chaque instant.
Ensemble, face à l’urgenceNous avons monté plusieurs unités temporaires,
notamment d’accueil aux urgences, de dépistage,
d’hospitalisation. Défini des protocoles, rédigé des
procédures, formé des équipes, géré le rappel des
40 # 593 Mars - Avril 2020 REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE W W W . R E V U E - H O S P I T A L I E R E . F R