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CHAPITRE 11 - EN ATTENDANT LE CARTEL... Katz et Mair à l'épreuve des sociétés postcommunistes Jérôme Heurtaux et Antoine Roger in Yohann Aucante et Alexandre Dézé , Les systèmes de partis dans les démocraties occidentales Presses de Sciences Po | Académique 2008 pages 275 296 Article disponible en ligne l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/les-systemes-de-partis-dans-les-democraties-occide---page-275.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Heurtaux Jérôme et Roger Antoine, Chapitre 11 - En attendant le cartel... Katz et Mair à l'épreuve des sociétés postcommunistes, in Yohann Aucante et Alexandre Dézé , Les systèmes de partis dans les démocraties occidentales Presses de Sciences Po Académique , 2008 p. 275-296. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution ectronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. Presses de Sciences Po. Tous droits rerv pour tous pays. La reproduction ou reprentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autoris que dans les limites des conditions gales d'utilisation du site ou, le cas hnt, des conditions gales de la licence souscrite par votre ablissement. Toute autre reproduction ou reprentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manie que ce soit, est interdite sauf accord prlable et rit de l'iteur, en dehors des cas prus par la lislation en vigueur en France. Il est prisque son stockage dans une base de donns est alement interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris Dauphine - - 193.49.169.59 - 13/02/2014 13h30. © Presses de Sciences Po Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris Dauphine - - 193.49.169.59 - 13/02/2014 13h30. © Presses de Sciences Po
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Heurtaux J., Roger A., « En attendant le cartel... Katz et Mair à l’épreuve des sociétés postcommunistes », in Aucante Y. & Dézé A. (dir.), Les systèmes de partis dans les

Feb 28, 2023

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CHAPITRE 11 - EN ATTENDANT LE CARTEL...Katz et Mair à l'épreuve des sociétés postcommunistesJérôme Heurtaux et Antoine Roger

in Yohann Aucante et Alexandre Dézé , Les systèmes de partis dans les démocratiesoccidentales Presses de Sciences Po | Académique 2008pages 275 296

Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/les-systemes-de-partis-dans-les-democraties-occide---page-275.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Heurtaux Jérôme et Roger Antoine, Chapitre 11 - En attendant le cartel... Katz et Mair à l'épreuve des sociétéspostcommunistes, in Yohann Aucante et Alexandre Dézé , Les systèmes de partis dans les démocraties occidentalesPresses de Sciences Po Académique , 2008 p. 275-296. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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C ommençons par une petite remarque de bon sens : le caractèreheuristique ou non du modèle du parti-cartel ne revêt pas lemême enjeu aux deux extrémités du continent européen 1. Pour

les chercheurs qui étudient les régimes politiques occidentaux, le parti-cartel désigne l’aboutissement historique d’un schéma de développement.Il s’inscrit dans la continuité des modèles antérieurs qui ont dominé l’his-toriographie : parti élitaire, parti de masse, parti attrape-tout… Lorsquel’attention se porte sur les régimes issus du système soviétique, les partis— du moins dans l’esprit d’un nombre conséquent de transitologues —incarnent la revanche des sociétés dites civiles face à l’État. Ces paran-gons de démocratie, promus indices de la réussite de la « transition »postcommuniste, sont, il est vrai, régulièrement dénigrés ; ils suscitent desréactions de dépit chez nombre d’acteurs et d’observateurs du jeu poli-tique à l’Est. Pour autant nul ne songe à remettre en cause la réussite duprocessus de démocratisation.

1. Nous remercions Frédéric Sawicki pour ses remarques stimulantes et sesconseils avisés.

EN ATTENDANT LE CARTEL…KATZ ET MAIR À L ’ÉPREUVE

DES SOCIÉTÉS POSTCOMMUNISTES

Jérôme HEURTAUX et Antoine ROGER

Chapitre 11

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Mais, s’il s’avérait qu’ils prennent la forme de partis-cartels, les récitsqui mythifient la « renaissance démocratique » à l’Est perdraient touteespèce d’efficacité. Le modèle serait-il vérifié que sa signification poli-tique prendrait un caractère vertigineux : en quinze ans, les « révolutions »postcommunistes n’auraient fait que substituer à un système de partiunique — d’ailleurs tempéré par un multipartisme institutionnel danscertains pays — un système de partis de cartel dans lequel un petit nombrede formations politiques se partagent les ressources offertes par l’État ;autrement dit un mode (autoritaire) de gestion et d’encadrement du plura-lisme aurait laissé place à un simple substitut fonctionnel, fût-il libéral…En appréhendant les partis comme des agents de l’État et en voyant dansl’État un ensemble de ressources pour les principaux partis, Richard S. Katzet Peter Mair ne ressuscitent-ils pas involontairement — qu’on veuille biennous pardonner ce raccourci — le « bon vieux modèle » du parti-État oude l’État-parti ? Le modèle de la cartellisation appliqué à l’Europe centralene serait-il pas l’indice d’un échec de la « transition démocratique » — d’au-tant plus éclatant qu’une partie des leaders partisans actuels sont, ainsi quel’attestent nombre d’études, les héritiers directs des professionnels de lapolitique formés dans l’appareil communiste?

Que le lecteur se rassure. Pour séduisante que soit la provocation,nous n’irons pas jusqu’à défendre une pareille thèse. Nous ne cherche-rons pas davantage à « vérifier » la pertinence heuristique de la thèse dela cartellisation à partir des enquêtes que nous avons menées sur desterrains empiriques. Nous tenterons plutôt d’utiliser le modèle de Katz etMair pour jeter un éclairage sur nos travaux et questionnements, ennous demandant s’il pourrait (ou aurait pu…) nous être utile pour pensermieux et plus loin. Autrement dit, nous nous efforcerons de soustrairele modèle à l’épreuve de la casuistique afin d’en discuter plus fondamen-talement les apports et les limites. Cette expérience nous amènerafinalement à observer que le schéma du parti de cartel pose plus deproblèmes qu’il n’en résout. Tout au long de l’article, le cas polonaissera mobilisé de façon privilégiée.

276LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

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Le voyage d’Europe centrale et orientale,aller…

Peter Mair, le parti de cartel et les sociétés postcommunistes

Spécialistes des partis de l’Europe occidentale, Katz et Mair n’affichentpas d’emblée l’ambition de produire une théorie universelle. Des restric-tions sont apportées au champ d’application du modèle, tant dans le temps(le parti-cartel ne désigne qu’un « moment » de l’histoire des partis poli-tiques) que dans l’espace (les exemples mobilisés à l’appui de la thèse nedébordent jamais le cadre des sociétés démocratiques occidentales).L’Europe centrale et orientale est totalement ignorée. Dans un essai posté-rieur à la publication de l’article fondateur, Peter Mair s’essaie néanmoinsà une comparaison des partis et des systèmes partisans à l’Est et à l’Ouest 2.Il s’y montre très sceptique sur le caractère heuristique d’une analyse entermes de cartellisation dans le cas de l’Europe postcommuniste.

Selon lui, il importe avant tout de considérer la synchronisation dedeux processus distincts : la « mobilisation politique des masses » et laformation des systèmes de partis 3. Dans les pays d’Europe occidentale,le second processus est enclenché dans le prolongement exact dupremier ; le mûrissement de l’un débouche sur l’autre. Au terme de cerelais, la délimitation des partis et la logique de leurs affrontements sonten conséquence appuyées sur des clivages politiques : chaque formationconstituée prend en charge les intérêts d’un groupe social et s’efforce deles porter jusqu’à l’appareil administratif de l’État. Une lente inversion

277En attendant le cartel…

2. Peter Mair, « What is Different about Post-Communist Party Systems? »,dans Peter Mair, Party System Change : Approaches and Interpretations, Oxford,Oxford University Press, 1999, p. 175-198.3. Pour caractériser la mobilisation politique des masses, Peter Mair se réfère àla fresque chronologique dressée par Stein Rokkan : dans un premier temps, lescatégories de la population qui demeuraient extérieures au système politique s’ytrouvent intégrées sur le plan cognitif ; dans un deuxième temps, les citoyensaffranchis de la sorte sont appelés à participer aux élections ; dans un troisièmetemps, ils sont invités à s’engager dans des organismes de représentation desintérêts ; dans un quatrième et dernier temps, une standardisation des allé-geances partisanes est observée, les candidats aux élections locales étanteux-mêmes amenés à se réclamer d’un parti national (Stein Rokkan, « TheGrowth and Structuring of Mass Politics in Smaller European Democracies »,Comparative Studies in Society and History, 10 (2), 1968, p. 173-210).

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est ensuite observée : par une succession d’étapes, les partis politiquesen viennent à relayer auprès de leur électorat les politiques publiquesélaborées au sommet. La cartellisation procède de cette nouvelle dispo-sition : une fois mis au service de l’État, les partis politiques peuventbénéficier de ses prébendes ; ils forment un cartel pour défendre collec-tivement leur position et pour empêcher l’émergence de nouveauxprétendants. Or, selon Mair, les pays d’Europe centrale et orientale nepeuvent suivre la même trajectoire : la mobilisation politique des massesy est organisée pendant quatre décennies par le régime communiste,sans que des affrontements partisans soient observés dans le mêmetemps. Ici, Mair paraît ignorer la correspondance que les idéologuescommunistes établissaient entre les partis et les classes sociales légi-times. En Pologne, les ouvriers, les paysans et les intellectuels (voire lescatholiques) étaient représentés de façon distincte par un des partis dusystème 4. Mais là n’est pas l’essentiel, car pour Mair, la formation dessystèmes de partis est en quelque sorte différée. Lorsqu’elle intervientaprès l’effondrement du bloc soviétique, elle ne prend pas directementle relais de mobilisations sociales bien identifiées ; elle ne repose passur des clivages politiques qui relaieraient des divisions sociales. Lesrapports entre l’État, les groupes sociaux et les partis n’étant pas établissur le même mode que dans les pays d’Europe occidentale, il n’y a paslieu de considérer qu’ils doivent connaître une inversion comparable.Aucune forme de cartellisation n’est donc envisageable 5.

Cette analyse présente le grand mérite de ne pas céder au développe-mentalisme qui imprègne nombre de travaux consacrés auxrestructurations politiques engagées en Europe centrale et orientale : les

278LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

4. Thomas Lowit, « Le parti polymorphe en Europe de l’Est », Revue françaisede science politique, 29 (4-5), août-octobre 1979, p. 812-846.5. Peter Mair brosse ce tableau synoptique au moyen de quelques formulessuggestives : dans les pays d’Europe occidentale, le système de partis est selonses termes « un point d’aboutissement » ; dans les pays d’Europe centrale etorientale, il constitue « un point de départ ». Dans la première configuration, « ladémocratisation apparaît comme le résultat d’un affranchissement » et consisteen l’« ouverture d’un système politique déjà formé » ; elle repose sur « une exten-sion du droit de participer à des régimes dans lesquels le principe de contestationa déjà été établi ». Dans la seconde configuration, la démocratisation résulte del’effondrement brutal d’un régime autoritaire et nécessite une « restructurationentière du système » ; elle repose sur « un établissement du principe de contes-tation dans des régimes déjà participatifs » (Peter Mair, « What is Different… »,art. cité, p. 179).

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systèmes de partis formés après la disparition des démocraties populairesne sont pas assignés a priori aux premiers barreaux de l’échelle gravie parleurs homologues occidentaux ; ils ne sont pas décrits comme retarda-taires ni promis à une logique de rattrapage. La précautionméthodologique reste toutefois insuffisante. Les dynamiques mises aujour dans les nouvelles démocraties représentatives sont en effet jugéesrévélatrices de dysfonctionnements profonds ; l’écart marqué avec leslogiques accoutumées est interprété comme un signe de déréliction etnon comme la conséquence d’une structuration inédite dont la cohérencepourrait être établie. Cette orientation est à mettre sur le compte du prin-cipe de raisonnement retenu. Peter Mair prétend dégager une base dediscussion en se livrant à une « extrapolation ex adverso ». Il concède queles arguments avancés sont « essentiellement hypothétiques » : ils procè-dent d’un contraste abstrait avec « les caractéristiques principales dessystèmes de partis établis ou consolidés » plutôt qu’ils ne sont appuyés surune « une observation précise du fonctionnement des nouveaux systèmesde partis postcommunistes ». La démarche consiste à « identifier lesfacteurs qui ont encouragé la stabilisation et l’institutionnalisation dessystèmes de partis établis, et à les retourner ensuite pour formuler deshypothèses et spéculer sur les facteurs qui peuvent faire défaut auxsystèmes de partis nouvellement formés, et aux systèmes de partis post-communistes en particulier 6 ». La structuration des affrontementsinterpartisans étant réputée avoir suivi une « voie normale » dans lespays occidentaux, toute trajectoire distincte est logiquement appréhen-dée comme une manifestation d’anormalité. Le critère de démarcationretenu est celui de la « consolidation ». Les systèmes de partis d’Europecentrale et orientale ne peuvent évoluer vers une quelconque forme decartellisation — terminus de la « voie normale » identifiée — pour la raisonque les affrontements politiques sont insuffisamment structurés ; unedéficience initiale leur interdit en quelque sorte de s’engager sur les bonsrails historiques et les condamne à une forme de piétinement.

Cette méthode de comparaison présente plusieurs limites. Elle amènetout d’abord à considérer que tous les pays d’Europe centrale et orientalese situent à proximité d’un pôle qui échappe résolument à la logique decartellisation ; elle interdit en conséquence de marquer des variations

279En attendant le cartel…

6. Ibid., p. 176.

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synchroniques entre les uns et les autres. Le principe de raisonnementadopté rend impossible ensuite la conduite de comparaisons diachro-niques : une fois son emplacement déterminé, un système politique nepeut plus évoluer vers un pôle ou l’autre. Enfin et surtout, elle s’interditd’étudier empiriquement les partis politiques qu’elle prétend analyser.

Le cartel à la carte

Les limites que Mair fixe à la validité sociohistorique de la cartellisa-tion n’ont pas été retenues dans la littérature spécialisée. Le texte enquestion est même largement ignoré, comme s’il déjouait les plans desimportateurs de théories anglo-saxonnes, très nombreux dans le champdes sciences sociales à l’Est. À propos d’objets aussi divers que la transi-tion, les élites ou les systèmes partisans, certaines théories occidentalesy sont souvent importées telles quelles comme pour penser à moindrefrais les transformations à l’Est. Avec la théorie néo-élitiste de la démo-cratie de John Higley 7 ou la théorie du capital social de Robert Putnam 8,le parti-cartel de Katz et Mair est même l’une des ressources théoriquesles plus mobilisées par les chercheurs locaux mais aussi par ceux venusd’Europe occidentale et des États-Unis 9. Comme souvent, ces ressourcesservent surtout d’instruments de mesure d’une réalité évaluée par rapportà une norme qu’il s’agit d’atteindre coûte que coûte. Dans l’opération,l’exemple occidental se transforme en idéal. Cela conduit à des appropria-tions normatives et obséquieuses par les chercheurs de l’« Est » desanalyses et des concepts fabriqués à l’Ouest. Plus que des outils, les théo-ries anglo-saxonnes sont plutôt des machines-outils prêtes à l’emploi,

280LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

7. Cf. Jérôme Heurtaux, « Sciences sociales et postcommunisme. La sociologiepolonaise des élites politiques (1990-2000) », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2, 2000, p. 49-100.8. Parmi une abondante bibliographie, on peut citer Maryin Aaberg et MikaelSandberg (eds), Social Capital and Democratisation. Roots of Trust in Post-Communist Poland and Ukraine, Londres, Ashgate, 2002 ; David W. Lovell,« Trust and the Politics of Postcommunism », Communist and PostcommunistStudies, 34 (1), 2001, p. 27-38.9. À l’exception notamment, on ne s’en étonnera pas, de la France. AleksSzczerbiak, par exemple, a organisé sa recherche sur les partis politiques polo-nais, au demeurant empiriquement riche, autour d’une auto-imposition pluriellede problématiques occidentales, mobilisant les théories les plus récentes d’AngeloPanebianco, de Richard S. Katz et de Peter Mair, dans Aleks Szczerbiak, PolesTogether? Emergence and Development of Political Parties in Post-CommunistPoland, Budapest, CEU Press, 2001.

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fournissant gratuitement le cahier des charges. Toute une série de raisonscontribuent à systématiser l’importation à grande échelle de certainesthéories occidentales particulièrement « adaptées » aux sociétés postcom-munistes mais surtout aux croyances et aux attentes des chercheurs decette région. Si la théorie du parti-cartel doit une partie de son succès àl’espérance sincère des chercheurs dans un avenir « démocratique 10 »,celle-ci semble être largement entretenue par des facteurs sociologiqueset institutionnels. Si la porosité des champs scientifiques à l’Est tient à desfacteurs locaux (indigence théorique d’une science politique récente etanimée notamment par des historiens et des sociologues reconvertis,dépendance des équipes de recherche à l’égard de financements étrangers,etc.) elle est aussi le produit des stratégies d’exportation théorique de lapart de chercheurs anglo-saxons comparatistes attirés par la possibilitéd’une validation empirique de leurs hypothèses et peu soucieux desconséquences de ces « safaris sociologiques » sur la recherche locale. Lesprofits symboliques que ces chercheurs peuvent en retirer dans leurpropre champ académique ne sont pas négligeables. Il reste que l’impré-gnation des travaux sociologiques et politologiques « locaux » parcertaines théories occidentales a des effets paralysants, dus notammentà l’éblouissement qu’elles semblent susciter. Cette pétrification conduit àoublier que les théories occidentales sont souvent construites à partird’enquêtes empiriques et ne prennent sens que dans un ajustement à descas d’étude particuliers. La déférence pour des modèles utilisés comme desnormes intangibles, c’est-à-dire qu’on ne peut « toucher », au sens figuré,amène à concevoir la théorisation comme un rite propitiatoire 11.

281En attendant le cartel…

10. Fréquemment sollicités par les organes de presse et les télévisions, les poli-tologues et autres sociologues sont invités à répondre à des questions qu’ils seposent eux-mêmes dans leurs travaux, de sorte que peu d’entre eux sont confron-tés aux difficultés de la dissonance des rôles d’expert et de chercheur. Beaucoupse pensent comme des « sociologues et politologues de la République », pourparaphraser Jean-Louis Fabiani dans Les Philosophes de la République, Paris,Minuit, 1988.11. Le mode de construction formelle des travaux universitaires dans la sciencepolitique polonaise (mémoires, thèses, ouvrages) trahit souvent l’importanceaccordée aux théories occidentales et l’asymétrie des références. Une premièrepartie est souvent consacrée à un point théorique sur le sujet en question, quiprésente d’abord en détail les théories occidentales puis, dans un second temps,certains travaux « indigènes » sont considérés. L’étude de terrain est fréquemmentconduite en fonction du guide de lecture exposé précédemment. Faute de problé-matisation, les spécificités locales font l’objet de descriptions presque honteusesplus qu’elles ne servent à révéler les apories de la théorie.

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Bien entendu, ce type d’appropriation n’exclut pas des « usagesrestreints » de la théorie. Le plus frappant s’agissant de la cartellisationconsiste dans l’aplatissement de la théorie au cours de l’opération d’im-portation. Tout se passe comme si la déférence qu’elle suscite incitait sesutilisateurs à ne sélectionner que les aspects qui « marchent ». La multi-plication des réformes instituant le financement public des partispolitiques en Europe centrale et orientale — à ce jour, la plupart des paysde la région ont adopté une telle réforme 12 — a semblé donner raison auxtenants du parti-cartel, incitant certains d’entre eux à ne retenir que ceseul aspect pour valider la théorie. Sur la seule foi de quelques indices,ils concluent à une validité du modèle général élaboré par Peter Mair etRichard S. Katz sur le terrain qu’ils étudient. La méthode employéerappelle une figure particulière de la vieille casuistique, qui consistait à« retrouver la généralité qui réside dans chaque cas 13 ». Aleks Szczerbiakse contente par exemple d’étudier les modalités du financement des partiset de l’accès aux médias : si ces critères figurent bien dans le texte de Katzet Mair, ils sont appuyés sur des réquisits très précis qui n’apparaissentplus dans le produit d’importation 14. L’auteur relève les indices d’unecartellisation (un financement des partis par le budget de l’État à partirde 1997, un accès privilégié de certains partis aux médias), avant debotter en touche en affirmant, sur la foi de témoignages recueillis auprèsde quelques hommes politiques, que :

« Une conception commune de la façon dont les partis pourraientcollectivement satisfaire leurs intérêts communs — qui soutient l’idéed’une collusion interpartisane — n’a pas encore suffisamment émergépour que se développe un parti-cartel relativement stable 15. »

282LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

12. Janis Ikstens, Daniel Smilov et Marcin Walecki, « Campaign Finance inCentral and Estern Europe. Lessons Learned and Challenges Ahead », IFESReports, avril 2002, p. 6 ; Ingrid Van Biezen et Petr Kopecky, « On thePredominance of State Money : Reassessing Party Financing in the NewDemocracies of Southern and Eastern Europe », Perspectives on EuropeanPolitics and Societies, 2 (3), 2001, p. 401-429.13. Serge Boarini, « Collection, comparaison, concertation. Le traitement ducas, de la casuistique moderne aux conférences de consensus », Enquête, 4,2005, p. 157.14. Aleks Szczerbiak, « Cartelisation in Post-Communist Politics : State PartyFunding in Post 1989 Poland », Perspectives on European Politics and Society,2 (3), 2001, p. 431-451 ; Aleks Szczerbiak, Poles Together?…, op. cit.15. Aleks Szczerbiak, Poles Together ?…, op. cit., p. 241.

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Petia Gueorguieva et Sorina Soare perfectionnent le questionnementen considérant les cas bulgare et roumain 16. Elles retiennent troiscritères : le façonnement des identités partisanes par le rôle attribué àl’État dans la société postcommuniste, ce qu’elles appellent l’« enjeuidentitaire » ; l’ancrage social des partis politiques (l’« enjeu social ») ; lefinancement des partis (les « enjeux financiers »). Quelles que soientleurs conclusions — selon elles, les systèmes partisans bulgares etroumains ne sont pas entrés de façon déterminante dans une logique decartellisation —, c’est la logique même de la démonstration, en particu-lier le statut de la théorie étudiée, qui pose problème. On peut en effetse demander s’il est pertinent d’apprécier la portée heuristique du modèled’un point de vue finalement assez positiviste, sinon statique alors mêmequ’elle est pensée par ses auteurs comme fondamentalement amendableet dynamique. Katz et Mair repèrent des éléments allant dans le sens deleur hypothèse générale, sans pour autant affirmer avec tambours ettrompettes l’avènement du parti de cartel. Il y a comme un piège àvouloir comparer pièce par pièce ce bel ordonnancement théorique, quiconsiste à surinterpréter le modèle initial. Finalement, le modèle ne fonc-tionne qu’à la condition d’écarter soit une partie de la réalité observée,soit un ou plusieurs éléments fondamentaux proposés par Katz et Mair.Après tout, l’analyse de la cartellisation n’est pas nécessairement valablepour l’ensemble des régimes fondés sur les principes du gouvernementreprésentatif, quoi qu’en pensent ceux qui ont pris l’habitude d’aborderles théories dominantes comme des quasi-traités. La diversité des résul-tats obtenus 17 ne manque pas de nous interpeller. Comment ne pas sedemander si l’exercice a du sens dès lors que l’hypothèse de départ setrouve solidifiée, que les propositions d’origine se trouvent empaquetées,

283En attendant le cartel…

16. Petia Gueorguieva et Sorina Soare, « Peut-on parler d’une cartellisation despartis politiques en Europe centrale et orientale ? Les cas bulgare et roumain »,dans Antoine Roger (dir.), Des partis pour quoi faire? La représentation politiqueen Europe centrale et orientale, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 103-120.17. Cf. aussi Allan Sikk, « A Cartel Party System in a Post-Communist Country?The Case of Estonia », ECPR General conference, Marburg, 2003 ; Ingrid VanBiezen, « On the Theory and Practice of Party Formation and Adaptation in NewDemocracies », European Journal of Political Research, 44 (1), 2005, p. 147-174 ; Steven Roper, « The Influence of Romanian Campaign Finance Laws onParty System Development and Corruption », Party Politics, 8 (2), 2002, p. 175-192 ; Ewa Nalewajko, Protopartie i protosystem ? Szkic do obrazu Polskiejwielopartyjnosci, Varsovie, ISP-PAN, 1997.

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que « le prototype 18 » ou la théorie, en un mot, devient un paradigme aucours de cette opération consistant à « penser par cas 19 » ?

Trois apports indirects

Contentons-nous donc de considérer la thèse de Richard S. Katz etPeter Mair comme un ensemble de propositions ou de suggestions d’ana-lyse. Abandonnons toute velléité d’appliquer le modèle à ces nouveauxterrains de l’Est. Mais reconnaissons au moins l’intérêt d’un usage« distancié » de la cartellisation pour la compréhension des systèmespartisans dans les sociétés postcommunistes sous trois aspects.

La mise à plat de la relation entre les partis et l’État nous semble toutà fait salutaire en premier lieu dans une science politique gagnée engénéral par la tentation d’une analyse de la politique comme un champautonome, organisée autour de découpages stricts entre les objets et dansla science politique à l’Est et sur l’Est en particulier, pour laquelle l’Étatest devenu le parent pauvre de la recherche. Adossés à une vision idéalede la politique, nombre de travaux insistent sur l’appartenance des orga-nisations partisanes à la « société civile » et manquent de fait la questionde leurs rapports à l’État. Si l’intérêt pour les modes de financementpublic des organisations partisanes est inspiré par une vague de réformesallant dans ce sens, il doit aussi beaucoup à Katz et Mair. Leur analyseinvite à considérer que l’assise économique de l’activité partisane influesur les modalités même de la mobilisation politique ; elle permet de ne pasappréhender simplement les réformes comme une évidence dans le cadrede la lutte « nécessaire » contre la corruption.

284LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

18. Ainsi Pierre Livet définit-il ce type de raisonnement : « On suppose généra-lement que l’on peut estimer le degré de similarité dans chacune des dimensionsde ressemblance. On peut donc définir dans quelle mesure (à quel degré) unexemplaire présenté se rapproche du prototype sur certaines dimensions oumodes de ressemblance et s’en éloigne sur d’autres. On doit pouvoir définir ungradient sur ces dimensions, permettant de penser de ce qui est le plus similaireà ce qui l’est moins. Moyennant certaines conventions ou choix conceptuels, ilest alors possible d’intégrer ces diverses similarités et dissimilarités pour déter-miner un degré global de ressemblance, qui permet ou non d’intégrer les exemplesprésentés au domaine de similarité dont le prototype est le centre ou le para-digme, et non pas simplement à la classe possédant tel trait […]. Un individupeut donc appartenir à ce domaine, alors même qu’il présente des lacunes dansses traits propres, l’absence de qualités propres à certaines dimensions. » DansPierre Livet, « Les différentes formes de raisonnement par cas », Enquête, 4,2005, p. 229-230.19. Ibid.

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Katz et Mair nous incitent en deuxième lieu à nous intéresser auxréquisits extra-idéologiques, extraprogrammatiques de la réussite poli-tique dans l’univers postcommuniste — qu’il s’agisse, bien sûr, desmodalités de financement des entreprises politiques, mais aussi desformes de collusion entre les principaux acteurs politiques. Alors quenombre de chercheurs se contentent de regrouper et de différencier éliteset partis en fonction de critères idéologiques ou biographiques, Katz etMair encouragent les travaux qui cherchent à mettre au jour des transac-tions collusives et des formes de coopération entre acteursidéologiquement opposés mais dont les intérêts, dans des circonstancesdéterminées, se rejoignent.

Dès lors qu’il est bien compris, leur modèle présente en troisièmelieu la qualité rare d’allier la reconstitution d’un processus évolution-niste et le rejet de tout finalisme. Il y a bien évolutionnisme, dès lorsque chaque étape antérieure doit être traversée pour « atteindre » cellede la cartellisation. Mais il n’y a pas finalisme, dans la mesure où lacartellisation n’est elle-même qu’une étape, le parti de cartel annonçantson propre dépassement. On est donc loin des analyses téléologiquespropres à l’approche transitologique qui continue de dominer l’étude destransformations postcommunistes.

… Retour

Les incitations à l’imagination sociologique et aux précautionsméthodologiques relevées plus haut ne sont pas suffisantes, néanmoins,pour justifier l’usage du modèle du parti-cartel dans l’étude des dyna-miques partisanes à l’Est du continent européen. Nous plaiderons plutôtici pour un abandon du modèle, en examinant trois aspects fondamen-taux des transformations partisanes : l’historicité spécifique des champspartisans à l’Est tout d’abord ; les logiques qui entretiennent l’hétérono-mie des champs politiques, ensuite ; les modalités de collusion entrepartis « établis » du champ politique, enfin. Si la théorie de Katz et deMair évoque plus ou moins directement ces questions, elle nous paraîtinsuffisante pour les penser de manière satisfaisante.

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Paradoxes de l’historicité

L’atout principal du modèle de la cartellisation, s’agissant des sociétéseuropéennes à l’Ouest du continent, est sa principale faiblesse, lorsqu’onlui soumet le cas est-européen. Il s’agit de l’historicité du parti-cartel,c’est-à-dire de son inscription historique dans le cadre du processus longd’évolution des formes partisanes en Europe. Le parti-cartel contient enlui-même, on l’a dit, les raisons de son dépassement, comme si Peter Mairet Richard S. Katz attribuaient à leur thèse un brevet de réfutabilité,garantissant le label scientifique du cartel. Le cartel n’advient ainsi qu’auterme d’une chaîne insécable composée de modèles partisans successifs.Or, l’idée selon laquelle un modèle génère systématiquement l’émergencede celui qui lui succède est pour le moins embarrassante dans le cas post-communiste. Deux problèmes au moins peuvent être signalés.

Le premier procède de l’échelle d’analyse retenue. En nous incitant àchercher dans le passé les prémices des nouvelles formes partisanes,Katz et Mair nous orientent en réalité sur une fausse piste, dans lamesure où notre attention est immédiatement dirigée soit vers le modèlepartisan sous le communisme, soit vers les modèles partisans d’avant-guerre ou de l’immédiat après-guerre, pour ceux qui font passerl’expérience communiste — réputée antidémocratique — par pertes etprofits. Outre qu’une telle démarche homogénéise artificiellement lesformes partisanes existant dans les deux périodes considérées, elleprésente aussi le lourd inconvénient de procéder par comparaison gros-sière : à chaque régime correspondrait un type de parti. Notrereprésentation du régime politique communiste et de son successeur s’entrouve figée, ce qui revient finalement à ignorer ce qui se joue dans lechangement de régime lui-même et l’historicité (les hésitations, les avan-cées et les reculs, etc.) propre à chaque « séquence ».

Or, l’analyse que l’un d’entre nous a consacrée au changement derégime en Pologne montre que, avant de se demander si et comment onpasse d’un modèle à un autre, il est nécessaire d’interroger la réinven-tion même de la catégorie « parti politique ». Loin d’être évident, lemonopole des partis politiques sur les activités de représentation démo-cratique doit plutôt être abordé comme une énigme. En analysant defaçon approfondie le processus de codification de la compétition poli-tique depuis 1989, on a pu rendre compte du caractère très controversé

286LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

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de ce processus. Il a d’abord fallu imposer, dans la continuité du régimecommuniste, une définition collective et non individuelle des activitéspolitiques, en réduisant les chances des indépendants dans la compéti-tion politique. Ce processus a également et surtout consisté à réinventerla catégorie même de parti politique en dépassant les résistances de ceuxqui promouvaient un autre type d’acteurs légitimes pour participer à lasélection des représentants 20. Il s’agissait ainsi de défendre les partiscontre d’autres formes d’organisations (comités civiques, syndicats, asso-ciations professionnelles, etc.) qui prétendaient participer aux jeuxpolitiques (et cela n’a pas seulement pris la forme d’une oppositionnominale, dans la mesure où syndicats, associations et partis politiquesne renvoient pas aux mêmes réalités, n’ont pas les mêmes activités, etc.).Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1990 que le personnel politique,de plus en plus professionnalisé, parvient à imposer la reconnaissancedu monopole des partis sur la compétition politique après avoir réduitcelle-ci : au monopole de la marque « parti » correspond désormaisl’oligopole d’un petit nombre d’organisations partisanes sur les luttesélectorales. En outre, l’enquête a montré qu’en raison des conditionsspécifiques du changement de régime et de la nature des organisationsissues de l’opposition, il faut aussi tenir compte des modalités parlesquelles on trace les frontières de la politique par rapport à d’autresunivers, comme les univers syndicaux et économiques. L’objectivationdes partis politiques dans des textes et dans des usages est également unmotif central dans le tableau de la partisanisation, c’est-à-dire de l’em-prise croissante des partis sur la compétition politique 21. De sorte que la« cartellisation » ne permet de saisir qu’un aspect historique du dévelop-pement des partis politiques dans les pays d’Europe centrale et orientaleet laisse dans l’ombre des évolutions préalables fondamentales qui larendent possible.

Le second problème a trait aux différences relevées entre les trajectoirespartisanes à l’Est et à l’Ouest du rideau de fer. Plutôt que de chercher à« faire démarrer » le processus de succession des modèles partisans en

287En attendant le cartel…

20. Jérôme Heurtaux, « Démocratisation en Pologne. La première loi sur lespartis (1989-1990) », Critique internationale, 30, 2006, p. 166-175.21. Cf. Jérôme Heurtaux, Une partisanisation controversée. Codification de lacompétition politique et construction de la démocratie en Pologne (1989-2001),thèse de science politique, Université de Lille-2, 2005.

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1989, comme le font la plupart des auteurs — le fait partisan sous lecommunisme n’est à leurs yeux pas digne d’intérêt 22 —, la vérification dela théorie de Katz et de Mair supposerait de prendre en considération l’ex-périence partisane avant mais aussi pendant le communisme. De ce pointde vue et si l’on veut bien faire abstraction des restrictions posées alors àl’expression des divergences politiques 23, force est de constater l’impossi-bilité de classer les partis politiques officiels constitués sous le régimecommuniste dans l’un des modèles partisans historiques dont Katz et Mairrappellent la succession. Mieux vaut raisonner par l’absurde (ex absurdo,dirait Peter Mair) pour constater plutôt la pluralité des modèles de réfé-rence. L’exemple du Parti ouvrier populaire polonais (PZPR) comprendtout au long de la période entre deux et dix millions de membres (parti demasse), cherche à satisfaire les intérêts de l’ensemble des classes socialesauxquelles s’adresse en priorité le régime (parti attrape-tout), est marquépar une compénétration structurelle avec l’État (parti-cartel). Les interac-tions entre le parti dirigeant et les organisations partisanes dites« satellites », loin d’être codifiées dans des règles contraignantes ou parl’idéologie, mettent en œuvre en réalité des formes complexes d’arrange-ments et de collusion (parti-cartel encore) 24. Il n’est pas utile de mener plusloin le raisonnement. Toutes choses n’étant pas égales par ailleurs, à quoibon chercher à plier la réalité à un modèle manifestement inadapté?

Il nous paraît fondamental de restreindre ainsi le périmètre à l’inté-rieur duquel le modèle peut s’avérer pertinent sur les terrains d’Europecentrale et orientale. Il est nécessaire de partager les prémices d’unethéorie pour la rendre applicable. Il est permis de voir dans la démarchequi consiste à ignorer volontairement ce point un aplatissement regret-table de l’analyse ; si aucune attention n’est accordée aux soubassementsde la cartellisation que les textes fondateurs ont pu mettre au jour, on

288LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

22. On comprend combien peut être vaine l’entreprise qui consisterait à cher-cher un équivalent concentré du schéma séquentiel dressé par Katz et Mair dansles quelques années écoulées depuis 1989.23. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait aucune forme de compétition au seindu parti communiste, par exemple, ou que le parti ait été un monolithe de bouten bout. Bien au contraire, si l’on en croit Werner G. Hahn dans Democracy ina Communist Party. Poland’s Experience Since 1980, New York (N. Y.), ColumbiaUniversity Press, 1987.24. Frédéric Zalewski, Paysannerie et politique en Pologne. Trajectoire du partipaysan polonais du communisme à l’après-communisme, 1954-2005, Paris,Michel Houdiard, 2006.

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risque de passer à côté des dynamiques spécifiques du changement derégime. Non seulement le parti de cartel est inadapté au contexte danslequel les partis postcommunistes prennent forme, mais il nous rendaveugle sur des réalités tout aussi essentielles pour penser les structurespartisanes dans les sociétés issues du monde soviétique.

Les formes d’hétéronomie de la politique

Si la théorie du parti-cartel permet d’étudier sous de nombreux aspectsles rapports entre les partis et l’État, elle comporte deux inconvénientsmajeurs.

En premier lieu, elle circonscrit artificiellement le champ de ces rapportsaux mécanismes de financement public des activités politiques et électo-rales et d’accès aux médias. Elle fait silence sur d’autres points de contactentre les partis et l’État, telle que l’emprise des partis sur les nominationsaux postes de la fonction publique. La question du spoil system est pour-tant une dimension essentielle des transformations de l’activité politique etpartisane dans les sociétés postcommunistes. Les rares enquêtes sur ce sujetattestent de la survivance de formes d’emprise des partis sur l’administra-tion. De ce point de vue, le modèle de Katz et Mair est fortement déterminépar l’expérience ouest-européenne d’une autonomisation relativementavancée des fonctionnaires par rapport aux professionnels de la politique25.En Europe centrale et orientale, l’expérience singulière du communisme— et la propension du parti dirigeant à cornaquer l’État 26 — a pu favoriserune subordination des élites administratives au personnel politique après198927. Tout laisse à penser que s’y rejoue, sur un temps très court et dansdes circonstances spécifiques, le schéma mis au jour par Martin Shefter :là où des entreprises politiques mobilisent une base sociale avant l’autono-misation de la fonction publique, l’emprise des premières sur la seconde estnette et les conséquences sur les formes mêmes de mobilisation partisane

289En attendant le cartel…

25. Françoise Dreyfus, L’Invention de la bureaucratie. Servir l’État en France, enGrande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècles), Paris, La Découverte,2000.26. Qui n’empêche pas de multiples arrangements et ajustements, cf. Jay Rowell,Le Totalitarisme au concret. Les politiques du logement en RDA, Paris,Economica, 2006.27. Anna Grzymala-Busse, « Political Competition and the Politicization of theState in East Central Europe », Comparative Political Studies, 36 (10), 2003,p. 1123-1147.

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sont significatives 28. Le processus aboutissant en Pologne à une loi sur lafonction publique — d’ailleurs minimaliste — en 1997 illustre la difficultédes principaux partis à se mettre d’accord sur cette question et l’enjeu quereprésentent les ressources administratives, notamment en termes de postes,pour le personnel politique29. Chaque alternance politique s’accompagneainsi d’une forte mobilité du personnel de direction des principales admi-nistrations et de la redistribution d’un nombre important de responsabilitésen fonction des rapports de force partisans au sein de la coalition victo-rieuse. De ce point de vue, les partis apparaissent davantage comme desentreprises mobilisant des ressources afin d’accéder à d’autres types deressources qu’elles redistribuent en cas de succès à leurs membres et leurssoutiens en guise de rétributions, que de simples « agents de l’État » commeKatz et Mair le suggèrent, sans guère étayer le propos 30. Rien ne vientd’ailleurs illustrer un phénomène de « fonctionnarisation de la politique »,sous la forme d’un recrutement massif du personnel politique parmi lafonction publique, comme on pourrait s’y attendre en suivant logiquementl’hypothèse des deux auteurs. L’indifférence de ces derniers pour ce qu’EzraSuleiman appelle « la politisation de l’État » 31 est problématique : le phéno-mène pourrait nous en apprendre davantage sur les logiques partisanes etsur le rapport entre les partis et l’État que le seul financement public.

En focalisant en second lieu l’attention sur le rapport des partis à l’État,la théorie du parti-cartel empêche d’envisager d’autres formes d’hétérono-mie de la compétition politique. Elle fait notamment l’économie d’unexamen des rapports entre entreprises politiques et entreprises économiquesdans des sociétés où la circulation de l’argent de la politique emprunte des

290LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

28. Martin Schefter, Political Parties and the State. The American HistoricalExperience, Princeton (N. J.), Princeton University Press, 1994.29. Grzegorz Rydlewski, Rzadowy system decyzyjny w Polsce. Studium polito-logiczne okresu transformacji, Varsovie, Dom Wydawniczy Elipsa, 2002. Cf.aussi Klaus Goetz, « Making Sense of Postcommunist Central Administration :Modernization, Europeanization or Latinization? », Journal of European PublicPolicy, 8 (6), 2001, p. 1032-1051.30. Ils s’en tiennent à la formulation de propositions très floues sans expliquerce que recouvre exactement cette notion et quelle est la mesure du phénomène.La thèse est sur ce point ambiguë. Katz et Mair ne tranchent pas la question desavoir si les partis se servent de l’État ou si l’État se sert des partis. Encorefaudrait-il définir précisément ce qu’ils entendent par « État » et par « parti ».31. Ezra Suleiman, « Les élites de l’administration et de la politique dans laFrance de la Cinquième République : homogénéité, puissance et permanence »,dans Ezra Suleiman et Henri Mendras (dir.), Le Recrutement des élites enEurope, Paris, La Découverte, 1995, p. 19-47.

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chemins particulièrement opaques et inégalement réglementés. L’adoptiondu financement public des activités politiques en porte les traces. Si, dansles démocraties occidentales, ces réformes servent d’abord à compenser ledéclin des ressources assurées par les cotisations des militants, elles remplis-sent principalement un autre objectif en Europe centrale et orientale : ellessont engagées pour parer les menaces que le financement d’origine privéeet la corruption qui en résulte font peser sur la légitimité des partis et laparticipation électorale. L’accord des principaux partis pour fermer le jeu auxentrepreneurs non partisans et aux petits partis est une motivation égale-ment déterminante. Reste qu’en Pologne, par exemple, la mise en place dufinancement public des activités politiques n’a pas mis totalement fin à l’ir-rigation de la politique par des fonds privés, à l’instar de la compétitionprésidentielle par exemple, même si elle repose de plus en plus nettement surles partis financés par l’État32. Il en résulte une pérennisation de formes decollusion entre entrepreneurs privés et professionnels de la politique, alimen-tant le phénomène de « capture de l’État ». Celui-ci ne passe d’ailleurs pasnécessairement par le financement des campagnes électorales et des activi-tés politiques. L’impression d’autonomie forte du politique qui se dégage dumodèle de Katz et de Mair est en partie infondée dans le cas de l’Europepostcommuniste33.

Collusion, cartellisation, codification

Pour Peter Mair, la cartellisation n’est pas à l’œuvre dans les démocra-ties de l’Est en raison de deux caractéristiques secondaires qui, selon lui,orientent les systèmes de partis dans une tout autre direction. Il avancetout d’abord — première caractéristique — que la « structure de la compé-tition politique » est trop « ouverte » : dans la mesure où ils ne disposentd’aucun ancrage social, les partis ne s’appuient pas sur des « schémaspréétablis et des attentes de long terme ». Ils « ne sont pas véritablementinstitutionnalisés » et ne peuvent guère instaurer une discipline interne.

291En attendant le cartel…

32. Marcin Walecki, Wybory prezydenckie 2005. Monitoring finansów wyborc-zych, Varsovie, ISP-Fondation Batory, 2006.33. Nous pourrions poursuivre cette hypothèse de l’hétéronomie en examinantles formes d’interdépendance entre les partis politiques et le champ médiatiquemais aussi les relations établies dans le champ judiciaire, qui se sont par hypo-thèse accentuées à mesure que la corruption est devenue un problème politiquemajeur et la lutte contre la corruption un impératif catégorique de l’actionpublique et de la légitimité politique.

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Leurs dirigeants ne sont pas tenus par de véritables « loyautés organisa-tionnelles » ; ils résolvent fréquemment leurs différends en faisant scissionet en fondant leur propre organisation. À l’approche d’une élection, desalliances peuvent ensuite être nouées en tous sens et demeurer réver-sibles, de sorte que la création d’un nouveau parti est rarementpénalisante sur le plan électoral. Les affrontements interpartisans présen-tent en somme une grande fluidité ; ils révèlent un « défaut desystématicité ». Aucun frein n’étant posé à l’émergence de nouveauxconcurrents, un écart est marqué avec la logique de cartellisation 34.

Peter Mair met ensuite en avant — seconde caractéristique — le fait queles « élites politiques » d’Europe centrale et orientale se montrent trop peu« accommodantes » et trop enclines au conflit. L’adoption d’attitudesaccommodantes exige selon lui que les protagonistes opèrent dans unesituation de « certitude politique » ; elle n’est envisageable que dans lamesure où « tous les votes sont déjà liés » par des « alignements trèsprévisibles ». Dans une telle configuration, nul ne peut espérer l’empor-ter seul en réalisant un progrès significatif au détriment d’un concurrent.Pour éviter le blocage des institutions, les formations établies sont pous-sées à s’accorder sur un partage proportionné des responsabilitéspolitiques. Les pays d’Europe centrale et orientale ne peuvent selon luirépondre à ces critères. Une « culture de l’incertitude » y prévaut bien aucontraire, qui pousse à « une politique d’affrontement ». En raison dufaible ancrage social des partis, le résultat des élections est difficilementprévisible. De nombreuses formations peuvent raisonnablement espérerl’emporter. Aucune n’accepte de renoncer à la possibilité d’une victoirepleine et entière au bénéfice d’une répartition négociée. Des « stratégiesconflictuelles » sont dès lors adoptées qui font obstacle à une cartellisa-tion : aucune collusion ne peut être établie entre les partis. Une évolutiondans le comportement des élites politiques n’est guère probable à court

292LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

34. Cette analyse est partagée par plusieurs auteurs. Cf. notamment DavidOlson, « Political Parties and Party Systems in Regime Transformation : InnerTransition in the New Democracies of Central Europe », American Review ofPolitics, 13, 1993, p. 619-658 ; Michael Roskin, « The Emerging Party Systemsof Central and Eastern Europe », East European Quarterly, 27 (2), 1993; AndreaRommele, « Cleavage Structures and Party Systems in East and Central Europe »,dans Kay Lawson, Andrea Rommele et Georgi Karasimeonov (eds), Cleavages,Parties and Voters. Studies from Bulgaria, the Czech Republic, Hungary, Polandand Romania, Londres, Routledge, 1999, p. 2-19.

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et moyen terme. Le refus de l’accommodement amorce et entretient uncercle vicieux : l’instabilité qu’il génère dissuade les appareils partisansde renoncer à leurs postures vindicatives ; les hostilités n’en deviennentque plus vives et ajoutent encore au chaos.

Cette analyse se révèle empiriquement inexacte. L’étude du processusde codification de la compétition politique en Pologne postcommunistemet au contraire en évidence des formes systématiques de collusion entredes personnels politiques qui divergent par ailleurs en termes de trajec-toires sociales et politiques aussi bien que d’idéologie.

L’absence d’institutionnalisation des partis politiques n’empêche pas,bien au contraire, des tentatives de stabilisation du jeu, à travers la défi-nition d’un droit électoral susceptible d’empêcher l’apparition denouveaux acteurs. Même si les partis au pouvoir sont incertains de fran-chir le seuil d’accès au Parlement lors des prochaines élections, leurposition les incline plutôt à estimer leurs chances supérieures aux partisplus petits et/ou absents du Parlement. Ce contexte permet donc desrapprochements : les adversaires politiques deviennent dans certainescirconstances des alliés stratégiques. La fragilité des organisations parti-sanes, même les plus importantes, facilite paradoxalement ces collusions.Parce qu’ils disposent rarement d’une majorité absolue, parce qu’ils sontsusceptibles de connaître une scission en leur sein, ces partis sontcontraints de négocier avec leurs concurrents, s’agissant notamment desquestions de loi électorale. De ce point de vue, l’analyse des principalesétapes de la codification des activités politiques — concernant notammentla définition des acteurs admis à concourir aux activités de représenta-tion — montre les efforts communs consentis pour empêcher l’émergencede nouveaux concurrents et favoriser les « établis », ne serait-ce qu’eninstituant, comme en Pologne en 1993, un seuil d’accès aux mandats quiréduit de fait le nombre de concurrents sur le marché électoral. L’adoptiondu financement public des partis politiques est une étape essentielle.L’étude des débats parlementaires, révélant les principaux conflits quiont marqué le processus de formalisation juridique des activités poli-tiques depuis 1989, permet de mettre en évidence l’évolution suivante :alors que, dans un premier temps, le personnel politique, très hétérogène,ne parvient pas à s’entendre sur des législations concernant la définitiondes acteurs politiques légitimes, il devient progressivement plus homo-gène, autorisant ainsi des formes de collusion originales. Il en résulte

293En attendant le cartel…

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même une intensification de la codification s’agissant des organisationspolitiques et un développement de la prise en compte d’« intérêts corpo-ratifs » par le personnel politique, impliquant une multiplication destransactions collusives. La codification est notamment caractérisée parune tentative de réduction de la compétition électorale au profit d’unpetit nombre de partis et par l’institution d’un financement public despartis doublée d’une interdiction des sources de financement jusque-làprivilégiées (dons des entreprises et activités commerciales). S’agissant del’accès aux médias, au cours des campagnes électorales notamment, lesrègles sont également de plus en plus restrictives et fonctionnent au profitdes principaux partis politiques.

L’incertitude présumée des acteurs est d’ailleurs toute relative. Mêmeen situation d’instabilité, les professionnels de la politique s’appuientpour agir sur des projections et des calculs, sur des probabilités de résul-tats, dont la fiabilité ne fait pour eux (presque) aucun doute. Lamultiplication des sondages d’opinion accroît la visibilité des hommespolitiques. Les sondages permettent d’agir en fonction d’une certainerationalité. Les modifications systématiques de la loi électorale à l’ap-proche des élections traduisent cette fébrilité instrumentale. La fluiditéprésumée des jeux politiques relève pour partie d’un effet d’optique : si,par exemple, le phénomène de transhumance parlementaire est impor-tant, il est loin d’être généralisé 35. Autrement dit, même si la compétitionpolitique nous apparaît comme structurellement éclatée, conflictuelle etillisible, elle s’apparente pour les acteurs à un jeu encadré par des normesqui régissent les attitudes, définissent les horizons d’action, encadrent lechamp des possibles.

Contrairement à ce qui a pu être écrit, une logique de coopération(période communiste) n’a donc pas strictement laissé place à une logiqued’affrontement (postcommunisme). D’abord, parce que les relations entreorganisations partisanes sous le régime communiste étaient en partieconflictuelles 36 ; ensuite, parce que la pérennisation du clivage entreanciens communistes et anciens dissidents dans les affrontements symbo-liques n’a pas empêché, dès les premières années du changement de

294LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

35. Cf. Jérôme Heurtaux, Une partisanisation controversée…, op. cit.36. Frédéric Zalewski, Paysannerie et politique en Pologne…, op. cit.

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régime, des logiques de coopération visant à déterminer à travers le droitdes règles du jeu politique.

C’est donc moins pour les raisons avancées par Mair que pour uneautre raison, empiriquement fondée, qu’il nous semble nécessaire demarquer une distance à l’égard de la thèse de la cartellisation.

En Europe centrale et orientale, une des caractéristiques originales dumodèle fait en effet défaut. Sur les terrains qu’étudient Katz et Mair, lecartel désigne à la fois la structure formée par la coopération entre partiset la forme même du parti ; les formations qui constituent le cartel déga-gent une impression de forte stabilité ; elles sont caractérisées commedes entités pérennes, dotées d’une organisation fixe. Rien de semblable nepeut être observé dans les principales démocraties de l’Est : les bénéfi-ciaires de la cartellisation n’en sont pas nécessairement les orchestrateurs,dans la mesure où l’espace des luttes politiques subit une recompositionrégulière 37. Précisons toutefois — et il y a là encore matière à discus-sion — que la fameuse « instabilité partisane » est à reconsidérer si l’ondistingue « volatilité des étiquettes partisanes » et « renouvellement desélites » : en dépit des montagnes russes que représentent les résultatsélectoraux successifs, on assiste en effet simultanément à une profes-sionnalisation et une stabilisation du personnel politique. Lerenouvellement régulier des labellisations partisanes n’empêche pas une

295En attendant le cartel…

37. Ainsi, la partisanisation telle que nous l’avons définie — en particulier lesbarrières dressées contre les marginaux et les privilèges définis pour les établis —n’empêche pas la disparition de formations qui semblaient et qui se pensaientcomme pérennes. Les cas de basculement d’une position dominante à une véri-table marginalisation ne sont pas rares. Après avoir conduit la coalitionvictorieuse de 1997 à l’échec en 2001 — tant l’Action électorale de solidarité(AWS) que l’Union de la liberté (UW) sont exclus du Parlement —, les électeurspolonais récidivent en 2005 en infligeant au SLD, grand vainqueur du scrutinde 2001 avec 41 % des suffrages, un score inférieur à son niveau de 1991(11,3 % contre 12 %)… Nous observons par conséquent une situation cocassedans laquelle les auteurs des lois censées les protéger n’en sont pas nécessaire-ment les premiers bénéficiaires et peuvent même en devenir les victimes. L’Actionélectorale de solidarité (AWS), la Confédération pour une Pologne indépendante(KPN) ou l’Union de la liberté (UW) en ont fait l’amère expérience. Cf. sur cepoint Marek M. Kaminski, « Do Parties Benefit from Electoral Manipulation?Electoral Laws and Heresthetics in Poland, 1989-1993 », Journal of TheoreticalPolitics, 14 (3), 2002, p. 325-358; Michal Kot, « Czy partie polityczne ucza sie?Ocena skutecznosci partii politycznych w trakcie gry o ordynacje wyborcza w2001 roku » [Les partis politiques apprennent-ils quelque chose ? Une évalua-tion de l’efficacité des partis politiques au cours des jeux sur la loi électorale en2001], Studia socjologiczne, 3, 2002, p. 93-114.

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stabilisation du personnel politique. Une hypothèse peut être formulée surcette base qui devrait alimenter de nouvelles recherches : il est permis deconsidérer que l’on assiste en Pologne à l’émergence d’une « structure decartellisation », c’est-à-dire un dispositif formalisé susceptible de s’inscriredurablement dans le jeu politique, sans qu’émerge durablement un« parti-cartel 38 ». Autrement dit, si l’on s’accorde à prendre la cartellisa-tion, non comme un état, mais comme un processus forcément inabouti,variable d’un pays à l’autre et combinant à chaque fois sur un modeparticulier des facteurs nationaux, la mise en rapport des évolutionsobservées à l’Est et à l’Ouest peut retrouver quelque pertinence.

Maniée avec discernement, la théorie de la cartellisation peut livrer deséclairages utiles sur la vie politique des pays d’Europe centrale et orien-tale. Elle permet de saisir par contraste des facteurs de structuration quiéchapperaient sans son concours aux observateurs les plus sagaces. Elleoffre le moyen de dissocier des éléments d’analyse qui apparaissentconfusément mêlés au premier abord. Elle dévoile en outre le principeselon lequel ils se combinent. Mais si le prototype de Katz et de Mair nousdonne à penser, il ne saurait être considéré comme l’ultima ratio métho-dologique d’une recherche sur l’évolution des partis politiques. De cepoint de vue, le fait d’aborder la partisanisation comme un processushistorique dans un seul pays et d’accorder toute sa place à la rechercheempirique plutôt que procéder à une comparaison en fonction d’unnombre forcément restreint de critères a permis d’insérer dans l’analysedes éléments que la théorie de Katz et de Mair ignore, en raison peut-êtrede l’origine ouest-européenne des cas étudiés par les deux auteurs.

Le voyage aller en Europe centrale se solde donc par un retourprématuré : les résistances du terrain à la théorie sont trop fortes. Onne nous en voudra donc pas d’avoir laissé en suspens d’autres aspectstout aussi importants de la théorie du parti-cartel, telles que la questiondes transformations du militantisme partisan ou la professionnalisa-tion des campagnes électorales.

296LES SYSTÈMES DE PARTIS DANS LES DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

38. Nous empruntons cette distinction à Paul Bacot (cf. chapitre 2).

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