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ARTICLES Difficultés d'une monétarisation des effets sanitaires de la pollution atmosphérique How difficult ls an air pollution health costs assessment Olivier CHANEL* Résu mé L'évaluation économique d'une variation d'un facteur environnemental nécessite le recours à des méthodes de valorisation des composantes marchandes et non marchandes. Nous les présentons brièvement et discutons de leur adéquation dans le cadre d'une variation de la pollution atmosphérique, en insistant sur la distinction effets de court terme/effets de long terme. En effet, nous évaluons les bénéfices sanitaires annuels qui résulteraient d'une suppression de la part anthropique de la pollution particulaire. en lIe-de-France à environ 145 millions de francs (IC à 95 % 62-233) pour les effets de court terme, et à 3,2 milliards de francs (IC à 95 % 1,9-4,5) pour les effets de long terme, soit 20 fois plus. Toutefois, les bénéfices corres- pondant aux effets de long terme ne seront pas intégralement observés avant un délai d'une cinquantaine d'années à compter de la suppression, alors que les bénéfices de court terme le seront immédiatement. Ceci plaide pour des recherches épidémiologiques plus nombreuses sur les effets de long terme, et leur intégration de façon pertinente dans le calcul économique. Abstract Consequences of environmental changes are valued through methods specific to marketable and non-marketable components of welfare. We briefly present these methods and discuss whether they are appropriate for the air pollution framework, emphasising the difference between long and short term. Short term health effects associated with a suppression of anthropogenic particulate matter within the Greater Paris (6.18 million inhabitants) are estimated in this article at approximately 145 million francs per year (95 % CI 62-233), Le. 23 francs per inhabitant (95 % CI 10-38), whereas long term health effects amount to 3.2 billion francs (95 % CI 1.9-4.5), Le. 513 francs per inhabitant (95 % CI 305-725). However, benefits corresponding to long term health effects will not be completely obtained until approximately 50 years alter the suppression becomes effective, while short term benefits are instantaneous. This calls for more epidemiological studies on long term health effects and their better integration in the decision making process. Introduction L a loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30-12-1996 a initié les Plans régionaux de qualité de l'air (PRQA), les Plans de déplace- ments urbains (PDU) et les Plans de protection de * GREQAM-CNRS. Groupement de Recherche en Économie Quantitative d'Aix-Marseille, 2, rue de la Charité F-13002 Marseille, Tél : + 33 (0)4 91 14 07 80. Fax : + 33 (0)4 91 900227. E-mail : chanel @ehess.cnrs -mrs.fr POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE N° 166 - AVRIL-JUIN 2000 l'atmosphère (PPA). La mise en place de schémas efficaces de régulation de la pollution atmosphérique impose des choix parmi différentes alternatives tant pour les hiérarchiser que pour fixer les modalités prati- ques de leur implémentation. Toutefois, leurs effets sanitaires, leurs coûts, leurs bénéfices et leurs réper- cussions sur les différents secteurs économiques sont étalés dans le temps et dans l'espace, et justifient qu'une expression commune en termes monétaires soit utilisée. Ainsi, les évaluations économiques se sont développées de concert avec l'amélioration des connaissances scientifiques sous-jacentes mais restent 249
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Sep 16, 2018

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ARTICLES

Difficultés d'une monétarisationdes effets sanitairesde la pollution atmosphérique

How difficult ls an air pollutionhealth costs assessment

Olivier CHANEL*

Résu mé

L'évaluation économique d'une variation d'un facteur environnemental nécessite le recours à des méthodes de valorisationdes composantes marchandes et non marchandes. Nous les présentons brièvement et discutons de leur adéquation dansle cadre d'une variation de la pollution atmosphérique, en insistant sur la distinction effets de court terme/effets de long terme.

En effet, nous évaluons les bénéfices sanitaires annuels qui résulteraient d'une suppression de la part anthropique de lapollution particulaire. en lIe-de-France à environ 145 millions de francs (IC à 95 % 62-233) pour les effets de court terme, età 3,2 milliards de francs (IC à 95 % 1,9-4,5) pour les effets de long terme, soit 20 fois plus. Toutefois, les bénéfices corres­pondant aux effets de long terme ne seront pas intégralement observés avant un délai d'une cinquantaine d'années àcom pter de la suppression, alors que les bénéfices de court terme le seront immé diatement. Cec i plaide pour desrecherches épidémiologiques plus nombreuses sur les effets de long terme, et leur intégration de façon pertinente dans lecalcul économique.

Abstract

Consequences of environmental changes are valued through methods specific to marke table and non-marketablecomponents of welfare. We briefly present these methods and discuss whether they are appropriate for the air pollutionframework, emphasising the difference between long and short term.

Short term health effects associated with a suppression of anthropogenic particulate matter within the Greater Paris(6.18 million inhabitants) are estimated in this article at approximately 145 million francs per year (95 % CI 62-233) , Le.23 francs per inhabitant (95 % CI 10-38), whereas long term health effects amount to 3.2 billion francs (95 % CI 1.9-4.5),Le. 513 francs per inhabitant (95 % CI 305-725). However, benefits corresponding to long term health effects will not becompletely obtained until approximately 50 years alter the suppression becomes effective, while short term benefits areinstantaneous. This calls for more epidemiological studies on long term health effects and their better integration in the decisionmaking process.

Introduction

La loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergiedu 30-12-1996 a init ié les Plans régionaux dequa lité de l'air (PRQA), les Plans de déplace­

ments urbains (PDU) et les Plans de protection de

* GREQAM-CNRS. Groupement de Recherche en ÉconomieQuantitative d'Aix-Marse ille, 2, rue de la Charité F-13002Marseille, Tél : + 33 (0)4 9 1 14 07 80.Fax : + 33 (0)4 9 1 900227.E-mail : chanel @ehess.cnrs -mrs.fr

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l'atmosphère (PPA). La mise en place de schémasefficaces de régulation de la pollution atmosphériqueimpose des choix parmi différentes alternatives tantpour les hiérarchiser que pour fixer les modalités prati­ques de leur implémentation. Toutefois, leurs effetssanitaires, leurs coûts, leurs bénéfices et leurs réper­cussions sur les diffé rents secteurs économ iquessont étalés dans le temps et dans l'espace, et justifientqu'une expression commune en termes monétairessoit utilisée. Ainsi, les évaluations économiques sesont développées de concert avec l'amélioration desconnaissances scientifiques sous-jacentes mais restent

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toutefois exposées à de nombreuses incertitudes , enpremier lieu celles des disciplin es scienti fiques quiles sous-tendent.

Après avoir présenté les méthodes de valorisationéconomique et les difficultés méthodologiques liées àleur utilisat ion dans le cadre de la pollu tion atmo­sphérique, nous évaluons les bénéfices sanitaires quirésulteraient de la suppression de la pollution d'originehuma ine (dite anthropique) en lIe-de-France . Ladistinction effets de court terme/effets de long termepermet de constater que les seconds sont environ20 fois plus importants que les premiers en terme éco­nomique. Nous verrons toutefois que le délai nécessaireà leur obtention requiert une attention particulière lorsde leur intégration au sein du calcul économique.

Valorisation des effets monétairesde la pollution atmosphérique

Typologie des différents effets

Les effets directs et indirects

On peut classer les effets qu'exerce la pollutionatmosphérique sur le bien-être d'une population entrois catégories (Figure 1) : les effets directs nonsan itaires liés à la dég radation des perceptionssensorielles , les effets directs sanitaires liés à la

dégradation des vari ables san itaires, et les effetsindirects non sanitaires, qui agissent sur le bien-êtrevia l'altération de la flore, de la faune, des cultures oudes bâtiments.

Les effets directs sanitaires peuvent eux-mêmesse subdiviser en une composante directe - associéeà la morbidité et à la mortalité - et une composanteindirecte: pertes productives (arrêts de travail, joursd'activité réduite), journées avec douleur ou désagré­ment (tou x, gêne resp iratoi re), aspects psy cho­logiques associés à un événement morbide ainsi queses cons équen ces (temps perdu en visite par lesproches, déplacements occasionnés , impossibilité depoursuivre des activités récréatives ou domest iques).

Un consensus existe généralement sur les effetsà comptabi liser suite à une modificat ion de l'étatsanitaire - la composante directe et les pertesproductives associées , soit la partie en bleu de lafigure 1. Le caractère non marchand des autreseffets, sans march é physique donc sans pr ix ,explique que leur valorisation soit moins fréquente .

Parmi les effets sanitaires de la polluti on atmo­sphérique, il convient de distinguer clairement ceuxde court terme et ceux de long terme, puisque leurdifférence de statut épidém iologique imp lique desconséquences majeures dans leur valorisation éco­nomique.

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1

Modification du bien-être1

1

Effets indirects1 1

Effets directs non sanitaires1

* Dégradation de la flore , de la faune * Nuisances psychologiques* Dégradation des bâtiments * Nuisances olfactives* Dégradation des cultures * Nuisances esthétiques

1

Effets directs sanita ires (mortalité, morbidité)1

1

Coûts directs1 1

Coûts indirects1

* Coûts d'hospitalisation * Pertes productives associées1

* Coûts d'une consultation* Coûts de traitement * Aspects psychologiques

* Valorisation d'un décès * Douleur, désagrément , gêne* Effets induits : visites des proches, temps passé* Coûts induits par un décès* Impossibilité de pratiquer des activités de loisir

Figure 1.Impacts d'une variation du niveau de pollution atmosphérique.

Consequences of an air pollution variation level.

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La distinction effets sanitaires de court terme/effets de long terme

Les effets sanitaires de court terme sont observéssuite à une augmentation du niveau de la pollutionatmosphérique, ou dans les jours suivants pour tenircompte de l'éventuel délai entre exposition et apparitiondes symptômes. Il s'agit d'affections propres à unorgan e ou de décès survenant dans un laps detemps très court après l'exposition, que l'épidémiologiemet aisément en relation avec des variations de lapollution atmosphérique en explo itant des sériestemporelles journa lières.

Les effets de long terme (cancer du poumon,bronchite chronique, hypersensibilisation se transfor­mant en asthme, affections cardiovasculaires ...)résultent d'une altération de type cumulatif de cer­tains organes suite à une exposition prolongée , etsont mis en évidence par des études de cohorte ,généralement long ues , coûteuses et enco re peunombreuses. Ils se traduisent par une morbidité etune mor ta lité dans un dé lai variant de quelquesannées à quelques dizainesd'années après l'exposition.

Les conséquences économiques sont essen­tielles : une variation durable du niveau de pollutionse traduira immédiatement par une variation desniveaux des variab les sanitaires de court terme asso­ciées, mais l'intégralité des effets de long terme nese fera sentir que dans le futur. Tout comme l'altérationa été progressive,' l'amélioration de l'état de santéliée à une réduction de l'exposition nécessite undélai.

L'existence de ce délai impl ique le recours àl'actualisation, qui permet au sein du calcul économiqued'exprimer en va leur prése nte l'ensem ble des fluxfuturs. Le taux d'actualisation comprend généralementun terme correspondant à la préférence pure pour leprésent, et un terme correspondant à la croissanceéconomique attendue dans le futur. Le choix du tauxd'actualisation est important puisqu'il conditionne lesarbitrages entre générations. Les développementsles plus récents d'une littérature abondante proposentun taux proc he de 4 %, vo ire l'util isation de deuxvaleurs : entre 3 % et 8 % pour la génération actuelle,soit environ 30 ans, puis entre 1 et 2 % pour les horizonsplus lointains [1, 2].

Nous présentons les méthodes utilisées pou rvaloriser les effets san ita ires directs (mortalité ,morbidité) associés à une variation du niveau depollution atmosphérique, et n'évoquerons que briève­me nt les effets non sani taires qu i uti lisent desméthodes comparables.

Évaluation des effets sanitaires directs

Évaluation économique de la mortalité

Attribuer une valeur économique à un décès esttoujours délicat voire choquant, puisque apparemmentfroidement rationnel. Pour preuve, les préca utionsoratoires qui substituent à l'expression « valeur de lavie " les expressions « consentement à payer collee-

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tivement pour réduire le risque d'une mort préma­turée [3] ou « valeur d'évitement d'un décès (VED) "[4]. La valorisation de la mortalité s'avère pourtantnécessaire dès qu'une décision publique est suscep­tible de modifier la probabi lit é de décès , et elles'effectue généralement en recourant à une des troisméthodes suivantes.

La première consiste à étudier les décis ions(généralement juridiques) ayant impliqué une varia­tion de la probabilité de décès pour inférer la valeurd'évitement sous-jacente. Les résultats obtenusmanquent toutefois de cohérence : Jones-Lee [5]relève ainsi que la décisi on britannique de ne pasimposer un mécanisme rendan t les armoires àpharmacie inaccessibles aux enfants équivaut à leuratt ribuer une valeu r unitaire inférieure à 1 000 E,alors que Morrall [6] établit que la décision américaineréglementant l'usage du diéthylst ilbest ro l dansl'alimentation du bétail conduit à une valorisat ionimplicite de l'évitement d'un décès de 132 millions $.

La seco nde approche consiste à adopter unevision strictement productiv iste de l'ind ividu enfondant la valeur sur son activité productive, évaluéecomme la somme actualisée des revenus futurs pourchaque âge. Cette approche, parfois appelée théoriedu capital humain , est largement crit iquée, parcequ'elle suppose que la valeur de l'individu est repré­sentée uniquement par ce qu'il produit, et que cetteproductivité est correctement et uniquement mesuréepar les revenus du travail. La produ ction nonmarchande est ainsi totalement négligée. De plus,l'actual isatio n est une variable c lé dans cetteapproche, puisque le passage d'un taux annuel de2,5 % à un taux de 10 % conduit à diviser par 5 lepoids relatif d'un enfant par rapport à un adulte actif [7].Enfin, une critique plus conceptuelle réside dans lefait que cett e appro che ne tient pas compte despréférences des ag ents dont tou te va leur éco ­nomique es t pourtant issue . Les décis ions deconstruction d'infrastructures routières se fondent enFrance sur cette méthode, et retiennent actuellementla valeur de 3,6 millions de francs.

La troisième méthode repose sur les consente­ments à payer (CAP) ind iv iduels - ob se rv és(méthodes indirectes) ou révélés (méthodes directes)­pour une réduction de la probabilité de décès.

Les méthodes indirectes utilisent l'i nfo rmationdisponible sur divers marchés - marché du travail,du logement ou des biens de protection - et conduisentà une valorisation ex post : on estime la contrepartiemonétaire nécessaire pour accepter une variation duniveau de risque (professionnel, lié à l'habitat ou auxbiens de protection). Les grandeurs obtenues s'éche­lonnent entre 2 et 40 millions de francs.

Les méthodes directes analysent les réponsesd'individus confrontés à des situations hypothétiquesimpliquant une variation de la probabilité de décès :ce sont les méthodes d'évaluation contingente. Ellesestiment une valorisation ex ante et s'avèrent parti­culièrement adaptées bien qu'exposées à un nombreélevé de biais potentiels pas toujours contrôlables.

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Coût économique de la maladie Dépenses de protectionCAP SOCIAL

Coûts de traiteme nt et pertes de reve nus Dépenses de protectionsupportés collectivement supportées co llectivement

......... " ..... ............

Coûts de traitement et perte s de revenus Dépenses de protection CAP PRIVÉsupportés individuellement supportées ind ividuellement

Désutilité liée à la morbidi tésupportée individuellement

BIENS MARCHAN DS 1 BIENS NON MARCHANDS

Dans la pratique, les méthodes d'évaluation contin­gente conduisent à une valorisation de l'évitementd'un décès de l'ordre de 10 millions de francs auxÉtats-Unis . La Commission européenne préconisepour sa part une valeur de 20 mil lions de francs(3 ,1 millions € ) da ns le ca dre du Program meExternE.

Évaluation économiqued'une variation de la morbidité

Les bénéfices liés à une réduction de la morbiditésont complexes à établir, de par leur caractère multi­dimensionnel et leur dimension temporelle. La figure 2distingue trois principales composantes : les coûtsmarchands associés directement à l'épisode morbide,le s dépenses de pro tection (essent iel lementmarchandes) effectuées pour tenter d'éviter un épi­sode morbide et les coûts indirects (généralementnon marchands) associés à la morbidité. À partir decette déco mpos ition, tro is méthodes d'évaluatio nsont envisageables.

La méth ode de s coûts de protection , peuutilisée, se fonde sur le fait que certains achats oucomportements préviennent certaines conséquencesliées à la dégradation de l'environnement. Cetteméthode permet de valoriser indirectement la valeurassociée à un épisode morbide en comptabilisant lesdépenses engagées pour l'éviter, sa fréquence et lavariation correspondante de la probabilité de survenuede l'affection . La collecte des données nécessairesest toutefois très difficile.

La méthode du coût économique d'un épisod emorb ide consiste à comptabiliser les dive rsesdépenses engendrées par l'apparition d'un ensemblede symptômes et n'impose aucune hypothèse surle comportement des individus. Dans son acceptionla plus large, cette méthode doit prendre en considérationl'ensemble des coûts sanitaires directs mais dansla pratique, seules les composantes en bleu de la

figure 1 (p. 250) sont prises en compte. Les coûtsliés aux hospitalisations se fondent généralement surun coût moyen de la journée et une durée moyennede séjour par motif alors que la morbidité ambulatoirese fonde sur des coûts moyens de consultation et detraitement.

L'évaluation con tin gente mesure pour sa part leCAP pour une variation de bien-être imputable à unevariation du niveau des variables environnementalespar le jeu de questionnaires. Il convient de distinguerle CAP privé pour une diminution de la morbiditéassociée à un facteur environneme nta l qui doitcomprendre l'ensemble des coûts marchands et nonmarchands individuels, et le CAP social qui y adjointles coûts collectifs (voi r Figure 2). Les mécanismesde report des coûts sanitaires individuels vers lereste de la collectivité (protection obligatoire etcomplémentaire, revenu de remplacement versé parla Sécurité Sociale en cas d'arrêt de travail) constituentune diff iculté lorsqu'on cherche à éva luer le coûtsocial, puisque les comportements de consommationet les CAP individue ls vont différer selon que lessoins sont perçus comme gratuits, presque gratuits,ou payants par les individus. Ceci se traduit sur lafigure 2 par les parties en bleu, dont l'importance estvariable. Les biais inhérents à ce type de méthodedoivent, tout comme dans le cas de la mortalité, fairel'objet d'une attention particulière.

Évaluation des composantes non sanitaires

Lorsqu'il s'agit de biens marchands (dégradationsdes cultures ou des bâtiments) , l'approche par lecoût des dommages est possible. Dans le cas où lesbiens sont non marchands (détério ration d'un éco­système ou nuisances sensorielles), l'évaluation peutse fonder sur des valeurs issues des cours de justice(avec les difficultés associées, dont la forte variabilitédes valeurs obtenues) ou des CAP obse rvés ourévélés.

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Figure 2.Différentes composantes d'une variation de la morbidité.

Different components of a morbidity variation.

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Validité de ces valeurs dans le casde la pollution atmosphérique

Mortalité

Quels que soient la méthod e et le montant deréférence retenus pour mesurer la valeur d'évitementd'un décès, apparaissent trois difficultés, liées aumotif, au degré de prématurité et à l'âge du décès.

Le motif

Dans le cas des méthodes de CAP observés oudes pertes productives, l'adaptat ion au cadre de lapo llutio n atmosphérique doit se faire ex post. Orplusie urs études en psycho logie et sociologie [parexemple : 8-10] ont montré combien les att itudesindividuelles pouva ient varier selon les caractéris­tiques du risque sous-jacent: son caractère volontaire,le fait que l'individu croie (avec ou sans raison) lecontrôler, qu'il relève de la responsabilité de l'individuou que l'in divi du puisse lui associer un bénéf iceperso nnel direct. Autant de facteurs qui opposent,par exemple , un risque associé à un déplacement envéhicule personne l ou un risque professionnel à unrisque lié à l'exposition à un facteur environnemental,et peuven t expli quer des diffé rences de CAP pourleur réduction.

Dans le cas de l'évalu ati on co ntinge nte , lecontexte dans lequel est établie la valeur fait partiede la construction du scénario , et même s'il n'existejusqu 'à présent aucune étude spécifique à la valo­risat ion d'un décès associé à la pollution atmo­sphérique, en réali ser une est possible *. Lorsquel'évaluati on repose sur un con texte différent, oncherche à corriger (arbitrairement) son influence expost: NERA & CASPAR (National Econom icResearch Associates & Centre for Analysis of SafetyPolicy and Attitudes to Risk) [11] proposent parexemple de doubler la valeur obtenue pour le motifde décès « accident de la route » .

Le degré de prématurité du décès

D'un point de vue purement méthodologique, lavaleur d'évitement d'un décès doit dépendre de laperte d'espérance de vie des individus considérés,qui est de l'ordre d'une quarantaine d'années pourles décès accidentels. Utiliser cette valeur revient àconsidérer que l'espérance de vie de l'individu avantson décès est indépendante de la cause du décès.Ce n'est pas le cas pour la mortalité associée à lapollution atmosphérique, qu'elle soit de court ou delong terme.

• Deux études sur ce sujet sont actuellement en cours enFrance : l'une est conduite conjo intement par Paris 1 et leBE TA (Burea u d'économie théorique et appliquée) ; laseconde est menée à Marseil/e par le GREOAM et le SHADYC(Sociologie, histoire, anthropologie des dynamiques cultu­rel/es), dans le cadre du Programme PRIMEOUAL.

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Pour la mortalité de court terme, plusieurs étudesmontrent que des niveaux élevés font d'abord sentirleurs effets sur une population fragilisée (malades,personnes âgées, asthmatiques ou allergiques), dontla probabilité de mortalité est plus élevée que cellede la population en général. L'estimation moyennede la perte d'espé rance de vie se situerait, selonKatsouyanni et al. [12], entre quelques jours et unpeu plus d'une année. Chez les personnes de plusde 65 ans, qui représentent la majorité de l'excès demortalité [13], elle se situerait entre quelques jours etquelques semaines.

La morta lité de long terme touche en revancheune population qui possédait avant l'affection - associéeà la pollution - ayant conduit au décès, une espérancede vie de beaucoup supérieure à celle d'une personneâgée ou frag ilisée décédant lors d'un épisode depollution élevée. L'exploitation des études de cohorteconduit à une perte d'espérance de vie par décès liéà la pollution de l'ordre d'une dizaine d'années [14].

Ainsi , l'util isation d'une valeur d'évitement d'undécès indépendante de la réduction d'espérance devie est de plus en plus critiquée au sein des écono­mistes, et l'on s'oriente vers une prise en compte dela réduction associée au motif de décès, généralementexprimée en termes d'années de vie perdues.

L'âge

À réduction d'espérance de vie égale , l'âge aumomentdu décès importeégalement. Cropper et al. [15]considèrent que sauver la vie d'une personne âgéede 30 ans (espérance de vie à cet âge : 49 ans) estéquivalent à sauver la vie de 11 personnes âgées de60 ans (espérance de vie à cet âge : 22 ans), soitune va lorisatio n de l'ann ée de vie perdue 5 foissupérieure. Krupnick et al. [16] ont récemment étudiél'influence sur le CAP de la réduction de la probabi­lité individuelle de décéder en fonction de l'âge àlaquelle elle survient. Ils montrent qu'une réductionsurvenant dans les 10 prochaines années est valo­risée environ 4 fois plus que la même réductionsurvenant entre l'âge de 70 et 80 ans. De même,Johannesson et Johansson [1 7] estiment que le CAPpour un allongement de la vie d'une année à l'âge de75 ans se situe autour de 1 500 $ seulement , soitenviron 10 000 F.

Il convient donc d'adapter du mieux possible unevaleur d'évitement d'un décès établie pour un motifdifférent, pour une réduction différente de l'espérancede vie, à des âges éventuellement différents, exerciceauquel l'évaluation contingente semble présenter leplus d'aptitudes.

Morbidité

Les méthodes d'évaluation qui reposent sur descoûts marchands (méthode des coûts de protectionet méthode du coût économique d'un épisode morbide)ne méritent pas de correction particulière dès quel'on considère que la durée et la gravité d'un épisodemorbide ne dépendent pas de sa cause. Toutefois, si

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une méthode d'évaluation contingente est utiliséeafin d'estimer le CAP privé pour éviter un événementmorbide, il est préférable d'employer des valorisationsspécifiques au contexte de la pollution atmosphérique,pour des raisons similaires à celles évoquées pour lamortalité et relat ives à la spécificité du risq ue .L'utilisation de valeurs européennes, voire nationaleslorsqu'elles existent, est préférable dans la mesureoù les préférences individuelles et les systèmes desoins sont susceptib les d'entraîner d'importantesvariations de CAP entre les pays [18] .

Bénéfices sanitaires de court et long termeassociés à une suppressionde la pollution atmosphérique anthropiqueen lle-de-France

Nous repre nons les méthodes de valor isa tionprécédentes pour évaluer les effets sanitaires decourt et de long terme à attendre de la suppressionde la pollution anthropique de type particulai re. Cecho ix est moti vé par l'e xistence de nombreusesétudes épidémiologiques internationales et par ladispon ibi lité de données cohérentes issues desréseaux de mesures.

Études épidémiologiques retenues

Les effets sanitaires de court terme de la pollutionatmosphérique reposent sur la phase 2 de l'étudeERPURS, menée en lIe-de-France. En l'absence dedonnées françaises, les effets de long terme sontada ptés d'un e étude men ée co njoin tement enAutriche, en France et en Suisse pour l'OMS*. Lesind icateurs particu laires diffèrent entre les deuxétudes : fumées noi res (FN) et PM13** dansERPURS, PM10 dans l'étude trilatérale. Toutefois, lesPM10 possèdent une très forte corrélation avec lesfumées noires en milieu urbain [19] si bien que nouspouvons les considérer comme deux mesures équi­va lentes de la po llu tio n parti culaire urbaine . Demême, les deux études retiennent des niveaux deréfér ence légèrement différe nts (7 [lg /m 3 dansERPURS contre 7,5 [lg/m3 dans l'étude trilatérale )mais l'écart est suffisamment faible pour que nouspuissions considérer ces deux valeurs comme repré­sentant la part de la pollution d'origine naturelle.

Effets de court terme

L'étude ERPURS - dont la prem ière ph ase(1987-1992) a donné lieu à plusieurs évaluations

• L'ADEME a coordonné le volet français de cette étudedans le cadre du programme PRIMEOUAL-PRÉDIT. Leséquipes impliquées appartiennent à l'Université Paris VII,l 'Institut français de l'en vironnement (IFEN), l'Institut devf!iIIe sanitaire (InVS) et les laboratoires BETA, EUREOua(Equipe universitaire de recherche en économie quantitative)et GREOAM... Particules en suspension d'un diamètre inférieur à 13 pm.

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monétaires [3, 20-22] - est une étude rétrospectivede type écologique temporelle qui traite de l'impact àcourt terme de la pollution atmosphérique urbainesur la santé de la population d'ile-de-France (Seine,Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne),soit environ 6,18 millions d'habitants en 1995 . Cetteétude s'attache à la pollution de fond mesurée parcinq indicateurs : le dio xyde de soufre (S0 2), ledioxyde d'azote (N0 2), l'ozone (0 3) ' et deux mesuresdes particules en suspension : PM13 et indi ce defumées noires.

Se fonder sur la seconde phas e (1991-1995)présente deu x avantages maj eurs . D'une pa rt ,elle bén éf icie d'une ana lyse non paramétriquemieux adaptée ainsi que de la distinction de deuxsaisons - été (avril à septembre) et hiver (octobre àmars) - permettant de prendre en compte d'éven­tue lles var iations dans les habitudes de vie et lacomposition physico-chimique annuelle des indicateursde pollution. D'autre part, il est intéressant de mesurerles conséquences sanitaires des variation s desniveau x de pollu tion survenues depuis cinq ans :diminution des indicateurs acido-particulaires de plusde 30 % , augmentation de l'ozone et du dio xyded'azote de plus de 20 %.

Les indicateurs sanitaires retenus sont*** :

• les données de mortalité (source INSERM), quireprésentent la totalité des 45 500 décès annuels dela zone d'étude ;

• les hospital isations de court séjour dans les27 hôpitaux de l'Assistance Publique - Hôpitaux deParis, soit environ 800 000 séjours annuels repré­sentant environ 50 % des hospitalisations en courtséjour en Ile-de-France (source APHP) ;

• les visites médicales à domicile en urgence (sourceSO S-M édecins) , so it environ 350 000 v is itesannuelles représentant 20 % des visites à domicileeffectuées par des généralistes , et environ 1,1 % desco nsu ltat ions ch ez les général istes en Ile-de­France****.

Le risque attribuable pour un indicateur de pollutionest calculé pour chaque saison à partir des risquesrelatifs [24] et conduit au nombre d'occurrences attri­buables. Les résultats spécifiques aux deux saisonssont ensuite additionnés pour obtenir, pour un indicateurdonné, un nombre annuel de décès, d'hospitalisationsou de consultations potentiellement évitables. Ceux-cisont finalement redressés, proportionnellement à leurreprésentativité dans la zone géographique , pourobt enir les occurrences évitables (voir An nexeci-contre, pour les résultats par indicateur de pollution).

... Les urgences pédia triques et les arrêts de tra vai lportent sur des nombres de cas journaliers trop faibles pourêtre généralisés, et n 'ont donc pas été retenus bien queprésents dans l'étude ERPURS..... Le nombre annuel moyen de consultations auprès d'ungénéraliste en France étai t de 5 en 1996 [23J. Il n 'estcependant pas évident que les motifs et la gravité de l'affectionconduisant à une consultation chez un généraliste et à unrecours à SOS-Médecins soient similaires.

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Annexe.Occurrences de court terme évitables en Ile-de-France, si le niveau annuel moyen de chaque indicateur de pollution

était ramené à sa valeur P5.

Short term cases avoidable when the annuai mean concentrat ion of each indicator is reduced to its P5 value in Ile-de-France.

Variables sanitaires/Indicateurs de pollution FN P81380

Z(1) NOz OP )

P5: 7 P5 : 10 P5:8 P5 :33 P5 : 15Concen tra tions (Jlglm3) P50 : 16 P50:22 P50: 20 P50 : 54 P50 : 44

Moyenne : 20 Moyenne : 25 Moyenne : 25 Moyenne : 56 Moyenne : 52

Mortalité non acci dentell e 764 464 436 1 071 403404-1 127 248-703 215-654 568-1 592 132-690

Hospita lisations pour cau se respirato ire 332 -- - 334 1 111 ---131-565 15-542 384-1 840

Hospitali sations pour cause circulatoire 1 427 -- - 631 2955 -- -436-2472 75-1 142 1494-4436

Consultations pour aff ection 18245 10 280 -- - 10 234 12 963cardiovasculaire 2991-37 459 3636-17 069 2244-18321 5157-20594

Con su ltations pou r asthme 16540 7470 3000 17789 ---8454-24932 1 269-13931 454-5690 10671-25115

Consul tations pour mau x de tête 52063 41904 24 808 42 282 ---35 149-69 993 25997-57 712 16 914-32 816 24 976-59 485

Consultations pour mal adie de l'œil 5 660 4 554 --- 4303 35882641-8740 2211-6975 1879-6839 419-6657

--- : relation non sign ificative au seuil de 5 %. L'intervalle de confiance à 95 % est mentionné sous les variab les.(1) : Hiver seu lement.(2) : Été seulement.

Effets de long terme

L'étude trilatérale étudie les effets d'un indicateurde poll ution (PM1Q) sur sept indicateurs sanitairesdont deux de long terme : la mortalité de long termenon accidentelle chez les adultes de plus de 30 ans[25, 26] et les nouveaux cas de bronchite chroniquechez les adultes de plus de 25 ans [27]. Ils proviennentd'études américaines, et le problème de la transpositionà Une population différente, aux habitudes de vie diffé­rentes, et soumise à des cocktails de polluants éven­tuellement différents , ne doit pas être sous-estimé.

Les nombres annuels de décès et de bronchiteschroniques évitables si le niveau de concen trationannuel en PM1Q était ramené au niveau de 7,5 IJg/m3

(considéré comme le niveau naturel) sont exprimés pourune variation de 10 IJg/m3 et par million d'habitants' :respectivement 340 (IC à 95 % 206-476) et 394 (IC à95 % 35-784). Ils sont calculés pour la concentrationannuelle moyenne en PM1Q (21 IJg/m3) et la population(6,18 millions) de l'ile-de-France, et reproduits dans ladeuxième colonne du tableau 1, p. 256.

Choix des valeurs monétaires

Elles dépendent fortemen t de choix méthodo lo­giques sous-jacents . Nous explicitons ci-dessous lesvaleurs retenues, qui sont reproduitesdans la troisièmecolonne du tableau 1, p. 256.

• Voir te rapport du groupe Épidémiologie pour la méthodo­logie utilisée [14].

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La mortalité représente la valeur la plus délicateà établir en l'absence de valeurs cons ensuelles.Nous retenons la méthode d'évaluation contingente,et puisque aucune évaluation spécifique au contextede la pollut ion atmosph érique n'est encore dispo­nible, choisissons pour la qualité de son protocole lavaleur de 9,2 million s de francs issue d'une étuderécente de Chilton et al. [4] sur les accidents de laroute. Cette valeur est associée à un individu décédantà un âge proche de l'âge moyen de la population(37,5 ans), et dont l'espérance de vie à cet âge étaitdonc de 42 ans [28]. Nous décomposons la VEDcomme une somme actual isée de valeurs d'année

42

de vie perdue (VAV) : VED = L (1 + 8)-i VAV, soit1= 1

avec un taux annuel d'actualisation 8 = 4 %, VAV =454 779 francs.

Pour la mort alité de court term e, une per ted'espé rance de vie pla usib le d'un e ann ée estchoisie , et la valeu r actua lisée de cette année estdonc : (1 + 8)-42 VAV, soit 87 580 francs.

Pour la mortalité de long terme, une perte d'espé­rance de vie de 10 années est choisie , et la valeur

42

actualisée de cette perte est donc de L (1 + ô):' VAV,i = 1

soit 1 052 millions de francs".

•• Les valeurs obtenues sont cohérentes avec les résultatsqui tendent à valoriser plus faiblement les années de vieperdues à un âge avancé. Elles supposent toutefois que lavalorisation unitaire d'une année de vie perdue est calculéeà l'âge moyen de la population [29].

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Tableau 1.Bénéfices sanitaires annuels associés à la suppression de la pollution atmosphér ique anthropique en lIe-de-France(1).

Annual health benefits associated with the suppression of anthropogenic air pollution in Ile-de-France(1).

Nombre de cas Évaluation Évaluation totaleVariables sanitaires par cas (FF) (106 FF)

Mortalité de court terme 76487580 66,9

404-1 127 35,4-98,7

Hospitalisations pour cause respiratoi re 332 30 159 ' 10131-565 4-17

Hospitalisations pour cause circulatoire 1427 31 192 ' 44 ,5436 -2472 14-77

Total hospitalisations de court terme - - 54 ,5t18-94

Consultations pour affection cardiovasculaire 18245 600 ' 10,92991-37459 2-22

Consultations pour asthme 16540250

4,18454-24932 2-6

Consultations pour maux de tête 52063 140 7,335 149-69 993 5-10

Consultations pour maladies de l'œil 5660 1400,8

2641-8740 0-1

Total consultations de court terme - - 23,2t9-40

Total court terme (106 FF) 144,6t62-233

Soit bénéfice sanita ire par personne (FF) 23 t10-38

Morta li té de long terme 29421052000 3094,7

1 782-4 118 1 875 -4333

Bronchites chron iques 340921645 73 ,8

302 -6783 7-147

Tota l long terme (106 FF) 3168,5t1 882-4480

Soit bénéfice sanitaire par personne (FF) 513t305-725

(1) Les départements concernés sont la Seine, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, soit 6,18 millions d'habitants en 1995.- : sans objet, • y compris pertes de production (voir texte).t Les intervalles de confiance de ces sommes représentent la somme des bornes inférieures et supérieures des intervalles de conf ianc e de leurscomposantes individuelles.

Pour la mo rb idité , la méthode du coût écono­mique d'un épisode morbide est retenue car el les'appuie sur des coûts réels, immédiatement quanti­fiab les et éva lue ce que la poll ution anthropiquecoûte au minimum à la société : soins médicaux etpertes de production.

Les pertes de production associées à un évé­nement morbide sont prises en compte en attribuantune valeur journalière à l'activité professionnelle, eten la multipliant par la durée estimée de l'arrêt detravail. Nous retenons, plutôt que le salaire moyen, la

256

valeur du PIS national par jour et par habitant quireprésente une approximation de la perte sociale,soit 360 francs/jou r/habitant.

Le coût de la morbidité ambulatoire comprendla consultation et le traitement associé [30-32]. Onconsidère que seules les pathologies card iovascu­laires donnent lieu à un arrêt de travail, estimé à unejournée.

Pour évaluer le coût des hospitalisations, lesvaleurs par motif issues du Programme de médicali­sation du système informatique (PM81) sont utilisées,

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-- ................ ---Borne inféri eure

<, - Estimation moyenne

-. - Borne supérieure

------ r-, "'\~

<, -,.-.., r--...- ~,

-.......... ... ,~ i"....-........;:~- 1----

* On évite ici d'actualiser en supposant que les dépensesassociées à une bronchite chronique évoluent au mêmerythme que la croissance économique, le concept de préfé­rence pure pour le présent étant non pertinent dans cecadre précis.

aux que lles sont ajou tées les pe rtes deproduction évaluées à deux fois la durée moyenned'hospita lisation (soit 17,8 jours pour cause cardio­vasculaire et 16,2 jours pour cause respiratoire [33].

Les bronchites chroniques sont éval uée s à1 443 francs par an [34]. Une durée de 15 ans estretenu e [14], so it un total de 21 645 francs" parnouveau cas.

60504030

Les effets de long terme prédominent largement,mais à la différence des effets de court terme , nesont pas observés instantanément. Il convient doncd'intégrer les aspects dynamiques lors de l'évaluationdes bénéfices totaux.

Évaluation des bénéfices totauxdans un cadre dynamique

Lorsque l'on cherche à déterminer les bénéficestotaux, il convient d'abord de s'assurer que la mortalitéde court terme n'est pas partiellement comptabili séedans la mor tali té de long terme. Une partie de larépo nse rési de dans la méthode de ca lcu l de lamortalité de long terme, le nombre d'années de suivide la cohorte et le degré de prématurité des décèsde court te rme . Sans don nées préc ises et ayantsupposé précédemment que la prématu rité d'undécès de court terme éta it de 1 an au maximum ,nous considérons que le deg ré de recouvremententre les deux types de mortalité est faible, si bienque les bénéfices sanitaires totaux repr ésentent lasomme des bénéfices de court et de long terme.

Toutefois, alors que les bénéfices de court termesont observés immédiatement après la réduction duniveau de pollution , les bénéfices de long termereposent sur des affections possédant une inertie,tant dans la dégradation qui conduit à l'apparitio nd'une affection que dans sa disparition. Ils ne serontainsi pas observés immédiatement après la suppressionde la pollution anthropique, et il est intéressant d'évaluerle délai nécessaire pour qu'ils le soient. Les donnéesnécessaires au calcul n'existent pas dans le cadre de

2010a

Millions de franc s

5 000

4 500

4 000

3500

3 000

2 500

2 000

1 500

1 000

500

a-10

Évaluation des bénéfices sanitaires

Évaluation des bénéfices de court et de long terme

Les bénéfices sanitaires de court et de long termeassociés à la suppression de la part anthropique desPM1Q sont présentés dans le tableau 1, p. ci-contre.L'intervalle mentionné pour chaque indicateur sani­taire représente l' intervalle de confiance à 95 %const ruit à partir des fonct ions exposition -réponse .La mortalité de long terme représente l' indicateursanitaire le plus important (3,2 milliards de francs,IC à 95 % 1,8-4,3), du fait du nombre élevé de cas,de la pert e importante d'espérance de vie occa ­sionnée (10 ans) et de sa forte valorisation. Viennentensuite les bronchites chroniques (74 mill ions defrancs , IC à 95 % 7-147) et la mortali té de courtterme (67 millions de francs, IC à 95 % 35-99).

Années depuis le début de la réduct ion

Figure 3. . . .Évol ution des bénéfices sanitaires totaux suite à une suppression de la pollution atmosphenque anthropique.

Total health benefits evolution when anthropogenic air pollut ion is suppressed.

POL LUTION ATMOSPHÉR IQUE N° 166 - AVRIL-JUIN 2000 257

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la pollution atmosphérique , mais on peut toutefoisutiliser les connaissances acquises sur l'évolution dela morbidité et de la mortalité après un sevrage taba­gique, ce que font par exemple Leksell ou Chanel etcoll. [35, 36] . Deux paramètres interviennent: lechoix d'une fonction temporelle représentant l'amélio­ration du risque relatif après la réduction du niveau depollution et la politique de réductio n. La figure 3,p. 257 , reproduit , sous des hypothèses raison ­nables' , le passage d'une situation dans laquelle lapopulation est exposée aux niveaux actuels de pollutionparticulaire à une autre où elle est exposée à desniveaux anthropiques nuls.

On constate que le délai nécessaire pour obtenir50 % des bénéfices sanitaires totaux est de 22 ans,et que plus de 50 ans sont nécessaires pour enobserver l'intégralité. Ces résultats ne devraient pasêtre négligés lors de toute prise de décision impliquantdes effets à long terme, d'autant plus que l'actualisationréduit en core le mon tant total des bénéf icesescomptés lorsqu'ils sont exprimés en valeur présente.

Conclusion

Les bénéfices sanitaires annuels associés à lasuppression de la part anthropique des particules ensuspension sont mesurés par le coût économique dela morbidité et une valorisation monétaire associée àl'évitement d'un décès. Les effets à court terme s'élè­vent, pour l'ile-de-France à environ 145 millions defrancs par an (soit 23 francs par habitant). Les béné­fices sanitaires annuels de long terme sont quantà eux éva lué s à plu s de 3,2 mill iards de fran cs(513 francs par habitant), soit 20 fois plus, mais neseront observés pleinement que dans une cinquan­taine d'années en raison de leur caractère cumulatif.

* La suppression de la pollution particulaire anthropiquenécessite 20 ans, et les excès de risque de mortalité delong terme et de bronchite chronique sont divisés par deuxtous les 3,5 ans (voir [36Jpour d'autres valeurs).

258

Il est donc important que des études épidémio­log iques fran çais es quantifient ces eff ets à longterme sur la santé de la population et que l'approcheéconomique les intègre correctement dans un cadredynamique. Par ailleurs, la baisse très sensible desconcentrations annuelles moyennes des indicateursparticulaires et la croissance de celles en N02 fontque ce dernier présente un nombre d'occurrences decourt terme évitables, et donc des bénéfices corres­pondants plus élevés. Les connaissances épidémio­logiques actuelles ne permettent pas d'évaluer s'il enest de même pour les effets à long terme, et plaidentdonc pour qu'une attention toute particulière leur soitportée.

Remerciements

Ce travail a été présenté en janvier 2000 lors ducolloque Économie de l'Environnement organisé auminis tèr e de l'Aménage ment du Ter rito ire et del'Environnement. Il trouve partielle ment sa sourcedans deux études, l'une réalisée pour ledit ministère[20] et l'autre pour l'Organisation Mondiale de laSanté [33]. L'ADEME a financé la partie française dela seconde étude dans le cad re du ProgrammePRIMEQUAL. L'auteur remercie J.-C. Vergnaud pourses conseils avis és , ains i que deu x référés pourleurs remarques pertinentes .

Mots clés

Pollution atmosphérique. Méthodes d'évalua­tion. Coûts sanitaires . Effets de court terme/effetsde long terme.

Keywords

Air pollution . Economic va luat ion met hods.Health costs. Short/long term effects.

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