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UNIVERSIT JEAN MOULIN LYON 3 Facult de Droit
LICENCE EN DROIT, 1er SEMESTRE
IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN HHIISSTTOORRIIQQUUEE AAUU DDRROOIITT
HHIISSTTOOIIRREE DDEESS IINNSSTTIITTUUTTIIOONNSS EETT DDUU
DDRROOIITT FFRRAANNAAIISS
ddee llaa ffiinn ddee llAAnnttiiqquuiitt llaa ffiinn ddee
llAAnncciieenn RRggiimmee ((55ee--1188ee ssiicclleess))
Chr. LAURANSON-ROSAZ Professeur lUniversit Jean Moulin
Deuxime Partie LLEE MMOOYYEENN GGEE ((1100ee--1155ee
ssiicclleess)) De la Fodalit la Monarchie
La mutation fodale dsigne le grand changement qui sest opr entre
le 10e et le 12e sicle autour de lan Mil dans la socit occidentale
: un changement la fois politique, conomique et social, que les
historiens peroivent plus ou moins fort selon les rgions (selon que
le pouvoir royal ou imprial est plus ou moins affaibli ou lointain
), et qui dbouche sur un paysage (au sens rel du terme) totalement
diffrent de celui du haut Moyen ge finissant. Les temps
carolingiens font place aux temps fodaux, domins par les seigneurs,
avant que ces seigneurs ne soient brids par la royaut, laquelle
recouvre ses prrogatives. Le haut Moyen ge devient Moyen ge pour
millnaire (bas Moyen ge / Moyen ge classique), avec un nouvel ordre
institutionnel, social et conomique, perceptible ds les premires
dcennies du 11e sicle, et qui va rgir la vie de nos anctres pour
longtemps, tant en ce qui concerne la condition des personnes que
la condition des terres.
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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Pour lhistoire des institutions franaises, le Moyen ge est une
priode cruciale, qui voit dabord saffaiblir ltat, le pouvoir royal
seffaant devant les fodaux ; puis ce pouvoir revient avec force (
partir du milieu du 12e sicle) et place la France au 1er rang des
puissances occidentales (13e sicle). Aux 14e et 15e sicles, les
preuves de la Guerre de Cent ans affectent la royaut captienne,
mais elle en sort victorieuse, sappuyant sur ce quon peut dj
appeler la Nation, qui merge politiquement travers des institutions
nouvelles : tats gnraux, arme et impt permanents. Il en sortira une
monarchie de plus en plus centralisatrice et absolue.
Les changements sont la fois juridiques, socio-conomiques,
institutionnels : Nouveaux droits : Chapitre 1. Les sources du
droit mdival Nouvelle socit : Chapitre 2. La socit fodale Nouvelles
institutions : Chapitre 3. Les institutions royales
Mais auparavant, il convient de faire quelques rappels
chronologiques
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REPRES CHRONOLOGIQUES 987 Hugues Capet lu roi des Francs La
mutation fodale (10e-12e) La Paix de Dieu et la Trve de Dieu 1054
Schisme dOrient (orthodoxie) 1073 Dbut de la Rforme grgorienne
1081-1137 Louis VI le Gros. Suger. 1095 Dbut des croisades 1112
Commune de Laon. 1123-1215 Conciles de Latran (4) 1135-1140 Vzelay.
1152 Divorce de Louis VII et dAlinor 1157 Bulle dOr. Larchevque
matre de Lyon 1163 Dbut de la construction de ND de Paris 1184
Inquisition. Baillis 1167/73 Le Forez dans le royaume 1214 Bouvines
(Philippe Auguste) 1226 Saint Louis (1270) 1269 Rvolte des
bourgeois de Lyon 1302 tats gnraux (Philippe le Bel) 1309-1376 Les
papes en Avignon 1311 Lyon dans le royaume 1337-1453 Guerre de Cent
ans 1320 Charte de franchise de Lyon 1348 Peste noire 1349
Transport du Dauphin 1358 tienne Marcel : Commune de Paris 1356
Bulle dor ou constitution de lEmpire 1378-1417 Grand Schisme
dOccident 1397 Fondation de la Banque Mdicis Florence 1415 Dfaite
dAzincourt. 1420 Trait de Troyes 1416 Le comt de Savoie devient
duch 1429-1431 Victoires de Jeanne dArc. Charles VII 1420-1463
Foires de Lyon 1439, 1447 Impt puis arme permanents 1436 Rbeyne ou
rvolte des Lyonnais 1453 Prise de Constantinople par les Turcs 1454
1er livre imprim par Gutenberg Mayence 1461 Louis XI 1492 Dcouverte
de lAmrique
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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Rappels : le contexte historique, de lan Mil la Renaissance La
France mdivale se caractrise tout dabord par une phase deffacement,
deffondrement mme, du pouvoir
royal (10e-11e sicles), puis, partir du dbut du 12e sicle, par
une priode de redressement de lautorit monarchique, qui connat,
nouveau, les plus graves difficults durant la guerre de Cent Ans
(14e-15e s.).
1. La mutation fodale (10e et 11e sicles). En 888, les Grands
assembls Compigne nont pas proclam roi lhritier carolingien, mais
Eudes, comte de
Paris, qui, comme son pre Robert le Fort, sest illustr dans la
lutte contre les Normands : pendant un sicle, Carolingiens et
Robertiens vont alterner sur le trne. Paralllement, les grands du
royaume les princes territoriaux 1 prennent une importance
politique de premier plan, prlude la crise fodale.
En 987 est ainsi lu un Robertien 2, Hugues Capet . Avec lui
commence la troisime race des rois de France, celle des Captiens3
qui aura une carrire de plus de 8 sicles, jusquen 1792.
Les dbuts de cette dynastie sont des plus modestes. Le roi
nexerce pas dautorit relle sur lensemble du royaume, mais seulement
sur le domaine royal , un domaine restreint situ dans lle de
France, entre Compigne et Orlans, et encore, bien souvent, avec
difficults. Le reste du territoire est rparti en grandes
seigneuries, hritires des principauts territoriales mises en place
la fin du 9e sicle, avec leurs ttes des comtes et ducs devenus
autonomes.
Bien que ses pouvoirs sur le royaume soient inexistants dans la
pratique quotidienne, le roi se distingue nanmoins des autres
seigneurs par son titre de roi, par le caractre sacr que lui confre
lonction de Reims (il gurit les crouelles : on dit quil est
thaumaturge), par lautorit morale qui en dcoule et qui en fait
nominalement le seigneur des seigneurs.
Sur le plan conomique a lieu une formidable renaissance, en mme
temps que se met en place la socit fodale. Ce renouveau a des
causes multiples : changements climatiques, essor dmographique,
conqute de nouvelles terres, rapparition de lor par lintermdiaire
de lEspagne musulmane. Le dcollage , qui se fait sentir ds le
milieu du 10e sicle, saffirme nettement durant les deux sicles
suivants.
Si lordre fodal rgne (les sires essaient au maximum dexploiter
les nouvelles sources de richesse), les villes, lieux de refuge, se
repeuplent et connaissent une activit plus grande : celles de la
Flandre, par exemple, fabriquent avec la laine venue dAngleterre
des tissus destins toute lEurope. Le travail des artisans va
sorganiser dans les mtiers qui unissent en une mme corporation
matres et compagnons. Le commerce reprend galement : les marchands
du Nord et ceux dItalie se rencontrent en Champagne o ont lieu de
grandes foires, comme Provins, Troyes ou Lagny.
2. Lapoge captien (12e et 13e sicles). Point de dpart du
redressement du pouvoir royal, le rgne de Louis VI le Gros
(1108-1137), bien conseill par
Suger. Deux faits sont significatifs du changement : 1 Le roi
rtablit entirement lordre dans son domaine entre Paris et Orlans et
sy fait totalement respecter par des agents efficaces ; 2 Devant le
danger que font peser les menaces allemande (lempereur germanique
Henri V) et anglaise (le roi Henri Ier), tous les seigneurs du
royaume sunissent auprs de lui : cest la premire manifestation de
cohsion nationale autour de la personne du roi. Hlas, le rgne de
son fils Louis VII (1137-1180) connat une suite dvnements aux
consquences dsastreuses sur le plan territorial : en 1152, le roi
divorce de la reine Alinor dAquitaine, qui lui avait apport en dot
le duch de Guyenne (Aquitania = Gascogne, Saintonge, Poitou) ; 6
semaines seulement aprs, Alinor se remarie Henri Plantagent , comte
dAnjou et duc de Normandie : celui-ci hrite 2 ans plus tard de la
couronne dAngleterre. Henri II se retrouve matre de la moiti de la
France (cf. carte).
Philippe II Auguste (1180 1223), redresse la situation en
runissant la Normandie, lAnjou, le Maine et le Poitou, soit toutes
les terres anglaises sauf lAquitaine. Il remporte par ailleurs
contre lempereur et le comte de Flandre coaliss la victoire de
Bouvines (1214) qui montre quil est le prince le plus puissant
dEurope occidentale.
1 Comte dAnjou ou de Blois-Champagne, duc dAquitaine, bientt duc
de Normandie ou de Bourgogne. 2 Le dernier roi carolingien, Louis V
meurt accidentellement dune chute de cheval, 20 ans et sans postrit
le 28 mai. Le 1er juin,
Noyon, lassemble des grands du royaume, sous linfluence de
larchevque de Reims Adalbron, choisit Hugues. Le nouveau roi est
sacr dans la cathdrale de Reims le 3 juillet suivant.
3 De mme que les Pippinides taient devenus les Carolingiens avec
Charlemagne, partir de 987 les Robertiens deviennent les Captiens.
Le surnom de Capet (dont sera affubl symboliquement Louis XVI en
1793) tait donn Hugues parce quen tant quabb laque de Saint-Martin
de Tours, il tait charg de la garde de la chape de saint
Martin.
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Le long rgne de Louis IX (1226-1270), saint Louis pour la
postrit, accrot considrablement le rayonnement moral de la
monarchie, faisant de la France la premire puissance politique,
conomique et surtout culturelle du monde europen (le temps des
cathdrales , mais aussi des universits, de la thologie et du droit
canon).
Philippe IV le Bel (1285-1314), est le premier monarque prenant
avec autorit des initiatives dans les domaines les plus divers : il
innove en runissant les tats gnraux, pour appuyer sa politique par
lassentiment des population, met en place pour des raisons
militaires un impt royal bientt permanent, manipule la monnaie,
fait le procs des Templiers, entre en conflit avec le pape, a des
dmls avec les grands seigneurs...
Les progrs de la monarchie captienne sont mis mal par la grave
crise dynastique qui clate en 13164. Le principe de masculinit,
retenu pour carter du trne les femmes et leur progniture, sert de
prtexte au dclenchement de la fameuse Guerre de Cent Ans par le roi
dAngleterre douard III qui aurait d hriter de la couronne
(1336).
conomiquement, lessor des 10e et 11e sicles se prolonge. Si les
foires de Champagne dclinent, cest au profit de celles de
Chalon-sur-Sane, de Lyon et de Beaucaire. Comme il est normal, la
renaissance du commerce cre un besoin de numraire. Les grands
seigneurs et les vques frappent des monnaies dargent ; les villes
italiennes, comme Venise, qui senrichit par le commerce avec
Byzance, parfois des monnaies dor. Saint Louis donne prminence la
monnaie royale dargent et la fait accepter dans tout le royaume. En
1266, il va plus loin en frappant des monnaies dor (lcu dor) et en
dclarant quil en a seul le droit. Lactivit bancaire nest pas
absente du renouveau conomique et le procd du crdit est frquemment
utilis dans les transactions.
Les consquences sociales de cette activit conomique sont de deux
sortes : 1 La noblesse, uniquement propritaire de terres,
sappauvrit par les partages successoraux, la fixit des redevances
des paysans, les dpenses occasionnes par les dparts aux Croisades ;
2 Une bourgeoisie aise apparat, dont une partie est dtentrice de
capitaux, nouvelle forme de puissance.
3. La guerre de Cent Ans (14e et 15e sicles). Cette guerre
constitue une preuve fort rude pour la France. Le pays connat alors
: 1 des dsastres militaires (Crcy, 1346 ; Poitiers, 1356, o le roi
de France est fait prisonnier ; Azincourt,
1415). 2 des difficults financires aigus 3 des crises sociales
avec les rvoltes de paysans (les paysans sinsurgent en particulier
parce quils sont ruins
par les bandes de soldats qui circulent dans le pays entre les
diffrentes oprations militaires. Ces jacqueries paysannes sont
souvent violentes : il arrive que lon massacre les nobles et que
lon incendie les chteaux)
4 des crises politiques extrmement graves, dues notamment la
situation de rgence, souvent rpte, durant la captivit en Angleterre
du roi Jean II le Bon (1356-1360)5, ou durant le rgne dsastreux de
Charles VI (1380-1422)6, qui voit une vritable guerre civile
opposer les factions politiques rivales, et lhritier du trne, le
dauphin Charles, dsavou par son pre fou.
4 Voir infra, la partie du cours consacre aux rgles de
transmission de la couronne 5 Un catastrophique mouvement de
dsagrgation du pouvoir central se produit : les grands (tel Charles
le Mauvais, roi de Navarre)
fomentent des troubles pour appuyer leurs ambitions ; les tats
gnraux, runis presque sans interruption de 1355 1358, essayent de
substituer leur autorit celle du rgent, salliant pour cela au
mouvement insurrectionnel parisien : Le premier soulvement est
conduit par tienne Marcel, prvt des marchands, qui tente, lui,
aussi de semparer de la direction du royaume en 1356 et 1357 (lanne
suivante il est assassin coups de hache par le bourgeois de Paris
Jean Maillart). Le peuple tant lass des troubles, le rgent, le
dauphin Charles (futur Charles V le Sage), homme modr, peut rtablir
la situation.
6 Cest tout dabord, en 1381, linsurrection parisienne des
Maillotins, qui sopposent la perception de nouvelles taxes. Puis,
dans les premires annes du 15e sicle, le boucher Simon Caboche
prend la tte des 500 bouchers parisiens et bourgeois, domine Paris
quelque temps et impose Charles VI, en mai 1413, lOrdonnance
Cabochienne prpare par lUniversit de Paris et contenant en 258
articles une vritable charte constitutionnelle tendant au contrle
de la monarchie. (Lordonnance est rvoque quelques mois aprs).
Pendant la folie intermittente du roi, les membres de la famille
royale se disputent le pouvoir alors que la guerre continue
toujours. Une farouche guerre civile oppose le parti des
Bourguignons, men par loncle du roi Philippe le Hardi, duc de
Bourgogne, celui des Armagnacs, conduit par le duc dOrlans, frre du
roi. Les Bourguignons contrlent la rgion parisienne, salliant le
cas chant avec les Anglais ; les Armagnacs, recruts plutt dans le
Sud-Ouest, en Bretagne et en Lorraine, sont partisans de
lindpendance franaise. En 1420 est sign le honteux trait de Troyes
: le roi fou, circonvenu par la reine Isabeau de Bavire, dshrite
son fils Charles et nomme son gendre, le roi dAngleterre Henri V,
rgent du royaume de France et hritier de la couronne.
Deux ans plus tard, en 1422, meurent coup sur coup Henri V et
Charles VI. Le jeune Henri VI, roi dAngleterre, et en principe
galement roi de France, tant g seulement dun an, cest son oncle, le
duc de Bedford, qui devient rgent. La lutte sengage entre les
Anglais qui occupent tout le nord de la Loire, et le jeune dauphin
Charles VII, le petit roi de Bourges (o il sest install pour
reconqurir la couronne), dshrit par son pre. La lutte est indcise
jusquen 1429, date de lentre en action de Jeanne dArc
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partir de 1429, celui-ci recouvre heureusement sa lgitimit grce
aux succs militaires de Jeanne dArc (1412-1431) qui galvanise les
nergies et devient le porte-drapeau de la lutte populaire contre
ltranger7. La Guerre de Cent Ans se termine en 1453, tandis que
cette mme anne, lautre bout de lEurope, les Turcs semparent de
Constantinople et mettent fin lEmpire romain dOrient.
Les malheurs des 14e-15e sicles guerre de Cent Ans, grande Peste
Noire de 1348 ont eu videmment des consquences
dsastreuses sur la vie conomique. Ils vont briser llan de
production et dchange. La guerre de Cent Ans, les pidmies (dont la
grande Peste Noire de 1348 qui dcime le tiers des Europens), les
famines et massacres de toutes sortes, abaissent la population
franaise de 20 millions environ 13 ou 14 seulement peut-tre.
Lagriculture rgresse et de nombreuses terres ne sont plus cultives.
Le commerce est fortement ralenti, parfois mme entirement
interrompu. La guerre interminable et les crises politiques
successives entranent linstabilit montaire avec baisse de la valeur
des monnaies et hausses des prix (phnomne conomique non encore
matris par notre civilisation moderne).
7 Elle prend Orlans (8 mai 1429) et emmne Charles VII se faire
sacrer Reims. Prise par les Anglais Compigne, Jeanne est brle
comme sorcire en 1431 Rouen, mais limpulsion est donne : les
Anglais iront de difficults en difficults jusquen 1453, date de
leur dfaite de Castillon-la-Bataille, 40 km de Bordeaux, livre la
Gascogne Charles et ne laisse plus lAngleterre que Calais, conserv
jusquen 1558.
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HUGUES CAPET 987-996 Adlade dAquitaine ROBERT II le Pieux
996-1031 Constance dArles HENRI Ier 1031-1060 Anne de Kiev PHILIPPE
Ier 1060-Berthe de Hollande LOUIS VI le Gros 1108-1137 Adlade de
Maurienne LOUIS VII le Jeune 1137-1180 1. Alinor dAquitaine 2. Adle
de Champagne 2 PHILIPPE II Auguste 1180-1223 Isabelle de Hainaut
LOUIS VIII le Lion 1223-1226 Blanche de Castille Rgente du royaume
1252
CAPTIENS DIRECTS LOUIS IX le Saint 1226-1270 Marguerite de
Provence
_________________________________________________________________________________________________
PHILIPPE III le Hardi Robert 1270-1285 de Clermont 1318 Isabelle
dAragon Batrix, hritire
_____________________________________________________________________________
du Bourbonnais
PHILIPPE IV le Bel Charles de VALOIS Branche des 1285-1314 1299
Tige des BOURBONS Jeanne de Navarre VALOIS
_______________________________________________________________________
LOUIS X le Hutin Isabelle PHILIPPE V CHARLES IV 1314-1316 1357
le Long 1316-1322 le Bel 1322-1328 PHILIPPE VI de Valois 1. Marg.
de Bourgogne Edouard II Jeanne de Bourgogne 1. M. de Luxemb.
1328-1350 2. Clmence de Hongrie roi dAngleterre 2. Jeanne dEvreux
Jeanne de Bourgogne __________________________ |
1Jeanne 2JEAN Ier le Edouard III (sans postrit mle) JEAN II le
Bon 1316 Posthume roi dAngleterre 1350-1364 Reine de Navarre
(1327-1377) Bonne de Luxembourg Ph. dEvreux se dit roi de France
CHARLES V le Sage Branche de 1364-1380 NAVARRE Jeanne de Bourbon
________________________________________
(ANGLETERRE) CHARLES VI le Fol Louis dOrlans 1380-1422 1407
Isabeau de Bavire Valentine Visconti
N B
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N CHARLES VI le Fol Louis dOrlans B 1380-1422 1407 Isabeau de
Bavire Valentine Visconti
_______________________________|_______________
________|______________________
Isabelle CHARLES VII le Victorieux Charles dOrlans Jean 1467
Richard II 1422-1461 le Pote 1465 Cte dAngoulme Roi dAngleterre
Marie dAnjou Marie de Clves Marg. de Rohan (1327-1377)
VALOIS-ORLANS -ANGOULME et de France LOUIS XI | | 1461-1483 LOUIS
XII Charles de Valois Charlotte de Savoie le Pre du peuple 1496
__________________________ 1498-1515 Louise de Savoie
CHARLES VIII Jeanne 1. Jeanne de France | 1483-1498 2. Anne de
Bretagne FRANOIS Ier Anne de Bretagne 1514 remarie | 1515-1547 sans
postrit Claude de France Claude de France
| HENRI II 1547-1559 Catherine de Mdicis Rgente de France 1589 B
___________________________________________________|_____
_________
FRANOIS II CHARLES IX HENRI III Marguerite (la reine Margot)
HENRI IV 1559-1560 1560-1574 1574-1589 (La reine Margot) 1589-1610
Marie Stuart Elisabeth roi de France Henri de Navarre roi de
Navarre * dAutriche et de Pologne puis de
France Louise de Lorraine 1. Margu. de France (morts sans
postrit) 2. Marie de Mdicis Rgente de France 1642
* Henri IV, dabord roi Henri III de Navarre, est le fils
dAntoine de Bourbon, descendant de Robert de Clermont, fils de
saint Louis (branche B sur le tableau), et de Jeanne III dAlbret,
reine de Navarre (descendante de Jeanne II de Navarre, fille de
Louis le Hutin (branche
N).
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Chapitre 1 Les sources du droit mdival.
Au dbut des temps mdivaux classiques (11e-12e), la source
essentielle du droit est la coutume. Mais la renaissance du droit
romain va redonner de lunit au paysage juridique franais et exercer
sur lui une grande influence. Par ailleurs, les progrs de lautorit
du roi vont lui permettre dassumer de nouveau sa fonction
lgislative : il le fera par les ordonnances royales, autre facteur
dunification du droit franais. Enfin, le droit de lglise ou droit
canonique joue lui aussi un rle majeur en la matire.
Section 1 La coutume Aux 10e et 11e sicles, la notion de
lgislation unique et crite a compltement disparu, au Nord comme au
Sud : le
systme de la personnalit des lois sest peu peu dilu (mariages
mixtes et dplacements) faisant place en droit priv la territorialit
des lois avec les coutumes ; en ce qui concerne le droit public,
les capitulaires carolingiens ont cess davoir force de loi avec la
dcadence du pouvoir. Les populations, livres elles-mmes sur le plan
de la lgislation, conservent de leur propre mouvement certaines
rgles anciennes qui paraissent bonnes et ajoutent de nouvelles
pratiques nes des ncessits de la vie en socit. Dans le silence dun
lgislateur absent, cette lgislation spontanment venue de la base
(et non du sommet comme de nos jours) est la coutume.
Durant une grande partie du Moyen ge, le cadre de la vie sociale
est la seigneurie (cf. infra, chap. 2,
section 2). Tous les habitants de la seigneurie ont les mmes
usages, la mme coutume. Do le nombre et lextrme diversit des
coutumes : il y en aura encore 360 de recenses la veille de la
Rvolution !). Toutefois, la fin du 12e sicle et au cours du 13e
sicle, les coutumes tendent suniformiser sur de nombreux points
dans des rgions plus tendues que la seigneurie : la Champagne, la
Normandie, la rgion de Paris, par exemple. Aprs le Moyen ge
proprement dit, la coutume prend comme cadre lunit judiciaire,
cest--dire le bailliage ou la snchausse.
a) Dfinition de la coutume. La coutume est un usage juridique :
1 de formation spontane ; 2 accept par le groupe social intress,
cest--dire naissant dune srie dactes publics et paisibles,
non fonds sur la violence et ne se heurtant aucune contradiction
; 3 rpt pendant un certain temps, qui est dordinaire de 40 annes,
ou, mieux, plus long encore et
nous avons alors une coutume immmoriale, la coutume par
excellence (cf. Loysel : Qui a mang loie du roi, cent ans aprs en
rend la plume ).
La coutume disparat : 1 par non usage, cest--dire par dsutude ;
2 lorsquelle se heurte une contradiction victorieuse. La coutume
est donc parfaitement souple, mais aussi souvent incertaine car,
ntant pas crite, elle
se conserve par la seule tradition orale. b) Application et
preuve de la coutume. Le juge ne cre pas la coutume, pas plus que
le seigneur : il la constate et sy soumet sans avoir la
possibilit de lcarter. Toutefois le roi, approbateur des
coutumes raisonnables, peut mettre lcart les mauvaises coutumes ,
qui ont prolifr autour de lan mil, crant essentiellement des
charges abusives : elles sont mauvaises parce que nouvelles. Cest
souvent lglise qui a ragi contre ces abus, dans le cadre du
mouvement de la Paix de Dieu (supra).
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La coutume tant orale, il faut la prouver et la question de la
preuve de la coutume est trs importante. Aucun problme ne se pose
lorsque les deux plaideurs sont daccord sur la coutume appliquer
pour trancher leur diffrend. Par contre, quand un plaideur avance
une coutume nie par ladversaire, il doit en apporter la preuve. Le
juge interroge les tmoins du plaideur, regroupe des informations en
consultant dautres personnes et dcide lui-mme si lon est bien en
prsence de la coutume avance.
Tandis que ce procd de preuve de la coutume se maintient tel
quel dans le Midi, dans le Nord un autre systme de preuve de la
coutume apparat au 13e sicle, lenqute par turbe : lorsque 10 tmoins
reconnaissent ensemble lexistence dune coutume, on considre que cet
avis collectif est dterminant. Une coutume prouve et applique en
justice devient une coutume reconnue et lorsque personne ne la
conteste plus, elle est notoire.
c) Expression des coutumes : leur rdaction. Nous connaissons les
coutumes de la France mdivale par les actes de la pratique (ou
chartes) : ce
sont des actes passs entre particuliers pour telle affaire
dtermine ; en les rapprochant on peut reconstituer les coutumes
appliques. La plupart des chartes parvenues jusqu nous proviennent
des archives des grands tablissements ecclsiastiques.
Par ailleurs, lhabitude est prise au 13e sicle de noter les
dcisions des juridictions. Ainsi, les plus anciens registres du
parlement royal, appels Olim, remontent 1254. La dnomination Olim,
donne aux 4 premiers volumes [1254 1318] vient du 1er mot du 2e
registre, olim, signifiant autrefois en latin. Ds le 12e sicle
commencent tre rdigs, avec le concours de la population, des
recueils
officiels de coutumes, qui tomberont souvent ensuite dans loubli
cause de la renaissance du droit romain. Mais on a surtout des
coutumiers privs, rdigs linitiative de praticiens du nord du
royaume, relevant les coutumes sappliquant dans leur rgion ; ils
nont pas de valeur officielle, mais constituent de prcieux
documents.
On distingue 2 grandes catgories de coutumiers, pour les 13e et
14e sicles : 1 les coutumiers normands (Le Trs Ancien Coutumier de
Normandie, anonyme, rdig en latin et en
franais, dbut 13e ; le Grand Coutumier de Normandie, en latin,
v. 1235) ; 2 les autres, rdigs en franais, dans la rgion de Paris
et dOrlans et empreints de droit romain
(enseign dans les universits de ces cits) et de droit canonique
: le Conseil un Ami de Pierre de Fontaine, bailli de Vermandois, v.
1250-1260 ; le Livre de Justice et de Plet, v. 1260 ; les
Etablissements de Saint Louis, 1270 ; les Coutumes de Beauvaisis,
du bailli Philippe de Beaumanoir, 1283, vritable trait de droit
coutumier dgageant les principes directeurs des institutions ; au
14e sicle enfin, la Somme Rurale de Jean Boutillier, bailli de
Vermandois, 1387, et le Grand Coutumier de France de Jacques
dAbleiges, bailli de Chartres et dvreux, v. 1388.
En 1454 enfin, le roi Charles VII, par lordonnance de
Montils-ls-Tours, impose la rdaction gnrale de toutes les coutumes
du pays : Que les coutumes, usages, styles de tous les pays de
notre royaume seront rdigs et mis en crit .
Section 2 Le droit romain Redcouvert vers 1060-1080 en Italie du
Sud, le droit romain oriental (celui de lempereur Justinien,
dict au 6e sicle Byzance : cf. supra) va profondment modifier
les donnes juridiques de la socit mdivale, car linverse de la
coutume, cest un droit savant, crit, rationnel et complet.
Il est tout dabord enseign avec clat Bologne, par le matre
Irnerius, qui professe de 1088 1125 et fonde lcole des Glossateurs
(ainsi appele cause de la mthode dtude employe : le professeur lit
et explique les textes de droit romain et rsume son expos par une
brve phrase, la glose, que les tudiants inscrivent dans la marge de
leur recueil en face du passage tudi).
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
39
Deux professeurs de renom, parmi beaucoup dautres un peu moins
clbres, enseignent la suite dIrnerius : Placentin, galement italien
form Bologne, mais chass en France, rintroduit ltude du droit
romain en France par son enseignement Montpellier de 1160 1192 ;
Azon ( v.1230), dabord professeur aussi Montpellier, puis Bologne ;
enfin Accurse (1182-1260) qui compose la Grande Glose, vaste
compilation dans laquelle il runit et classe les meilleures gloses
de ses prdcesseurs. Enfin, Au 13e sicle, le droit romain est
enseign dans dautres universits franaises (notamment Orlans, avec
Jacques de Rvigny et Pierre de Belleperche), et un constant change
de matres et dtudiants a lieu entre lItalie et la France.
Les matres Bolonais ne considrent pas le droit romain comme une
lgislation morte, mais comme une lgislation vivante tenue jour par
les empereurs allemands et applicable sur tout le territoire du
Saint Empire Romain Germanique. Ainsi ce droit sapplique-t-il dans
le Dauphin, en Savoie et en Provence, provinces de lEmpire.
Limportante question qui se pose en France est de savoir si le
droit romain, enseign et tudi dans le Midi franais et jusqu Orlans,
va galement sappliquer avec la mme force que dans lEmpire :
Le roi de France refuse catgoriquement de ladmettre car ce
serait reconnatre la supriorit de lEmpire germanique, ce dont il
nest pas question (cf. ladage Le roi de France est empereur en son
royaume . Philippe Auguste demande au pape Honorius III
linterdiction denseigner le droit romain luniversit de Paris : il
lobtient de lui, par la bulle Super speculam de 1219.
La diffrence de raction du Nord et du Midi lgard de la
renaissance du droit romain entrane, sur le plan du droit priv, la
distinction des pays de coutumes (Nord) et des pays de droit crit
(Midi) qui subsiste jusquau Code Napolon. La ligne de sparation des
pays de coutumes et des pays de droit crit est une ligne brise qui
va de lle dOlron au lac Lman (ligne brise car, alors que le
Limousin, le Lyonnais-Forez ou le Velay font partie du droit crit,
lAuvergne appartient aux pays de coutumes, sauf enclaves).
PAYS DE DROIT CRIT (EN GRIS) ET PAYS DE DROIT COUTUMIER
Le roi laisse ses sujets mridionaux libres de suivre le droit
romain, mais le considre comme une coutume crite, dont
lautorit est fonde sur ladhsion du peuple, et dans la mesure
seulement o le peuple laccueille ct de ses vieux usages. Les pays
du Midi sont, au fond, des pays de coutumes comme les autres, mais,
parmi ces coutumes, le droit romain tient une grande place .
Olivier-Martin
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
40
Section 3 Les ordonnances royales Les premiers Captiens, la
puissance si limite, ne font naturellement pas de lois, cest--dire
de
textes de porte gnrale sappliquant dans tout le royaume. Lorsque
le pouvoir royal commence saffermir, quelques textes lgislatifs
apparaissent discrtement : on les appelle tablissements ; ainsi, en
1155, est proclame Soissons une trve de Dieu pour 10 annes.
partir de la fin du 12e sicle, les Ordonnances royales sont plus
nombreuses, mais leur autorit nest pas admise demble par tous. Les
hauts seigneurs estiment que le roi lgifre seulement pour le
territoire de son domaine et que sa lgislation ne peut stendre dans
leurs propres seigneuries quavec leur assentiment. Lautorit totale
du roi est reconnue seulement en temps de guerre. En dehors de ce
cas, lorsque le roi dsire que ses ordonnances (ou tablissements)
sappliquent dans tout le royaume, il doit faire participer les
grands seigneurs leur laboration et leur adoption et obtenir deux
la promesse de les faire respecter dans leur seigneurie. Peu peu,
le droit du roi de lgifrer en matire de droit public pour lensemble
du royaume progresse, sappuyant sur les lgistes et le droit romain
(cf. ladage du jurisconsulte romain Ulpien : Quod Principi placuit,
legis habet vigorem, (ce qui a plu au Prince a force de loi),
traduit en ancien franais par la formule : Se veut le Roi, se veut
la Loi (si le roi le veut, la loi l veut).
Au 14e sicle, il suffit que quelques grands seigneurs acceptent
les tablissements pour quils aient une application gnrale. Selon
Beaumanoir, pour quune ordonnance royale soit applique, il faut 1
quelle ait une cause rationnelle ; 2 quelle soit faite en vue du
bien commun, du commun profit comme on dira bientt (cest la notion
romaine de res publica) ; 3 quelle soit dlibre en grand
conseil.
la fin du Moyen ge, toutes les ordonnances prsentent un caractre
commun, savoir que ce sont des ordonnances de rformation8, qui
rpondent la plupart du temps aux dolances exprimes par les tats
gnraux, apparus au sicle prcdent (ainsi lordonnance de 1413 ou
celle de Montils-ls-Tours, qui consacre la plupart de ses
dispositions la rorganisation des juridictions royales et la
procdure). Pour le droit priv, il en va diffremment : les
populations tant trs attaches leurs coutumes, les ordonnances
royales ne concernent que trs rarement les matires de droit
priv.
Avec la Monarchie absolue, partir du 16e sicle
(infra), on distinguera progressivement deux catgories
dordonnances :
- 1) Les ordonnances de rformation (jusquau Code Michau, de
1629), ainsi nommes parce que remettant de lordre dans les
institutions publiques en supprimant les abus qui sy sont glisss.
Ce sont des compilations lgislatives pouvant toucher des questions
fort diverses, sans grand ordre ( )
- 2) Les ordonnances de codification ( partir de Louis XIV) :
concernant des matires dtermines, coordonnant, unifiant, clarifiant
les textes antrieurs qui rgissaient ces matires. Elles seront
rdiges avec minutie, selon un plan trs labor, annonant les
codifications napoloniennes. La premire de ces grandes ordonnances
est celle de 1667 sur la procdure civile.
8 Jusquau 17e sicle. Viendront alors les ordonnances de
codification , avec le rgne rgulateur de Louis XIV (infra).
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
41
Section 4 Le droit canonique
Cest lpoque mdivale que le droit canon ou canonique, qui a pris
son essor aux temps carolingiens (supra), se constitue vritablement
en discipline autonome, indpendante cette fois de la thologie.
On peut maintenant dfinir ce droit comme l ensemble des rgles
rgissant lglise, relatives son organisation, aux droits et
obligations des clercs, la condition des biens ecclsiastiques, sa
juridiction. Ces rgles sont tires des critures saintes, des crits
des premiers Pres de lglise, des dcisions des conciles ou canons,
des dispositions des papes dans leurs lettres ou instructions
appeles dcrtales .
Le droit canonique est une source fort importante du droit
mdival, car la comptence des tribunaux ecclsiastiques va bien
au-del des matires religieuses proprement dites : elle comporte
notamment les questions relatives au droit familial (mariage et
testament) et, sil arrive que les tribunaux laques traitent de ces
sujets, ils appliquent en principe le droit canonique.
Le premier grand texte de base du droit canon est le Dcret (=
compilation juridique) du moine toscan Gratien, qui enseigne
Bologne, compos au milieu du 12e sicle (v. 1140). Bien que ntant
pas officiel, cet ouvrage possdera une autorit inconteste et peut
tre considr comme le premier code de droit canonique. Il sera
complt : en 1234, titre officiel cette fois, par le recueil de
Dcrtales de Grgoire IX, compos par le dominicain Ramon de Peaforte
; en 1298 par le Sexte (6e livre), de Boniface VIII ; peu aprs, en
1313, par les Clmentines, de Clment V (1er pape dAvignon), publies
en 1500 par lditeur lyonnais Chappuis, qui les fait suivre de
dcrtales nouvelles, les Extravagantes de Jean XXII (1316-1334) et
les Extravagantes communes de divers papes (Extravagantes en dehors
des publications officielles prcdentes).
Un grand recueil complet, comprenant le Dcret de Gratien, les
Dcrtales de Grgoire IX, le Sexte, les Clmentines et les
Extravagantes, appel Corpus juris canonici, est officiellement
publi par la papaut en 1582. Le CJC restera en vigueur jusqu la
promulgation du nouveau Codex juris canonici en 1917, rform par
Jean-Paul II en Code de droit canonique (1983).
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DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
42
Chapitre 2 La socit mdivale
Cest une socit qui va tre structure en ordres, aux statuts bien
dfinis, et ce jusqu la Rvolution franaise. tudions donc dabord
cette socit ordonne, avant de parler du systme fodal proprement
dit.
Section 1. Les trois ordres
Selon la thorie dite des trois ordres , labore par les
doctrinaires des temps carolingiens, mais qui puise ses racines
dans la pense indo-europenne, la socit, selon le plan naturel et
divin, doit tre structure en trois fonctions : la fonction sacre,
la fonction guerrire et la fonction productrice. Cest ainsi quaux
lendemains de lan Mil (par del la division radicale qui sbauche
entre clercs et lacs), le monde occidental sorganise en rpartissant
les tches sociales entre oratores (les prtres : clercs), bellatores
(les guerriers : lacs nobles/chevaliers), et laboratores
(paysans/vilains/serfs)9. Ce seront les trois ordres ou trois tats
qui survivront jusqu 1789
Distinguons les clercs, les nobles et les humbles (serfs,
roturiers, bourgeois), qui constitueront le troisime ou Tiers
tat.
1. Clerg Dans la socit mdivale, les clercs10, trs nombreux,
forment une classe trs fournie,
du fait de limportance de la religion (A), et complexe, avec des
statuts diffrents, mme sil existe des points communs tous les
clercs (B).
A. La chrtient mdivale11 La socit mdivale est chrtienne,
rejetant dans la marginalit ou liminant tous les paens : les Juifs,
les
hrtiques (Cathares, Vaudois), et les Infidles ou Musulmans. La
religion imprgne chaque individu dans sa vie quotidienne ; les
grands moments de lexistence sont marqus
par des actes religieux : baptme, mariage, testament avec legs
pieux, mais aussi ftes liturgiques qui rythment le calendrier de
lanne, manifestations religieuses des corporations dartisans, entre
en chevalerie des nobles, sacre du roi. Le culte des saints, et son
corollaire celui des reliques, est exacerb.
Lglise entend christianiser les populations encore paennes, pas
assez chrtiennes, ou contrevenant ses normes. De grandes
entreprises sont diriges par lglise en ce sens : - les plerinages,
notamment ceux de Rome, de Saint-Jacques de Compostelle en Espagne
et de Jrusalem avant 1095, qui attirent des foules considrables de
fidles ; - la Paix de Dieu ensuite Trve de Dieu, mouvement parti
dAuvergne, dessence populaire et rcupr par lglise, visant lutter
contre les violences seigneuriales et les guerres prives, pour
faire des milites des chevaliers du Christ. Il impose de ne pas
sattaquer certaines personnes (les sans armes, inermes : clercs,
paysans, marchands, femmes et enfants) [Paix], puis de respecter
les temps sacrs, certains jours et grandes ftes religieuses
[Trve].
9 Cf. Georges Duby, Les trois ordres ou limaginaire du
fodalisme, Paris, Gallimard nrf, 1978. Lvque Adalbron de Laon, dans
son Pome au roi Robert, autour de lan Mil, dclare : La maison de
Dieu, que lon croit une, est donc divise en trois : les uns prient,
les autres combattent, les autres travaillent. Ces trois parties
qui coexistent ne souffrent pas dtre disjointes : les services
rendus par lune fixent les conditions des uvres des deux autres ;
chacune son tour se charge de soulager lensemble .
10 Le clerc est celui qui a par excellence droit a lhritage
cleste (du grec kleros [], bien, domaine, hritage). 11 Lun des
meilleurs ouvrages de synthse : Jean Chlini, Histoire religieuse de
lOccident mdival, Paris, Hachette (coll. de poche
Pluriel), 1991.
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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- les Croisades, 7 en tout, chelonnes de 1095 1270, qui ont pour
but lorigine la reprise des Lieux Saints de Palestine et leur
sauvegarde, et elles aussi dencadrer chrtiennement les chevaliers,
de canaliser leurs instincts belliqueux, donc de lutter contre la
violence. - les cathdrales : Notre-Dame de Paris (1161-1330),
Strasbourg (reconstruite aprs 1176), Lyon (1180-1500), Chartres
(1194-1225), Reims (1212-14e s.), Vienne, Grenoble, Valence,
Chambry, etc.
Enfin, videmment, lglise transmet et diffuse le savoir
intellectuel, culturel12 et juridique13. Cest sous lgide de lglise
que naissent les Universits, premiers pas du systme ducatif
moderne.
B. Clercs sculiers et clercs rguliers Les clercs sont des hommes
et des femmes, relativement peu nombreux par rapport au reste de la
population,
jouissent donc dun prestige immense. Ils forment une classe
part, avec des statuts diffrents, mme sil existe des points communs
tous les clercs. Prcisons que cest partir du 11e sicle que le
statut des clercs sindividualise et se prcise vraiment, avec la
fameuse Rforme grgorienne14 : cest alors quest mise en place la
sparation dfinitive entre clercs et lacs.
Les conditions requises pour devenir clercs ne sont pas trs
strictes, tout au moins jusqu la Rforme grgorienne (fin 11e) et mme
jusquau Concile de Trente (milieu 16e). Il faut tre libre, soit de
naissance, soit par affranchissement, n de parents unis par un
mariage lgitime (non btard), possder une instruction suffisante. Si
une de ces conditions manque, il y a irrgularit, cest--dire
empchement lentre dans le clerg.
Ltat de clerc, marqu extrieurement par lhabit clrical et la
tonsure, se perd ipso facto par un comportement incompatible avec
la dignit ecclsiastique (clerc bigame, clerc qui a commis un crime
grave, clerc marchand qui veut faire bnficier son ngoce de son
exemption dimpts) ; la dgradation est prononce par lautorit
suprieure.
On distingue traditionnellement les clercs sculiers (vivant dans
le sicle, cest--dire le monde) des clercs
rguliers (suivant une rgle, vivant hors du sicle). La
distinction entre haut et bas clerg nest quune simple distinction
sociale.
1. Les clercs sculiers (vivant dans le sicle, cest--dire le
monde).
On les appelle aussi clercs ordonns (ayant reu les ordres 15).
Ce sont les membres les plus visibles de lglise : prtres, vques
Ils jouissent de privilges et sont frapps dincapacits.
Les privilges : judiciaires ou pnaux : le privilge de for
(privilegium fori16) fait quun clerc dfendeur un
procs ne peut tre cit que devant la juridiction dglise ; une
protection spciale (privilge de canon, du canon 15 du concile de
Latran de 1139) frappe dexcommunication tout laque coupable de
violence envers un clerc.
fiscaux : le clerc ordonn jouit dune exemption totale dimpts au
Moyen ge. militaires : exemption de tout service, la rgle canonique
interdisant aux clercs de verser le sang
(Ecclesia aborrhet a sanguine).
12 Il existe dimportantes bibliothques piscopales et surtout
monastiques. Les tablissements ecclsiastiques sont les foyers de
la
culture mdivale. La thologie est considre comme la mre de toutes
les connaissances, y compris de la philosophie. Lune et lautre sont
tudies, enseignes et illustres par de grands esprits comme Albert
le Grand (1206-1280) ou Thomas dAquin (1225-1274).
13 Cf. supra, le droit canon 14 Du nom du pape qui en est
linstigateur, Grgoire VII (1073-1085). Avec la Rforme grgorienne,
lglise subit une transformation
radicale de ses structures et de ses conceptions. Elle instaure
la centralisation pontificale et refuse lemprise des lacs sur les
biens ecclsiastiques.
15 On distingue les ordres majeurs (sous-diacres, diacres,
prtres) et les ordres mineurs (portiers, lecteurs, exorcistes,
acolytes). 16 du latin forum, la place publique (situe hors de la
ville) o lon change (dans tous les sens du terme, politiquement
et
commercialement) et o on juge ; par drivation, le forum dsigne
lendroit o on juge, le tribunal (cf. au Puy la place du For, ct de
la cathdrale).
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
44
Enfin, laccession aux dignits (chanoine, abb, vque) et bnfices
ecclsiastiques (biens procurant des revenus) est rserve aux clercs,
thoriquement.
Les incapacits sont mal respectes : ainsi linterdiction de se
livrer une activit lucrative (simonie, ou trafic des biens dglise),
ou celle de se marier ou davoir une concubine (nicolasme). lpoque
carolingienne encore, des prtres, des vques, des archevques mme,
taient maris ou vivaient en concubinage. Le pape Grgoire VII
(1073-1085), entreprenant de rformer le clerg fait exclure de
lglise [par le synode de Rome de 1074] les prtres et vques qui ne
se spareront pas de leurs femmes. Le synode de Paris de la mme anne
rpond que la rgle du clibat tant insupportable elle est par
consquent draisonnable. Le 4e concile de Latran de 1223, convoqu
par Calixte II (pape dorigine bourguignonne, ancien archevque de
Vienne), dcide que lordination est un empchement dirimant au
mariage. Un nouveau flchissement se produit aux 14e et 15e sicles :
le concile de Trente (1545-1563) prendra dnergiques mesures pour la
rforme et la discipline du clerg (telle lobligation du port du
costume ecclsiastique).
Il faut enfin dire deux mots des clercs simples tonsurs, non
ordonns, mi-clercs, mi-lacs : ce sont les universitaires (tudiants
et enseignants) et les hommes de loi quils deviennent (cf. clercs
de notaires). Ils bnficient du privilge de for et du privilge de
canon, mais doivent acquitter limpt et sont soumis aux obligations
militaires. En revanche, ils peuvent se marier.
2. Les clercs rguliers (suivant une rgle, vivant hors du
sicle).
Ce sont les moines et moniales, vivant dans les monastres17. Ils
ont fait profession religieuse (on les appelle aussi religieux
profs ) en prononant les trois vux : chastet, pauvret et obissance.
Ils ont le mme statut que les clercs ordonns, mais en outre sont
soumis des incapacits propres. Ainsi, en raison du vu de pauvret,
les moines sont frapps de mort civile : ils nont pas de
patrimoine.
glise et lacs ne sont pas daccord sur les consquences de cette
situation : pour les canonistes, le patrimoine actuel ou futur
(hritage) du religieux doit choir au monastre, alors que pour les
jurisconsultes laques il doit revenir ses hritiers lgitimes. Les
pays de droit crit suivent le systme canonique et les pays de
coutumes appliquent la dvolution des biens aux proches parents.
Les chanoines (de canon, rgle), la frontire des clercs sculiers
et des moines, entourent les vques dans le cadre de chapitres
cathdraux (Lyon, Vienne, Belley, St-Jean-de-Maurienne, Grenoble,
Valence, Viviers). Les chanoines dits rguliers (suivant la rgle
attribue saint Augustin) vivent dans des chapitres monastiques
(Saint-Barnard de Romans, Saint-Maurice dAgaune en Valais).
17 Le moine (du grec monachos/, seul) vit dans un monastre. Le
monastre peut tre chef dordre, la tte dune
congrgation de monastres : cest alors une abbaye (ex. Cluny en
Bourgogne). Abbayes et monastres ont des dpendances : prieurs,
glises, chapelles ou simples cellae. Les monastres sont organiss en
ordres, en fonction de leur origine et de la rgle quils
suivent.
Les ordres religieux au Moyen ge sont nombreux : les plus
anciens et rpandus sont les Bndictins (Ainay, LIle Barbe, Savigny,
Saint-Pierre-les-Nonnains Lyon, actuel Palais Saint-Pierre ou des
Beaux-Arts, prs des Terreaux, pour les femmes) et leurs drivs :
Clunisiens (de Cluny en Mconnais, 909) et Cisterciens (fonds par
saint Bernard de Cteaux en Bourgogne). Viendront aux 11e et 12e
sicles les Casadens de saint Robert de La Chaise-Dieu, les
Chartreux de saint Bruno et les Prmontrs de saint Norbert, enfin,
avec les Croisades, les Ordres hospitaliers (Antonins :
Saint-Antoine de Viennois) et militaires (Templiers, chevaliers
teutoniques et de Saint-Jean-de-Jrusalem)
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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2. Noblesse La noblesse mdivale18 est issue dune part de
laristocratie du haut Moyen ge et dautre part de
nouveaux lments, les milites (chevaliers), apparus avec la mise
en place de la fodalit.
partir du 11e sicle, avec la mise en place du systme fodal
(infra), le noble, cest dsormais le chtelain, qui devient le plus
haut personnage de la hirarchie sociale : il est le senior
(seigneur) ou dominus, matre incontest des populations (les
ignobles, villains, manants), tant au point de vue politique et
militaire quconomique (infra). Seuls les clercs doivent lui
inspirer le respect.
1. La condition nobiliaire
La noblesse sacquiert par divers moyens :
1 la naissance, lorsque les deux parents sont nobles. Si un seul
des parents est noble, cest la condition du pre qui lemporte, sauf
dans quelques rgions qui admettent la transmission de la noblesse
maternelle, tels le Beauvaisis (mais lenfant naura pas accs la
chevalerie) et la Champagne (lenfant devra renoncer la succession
du pre).
2 le mariage : la roturire pousant un noble devient
automatiquement noble. En revanche, la serve nest anoblie que si
cest son matre qui lpouse.
3 lentre dans la chevalerie. Dans les premiers temps troubls du
systme fodal, la chevalerie est largement ouverte quiconque se
montre digne de porter les armes : de simples roturiers peuvent
alors entrer dans la noblesse, en squipant et devenant des milites,
au service des sires (cf. les chevaliers-paysans du lac de
Paladru). Lordre fodal rgnant, un esprit de caste se forme et une
raction aristocratique se produit : au 13e sicle, laccs la
chevalerie est rserv aux fils de nobles. Seuls le roi et quelques
princes (duc de Bourgogne, de Bretagne), puis le roi exclusivement,
peuvent encore confrer la noblesse des roturiers par la voie de
chevalerie.
4 lacquisition dun fief, cest--dire dune terre noble (cf. infra
: terre concde par une personne appele suzerain une autre personne
appele vassal, charge de certains services personnels et nobles,
comme le service dordre militaire principalement ). Cette terre
peut tre concde par un seigneur un roturier qui devient alors noble
; ou bien un roturier riche peut directement lacheter et entrer par
ce moyen dans la noblesse. Il faut attendre 1275 (ordonnance de
Philippe III le Hardi) pour que soit dissocie lacquisition dun fief
de laccession la noblesse ; ce moyen de recrutement nexiste donc
plus19.
La noblesse est ainsi devenue une caste ferme ds la fin du 13e
sicle et le restera jusquau 18e. Deux procds restent cependant aux
roturiers pour accder cette classe sociale : loctroi par le roi de
lettres danoblissement, et, partir du 16e sicle et surtout du 17e
sicle, loccupation de certains hauts emplois de ltat : cest ce quon
appelle la noblesse de robe20 , qui constituera en fait le plus
gros de la noblesse des deux derniers sicles dAncien Rgime.
18 Martin Aurell, La noblesse en Occident (Ve-XVe sicle), Paris,
A. Colin, coll. Cursus, 1996. 19 N.B. La fameuse particule ne joue
aucun rle dans la noblesse : on peut tre noble sans le de et tre
parfaitement roturier avec le
de. Lerreur a pourtant une origine historique : on est arriv
longtemps la noblesse par la simple acquisition dune terre noble,
dun fief ; cette acquisition entranait laddition du nom du fief. Il
y avait donc ordinairement un de dans le nom complet du
gentilhomme, et surtout du gentilhomme anobli par lacquisition dun
fief. On prit trs vite lhabitude de sanoblir en ajoutant tout
simplement ce de ; ou bien, malgr les ordonnances qui avaient
modifi lancien tat de choses, on continua se croire noble lorsquon
avait acquis une terre fodale. Aujourdhui, il nest rest de tout
cela dans lesprit du public que le de quon prend tort et travers
pour le signe de la noblesse . (Paul Viollet, Histoire du droit
franais, Paris 1884, p.228).
20 Les robins dsignent les gens de droit, hommes de loi.
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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B. Les privilges nobiliaires. Outre les privilges honorifiques,
le noble possde des privilges : militaires : seuls les nobles ont
le droit de porter les armes et ils peuvent recourir la guerre
prive ;
partir du 13e sicle ils ont seul accs la chevalerie (cf. Bayard)
et portent en cette qualit des perons dors.
judiciaires : le noble a droit au jugement par ses pairs ;
partir du 14e sicle, alors que les roturiers sont pendus, les
nobles seront dcapits.
fiscaux : les nobles sont exempts dimpts, des pages et tonlieux
(taxes sur les marchandises circulant).
civils (de droit priv) ou juridiques : ils sont en grand nombre,
tel point quon peut parler, au 13e sicle, dun droit des nobles
distinct de celui des roturiers. Ainsi, par exemple, lge de la
majorit est plus tardif chez les nobles (20/21 ans pour les garons,
15 ou 20 pour les filles, contre 15 et 12). Les nobles ont droit de
possder un sceau pour authentifier leurs actes (alors que les
roturiers doivent recourir au notaire). Les biens dun noble donns
en gage un crancier ne peuvent tre vendus quau bout de 40 jours
aprs la date de lchance du remboursement (contre 7 pour les
roturiers). Il existe beaucoup dautres diffrences, en matire de
droit matrimonial et successoral par exemple.
Le noble tant vou uniquement au mtier des armes (on dit quil
paie limpt du sang), il ne doit pas droger, cest--dire avoir des
activits roturires donc ignobles, hormis lexploitation de son
domaine. Sur le plan social, le noble doit donner lexemple : sil
commet un acte dshonorant, il peut tre frapp de dchance et perdre
sa qualit de noble.
3. Les humbles : le Tiers tat
Au dbut du Moyen ge classique, sest produit nous lavons dit
une
rvolution sociale denvergure, lie la mise en place dune nouvelle
socit. Lesclavage antique sest mu en servage, lequel regroupe sous
la domination des seigneurs lensemble de la classe paysanne :
libres, colons, non-libres. Ce sont les serfs : presque toute la
population laborieuse des campagnes appartient ainsi la catgorie
servile.
Cependant, partir du 12e sicle, lamlioration de la situation
politique et conomique engendrant un renouveau de libert, la
condition de certains roturiers21 va se distinguer de celle des
serfs. Ces roturiers resteront sous la dpendance de leur seigneur,
mais seront exempts des charges serviles. Il y en aura de plus en
plus Beaucoup iront peupler les villes (infra) : ce seront les
bourgeois.
Le servage subsistera thoriquement en France jusquau 18e sicle,
au moins dans lEst et dans le
Centre. Les serfs demeurent totalement soumis aux propritaires
de la terre et attachs celle-ci.. Voyons les sources du servage, la
condition juridique des serfs, les modes daccession la libert :
a) Sources du servage :
On est serf : 1 par la naissance. En cas dunion mixte, la
plupart des coutumes disposent que lenfant suit la condition de la
mre, sauf en Bourgogne o la condition de lenfant est dtermine par
celle du pre. 2 par lentre volontaire en servage : cest loblation
un tablissement ecclsiastique (le nouveau serf, inclin devant
lautel de lglise, pose sur sa tte 4 deniers, taux de la redevance
servile, ou sentoure le cou avec la corde de la cloche de lglise. 3
par ltablissement sur une terre servile : les habitants des terres
serviles sont prsums serfs.
b) Statut juridique :
21 De roture, du lat. ruptura, action de briser [la terre], do
le sens de dfrichement, puis de petite culture
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DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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Alors qu Rome et jusquen lAn Mil, lesclave tait une chose, prive
de personnalit juridique, au Moyen ge classique, le serf est une
personne ayant des charges et des obligations envers son seigneur,
mais galement des droits : avoir une famille, un patrimoine, et la
possibilit de devenir libre sil se trouve un jour sans matre.
Le serf est nanmoins attach la terre : en cas de fuite, le matre
peut le poursuivre pour le reprendre. Il est justiciable de son
seigneur au civil et au criminel, et il ne possde aucun recours
contre la sentence. Le serf ne peut se marier sans le consentement
de son matre (avec redevance). En cas de mariage avec une serve
trangre la seigneurie) le seigneur ls peut imposer lamende de
formariage, qui va quelquefois jusqu la confiscation du patrimoine
du serf qui sest mari lextrieur sans autorisation. Souvent les
seigneurs concluent entre eux des accords pralables dchanges de
serfs ou de partage des enfants. Quant au fameux droit de cuissage,
que le seigneur aurait possd sur ses serves la nuit suivant la
crmonie de mariage, cest une fable historique.
Le serf est astreint certaines redevances et charges : 1 le
chevage, redevance personnelle (touchant au chef, au sens de tte),
annuelle et immuable (donc
bientt symbolique : 4 deniers), verse par les chefs de familles.
Le chevage est tout de mme important juridiquement car spcifique du
statut servile ; recognitif il constitue la marque de dpendance
tangible du serf. Cest une sorte dhommage servile (par opposition
lhommage noble).
2) la taille, redevance en deniers leve galement sur les chefs
de famille. Irrgulire et de montant variable lorigine, elle va se
transformer au fil des annes en imposition plus rgulire.
3) les corves , prestations gratuites de travail dues au
seigneur : services manuels, transports et charrois, labours. Ces
corves permettent au seigneur dexploiter les terres quil sest
rserve, de dbiter son bois, de rparer les fortifications du chteau
et den curer les fosss, dentretenir les chemins.
4) la mainmorte. Elle intervient au dcs dun serf : cest son
seigneur qui doit recueillir ses biens. On dit que le serf a la
main morte , quil ne peut donc transmettre ses biens, notamment par
testament. partir du 12e sicle, il y a de nombreuses attnuations au
principe : la prsence denfants lgitimes carte la mainmorte, les
droits du conjoint survivant sont reconnus sur une partie des
biens. Mme dans le cas o elle peut tre exerce, la mainmorte est
limite par les coutumes une simple quotit de la succession : les
meubles, le meilleur meuble, la plus belle tte de btail ou meilleur
catel. Peu peu, les proches du serf dcd peuvent garder ses biens
condition de payer une redevance, sorte de taxe successorale. Pour
dtourner la mainmorte, les serfs utilisent le procd de la communaut
taisible : la mme famille servile possde tout en commun ; lors du
dcs de lun de ses membres, la part virtuelle quil possdait ne va
pas au seigneur mais tombe dans la communaut.
c) Les modes daccession la libert :
1 Laffranchissement qui est fait par le matre (avec le cas chant
autorisation de son propre seigneur). Lglise encourage
laffranchissement, qui peut donc avoir un mobile pieux ; trs
souvent aussi, cet affranchissement est intress, pour obtenir une
taxe de compensation ou conserver les serfs sur la terre. Des
seigneurs effectuent ainsi de nombreux affranchissements sous
lempire de la ncessit.
2 Le mariage (de la serve avec un non serf). 3 Lentre dans les
ordres . 4 La rsidence dans une ville de libert (lorsque le statut
de la ville prvoit que ltablissement dans ses murs
confre la libert. Existe un adage : lair de la ville rend libre
. Le renouveau conomique repeuple les anciennes villes avec la
venue danciens campagnards, de nouvelles agglomrations voient le
jour. Artisans et commerants de ces villes chappent au seigneur car
ils tirent leurs ressources de leur propre activit et non dun
travail sur les terres. Ils peuvent aussi senrichir et se donner
une puissance opposable lautorit seigneuriale. Devenus nombreux,
ils sorganisent, se groupent en associations pour dfendre leur
libert. Ces roturiers citadins sont astreints aux impts et aux
droits seigneuriaux, mais ils sont des hommes libres.
Dans la socit mdivale, il existe dautres groupes sociaux dont
les membres sont thoriquement libres, mais
qui se trouvent en fait dans une situation analogue celle des
serfs, devant des redevances et tant frapps dincapacits : ce sont
les aubains (trangers et forains), les juifs, les btards et les
lpreux ou cagots (frapps de dchance lors de la dclaration du
mal).
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Section 2 Fiefs et seigneuries (le systme fodal ou
fodo-vassalique).
partir du 11e sicle, lOccident se caractrise par
un paysage vraiment fodal : le cadre de la vie quotidienne
devient la seigneurie, circonscription politique et administrative,
lieu de production et dchanges conomiques, lieu de vie sociale et
religieuse : le village, reprable par son glise paroissiale, est
surtout domin par le chteau seigneurial, dabord simple construction
en bois (tour carre) leve sur une motte artificielle de terre (),
puis vritable chteau-fort de pierre, au donjon circulaire, avec
basse-cour et btiments annexes, la fois rsidence seigneuriale et
agglomration dfensive pour les populations.
Durant les temps fodaux, les matres des seigneuries seigneurs,
sires, chtelains, barons, etc.
concentrent tous les pouvoirs jadis dtenus par les agents
publics au nom du roi, bientt retrouvs par lui. On dit que le
seigneur possde le ban (bannum, pouvoir) : cest dabord un pouvoir
conomique que lui procure lutilisation par ses manants de services
indispensables (moulin, four, pressoir : ce sont les fameuses
banalits 22) ; cest aussi et finalement surtout un pouvoir
politique, judiciaire et militaire, un pouvoir de contrainte que le
seigneur exerce sur tous ceux de son ressort (district/dtroit/
[com]mandement). Pour bien souligner cette importance du pouvoir
seigneurial, les historiens ont lhabitude de parler de seigneurie
banale ou justicire .
Les revenus conomiques que le seigneur tire de son ban, ou
banalits (impts direct/taille ou indirects/pages,
taxes) sont aussi appels coutumes, cest--dire ce quil est dusage
de prlever. Le problme vient souvent de ce que le seigneur exige
plus quil ne doit, quimpose de nouveaux usages, donc de mauvais
usages, de mauvaises coutumes . Lglise lutte contre ces abus et
oblige les seigneurs renoncer ces mauvaises coutumes, en dguerpir
.
La fodalit touche donc la fois le domaine conomique et le
domaine social, la condition des terres (fiefs) et la condition des
personnes (vassalit ou dpendance).
Pour ce qui est de la condition des personnes En son sens troit,
technique, le mot fodalit dsigne lensemble des liens unissant
seigneurs et
vassaux, liens crant chez les parties contractantes un certain
nombre de droits et de devoirs. En change de services multiples
quil va rendre son seigneur, le vassal se voit octroyer un
"bienfait", un bnfice, le plus souvent une terre : la fodalit a une
assise rurale vidente. Cest avant tout un systme de possession et
dexploitation de la terre au profit des classes suprieures de la
socit, voire, pour certains historiens (notamment de lcole
marxiste) un mode de production, qui subsistera jusqu la
destruction du rgime fodal par lAssemble constituante, la nuit du 4
aot 1789.
En son sens large, la fodalit, cest tout un systme dorganisation
de la socit, du fait de la fragmentation du pays en dinnombrables
units de vie : les seigneuries, dsormais siges du pouvoir perdu par
la royaut et rcupr par les sires.
22 Notre vocabulaire est encore fortement et inconsciemment
imprgn de lpoque fodale : on parle de banalits, dexactions, de
fieffs coquins, on supporte une corve, on prsente ses hommages,
on fait sa cour, etc.
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Pour ce qui est de la condition des terres De nos jours, le
propritaire dune terre en est le seul matre. Cette pleine proprit
proprietas,
hreditas en droit romain existe lpoque mdivale : cest lalleu
alodis, puis allodium, du germ. alod [al-, plein, entier et -d,
biens] , mais cest lexception ; le rgime habituel de la majorit des
terres est celui de la tenure : les attributs de la proprit sont
dmembrs, partags entre deux personnes, le concdant et le tenancier.
Le concdant reste propritaire du domaine minent (proprit juridique
de la terre), et le tenancier, sorte dusufruitier droits tendus,
possde le domaine utile (effectivement utilis).
La tenure est donc une concession, charge de services, faite par
un homme (le seigneur, suzerain ou propritaire) un autre homme (le
tenancier ou vassal). En tant que concession dune chose, la tenure
intresse les droits rels23; cest une catgorie de droit rel. La
vassalit, organisation sociale lie au systme fodal, rsulte dun
contrat par lequel un homme devient dpendant dun autre
Certaines terres sont concdes pour des raisons militaires et
politiques, ce sont les tenures nobles ou
fiefs ( 1.) ; dautres pour la simple exploitation des terres :
ce sont les tenures roturires ou censives, concdes par un seigneur
censier un censitaire, et les tenures serviles, confies des serfs
par leur seigneur (. 2).
Exception plus ou moins notable et de plus en plus frquente au
systme fodal : les villes, qui se sont mancipes et ont obtenu des
franchises de leurs seigneurs (infra, section 3).
1. La tenure noble ou fief. De nombreuses socits (gypte,
Msopotamie, Japon) ont connu le systme fodal en tant que
rcompense de services privs (dans le cadre de liens de fidlit
personnels) ou rmunration de services publics (fonctions ou charges
officielles, administratives), par la remise, la concession dune
terre, le fief. En Occident, tandis que les Germains inventent le
mot fief (vieh) pour dsigner la remise dun bienfait, le Bas-Empire
pratique loctroi du beneficium pour rmunrer les charges
publiques24. Traditions romaines et germaniques vont fusionner.
lpoque carolingienne, marque par le dveloppement du systme
vassalique, le phnomne prend de lampleur : un vassus (du germ. was
gars, diminutif vassalus). promet par engagement personnel ses
services un senior ( plus vieux, ancien, donc suprieur seigneur) ou
suzerain (superanus souverain) qui lui concde presque toujours un
bnfice foncier en contrepartie.
Au dbut de lpoque fodale, la concession de terre dcoule bientt
automatiquement et obligatoirement de lengagement du vassal. On
peut parler de systme fodo-vassalique.
Puis, cest seulement la suite de la concession dun fief dtermin
que le vassal porte lhommage son seigneur et lui promet ses
services.
Le rgime de la tenure noble nest pas le mme durant tout le Moyen
ge. Voyons sommairement : 1 le fief jusquau 12e sicle ; 2 partir du
12e sicle.
A. Jusquau 12e sicle 1. Nature du fief Le fief est constitu par
une terre. La concession de cette terre se traduit par une crmonie
en deux
phases : la foi et hommage du vassal, puis linvestiture par le
suzerain (ce qui touche la condition des personnes).
23 Un droit rel dsigne un droit sur une chose (en latin res) ;
on parle aussi de droit objectif, par rapport un droit subjectif
ou
personnel. Distinction juridique videmment capitale. 24 Plus
prcisment beneficium ad stipendium publicum. Cf. dans le Midi
lquivalence fevum sive fiscum.
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Lhommage : Veux-tu tre mon homme ? . Je le veux Durant tout le
Moyen ge, des hommes ont chang ces formules rituelles que nous
rapportent de nombreux actes de la pratique. Elles sont la base de
ce quon a appel le systme fodal ou (fodo)-vassalique.
Dans la grande salle du chteau du suzerain, en prsence de tous
les nobles, le vassal, tte nue, sans armes ni perons, se met genoux
devant son seigneur, place ses mains dans les siennes et dclare
haute voix tre son homme pour le fief. Le suzerain le relve, lui
donne un baiser sur la bouche et dclare quil reoit ce nouveau
vassal comme son homme.
La foi : le vassal prte ensuite serment sur lvangile ou sur des
reliques de rester fidle son seigneur suzerain.
Le suzerain procde alors linvestiture du fief en remettant au
vassal, en un geste qui symbolise le transfert de la terre, une
motte, un ftu de paille, un bton, ou mme un gant, un poignard ou
une pe. Lorsque la terre nest pas trop loigne a lieu la montre du
fief : le seigneur suzerain fait visiter ce quil vient de concder
en fief son vassal.
2. Consquences de la concession de fief Suzerain et vassal se
doivent dsormais fidlit, loyaut et assistance rciproques. Le
suzerain doit
protger paternellement son vassal en toutes circonstances. Le
vassal, toujours dfrent, doit au suzerain laide (auxilium) et le
conseil (consilium).
Laide est principalement une aide militaire et ventuellement une
aide financire sans limites. Le conseil ou service de cour consiste
figurer la cour du suzerain soit pour assister des
crmonies (prestations dhommages, mariages...), soit pour lui
donner son avis sur ladministration et la dfense de ses biens, soit
comme juge, les vassaux ne pouvant tre jugs que par leurs
pairs.
Les relations entre suzerain et vassal, qui reposent sur la
droiture et la franchise mutuelles, comportent dventuelles
sanctions :
Si le suzerain manque ses devoirs, le vassal est dli de son
obissance et il relve dsormais du suzerain de son propre suzerain.
Il existe en effet une hirarchie pyramidale des fiefs qui aboutit
au roi, souverain, plus grand fieffeux du royaume : A est vassal du
seigneur B, mais B est son tour vassal du seigneur C, plus
important, qui peut tre lui-mme vassal du puissant D, dont le
suzerain sera le roi. La ralit est parfois moins mathmatique et il
arrive, avant quil ne soit plus puissant, que le roi soit lui-mme
vassal de tel ou tel seigneur pour certaines de ses terres.
Si cest le vassal qui trahit son serment de fidlit et ses
devoirs, le fief est repris par le suzerain par la procdure de la
commise.
Lors du dcs du suzerain, son hritier laisse gnralement le fief
au vassal, mais un nouvel hommage et une nouvelle investiture sont
ncessaires. la mort du vassal, le suzerain peut concder le fief son
hritier, toujours avec nouvel hommage et nouvelle investiture.
Mais, avant le 12e sicle, le suzerain a la possibilit de concder la
terre un autre vassal. Il ny a pas encore dhrdit.
B. partir du 12e sicle Avec la renaissance conomique, la nature
des relations entre suzerain et vassal se modifie. Sous
lempire de proccupations pcuniaires, les principes
chevaleresques non crits de loyaut et de confiance cdent peu peu la
place des rgles juridiques.
1. Changement de nature du fief Alors que prcdemment le fief
tait toujours constitu par une terre, il peut tre maintenant un
simple droit : par exemple, celui de lever une taille sur une
superficie dtermine, de percevoir les revenus dune glise ou dune
abbaye (car les biens ecclsiastiques sont tombs dans le commerce).
Il existe aussi des fiefs-rentes : un suzerain nayant plus de
terres cder, ou ne voulant pas en attribuer,
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concde en fief un vassal une rente, cest--dire un revenu fixe,
sorte de salaire/solde, payable gnralement en son chteau. Le
fief-rente est quelquefois qualifi de fief en lair. Lon rencontre
enfin des fiefs-fonctions : une fonction administrative qui produit
des revenus est concde en fief : on en revient ainsi aux origines
du systme.
La crmonie publique de foi et hommage qui faisait natre le lien
unissant le vassal son suzerain perd de son importance. Ce qui
compte dsormais (toujours partir du 12e sicle), cest la rdaction
dun acte crit, dit daveu et dnombrement, sorte de procs verbal de
laccord contractuel entre le seigneur et le vassal, notamment
compos dun inventaire dtaill de ce qui est concd en fief avec
lnumration des obligations corrlatives. Llment rel lemporte ainsi
sur llment personnel, dans le contrat de fief.
Les obligations du vassal qui naissent du contrat avec le
suzerain sont dsormais limites. Si le devoir de conseil, consilium,
ne se trouve pas modifi, le devoir daide, auxilium, est codifi
:
- Laide militaire du vassal, auparavant sans limites, comprend
maintenant : - 1 Lost qui astreint le vassal squiper militairement
et combattre 40 jours par an pour son seigneur ; - 2 La chevauche,
obligation daccompagner le suzerain dans de brves expditions
militaires de 2 ou 3 jours
ventuellement dictes par les circonstances ; - 3 Le tour de
garde au chteau du suzerain ; - 4 Lobligation de mettre son chteau
la disposition du suzerain si cela apparat ncessaire dans la
conduite
doprations militaires. Une sorte de rquisition. Noublions pas
toutefois que les obligations militaires perdent de leur importance
partir du 13e sicle avec le dveloppement de larme royale et la
lutte contre les guerres prives.
- Le concours pcuniaire que le vassal doit apporter son seigneur
est limit laide aux 4 cas : - 1 lorsque le suzerain est fait
prisonnier et quil faut payer une ranon pour le librer ; - 2
lorsque son fils an est arm chevalier ; - 3 lorsque sa fille ane se
marie ; - 4 lorsque le suzerain part en croisade. Avant le 12e
sicle, quand le vassal sengageait totalement, sans limitation, il
ne pouvait avoir quun
seul suzerain. Maintenant, un vassal peut dpendre de plusieurs
suzerains parce que des fiefs divers lui ont t concds par diffrents
seigneurs. Comment, dans ces conditions, concilier le devoir de
fidlit lgard de plusieurs suzerains, notamment si deux dentre eux
sopposent au cours dune guerre ? La difficult est rsolue par le
systme de lhommage-lige (sans doute du latin lticum, lte, fidle) :
cest lhommage le plus ancien qui a priorit sur les autres. On doit
dabord servir le suzerain qui on est uni par un hommage lige. Le
roi, grand fieffeux du royaume, ne reoit que des hommages liges ;
mme si on tait dj le vassal dun autre suzerain avant de devenir
celui du roi, lhommage du roi a toujours priorit.
2. Patrimonialisation du fief. Lpoque qui va du 12e au 15e sicle
voit les droits du vassal sur le fief stendre progressivement.
La
premire tape est constitue par lobtention de lhrdit du fief et
la seconde par lalinabilit du fief. a) Hrdit Trs souvent le
suzerain infode le fief tel seigneur et ses hoirs (hritiers).
Ainsi, la mort du
vassal, le fief, cens faire retour au suzerain, est restitu
lhritier ds quil a prt hommage et vers le droit de mutation appel
relief ou rachat qui correspond une anne de revenus du fief.
Lorsque le vassal dcd a plusieurs descendants, diffrentes solutions
sont adoptes : Les fiefs titrs (duchs, comts, vicomts) sont rgis
par le droit danesse : ils ne sont pas
morcels et passent intgralement lan. Pour les autres fiefs, le
Midi de la France adopte la co-seigneurie : les profits sont
partags et les
services dus au suzerain sont assurs tour de rle par les
coseigneurs. Dans les autres rgions, cest dabord le systme du
parage ou pariage qui est adopt : lgard du suzerain, le fief est
reprsent par
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lan, qui son tour, la suite dun partage, devient le seigneur de
ses frres. Le parage, entranant un miettement du fief, est assez
rapidement abandonn.
Le systme de lanesse va cependant lemporter et se rpandre : le
fils an reoit le chteau et une large part des terres, le reste tant
partag entre les puns.
Lorsque le fief choit une femme, cest son mari qui la reprsente
et assume ses obligations. Si elle est clibataire, elle doit
rapidement se marier et le choix de son poux doit tre approuv par
le seigneur. Si le fief est dvolu un mineur (donc incapable
dassumer ses obligations lgard du suzerain), il est gard
provisoirement soit par le suzerain lui-mme (garde seigneuriale),
soit par un proche parent (garde familiale). la majorit du mineur,
le fief lui est restitu et il le dessert normalement.
b) Alinabilit Avec le consentement du suzerain, le vassal peut
sous-infoder une partie du fief. Mais lvolution va
encore plus loin et, au 13e sicle, lalinabilit du fief est
admise selon les modalits suivantes : 1 La cession dun fief un
tablissement ecclsiastique doit toujours obtenir lautorisation
du
suzerain et tre accompagne du paiement ce dernier dun droit
damortissement car les services vassaliques ont des chances dtre
mal remplis et surtout les droits de mutation sont perdus pour
lavenir, ltablissement ecclsiastique alinant rarement et ne mourant
jamais (P.-C. Timbal) ;
2 la cession un autre vassal est possible mais le suzerain garde
la facult de se substituer un acheteur qui lui dplat par le retrait
fodal. Sil autorise la vente, il peroit le quint, droit de mutation
reprsentant le cinquime du prix. Lancien et le nouveau vassal se
prsentent ensemble au suzerain ; lancien est dessaisi du fief et le
nouveau porte hommage au suzerain qui linvestit du fief.
2. Les tenures non nobles A. La tenure servile Cest une terre
concde par un seigneur un serf. Le serf exploite le sol et verse au
seigneur des
redevances en argent ou en nature auxquelles peuvent sajouter
des corves. La concession nest pas un contrat, elle est considre
comme une bienveillance du seigneur qui peut, tout au moins au dbut
de lpoque mdivale, fixer et modifier son gr les redevances. Peu
peu, toutefois, ces diverses charges sont dtermines par les
coutumes. La tenure servile se transmet souvent par succession,
mais, la diffrence de la censive, elle ne devient jamais pleinement
hrditaire et ne peut tre aline quavec la permission expresse du
concdant.
B. La tenure roturire ou censive La tenure roturire, appele
galement censive ou encore villenage25, est la concession dun
bien
(terre cultiver ou quelquefois habitation) par un seigneur un
tenancier le plus souvent roturier, charge de redevances annuelles.
la diffrence du fief, la censive ne comporte pas de services
militaires et politiques (donc pas dhommage, ni dinvestiture, mais
simple crit probatoire). Le tenancier paye chaque anne au concdant
soit, dans la plupart des cas, une redevance fixe et portable au
chteau, le cens, qui peut tre en nature, mais plus gnralement en
argent, soit une quote-part de la rcolte : on parle de tenure
champart, variable suivant les rgions (En Forez, le quart et
cinquaine, cest--dire 1/4 1/5 de la rcolte). Avec la dprciation
montaire continue, le cens reprsente un montant peu lev. Mais les
seigneurs censiers tiennent son paiement rgulier car il est
rcognitif de seigneurie. Dans certaines rgions, ce cens de base
obligatoire sajoute parfois une redevance plus importante. En cas
de non paiement du cens, le seigneur censier inflige au censitaire
une amende, ou peut mme sapproprier directement les produits de la
terre.
25 Lhabitant de la seigneurie est appel manant (du lat. manere,
demeurer, cf. anglais to remain) ou vil(l)ain (de la villa).
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Lhrdit de la tenure roturire est admise assez rapidement et sans
que le seigneur censier peroive un droit. La censive devient aussi
trs vite alinable, mme au profit dun acqureur tranger la
seigneurie. Le seigneur exige cette fois un droit de mutation, qui
rappelle le quint, mais qui est dordinaire seulement du douzime des
prix : cest le droit de lods et ventes (du bas-lat. laudes,
promesses), le plus important et le plus productif de tous les
droits seigneuriaux. Rares sont les coutumes qui admettent le
retrait seigneurial pour les censives.
Pour recenser les terres acenses et rpertorier tous ses
censitaires, le seigneur fait tenir un registre, rvis rgulirement,
le censier, autrement appel terrier, compoix ou live. Il y en aura
jusqu la fin de lAncien Rgime.
C. Lalleu Cest lexception. Lalleu est une terre de pleine
proprit reste en dehors de lorganisation fodale.
Lorsquelle est dglise, cas le plus frquent, elle porte le nom
daumne ou franche aumne. Le propritaire de lalleu ne dpend de
personne et ne prte donc hommage aucun seigneur suzerain. Lorsque
lalleu est assez tendu, lalleutier peut, sil le dsire, concder sur
ses terres des fiefs et des censives et se placer ainsi lui-mme au
sommet dune petite pyramide. Mais le monde fodal qui considre
lalleu comme une fcheuse exception, essaye de lintgrer dans sa
hirarchie. Des alleux, se plaant plus ou moins de gr ou de force
dans la mouvance de terres seigneuriales, deviennent trs souvent
des fiefs. Ils se maintiendront libres seulement dans le Midi de la
France. Citons le cas folklorique du royaume dYvetot, en
Normandie.
REPRSENTATIONS DE VILLAGES FORZIENS DANS LARMORIAL DE GUILLAUME
REVEL (XVe SICLE, BN)
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Section 3. Les villes et lmancipation urbaine. Au 11e sicle, la
ville est comprise dans une seigneurie dont le seigneur est
tantt un laque, tantt un ecclsiastique. Elle est administre par
un officier du seigneur, prvt ou bailli (qui peroit les impts et
rend la justice). La situation se transforme autour du 12e sicle :
avec la renaissance de la vie conomique (commerce, circulation
montaire, marchs, artisanat, petite industrie), les villes
reprennent leur activit et retrouvent leur importance. Cette
renaissance des villes, qui se produit peu prs en mme temps dans
toute lEurope occidentale, saccompagne dun mouvement de
contestation des pouvoirs seigneuriaux. Les habitants des villes ou
bourgeois (premire apparition du mot burgensis au Puy vers 990)
cherchent chapper lautorit des seigneurs et obtiennent, plus ou
moins facilement, des privilges municipaux, franchises ou
liberts.
SCEAU DE LYON DE 1271 (A.N.) 1. Le mouvement dmancipation La
cause gnrale du mouvement urbain est la renaissance conomique, mais
il convient dexaminer
dabord les causes du mouvement (A), occasionnelles, plus
proprement sociales, mme si elles dcoulent de lconomie, et de voir
ensuite quelles ont t les ractions au mouvement (B).
A. Les causes du mouvement. Linadaptation du systme fodal aux
activits nouvelles. Si dans les campagnes, la production
vient directement des terres concdes aux cultivateurs par le
seigneur, dans les villes en revanche, la richesse dcoule du
travail des artisans et commerants (activit des ateliers et
fabriques), des marchs et des foires (cf. les statuts privilgis
accords par le roi aux villes de foires) ; elle repose sur largent
et le crdit. la diffrence des paysans, les citadins doivent
beaucoup plus eux-mmes et aux nouveaux circuits commerciaux quau
seigneur, et supportent de plus en plus mal les interventions
seigneuriales, les redevances et taxes anciennes. Par tous les
moyens, les bourgeois (certains devenus riches) font pression sur
leur seigneur pour quil renonce certains de ses droits
traditionnels et leur accorde libert daction. La prise de
conscience des citadins, suscite par le dveloppement conomique. Les
bourgeois26
dsirent se diffrencier des ruraux, auxquels ils sestiment
suprieurs et souhaitent que cette diffrence se marque par des
privilges et une organisation particulire. Des groupements vont se
former dans les villes, avec lesquels il faudra rapidement compter,
groupements but conomique et professionnel : corporations, ghildes
ou guildes, hanses, linstar des associations jures du Bas-Empire.
Les marchands se runissent afin de prendre en commun les
dispositions ncessaires au transport de leurs marchandises sans
courir le risque dtre attaqus ou dpouills. Les artisans sorganisent
galement et forment des associations ou confrries places sous la
protection de saints (saint Antoine pour les charcutiers, saint
Fiacre pour les jardiniers, saint loi pour les orfvres, saint
Crespin pour les cordonniers...). Ces associations ou
confrries/confraternits assurent la dfense de leurs membres et
jouent le rle de socits de secours mutuels. Parfois ces
groupements, se runissant entre eux, changent des serments jurs et
promettent de se soutenir rciproquement face au seigneur. Elles ont
des rites constitutifs et de fonctionnement bien particuliers, qui
survivront parfois jusqu nos jours. La nature des rapports avec le
seigneur compte aussi : dans le Midi, beaucoup de nobles
rsident
dans les villes et leurs relations frquentes et personnelles
avec les bourgeois attnuent les oppositions ;
26 Premire apparition du mot (burgensis) vers 990, au Puy.
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU
DROIT FRANAIS 5e-18e SICLES
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dans le Nord, au contraire, les nobles ne rsident pas dans les
villes mais habitent leur chteau. Les bourgeois ne connaissent que
les officiers des seigneurs et sont irrits par lattitude de ce
personnel par dfinition avide et dplaisant. Les heurts seront donc
trs durs dans le Nord et souvent mme sanglants :
B. Les ractions au mouvement. Lattitude des seigneurs nest pas
uniforme : - Certains, fort aviss, comprennent que plus leurs
sujets sont riches, plus eux-mmes peuvent le
devenir galement. Les plus dynamiques crent de leur propre
initiative des villes nouvelles, tablissent des marchs, attirent de
nouveaux arrivants et facilitent leur installation. Agissant ainsi,
ils comptent, non sur les anciennes impositions, mais sur le
produit des foires, des marchs, des pages. Favorables galement
lactivit urbaine, dautres seigneurs, moins entreprenants, se
contentent de permettre aux bourgeois de commercer et de senrichir
librement.
- Des seigneurs ayant besoin dargent (croisades, par exemple)
accordent privilges et exemptions contre le paiement dune redevance
globale, sorte de rachat des anciennes obligations.
- Il arrive que certains seigneurs rsistent au mouvement
dmancipation urbaine et ne cdent aux revendications que par
lassitude, ou seulement contraints et forcs car les villes qui se
rvoltent contre leur seigneur sont nombreuses. Lexemple le plus
connu est celui de Laon, o en 1112 le seigneur-vque Gaudry,
refusant catgoriquement lmancipation de sa ville, fut massacr.
Le roi, quant lui, est fort rserv lorsquil sagit de lmancipation
des villes de son propre domaine
(cf. la charte de Lorris ; Paris et Orlans resteront des villes
de prvt) ; en revanche il encourage bien volontiers les mouvements
urbains chez ses vassaux directs parce quil y voit un moyen de les
affaiblir. Le roi devient lalli, le protecteur des villes contre le
seigneur. Pour se prmunir contre les violations des engagements
seigneuriaux, ou contre des contestations ultrieures, les villes
demandent frquemment que les chartes de franchise accordes par les
seigneurs soient approuves et confirmes par le roi. la fin du 13e
sicle, le juriste Philippe de Beaumanoir, dans son Coutumier de
Beauvaisis (infra), dclare que le co