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Estienne, Paul (01). Paul Estienne. Histoire complte du marchal
Mac-Mahon, prsident de la Rpublique franaise. (1874).
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(PAULESTIENNE)
HISTOIRE COMPLTE
DU MARECHAL
DE MAC-MAHON
PRESIDENTDELAREPUBLIQUEFRANCAISE
PARIS
LIBRAIRIEUNIVERSELLED'ALFRED DUQUESNE16, RUEHAUTEFFEUILLE16
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HISTOIRE COMPLTE
OU
MARCHAL DE MAC-MAHON
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CEVOLUMEATDPOSau
MINISTRE DE L'INTRIEUR(sectiondEla librairie)
CONFORMMENTA LA LOI
Tous droits de reproductionet de traductionrservs.
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HISTOIRE COMPLTE
DU MARCHAL
DE MAC-MAHON
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PARISLIBRAIRIE UNIVERSELLE D'ALFRED DUQUESNE
16, RUEHAUTEFEUILLE16
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AVERTISSEMENT
DE L'EDITEUR
L'ouvrage que nous publions n'est pasune simple biographie, mais
une Histoire deMac-Mahon.
De biographie, il n'en existe pas. On nepeut du moins donner ce
nom aux noticestrs-sommaires, et la plupart fort inexactesqui ont
paru dans ces derniers temps. Celivre comble donc une lacune
importante.Aucune part, nous tenons l'affirmer, n'ya t laisse la
fantaisie. L'auteur n'a riencrit qui ne ft appuy sur des
tmoignagescertains, sur des documents officiels; il acart tous les
renseignements dont l'au-thenticit ne lui a pas paru dmontre.
-
VI Toutes les erreurs commises ont t recti-fies ; un grand
nombre de faits curieux,peu connus, ou compltement ignors ontt
recueillis et remis en lumire. L'auteurenfin n'a eu d'autre souci
que celui de lavrit, d'autre dsir que celui de donner aupublic un
rcit fidle et complet d'une vieglorieuse entre toutes, certain
qu'il lui suf-firait d'tre clair et exact pour intresserses
lecteurs.
ALFREDDUQUESNE.
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TABLE DES MATIRES
CHAPITRE PREMIER
16911808-1855
Les mlodies irlandaises. Les Mac-Mahon d'Ir-lande. Emigration
des Mao-Mahon. Le chteaude Sully.Naissance de Maurice de
Mac-Mahon.Sa famille. Son pre. Le petit sminaire d'Au-tun. L'cole
militaire.Expdition de Blidah etMdah. Le lieutenant Mae-Mahon au
tniah deMouzaa. La brigade Achard. Le sige d An-vers.Le capitaine
Mac-Mahon aide de camp auduc do Nemours. Premire expdition de
Con-stantine. Retraite dsastreuse.Deuxime ex-pdition de
Constantine. Mort de Damrmont.- L'assaut.- Le gnral d'Houdelot. -
Crationdes chasseurs pied; leur organisation. Retourde Mae-Mahon en
Afrique. Encore le col deMouzaa. Le 10 bataillon de chasseurs.
Com-bat de Bab-el-Thaya. Expdition de Ziban et deBiskara. -Le Dera
d'Abd-el-Kader.Mac-Mahon,gnral. Nouvelles campagnes en Algrie.
Lagrande guerre. Une scne digne du Cid... 15
-
8
CHAPITRE II
1855-1856La question d'Orient. Politique franaise, poli-
tique russe. La guerre dclare. Le projet dumarchal de
Saint-Arnaud. L'expdition de Cri-me rsolue.Bataille de l'Alma. Mort
de Saint-Arnaud. Le gnral Canrobert. Ouverture destranches devant
Sbastopol. Bataille de Bala-clava.Bataille d'Iukermann.La Tour
Malakoff'.Mort du ezar Nicolas.Le gnral Plissier prendle
commandement en chef de l'arme Assautinfructueux du 18 juin.
Bataille de la Tchernaa. Mac-Mahon en Crime. Situation de
l'arme.Nos travaux devant Malakoff'. Il faut en flair! L'assaut est
dcide. L'artillerie ouvre le feu.Positions des troupes. Le gnral
Bosquet. C'estMac-Mahon qui doit prendre Malakoff. Il estraidi.
Intrpidit de Mae-Mahon. J'y suis, etj'y reste!L'explosion Le
Kourgane Malakoff.Une dcouverte providentielle. Prise de
Sbas-topol. Ce que la victoire nous cotait. Plis-sier marchal.
Mae-Mahon commandant l'armede rserve. Conclusion de la paix.
Mac-Mahonsnateur. Les enfants de Mahon 42
- CHAPITRE III.18571858
Mac-Mahon simple divisionnaire. La grandeKabylie. Les
Beni-Raten. La division Mac-Mabon prend Tacherahir, Belias,
Afensou, Imase-ren et Bou-Arfaa. Une escalade. Le Bordj
deSouk-el-Arba. La Kabylie va mourir. Les Bni-
-
Menguillet. Combat d'Ichriden. Mac-Mahonet Bourbaki. La 26 lgion
trangre. Le com-mandant Mangin. Une dangereuse conversation. Prise
d'Aguemoun-Iseu.Les tribus du rocher.Les Ithouvagh et les Illilten.
L'expdition estfinie. La mdaille militaire. Mac-Mahon auSnat.
Attentat d'Orsini. Loi de sret gn-rale. Une seule voix s'lve pour
la repousser. Discours du gnral de Mae-Mahon. Ce qu'il,faut
attendre de lui. Retour en Algrie,... 10
CHAPITRE IV.1858-1860
La question italienne au congrs de Paris.- Na-polon III et le
baron de Hbner. Le comte deCavour. Ngociations rompues. La guerre
estdclare.- L'arme des Alpes.-Combat de Mon-tebello. Marche de
l'arme.Combat de Tur-bigo.Action d'clat du gnral Auger.Bataillede
Magenta. Plan de l'ennemi. Mouvement dugnral de Mac-Mahon. La garde
au pont deBuffalora. Le canon de Mae-Mahon. Situationcritique et
anxit do l'empereur.Tout est perdu. Mac-Mahon arrive! Ce qu'il tait
devenuSes deux divisions menaces d'tre coupes Untemps d'arrt. Une
course fantastique. Marchesur Buffalora et Magenta. Prise de
Cascina-Novaet de Marcallo.Jonction d'Espinasse et de La
Moi-terouge.Attaque de Magenta. Mort du gnralEspinasse. La victoire
est nous! Rsultatsde la bataille. Marchal et duc de Magenta Entre
de Mac-Mahon a Milan. Combat de Ma-rignan.Bataille de
Solferino.Situation du corpsde Mac-Mahon. Danger que court sa
droite. Prise de Casa-Marino.Prise de San-Cassiano.Cavriana est
enlev. Droute des Autrichiens.
-
10 Paix de Villafranca. Entre Paris de l'armevictorieuse 98
CHAPITRE V.
18601869Mort de Frdric-Guillaume IV, roi de Prusse. Le roi
Guillaume Ier Compigne. Le ma-rchal de Mac-Mahon lui est prsent. Le
ma-rchal ambassadeur extraordinaire de France enPrusse.
Couronnement du roi Guillaume Koe-
nigsberg. L'ambassade franaise. Curiositqu'excite le vainqueur
de Magenta. L'ordre del'Aigle-Noir. Discours du roi Guillaume.
Lesftes de Berlin. Le bal de l'ambassade franaise. Un souper royal.
Une revanche prendre. Le baiser de la reine. Retour en France.
Mac-Mahon gouverneur gnral de l'Algrie. Insurrection des tribus. Le
colonel Beauprtre. Situation de la colonie ; rformes qu'elle
r-clame. Proclamation du marchal. Combats deTeniet-el-Rihh,
An-Dermel et An-Malakoff. Si-Lala et Si-Mohamed-ben-Hamza. Napolon
IIIen Algrie. Ses projets. Proclamation auxArabes. L'oeuvre du
marchal de Mac-Mahon.La famine en 1868.La marchale do Mac-Mahon;sa
bont, sa charit. Pacification de l'Al-grie 137
CHAPITRE VI.1870
La priode douloureuse. Dclaration deguerre a la Prusse. L'arme
du Rhin.Position
-
-- 11 des divers corps. Le corps Mac-Mahon. Combatde
Wissembourg; mort d'Abel Douay. Compo-sition du 1er corps. Bataille
de Woerth. Lescuirassiers de Reichshoffen. La retraite. D-faite du
gnral Frossard Forbach. Le camp deChlons. Situation de l'arme de
Metz. Mac-Mahon marchera-t-il sur Metz ou sur Paris? Leplan
Palikao. Les responsabilits. Mac-Mahonet la politique. L'arme de
Reims. La marchesur Paris est dcide. M. Rouher et le marchal. Rcit
du Marchal. Rcit de M. Rouher. Projet de dcret et proclamation. La
dpchefatale. Marche vers l'Est. Le ministre de laguerre L'expdition
de Sedan et M Thiers.M. Jrme David. La catastrophe Combat
deBeaumont. Bataille de Sedan. Le marchalbless grivement. La
capitulation.Le marchalprisonnier 160
CHAPITRE VII
18711874
Retour du marchal en Franco. Insurrectiondu 18 mars. Les
illusions. L'arme de Ver-sailles. Mao-Mahon gnral en chef.
Forcesdes insurgs. Les forts. Ducatel au Point-du-Jour. Entre des
troupes dans Paris; laguerre des rues. Fin de la lutte;
proclamationdu marchal. L'pe d'honneur. Etat desesprits. Les partis
dans l'Assemble. La" politique du message. La crise dcisive.M.
Thiers donne sa dmission. Le marchal deMac-Mahon prsident de la
Rpublique. Le mi-nistre du 25 mai. Premier message du prsi-dent; sa
ligne do conduite. Comment la bourseaccueille son lvation. Le Shah
do Perse a.
-
12 Paris. La fusion. Les projets monarchiquesL'arme et la
politique. Le devoir du sol-dat. La royaut est faite. Manifeste du
comtede Chambord. Le Bayard des temps moder-nes . La proposition
Changarnier. Ncessitdo crer un pouvoir stable. La prorogation
poursept ans et les lois constitutionnelles. Dclara-tion du
prsident do la Rpublique. Sance du18 novembre. MM. Bertault et
Prax-Paris. Discours de M. do Castellane. - M. Jules Simonet les
dix voix de majorit. MM. Rouher etNaquet. Discours de M. Depeyre.
La sancede nuit du 19 novembre. M. de Broglie. Levote. Le marchal
de Mac-Mahon prsidentpour sept ans. Message du 21 novembre.
Lenouveau ministre 191
CHAPITRE VIII.
1874
Le Septennat devant la nation. Le Septennatet les partis. Le
marchal au Tribunal de com-merce. Son discours. Une revue
Longchamp.Ordre du jour l'arme. Le marchal, c'est lapaix ! 237
CHAPITRE IX.NOTES,RCITS,SOUVENIRSADDITIONS.
Portraits. Equitation. Les chevaux du ma-rchal. Le 3 septembre
Sedan. L'homme.
-
13
Lemarchal chez lui. Mac-Mahon et l'arme.
Histoire d'un drapeau. Discipline et bont; lafoliede la soif.
Les humbles. L'omelette.Une commission, Des gens heureux Les
mo-distes de Pont-de-C, Le chasseur. Deuxheures de rflexion. Punch.
Le complot d'Au-tun Madame la marchale de Mac-Mahon.Conclusion.
Pour la France!. 236
-
HISTOIRE COMPLTEDU
MARECHAL DE MAC-MAHON
CHAPITRE PREMIER
1691 1808 1855
SOMMAIRE.Les mlodiesirlandaises.-
LesMac-Mahond'Ir-landeEmigrationdesMac-Mahon.-Lechteaude Sully.
Naissancede MauricedeMac-Mahon.Sa familleSonpre. Le petit
sminaired'Autan. L'cole mili-taire - ExpditiondeBlidahet Mdah.-Le
lieutenantMao-Mahonau Tniahde Mouzaa.- La brigade AchardLe sige
d'AnversLe capitaineMac-Mahonaide decampdu ducde Nemours.Premire
expditionde Con-stantine.Retraite dsastreuse. Deuximeexpditionsde
Constantine.Mort deDamrmont. Lassaut - Legnrald'Houdetot.Crationdes
chasseursa pied; leurorganisation.Retourde
Mac-MahonenAfrique.Encorele col deMouzaa Le 10ebataillonde
chasseurs.Com-bat de Bab-el-Thaya. Expditionde Zibanet Biskara.La
Derad'Abd-el-Kader.Mac-Mahongneral.Nou-vellescampagnesenAlgrie.La
grande guerre.Unescnedignedu Cid.
N'oubliez pas les champs o ils sont tom-bs, les derniers, les
plus fidles des braves ;ils ne sont plus et notre esprance a pri
sansretour avec eux.
-
- 16 - Oh! si nous pouvions reconqurir sur lamort ces coeurs qui
bondissaient pour la patrie!S'ils se relevaient la face du ciel,
pour re-nouveler le combat de l'indpendance! En un instant serait
brise la chane quela tyrannie nous impose; ni hommes, ni
dieuxn'auraient le pouvoir de la renouer. C'en est fait, l'histoire
grave sur ses tablesle nom de celui qui nous a vaincus; mais
mau-dite est sa renomme, maudit est son char detriomphe, qui roule
sur les ttes des hommeslibres. On aimera mieux la tombe, on
aimeramieux le cachot illustr par un nom patriote,que les trophes
de ceux qui marchent lagloire sur les ruines de la libert (I). Qui
parle ainsi? Qui donc a compos deschants qui semblent faire revivre
nos malheurset nous en consoler? Est-ce crit d'hier? Est-ceun
Franais qui a crit ces strophes?Non, ce chant n'est ni d'hier, ni
de demain,il est de tous les sicles qui ont vu un grandpeuple
souffrir. Le pote est de tous les paysqui ont, une heure marque, vu
leur sol foulpar un conqurant, et leur indpendance me-nace. Ce pote
s'appelle Thomas Moore, et ilest n en Irlande.C'est de l'Irlande,
c'est de cette terre peuplepar les frres de nos pres, c'est de
cette nationsi litre et si opinitre dans l'amour de son in-
dpendance, c'est d'elle que nous sont venusles anctres de celui
dont nous avons raconterl'histoire
(1)ThomasMoore,Mlodiesirlandaises.
-
17 Les Mac-Mahon descendent d'une des plusanciennes familles do
l'Irlande, laquelle, a
l'origine, ils ont fourni plusieurs toparques,rois locaux ou
chefs de territoire. Leur nom at illustr dans toutes les luttes
soutenuespour l'indpendance irlandaise; il tient unelargo place
dans le martyrologe de ce malheu-reux peuple toujours perscut,
toujours acca-bl, jamais dsespr.
Quand, aprs la bataille de la Boyne, Jac-ques II vaincu dut se
retirer en France, prsde quinze mille Mandais migrrent et
trou-vrent un asile dans notre pays. Les Mac-Mahonfurent de ce
nombre.Leur noblesse lut vrifie, reconnue et con-firme par le roi,
et leur famille s'tablit en
Bourgogne.A peu de distance d'Autun, au bord d'unepetite rivire
qu'on appelle la Dre, s'lve lechteau de Sully. C'est le domaine
patrimonialdes Mac-Mahon .C'est l qu'est n, le 13 juin
1808,Marie-Edmc-Patrice Maurice de Mac-Mahon,le seizime des
dix-sept enfants du marquisCharles-Laure de Mac-Mahon. Les
premiresannes de son enfance s'coulrent dans cettedemeure
seigneuriale qui, entre parenthse etsoit dit en passant pour les
biographes du ma-rchal, n'a de commun que le nom avec le ch-teau o
le grand minisire de Henri IV crivitses Mmoires. Sully, en effet,
tirait son nom dubourg de Sully-sur-Loire (Loiret), qui est,
onl'avouera, une distance respectable d'Autun.Le chteau de Sully
est encore habit aujour-d' hui par madame la marquise de
Mac-Mahon,qui faillit tre victime d'un complot dont les
2 2
-
18 auteurs furent rcemment jugs Autun.
Le marquis de Mac-Mahon, frre an dumarchal, s'est tu, nous
a-t-on dit, en tombantde cheval dans une course. Un autre de
ses,frres, grand chasseur comme lui, tait plusparticulirement dsign
sous le nom de Mac-Mahon de Rivault. Aujourd'hui il ne reste plusau
marchal que deux soeurs.
Son pre avait t fait marchal de camp en1814. Il servit en cette
qualit sous la Restau-ration et resta l'ami intime du roi Charles
X,qui l'appela siger la Chambre des Pairsen 1827. Le marquis
Gharles-Laure do Mac-Mahon avait pous une demoiselle de Cara-man;
par cette union sa famille, qui comptaitdj d'illustres alliances,
se rattacha aux mai-!sons des Caraman et des Chimay, descendantsdu
fameux Riquet qui, en 1666, ouvrit le canalde Languedoc.Quand le
jeune Maurice de Mac-Mahon fut en
ge de commencer ses tudes, il fut plac aupetit sminaire d'Autun.
De cet tablissementreligieux, vritable ppinire d'hommes sup-rieurs
dans tous les genres, sont sortis monsei-gneur Landriot, mort
rcemment archevquedo Reims, et le cardinal Pitra. Tous deux, nsdans
les environs d'Autun ont pu tre, quoiqueun peu plus jeunes que le
marchal, ses con-disciples au petit sminaire, alors dirig parun
homme vnrable et aim, l'abb Lveill.Les anciens lves du sminaire
n'ont pointoubli leurs visites au chteau des Mae-Mahonet la
paternelle hospitalit qu'ils y trouvaient.En effet, c'tait une
habitude depuis longtempsconsacre, lorsque les promenades du
mercredi
-
- 19 taient diriges de ce ct, de s'arrter Sully;un gracieux
accueil y attendait la jeune bandequ'on ne laissait point partir
sans avoir prisune lgre collation. C'tait alors une
habitude,disons-nous, et sans doute l'usage s'en est per-ptu
jusqu'ici.Maurice de Mac-Mahon fit dans cet tablisse-
ment des tudes brillantes, rapidement pous-ses, qu'il vint
terminer ensuite dans une insti-tution de Versailles.En 1825 peine
g de 17 ans, il fut admis l'cole militaire de Saint-Cyr ; il en
sortit
dans les premiers rangs et entra le 1er octobre1827 l'cole
d'application d'Etat-Major.L'Algrie, dont la conqute fut bientt
entre-
prise, ouvrit cette nouvelle gnration d'of-ficiers une longue
carrire de batailles, decombats, d'actions gnrales ou partielles,
o.ils devaient trouver de nombreuses occasions dese distinguer. Le
sous-lieutenant de Mac-Mahony fut envoy ds les premiers temps. Il
taitdtach au 4e hussards pour y faire le stage au-quel sont
astreints les officiers d'tat-mjor.Nous savons qu'il assista au
dbarquement deSidi-Ferruch et la prise d'Alger.Il prit part ensuite
l'expdition de Blidah(novembre 1830) (1). Dj le gnral Achard
(2),qui commandait une brigade do l'arme exp-ditionnaire du marchal
Clausel, s'tait atta-ch le jeune officier en qualit d'aide de
camp.
(1)Voir l'excellentouvragede M. LonceAndr:
LESCAMPAGNESD'AFRIQUE,rcits populaireset
anecdotiques.Paris,1vol.,AlfredDuquesne,diteur.(2)Et
nonAllard,commel'ontcritquelquesbiographes.
-
20 Sr de ses troupes et se confiant dans leur
valeur, le marchal Clausel voulut signaler soncommandement par
des entreprises glorieusespour lui et pour l'arme,
A ce moment, le bey de Titery, Bou-Mezrag,aprs avoir foment en
secret la rbellion parmiles tribus kabyles, venait de jeter le
masque etde se.dclarer ouvertement.L'insurrection avaitgagn la
Mitidja. Il importait de la rprimer, etsurtout d'en chtier
l'instigateur..
Le 17 novembre 1830, une colonne composede trois brigades
commandes par les gnrauxAchard, Monck d'Uzer et Hurel, sous les
ordresdu gnral Boyer, se porta vers Blidah.Uue premire rencontre
eut lieu environ
deux kilomtres de cette ville. La brigadeAchard dispersa les
Arabes qui s'opposaient notre marche ; les hauteurs qui entourent
Blidahforent occupes; bientt la ville mme futattaque et enleve.
L'arme campa hors desmurs, et le 19 la brigade Achard fut assaillie
defront par une nue d'Arabes, tandis que lesKabyles de la montagne
l'attaquaient sur sonflane ganche.La cavalerie repoussa les
premiers,tandis que l'infanterie, 20 et 37 de lignedispersait les
Kabyles groups sur toutes lespentes du petit Atlas. Dans ces divers
engage-ments , le lieutenant de Mac-Mahon, se fitremarquer par son
incroyable entrain et. safougueuse bravoure.
la suite de ce succs, le marchal Clausel,laissant un dtachement
Blidah, reprit samarche et se porta sur Mdah. L'armefranchit
l'Oued-el-Kebir son confluent avecla Chiffa, et campa la ferme de
Mouzaa. A
-
cet endroit, la route de Mdah pntre dans lepetit Atlas par une
gorge profonde et fortresserre. Le gnral Achard avec sa brigadese
porta en avant-garde et s'tablit troiskilomtres environ de la ferme
de Mouzaa,Un marabout normale Sidi Mohammed Ben-
Fkir parut le lendemain au camp franais,accompagn de cinq des
principaux cheiks dela contre. Ils venaient protester de leur
espritde soumission et rclamer, pour les populationsplaces sous
leur autorit, la clmence de notregnral en chef. On les rassura-;
ils fournirentdes renseignements sur ls moyens de commu-nication
les plus favorables la marche de lacolonne expditionnaireOn pouvait
suivre doux routes pour parvenir Mdah: l'une, assez facile et
commode pourles troupes, c'tait la plus longue;l'autre, pluscourte,
tait abrupte, prilleuse, seme d'ob-stacles ; ce n'tait, vrai dire,
qu'un sentier,serpentant sur les flancs de la montagne, etsur la
largeur duquel deux hommes peinepouvaient marcher de front. Ce
chemin venaitaboutir au fameux col ou Tniah de Mouzaa.Tous les
obstacles dont cette route tait semene firent pas hsiter le marchal
Clauzel.Il s'agissait de frapper avec vigueur et d-cision : ce fut
le chemin le plus direct qu'ilchoisit.
Le 21 novembre, ds l'aube, l'avant-gardecommena escalader les
pentes du petit Atlas,;on arriva bientt sur un vaste plateau d'o
l'ondomine, ses pieds, la Mitidja, au loin laMditerrane. Ce fut l
qu'on fit halte, et ledrapeau franais, hiss pour la premire
fois
-
22
sur ces hauteurs, fut salu de vingt-cinq coupsde canon.
La brigade Achard, guide par les officiersd'tat-major du gnral,
le lieutenant de Mac-Mahon en tte, continua avancer. Bientt lavue
d'un pont rcemment bris fit prvoir larencontre prochaine de
l'ennemi. En effet, peud'instants aprs, on le voyait couronner
toutesles crtes environnantes ; une vive fusilladecommena, tandis
que deux pices, qui dfen-daient le Tniah de Mouzaa, canonnaient
nostroupes. La situation de celles-ci ne laissait pasd'tre
critique; suivant un sentier escarp etglissant, domin de chaque ct
par de fortsmamelons et surplombant au-dessus d'un largeravin, nos
soldats avanaient lentement, exposs tous les coups des Kabyles. On
dut successive-ment et travers bien des prils s'emparer descrtes et
refouler les assaillants, tandis qu'unepartie de la colonne
continuait suivre la route.Il fallait se hter; le jour tirait sa
fin. Ondonna l'ordre au capitaine Lafare de franchirle ravin avec
une compagnie du 37 et decouvrir la droite, tandis que la colonne
se por-terait au pas de charge vers le col pour l'en-lever. Celte
manoeuvre s'excuta rapidement;la brigade Achard s'lana au pas de
course ;l'ennemi fut culbut, la victoire tait nous.Ce fut le
lieutenant de Mac-Mahon, qui, aprsavoir toujours combattu la tte de
nos soldatset les avoir plusieurs fois entrans, parvint lepremier
au col de Mouzaa, sous une grle deballes.
Ce beau fait d'armes avait t accompliavec une telle rapidit
qu'il ne nous cota
-
23
que trente morts et soixante-douze blesss.Ce fut aprs cette
affaire et sur la position
mme dont il s'tait empar, que Mac-Mahonreut la croix de
chevalier de la Lgion d'hon-neur.
L'arme, toujours prcde par la brigadeAchard, poursuivit sa
route, et bientt, aprs denouveaux combats, put entrer dans Mdah.
Lebey de Titery lui-mme fit sa soumission etvint se remettre entre
nos mains comme pri-sonnier de guerre.Le marchal Clausel, ayant
obtenu tous les
rsultats qu'il attendait de cette expdition ,laissa dans Mdah
une garnison de trois batail-lons sous le commandement du colonel
Marion.Le 26, il reprenait la route d'Alger, avec lesbrigades
Achard et Hurel.
La garnison de Mdah fut bientt attaquepar les Arabes. Elle ft
une dfense qui estreste clbre, dfense o elle s'puisa ; il
fallutd'abord la ravitailler, puis, comme on rduisaitl'arme
d'Afrique, on dut abandonner cetteplace. Le gnral Danlion, qui en
avait pris lecommandement aprs le colonel Marion, ne secrut pas
suffisamment en force pour traverserl'Atlas sans danger. Aussi,
avant d'vacuerMdah, demanda-t-il qu'on envoyt au-devantde lui des
troupes charges de l'appuyer. Cefut encore le gnral Achard, que
Mac-Mahonn'avait point quitt, qui fut charg do cettemission. Il se
porta avec sa brigade jusqu aucol de Mouzaa o il attendit Danlion
et leramena jusqu' Alger (4-janvier 1831).
Le 21 fvrier, le marchal Clausel quittaitl'Algrie, annonant, par
un ordre du jour, que,
-
24 -rduite comme elle l'tait, l'arme d'Afriqueprendrait, jusqu'
nouvel ordre, le nom dedivision d'occupation; son effectif,
d'ailleurs,n'tait plus quede trois mille neuf cents hommes,Nomm
lieutenant le 20 avril, Mac-Mahon;
fut rappel on France.Bientt il allait prendre part une
campa-
gne d'un tout autre genre que celles qu'il avaitfaites
jusqu'ici, et, aprs s'tre battu en Afri-que, au milieu des
montagnes, contre une ar-me irrgulire, il allait venir dans le
Nord,en Belgique, assister une srie d'oprationspratiques suivant
toutes les rgles de l'artmilitaire, contre des troupes intrpides,
disci-plines et bien commandes.Le 5 aot 1831, les Hollandais, ayant
leur
tte Guillaume et Frdric d'Orange, fils duroi, ainsi que le
prince de Saxe-Weimar, enva-hissent la Belgique : le roi Lopold ne
peutleur opposer que des forces insignifiantes quisont bientt
repousses. Mais la France envoieau secours des Belges 50,000
hommes, sons lesordres du marchal Grard. Les Hollandais seretirent;
des ngociations sont ouvertes; maisl'entente avec la Hollande ne
peut s'tablir;l'Angleterre et la France se dcident agir denouveau
contre eux. Tandis qu'une flotte an-glo-franaise va bloquer
l'Escaut (8 novembre1832), une arme franaise, commande en-core par
le marchal Grard, se rend en Bel-gique (15 novembre) et ouvre le
sige devantAnvers, que les Hollandais refusent d'vacuer.C'est dans
l'arme assigeante que nous re-trouvons le gnral Achard, et auprs de
luison fidle aide-de-camp, le lieutenant, de Mac-
-
2o Malien. L encore celui-ci trouva l'occasion dese distinguer.
On sait ce que fut le sige d'An-vers. Le gnral Chass, qui
commandait lestroupes hollandaises, fit une belle dfense, etne
rendit la place que le 23 dcembre.Mac-Mahon rapporta d'Anvers la
croix de
l'ordre de Lopold. Un an aprs, il fut nommcapitaine d'tat-major
(20 dcembre 1833), etl'ut quelque temps dtach au 1errgiment
decuirassiers. Mais les loisirs de la paix et la viede garnison ne
pouvaient, longtemps lui suffire.Bientt il est, sur sa demande,
renvoy l'ar-me d'Afrique, o de nouveaux dangers et denouveaux
exploits l'attendent.Pendant les annes 1834 et 1833, il prend
part presque toutes les entreprises qui sonttentes contre les
Arabes, toujours acharnsdans leur rsistance. Aide de camp du
gnralBro, il se distingue encore une fois dans uneexpdition
heureuse contre les Hadjoutes et lesBeni-Kalil. Il donne en toutes
circonstances detelles preuves de son courage dj si admir,de ses
talents militaires et de ses qualits per-sonnelles, que, lorsque le
roi Louis-Philippeenvoie son fils, le due do Nemours,
combattreparmi nos soldats, c'est le capitaine de Mac-Mahon que
l'on choisit, avec le colonel Boyer,pour remplir auprs du prince
les fonctionsd'aide de camp. Ce choix dit assez l'estime quel'on
avait de son caractre et la confiancequ'il avait su inspirer.L'anne
1830 avait dbut par l'expditiondo Tlemcen, qui avait suivi celle de
Mascara,dont le duc d'Orlans avait fait, partie. Le ma-rchal
Clausel avait projet une grande exp-
-
20 dition contre Constantine; le roi Louis-Philippevoulut que le
duc de Nemours y prt part. Leprince dbarqua en Algrie dans les
premiersjours d'octobre.
L'arme, sous les ordres du marchal, partitde Bone le 13
novembre. Ds les premiers joursde marche, les mauvais temps vinrent
l'as-saillir. La pluie, la neige, la grle, le froid,dcuplrent ses
fatigues; l'tat sanitaire destroupes fut gravement
compromis.Commence sous d'aussi tristes auspices,celte campagne,
devait tre malheureuse jus-qu'au bout. On n'arriva devant
Constantino quele 21 novembre. Ds le 21, en dpit de la bra-voure de
nos troupes, en dpit de tous lesefforts, il fallut se rsigner la
retraite. Elles'accomplit dans les conditions les plus
dplo-rables.
Pendant trois jours, l'ennemi ne cessa deharceler dans sa marche
cette arme dcimepar les maladies, dmoralise par son chec,puise par
les combats et parles intempries dela saison.
Enfin, le 27, aprs quelques engagementsforts vifs, on croyait
que l'ennemi avait enfinlch prise, et l'on esprait franchir sans
obs-tacle le col de Ras-el-Akhba, quand soudainles Kabyles vinrent
se placer devant la colonnepour lui fermer la retraite. Il fallait
frayer unpassage l'arme. Le capitaine de Mac-Mahons'en charge; il
prend avec lui les lieutenantsRaichis et Bertrand, officiers
d'ordondance dumarchal, se meta la tte des spahis, et s'-lance le
premier au galop de charge. Il enfonceles rangs des Kabyles,
renversant tout, sabrant
-
27
out; frapps d'pouvante ce choc foudroyant,ils fuient dans toutes
les directions. Le col deRas-el-Akhba est libre; la colonne peut
ache-ver sa route douloureuse. Le 28, elle arriva Guclma, et entra
Bone le 1er dcembre.Danscette triste expdition, elle avait eu
quatre centcinquante-trois morts ou disparus et trois centquatre
blesss. Ceux qui avaient chapp aufeu de l'ennemi prirent ensuite en
si grandnombre dans les hpitaux, qu'on peut, d'aprscertains
rapports, estimer deux mille hommesle chiffre de la perte
totale.
la suite de cet chec, le marchal Clauselfut remplac par le gnral
de Damrmont(12 fvrier 1837), qui vint prendre possessionde son
poste le 3 avril.Le revers essuy par nos armes avait produit
en France un dplorable effet : il fallait enobtenir rparation.
Une nouvelle expditionfut rsolue; il fallait tout prix s'emparer
deConstantine.
On tait dcid cette fois runir toutes lesforces ncessaires pour
assurer le succs. Leduc de Nemours, qui avait partag, dans
lapremire campagne, les souffrances cl les d-ceptions de notre
arme, voulut cette fois en-core combattre avec elle. Il revint en
Algrie.
On tenait, dans cette entreprise, no rienlivrer au hasard ;
aussi, ds l'arrive du prince,un conseil fut-il tenu chez lui, afin
de dciders'il valait mieux commencer immdiatementles oprations ou
les renvoyer au printempssuivant. Le dpart fut rsolu pour le jour
leplus prochain et des ordres furent donns pourhter les derniers
prparatifs.
-
- 28 Le gnral de Damrmont devait prendre lecommandement en chef.
Le duc d'Orlans
Tarait vivement sollicit auprs de son pre;mais des considrations
de famille dcidrentle roi garder son fils prs de lui.La petite arme
expditionnaire comptaitdix mille hommes; elle tait munie de
dix-sept
pices de sige et emmenait avec elle dix-huitjours de vivres.
Elle formait quatre brigades :la premire sous le commandement du
duc deNemours ; les autres places sous les ordres dugnral Trzel, du
gnral Rulhires et ducolonel Combes.Le 1eroctobre 1837, les brigades
Nemours cl
Trzel quittrent le camp de Merdjez-Amar sept heures et demie du
malin. Le duc deNemours vint camper au col de Raz-el,-Akhba,tandis
que le gnral Trzel tablissait sonbivouac prs des ruines romaines
d'Anouna.Une pluie violente ayant assailli nos soldatsdans cette
premire journe, on trembla quecette expdition ne s'accomplt dans
les mmesconditions que la premireLes deux autres brigades
s'acheminaient unpeu en arrire avec le convoi, formant ainsiune
colonne parfaitement distincte de la pre-mire.Le lendemain on eut
repousser quelques
Arabes;le 5 on tait en vue de Constantine, etle 6 les deux
premires brigades campaient surle plateau de Mansourah.Le duc de
Nemours reut le commandementdes troupes de sige. Il visita tous les
travaux
le 7 au point du jour.Ce ne fut que le 9 que l'on put
commencer
-
- 29 bombarder la ville. Bien que nos pices ti-assent sans
relche, on n'obtint tout d'abordune de mdiocres rsultats. Il fallut
changeroutes les dispositions prises.Enfin, le 11, une nouvelle
batterie de brche
fut tablie cent vingt mtres de la ville; l'ar-illerie ennemie
fut en grande partie teinte;nais les remparts rsistaient sans qu'on
rus-t les entamer, lorsque, vers deux heures,uncapitaine du gnie
fit tirer quelques bouletssur une saillie de l'enceinte; un
boulementle produisit.Ce coup heureux fut salu par une
acclama-'
ion gnrale.. Le gnral Vale, qui comman-lait l'artillerie de
l'arme, se trouvait alorsluprs de cette batterie. Il vint au jeune
offi-cier : Capitaine, lui dit-il, je vous proposerai
aujourd'hui mme pour le grade de comman-lant. Mais, mon gnral,
je suis le plus jeune
les officiers de mon grade ; il en est de plusanciens de mieux
mritants. Ont-ils ouvert la brche ? Mais, mon gnral, c'est que je
no suispas encore dcor, et.... Bah ! repartit le gnral Vale, vous
sau-rez bien gagner la croix sans moi, comman-dant, et, si je vous
ai bien jug, vous serez unjour de ceux qui les donnent (1).Ce
capitaine s'appelait Niel. Il se chargea deraliser la, prdiction du
gnral. Vingt-deuxans plus tard il tait nomm marchal de
(1) Les Campagnesd'Afrique,LonceAndr.
-
- 30
France sur le champ de bataille do SolferinoLe lendemain 12, la
brche fut ouverte sur
une largeur assez grande pour livrer passageaux colonnes
d'assaut. Le gnral de Damr-mont vint examiner les effets produits
sur cepoint par notre artillerie; il s'tait plac sur unterrain
dcouvert et frquemment balay parles projectiles de l'ennemi. Son
tat-major luifit de pressantes observations sur le dangerauquel il
s'exposait. Il n'en voulut tenir aucuncompte. Un boulet parti de la
place l'atteigniten pleine poitrine. Le capitaine Mac-Mahon,qui se
tenait ses cts, releva lui-mme le,corps du gnral en chef, tandis
qu'auprs delui le gnral Perregaux tombait frapp d'uneballe entre
les deux yeux.
Le gnral Vale, le plus ancien en grade,prit alors le
commandement de l'arme et an-nona pour le lendemain l'assaut que
nos sol-dats rclamaient grands cris.Le 13, trois heures et demie,
on envoya
les capitaines Boutault, du gnie, et Gardarens,des zouaves,
reconnatre la brche. Ils s'ac-quittrent de leur mission avec un
grand sang-froid, malgr la vive fusillade qu'on dirigeaitsur eux.
Ils dclarrent que cette brche taitpraticable.Les colonnes d'assaut,
que le duc de. Ne-mours devait diriger, furent donc disposes.
Lapremire tait commande par le lieutenant-colonel Lamoricire, la
seconde par le colonelCombes, la troisime par le colonel
Corbin.
A sept heures, le prince donna le signal.Lamoricire s'lance avec
ses zouaves. Le ca-pitaine de Mac-Mahon s'est dj prcipit en
-
- 31
avant; quoique dj bless la veille la poi-trine par un clat
d'obus, il escalade la brchesous un feu pouvantable et parvient un
despremiers au sommet du rempart. Et l'on saitce que fut cet
assaut; il est devenu presquelgendaire. Le colonel Lamoricire, le
com-mandant du gnie Vieux, le chef d'escadronDumas, le capitaine
Richepanse, le capitaineLagrave, des zouaves, le capitaine Polluer,
dugnie, et tant d'autres y furent, blesss. Le co-lonel Combes, le
chef do bataillon Srigny, lecapitaine du gnie Hacket moururent sur
labrche.
Enfin, la journe du 13 cota l'arme qua-rante officiers tus ou
blesss, deux cents sol-dats tus et six cents blesss.La victoire fut
duc en grande partie, en ce
jour glorieux, l'hroque exemple que don-nrent les officiers, au
courage et a la con-fiance qu'inspirait la prsence du duc de
Ne-mours, de ce prince qui, partout, en de tellescirconstances,
donna des prouves de la plusgrande bravoure et d'une remarquable
intelli-gence des choses de la guerre.
Les noms de Nemours, de Lamoricire, deMac-Mahon, de Niel ont
depuis cette fameusejourne brill d'un clat toujours plus vif, etils
ont justifi toutes les esprances que leurconduite en cette occasion
avait pu faire con-cevoir.
Quant au capitaine de Mac-Mahon, sa for-tune militaire date
vraiment de cette poque.Peu de temps aprs l'expdition de
Constan-
tine, qui excita en France un si vif enthousiasme,le capitaine
de Mac-Mahon quitta l'Algrie. Il
-
82 fit successivement partie de plusieurs tats-majors jusqu'au
moment o le gnral d'Hou-detot, aide de camp du roi Louis-Philippe,
l'at-tacha sa personne.A cette poque, le gnral d'Houdelot fut
charg de diriger les tudes qui devaient avoirpour rsultat la
cration d'un nouveau corpsde troupes, destin une juste clbrit.
Nousvoulons parler de l'organisation des chasseurs pied.
Ce projet remontait l'anne 1833, alors quele marchal Soult
prparait, sur fous les dtailsdu service des armes, en quelque
situationqu'elles se trouvassent, ces excellents rgle-ments qui
sont encore eu vigueur aujourd'huiet dont la stricte observation a
tant contribu maintenir dans l'arme la discipline et
l'unitd'action.
A cette poque donc, le marchal Soult avaitremarqu que
l'organisation de notre infanterieprsentait une importante lacune.
Les opra-tions effectues jusqu'alors en Algrie en avaientfait
ressortir tous les inconvnients.
En maintes occasions, on avait d, dans nosexpditions d'Afrique,
pour organiser descolonnes mobiles, peu nombreuses, mais
devantcomprendre des dtachements de toutes lesarmes, morceler les
rgiments et en disperserles bataillons. Or, ces bataillons,
troitementunis entre eux, se trouvaient en quelque sortedpayss,
dvoys, ds qu'il leur fallait vivreisolment, s'administrer
eux-mmes,, vivre deleur vie propre.,Le marchal Soult voulait
organiser desbataillons indpendants, s'administrant isol-
-
33 -
ment, pouvant subsister par eux-mmes, facile-ment mobilisables,
trs-aptes la formationde colonnes restreintes, et qui, adjoints
auxdivisions de l'arme, pussent tre employs certains services
spciaux et dans des circon-stances dtermines.Ces bataillons
devaient recevoir un arme-
ment particulier, une instruction exception-nelle et tout
approprie l'usage auquel ilstaient destins.Le projet du marchal
Soult fut examin,
discut, puis accept en principe. Enfin, onrsolut de le mettre
excution.Ce ne fut tout d'abord qu'un essai, et l'on ne
forma au dbut qu'une seule compagnie ditede tirailleurs. Cette
dsignation indique suffi-samment quel emploi on les rservait.Le
gnral d'Houdetot fut charg de diriger
l'organisation de cette compagnie qui avait tplace sous les
ordres du capitaine Delamarre.On procda par ttonnements ; mais peu
peul'ide se dveloppa, s'agrandit, mesure quel'exprience se
poursuivait. On voulut que lestirailleurs eussent des armes
spciales; unecarabine d'un nouveau modle leur fut donne;on songea
alors faire de cette troupe un corpsde tireurs mrites qui devait
tre prcieuxdans les cas, frquents en campagne, o laprcision du tir
doit tre recherche. C'est Vincennes que ces tudes se
poursuivaient.Bientt les rsultats obtenus parurent si
satis-faisants qu'au lieu d'une compagnie ce fut unbataillon qu'on
forma.Le duc d'Orlans, le roi mme, s'intressaientextrmement cette
cration. Le gnral d'Hou-
3 3
-
_ 31 detot y donnait tous ses soins ; il tait, il fautle dire,
trs-heureusement second par sonaide de camp, le capitaine de
Mac-Mahon, quieut certainement une grande part dans cetteoeuvre.Une
fois l'instruction de ce bataillon acheve,
on en prouva l'excellence dans des manoeuvresrptes. Mais cette
exprience pouvait n'trepas concluante ; il s'agissait de savoir ce
qu'unetroupe ainsi constitue pouvait excuter devantl'ennemi. Ce
premier bataillon de chasseurs,plac sous les ordres du commandant
Grosbon,Sut donc envoy en Algrie.
Le duc d'Orlans, le gnral d'Houdefot, etle, capitaine de
Mac-Mahon partirent aussi pourl'Afrique , et purent assister aux
premiersexploits de cette nouvelle troupe. Ce fut au coldo Mouzaa
que les chasseurs de Vincennesfirent leurs preuves. Le duc
d'Orlans, que leduc d'Aumale avait accompagn, avait pris
lecommandement d'une division ; et il avaitrclam pour lui et pour
les siens l'honneurd'enlever la position qu'Abd-el-Kader
avaitrendue formidable.
Le prince divisa ses forces en trois colonnes:l'une sous les
ordres du gnral Duvivier, laseconde sous ceux de Lamoricire, la
troisimecommande par le gnral d'Houdelot.Le 12 mai, la pointe du
jour, le duc d'Or-lans donna le signal de l'attaque et, montrant
ses soldats le sommet de Mouzaa : Allons,enfants, s'cria-t-il, les
Arabes nous attendentet la France nous regarde! Les
hommes,lectriss, s'lancrent ; ils arrivrent d'abordjusqu'au premier
plateau. Il y eut l un court
-
- 35 -
repos. Puis l'escalade recommena, pour enle-ver la position
capitale. Elle fut dfendue avecacharnement par les Arabes et les
Kabyles.Il n'y avait encore qu'une seule colonne
engage; mais le prince ayant donn 1 ordred'appuyer le mouvement,
tout le reste de l armeentra en action. A ce moment, il tait
environdeux heures, le soleil illumina les crtes quejusque-l d'pais
nuages environnaient. Cescrtes taient toutes hrisses de
retranche-ments d'o partait un feu formidable. Nossoldats s'aidant,
pour gravir ces escarpements,des asprits du roc, bravrent tous les
prils.Pendant que la premire colonne avanaittoujours, enleve par
l'intrpide Changarmerqui, froid et calme, son sabre sous le
bras,faisait attaquer la baonnette, le duc d'Orlanss'tait mis la
tte des deux autres colonnes etles entranait vers ces hauteurs
presque inex-pugnables. Vers trois heures, comme il venaitde gagner
une pente boise, il fiTmettre sacs aterre, et lana ses troupes en
avant. Un ravinse prsenta derrire lequel les Arabes taientfortement
tablis. On les attaque la baonnette;la rsistance est opinitre,
sanglante. Aux ctesdu prince tombent le gnral Schramm et
lecommandant Grosbon, dont le bataillon desnouveaux tirailleurs
fait des prodiges de va-leur.
Ceux-ci, exasprs, tentent un effort suprmeet culbutent tout ce
qu'ils rencontrent sur cepassage. Bientt la victoire est complte,
etles trois colonnes atteignent presque en mmetemps le sommet du
col. Le capitaine de Mac-Mahon sut encore faire admirer sa
bravoure
-
30 sur ces mmes sommets o nagure il avait sivaillamment gagn sa
croix de chevalier.
Cette fois, ily gagna l'paulette de comman-dant, et fut quelque
temps attach l'tat-majordu gnral Changarnier. Quelques jours
aprscette prise du col de Mouzaa, il se distinguaitencore au combat
des Oliviers. Mais le bruitd'une guerre europrenne, crainte pour
les uns,esprance pour les autres, avait commenc circuler. Certaines
complications s'taient le-ves; la situation devenait menaante;
enfin,en vue des ventualits qui pouvaient surgir,la France s'arma.
Le duc d'Orlans fut rappelen France ; Mac-Mahon y revint
lui-mme.Ces tirailleurs, l'instruction et l'organisa-tion desquels
il avait pris une si large part,venaient de faire leurs preuves,
cl, avaient mon-tr dans une premire victoire tout ce que
l'onpouvait attendre d'eux. On rsolut d'en crerdix bataillons, au
lieu d'un.Un vaste camp avait t tabli Saint-Qmer;c'est l que les
nouveaux bataillons, compossd'hommes d'lite choisis dans les
rgiments,devaient tre forms. Le premier bataillon,dont on avait
lieu d'tre si satisfait, fut rappeld'Afrique et dirig sur
Saint-Omer, afin d'yservir de type pour la constitution des
corpssemblables qu'on allait y instruire. Le ducd'Orlans fut charg
de prsider cette cra-tion. Il la poussa avec une activit
remar-quable.
La succession du commandant Grosbon avaitt donne au capitaine de
Ladmirault qui sor-tait des zouaves. Le commandement de huitautres
bataillons fut confi des officiers prou-
-
37 vs entre tous: MM.Faivre, Camou, de Bousin-gen, Mellinet,
Forey, Clre et Uhrich.Quant au 10, il chut Mac-Mahon. Il en
est, on le sait, de l'tat-major comme de tousles corps spciaux,
l'avancement y est lent etdifficile, et l'on avait voulu ouvrir au
jeunecommandant une carrire moins pnible et oil pt dployer, dans
toute leur tendue, lesqualits exceptionnelles qu'on avait
remar-ques en lui.
Faisons observer en passant que, des chefsqui commandrent ces
premiers bataillons dechasseurs (ils prirent ce nom ds cette
poque),deux seulement n'arrivrent pas au grade degnral : Uhrich qui
prit sa retraite, et Clrequi fut tu en Algrie.Le commandant
Mac-Mahon retourne bientten Afrique. Jusqu'en 1835 il n'en doit
plussortir, si ce n'est pour faire des intervallesfort loigns de
rares apparitions en France.
A dater de l'anne 1841, nous le retrouvons chaque pas de cette
guerre de conqutes,toujours le mme, d'une intrpidit dj pro-verbiale
dans l'arme, d'un sang-froid et d'unedcision admirables, d'un coup
d'oeil sr, d'unesprit fcond en ressources, et ne se dconcer-tant
jamais dans les circonstances les plus cri-tiques et les plus
graves.Nous ne retracerons pas ici les innombrablesexpditions
entreprises dans un pays difficile,sous un climat dvorant, contre
un ennemitoujours renaissant. Toutes, ces luttes se res-semblent,
et pour les raconter il faut sans cosserecourir aux mmes mots,
retracer des priptics presque identiques, donner les mme
-
38 -
dtails; il semble que cette guerre d'Afrique,qui s'est prolonge
jusqu' nos jours, se rsumedans une seule campagne recommence
sanscesse et toujours refaire. Elle offre peu deressources la plume
du narrateur qui cher-cherait la varit. Mais les luttes qui se
pr-tent le plus au rcit ne sont pas toujours lesplus hroques, et
celles qui se droulrent de1840 1848 sur la terre africaine furent
toutesremplies des belles actions de nos soldats.Nous leur devons
plusieurs gnrations d'offi-ciers illustres et habiles qui s'y
prparrentaux grandes guerres de notre temps.
Mac-Mahon poursuivit avec clat sa carriresi magnifiquement
commence. Il se distingueen 1841 au combat do Bah-el-Thaya.
L'annesuivante il est nomm lieutenant-colonel de la2e lgion
trangre, qu'il organise fortement,et qu'il dirige dans plusieurs
campagnes. En1844 sa belle conduite dans l'expdition deZiban et de
Biskara le fait citer l'ordre dujour de l'arme. Le 24 avril 184f,
il est nommcolonel et prend le commandement du 41e doligne. Cette
anne lui fournit encore de bellesoccasions d'illustrer son courage
et il se mon-tre plus brillant que jamais aux combats
deDjebel-Alhra, d'Adoussa et d'Ain-Kebira.
Deux ans aprs, il est la tte du 9 rgi-ment de ligne; il n'a pris
le commandementde ce rgiment que pour rester en Algrie etcontinuer
celle existence glorieuse de fatiguesincessantes et de luttes
perptuelles qui est savie, et qui seule peut offrir un aliment
suffi-sant son tonnante activit. Pendant cesdeux annes il dirige
plusieurs colonnes mo-
-
39
biles. C'est lui qui, Djemma-Ghazouat, ac-cueille les onze
captifs survivants des troiscents prisonniers faits par
Abd-el-Kader Sidi-Brahimet Ain-Temouchen. Ces onze infortuns,chapps
la mort et rachets par la France,reoivent leur arrive
Djemma-Ghazouatles honneurs militaires dus leur malheur.C'est
encore le colonel Mac-Mahon qui, la finde dcembre 1847, avec le
gnral Lamori-cire, ferme, sur les frontires du Maroc, touteissue
l'mir et sa Deira. Abd-el-Kader dutse rendre et vint se remettre
entre les mainsde Lamoricire. Peu de temps aprs Mac-Mahontait nomm
gnral de brigade.
Il prend part la rpression de nombreusesinsurrections qui, dans
les quatre annes sui-vantes, se succdent en Algrie. Il dirige
di-verses expditions, ou y coopre tantt contreles Zouaouas, tantt
contre les tribus de Collo.Presque tous les champs de bataille de
la petiteKabylie sont illustrs par son courage et lesfaits d'armes
de ses soldats. Il se distingue par-ticulirement au combat de Kala,
et rduitles tribus de Collo, qui ne se soumettent qu'a-prs lui
avoir oppos la rsistance la plusopinitre, la plus acharne. Nul, du
reste, neconnaissait comme lui tous les secrets de cetteguerre de
montagnes, pleine de ruses et d'em-bches; dj, en 1849, il avait
dompt les tribusde la frontire marocaine et. port, en 1850,les
couleurs nationales jusque chez les Msida.
Enfin,le 16 juillet 1852, il est lev au gradede gnral de
division et se signale peu detemps aprs dans l'expdition entreprise
dansla rgion situe au sud de Biskara,
-
- 40 C'est par ces clatants services, sur une terre
ingrate, dans ces luttes sanglantes, mais o lesactions les plus
hroques restaient parfoisobscures, que le gnral de Mac-Mahon se
pr-parait la gloire plus clatante et plus dura-ble que devait lui
donner la grande guerre.Rsumons cette premire priode de la viede
Mac-Mahon.
Il est gnral de division; il a quarante-quatre ans peine; il a
dj prs de vingt-sept ans de services, dont vingt-trois ans pas-ss
presque tout entiers sous le climat ardentet dans les guerres
incessantes de l'Afrique.Les campagnes, les actions d'clat et les
cita-tions l'ordre du jour de l'arme sont nom-breuses sur ses tats
de services.
Son prestige militaire est grand devant l'ar-me; les soldats le
connaissent, l'aiment etl'admirent. Il n'est pas moins connu des
tri-bus arabes et kabyles; la plupart ont prouvce que peut sa
valeur. Parmi ces populationssuperstitieuses, une sorte de lgende
s'est for-me sur lui : il est si impunment tmraire,qu'on le croit
invulnrable; il compte tant devictoires, qu'on le croit invincible.
Son nom apntr jusque par del les crtes des montskabyles; ce nom
redout, on se le rpte, etl'on tremble ds qu'on apprend l'approche
duvaillant chef qui le porte. Il suffit parfois qu'ilsoit prononc
pour que les plus ardents desrebelles inclinent vers la
soumission.On nous rapporte, ce propos, une anecdote la fois
touchante et sublime, nave, sauvage,pleine de grandeur. On
croirait, l'entendre,une scne du Ciel, oublie par Corneille et
que
-
_ 41
lui seul sans doute et pu conter dignement :En 1845, le colonel
de Mac-Mahou, la tte
d'une forte colonne, s'avanait dans la Kabylieorientale. Aprs
une marche pnible et pleined'obstacles, il arrive devant un mamelon
es-carp, d'o l'ennemi, fortement retranch, fai-sait pleuvoir sur
ses troupes une grle deballes. Il fallait enlever cette position.
Le co-lonel s'y prpare; il donne l'ordre d'attaquer;mais la colline
est si escarpe, l'accs en est sidifficile, la situation de l'ennemi
est si avan-tageuse et notre succs si douteux, que Mac-Mahon hsite
poursuivre une entreprise otant de braves gens vont trouver la
mort, peut-tre inutilement.
Doit-il continuer l'attaque? Doit-il battreen retraite? Battre
en retraite, lui!...Tout coup, trois Kabyles, des vieillards,
des chefs, se montrent sur la hauteur, agitanten l'air des
haillons blancs. Mac-Mahon or-donne de cesser le feu. Les Kabyles
s'appro-chent. Alors le plus vieux, le plus vnrable,prend la parole
et, s'adressant au colonel :
Jamais, dit-il, jamais notre pays n'a t soumis qui que ce ft.
Nous tions dcids ne pas nousrendre et nous faire tuer, tous, ici,
jusqu'au der-nier. Mais ce n'est pas un ennemi que nous avonsdevant
nous : c'est un frre ! Comme nous, tu des-cends de Mahon. Notre
montagne s'appelle Bou-Mt-Mahon, ce qui veut dire le pre des
Mahon,et nous, nous sommes comme toi, Mae-Mahon, lesenfants de
Mahon. C'est pourquoi nous te livronsnos personnes, nos familles et
nos biens (1). (1)Voirla gravure la fin du volume.
-
CHAPITRE II
1855. 1856
SOMMAIRE.Laquestiond'Orient. Politique franaise,politiquerusse.
La guerre dclare. Leprojet dumarchalde Saint-Arnaud.L'expditionde
Grimer-solue.Bataillede l'Aima. Mortde Saint-Arnaud.Le
gnralCanrobert. Ouverturedes tranchesdevantSobastopol.Bataille de
Balaclava. Batailled'Inker- 'mann. La TourMalakoff,Mort du czar
Nicolas,Le gnral Plissierprend le commandementen chefdel'arme.
Assautinfructueuxdu 18juin. Batailledela Tchernaa. Mac-Mahonen
Grime.Situationdel'arme.NostravauxdevantMalakoff.Il
fautenfinirL'assautest dcid,L'artillerieouvrele feu.Posi-tions des
troupes. Le gnralBosquet. C'est Mac-Mahonqui doit
prendreMalakoff.Il estmidi.Intr-piditdeMac-Mahon.J'y suis,etj'y
reste! L'explo-sion.
LeKourganeMalakoff.Unedcouverteprovi-dentielle. Prise de Sbastopol.
Ce que la victoirenous cotait. Plissiermarchal.
Mac-Mahoncom-mandant l'arme de rserve.Conclusionde la
paix,Mac-Mahonsnateur.LesenfantsdeMahon,
Depuis des sicles la France a veill avec unsoin jaloux maintenir
intacte son influenceen Orient; depuis des sicles la protection
denos nationaux, celle des intrts catholiques at un des objets les
plus importants et lesplus levs de notre politique nationale.
-
_ 43
Les droits des Latins l'occupation des lieuxaints en Palestine,
avaient t formellementeconnus, et un article spcial du trait de
1740art. 33) les affirmait en ces termes :Les religieux latins qui
rsident prsente-
nent, comme de tout temps, en dehors et auledans de Jrusalem et
dans l'glise du Saint-Spulcre, dite Caman, resteront en
possessionles lieux de plerinage qu'ils ont, de la mmemanire qu'ils
les ont possds par le pass. Cependant les privilges des Latins
contests
par l'Eglise grecque avaient subi plus d'uneatteinte, grce la
complaisance et la fai-blesse de la Turquie, grce aux intrigues de
laRussie qui couvrait ouvertement les Grecs desaprotection.Cette
question, reste longtemps sans solu-tion malgr les ngociations
entre la France etla Porte, prit tout coup un caractre de gra-vit
exceptionnelle. Les exigences de la Russierelativement aux Lieux
Saints firent natre unconflit qui devait avoir les consquences
lesplus considrables.La question des Lieux Saints ne devait tre
pour le czar Nicolas qu'un prtexte pour soule-ver la question
politique beaucoup plus impor-tante, et s'assurer, la faveur de
complica-tions ventuelles, cette absolue souverainet dela mer Noire
et du Bosphore depuis si long-etmps ambitionne. Enfin il
poursuivait samarche, lente mais ininterrompue, vers
Constan-tinople, vers cette Turquie, qu'il tenait en-serre entre
ses frontires russes et les provincesdanubiennes d'une part, et la
Grce, luitoute dvoue, d'autre part.
-
- 44 La France ne pouvait ni renoncer son in-;
fluence en Orient, ni laisser se poursuivre les (progrs de la
Russie. Les intrts de l'Angle-terre, au point de vue politique, se
confondaientavec les ntres. Et, quand la conduite hautainedu prince
Menschikoff Constantinople, lesdclarations imprieuses du czar qui
lovait lemasque, l'occupation des provinces danubien ,nes par les
troupes russes, eurent ferm touteissue aux ngociations
diplomatiques, on sersolut la guerre.
Dj les flottes anglo-franaises ont pntredans la mer Noire et
dans la mer Baltique. Unevaste expdition se prpare, et, le 29 avril
1854,le marchal de Saint-Arnaud, gnral en chefde l'arme d'Orient,
s'embarque bord du Ber-thollet pour aller prendre possession de
soncommandement Gallipoli. C'est l que sontconcentres toutes les
forces franaises. Ouprpare d'abord une campagne sur le Danube;mais
elle ne parat pas devoir produire tousles rsultats qu'on en attend.
A ce momentle marchal songe porter la guerre sur le solmme de la
Russie.
Je suis entre deux projets, crivait-il, tousdeux contraris par
l'inaction de l'Autriche quilaisse libres les mouvements de la
Russie. L'un,c'est Sbastopol et la Crime qu'il faudra tou-jours
finir par prendre, et dont la possessionsourit plus encore
l'Angleterre qu' la France;mais dbarquer en Crime et faire le sige
deSbastopol, c'est une campagne tout entire, cen'est pas un coup de
main; il faut d'normesmoyens et tre sr du succs.Il nous faudra,
ajoutait-il, plus d'un mois
-
e sige pour prendre Sbastopol parfaitementtendu. Pendant ce
temps-l les secours am-ont et j'ai deux, (rois batailles livrer.
L'vnement prouva combien les craintes duarchal de Saint-Arnaud
taient fondes.Cependant, aprs bien des hsitations, etalgr les
craintes qu'inspiraient les effroya-bles ravages du cholra qui
dcimait l'armeet la flotte, ce fut ce parti auquel s'arrta
lemarchal. Il motivait ainsi sa rsolution :A peine les armes allies
taient-elles d-
barques Gallipoli, que la dfense hroquede Silistrie prolongeait
la lutte sur le Danube,au lieu de la transporter au centre de
l'empireottoman. Les gnraux en chef crurent qu'ilsauraient le temps
d'arriver sur le thtre de laguerre, de sauver peut-tre la ville
assige,ou du moins de venir en aide l'arme turque,que les forces
russes menaaient d'craser.L'imminence du pril commandait cette
dci-sion, comme aussi le devoir des deux nations,qui avaient runi
leurs drapeaux pour protgerl'intgrit de l'empire ottoman. Le
couragede la dfense et l'arrive des armes alliesfirent lever aux
Russes le sige de Silistrie. Poursuivre l'ennemi dans un pays
ravaget infect de maladies pestilentielles et tun dsastre
certain
Pour la possibilit d'une campagne au deldu Danube et sur le
Pruth, il et fallu la coo-pration active, relle de l'Autriche, dont
lesindcisions perptuelles avaient cr aux gn-raux en chef des
difficults sans nombre. L'inaction tait-elle possible aux
armescampes Varna? Cette inaction ne pouvait-
-
46 elle pas amener le dcouragement au milieudes preuves qui leur
taient peut-tre rser-ves si loin de la patrie? Ni l'honneur
militaire,ni l'intrt politique ne la permettaient. Il fal-lait
forcer l'ennemi nous craindre. La Crimetait devant nous comme un
gage. Frapper laRussie dans la Crime, l'atteindre jusque
dansSbastopol, c'tait la blesser au coeur.
Les troupes furent embarques dans les pre-miers jours de
septembre, et le 14, elles fou-laient enfin ce sol ennemi qu'elles
allaienttromper du sang franais et que leurs exploitsdevaient
immortaliser.
Tel est le prologue de cette sanglante tra-gdie, dont les actes
divers se sont personni-fis et se rsument en quatre hommes,
quatregrands noms : Saint-Arnaud, Canrobert, Plis-sier,
Mac-Mahon.
Nous avons rappel brivement les origineset les dbuts de cette
guerre, si longue et simeurtrire ; plus brivement encore, il
nousfaut retracer les pripties de la lutte et noushter vers le
dnoment qui appartient toutentier au gnral illustre dont nous avons
en-trepris de raconter la vie.
La campagne fut inaugure par un succsclatant. La bataille de
l'Aima, qui consacra larenomme militaire du gnral en chef etfonda
celle du gnral Bosquet, fut un des faitsles plus glorieux pour les
armes franaises dansles temps modernes. Le marchal de Saint-Arnaud,
presque mourant sur le champ debataille, ne put ni jouir de son
triomphe, nien recueillir les fruits. Il succomba neuf joursaprs
(20 septembre 1854).
-
Le gnral Canrobert lui succda dans lecommandement en chef.Le 9
octobre, les troupes de sige ouvraient
les premires tranches du ct sud de Sbas-topol, entre cette ville
et Balaclava.Le 17 octobre, un feu formidable fut ouvert
contre la place; mais on avait t trop vite. Lagrande hte qu'on
avait mise attaquer tait,il faut le dire, suffisamment motive. On
esp-rait que les assigs n'auraient pu runir desmoyens de dfense
suffisants, et il importait dene pas leur laisser le temps de les
complter.L'attaque du 17 octobre dmontra que les d-fenses de la
place taient beaucoup plus s-rieuses qu'on no l'avait pens, et
qu'on nepourrait l'enlever qu'au prix d'un assautmeurtrier et aprs
un sige en rgle patiem-ment poursuivi.
Sbastopol avait eu bien peu de temps, eneffet, pour se prparer
un sige; mais lestalents militaires et l'activit d'un jeune
capi-taine du gnie, Todtleben, avaient supple atout. Prenant seul
la direction dos travaux, illes poussa avec une rapidit inoue, et
lesdifficults que nos gnraux rencontrrentdans cette entreprise
gigantesque valurent aTodtleben une rputation justement mriteet
l'admiration de tous les hommes spciaux.Le marchal Saint-Arnaud
avait prdit ce
qui devait arriver, si le sige se prolongeait : ilfaudrait
livrer deux, trois batailles. La ralisa-tion de cette prophtie ne
se fit pas attendre.Les batailles vinrent, et des plus
sanglantes,tandis que de part et d'autre les oprations desige et de
dfense se poursuivaient a travers
-
- 48 mille souffrances et au prix des pertes les
pluscruelles.
Le 25 octobre, bataille Balaclava.Le 8 novembre, bataille
Inkermann, etbataille qui entrana, pour les armes allies,
pour l'arme anglaise surtout, dos pertes sicruelles, qu'on dut
ajourner l'assaut projetpour le lendemain.
Et pendant ce temps, les travaux de l'ennemis'accroissent
toujours, les batteries s'ajoutentaux batteries, les fortifications
se rparent etse munissent. Le feu des Russes devient deplus en plus
formidable. Le 28 novembre 1854,le gnral en chef crivait : Jamais
on n'a vaune semblable consommation de poudre et doboulets : nos
officiers d'artillerie calculent queles Russes ont tir, depuis
notre arrive sousles murs de Sbaslopol, 400,000 coups de canonet
brl 1,200,000 kilogrammes de poudre. Ily avait peine quarante jours
que le sige taitcommenc.Les sorties de la place sont frquentes
et
terribles; les engagements partiels dans la cam-pagne se
multiplient. L'hiver svit dans tontesa rigueur et accrot toutes les
difficults, toutesles souffrances des assigeants. L'arme vou-drait
en finir par une attaque suprme; elledemande grands cris l'assaut.
Mais le tempsn'est pas encore venu, et le gnral en chef neveut pas
risquer inutilement la vie de tant debraves soldats.
Mais l'on savait dj sur quel point l'effortdu jour dcisif devait
se porter, le gnralCanrobert le premier l'avait dsign; le g-nral
Niel, envoy en mission par l'empereur
-
- 49 -
pour s'assurer de la situation exacte, l'avaitreconnu.
La clef d'or do Sbastopol, c'tait Mala-koff, ce que nous avons
appel la tour Mala-koff, ce que les Russes appelaient le
bastionKorniloff.Celui qui devait s'emparer de cette clef d'or,
ouvrir la ville, et la livrer notre arme triom-phante, n'avait
pas encore touch les ctes deCrime. Il tait encore l-bas, bien loin,
enAlgrie, guerroyer contre les tribus kabyles,dplorant sans doute
cette fatalit qui le con-damnait d'ingrates et obscures
escarmouches,tandis que ses frres d'armes cueillaient denouveaux
lauriers sur une scne plus grande.Il ne se doutait certes pas alors
que la plusbelle palme lui tait rserve, et que c'taitlui seul que
la victoire attendait pour se donnertout entire la France.
Quel que soit le parti que l'on prendra ausujet de
l'investissement, crivait le gnralNiel, et malgr le danger d'tendre
encore surla droite des cheminements dj si dvelopps,il faut
attaquer la place du ct de Malakoff. Le 1er fvrier 1835, un conseil
fut tenu entre
les commandants en chef des armes anglaiseet franaise, et il fut
dcid que les oprationsd'un sige direct seraient substitues
cellesqui avaient t suivies jusqu'alors, un peu aujour le jour,
mais que les circonstances n'a-vaient pas permis de conduire
autrement. L'ob-jectif principal devait tre cette fameuse
etterrible tour Malakoff.
Dsormais tout l'effort de l'attaque se con-centra sur cette
position ; l'ennemi devina
4 4
-
50
promptement nos projets , et bientt y con-centra tout l'effort
de la dfense.Les Russes se dfendaient avec autant d'a-
charnement que nous en mettions les atta-quer, et, dans cette
lutte gigantesque les douxadversaires se montrrent dignes l'un de
l'autrepar leur courage, par leur courtoisie, par leurhumanit.
Il se produisit ce fait extraordinaire, presqueincroyable, que
la guerre, implacable, funeste,mais loyale, tablit entre les
Franais et lesRusses des liens de sympathie tels qu'aucunealliance
n'en et pu nouer de semblables. Sym-pathie qui ne s'est point
dmentie, que le tempsa confirme et raffermie, estime mutuelle
d'au-tant plus sincre et profonde qu'elle s'est for-me sur ces
champs de bataille o chacun desdeux peuples a pu prouver l'honneur
et laloyaut de celui qu'il combattait.Heureux et consols sont les
vainqueurs quisavent ainsi conqurir l'amiti des vaincus!Le 2 mars
1855 l'empereur Nicolas tait
mort. Maisce grand vnementne pouvait mo-difier les
circonstances. D'une part le succes-seur du feu Czar no pouvait
songer la paix
d'aprs une victoire ou une dfaite dcisive.D'autre part la France
cl l'Angleterre ne pou-vaient abandonner une entreprise aussi
gigan-tesque que le sige de Sbastopol qu'une foisle succs obtenu.La
dfense et l'attaque taient toujours aussi
vives, aussi opinitres de part et d'autre.Cependant nos travaux
taient prts ; mais il
s'en fallait que ceux de nos allis le fussent ;leur lenteur
causa des retards dont l'ennemi
-
sut profiter. Les obstacles et les difficultss'accumulrent
devant nous ; nos soldats plusenthousiastes que jamais demandaient
l'assaut,et, pour les prserver, il fallait toujours leurrpondre par
un refus. Le gnral:Canrobertno se dissimulait pas les dsastreuses
cons-quences qu'un insuccs pouvait entraner.Sur ces entrefaites, un
grave dissentiments'leva, au sujet du rappel de l'expdition
deKertch, entre notre gnral en chef et celui desforces anglaises.
Bientt le gnral Canrobrtcroyant qu'il pouvait tre un obstacle
l'unitd'action des forces allies, donna sa dmissionet transmit au
gnral Plissier le commande ,ment de l'arme franaise. Ce dernier
n'avaitqu' achever l'oeuvre poursuivie sans relchepar. son
prdcesseur. Quant au gnral Can-robrt, en qui les vnements plus
proches denous ont montr l'un des plus nobles et desplus purs
caractres de notre temps, il tint honneur de continuer servir, dans
cettearme qui l'aimait, la tte d'une simple divi-sion (19 mai
1855). ...Diverses attaques sont tour tour tentescontre les points
des fortifications qui parais-sent les plus vulnrables. Elles
chouent. Enfinle 15 juin l'attaque de Malakoff fut dcide.La
direction de cette entreprise fut confie augnral Regnault de
Saint-Jean d'Angely. Cette ;triste et sanglante affaire commena
dans lnuit du 16 au 17 vers trois heures du malin.Nous perdmes dans
la journe qui suivit plu-sieurs de nos plus bravos, de nos
meilleurs offi-ciers. La violence de la dfense rpondit la
-
violence de l'attaque, et malgr les prodiges devaleur de nos
soldats il fallut se retirer.
L'insuccs l'chec, tait aussi complet quepossible
La victoire remporte quelques jours aprssur les bords de la
Tchernaa (16 juillet) rpa-rait ce revers passager;
Mais dj une nouvelle attaque contre Mala-koff tait dcide;
La.division Canrobrt, la1re du2 corps, devait y prendre la plus
largepart. Mais.l'ancien gnral en chef de l'armed'Orient ne la
commandait plus-; il venait d'trerappel en France par un ordre
formel de Na-polon III qui ne voulait pas que cet illustreofficier
conservt un poste aussi modeste.
Cette division, la plus belle, la plus solide del'arme, allait
recevoir un nouveau chef digneentre tous de succder celui qu'elle
perdait :le gnral de Mac-Mahon.
Rappel d'Algrie en avril 1855, il avait d'-,bord reu le
commandement du 1er corps del'arme, du Nord au commencement du
mois-d'aot il fut envoy en Crime, et vint prendresous les ordres du
gnral Bosquet, le com-mandement de la division Canrobert.
Il semble vraiment qu'il ait t dsign parle sort pour assurer le
gain dfinitif de cettecolossale partie que quatre nations
alliesjouaient depuis prs de dix-huit mois contrela puissance des
czars
Voici, au moment de son arrive, quelle taitla situation de
l'arme, assigeante telle quel'a dfinie M. de Bazancourt
l'historiographeofficiel de l'expdition de Crime.
On est au 2 septembre. Nos cheminements
-
53
ont travers les abatis de la tour Malakoff (oubastion
Korniloff); ces abatis ont t en partieincendis. La contrescarpe de
la tour est peine 25 ou 30 mtres de nous. De l on peut s'as-surer
de l'tat de la courtine et du redan dontle parapet est fortement
entam et le fosspresque combl. Il n'y a pas sur ce point
d'ob-stacles invincibles. Mais 40 mtres plus loinon trouve le roc
vif. On se touche, pour ainsidire. Assigs et assigeants sont si prs
l'un del'autre que, pendant la nuit, quand les canonsse taisent,
ils s'entendent parler.Le moment dcisif, suprme, est venu.
L'ar-
tillerie n'a plus que pour quatre ou cinq joursde munitions. Les
mines creuses par les tra-vailleurs russes gagnent nos approches;
bienttelles vont sauter. Les assigs forment unenouvelle enceinte,
dressent de nouvelles batte-ries qui vont tre prtes, qui vont
foudroyeravec une nouvelle furie nos troupes de sige..Il faut en
finir.On ne se dissimule pas les prils de l'entre-
prise, les normes sacrifices qu'elle doit coter,les hroques
efforts qu'il faudra tenter pour euassurer le succs; mais il faut
en finir.D'ailleurs les assigeants eux-mmes ne peu-
vent plus tenir l o ils sont. Un feu perptuelfait chaque jour
dans leurs rangs des ravagesconsidrables. Les divisions
s'amoindrissent;les colonnes d'assaut sont dcimes. Il fau.en
finir.L'arme est lasse, fatigue ; la laisser plus
longtemps dans l'attente, c'est la dcourager,la dmoraliser; on
ne peut plus ajourner cetassaut si souvent rclam par les troupes,
si
-
souvent refus par les gnraux. Il faut en finir.Tous ces
arguments sont prsents au gn-ral Plissier par les chefs de service
dans unconseil de guerre tenu le 3 septembre. Le g-nral Niel, qui
commande le gnie, prcise ences termes la situation relle: Nous
sommes 25 mtres de la place; et, poury arriver, nous avons fait des
sacrifices immenses;de plus, le commandant suprieur de
l'artillerieaffirme que nous sommes presque bout de muni-tions.
Aujourd'hui, Malakoff est la seule issue du
sige; sa prise donnera le faubourg (Karabelnaa) etle faubourg
donnera la ville. L'assaut se prsentedans dos conditions plus
favorables qu'il n'tait per-mis de l'esprer.
Les autres gnraux consults sont unanimespour que l'assaut soit
donn; enfin, le gnralPlissier se range l'opinion de tous et
dcidequ'il aura lieu le 8 septembre midi.Ce projet devait tre tenu
secret jusqu'aumoment de l'excution; le succs, en effet,n'tait pas
tellement assur qu'on put compteruniquement, pour l'obtenir, sur la
bravoure etl'entrain de nos soldats; il fallait encore agiravec une
telle rapidit, que l'ennemi ft au-tant branl par l'imprvu de
l'attaque que parson imptuosit et sa puissance. On attendit
laveille de l'assaut pour informer les chefs decorps de la
rsolution qui avait t prise et desdispositions qui avaient t arrtes
en con-seil.
Mais, auparavant, l'artillerie avait un rleconsidrable jouer.
Elle devait, par un feuformidable, loigner autant que possible
l'en-
-
- 55
nemi des ouvrages que nos colonnes taientcharges d'enlever,
entamer les dfenses, em-pcher la rparation des brches, mettre
sespices de gros calibres hors de service et enrendre le
remplacement impossible.
Le 5 septembre, 807 bouches feu vomissentla destruction et la
mort sur les travaux desRusses. Le tir est tantt intermittent et
sac-cad, tantt gnral et incessant. 267 picescanonnent Malakoff. Les
pertes sont terriblesde part et d'autre, et cet effroyable
bombarde-ment dure sans interruption pendant trois jourset trois
nuits. Dans la matine du 8 le feu re-double encore do violence.
Les emplacements des troupes d'attaque ontt fixs comme suit
:
A la partie droite des tranches, pour l'at-taque du petit Redan,
la division Dulac avecune rserve forme des chasseurs de la gardeet
d'une brigade de la division d'Aurelle ;Au centre, pour l'attaque
de la grande cour-
tine qui relie le Redan Malakoff et aux Batte-ries noires, la
division La Motterouge ;
A gauche enfin, la premire division dudeuxime corps, ancienne
division Canrobert,dont le gnral de Mac-Mahon vient de prendrele
commandement. Elle a pour rserve leszouaves de la garde et la
division de Wimpffen.C'est cette colonne qui doit enlever
Malakoff,assurer la victoire et supporter le principaleffort de la
lutte.
Enfin, le reste de la garde impriale est gardcomme rserve suprme
et doit, au momentdcisif, assurer le succs de l'entreprise.
Le 7, dans l'aprs-midi, le gnral Bosquet
-
56
appelle auprs de lui ses divisionnaires, ses g-nraux de
brigades, ceux de l'artillerie et dugnie appartenant au deuxime
corps; il leurrvle alors dans tous ses dtails le plan arrtpar le
gnral commandant en chef, leur an-nonce que l'assaut aura lieu le
lendemain midi; leur dsigne les points qu'ils doivent oc-cuper,
ceux qu'ils doivent enlever, toutes lesdispositions qu'ils ont
prendre; il leur recom-mande d'agir avec les plus grandes
prcautionsafin de ne point donner l'veil, il leur fait pro-mettre
le secret; enfin il termine par ces pa-roles : Je vous connais tous
de longue date pour devaillants hommes de guerre, aussi j'ai pleine
et en-tire confiance en vous. Demain Malakoffet Sbas-
topol seront nous ! Le gnral de Mac-Mahon, qui l'on a
faitl'honneur de lui confier le poste le plus pril-
leux, et de qui dpendra le sort de la journe,confre avec le
gnral Niel. Celui-ci lui dclareque la chute de Sbastopol, la fin de
ce sigeterrible qui dure depuis une longue anne, se-ront assurs si
Malakoff est pris : J'y entrerai,lui rpond le vaillant soldat, et
soyez certainque je n'en sortirai pas vivant ! Les gnraux se
rendent dans les tranchespour se rendre compte des positions.
Leurstats-majors, les officiers suprieurs de l'artil-lerie et du
gnie vont reconnatre et marquerles emplacements dsigns pour les
trois co-lonnes d'assaut.La nuit vient et s'coule dans une
impatienceanxieuse, dans une attente fbrile pour le com-
-
57 -
mandant en chef, pour tous ces gnraux surlesquels va peser une
si redoutable responsa-bilit.
Enfin le jour parat. huit heures, lorsqueles troupes, sous les
armes, vont aller occuperleurs postes fie combat, lecture est
donne,dans chaque bataillon, au milieu d'un silenceimposant, de
l'ordre du jour du gnral Bos-quet. Il les exhortait en ces termes
:
Soldats du deuxime corps et de la rserve, Le 7 juin, vous avez
eu l'honneur de porter fi-rement les premiers coups droit au coeur
de l'armerusse. Le 10 aot, vous infligiez, sur la Tchernaala plus
honteuse humiliation ses troupes de se-cours. Aujourd'hui, c'est le
coup de grce, le coupmortel que vous allez frapper do cette main
fermesi connue de l'ennemi, en lui enlevant sa ligne dodfense do
Malakoff, pendant que nos camaradesde l'arme anglaise et du premier
corps commen-ceront l'assaut au grand Redan et au bastion
Cen-tral.
C'est un assaut gnral, arme contre arme ;c'est une immense et
mmorable victoire dont ils'agit de couronner les jeunes aigles de
la France.En avant donc, enfants ! A nous Malakoff et Sebas-topol
!!
Le gnral de Mac-Mahon harangue sa divi-sion avec une concision
toute militaire; il ex-pose ses soldats ce qu'on attend de leur
in-trpidit tant de fois prouve. Ils s'empare-ront de Malakoff, et
dans le combat ils aurontpour mot d'ordre : Honneur et patrie! Les
trou-pes lui rpondent par des acclamations frn-tiques. Puis,
prudemment, en silence, l'arme
-
38 basse, elles s'branlent pour gagner les empla-cements qui
leur sont destins.Les lments qui, dans cette campagne, nousavaient
t si souvent contraires, semblaient
nous secourir. Un vent violent s'tait lev,faisant tourbilloner
dans l'air d'immensesnuages de poussire, pais rideau qui drobait
l'ennemi notre marche et nos prparatifs.On no put faire si bien
cependant qu'il n'enapprt quelque chose; car, si les assigs
nepouvaient dcouvrir nos mouvements, le princeGortschakoff, qui
occupait, avec l'arme de se-cours, les positions leves d'Inkermann,
pou-vait nous observer. Ds qu'il avait vu cettegrande agitation se
produire dans nos tran-ches, il avait en toute hte envoy des
offi-ciers pour prvenir la place que quelque at-taque se
prparait.Les Russes ne purent donc tre pris absolu-ment
l'improviste, comme on l'avait espr.Cependant on n'a nglig aucune
prcaution,ft-ce la plus minutieuse. Nul signal n'annon-cera aux
trois colonnes d'assaut que le momentest venu de s'lancer. Le gnral
en chef a faitrgler sur sa montre celles des gnraux quidoivent
diriger l'attaque. A midi prcis, en-semble, d'un seul geste, ils
entraneront leurshommes!L'heure approche.Le gnral en chef a choisi
comme posted'observation la redoute Brandon ; auprs delui sont
groups les gnraux Niel, Thiry,
Martimprey; un nombreux tat-major les en-toure.Le gnral Bosquet
s'est tabli dans la sixime
-
59 -parallle, endroit fort dangereux et trs-dcou-vert, mais d'o
son regard peut embrasser toutle front d'attaque.Le gnral de
Mac-Mahon est la tte de sa
premire brigade, tout prs des ouvrages deMalakoff. Pench sur sa
montre, il compte lesminutes et attend avec impatience que la
der-nire soit coule.L'instant est solennel. Tout le monde se
tait;
il semble que le souffle soit suspendu danstoutes les poitrines;
c'est un immense recueil-lement, un spectacle admirable et
poignant.
Je n'oublierai jamais, crivait le lende-main un des officiers
attach l'tat-major deMac-Mahon, je n'oublierai jamais le
quartd'heure qui prcda le moment dcisif.
Nous tions tapis dans une tranche, peine huit mtres de Malakoff.
Les zouaves,accroupis, avaient les yeux fixs sur le gnral,attendant
son ordre muet. Lui semblait, aumilieu d'eux, plus calme et plus
tranquilleque je ne le suis en ce moment.
Jamais Mac-Mahon ne m'avait paru si beau,si grand. J'aurais
voulu que l'arme entirept le contempler, lorsque, tirant son pe
etjetant des regards de flamme sur ses soldats,il donna enfin le
signal de l'assaut.
Midi venait de sonner. Un cri pouvantable s'lve, ml au bruit
strident des clairons qui sonnent la charge. Tous s'lancent la
fois, et ple-mle, sur
le retranchement. Les zouaves, Mae-Mahon en tte, arrivent
sur le bord du foss; ils s'y prcipitent, remon-tent de l'autre
ct, s'aidant de leurs pieds, de
-
_ 60 leurs genoux, de leurs ongles, se crampon-nant aux moindres
asprits. Comment toutcela s'est-il fait, je ne puis encore
l'imaginer.Je ne me rappelle qu'une chose, c'est que,deux minutes
aprs, les Russes taient chasssdu parapet et que nous entrions dans
la tour.
Mac-Mahon, le plus expos, le plus audacieuxde tous ses soldais,
ne les laisse point respirer.Il les pousse toujours plus loin,
toujours plusavant. Les Russes, un instant surpris par
cetteattaque, surviennent nombreux, entrans,eux aussi, par leurs
officiers, qui dploientune rare intrpidit. Alors c'est la mle
fu-rieuse, homme contre homme, poitrine contrepoitrine. Les fusils
se brisent; on frappe avecles tronons, avec des pierres, des
outils, desdbris de toutes sortes; tout devient une arme,tout
blesse et tue. C'est une lutte sanglante,implacable, homrique.
(1) Mac-Mahon, toujours debout, impassible,sous une grle de
balles, dirige lui-mme l'ac-tion, donne l'exemple et lectrise tous
lessiens. Son hroque attitude arrache au gn-ral en chef mme des
tmoignages rptsd'admiration : On n'est pas plus beau au feu
!s'crie-t-il.
Nos troupes ont enfin pntr dans l'int-rieur du rduit; le gnral
de Mac-Mahon s'yest tabli; mais on craint tout pour cette
vail-lante colonne, pour son glorieux chef: il peuttre enseveli]
dans sa conqute; la tour peutsauter; des attaques incessantes et
dsespressont diriges de la place sur les assaillants.Plissier
tremble pour Mac-Mahon; il lui en-(1)Voir la gravure la findu
volume.
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61 voie un aide de camp pour l'inviter se m-nager, ne pas
s'exposer autant, se mettredu moins l'abri d'une explosion
probable. J'y suis, et j'y reste ! fut la seule rponsedu
gnral.L'ennemi qui, mieux que nous encore, com-
prend toute l'importance de la possession deMalakoff, y
concentre ses efforts, y jette sesmeilleures troupes et dchane
contre la tourun ouragan do boulets, d'obus et de mitraille.Vingt
fois repouss, il revient vingt fois lacharge ; ce n'est plus du
courage, ce n'est plusde la vaillance; c'est de la fureur et de
l'exas-pration : ses gnraux les plus braves, lesplus prouvs y
prissent. Tout est inutile. Legnral de Mac-Mahon a reu des renforts
suc-cessifs : les zouaves do la garde, les voltigeursdu colonel
Douai, la brigade Wimpffen, lesgrenadiers de la garde, conduits par
le colonelBretteville. Ces secours lui permettent de brisertoutes
les rsistances, de vaincre la derniretentative.A plusieurs reprises
encore, les officiers du
gnral en chef vinrent supplier Mac-Mahonde quitter le poste
dcouvert d'o il affrontaittous les feux de l'ennemi. Fatigu enfin
de sesinstances ritres, il ne put retenir une excla-mation
d'impatience : Eh ! que diable, s'cria-t-il, je suis bien matre de
ma peau ! Vraierponse de soldai, et sublime dans sa brus-querie.
J'y suis, cl j'y reste," avait-il dit lorsqu'iltait entr dans
Malakoff; il pensait sans doute
maintenant : Je l'ai, et je le garde. Et, eneffet, il le
garda.
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62 Ce point qu'il occupait, point capital, il est
vrai, lut le seul sur lequel nos attaques eussentrussi.
Malgr des prodiges de valeur, des dvoue-ments admirables, des
pertes cruelles, nousn'avions pu conserver ni le petit Redan, ni
lebastion Central. Les Anglais, de leur ct,avaient chou l'attaque
du grand Redan.
C'tait donc vraiment au gnral do Mac-Mahon que le commandant en
chef et l'armeallaient devoir la victoire. Cependant on put,un
instant, encore en douter, alors mme qu'onla croyait assure.
Tout coup une effroyable explosion se fait,entendre. La tour
Malakoff et les ouvrages quis'y rattachent disparaissent dans les
nuagesd'une paisse fume : une atroce anxit s'em-pare de l'arme tout
entire; il tait videntpour tous que ce qu'on redoutait tait,
arriv,que Malakoff venait de sauter, avec Mac-Mahon,avec l'lite de
nos soldats. Ce fut un momentde stupeur et de vrai dsespoir, une
minuted'angoisse inexprimable.Mais la fume se dissipant, l'on vit
debout etintacte la tour, que nos soldats et leur gnraloccupaient
toujours. Une joie indicible suc-cda l'angoisse. Un long cri salua
le drapeauqui flottait sur le bastion.
C'tait la gauche de la grande courtine, con-tigu au bastion, qui
seule venait de sauter,jonchant de victimes tous les ouvrages
envi-ronnants. Quelques instants aprs, de nouvellesexplosions se
produisaient sur diffrents points,multipliant, hlas! le nombre des
morts cl desblesss.
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- 63 Si la tour Malakoff n'avait point saut, si Mac-
Mahon et ses soldats taient encore vivants, onle devait une
circonstance toute providen-tielle, car les Russes, hors d'tat de
prolongerleur rsistance, s'taient mis en retraite, etfaisaient
jouer les mines prpares dans les ou-vrages qu'ils taient contraints
d'abandon-ner.Comment, eux qui ne voulaient ne laisser
que des ruines en notre pouvoir, auraient-ilsnglig de dtruire ce
bastion, qu'ils regar-daient, juste raison, comme la position
laplus importante de leurs lignes? Nous l'avonsdit, ce fut un
vritable miracle, et voici com-ment il s'accomplit :Au moment o le
gnral de Mac-Mahon
venait do pntrer dans l'intrieur du bastion,chassant devant lui
tout ce qui l'arrtait, unofficier russe, un brave, se retrancha
avecsoixante hommes environ, dans le kourganeMalakoff, qui formait
une sorte de rduit for-tifi, assez lev nagure, mais dont on
n'avaitvoulu garder que le rez-de-chausse, crnelet protg par de
solides abris. De ce petit ou-vrage, par les meurtrires et les
embrasures,la faible troupe qui s'y tait retire faisait unfeu bien
nourri et fort dangereux pour nossoldats. Ceux-ci taient entasss
dans l'intrieurdu bastion, et chaque coup portait dans cettemasse
presse.Dloger cet ennemi, qui tirait couvert, dans
une position avantageuse et forte, n'tait paschose facile. Le
gnral de Mac-Mahon donnal'ordre d'allumer autour du rduit un
grandnombre de fascines, dont la fume, pousse par
-
_ 64le vent, devait envelopper l'ennemi, l'aveugler,le forcer la
reirai le.On venait d'excuter ce qu'il avait prescrit,
quand la rflexion lui vint que la flamme desfascines tait pour
lui un danger bien suprieuraux inconvnients que la fume pourrait
causeraux Russes. Ce feu pouvait se communiqueraux magasins poudre
de la tour et causer undsastre irrparable. Aussitt il ordonna
d'-teindre en toute bte les fascines; les soldaisdu gnie se
prcipitent, les uns fouillant laterre coups de pioche, tandis que.
d'autres lajettent en grande quantit sur ces
broussaillesenflammes.Tout coup, l'un des travailleurs, on
creu-sant le sol, rencontre un fil mtallique; ledoute n'est plus
permis, la tour est mine. Sur-
le-champ, on quelques minutes, nos soldaiscomprennent
l'imminence du pril, et s'aidantde tout, ce qu'ils ont, sous la.
main, ouvrent au-tour du rduit une profonde tranche; ils met-tent
ainsi dcouvert deux autres fils qui,videmment, communiquaient avec
les maga-sins tablis dans le bastion.Pendant ce temps, l'officier
russe retranch
dans le kourganc, ayant t inform par legnral que la position
tait dfinitivement ennoire pouvoir, se rendit.Le lendemain et les
jours suivants, on d-couvrait dans les diverses parties de la
tourplus de 40,000 kilogrammes de poudre.Nous l'avons dit,
l'enlvement de Malakoffdevait tre dcisif; voici on quels termes
s'ex-primait cet gard l'aide de camp du prince
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65 Gortschakoff dans son Journal des oprationsmilitaires :
Le commandant en chef se porta ladeuxime ligne des
retranchements devant lamamelon Malakoff, et, voyant la hauteur
occu-pe par de grandes masses de Franais, en ar-rire desquels se
tenaient de puissantes r-serves, se convainquit que la roccupation
dubastion Malakoff exigeait encore d'immensessacrifices; comme il
tait dj dcid vacuerla ville, il prit la rsolution de profiter de
ceque l'assaut avait t repouss sur tous lesautres points, et
l'assaillant accabl de fatigue,pour excuter sans obstacle cette
opration dela plus grande difficult.Le 11 septembre, l'empereur
Alexandre an-nonait ainsi, dans un ordre du jour, la prisede
Sbastopol : Il y a une impossibilit, mmo pour les hros.Le 8 de ce
mois, aprs que six assauts dsesprseurent t repousss, l'ennemi
parvint se rendramatre de l'important bastion Korniloff
(Malakoff),et le gnral en chef de l'arms de Crime, Voulant
mnager le sang prcieux de ses compagnons, qui,dans cas
circonstances, n'aurait t rpandu qu'inu-tilement, se dcida passer
sur le ct nord de laforteresse, ne laissant l'ennemi assigeant que
desruines ensanglantes.
D'un autre ct, le gnral Plissier procla-mait hautement que le
succs de la journetait d au gnral de Mac-Mahon et que luiseul avait
dcid la possession de la ville. Iladressa, le 9 septembre, l'arme
l'ordre dujour suivant :
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66 Soldats,
" Sbastopol est tomb, la prise de Malakoff en adtermin la chute.
De sa propre main l'ennemi afait sauter ses formidables dfenses, a
incendi saville, ses magasins, ses tablissements militaires, etcoul
le reste de ses vaisseaux dans le port. Leboulevard de la puissance
russe dans la mer Noire,n'existe plus. Ces rsultats, vous les
devez, non-seulement votre bouillant courage, maisencore votre
indomp-table nergie et votre persvrance, pendant unlong sige de
onze mois. Jamais l'artillerie de terreet de mer, jamais le gnie,
jamais l'infanterien'avaient ou triompher de pareils obstacles;
jamaisaussi ces trois armes n'ont dploy plus de valeur,plus de
science, plus de rsolution. La prise deSbastopol sera votre ternel
honneur. Ce succs immense grandit et dgage notre po-sition en
Crime. Il va permettre de rendre leursfoyers, leurs familles, les
librables qui sont res-ts dans nos rangs. Je les remercie, au nom
de l'em-pereur, du dvouement dont ils n'ont cess de don-ner des
preuves, et je ferai en sorte que leur retourdans la patrie puisse
bientt s'effectuer. Soldats ! la journe du 8 septembre, dans
la-quelle ont flott ensemble les drapeaux des armesanglaise,
pimontaise et franaise, restera une jour-ne jamais mmorable! Vous y
avez illustr vosaigles d'une gloire nouvelle et imprissable.
Sol-dats ! vous avez bien mrit de la France et del'empereur. Le
Gnral en chef,
A. PLISSIER.Il n'est pas de plus bel loge du magnifiquefait
d'armes du gnral Mac-Mahon que cet or-dre du jour o cependant il
n'est point nomm.Htons-nous d'ajouter que, dans son rapport
l'empereur, Plissier rendit pleinement jus-
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67 tice aux gnraux Mac-Mahon et Bosquet, etqu'il sut exprimer,
en termes satisfaisants, l'ad-miration que leur conduite avait
inspire l'arme tout entire.Un tel, rsultat n'avait pas t obtenu
sans
qu'il nous en coult des perles bien cruelles.Nous avions eu dans
cette journe 7,531 hom-mes hors de combat. Ce chiffre total se
dcom-pose ainsi :5 gnraux tus, 4 blesss, 6 contusionns.2i officiers
suprieurs tus, 20 blesss et 2 dis-
parus.116 officiers subalternes tus, 224 blesss,8 disparus.1,489
sous-officiers et soldats tus, 4,259blesss et 1,400 disparus.
D'aprs ces chiffres on peut juger des pertesque fit l'ennemi.
Elles furent normes et debeaucoup suprieures aux ntres. On le
conce-vra d'autant mieux lorsqu'on saura que dansles trois jours
qui prcdrent l'assaut, et o iln'y eut cependant que des combats
d'artillerie(du 5 au 7 septembre inclusivement), il perdit:4
officiers suprieurs, 47 officiers subalterneset 3,917 hommes hors
de combat (I).On ne connut rellement la valeur, l'impor-tance et le
nombre des ouvrages de dfensequ'aprs la victoire. On trouva dans
Sbastopolplus de 4,000 bouches feu, plus de 100,000projectiles et
au del de 200,000 kilogrammesde poudre.Ce fut le gnral Plissier
qui, le premier,recueillit les fruits de cette victoire : le
12sep-(1) Rapportdu princeGortschakoff.
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68 -tembre 1855, il fut nomm marchal de France.Quant au comte de
Mac-Mahon, ce ne fut quele 22 septembre qu'il reut la grand'croix
dela Lgion d'honneur. Il avait t nomm com-
mandeur au mois de juillet 1849 et grand offi-cier le 10 aot
1853.Aprs la prise de Sbastopol, et p