ENTRE
L'GLISE ET LA SYNAGOGUE,ou
JJJerpetuit et K4CIf.
Docteur en philosophie et es lettres, De l'Acadmie pontificale
de Religion catholique, de celle des Arcadiens , de la Socit
asiatique de Paris, de la Socit Foi et Lumire de Nancy, etc. ;
Membre de la Lgion d'honneur, de Saint-Grgoire le Grand, de
Saint-Louis, Mrite civil de Lucques, se classe, de Saint-Sylvestre,
etc.; Bibliothcaire hon de la S. Congrgation del Propagande.In hac
enim (Jde) tesiimonium consecutt snnt senes.C'est par la foi que
les anciens patriarches ont obtenu un bon tmoignage. H E B R . , X
I , 2.
TOME SECOND,CONTENANT I, L'EXPLICATION DE LA PROPHETIE D'iSAIE (
v i l , 14) CONCERNANT L A MATERNITE MIRACULEUSE DE LA TRES-SAINTE
VIERGE MARIE. 2, LES PREUVES DE LA DIVINITE DU MESSIE TIREES DES
TRADITIONS A N C I E N N E S .
Paul Mellier. Libraire-diteur,PLACE SAINT-ANDR DES ARTS, 11
;
ADRIEN
LE C L E R E ,
ET G,
Imprimeurs de N. S. P. le Pape et de Mgr l'Archevque de P a r i
s ,RUE CASSETTE, 2 9 , PRS SAINT-SULPICE,
1*41.
Biblio
que Saint Librehttp://www.liberius.net
Bibliothque Saint Libre 2007. Toute reproduction but non
lucratif est autorise.
DE L'HARMONIEENTRE
L'GLISE ET LA SYNAGOGUE.
SAJNT-CLOUD. IMPRIMERIE DE BELIN-MANCAR.
ENTRE
L'GLISE ET LA SYNAGOGUE,ou
JJJerpetuit et K4CIf.
Docteur en philosophie et es lettres, De l'Acadmie pontificale
de Religion catholique, de celle des Arcadiens , de la Socit
asiatique de Paris, de la Socit Foi et Lumire de Nancy, etc. ;
Membre de la Lgion d'honneur, de Saint-Grgoire le Grand, de
Saint-Louis, Mrite civil de Lucques, se classe, de Saint-Sylvestre,
etc.; Bibliothcaire hon de la S. Congrgation del Propagande.In hac
enim (Jde) tesiimonium consecutt snnt senes.C'est par la foi que
les anciens patriarches ont obtenu un bon tmoignage. H E B R . , X
I , 2.
TOME SECOND,CONTENANT I, L'EXPLICATION DE LA PROPHETIE D'iSAIE (
v i l , 14) CONCERNANT L A MATERNITE MIRACULEUSE DE LA TRES-SAINTE
VIERGE MARIE. 2, LES PREUVES DE LA DIVINITE DU MESSIE TIREES DES
TRADITIONS A N C I E N N E S .
Paul Mellier. Libraire-diteur,PLACE SAINT-ANDR DES ARTS, 11
;
ADRIEN
LE C L E R E ,
ET G,
Imprimeurs de N. S. P. le Pape et de Mgr l'Archevque de P a r i
s ,RUE CASSETTE, 2 9 , PRS SAINT-SULPICE,
1*41.
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S)
nvr TOUTES LETTRES. INTERPRETATION.
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D"NN 4"K Y'rna ifrm
Mon seigneur pre (M. m o n pre). Pas possible. Si ce n'est q u e
, moins que. Evangile. Adam, le premier homme.
Lesnationsdumonde,c.--d., les infidles.
(*) On a plusieurs dictionnaires des abrviations hbraques,
c'est--dire, des sigles dont les rabbins font un si frquent usage.
Ils les appellent iy)m n*QT\> initiales des mots. Depuis le
Liber novus et copiosas de Jbbrevia** hiris hebraicis de Buxtorf,
d'rudits lexicographes ont ajout un grand nombre de mots aux listes
qui avaient t formes avant eux. Le clbre Philippe d'Aquin, rabbin
converti et professeur d'hbreu au collge de France, est l'un des
principaux qui ont enrichi cette matire. Mais ce que nous possdons
maintenant de plus complet en ce genre, c'est le Lexicon
abbreviaturarum qn in Hebrorum scriptis passim occurrunt, du savant
et estimable Abb J. T. Beelen, professeur des langues orientales
l'universit catholique de Louvain. Ce travail couronne dignement
son intressante Chrestomathia rabbinica et chaldaica, dont nous
avons dj parl dans la prface du tome i e r , et que nous ne
saurions trop recommander ceux qui veulent se familiariser avec la
langue rabbinique. Le profond orientaliste de Louvain a trouv
ajouter des centaines de ces mots au travail dj si consciencieux de
G. Selig, Compendia vocum, etc., Lipsiae, 1780, in-S. Toutefois le
lexicon mme de M. l'Abb Beelen laisse encore quelque chose dsirer.
Nous avons remarqu qu'il y manque plusieurs des abrviations dont
nous donnons ici la liste, qui est pourtant bien courte. Nous ne
passerons pas sous silence une circonstance qui fait Tloge du zle
de l'auteur et son dvouement pour la science, c'est qu'aprsavoir
fait imprimer son lexicon, il y a ajout un spicileghim
trs-copieux.
VIIISIGLE. EN
EXPLICATIONTOUTES LETTRES. INTERPRETATION.
i'nx:>"rm3"N
V'N X'WS"jW VKV'IN W"H
Le mme que i"mK p inw Aprs cela, ensuite. p DK Si c'est ainsi.
ib TON Il lui dit. /Bien que, malgr que. (A la M Sv *]N \ lettre,
Le nez sur le dos, le>3D h y *]N j
nez sur la bouche; c a s i m -
W TON , ai TON
possibles.) Rab, ou Rabbi, a dit. m w m TON Rabbi Juda a dit.
bxVX TON Samuel a dit.LETTRE i.
\
N"2
DTK p OU DTN m
3"3 'D3
P" 313
Homme ou hommes. (A la lettre, Enfant ou enfants d'Adam.) I ^ D
U m n m Bientt de nos jours. 12D3 Dans le livre. NIJDp 13 Le fils
de Kappara (docteur talmudique). rWNia Gense.LETTl * J.
3J
'c;
p DJ NTOJ
D1D2S TOV!
1? V
Aussi. Ghemara, partie du texte talmudique. Paradis. Trois
fois.
LETTRE 7.
N'T
V 1 K T1"7>NTOtf TON1^NTT
L'usage ordinaire ( littr. lavoie de la terre). Car Samuel a
dit. C'est--dire.
DES ABRVIATIONS HEBRAQUES. LETTRE H.SIGLE. EN TOUTES LETTRES.
INTERPRETATION.
IX
|vnn rrapn V'tpn
C'est ce qui est crit (dans la . Bible). ain -pin npn Le Saint,
bni soit-il (Dieu). T * 3 ^ D ^ n Le Nom, qu'il soit bni
(Dieu).LETTRE 1.
a w r *on mn
"lin
irnai'1DT
Y'jn "W
Et caetera (JVbfa.Cette formule n'esi usite que pour le texte de
la Bible). 1Q1K Kin p i Et c'est ainsi qu'il dit. bm Et caetera
{Nota.Cette formule s'emploie pour tout texte qui n'est pas de la
Bible). NI Ssn Et pour cela. mis Et le sens en est.1DWLETTRE 7.
S"7
nrnab l a W
Sa mmoire soit en bndiction.
LETTRE n
K"an
D n o i a D^DZin Les Sages (Docteurs du Talmud) disent.LETTRE
\
H"i l"rp
vi Tsw K"3 J"3
DnoiK W Quelques-uns disent. Vin iar^ Le dmon qui tente les
hommes, cherchant les porter au mal. Voyez t. n, p. 342. mm Jhova.
Le mme que 'niLETTRE 3.
DK io Mais. S Y U p a Souverain Pontife.
XSIGLE. EN
EXPLICATIONTOUTES LETTRES. NTERrRETTION.
"iSa D"3 tf'D3
"iDlS:> rra ho n i n w 1D IBMtD 1QD
Ce qui est dire. Tout ce que. Ainsi qu'il est crit. Ainsi qu'il
est dit.
LETTRE S
p"nS 3"V S'y1? "sb
ttnpn i w S La langue sainte (l'hbreu). p >*b Pas ainsi. Job
Tnvb Au temps avenir. Vovez t. i er , p. 554. ttnTsb Selon
l'explication.LETTRE D
T'a rrrirr ^Nn o"no nn&on "jba tf'fflD n w n ^NSD n"nn D ^ n
i ^ O T n T O
Que veut dire ce qui est crit? Le Roi-Messie. Les Anges du
service. Mose notre matre, que la paix soit sur lui.il me
semble.
LETTRE 3.
Va
*b nma
LETTRE D.
TDD
b i n rrtD 1DD
Le grand livre des prceptes.
LETTRE V,
n"yn"ny
iy
rny vy3"3T
n4 by Db^n vby *on aSnv mn obiy IV by p byUX ^ y
Sur. La paix soit sur lui. Le sicle venir, } Voy. t. Ier, Le
sicle prsent. ) p. 554. Par. C'est pourquoi,Voyez-y.
tzfy'9H"S)
LETTRE 2
pis *]ba p i s
Chapitre. Chapitre premier.
DES
ABRVIATIONSH ~ B R A ~ Q U E S .LETTRE
XI
P.IX~~ERPR~TATION.
SIGLE.
E N TOCTES LETTRES.
N l q l l a "lUr71p
Le Saint bni soit-il.
LETTRE 1 ,
Rab ou Rabbi., Rabbi Eliser. w'lpn nl1 L'Esprit-Saint. n'lin? r
a i Rabbi Juda. ?.Dlr Rabbi Jos. p n ~r ? i Rabbi Isaac. a ~ N Y C
V r a i Rabbi bm:iel. ? 9 5 ?n Rabbi L6vi. 1 wip5 la? Rabbi
Lakisch. ~ 7 7 U r i Kescli Lakisch. 5 l n 1 rJlY1 Je veux dire.
7215 nui? Cela veut dire. iljija 13 n?ainj?n Rabbi Nelihunia
ben-IIaliIin. l i y n r r a i Rabbi Simon. niarn ?UNY Initiales des
mots. Nninan ? a l Rabbi Thanhhuma.731 ou 31 I I S Y ~ Nl a i
4
-
LETTRE W.
Car s'il n'en tait pas ainsi. No111 bfni (Dieu). Car il est dit.
in15 nnw Ii veut dire.13 N/ DNV
3ianr
DW inN>w
n"n 5"n i'n
?SR Nn
Viens (et) considbre.
in15
'lin/n L'Ecriturc noiis enseigne. ijn Lcs Docieurs ont
enseign.
AVANT-PROPOS.
Des deux parties dont se compose le prsent volume, la premire,
qui traite de la maternit miraculeuse de la plus pure des vierges,
a t imprime Rome en 1833, par ordre de SA SAINTET, Timprimerie de
la Sacre Congrgation de la Propagande, sous le titre : Troisime
Lettre d'un rabbin converti aux Isralites ses frres. Elle avait t
examine par un des plus grands thologiens de la capitale du inonde
chrtien, S. Em. Mgr le cardinal Orioli, alors Rgent du collge de
St-Bonaventure, d'o sont sortis tant de savants qui font la gloire
de nilustre Ordre des Mineurs Conventuels. Dans la prsente dition
nous y avons fait des changements notables, et nous l'avons
augmente d'un grand nombre de chapitres nouveaux. Nous soumettons
les uns et les autres, avec toute la dfrence d'un enfant fidle,
l'infaillible jugement du Saint-Sige. La seconde partie, qui traite
de la divinit du Messie, NotreSeigneur Jsus-Christ, prouve par la
tradition de la Synagogue, avait dj paru dans notre Deuxime Lettre
aux Isralites publie Paris en 1828. Nous la donnons ici entirement
refondue ; mais nous avons cru n'y devoir rien changer quant au
fond, parce que, conjointement avec la Premire Lettre, qui l'avait
prcde de trois ans, elle a t revtue Rome du nihil obstat du mme
thologien, Mgr Orioli, et du publicetur du Rvrendissime Matre de
sacr Palais, le P.Velzi, de pieuse mmoire, qui a t depuis Cardinal
et Archevque de Montefiascone. La mme deuxime lettre renfermait le
Trait de la doctrine de la Trs-Sainte Trinit, auquel nous venons de
donner plus d'extension dans le tome ier de notre Harmonie entre
l'Eglise et la Synagogue. Ce tome ier de Y Harmonie a t honor
d'augustes encou-
XL V
AVANT-PROPOS.
ragements, ainsi que cles suffrages les plus flatteurs de la
part de plusieurs personnages cminents en doctrine et haut placs
dans l'ordre Iiirarcliiqiie de 1'Eglise , dont des membres du
SacrCollge; et In Propagaiiclea daign en autoriser un dp6t dans sa
propre librairie. Il a dj t cit avec loge par des crivains
ecclsiastiques de qui le nom est cher la religion (4).. . L'Ami de
la religion et d'autres jouiwaux religieux, tant en France qu'en
Italie, en ont rendu un compte trs-favoral~le. Les lettres si
bienveillantes qui nous ont t adresses de Rome l'occasion de cette
publication, exprimaient le dsir d'en voir bientbt paratre la
suite, et nous engageaient persvrer dans nos iravaux pour la plus
grande gloire de Dieu. Rfalheureuseinent des circonstances imprvues
en ont retard la publication.(1) Nous nommerons particuliremeiit M.
l'abb J. Caume, grand vicaire du diocse de Nevers, qui a bien voulu
mentionner lionorablement notre Harmonie dans son rcent ouvrage :
Influence d u Christianisme sur la famille. Nous nous faisons un
devoir d e rendre hommage publiquement a u x qualits wtimables do
M. l'abb Claire, Doyen de la facult de thologie de l'Acadmie de
Paris, e t de reconnatre que, par la publication de son excellent
dietionnnire hbreu, de sa grammaire hbraique et de sa savante
introduction I'Ecriture aaiute, il s r e n d u des services minents
aux tudes bibliques et a u x lettres hbraques. A l'article de son
dictionnaire, le respectable e t dncte professeur dit : i< Digne
sunt ut legantur q u a d e his fuse et erudite disputavit Dii.
Drach iii Troisime Lettre d'un rabbin conuerti, etc. Rome, 1833,
in-80. 1) Dans un billet qu'il nous fit l'honneur d e nous adresier
le a dcembre pass, il voulut bien terminer par ces mots : u En mme
temps que je lui tPmoigw m a reconnaissance pour le plaisir que
j'prouve la lecture de son Harmonie. n Nous sommes reconnaissant
notre tour de ce suffrage flatteur que noua simons P joindre 3 ceux
du plus grand poids dont notre livre a t honore en Italie.
iln5~
NOTICESUR LA
CABALE DES HBREUX.Judi quorum nos succcssores ac posteri sumus.
Lactant. de Just., 1. v.
I. Cabale, nom hbreu, lblp, signifie enseignement, doctrine
qu'on reoit, c'est--dire, admet, sans examen, avec une foi entire,
d'une autorit digne de toute notre confiance. Ce terme rpond
exactement acceptio en latin, et ixoScyi en grec (1). Il vient du
verbe bip la deuxime forme de conjugaison, appele piely qui
signifie recevoir, et s'applique celui qui Dieu rvle une vrit, ou
bien au disciple qui reoit de son maitre une doctrine quelconque.
Son verbe corrlatif, qui s'applique au matre, est "1DD, livrer, d'o
a t form le substantif e s s o r e ou Massorah. Ainsi la premire
mischna du trait bot du Talmud dit : a Mose reut, b i p , la loi
sur le Sina, et la livra, mDDI, Josu. Itaque cabalam, dit Cunaeus,
non cum vulgo eam dico quam alii aliis tradidere, sed quam clitus
acceperunt viri sancti, est enim nSap acceptio. De Rep. Hebr. 1. i
n , c. vin. II. Il importe d'avertir que dans les livres des
rabbins letevmeCabale est employ dans trois significations
diffrentes. Faute d'avoir su distinguer ces sens divers, plusieurs
savants sont tombs dans des mprises singulires. 1. Le Talmud
appelle souvent Cabale tous les livres du Vieux Testament autres
que le Pentaleuque. Il rpte en plusieurs endroits ce principe : On
ne doit pas expliquer un texte du Pentaleuque par un texte de la
Cabale pour en tirer une obligation lgale : m*in "HX J^Si N S nSap
m i D . Dans le trait de Baba kamma, fol. 2 verso, {. Sal. Yarhhi
fait cette glose; Texte de la Cabale, c'est--dire les
(l) Voyez notre prface, page xi.
XVI
NOTICE SUR LA CABALE
prophtesetleslivreshagiographes. DO)PD) 0*f3} p3^p >"?J7.
C'est dans ce sens que Mamonides dit dans son trait de l'tude de la
loi, chap. T, 12 : Et le texte de la Cabale fait partie de la loi
crite, mais son interprtation appartient la loi orale, la
tradition. )*)}"])
w> ij?^D wp }}:>:> \CWSJ JJJWD pwii:>j pjjp.2. Les
rabbins appellent aussi Cabale cette partie de la tradition que
dans notre prface, p. x , nous avons qualifie de lgale ou
talmudique. Les matres de la Cabale, rnupn IJWD.* veut dire, les
doc* leurs talmud iques.Y oyez Carpzovius, Introd. in theol.
judaic, c. ni, 7. Mamonides, dans son commentaire sur le trait
Abot, chap. i,dit que les chefs de chacune des sectes que les
docteurs de la Synagogue ont dsigns sous le nom de Sadducens et de
Balusens, et que dans nos contres de l'Egypte, dit-il, on appelle
Carales, que ces chefs , disons-nous, dclaraient qu'ils admettaient
lePentateuque et rejetaient la Cabale comme une loi fausse, ta
pi)P) WP2 \'Pf>P frPD P^ppf* P ^ f a p3jJpP- Or, l'hrsie
caratique, vritable protestantisme de la Synagogue, consiste
rejeter le Talmud et n'admettre que la lettre nue du texte mosaque,
texte que chaque carate peut interprtera sa guise, comme bon lui
semble; Luther n'avait qu' prendre l son libre examen (1). 5.
Communment on entend par ce terme la Cabale par excellence,
c'est--dire la partie mystrieuse, sotrique, acroamatique de la.
tradition orale (2). Joseph de Voisin en traitant de cette Cabale
dit trsbien : Et si vero totum Talmud Kabala dicatur, hc tamen pars
xa-c' ifyyrw vocatur Kabala. Observ. inprom. Pugionis fidei. La
Cabale, prise en ce sens, est aussi appele : science divine,
philosophie divine, thologie spculative. Sa partie
thurgiqueetgotique, connue sous le nom de Cabale pratique, est
souvent qualifie de mdecine. Nous citerons un exemple des mprises
auxquelles a donn lieu la confusion de ces trois acceptions du mme
terme. Buxtorf, l'article roap de son Lexicon rabbinique, dit que
David Kimhhi exalte la Cabale mystrieuse dans l'introduction de son
commentaire sur le psaume cxix(sel. l'hb.), et que le Talmud, trait
Rosch-Hasschana, fol. 19 recto, accorde la Cabale la mme autorit
qu'au texte des(1) Bien longtemps avant la soi-disant rforme, les
rabbins ont dmontr, comme plus tard Bossuet, que le libre examen
est un dissolvant de la religion rvle , et qu'il introduit
non-seulement autant de croyances presque qu'il y a d'individus
dans la secte qui admet ce principe, mais que les individus mmes
doivent continuellement modifier leur foi, qui ne reaemble pat le
lendemain ce qu'elle tait la veille. Voyea notre trait du Divorce
dans la Synagogue, pages 197, 198. (1) Voyez notre prface, pages x,
xi.
DES HBREUX.
XVH
livres de Mose. Voil ce que Buxtorf affirme; mais rien de plus
inexact. En cet endroit du Talmud il n'est pas le moins du monde
question de la Cabale proprement dite, mais du pouvoir spirituel de
la Synagogue, puisque toute la discussion roule sur le plus ou le
moins de solennit d'une fte , celle du trois de Thischri, institue
par ce pouvoir. Le Talmud dcide la question en rappelant que les
institutions de l'autorit spirituelle de la Synagogue,
institutions, qu'il appelle ici CABALE, galent celles de la loi
crite de Mose. nS^p "HT? 1OT m i n m ^ nblp n m Mil. Quant
l'introduction de Kimhhi, il suffit de prendre lecture de ce
morceau pour s'assurer que le rabbin n'entend parler que de la
tradition talmudique , et qu'il emploie le terme Cabale dans le
second sens que nous avons indiqu plus haut. Il est une
connaissance, dit-il, qui ne dpend pas de la science humaine, et
qui n'attend pas les preuves du raisonnement logique, mais elle est
de sa nature une colonne grande et solide pour tout fidle. Telle
est la tradition (Cv,2pP , la Cabale), en laquelle nous devons
avoir une foi absolue. Par elle nous croyons fermement, nous sommes
intimement persuades que Mose notre matre, que la paix soit sur
lui, a crit le Pentateuque sous la dicle de Dieu, bni soit-il; que
Dieu a tir l'univers du nant, qu'il l'a cr en six jours, etc. Les
faits annoncs par cette Cabale (qui ne voit qu'il no s'agit pas ici
de la science cabalistique?) sont constants pour nous, enracins
dans nos curs, comme si nos yeux et nos oreilles en avaient t
tmoins, comme si notre raison les prouvait matriellement, et mieux
encore; car souvent nos sens nous trompent, notre raisonnement
s'gare ou porte sur des principes errons (1).
J.3DP ]>f VP2PV WP tt'D 7P ipi 7|ScO) (i) 'IV loi pfP
~>PP) i)7J DP2 frPD tkf> VbS WP WD Jo ta P J jntfpj nf> p
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vw itaw oj) o'jwpJ .}f> onw &P21P?Nous ajouterions ici, s'il
n'tait pas trop long , le beau chapitre xnv* de la section ve du
livre ikkarim de Joseph Albo. Ce rabbin y traite avec un talent
remarquable de l'authenticit de la tradition que dans tout le cours
du chapitre il appelle Cabale. Dieu, dit-il, ne saurait se tromper
ni vouloir tromper quelqu'un. Il a rvl la vrit des hommes de choix,
sans doute capables de comprendre ses paroles selon le sens qu'il y
attachait ; et les pres qui ont transm" s cette Cabale (tradition)
leurs enfants n'ont pas pu avoir l'intention de leur enseigner
l'erreur.
XVIII
NOTICE
SUR L A
CABALE
Il va sans dire que la faute de Buxtorf a t rpte jusqu' satit
par cette foule de savants qui se copient aveuglment les uns les
autres. La plupart se gardent bien de nommer le clbre professeur de
Ble, afin de laisser croire au lecteur que ces deux citations
appartiennent au fonds de leur propre rudition hbraque. Dans ce
larcin, ils sont aussi avancs que le lilou qui, ayant russi tirer
la montre un Gascon, se trouva l'heureux possesseur d'une balle
aplatie. Le passage de Mamonides du trait de l'tude de la loi, que
nous avons cit plus haut, a t galement mal entendu, et, contre la
suite du texte de l'auteur, on l'a appliqu la Cabale mystique. 1 er
. Une contradiction frappante arrte ds les premiers pas celui qui
se livre des tudes sur la Cabale hbraque. Des Pres de l'Eglise, des
thologiens et des savants, tant parmi les catholiques que parmi les
protestants, parlent de cette science avec honneur, et en
retrouvent des traces dans le texte sacr du Nouveau Testament,
particulirement dans l'Apocalypse, dans les livres apocryphes qui
sont recommands comme une leclure pieuse et utile, dans les plus
anciens crivains ecclsiastiques. D'un autre ct, le seul nom de la
Cabale inspire, mme des hommes d'esprit et de savoir, nous ne
savons quel sentiment d'effroi ml d'horreur. Plus d'une fois
nous-muie en avons t tmoin , et Pic de la Mirandole atteste qu'il
en tait ainsi dj de son temps (I). Des thologiens, des
commentateurs de l'Ecriture et d'autres savants prtendent qu'en
certains endroits de ses Eptres, saint Paul rprouve la Cabale des
juifs. La S. Congrgation du SaintOffice de Rome l'a formellement
condamne. Enfin, un auteur protestant, l'exemple de l'amnit du chef
de sa secte, va jusqu' l'envoyer au diable avec ses inventeurs (2).
Pour expliquer cette antilogie, il faut faire deux parts bien
tranches del science cabalistique. 1. La Cabale vraie et sans
mlange, qui s'enseignait dans l'ancienne Synagogue et dont le
caractre est franchement chrtien, ainsi qu'on le verra plus loin.
2. La Cabale fausse, pleine de superstitions ridicules et en outre
s'occupant de magie, de thurgie, de gotie : en un mot, telle
qu'elle est(i) Dans son Apologie, Pic s'exprime en ces termes :
Horrendum istis patribus (il parle des adversaires de ses fameuses
thses) vdetur hoc nomen, et ex ipso pne sono timendum, ita ut forte
sint ex ipsis qui kabalistas non hommes, sed hircocervos potius ,
vel centaurum, vel omnino roonstruosum aliquid esse suspicentur.
Quin imo, audi rem ridiculam, cum quidam semel ex eis
interrogaretur, quid esset ista Kabala ? Respondit ille, fuisse
perftdum quemdam hominem, et diabolicum qui dictus Kabala, et hune
multa contra Christum scripsisse : inde sequaces dictos kabalistas.
(2) Ad Orcum cum auctoribus suis relegauda. Pfeiffer, Critica
sacra, cap. vu, sect. H, Q. ii.
DES HBREUX.
XIX
devenue entre les mains des docteurs cabalistes de la Synagogue
infidle qui a fait divorce avec ses propres principes. Bonfrerius
et Sixte de Sienne, comme aussi un grand nombre d'autres crivains
d'un haut mrit, tablissent cette distinction de la bonne et de la
mauvaise Cabale : Carpzovius, Pfeiffer, Wolfius, Glassius, Walther,
Cunaeus , Buddeus, etc. Christiani, dit Holtinger, ut plurimum,
inter Kabbalam vcram i-l falsam distinguunt. Ths, philol., sect. V,
p. 445. C'est donc avec raison que le P. Bonfrerius dit :
PassimCabala et cabalist apud catholicos maie audiunt; quam recte,
oslendent qu dicturi sumus scquentia : saepe enim fit ut quod bonum
et probum est, ob affine maie repudietur, utque virtus-, si nomen
commune cum vitio sortiatur, ipsa hujus fditate adspersa censcatur
; quod in hac materia plane accidit, ut, ob impiam infamenique
Cabalam, honesta puraque dabala infamiam pateretur. Res igitur tota
hc ex bona distinctione pendet. Sixte de Sienne, isralite converti
et dominicain fort savant et estim du pape Pie V, son protecteur,
crivait prcisment l'poque o fut rendu le dcret de la sacre
Congrgation du Saint-Office, dont nous avons parl. Il tait
parfaitement en position de connatre l'intention del sacre
Congrgation. Voici comment il s'explique : Caeterum, quia ex
decrelo S. Roman Inquisitionis omnes libri, ad Kabalam pertinentes,
nuper damnati sunt, sciendum est, duplicem esse Kabalam, alteram.
veram, alteram falsam. Vera et yia est, qu, ut jam diximus, arcana
sacrae legis mysteria juxta anagogen lucidt. Hanc ergo nunquam
damiiavit Ecclcsia. Fasa atque inipia Kabala estementitum quoddam
judaica? tradilionis genus, innumeris vanitatibus ac falsitatibus
refcrlum, nihilaut parum a necromantia distans. Hoc igitur
superslitionis genus, Kabalam improprie appcllatnm, Ecclesia
proximis annis merito damnavit. H. I. Tout concourt prouver, ainsi
que nous l'avons dit dans la prface, pages xi et suivantes, qu'une
notable partie de la tradition dont le dpt tait confi la Synagogue
ancienne, consistait dans les explications mystiques, allgoriques
et anagogiques du texte de l'Ecriture; en d'autres termes, tout ce
que la tradition enseignait touchant la mtaphysique sacre, le monde
spirituel, le rapport de celui-ci avec le monde matriel; elle
l'enseignait d'autorit ou le rattachait au texte inspir. Cette
doctrine orale, qui est la Cabale, avait pour objet les plus
sublimes vrits de la foi, quelle ramenait sans cesse au Rdempteur
promis, fondement de toute l'conomie de la religion ancienne. La
nature de Dieu et des esprits crs, l'origine et la destination du
monde infrieur, c'est--dire ma-
XX
NOTICE SUR LA CABALE
lriel, la signification mystique de tous les faits, de toutes
les observances religieuses et de toutes les prophties du Vieux
Testament. Si saint Pierre, le premier chef de l'Eglise, comme
vicaire de JsusChrist, dit au ccntenier Corneille que tous les
prophtes rendent tmoignage Notre-Seigneur, huic omtes prophel
lestimonium perhibeni (Act., x, 45), les docteurs hbreux leur tour
n'ont cess de proclamer que le Messie tait l'objet final de toutes
les prdictions des voyants d'Isral. Voyez dans ce tome il, p. 18.
Leges mosaicas ceremoniales, dit Budd, reconditos habuisse sensus
non puto quisquam negabit, nisi forte Spenceri aut Marshami
(ajoutez aussi Salvador) politicas rationes subslitucntium,
fabulis, adhibere fidem velit. II. Il y a cette diffrence entre le
Talmud et la Cabale, bien qu'ils se touchent sans qu'il soit facile
d'assigner entre eux des limites prcises, et que souvent ils se
confondent; le premier se borne gnralement ce qui concerne la
pratique extrieure, l'excution matrielle de la loi mosaque ; la
seconde, comme thologie spculative, mystique, s'empare de la partie
spirituelle de la religion, et rsout les problmes les plus
redoutables de la mtaphysique sacre. Manass-ben-Isral cite un
exemple de cette diffrence. Le texte du Deulronome, vi, 8, prescrit
de porter des Tolaphot, nSOta, entre les yeux. Le Talmud explique
que ces Tolaphot sont les phylactres; il enseigne en dtail de quoi
se doivent composer les phylactres, la manire de les confectionner,
enfin l'endroit prcis de la tte o il faut les appliquer. Si la
moindre de ces choses n'est pas observe, on n'a pas satisfait
l'obligation de la loi. Ici se borne la mission du Talmud, appel
l'me de la loi, et il cde la place la Cabale, qui est comme lame de
l'me de la loi. Celle-ci se charge d'expliquer l'intention mystique
du phylactre et de chacune de ses parties. Nous citerons
particulirement la lettre schn que cet ornement porte en relief
sous deux figures, savoir, trois ttes, W et quatre ttes. Nous avons
dj vu au tome Ier, page 405, que d'aprs la Cabale la premire forme
indiquait le mystre de la Trs-Sainte Trinit, et la seconde forme,
le mme mystre avec l'Incarnation de la deuxime hypostase divine. A
ce compte les phylactres taient vritablement l'abrg de toute la
religion : Dieu et la Rdemption. C'est pourquoi le texte dit dans
le mme verset : Et ligabiseagua*i"^numinmanutua(l). III. La Cabale,
qu'on peut appeler l philosophie des Hbreux, lorsqu'elle tait
encore dans toute sa puret, avait cela de particulier, qu'elle
donnait ces notions sublimes auxquelles n'ont jamais pu arriver les
plus profonds gnies parmi les philosophes paens privs du(1) Prtende
(la Kabala) investigar la causa del, y saber que es lo que
reprsentai! y significan todas aqnellas cosas, que mysterio
encierran aquellas, dos letras ifl sein, una de trs puntas y otra
de 4 ?... Y para esto sirve la Kabal que d la razon a todo, y aqsi
sellama, Aima del Aima. Conciliador., Q. cxxv, p. 251 de Td.
espagnole.
DES HBREUX.
XXI
secours de la rvlation. La raison humaine parlant des faits
sensibles trouvera toujours hors de sa sphre la connaissance qui
est pour l'homme Tunique ncessaire, unum necessarium (Marc, x ,
42); savoir : 1 la nature de Dieu ; 2 les rapports de Dieu avec la
crature ; 3 les obligations de l'homme envers Dieu. A ce point de
vue les Hbreux avaient un avantage immense sur les sages de toutes
les autres nations. Dans le Zohar, m e partie, fol. 72, col. 288,
Rabbi Simon-benYohha dclare que la supriorit de la loi sainte n'est
due qu' son sens cabalistique ; car, ajoute-t-il, s'il fallait s'en
tenir l'corce de la lettre, encore maintenant nous pourrions crire
un livre pareil, et mme un meilleur (1). Si le rabbin a raison de
faire grand cas du sens spirituel, il va trop loin en dprciant le
mrite intrinsque de la simple lettre des livres de Mose. IH. I. Les
Docteurs de la Synagogue enseignent d'une commune voix que le sens
cach de l'Ecriture fut rvl sur le Sina Mose, qui initia cette
connaissance Josu et ses autres disciples intimes; que cet
enseignement occulte se transmettait ensuite oralement de gnration
en gnration, sans qu'il fut permis de le mettre par crit. On sait
que mme les autres nations anciennes de l'Orient avaient l'usage de
n'enseigner que de vive voix les doctrines secrtes ou d'un ordre
relev, et de ne pas les confier lgrement l'criture (2). Dans les
premiers sicles de l'Eglise r les Pres usaient aussi d'une sage
rserve quand ils parlaient ceux qui n'taient pas initis nos saints
mystres. Au retour de la captivit de Babylone, Esdras voyant que
les calamits de la nation pouvaient amener un jour l'oubli entier
de la tradition cabalistique, parce qu'on ne devait la confier qu'
des adeptes remplissant certaines conditions par leurs qualits
personnelles et par leur ge, consigna cette tradition, par l'ordre
de Dieu, dans soixante-dix volumes. Mais ces livres n'taient pas
rendus publics. Le prophte eut ordre de les mettre entre les mains
des sages
: jptap W
P3BJ) W7P7 \'bp3
(i) Platon crivit Deuys, roi de Syracuse : Tu dis que je ne t'ai
pas expliqu assez clairement la nature du premier principe. Il
fallait bien te parler d'une manire nigmatique, afin que si quelque
accident tait arriv ma lettre, sur terre ou sur mer, celui qui en
aurait pris lecture ne pt pas la comprendre. yj$ yp Ttpcrou f7Sco.
4>paor? TTO'VTOU YJ '/?)? y va. Epist. n, t. >in, p. 118, des
classiques grecs de Leipzig.
b
XXII
NOTICE SUR LA CABALE
du peuple en qui tait une source d'intelligence, une fontaine de
sagesse et un fleuve de science (1). II. Ce dernier fait se lit
dans un livre qui est la vrit apocryphe. Mais de ce qu'un livre est
limin du canon de l'Eglise, il ne s'ensuit pas que tout ce qu'il
contient soit condamn. Plusieurs Pres grecs et latins,
particulirement saint Ambroise (2), ont cit avec loge le quatrime
livre d'Esdras, et il en a t insr des textes dans l'office romain
(3). 11 est reconnu que l'auteur, juif devenu zl chrtien, a insr
dans son livre beaucoup de traditions vraies de sa nation. Or,
celle des volumes secrets d'Esdras se trouve effectivement dans la
chronique juive appele Sder-Olam-Rabba. Le IVe livred'sdras ne doit
pas tre plus rcent que le commencement du second sicle, puisqu'il
parat qu'il avait dj acquis quelque autorit ds le temps de saint
Irne, du mme sicle, de Tertullien, de Clment d'Alexandrie et de
saint Irne, morts les deux premiers au commencement et le troisime
vers le milieu du troisime sicle. Nous avons dj cit dans le tome ,
page 150, saint Hilaire qui confirme que Mose, outre la loi qu'il
avait donne au peuple, confia secrtement aux soixante-dix anciens,
des mystres d'un ordre plus relev. Separatim qudam ex occuUis legis
secretiora mysteria septuaginta senioribus, qui doclores deinceps
manerent, intimaverat. A la demande : Quelle est la prrogative des
Juifs? Quid ergo amplius Judo ? saint Paul rpond : Elle est grande
de toutes faons. Et d'abord, parce que c'est eux qu'ont t confis
les oracles de Dieu. Multum per omnem modum : primum quidem quia
crdita sunt illis eloquia Dei (Rom., ni, 1, 2). Origne expose de la
manire suivante ces parole de l'Aptre (4) : Quamvis enim et
Gentibus nunc credantur eloquia Dei, sed illis, ait, primo sunt
crdita. Requiro tamen quid est hoc quod dicitur primis eis crdita
esse eloquia Dei : utrumne de litteris hoc dicat et libris, an de
sensu et intelligentia legis ? De Moyse et prophetis, caeterisque
horum similibus haec intelligenda sunt dici, quibus crdita sunt
eloquia Dei, et si quis apud eos sapiens et intelligens audilor et
mirabilis consiliarius fuit, quos auferre dicitur Dominus a
Jrusalem, offensus impietatibus populi (5). &(l) In his enim
est ven* intellectus, et sapientiae fons, etscientiae flumeo. IV,
Esdras,x i v , 47.
() De bono mortis, cap. x , n. 45 ; cap. xi, n. 50. De Sp. S.,
1. H, n. 49. De excessn il. Sat., 1. , n. 66, 69. (3) Voyez les
remarques de D. Calmet sur le IVe livre d'Esdras, pages 181, 138,
de notre dition de la Bible de Vence. (4) In Epit, ad Rom., H , p.
497, col. , de redit, des Bnd., o l'on peut voir les preuves que ce
commentaire appartient vritablement Origne, bien que l'original
grec de l'auteur ne se retrouve plus. (5) Isae, m, 1-3.D'aprs le
texte des Septante, diffrent ici de laVulgate, maisplm que celle-ci
conforme l'hbreu.
DES HBREUX. XXIII Nous sommes tonn que personne n'ait encore
remarqu qu'Adamantius, ce prodige de science et de gnie, en
appliquant aux cabalistes les qualits exprimes dans le verset
d'Isae qu'il cite, est parfaitement d'accord avec le Talmud, d'aprs
lequel ou ne livrait les arcanes de la loi, m i n ^IHD, qu' celui
qui runissait les qualits prcises par le prophte (trait Hhaghiga,
fol. 15 recto). C'est donc une tradition judaque qu'Origne rpte
ici. Ailleurs le mme Docteur dit : Puisque c'est une chose
manifeste et vritablement admise que les prophtes taient des sages,
il faut convenir qu'ils avaient une'parfaite intelligence de ce que
leur bouche prononait; et il est vident que Mose pntrait le vrai
sens de la loi, et les allgories anagogiques des faits qu'il
rapporte lui-mme.... Sous ce rapport, les Aptres n'taient pas plus
savants que les patriarches, que Mose, que les prophtes (1). Nous
ajouterons saint Grgoire de Nazianzc qui, sur le tmoignage des
Docteurs hbreux (cEopatwv v et ao^wrEpet Xs-ycuatv), rpte que les U
Juifs ne livraient pas les profondeurs de l'Ecriture (paGurepav) et
sa beaut (valeur) mystique (TO u/jariabv xaXXc;) ceux qui n'avaient
pas au moins vingt-cinq ans, et qui n'taient pas purifis
spirituellement(w.o'vot; TO"; xexa6ap|u.svci; TV vciv) ( 2 ) .
III. Dans saint Luc, xi, Notrc-Scigneur reprend les Docteurs de
la loi de ce qu'ils drobaient (3) au peuple la clef de la science.
Un grand nombre de Pres et de commentateurs expliquent, conformment
au sens le plus obvie de ce passage, que la culpabilit de ces
Docteurs perfides consistait en ce qu'ils cachaient au peuple
l'exposition traditionnelle des livres saints, exposition au moyen
de laquelle il aurait pu reconnatre le Messie dans la personne
adorable de JsusChrist. Car, ainsi que nous le dirons tout l'heure,
du moment que l'Evangile tait prch, l'interprtation mystrieuse et
prophtique des Ecritures, laquelle avait pour unique objet l'uvre
de la Rdemption, au lieu de rester comme sous l'ancienne loi,
concentre dans un petit cercle d'initis, devait tre porte la
connaissance de tous les ges et de toutes les conditions. Le
prophte Jol l'avait prdit expressment, i , 28 : Et erit posl haec,
effundam spiritum meum super omnern carnem, et prophetabunt filii
vestri et filiae vestr; senes(i) *II TO eyjpvj/j-ov xat
oU>j0.7ra/&ao*a/'vo>j$, Irtfaav ci TVpcp/JTi vofti
IpoXo'/itv vevorj/.w.t KTOV v.Ttb iov GT/XXTO xat ni ro$ xeezt
Ttzfpiqxjut rrv 7r : mr P7JJJJ7 ")jp >c"fa . M DWP O>PP
D>J!O yvfaMon Dieu, ayez piti de ceux qui dtestent ce point le
nom sacr qui doit faire flchir tout genou dans le ciel, sur la
terre et dans les enfers ! Nous soutenons aussi que le fond du
Zohar est fort ancien. Hais que de choses les rabbins n'y ont-ils
pas fourres? Le passage que nous venons de transcrire est
relativement trs-moderne.
XXVIII
NOTICE SUR LA CABALE
comme nous l'avons dit, au panthisme ou tout autre systme
s'cartant de la rvlation divine, cela est incontestable, parce que
les auteurs de ces livres ne pesaient pas les expressions qu'ils
empruntrent aux livres paens ; mais il faut tre d'une insigne
mauvaise foi pour en attribuer l'intention des hommes fanatiques
qui jour et nuit se livraient aux pratiques les plus minutieuses,
les plus gnantes du pharisasme, dans la persuasion qu'ils se
rendaient ainsi agrables la Divinit. Veut-on faire remonter ces
phrases, avec le sens impiequ'on y attache, jusqu' la Cabale
ancienne? Alors il faudrait en conclure que le peuple de Dieu ne
croyait pas Dieu : ce qui est le comble de l'absurdit. Et cependant
cette thse, tout absurde qu'elle est, a t soutenue srieusement! M.
Salvador, calomniant le texte mme du Deutronome,' n'a-t-il pas os
avancer que lorsque Mose ordonne de croire que Jhova est un, inK
nT, il faut entendre que Jhova se compose de l'ensemble de
l'univers (l)? Et les plus grands mystres du christianisme, la S.
Trinit et le Verbe fait chair, n'a-t-on pas prsum les rduire une
proposition panthistique? C'est ainsi que dans un livre rcent on
gratifie les cabalistesde la supercherie de cacher sous des termes
sacramentels de la loi mosaque les principes les plus rvoltants de
l'athisme. Spinoza appelle en garantie de son systme non-seulement
la Cabale des Hbreux (2), mais aussi le grand Aptre des Gentils, a
Omnia, dt-il, in Deo esse et in Deo moveri cum Paulo affirmo, et
auderem etiam dicere cum antiquis omnibus Hebraeis, quantum ex
quibusdam traditionibus, tametsi multis modis adulteratis,
conjicere licet. Epist. 21. J. Tolland ne craignit pas de
transformer toute l'Ecriture sainte en un code de spinozisme. Henri
Morus, dans ses Fundamenta philosophie seu Cabbala?
ato-pdo-melissaea?, a rduit toute la Cabale seize propositions
panthistiques. Celui-ci avait prpar la voie au fameux livre, le
Spinosisme dans le judasme (der Spinosismus im Judenthum) par
lequel Wachter rpondit aux provocations de Jean-Pierre Speeth,
espce de fou qui, lev dans la reli(1) Voyez notre prface, pages
xvm, xxx. (2) quoi ne tiennent pas quelquefois les vnements qui
dcident de la vie d'un homme ! Une anecdote risible a fait de
Spinoza l'auteur d'une philosophie qui a caus tant de bruit dans le
monde, et a engendr les Kant, les Hegel et autres philosophes de la
mme trempe. Langius rapporte cette anecdote dans sa dissertation De
genealogiis, comme la tenant de son matre le savant Sturmius, qui
ipse, dit-il, cum homine verba quondam miscuit. Nous la
rapporterons dans les termes de l'auteur : Erat Spinosse pater,
Judus, cui fuerat libellus scriptus quem summi fecerat, utpote
turgid-um aliquot magicis, et ad Cabbalam practicam pertinentibus
processibus. Hos inter erat quoque ostensus modus resuscitandi
mortuos. Spinosa post patris fata, maxime inhiabat libello quem
tanti fecisse patrem sciverat. Cumque didicisset modum resuscitandi
mortuos, fecit homo rei periculum, sed nullo successu. Corn motus
hoc casu, a judaismo defecit, atque nulli religioni addictus, omnem
deinde religionem pedibus conculcare ccepit. Hc est causa Hla
ridicula ob quam de religione avita dubius primum, deinde e
synagoga transfuga factus est, quam tacite indicat laudatus Dn.
Sturmiu* in philosoph. eclectica disput. de Cartesianis et
Cartesianismo, n. 12, p. 164.
DES HEBREUX.
XXIX
gion catholique Vienne, sa patrie, passa dans un ge dj mr, au
luthranisme Stuttgard, et aprs tre retourn au catholicisme dans la
ville de Francfort sur le Mein, il reut Amsterdam la circoncision
sous le nom de Mose VAllemand, tj^^N WB. Un juif allemand d'une
robuste incrdulit, Peter Ber, a profit de ces donnes avec beaucoup
de talent. M. Franck n'a eu presque d'autre peine que de copier ce
dernier. Si dans sa Kabbale (1} celui-ci ne reste pas au-dessus de
son modle,comme crivain et comme philosophe capable de prouver le
blanc et le noir, il dcle presque chaque page son impritie dans la
langue et la science cabalistique qui demandent des tudes spciales
auxquelles il n'a jamais eu le temps de se livrer. En outre,
plusieurs passages qu'il cite, sont ou tronqus ou dtourns de leur
vritable sens. Nous ne manquerons pas^il plat Dieu,dejustifier,dans
notre ouvrage sur la Cabale, toutes ces assertions par des exemples
tirs de son livre. IV. Il parat que la saine Cabale dont Mamonides
dplore la perte tait fort considrable, et pouvait bien fournir la
matire des soixantedix volumes d'Esdras, puisque les dbris qui nous
en ont t conservs sont encore assez nombreux, et fournissent
abondamment des preuves en faveur de tous les principaux articles
de la foi catholique, de sorte que l'on peut combattre
avantageusement les juifs par leurs propres livres, comme dit si
bien Pic de la Mirandole dont nous avons cit le tmoignage dans la
prface, pagexu. Carpzovius, en parlant des vicissitudes de la
Cabale, dit : Posterior Iransiit in nugas kabbalisticas, quibus
salutarem illam doctrinam de mysteriis, quae sub tt legalium
ceremoniarum involucris latebant, obnubilarunt (rabbini), sed ita
tamen, ut in istis veteris opoSoia; (de la bonne doctrine) reliqui
subinde se prodant, atque adeo negandum non sit, multa e
kabbalistarum monumentis ad asserendam chrislianam veritatem
depromiposse.Introd. intheol. jud., c. vi, 9. VI. Ici se prsente
une question. Comment peut-on reconnatre les restes de l'ancienne
Cabale au milieu du fatras rabbinique o ils sont comme perdus? Sans
entrer ici dans des apprciations critiques, et dans l'examen du
langage et du style, nous rpterons la rgle que nous avons pose dans
l'Invocation des saints dans la Synagogue. Toutes les fois qu'un
passage exprime un article de la croyance catholique, ni pas les
Juifs, en termes dont on n'a pas besoin de forcer le sens, vous
pouvez tre certain que ce passage n'a pas t fabriqu par les
rabbins. Nous ajouterons que si ce passage est seulement
susceptible d'une interprtation chrtienne, on peut encore
l'accepter comme authentique; car si les rabbins ne connaissaient
pas toujours la porte philosophique d'une expression, ils savaient
parfaitement ce qui les divisait(1) Voyez le compte rendu de cet
ouvrage par le savant M. Dubeux, dans le Correspondant, ire
livraison de janvier 1844.
XXX
NOTICE SUR LA CABALE
du christianisme, et ils auraient vit soigneusement toute
quivoque, tandis qu'ils ne pouvaient pas toujours porter une main
tmraire sur des traditions consacres par le temps et devenues
populaires. VII. I. Dans le seizime sicle, poque del renaissance,
les livres taient chers. On vendait une terre pour se procurer un
manuscrit (!). Pic de la Mirandole paya un juif sept mille ducats
les livres de Cabale manuscrits dont plus tard il tira ses thses
cabalistiques. Elles sont au nombre de soixante-douze. Comme ces
thses sont peu rpandues, nous en transcrirons ici les principales,
avec leurs numros d'ordre, afin de faire voir tout ce que la
science secrte des Hbreux renferme de principes chrtiens. 5.
Quilibet ebraeus kabbalista, secundum principia et dicta scienti
Kabbalae cogitur inevitabiliter concedere de Trinitate et qualibet
Persona divina, Ptre, Filio et Spiritu S.; iilud prcise, sine
addilione, sine diminutione aut variatione, quod ponit fides
catholica christianorum. Corollarium. Non solum qui negant
Trinitatem, sed quialio modo em ponunt quam ponit catholica
Ecclesia, sicut Ariani, Sabelliani et similes, redargui possunt
manifeste, si admittantur principia Kabbalae (2). 15. Per nomen od,
He, Vav, He (ilT), quod est nomen ineffabile, quod dicunt kabbalist
futurum esse nomen Messi, evidenter cognoscitur futurum eum Deum
Dei Filium, per Spiritum S. hominem factum, et post eum ad
perfectionem humani generis super hommes Paracletum descensurum
(voyez dans ce tome, pages 392 et suivantes). 21. Qui
conjunxeritdictum kabbalisticum, dicentium (sic)quod illa numeratio
quae dicitur Justus et Redemptor, dicitur etiam rtt, *e9 eum dicto
talmudistarum dicentium quod Isaac ibat sicut ze> nTD, portans
crucem suam, videbit quod illud quod fuit in Isaac praefiguratum,
fuit adimpletum in Christo, qui fuit verus Deus venditus argento
(voy. dans notre dition de la Bible de Vence, Rapports entre le
saint Patriarche Isaac et Notre-Seigneur Jsus-Christ. T. vil, note
au bas de la page 553). 24. Per responsionem kabbalistarum ad
quaestionem, quare in libro Numerorum conjuncta est particula (le
chapitre) mortisMariae particule vitul rufa?, et per
expositionemeorum super eo passu, ubi Moses in peccato vituli
dixit, dele me, et per dicta in libro Zoar super eo textu : Et ejus
livore sanati sumus, redarguuntur inevitabiliter Ebraei dicen(1)
Histoire de Lon X, par M. Audin, t. n, p. 87. (2) Pierre Allix a
crit sur cette matire un livre fort remarquable, qu'il a intitul
:
Judiciun Ecclesi Judaic contra Arianot.
DES HBREUX. XXXI tes, non fuisse conveniens, ut mors Cbristi
satisfaceret pro peccato humani generis. 25. Quilibet kabbalista
habet concedere quod Messias eos a captivitate diabolica, et non
temporali, erat liberalurus. 26. Quilibet kabbalista habet
concedere ex dictis doctorum hujus scientiae hoc manifeste
dicentium,quod peccatum originale in adventu Messi expiabitur. 27.
Ex principiis kabbalistarum evidenter elicitur quod per adventum
Messiae tolletur circumeisionis ncessitas. 50. Necessariohabent
concedere kabbalistae, secundum sua principia, quod verusMessias
futurusest talis, ut de eovere dicatur quod est Deus et Dei Filius.
55. Per hanc dictionem flJW, virum, quae Deo attribuilur, cum
dicitur vir belli (l), de Trinitatis mysterio perviam kabbalae
perfectissime admonemur (voy. dans ce tome pages 405,406). 34. Per
nomen N*in quod nomen Deo propriissime attribuitur, et
maximeconvenienter, non solum ad kabbalistas qui hoc expresse spius
dicunt, sed etiam ad theologiam Dionysii Areopagitae, per viam
Kabbal Trinitatis mysterium, cum possibililate incarnationis, nobis
declaratur (voy. 1.i, p. 557). 59. Quilibet kabbalista habet
concedere quod interrogatus Jsus, quis is esset, rectissime
respondit dicens : Ego sum PRINCIPIUM qui oquor vobis (Joa., v i n
, 25. Voy. 1.1, p. 286 suiv.). 40. Hoc habent inevitabiliter
concedere kabbalistae, quod verusMessias per aquam homines purgabit
(voyez dans ce tome p. 54 et note 15, p. 555). 42. Scitur per
fundamenta Kabbalae quam rectedixerit Jsus : Antequam nasceretur
Abraham ego sum (Joa., v i n , 75). 45. Per mysterium duarum
literarum * et * scitur quomodo Mesj sias ut Deus fuit principium
sui ipsius ut homo. 54. Quod dicunt kabbalistae beatificandos nos
in speculo lucente reposito sanctis in futuro seculo, idem est
prcise, sequendo fundamenta eorum, cum eo quod nos dicimus
beatificandos Sanctos in Filio. Rappelons ici que les thses de Pic,
de omni re scibili, au nombre de neuf cents, ayant t attaques comme
renfermant des propositions contraires la foi, car quoi l'envie et
la malice ne s'attaquent-elles pas? le Saint-Sige les fit examiner
par une commission de thologiens. Cette preuve fut favorable Pic,
et S.S. Alexandre VI, victime lui-mme de la calomnie (2), lui
adressa un bref adoptant la conclusion(1) Exode, xv, 3. Le Talmud,
se fondant sur ce texte, compte XtPN u nombre des noms de la
Divinit. Trait Sola, fol. 42 verso et fol. 48 recto. Trait
Sanhdrin, fol. 93 recto et fol. 96 verso. (2) M. Audin, dans sa vie
de Lon X, a veng la mmoire de ce grand Pape contre les calomnies
absurdes que Burchard a entasses dans son Diarium, arsenal des
dtracteurs du Pontife.
xxxn
NOTICE SUR LA. CABALE
des examinateurs. Te nullum hresis spcimen tel suspicionem aut
noiam sinislram incurrisse. Ce bref est dat du 17 juin 1495. II.
Gaffarel, le savant bibliothcaire du cardinal de Richelieu, a eu
entre les mains les trois manuscrits cabalistiques qui avaient t
traduits en latin par ordre du Pape Sixte IV (1). Le compte qu'il
en rend ne peut que confirmer le thses de Pic. In illis, dit-il,
decem pra> cipuos Hebraci docent articulos fidei, in quibus eos
nobiscum divinitus concordare mirantur qui legunt. Il numre ensuite
ces dix articles : 1. de adorando Trinitatis mysterio ; 2. de Verbi
incarnatione ; 5. de Mcssiae divinitate; 4. de pcccato originali;
5. de ejtisdem per Chrislum expiatione; 6. de Hierusalem clesti; 7.
de casu dmonum; S.deordinibusangelorum; 9. de purgatoriis ;
lO.deinferorum pnis. VIII. I. Telle est la Cabale dont au XVe sicle
Pic et Paul Ricci ont les premiers rvl l'existence au monde
chrtien. Il ne faut donc pas s'tonner si l'tude de cette science a
amen un grand nombre de juifs embrasser le christianisme. En effet,
moins de faire violence au texte des prcieux morceaux qui nous
restent de la Cabale ancienne, il faut convenir que le dogme
chrtien y est profess aussi nettement que dans les livres des Pres
de l'Eglise. Les rabbins s'en sont si bien aperus qu'ils ont pris
des mesures pour loigner les juifs del lecture de la Cabale parce
qu'elle pourrait, disaient-ils, branler la foi de ceux qui n'y sont
pas assez solidement affermis. Le clbre auteur du livre iHoria de'
Riti ebraici, Lon deModne, violent adversaire du christianisme (2),
doute que Dieu pardonne jamais ceux qui ont livr la presse les
ouvrages cabalistiques. II. De ces juifs convertis nous citerons
principalement : 1. Paul Ricci, d'abord professeur de philosophie
Pavie, ensuite premier mdecin, archiater, de l'empereur Maximilien
Ier. Il est auteur de l'ouvrag bien connu De agricultura clesti, o
il traite de la Cabale et du parti qu'on en peut tirer pour la
conversion des juifs. 11 n'est pas exact, comme l'affirme M.
Franck, que Ricci se soit content de suivre de loin les traces de
Reuchlin. Celui-ci dit lui-mme vers le commencement du chap. ni de
son livre, en parlant de la Cabale : Nondum extraneis cognita
praesertim romane doctis, prter admodum pauca qu annis
sxtperioribus Joannes Pieu, Mirandulsc cornes, et Paulus Riccius,
quondam noster (3), ediderunt. 2. Juda Abarbanel,du xvi e sicle,
communment appel Lon VHbreu et Messer Leone, lefilsan du clbre
rabbin Isaac Abarbanelqui,(1) Voyez notre prface, page xix. (2)
Voyez son article dins De-Rossi, Dizionario degli autori ebrei. (3)
Reuchlin met ces paroles dans la bouche de l'interlocuteur juif
Simon.
DES HBREUX.
XXXIII
dans ses commentaires sur les prophtes, ne mnage ni les
chrtiens, ni leur religion. Si ce rabbin avait connu l'avenir de
son fils, il n'aurait pas manqu de l'touffer sa naissance. Il est
auteur du livre clbre I Dialoghi d'amore, ouvrage
philosophico-cabalistique, dont il existe une lgante traduction
latine et plusieurs traduction franaises et espagnoles qu'on peut
voir dans De-Rossi. 5. Paul Elhhanan, du mme sicle, auteur du
Myslerium noviim, o i! appelle son secours la Cabale pour prouver
que Jsus de Nazareth est le vrai Messie. 4. Petrus Galatinus,
auteur du livre De arcanis calholic verilalis. Nous en avons dj
parl dans le tome Ier, p. 190, 191. 5. Jean Fortius, auteur d'un
livre hbreu sur la signification mystique des lettres de l'alphabet
hbraque. J^e savant P. Kircher le cite honorablement dans con
OEdipus ^Egyptiacus. T. il, partie i, p. 11-4. 6. Louis Carret,
Franais, du xvi e sicle. Il adressa ses fils et tous ses anciens
coreligionnaires une lettre en hbreu, sous le titre DTISN n*lN1D,
Visions de Dieu, dans laquelle il prouve la vrit de la religion
catholique tant par les textes du Vieux Testament que par des
tmoignages de la Cabale. Bartolocci en copie la curieuse
explication de la clef cabalistique, dans le tome IV, p. 420 de sa
Bibliolheca rabbinica. 7. Paul de Heredia, Espagnol, du xv e sicle.
Il a crit sur tous les mystres de la religion un livre latin dans
lequel il donne des passages fort remarquables des cabalistes
hbreux. 8. Frdric Chrtien Meyer, Allemand,du commencement du xvni e
sicle. Il a trouv dans le psaume xci, selon l'hbreu, par des procds
cabalistiques, tous les caractres du Messie qui se sont raliss dans
la Personne divine de Notre-Seigneur Jsus-Christ. 11 a publi ses
observations en langue allemande. 9. Aron Margalita, du x v n e et
du xvin e sicle, a publi aprs son baptme plusieurs ouvrages sur la
Cabale au point de vue chrtien. Il a laiss plusieurs manuscrits
dont les savants, d'aprs Wolfius, dsiraient vivement l'impression.
De ce nombre taient, 1. un Commentaire cabalistique sur le Paler;
2. les trente-deux vous de la Cabale, avec des notes; 3. un Trait
sur la sainte Trinit, contenant les parties suivantes, De Deo uno,
De pluraliate Personarum, De Trinitale et Unitate. 10. Jean-Etienne
Rittangeldont nous avons parl dans le tome Ier, page 565. i l .
Prosper Ruggeri de Casai en Pimont, avant son baptme Rabbi Salomon
Mir(i), fils de Mose Novare, personnage distingu(i) Basnage
rapporte, d'aprs Bartolocci qu'il cite, l'histoire de cette
conversion, Hist. de* Juifs, 1. m , ch. 12, vi. Il dit que le nom
de Mir, qui signifie l'Illuminant, fut
XXXIV
NOTICE SUR LA. CABALE
dans sa nation. Il s'tait fait une grande rputation comme
cabaliste, non-seulement Venise o les juifs ne pouvaient assez
admirer ses sermons, Jrusalem o il fut nomm rabbin, mais dans
toutes les parties du monde. Avant de quitter sa patrie, la prise
de Casai par les Espagnols qui pillrent la ville, fut pour lui la
source d'une grande fortune. Ne pouvant pas plus longtemps rsister
tant de preuves de la vrit du christianisme qu'il trouvait
continuellement dans la Cabale, il reut le baptme le 25 juin 1664.
Il convertit en mme temps plusieurs familles juives. Sa femme,
d'abord obstine dans le judasme, reut le baptme le 6 aot suivant.
La relation de cette remarquable conversion existe la bibliothque
de la Propagande de Rome, parmi les manuscrits laisss par le savant
P. Pastritius, professeur de thologie polmique au collge du mme
tablissement. Bartolocci en a insr une partie dans le tome iv de sa
Bibl. rabb., pages 256 et suivantes. 12. La conversion de Prosper,
comme on le pense bien, excita contre lui une grande animosit parmi
les juifs, d'autant plus qu'il dployait beaucoup de zle pour la
conversion de ses frres selon la chair. 11 y avait alors en Italie
un joaillier juif, David Tinlore, opulent, fort estim et bien reu
aux cours de tous les princes. C'tait un grand seigneur, un
Rothschild de ce temps-l. On l'appelait le Duc des Juifs (il Duca
degli Ebrei). Il hassait d'autant plus le nophyte qu'ils avaient t
lis d'amiti. Il rptait : Mon bonheur srail de faire griller le cur
de Prosper et de le donner ensuite manger aux chiens. Celui-ci,
instruit de ce propos, va le trouver courageusement et lui fait
voir dans le premier verset de la Gense expliqu selon les principes
de la Cabale (1), la trinit de Dieu et l'incarnation du Verbe
divin. Il continua de prouver de la mme manire les autres articles
de la foi catholique. David Tintore se jeta au cou de son ancien
ami, lui dclarant que dornavant ils taient frres en Jsus-Christ.
13. Vers le milieu du sicle dernier, un juif polonais revenu dans
sa patrie, aprs un assez long sjour en Turquie, avec une haute
rputation de cabaliste, forma la secte connue sous le nom de
sohariles, dans laquelle il attira quelques-uns des rabbins les
plus
donn ce rabbin, parce que le jour de sa naissance la maison de
son pre fut remplie d'une lumire clatante et cleste. On lit dans
Bartolocci : Et quia nativitatis die legebatur in synagogis
historia nativitatis Mosis prophetae , in qua a rabbinis refertur,
quod tune paterna domus (la maison d'Amram, bien entendu) tota
rfutait lumine, hine J/ctrnomen, hoc est Illuminantit, junxit. Plus
loin il dit que le joaillier David x voulait manger le cur de
Prosper. Au lieu que l'original qu'il suivait porte : Canibusqua
edendum objiceret. L'anthropophagie est comprise dans les
prohibitions de la loi mosaque. Ces observations sont futiles si
l'on veut, mais il est bon de signaler la lgret de cet crivain
renomm qui ne cesse de harceler l'Eglise catholique. (1) Voyex
notre tome i", pages 186 suiv.
DES HBREUX.
XXXV
renomms et des milliers d'autres juifs, des communes entires.
Les zoharites rejetaient le Talmud et ses pratiques vtilleuses, et
s'en tenaient l'interprtalion spirituelle de la Bible selon les
principes de la Cabale. Somme de faire publiquement sa profession
de foi religieuse, la secte dclara que, conformment la parole de
Dieu crite et des textes formels du Zohar , elle croyait l'unit
d'un Dieu en trois Personnes ; que Dieu peut apparatre sur la terre
uni un corps humain, soumis tous les besoins, toutes les faiblesses
de l'homme, except le pch ; que les juifs attendent en vain un
Messie purement homme ; que Jrusalem ne sera jamais rtablie
matriellement, moins encore que Sodomc, parce que le prophte l'a
dclare plus coupable, etc. (Lamcnt., i v , 6). Nous croyons, dirent
encore les zoharites, que Mose, les prophtes et tous les autres
docteurs anciens s'exprimaient dans leurs crits d'une manire
figure, et qu'ils cachaient sous la lettre un sens mystrieux. Ces
crits ressemblent une matrone voile, qui ne laisse pas briller sa
beaut tous les regards, mais qui exige que ses adorateurs se
donnent un peu de peine pour soulever son voile. Entre autres
preuves de la sainte Trinit, qu'on rencontre dans cette profession
de foi, nous signalerons la suivante. La premire lettre du
Pentateuque est un X Or, ce caractre se compose de deux traits
horizontaux unis par un trait vertical. Ceci est un symbole des
trois hypostases divines (drei obern Wesen) dans une essence
unique. De l au baptme il n'y eut qu'un pas, et il fut bientt
franchi (l). IX. Ce que nous avons dit jusqu'ici de la Cabale
suffit pour justifier l'emploi que nous en faisons dans le prsent
crit. Pour traiter de cette science avec l'tendue convenable, et la
dfendre contre la perfide imputation de panthisme, il faudra y
consacrer un volume(1) Voyez Peter Ber, Histoire des sectes
religieuses des Juifs, tome second : Sohariten oder Sabbathianer,
pages 259 suiv. Nous ne comprenons pas dans cette liste Benot
Spinoza. On a vu plus haut de quelle manire il a t couvert! parla
Cabale. Nous nous gardons bien aussi d'y comprendre Conrad Otton.
Sa conversion tait plus que problmatique, et dans son Gal-Razaa il
a vritablement mystifi les chrtiens, en donnant des textes du
Talmud qui n'ont jamais exist, et en altrant d'autres textes. Quand
les chrtiens hbralsants de l'Allemagne s'en aperurent , il n'y a
pas d'injures dont ils ne l'accablassent. Le premier qui donna
l'veil fut Hackspan, dans une lettre adresse Frischmuth, et que
celui-ci a publie dans sa dissertation De prosopographia Messi, ch.
H, 2. Il faut voir comment le traite Wageneil, Infamis nebulo, et
propudium academiae nostrae. Tela ignea, page 119. Julius Conradus
Otto, pseudo-judaeus, pseudo-rabbinus et pseudo-christianus, atque
sic (cogit enim mutare consuetam sermonis modestiam , animo et
pectore erumpens indignatio) verus fur, trifur, trifurcifer. Sola,
page 704.
XXXVI
NOTICE SUR LA. CABALE DES HEBREUX.
entier. Nos matriaux, fruits de longues tudes, sont prts, et si
Dieu daigne nous en donner la force, nous nous acquitterons de
cette tche. En attendant nous recommandons ceux qui s'occupent de
cette matire le savant livre de Budd : Inlroduclio ad hisloriam
philosophiez hebrorum, dition de Halle, 1720.
PARTIE PREMIRE.LA
TRS-SAINTE ET IMMACULE VIERGE,M E R E D E DIEU.
Le premier homme et la compagne que le Crateur lui avait donne,
vivaient heureux dans le paradis terrestre, parce qu'ils ignoraient
encore le pch. Leur condition galait presque celle des Sraphins,
fortuns habitants du sige de la gloire divine (a). Mais l'Ange
rebelle, qu'un regard de son matre avait prcipit comme l'clair (b)
des hauteurs du ciel dans les profondeurs de l'abme infernal, ne
put voir sans chagrin la flicit du couple humain. Sur son trne
clatant il l'emportait nagure en dignit et en beaut sur des
millions de clestes Intelligences, et maintenant dchu de ces
privilges, enchan aux tourments ternels, il se sent rong d'envie la
vue de ces cratures, enfants du limon de la terre ! (a) Minuisti
eum pauo minus ab Angelis (hebr. divis). Ps. vin, 6. (h) Yidebam
Satanam sicut fulgur de clo cadenlem. Luc, x, 18.H.
1
2
DE L'HARMONIE
Premier pch, voil ce que tu produisis! Un supplice cruel
poursuivra sans relche, dans les sicles des sicles, les Esprits qui
dans leur fol orgueil sont devenus ton partage; car pour eux, seuls
ouvriers de leur iniquit, il ne s'est point trouv de Rdempteur
C'est le jprqpre du mauvais gnie de souffrir du hien-ire d'autrui,
mon-seulement parce que ce bientre lui manque, mais aussi parce
qu'il souffre de voir des heureux. Satan rsolut donc de faire p a r
tager sa disgrce aux premiers parents du genre humain, en les
entranant dans sa dsobissance envers le souverain Matre qui seul a
droit de commander, et au seul nom de qui les suprieurs peuvent
commander leurs subordonns. Son plan est form. Pre de l'astuce, il
agira par la femme ; car la femme cde avec faiblesse et comjnande
avec force. Il souffle sur Eve l'esprit d'orgueil, et flatte sa
vanit. A chaque parole du tentateur, recueillie avec avidit, le
poison se rpand plus violent dans l'me qui avait ouvert la parte la
malice ; et bientt le prcepte divin est viol. Le prcepte tait ais
garder, sa violation est une faute incommensurable comme la dignit
de celui qu'elle offense. 0 femme coupable plus qu'on ne saurait le
dire, maintenant que tu es devenue ennemie de Dieu, mine par un
secret ennui, ton dplaisir trouve dj du soulagement donner des
ennemis ton Dieu ! Adam est encore dans toute son innocence, tu -en
es importune. La vue de l'innocence t'est odieuse : il faut qu'elle
se fltrisse, qu'elle tombe, cette fleur dlicate dont le charme
cleste t'est en horreur. Entirement possde de l'esprit de
sonper-
ENTRE L'GLISE ET LA SYNAGOGUE.
3
fide sducteur, Eve concentre toutes ses penses dans le seul
objet de se procurer cette triste satisfaction. Tel le hideux
oiseau de la nuit dteste la splendeur du soleil d'un ciel pur, et
voudrait couvrir toute la nature des ombres affreuses dans
lesquelles il se complat. La mre du genre humain, docile la voix
pernicieuse de Satan autant qu'elle foule aux pieds la sainte loi
de son Crateur, va et commande imprieusement l'poux qu'elle avait
accept pour son matre, pour son guide. Elle le flatte, le caresse,
et exige le mal. Eh ! que peut contre les caresses imprieuses et
les prires exigeantes un poux tendre et sans dfiance? Tout fut
consomm. Le premier homme tablit sur la terre l'empire da pch. A
l'instant, la mort et les misres, stimules par une vigueur ignore
jusqu'alors, brisent leurs liens, renversent toutes les barrires et
fondent avec imptuosit sur ce monde (a). La sombre mlancolie tend
dans les airs son voile lugubre. La dent acre du remords dchire
sans piti ces curs qui ne devaient jamais battre que pour les pures
dlectations des enfants de Dieu, et le doux sourire fuit loin des
lvres des nouveaux pcheurs. L'enfer pousse un hurlement de joie
atroce, le ciel est contrist. Les Anges de la batitude prouvent
pour la premire fois l'amertume des pleurs (6).(a) Per unum hominem
peccatum in liunc mundum iniravit, et per peccatum mors. Rom., v,
42. (b) Angeli pacis amare flebunt. Is., xxxm, 7. Voyez pour le
terme pax, tome ier, note 33, page 547.
4
DE I/HRMOJNIE
Qu'est-ce qui hte de la sorte le pas de ce couple infortun?
Pourquoi court-il se cacher? Ah! il fuit parce qu'il entend la voix
de l'Eternel, de son pre dont l'entretien amoureux l'inondait
nagure d'un torrent de lumire et de dlices. Hlas! voil un nouvel
effet de la chute fatale : l'intelligence humaine s'est obscurcie.
Comment ! fuir le Tout-Puissant dont les eieux des cieux ne peuvent
contenir la majest (a), et dont la prsence ne se retire pas du fond
des entrailles de la terre (b)l Restez, restez plutt poux coupables
: recevez votre sentence, qui frappera aussi votre race
malheureuse, et, pour ne pas achever votre ruine, esprez avec la
fidlit de la foi dans la misricorde de votre Juge. Dj l'anathme a
frapp les premiers parents de l'espce humaine. Mais mme dans sa
juste svrit le Souverain Juge apparat en Dieu de bont. Ainsi, quand
le superbe roi des oiseaux marche sur la terre, ses pas font voir
encore que l'air des nuages levs est son lment. Eve a cd, Adam n'a
pas rsist; mais c'est l'Ange prvaricateur qui est le premier auteur
de l'immense transgression. Victimes de la sduction, bien que
coupables, Adam et Eve peuvent encore esprer un remde leur dchance,
et, s'ils le mettent profit, leur condition surpassera en gloire
celle de leur tat pri(a) Si clum, et cli clorum capere eum
nequeunt. II. Parai., H, 6; cf. \i, 18. III. Rois, vm, 27. (b) Si
ascendero in clum, tu iliic es : si desccndero in infcrnum, ades.
Ps. cxxxvni, 8.
ENTRE L'GLISE ET L SYNAGOGUE,
5
mitif, et les sicles venir appelleront leur dsobissance une
faute heureuse (a). Ainsi l'a voulu votre sagesse inscrutable, mon
Dieu! Eve encore vierge a dtach la mort du hoisj et, l'unissant son
sang, elle a transmis, aussi bien que son poux, le principe mortel
toute sa postrit '. Une autre Eve viendra, galement vierge, qui,
tirant de son propre sang le salut des hommes^ l'attachera au bois,
et toute sa race adoptive y puisera la vie. La femme a commenc le
pch, et son sexe dut se courber sous un double analhme : au
bannissement du paradis terrestre se joignit pour elle une
continuelle humiliation dans l'ordre de la socit 2 . Mais lorsque,
dans la plnitude des temps, la nouvelle Eve aura donn la terre Y
Agneau sans tache qui efface les pchs du monde (b)7 la femme, runie
la communion des saints, sera rtablie dans la plnitude de ses
droits comme compagne de l'homme. Les enfants de l'Eglise du
Rdempteur, tous membres de JsusChrist au mme titre, ne seront plus
distingus en hommes matres et en femmes esclaves. L'galit de
l'Evangile ne reconnatra plus que des chrtiens dans les uns et dans
les autres (c). Quand j'entends ces paroles que le Seigneur adresse
l'antique serpent : Le fruit de la femme t'cra(a) Flix culpa. S.
ug. (b) Ecce Agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi. Joa., i, 29.
(c) Non est masculus neque fmina : omnes enim unum estis in Christo
Jesu. Gai., m, 28.
6
DE L'HARMONIE
sera la tte (a), je contemple dans toute sa gloire l'auguste
Vierge, fille des Princes de Juda, la royale race de David et de
Salomon (b). Revtue de la splendeur du soleil, ses pieds posent sur
la lune, une couronne d'toiles brillantes clate sur sa tte (c).
Conduisant le Sauveur par la main, prcde par les voix harmonies du
chur allong des prophtes, elle descencj l'chelle des sicles qui
touche par la tte aux premiers jours de la cration, et se termine
au temps o la gracieuse fille de la sainte femme Anne parut
Bethlem, la ville royale, comme Y toile du matin (d) qui amenait le
beau jour du soleil de justice et de gurison (e). Exempte de la
tache originelle ds sa conception, elle n'a pas t un instant sous
l'empire du dmon. Fille du Pre, mre du Fils, pouse de Y
Esprit-Saint, que manque-t-il la gloire de celle qui est bnie entre
les femmes? Avant de crer l'homme, le Seigneur se recueillant en sa
divine essence, dit aux augustes Personnes consubstantielles de sa
nature : Faisons l'homme. On dirait qu'avant de former
(a) Il (le semen mulieris) Ycraseraia tte, selon le texte hbreu.
Gen., m, 15. (b) Voyez pour la gnalogie de la trs-sainte Vierge,
tome Ier, noie 44, page 244. (c) micta sole, et luna sub pedibus
ejus, el in capite ejus corona stellarum. Apec, XII, 1. (d) Stella
matutina. (e) Et orietur vobis timentibus nomen meumsol justitiae,
et sanitas in penns ejus. Malach., iv, 2:
ENTRE L'GLISE ET LA SYNAGOGUE.
7
la Vierge par excellence, il leur ait adress ces paroles sorties
de la bouche d'un monarque puissant : Comment convient-il de
traiter la personne que le Roi dsire honorer (a) ? Marie interpose
entre le bras du Seigneur et nos iniquits l'hostie seule pure,
l'Emmanuel, Dieu-avecnouSy qui pour se charger de nos douleurs, et
prendre sur lui nos langueurs (b), a puis notre nature, pour se
l'unir, dans ses flancs immaculs. Par un privilge spcial elle runit
les deux plus excellentes conditions de la femme : celle de vierge,
et celle de mre. Toujours vierge, mre jamais. Mre non-seulement de
Jsus-Christ, qu'elle adore avec nous comme son Dieu, mais aussi de
nous tous; car elle est notre nouvelle Eve. Et bien loin de lguer
la mort du pch ses enfants d'adoption, elle nous rend cohritiers de
sa divine progniture qui est la vie mme et la rsurrection (c).
Quand Jhova Sabaoth s'abaisse vers son peuple jusqu' la montagne
d'HQreb, Isral saisi de crainte et de respect, s'adresse Mose, Y
homme de Dieu (d), et lui dit : Parlez-nous, vous, et non le
Seigneur, de petir que nous ne mourions (e). Et quand le
(a) Eolher, vi, 6. (b) Vere languores nostros ipse tulit, et
dolores nostros ipse portavit. Is., LUI, 4. (c) Ego sum resurrectio
et vita* Joa., xi, 25. (d) Moyses liomo Dei. Deut., xxxm, 1; cf.
Jos., xiv, 6. (e) Loquere lu nobis, et audiemus : non loquatur
nobis Dominus, ne forte moriamur. Ex., xx, 49,
8
DE L'HARMONIE
Verbe se fait chair et habite parmi nous (a), pour tre le
Mdiateur entre le ciel et la terre, il semble que nous ayons encore
besoin d'un Mdiateur entre la Majest divine de Jsus-Christ et nous,
faibles mortels esclaves du pch. Alors qui recourrions-nous si ce
n'est Marie qui est le refuge des pcheurs (b), la consolation des
affligs (c) et le soutien des faibles ? C'est elle qui nous conduit
aux pieds du Grand Pontife ternel (d), Jsus-Christ ; et le Dieu
fait homme, condescendant notre faiblesse, se rduit notre condition
dans toutes ses faces, except le p ch, pour nous lever jusqu' lui
(e). 0 Marie, ma bonne mre, vous tes vritablement Importe du ciel!
Porta cli. A peinerTpouse chrtienne st-elle devenue mre, qu'elle
vient se prosterner devant Marie, priant celle qui est le secours
des chrtiens (f) de protger le tendre nourrisson qu'elle serre dans
ses bras. L'onde
(a) Et Verbum caro facium est, et habitavit in nobis. Joa., 1,
14. (b) Refugium peccalorum. Lit. lauret. (c) Consolatrix
afflictorum. Ibid. (d) Habentes ergo ponlificem magnum, Jesum
Filium Dei. Hebr., iv, 14. Pontifex factus in aeternum. Ibid., V,
20. (e) Non enim habemus pontiticem qui non possit compati
infirmitatibus nostris : tenta tu m autem per omnia pro
simtlitudine, absque peccato. Hebr., iv, 15. Qui condolere possit
iis, qui ignorant et errant : quoniam et ipse circumdatus est
iniirmitate. Ibid., v, 2. (f) uxilium cbristianorum. Lit.
lauret.
ENTRE L'GLISE ET LA SYNAGOGUE.
9
sacre vient de laver l'enfant. Il est plus pur que les agneaux
qui, sortant du lavoir de Jazer, s'lancent comme des papillons
blancs sur les montagnes de Galaad. On dirait que la Vierge cleste,
pare, s'il est permis de s'exprimer ainsi, de son divin Fils, arrte
un regard de complaisance sur la mre et sur l'enfant. Tandis que la
mre prie la mre, l'enfant sourit l'enfant; et le doux Jsus, qui a
de la prdilection pour l'ge innocent, lui dpartit avec amour la
bndiction du Trs-Haut. Une correspondance d'affection, de
sympathie, s'tablit entre leurs jeunes curs, et pour un instant
semble disparatre l'intervalle immense qui s'interpose entre le
Fils ternel de Vantique des jours (a), et cet enfant (ils de la
corruption, qui n'tait pas .hier et ne sera pas demain. Telle est
l'admirable Vierge annonce ds les premiers jours du monde, prdite
par les prophtes, figure tant de fois dans l'Ancien Testament. Elle
est le buisson ardent o Dieu se cache au milieu des flammes, et
l'humble arbrisseau n'est point atteint du feu, conserve son
intgrit (b). Elle est la verge d'amandier qui sans racine, sans sve
de la terre, fleurit et produit un fruit miraculeux (c). Elle est
l'arche sainte qui renferme le gage prcieux de l'alliance de Dieu
avec les hommes (d). Elle est le sanctuaire vnrable dans lequel
Dieu est venu habiter (a) Daniel, vu, 43. (b) Exode, ni, 2. (c)
Nombres, xvn, 8. (d) Arca fderis Domini. Ibid., x, 33, et alibi
passim.
10 DE L'HARMONIE, ETC. parnii nous ( a ) . Elle est le vase sacr
renfermant la inaiine cleste, mis en rserve dans le tabernacle
devant Jhova ( b ) . Elle est la nue fconde qui fait descendre sur
la terre le juste et la just$cation (c). Elle est la moritagne
sainte de laquelle se ciluche sans ln iizaiiz d'aucun holnme la P I
E R R E qui renverse, en le touchant, le colosse des quatre grands
empires d u monde, pour tablir sa propre domination jusqu'aux
extrniits de la terre (d). Enfin, le propliete Isae la dsigne
clairement, et nous allons la faire reconnatre dans la prdiction d
u fils d'Amos.(a) Facientque mihi tabernaculum, et habitnbo in
inedio eorum. EX., XXY, 8. ( b ) Exode, xvr, 33, 34. (c) Is., XLY,
8. Voyez tome le', note 7, page 8?. id)Daniel, 11,3445. Petra nutem
erat Christus. 1. Cor., x, 4.
SECTION PREMIRE.
Le pcheur insens : dit en son cur : Il n'est point de Dieu (a).
Celui qui possde un cur pur reste fidle la rvlation divine que
l'Ecriture appelle si bien, la Vrit du Seigneur (b). Mais un cur
corrompu par le vice incite l'esprit faire alliance avec le
mensonge. Le contentement intrieur de la vertu, cette joie des
justes (c), a cd la place dans ce cur des inquitudes qui l'agitent
incessamment. Le cri de la conscience, ce dernier avertissement du
Dieu de misricorde, que nous appelons le remords > poursuit le
pcheur et l'impatiente. L'homme pervers donne alors mission son
esprit d'imposer silence cette voix importune. Comme certain oiseau
qui s'imagine carter le danger en se cachant la tte de manire ne
pas le voir, il s'efforce de nier une une toutes les vrits
ternelles qui condamnent ses vices. C'est ainsi que toute impit
provient de la dpravation du cur. Tel nous parat le sens de ces
paroles du royal prophte : Le pcheur insens dit en son cur : Il
n'est point de Dieu.
(a) Dixit insipiens in corde suo : Non est Deus. Ps. xm, 1. (b)
Ps. cxvi, 2; LXXXII, 2; cxvni,86, et alibi passim. (c) Et redis
corde Isetitia. Ps. xcxvi, 11.
12
DE L'HARMONIE
Ce cur qui commande l'esprit, au lieu qu'il devrait lui obir, ne
veut ni d'une religion qui le gne, ni d'un Dieu qui punit ses
dsordres. Misrable esclave de viles passions, il sacrifie le
Crateur la crature, et l'immole devant l'idole de ses penchants. Le
voil, cet audacieux fils de la terre; s'tourdissant lui-mme, et
content comme l'imprudent enfant qui se soustrait pour son malheur
la sollicitude du guide sage qui tenait son inexprience loin des
prils. Il suit librement sa propre voie sous un ciel qui pour lui
est vide de Dieu. Mais que sa destine est plaindre! Semblable au
faible roseau priv d'appui, il est bientt le jouet de tous les
vents. Les plaisirs l'emportent, la douleur l'accable, la prosprit
l'enivre, l'adversit l'abat. Tel fut Achaz, ce roi de Juda clbre
par son impit, et plus encore par la prophtie laquelle son opinitre
incrdulit a donn lieu. Successeur au trne de son pre, sans hriter
de ses vertus (a), Achaz eut, comme lui, beaucoup souffrir des
armes de Rasin et de Phacequi s'avanaient victorieux dans ses
provinces, et dj touchaient aux remparts de sa capitale. Cette fois
les deux rois, celui de Syrie et celui d'Isral, runissaient leurs
forces, non plus pour dvaster le pays de leur ennemi commun, mais
pour anantir la royale race de David, pour lui substituer une
nouvelle dynastie. Allons,
(a) IV. Rois, xv, 34; IF. Paralip., xxvn, 2; cf. IV. Rois, xvi,
2; II. Paralip., xxviu, 1 seqq.
ENTRE L'GLISE ET LA SYNAGOGUE.
13
disaient-ils, marchons contre Juda; portons-y la guerre,
emparons-nous du pays,, et y tablissons pour roi le fils de Tabel
(a). Ce fut l le plan concert par les deux princes allis. Mais
celui dont le trne est dans les deux rit des projets des rois, se
moque des penses de leur ambition (b), lorsque leurs desseins sont
en opposition avec les dcrets de son immuable sagesse. Le Seigneur
avait dit David : Votre maison et votre rgne seront stables
ternellement devant vous, et votre trne s'affermira pour toujours
(c). Or, le ciel et la terre passeront plus tt que la parole du
Seigneur (d). Achaz ne croyait point un secours d'en haut, Mettant
son esprance dans un bras de chair, il attendait son salut du roi
d'Assyrie. Mais le sort des combats est journalier, et le cur
d'Achaz, saisi de crainte, commena trembler comme les feuilles des
arbres de la foret violemment agits par la tempte (). Alors le
Seigneur, pour tenter un nouvel effort sur (a) Ascendamus ad Judam,
et suscitemus eum, et avellanius eum ad nos et ponamus regem in
medio ejus, tilium Tabeel. Is., vu, 6. (b) Qui habitat in clis
irridebit eos; et Dominus subsannabil eos. Ps. H, 4. (c) Et fidelis
erit domus tua, et regnum luum, usque in ternum ante faciem tuam,
et thronus tuus erit tirmus jugiler. II. Rois, vu, 16; cf. I.
taralip., XVII, 14. (d) Mattli., xxiv, 35; Marc, xuvxxi. (e) Et
commotum est cor ejus, sicut moventur ligna silvarum a facie venli.
Is., vu, 2.
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DE L'HARMONIE
le cur indompt de l'impie roi, et rassurer en mme temps la
confiance branle de la maison de David, mit sa parole dans la
bouche du prophte, et lui ordonna d'aller la rencontre d'chaz, hors
des murs de la capitale, et de mener avec lui son propre fils, le
jeune Scher-Yaschub (a). Tranquillisez-vous (b), dit le prophte
Isae, et dposez toute inquitude (c). Ne craignez point. Ne vous
dcouragez pas en prsence de ces deux bouts de tison qui achvent de
se consumer ; devant l'acharnement (d) de Rasin, roi de la Syrie,
et du fils de Romiie. Leur pense n'aura pas son effet (e). Cette
annonce rassurante fut accueillie avec une froide indiffrence. Le
silence de l'incrdulit fut, pour ainsi dire, la seule rponse du
roi. Le prophte, reprenant la parole, lui dit, pour vaincre son
obstination : Demandez un signe J -
(a) Et dixit Dominus ad Isaam : Egredere in occursum Aehaz tu et
qui derelicius est (traduction du nom Scher Jaschub), filius tuus,
ad extremum aquaeductus piscin superioris, in via agri fuilonis.
Is., vu, 3. (b) Sens de l'impratif hbreu "Otfn, en cet endroit,
selon les plus habiles interprtes hbrasants. Voyez plus loin la
note 4. (c) Sens de l'impratif hbreu TDptzrrn. (d) C'est ainsi que
nous expliquons le *|*mra du texte original. (e) Vide ut sileas
(heb. rside et quiesce); noli limere, et cor tuum ne formidet a
duabus caudis tilionum fumiganlium islorum in ira furoris Rasin
rgis Syrisc, et filii Romeisc. Is., vu, 4.
ENTRE L'GLISE ET LA SYNAGOGUE.
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hova votre Dieu. Ne craignez point que votre demande excde sa
puissance; car sa puissance n'a point de bornes. Que vos souhaits
pntrent jusqu'au fond de l'abme de la terre, et un prodige en
jaillira ; ou si vous voulez, levez vos prtentions jusqu'aux rgions
thres que parcourent les ailes brlantes des Sraphins, et les votes
du ciel s'branleront sur leurs colonnes ternelles (a). Je ne
demanderai point de signe, rpondit Achaz; et, ajouta-t-il avec un
sacrilge mpris, je ne veux pas tenter Jhova (b). A ces mots,
l'homme de Dieu, prouvant une sainte indignation, se dtourne du roi
incrdule; il ne mritait pas que la grande annonce lui ft adresse :
Puisqu'il en est ainsi, (c) dit Isae, coutez donc, vous, maison de
David : Le Seigneur vous donnera de lui-mme un signe qui vous sera
(d) un gage certain de la conservation de votre royale ligne. Voici
que la Vierge se trouvera tre enceinte, et elle enfantera
(a) Pete tibi signum a Domino Deo tuo in profundum infcrni, sive
in excel&um supra (heb. demitte teipsum petendo, vel leva
teipsum desuper). Ibid., vu, IL (b) Non pelam, et non tenlabo
Dominum. Ibid., vu, 12. (c) Tel est le vritable sens du mot pS du
texte, compos de p , que nous regardons ici comme un substantif, et
de la prposition S. A la lettre : sur ce pied, dans ce cas. Voyez
au reste notre note 5. (d) aoh9 vobis. Ce miracle ne devant
s'accomplir que plusieurs sicles aprs qu'Achaz aura cess d'exister,
il fallait en confier la prdiction traditionnelle toute la maison
de David.
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DE L'HARMONIE
u n fils (a), et elle lui donnera le nom de Dieu-avecnous :
EMMANUEL. Cette Vierge, u n e tradition constante, lgue par les
patriarches de notre nation (Z>), nous l'annonce comme la femme
dont la progniture 6 crasera la tte de l'antique s e r p e n t , et
dissipera le venin d'Eve, venin qui circulant avec le sang passe
des veines des parents dans celles des enfants 7 . Ce
Diea-avec-nous sera en mme temps vrai homme (