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Haute-Normandie Archéologique, tome 13, fascicule 2, 2008 1
HAUTE-NORMANDIE ARCHÉOLOGIQUE
BULLETIN N° 13
Fascicule n° 2
2008
Centre de Recherches Archéologiques de Haute-Normandie
Société Normande d’Études Préhistoriques Hôtel des Sociétés
Savantes, 190 rue Beauvoisine, 76000 Rouen
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Haute-Normandie Archéologique, tome 13, fascicule 2, 2008 3
SOMMAIRE
Gérard BROGLIO, Monique BROGLIO et Jean-Pierre WATTE Rapport
d’activité de l’année 2008, p. 5 Thierry VINCENT Les briques
fabriquées en Guyane française par les bagnards. Un exemple
d’enrichissement récent des collections du Muséum d’Histoire
Naturelle du Havre, p. 7 Jean-Pierre WATTE, avec la collaboration
de Gérard BROGLIO, François HUET et Patrick MONTVILLE Quelques
aiguisoirs à trou de suspension recueillis en Haute-Normandie, p.
19 Cécile HARTZ L’habitat à Mediolanum Aulercorum (Evreux, Eure) à
l’époque romaine, p. 23 Jean-Pierre Watté et Gérard CARPENTIER Une
difficulté des chercheurs d’hier oubliée aujourd’hui : les
déplacements…, p. 35 Jean-Pierre WATTE et Gérard CARPENTIER Un
document photographique inédit à propos de la fouille, par Léon
Coutil, du menhir de la Pierre Saint-Martin à Fleury-sur-Andelle
(Eure), p. 39 Véronique LE BORGNE, Jean-Noël LE BORGNE et Gilles
DUMONDELLE Nouvelles données apportées par l’archéologie aérienne
pour la reconstitution de l’itinéraire d’Antonin, entre Evreux et
Uggade (Caudebec-lès-Elbeuf), p. 45 Jens Christian MOESGAARD Cinq
collections de monnaies ducales normandes (Xe -XIIe siècles), p. 49
Marie-Dominique MUTARELLI et Vincenzo MUTARELLI Aux origines de
Juliobona, p. 59 Jean-Pierre WATTE Nos membres ont publié. Articles
et ouvrages récents publiés par nos membres (2005-2006-2007),
concernant l'archéologie préhistorique et historique de la
Haute-Normandie, p. 65 Les activités du CRAHN. Bulletin d’adhésion,
p. 70
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LES BRIQUES FABRIQUEES EN GUYANE FRANCAISE PAR LES BAGNARDS. UN
EXEMPLE D’ENRICHISSEMENT RECENT DES COLLECTIONS
DU MUSEUM D’HISTOIRE NATURELLE DU HAVRE.
Thierry VINCENT
Soudain l'un d'eux s'arrête,
en inclinant la tête, c'est qu'on vient de lui dire tout bas ces
simples mots « tu n'es qu'un forçat ».
(Strophe d’un poème chanté du bagne, composé par le bagnard
Fitoussi)
Résumé : Cette étude s’appuie sur le don de briques provenant de
Guyane française, offertes par les Douanes françaises au Muséum
d’histoire naturelle du Havre, dans le cadre de la collaboration
entre ces institutions pour l’application des lois visant à la
protection des monuments historiques. Mots-clés : Bagne, bagnard,
brique, Guyane, collection, patrimoine, France, Normandie,
Seine-Maritime. Abstract : This study is based on the gift of
bricks coming from french Guyana, given by the French Customs to
the Museum of natural history of Le Havre, thanks to the
collaboration between the two institutions to enforce the national
laws about the protection of historical buildings. Key-words :
Convict settlement, convict, brick, French Guyana, collection,
heritage, France, Normandy, Seine-Maritime.
INTRODUCTION
Bien que des gisements d’argiles soient connus en Guyane et
exploités dès le XVIIIe siècle, en particulier pour les céramiques
locales à usages domestique (des écuelles ou des récipients par
exemple) et industriel (comme les pots nécessaires aux sucreries)
(Le Roux, 1996 ; Croteau, 2004, p. 77), la fabrication de briques,
au regard du manuscrit de d’Orvilliers (1748), rapporté par Y. Le
Roux (1994, p. 589), n’aurait débuté que dans les années 1740.
D’après l’auteur, les carreaux de terre cuite servant au carrelage
des habitations de maîtres, de même que les briques ordinaires
nécessaires aux murs de défenses, à la construction des fortins ou
les briques réfractaires utiles à l’édification des fours des
sucreries sont, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, importés de France
par bateaux. Pour les carreaux, ceux fabriqués par les
proto-industries du Havre sont les plus recherchés et ils
s’exportent comme produit de luxe dans la colonie de la Guyane et
jusqu’au Brésil ou en Argentine, pour les haciendas de riches
propriétaires terriens. En fait, les carreaux de terres cuites et
les briques, tant de construction que réfractaires, seront
importées au moins jusque dans les années 1840. Il faut attendre la
fin du XIXe sicle pour qu’une production de briques au niveau
industriel voie le jour en Guyane, grâce à de rares entrepreneurs
privés, mais surtout sous le contrôle de l’Administration
Pénitentiaire, identifiable grâce au sigle « A. P. », au bénéfice
du bagne en pleine expansion. En décembre 1996, une dévolution de
la Direction régionale des Douanes est réalisée au bénéfice du
Muséum du Havre. Cette dévolution consiste justement en deux
briques moulées, portant l’inscription A. P., complétée par le lieu
de fabrication. Ces objets ont été remis, déconnectés de leur
contexte et sans que l’histoire de leur collecte ne soit connue.
Détachées des informations qui les concernent, ces briques
pourraient être considérées comme sans réel intérêt. Ce don est
examiné ici dans le cadre élargi de l’enrichissement des
collections du Muséum. Le contexte économique qui règne au Havre au
XIXe siècle est rappelé brièvement dans une première partie. Une
seconde brosse le climat social qui prévaut en Guyane à partir du
milieu du XIXe siècle. Une troisième fait le point sur les briques
et leur production en Guyane. La quatrième partie permet de
comprendre dans quel environnement légal ces briques ont été
trouvées puis saisies par un bureau des Douanes du Havre. Une
cinquième partie fait le point sur l’importance des collections
ethnographiques extra européennes au sein du patrimoine du Muséum,
en insistant sur sa composante guyanaise. Enfin, la dernière permet
de contextualiser les valeurs scientifique et historique de la
dévolution, dans le cadre plus général de la richesse patrimoniale
du Muséum d’histoire naturelle du Havre.
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LES PROTO INDUSTRIES HAVRAISES ET L’EXPORTATION DE BRIQUES,
CARREAUX ET FAÏENCE VERS LES COLONIES
La première moitié du XIXe siècle a été une période de forte
expansion pour les briqueteries, les tuileries mais également pour
les faïenceries havraises. Des sites comme Graville-L’Eure,
Ingouville ou Le Perrey, qui deviendront par la suite des quartiers
du Havre à part entière, sont constellés de proto-industries
spécialisées dans les productions de briques, de carreaux de terre
et de tuiles, faites à partir de l’argile collectée à marée basse
sur la plage du Havre ou au pied de la falaise du cap de la Hève, à
Sainte-Adresse (figure n° 1).
Fig. 1. Une tuilerie de Graville-L’Eure près du Havre au XIXe
siècle. Almanach illustré du Courrier du Havre (1892). Til works of
Graville-L’Eure near Le Havre during the XIXth century. Allmanach
illustré du Courrier du Havre (1892).
Il est raisonnable de se demander pourquoi l’expansion fut si
rapide, d’autant que le marché de proximité ne permet pas
d’expliquer, à lui seul, cette croissance. Le journal local publie
dès la fin avril 1817 des informations assez révélatrices, qui
éclairent les données : « La renaissance de nos rapports avec nos
colonies a rouvert un débouché riche et facile, à la faïence brune
et blanche, façon de Rouen ». En Guyane, l’utilisation de la
faïence, pour les besoins domestiques, mais aussi de la brique, se
répand progressivement au fur et à mesure que s’accroissent les
bourgs et que les matériaux parviennent jusqu’à la colonie. Ainsi
par exemple, le 8 avril 1820, une annonce commerciale paraît dans
un périodique havrais, informant que la Guyane est susceptible
d’employer au moins 200 000 briques de construction et réfractaires
par an et qu’un profit peut être retiré de ce commerce (Anonyme,
1820, p. 4).
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L’entreprise de R.-J. Le Demandé, implantée en périphérie du
Havre,à Sanvic, se développe justement à partir des années 1820 -
jusqu’en 1834, date du décès de son propriétaire - dans le domaine
de la poterie rouge, exportée essentiellement vers les colonies
(Martin 1880, p. 224). A l’image de cette usine, d’autres, parfois
beaucoup plus importantes, trouvent, dans le commerce vers les
colonies en général et la Guyane en particulier, un confortable
débouché pour leur production. La fortune de mer, certes un peu
plus tardive, que connut le voilier « Edmond Alix », commandé par
le capitaine Charvet, est en ce sens très parlante. Début octobre
1870, ce navire anglais, racheté l’année précédente par deux
armateurs de Bordeaux, fait route vers Le Havre après avoir touché
Dunkerque pour y charger du charbon. Dans la ville océane il
embarque des carreaux de terre cuite pour les transporter, selon
les sources, soit pour Buenos Aires, soit jusqu’à Rio del Plata
(Argentine) (Journal du Havre, n° 9304, p. 3 ; Courrier du Havre,
n° 10191). Une avarie de safran le force à se dérouter vers Lorient
pour réparer. Il appareille le 28 novembre en début de soirée mais
talonne l’écueil appelé « Les Trois Pierres » et coule peu après au
lieu dit la « basse de La Paille ». Si le navire était assuré, en
revanche la cargaison ne l’était pas (Journal du Havre, n° 9325, p.
3). Un long silence va tomber sur l’épave. Dans le cadre des
prospections du Groupe de recherches historiques et archéologiques
sous-marines d’Orvault (Loire-Atlantique), le chantier de fouilles
de l’épave s’est étendu sur plusieurs campagnes, au début des
années 1990 (C. Cérino, comm. pers., mai 1994). Il a permis, entre
autres, de relever des centaines de carreaux et de noter que
ceux-ci avaient été fabriqués au Havre par Léon Duplessy (Cérino et
al., 2005). Cette étude a été publiée dans un ouvrage d’archéologie
sous-marine très documenté et superbement illustré (L’Dour et
Veyrat, 2005) Un travail sur les tuileries et briqueteries du Havre
a été publié par deux membres de la Société Géologique de Normandie
dans lequel figurent plus de 11 entrepreneurs répondant au nom de
Duplessy, mais aucun avec ce prénom (Maréchal et Lepage, 2007).
D’après les documents conservés au service des Archives du Havre,
Léon Duplessy est présenté comme industriel et négociant. Il fut un
entrepreneur avisé qui exporta beaucoup de céramiques et de
matériaux en terre cuite vers l’Amérique du sud. Il fut également
maire de Sanvic (quartier du Havre) de 1860 à 1881, avant de
décéder en 1883 (AMH, D. B., B4). Les recherches entreprises sous
l’égide du Département des recherches archéologiques subaquatiques
et sous-marines sont donc particulièrement intéressantes, d’autant
que l’exportation prouvée des carreaux de terre cuite ancre un peu
plus l’expansion commerciale du Havre - que l’on pourrait juger
marginale - dans l’histoire coloniale des Antilles et de la Guyane
et plus généralement dans le commerce trans-océanique des matériaux
pondéreux vers le continent sud-américain, difficiles à produire
sur place, donc rares et par conséquent susceptibles d’une plus
value confortable pour les armateurs français lors de la revente
sur place. Si l’on en croit l’historien havrais A. Martin, de
profondes perturbations industrielles ayant entraîné des effets
financiers notoires, ont eu, pour origine, l’abolition définitive
de l’esclavage dans les colonies des Antilles, de la Guyane et de
la Réunion (Martin, 1877, p. 221). Ce sont surtout les industries
havraises de briques, de tuiles et de carreaux de terre cuite qui
se trouvent lésées, car, à partir de 1848, la production exportée
vers les colonies ne trouve plus d’acquéreurs, faute d’une main
d’œuvre servile. Durant le dernier tiers du XIXe siècle, la
solution était donc peut-être, comme semble le démontrer la vente
du chargement havrais de carreaux de l’entreprise Duplessy,
l’exportation des productions en direction des pays en expansion
d’Amérique du sud comme le Brésil, le Chili ou l’Argentine. DUALITE
GUYANAISE : LA FIN DE L’ESCLAVAGE ET LE DEBUT DU BAGNE
En Guyane un événement intervient à partir du milieu du XIXe
siècle qui complexifie la lecture du contexte économique, social et
spatial engendré par l’esclavage puis par son abolition (Mam Lam
Fouck 1997, p. 151). Sous la poussée de la politique judiciaire
volontariste de l’Etat, l’implantation du bagne est instituée par
la transportation des condamnés (loi du 30 mai 1854). Cette
déportation des bannis devait, dans le cadre d’une stratégie
économique programmée, permettre une colonisation rapide de la
Guyane et la mise en valeur des terres, à l’image de ce que les
anglo-saxons avaient fait à Botany Bay, en Australie (Thamar,
1999). Toutefois il apparaît rapidement que le hiatus se creuse
rapidement entre la théorie et la réalité du terrain (Zysberg,
2002, p. 7). La machine administrative du bagne se révèle être à
l’origine de services effectués par les bagnards, souvent moins au
bénéfice du développement et de la mise en valeur du territoire,
qu’à celui de l’Administration Pénitentiaire et de ceux qui la
servent. Les bagnards sont en effet affectés, durant leur temps de
travaux forcés obligatoires, à différentes tâches. Le travail dans
les camps forestiers où dominent les abattages et transports
d'arbres comptent parmi les labeurs les plus pénibles et les plus
dangereux, mais sont réservés aux « inco » les bagnards les plus
durs (« les incorrigibles », selon les critères édictés par
l’Administration Pénitentiaire). Les
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travaux publics, en particulier la réalisation de la route
nationale n° 1 devant relier Cayenne à Saint-Laurent1 va par
ailleurs tuer des centaines d'hommes, annihilés par les maladies
tropicales, les parasites et la chaleur. Certains forçats
travaillent dans des services administratifs ou à l'entretien des
Villes de Saint-Laurent et de Cayenne. D'autres sont attachés à de
petits établissements proto-industriels tels que les briqueteries,
établissements affectés à la fabrication des briques moulées, de
mesures standard 21 x 11 x 5 cm, gérés par l'Administration
Pénitentiaire (Bassières, 1900). Saint-Laurent-du-Maroni va se
développer numériquement et économiquement dès le troisième quart
du XIXe siècle : D’une part, la commune étant le centre principal
de la gestion pénitentiaire, l’administration, centralisée sur
Saint-Laurent, se doit de montrer sa puissance ; d’autre part, la
ville, en limite frontalière avec la Guyane hollandaise et en
bordure du fleuve Maroni connu pour ses placers et ses sites
d’orpaillage très productifs, va rapidement devenir un lieu
d’échanges financiers important. La conséquence est que l’argent
permet aux résidants (en particulier les nombreuses familles des
gardiens et des administrateurs du bagne, dont les émoluments sont
arrondis par des trafics de tout genre) de vivre plutôt aisément.
L’argent est là et le commerce devient florissant. Devant le luxe
que certains magasins arborent, en comparaison de ce qu’offrent les
boutiques de Cayenne, Saint-Laurent sera même appelé le « petit
Paris ». La ville s’étend autour du camp de la transportation.
C’est ainsi que les briques locales, fabriquées par les bagnards,
deviennent les matériaux de construction principaux et très peu
onéreux de l’Administration Pénitentiaire, aussi bien que des
maisons particulières de Saint-Laurent, dont les jardins clos sont
délimités par un claustra de briques, elles aussi de même
provenance (figure n°2). Un siècle plus tard, ces ensembles
constituent encore, à Saint-Laurent, un riche patrimoine
architectural, bien que parfois endommagé par le temps (figure n°
3).
Fig. 2. Ecole de la rue du lieutenant-colonel Chandon. Fig. 3.
Bâtiment du boulevard Mallouet (?). Mur Mur restauré de briques de
bagnards, décor ajouré dégradé de briques de bagnards, décor ajouré
(claustra). Saint-Laurent du Maroni (Guyane française) (claustra)
classique. Saint-Laurent du Maroni (Cliché : S. Vincent, 18 août
1998). (Guyane française) (Cliché : S. Vincent, 18 août 1998).
School in the lieutenant-colonel Chandon street. Restored Building
in the Mallouet boulevard ( ?). Defaced convicts convicts brick
wall ; open work decoration (stone railings) brick wall , open work
decoration (classical stone railings). Saint-Laurent du Maroni
(French Guyana) (photo S. Saint-Laurent du Maroni (French Guyana)
(Photo S. Vincent, august 18th, 1998). Vincent, august 8th,
1998).
BRIQUETERIES ET BRIQUES EN GUYANE
En dépit d'un récent intérêt pour les briqueteries de Guyane, et
bien que les usines aient été assez nombreuses, on ne sait que bien
peu de choses sur ces édifices maintenant historiques. Il ne reste
localement pratiquement plus de traces des briqueteries privées
(celle de Léonce Melkior fait cependant l’objet d’un sauvetage
depuis début 2008), pas plus d’ailleurs que des entreprises de
l’Administration Pénitentiaire. Les quelques éléments qui
subsistent sont, le plus souvent, des fondations et des parties de
murs. Parfois, un cul de four ou la base d'une cheminée rappelle,
comme à Kourou, quartier résidentiel des Roches, la vocation
industrielle du site (figure n° 4). Une intervention de sauvetage
de ces vestiges a d'ailleurs été menée en 1992 (responsable : E.
Barone-Visigalli ; architecte : Ph. Lobera). D’autres vestiges ont
été répertoriés en 2002 par le Service Régional de l’Inventaire du
Patrimoine de France, comme la briqueterie, maintenant détruite, de
l’ancienne rue Nationale, dans l’enceinte du centre pénitencier
de
1Le bourg de Saint-Laurent est inauguré le 21 février 1858 par
le contre-amiral Baudin, gouverneur de la Guyane, quatre ans
après l'arrivée du commandant Mélinon et de 24 bagnards sur la
pointe Bonaparte, une langue de terre au bord du Maroni concédée
par la commune de Mana. Le 15 septembre 1880, la ville nouvelle qui
abrite le siège de l'Administration Pénitentiaire est élevée au
rang de Commune Pénitentiaire du Maroni, mais c'est le directeur de
l'A P qui désigne la commission municipale ainsi que le maire,
tandis que les comptes rendus de décisions ne sont publiés qu'après
accord du gouverneur (Vignon, 1995, p. 208-209).
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Cayenne (bâtiment implanté en remplacement d’un ancien four à
chaux ; actuellement rue Pasteur, notice n° : IA97300297).
Toutefois, les centaines de milliers de briques produites
localement, omniprésentes dans les constructions urbaines de
Saint-Laurent-du-Maroni, et les ruines des anciens bâtiments
pénitentiaires des Hattes, de Coswine, de Saint-Jean, des Iles du
Salut… restent facilement identifiables puisqu'elles portent la
marque de l'Administration Pénitentiaire, parfois simplement sous
la forme des initiales A - P. Le lieu de fabrication :
Saint-Laurent, Saint-Jean, Kourou, Les Hattes…. est rappelé, dans
certains cas, en accompagnement des initiales. Au même titre que
l'artisanat réalisé par les bagnards, ces briques sont très
recherchées par les collectionneurs de souvenirs. Afin de préserver
du pillage les édifices en briques restant encore de la période
pénitentiaire, la loi
Fig. 4. Ruines des culs des fours de cuisson et murs d’une
briqueterie de l’Administration Pénitentiaire de Guyane. Kourou,
quartier résidentiel des Roches (Guyane française) (Cliché Cl.
Vincent, 3 août 1997). Ruined bases of the brick kiln and
brickworks walls of the convict prison authorities - French Guyana.
Kourou, residential district of Les Roches (French Guyana) (Photo
Cl. Vincent, august 3rd, 1997).
du 31 décembre 1913 a permis d'instituer une protection des
bâtiments classés au titre des monuments historiques (Mme V.
Bernard, DAPa-Ministère de la Culture et de la Communication). Les
contrevenants s'exposent donc à la saisie des pièces et à des
amendes. L'extraction, le transport, le réemploi et l'exportation
des briques provenant de bâtiments pénitentiaires considérés comme
des vestiges archéologiques et appartenant au domaine public - donc
à ce titre inaliénables - sont donc interdits. La collecte à des
fins privées de briques constitutives de ces édifices tombe sous le
coup de l'article 322-2 du code pénal (J.-P. Jacob, DRAC-Guyane, in
litt., sept. 1999) 2. En dépit de ces mesures de protection, des
centaines de briques ont cependant été perdues pour différentes
raisons, dont certaines particulièrement étonnantes : les briques
ont servi de lest pour des voiliers de plaisance (fide F. Huet,
juin 1999) ; jusqu’en 1997 au moins, les briques de l’A-P ont
régulièrement été utilisées comme support pour la mise à niveau des
cercueils lors des inhumations en pleine terre dans le cimetière de
Saint-Laurent-du-Maroni (fide Cl. et S. Vincent, juillet 1997). A
titre informatif, citons l’importance que les briques ont pu
revêtir dans le quotidien des bagnards de Guyane avec ces
exemplaires inclus dans le socle du monument dédié aux bagnards
intitulé « la peine du bagnard ». Le bronze, réalisé par le
sculpteur bordelais Bertrand Piéchaud a été inauguré, selon
l’artiste (in litt., comm. pers, septembre 2008) en 1994, sur
l’esplanade Laurent Baudin (Saint-Laurent-du-Maroni), à proximité
du débarcadère qui a vu passer tant de bannis arrivant de France
avec le navire « La Loire », puis après la première Guerre
Mondiale, par le bateau « La Martinière » (figure n° 5).
2 Il est à noter que les briques produites entre la fin du XIXe
siècle et les années 1930, au bénéfice de l’Administration
Pénitentiaire, ont également été vendues sur le marché intérieur
de la Guyane, dans le cadre de l’offre et de la demande, pour
l’édification de bâtiments privés, de murs de séparation de
propriétés, etc. A ce titre, les briques ont donc été cédées à des
particuliers, pour leurs besoins personnels et achetées en toute
légalité comme un produit de consommation ordinaire. Il
conviendrait de connaître le statut de ces briques qui, vendues par
l’Administration et achetées par des particuliers pour un usage
privé, ne sont donc pas intégrées à un bâtiment public classé et ne
relèveraient pas de l’article 322-2 du code pénal. Se pose donc ce
problème juridique, impliquant le travail d'experts associés au
conservateur de la Direction régionale des affaires culturelle en
Guyane afin d'identifier les objets (P. Monod, in litt. juin
1999).
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Fig. 5. Monument à la mémoire des bagnards ; « la peine du
bagnard ». Sculpture d’un bagnard enchaîné et accablé (bronze de
Bertrand Piéchaud – 1994). Socle en ciment incluant des « briques
souvenirs », fabriquées par les bagnards. Saint-Laurent du Maroni
(Guyane française) (Cliché : S. Vincent, 5 août 1995). Memorial for
the convicts “la peine du bagnard”. Sculpture of a chained up and
wheighted down convict (bronze of Bertrand Piéchaud – 1994). Cement
pedestral with “bricks souvenir” handmade by convicts.
Saint-Laurent du Maroni (French Guyana) (Photo S. Vincent, august
5th, 1995).
LE CONTROLE EN METROPOLE, SAISIE ET DEVOLUTION
Courant octobre 1996, une brigade des Douanes françaises au
Havre contrôle les effets personnels d'un ressortissant français de
retour du département de la Guyane et découvre un ensemble de trois
briques, de couleur rouge, porteuses des marques A. P. et, pour
deux d’entre elles du lieu de production, parfaitement lisibles et
identifiables. Après une expertise et une procédure administrative
de saisie, deux des trois briques sont déposées officiellement,
courant décembre 1996, au titre d’une dévolution au bénéfice du
Muséum d'histoire naturelle du Havre. Ces briques sont en parfait
état et particulièrement intéressantes, car elles sont issues des
centres de production les plus actifs de Guyane : - brique "A P Les
Hattes" ; dimension : 21,3 cm x 10,8 cm x 5 cm. (figure n° 6) -
brique "A P St Laurent" ; dimension : 21,8 cm x 10,5 cm x 5,8 cm.
(figure n° 7)
Fig. 7. Brique de bagne saisie en octobre 1996 au Fig. 8.
Moulage d’une brique du bagne saisie Havre. Estampille « A P - St
Laurent ». Dimensions : en octobre 1996 au Havre. Sobre estampille
« A P », 21,8 cm x 10,5 cm x 5,8 cm (original dévolu par la
Direction nettement visible. Dimensions : 22 cm x 11 cm x régionale
des Douanes du Havre au Muséum d’histoire 5,5 cm (original déposé
au Musée des douanes de naturelle du Havre) (Cliché Th. Vincent,
octobre 2007). La Rochelle, par la direction générale des Douanes
de Paris) (Cliché Th. Vincent, octobre 2007).
Ces objets ne sont pas isolés au sein des collections
d’archéologie et d’ethnographie extra européennes détenues par le
muséum du Havre. Le fait de pouvoir les présenter en complément
d'un ensemble d'objets artisanaux fabriqués par les bagnards de
Guyane dans le cadre d'expositions à venir sur le département de la
Guyane leur confère un intérêt historique et patrimonial.
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Fig. 9. Demi brique de bagne. Estampille « A P» peu marquée et
brisée. Dimensions : 14,5 cm (cassure) x 10,5 cm x 5 cm (original
offert par Mlle Lenoble, en 2006, au Havre au Muséum d’histoire
naturelle du Havre) (Cliché Th. Vincent, octobre 2007).
Pour autant, la possession de briques fabriquées par les
bagnards n’est pas l’exclusivité du Muséum du Havre. D’autres
institutions muséales métropolitaines disposent de quelques
exemplaires dans leurs collections. Par exemple, la troisième
brique saisie en 1996 sur le port du Havre, sobrement estampillé "A
P" (dimension : 22 cm x 11 cm x 5,5 cm), a été requise par la
Direction Générale des Douanes à Paris et remise au Musée des
Douanes de La Rochelle. Avant son départ vers Paris, elle a fait
l’objet d’un moulage par Rémi Cousin, technicien paléontologue de
l’atelier de géologie du Muséum du Havre, afin qu’elle puisse être
intégrée aux collections, en parallèle des briques originales
intégrées dans nos collections (figure n° 8). De même, le Musée
Ernest Cognacq de Saint-Martin-de-Ré, dispose de trois briques dont
l’une (n° 2006-3-03) est estampillée du centre de production de
Saint-Laurent. Enfin, il est à noter que depuis le développement
d’Internet et de l’achat en ligne par le biais de sites de vente
aux enchères, les briques de Guyane remportent un succès démesuré
auprès des collectionneurs privés, ce qui génère un commerce
déraisonnable du fait des prix exorbitants proposés par les
acheteurs, et donc probablement un pillage pour alimenter un trafic
archéologique, que les services de surveillance, en France
métropolitaine, ne sont pas en mesure de pleinement contrôler. LA
COLLECTION ETHNOGRAPHIQUE DU MUSEUM DU HAVRE
Le Muséum d’histoire naturelle du Havre dispose dès 1846, alors
qu’il ne constitue encore qu’une section d’histoire naturelle au
sein d’un Musée-bibliothèque, de collections d’ethnographie
provenant de différentes contrées. On retiendra les armes, outils
et instruments océaniens et australiens de la collection Delessert
ou les objets archéologiques extra européens prélevés par Ch.-A.
Lesueur lors de son voyage en Amérique du nord (Watté, 1984). Ils
sont bientôt suivis (1895) par l’intégration de la collection
océanienne Le Mescam, puis par beaucoup de dons d’objets, parfois
isolés (dons Bergeval, Bertin, Mercier-Milon, Lafosse, etc.),
souvent d’ensembles plus importants (collections Schmoll, Lennier,
Sajoux, Archinard, Thierry, etc.) provenant de différentes régions
du monde et tout particulièrement de colonies ou de comptoirs en
Afrique (Sénégal, Soudan, Congo), en Asie (Indochine, Tonkin), aux
Antilles (Martinique) et en Amérique du sud (Haute-Amazone, Brésil,
Guyane) (Lennier, 1896). Et les collections ethnographiques extra
européennes du Muséum s’enrichissent ainsi, au gré des dons de
particuliers voyageurs, de marins et d’armateurs, jusqu’à la veille
de la seconde Guerre Mondiale, du moins peut-on le deviner plus
qu’en être assuré, au regard du manque d’inventaires couvrant la
période 1905-1939 (documents détruits durant la guerre). 1940
marque un changement d’époque. Le docteur A. Loir, le conservateur
du Muséum, avait pris sa retraite en 1939 et l’institution avait
fermé ses portes dès le début de la seconde Guerre Mondiale. C'est
donc le conservateur adjoint M. Lebret qui procède à la mise en
caisse des documents les plus précieux de la bibliothèque (Anonyme,
1957). Le docteur Laurent, pressenti pour assurer la direction du
Muséum dès 1940 ne se présente pas du fait de sa mobilisation. Le
professeur A. Maury, nommé en 1941 à la direction de
l'établissement va s'attacher, dès que possible, à sauvegarder
quelques items en ethnographie, en assurant leur transport hors du
centre-ville (Maury, 1979). Entre le 19 janvier et le 7 février
1942, il parvient à vider une dizaine de vitrines et à placer leur
contenu dans six caisses qui sont transportées, le 5 mars 1942,
jusque dans les dépendances du prieuré de Graville. Parmi les
collections ayant donc été transférées hors du Muséum figurent 147
souvenirs historiques des campagnes du colonel Archinard au Soudan
et au Sénégal3, ainsi que de remarquables pièces océaniennes, dont
163 objets de la collection Le Mescam, 24 objets de la collection
Delessert, 5 objets de la collection Millot, ainsi que 199 objets
ethnographiques provenant de divers donateurs comme Crespin,
Halley, Herval, Lennier,
3 Lors de ces campagnes, il était colonel.
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Haute-Normandie Archéologique, tome 13, fascicule 2, 2008 14
Lesueur, Loir, et Vesque (Maury, 1942a et 1942b, manuscrits et
tapuscrits MHNH). Les évènements dus à la guerre, la mauvaise
volonté de l'occupant et la priorité d'aide, bien compréhensible,
donnée par l'administration municipale de l'époque, en direction de
la population, empêchèrent le Conservateur de poursuivre son œuvre
de sauvetage muséologique (Anonyme, 1957). Les raids alliés des 4
et 5 septembre 1944 provoquèrent finalement, lors du pilonnage du
centre-ville, l'incendie du bâtiment et la perte irrémédiable de la
quasi-totalité des collections. Entre janvier et février 1949, une
exposition intitulée « Renaissance du Muséum » permet de présenter
divers items de sciences naturelles de géologie et d’ethnographie
dans les locaux de l’école des Beaux-Arts qui héberge alors
provisoirement le Muséum ; elle sera visitée par 3200 personnes
(Vincent, 2004). En novembre 1952, une première exposition
entièrement consacrée à l’ethnographie permet de présenter quelques
objets sauvés de la destruction, mais c'est en décembre 1954 qu'une
manifestation avec une présentation des principaux objets
ethnographiques africains et océaniens anciens est organisée pour
une durée d'un mois, par le conservateur du Muséum (Maury, 1955).
Les dons offerts par des particuliers pour enrichir l’ethnographie
extra européenne se succèdent, marqués de points forts comme en
1958 avec M. Petit (Madagascar), en 1959 avec M Frémont (Afrique),
en 1969 avec M. Jégo (ivoires indochinois) (Anonyme, 1971). Dans
les années 1970, Madame Fauvel et Monsieur et Madame Faure offrent
des souvenirs provenant de Guyane, parmi lesquels figurent des
objets fabriqués par un bagnard. L'ethnographie, lors de la
réouverture du Muséum au public en 1973, n'a pas été oubliée. Les
principales pièces, présentées dans la salle du 3e étage, seront
rangées en réserve en 1982. Depuis cette date les objets ne sont
plus visibles que par des spécialistes et des étudiants. La sortie
de quelques rares items spectaculaires a, jusqu’à présent, été
uniquement liée à un événementiel fort (expositions). Les objets de
Guyane, du fait de leur caractère plutôt banal, n’ont pas été du
nombre et sont restés méconnus, tant du public que des chercheurs.
En 1989, toutefois, F. Gerber, dans le cadre de son mémoire de
Maîtrise préparé à l’université de Paris I (Centre de recherche en
Archéologie Précolombienne) profite de l’occasion pour faire le
point sur les collections américaines autres que celles de la
Méso-Amérique et de la zone andine. Un inventaire succinct des
items de Guyane est alors réalisé. Par la suite, ces données seront
reprises dans plusieurs études de synthèse (Mongne, 2003).
L’EVOLUTION DU PATRIMOINE HISTORIQUE GUYANAIS DU MUSEUM DU
HAVRE
Les quelques semaines qui suivirent la dévolution des briques
par les Douanes françaises ont été l’occasion de refaire le point
sur les collections guyanaises existantes, entre temps sorties des
cartons de stockage et rendues accessibles aux étudiants et aux
chercheurs (Fort de Tourneville). En regroupant ces items avec ceux
des dons Fauvel et Faure, une présentation avec diapositives ayant
pour sujet « Ethnographie de Guyane. Analyse des collections du
Muséum du Havre » a d’ailleurs été donnée dans le cadre du cycle
des conférences publiques organisées par la Société Géologique de
Normandie et des Amis du Muséum du Havre, le 1er février 2000.
Cette étude jusqu’à présent retardée, devrait faire prochainement
l’objet d’une publication (Vincent, 2009). Entre les 18 mars et 21
avril 2006, Mlle Claire Dubost, étudiante en histoire de l’art à
l’Université Lumière Lyon 2, a été chargée, dans le cadre de son
mémoire de Maîtrise, en lien avec une demande de la DRAC de Guyane,
de procéder à l’inventaire du fonds guyanais du Muséum du Havre,
pour un versement des informations sur la base Joconde (responsable
de recherche : Laurick Zerbini). Ce travail s’est appuyé sur les
éléments historiques qui avaient été collectés pour la conférence
de début 2000. Le rapport a fait l’objet d’une synthèse
informatique. 31 fiches ont été établies. Elles n’ont pas été
validées. Pour le moment (décembre 2008) aucune fiche n’a été
versée sur la base, mais le travail de saisie de l’étudiante peut
être consulté grâce à un tirage papier conservé à la bibliothèque
scientifique du Muséum du Havre. Les fiches concernant les briques
originales et les moulages ne portent pas de numéro ; la rubrique «
description formelle » mériterait d’être revue. D’une façon
générale les fiches appellent à une certaine prudence quant à
certains champs. En mai 2006, la fille de M. Lenoble, membre décédé
de la SGNAMH, a souhaité, conformément aux souhaits de son père,
offrir certaines pièces de ses collections au Muséum du Havre. Le
don a été accepté par M. C. Crémière, le directeur du Muséum. A
cette occasion un document aurait été signé par les deux parties.
Parmi cet ensemble à dominante géologique, R. Cousin, chargé de
superviser l’arrivée de l’ensemble des objets dans les réserves du
Muséum, a trouvé une demi brique sur laquelle apparaît le « A. P. »
permettant l’identification guyanaise de l’item (figure n° 9).
L’objet mesure : 14,5 cm (cassure) x 10,5 cm x 5 cm, ce qui la
situe dans la moyenne des cotes standards données par Bassières
(1900). Au début de l’automne 2006, le transfert des bureaux
administratifs, des ateliers et des quelques collections restées
dans les combles du Muséum a eu lieu dans le cadre de la
réhabilitation du Muséum qui, à partir du 15 novembre, a donc été
fermé au public et entièrement déménagé. A cette occasion, des
objets probablement sauvegardés lors du déménagement partiel de
1942, non inventoriés et apparaissant sans étiquette ou sans
origine, du fait du temps, ont également été reclassés dans la
collection d’ethnographie.
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Haute-Normandie Archéologique, tome 13, fascicule 2, 2008 15
Au cours du transfert, des pointes de flèche de chasse d’origine
amérindienne (Guyane) ont ainsi été retrouvées et identifiées comme
telles ; l’une d’elle portant encore son étiquette d’origine sur
vélin. Elles sont présentées dans l’étude à paraître (Vincent,
2009). Une procédure de C. Crémière directeur du Muséum du Havre,
en application d’une note de service (pas de référence
administrative) précise qu’à partir du 18 août 2008 les réserves ne
sont plus accessibles aux chercheurs, en raison du « chantier des
collections » qui vise à réorganiser les lieux de conservation. Les
collections ethnographiques sont donc de nouveau inaccessibles «
pour une durée de 12 mois au moins », mais il se murmure dans les
milieux informés que la fermeture pourrait être prolongée sur 3
années. Il serait heureux que ces mesures ne s’avèrent pas à terme,
un obstacle de plus à la connaissance des collections du Muséum du
Havre. CONCLUSION
La collection d’ethnographie extra européenne du Muséum du Havre
reste exceptionnelle à plus d'un titre, même si la guerre a
provoqué la destruction irrémédiable de nombreux objets rares. Si
actuellement, l’ensemble sauvegardé est réputé auprès des
spécialistes français et étrangers, il semble cependant un peu
oublié du grand public du fait même que les objets, à de rares
exceptions près pour quelques items particuliers, n’ont pas été
exposés depuis plus de 25 années. Le travail d’inventaire réalisé
durant les années 1985-1990, suite à une inondation subie par les
objets entassés dans des sous-sols humides d’un musée du quartier
Saint-François du Havre, a permis de cerner les collections de
Guyane, mais il n’avait pas abouti à une recherche des données
historiques concernant les items. L’équipe (Mmes G. Birambeau et J.
Conseil ; M. M. Fouquet) en charge du sauvetage des objets, de leur
nettoyage et de l’inventaire, que l’auteur avait organisé sans la
motivation directoriale souhaitée, n’en avait ni les moyens, ni le
temps et ce n’était d’ailleurs pas le but de cette tâche uniquement
tournée vers la préservation urgente des items et non sur
l’investigation documentaire. Cependant, cette première approche a
facilité la réalisation d’une présentation publique à la société
Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre. Peu de
temps après, le Muséum du Havre a été contacté par l’Institut
national du Patrimoine (Paris), pour faire part de ses
investigations dans le cadre d’un travail de synthèse sur la
connaissance du patrimoine extra européen en France et sur la
présence de collections de Guyane, demande émanant de la DRAC de
Guyane. La phase suivante a été la saisie de la documentation de
chaque objet déjà connu sinon inventorié. La réalisation des fiches
spécifiques a été assurée par une étudiante stagiaire, dans
l’optique d’un versement sur une base nationale. Les commentaires
et remarques sont cependant un travail personnel qui n’a fait
l’objet d’aucune vérification ultérieure. A l’heure actuelle, il ne
se dessine aucune volonté de la direction allant clairement dans le
sens d’un versement des fiches « Guyane » sur la base Joconde. En
France, les conservateurs, les chercheurs et les restaurateurs sont
nombreux à constater avec amertume le manque d'informations et de
documents concernant tout ou partie de collections ethnographiques
conservées dans les Musées. La phase ultime du travail effectué sur
la collection de Guyane est donc pour le moment, et a minima, la
réalisation de deux publications [une seconde étude plus
généraliste est actuellement sous presse dans le Bulletin de la
Société Géologique de Normandie et Amis du Muséum du Havre
(Vincent, 2009)], afin de porter à la connaissance du plus grand
nombre de chercheurs et d’amateurs, l’existence de ce petit
ensemble de pièces dans un contexte historique assez bien cerné, et
attaché à un département français d’outre-mer.
Thierry VINCENT Attaché de Conservation
81 rue Louis Delamare 76600 Le Havre
Bibliographie
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Judiciaires, Commerciales et maritimes du Havre, n°84, 8 avril
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Archinard ; collection Le Mescam ; Collection d'ethnographie : dons
divers. Tapuscrit sur
papier blanc de la liste des objets ethnographiques placés en
caisse avant leur transport hors les murs du Muséum à titre
préventif : 7 p., non paginées.
MAURY (A.) (1942b). Collection d'ethnographie. Dons divers.
Tapuscrit avec compléments manuscrits sur papier à entête
officielle "Ville du Havre - Muséum d'histoire naturelle" de la
liste des objets ethnographiques placés en caisse avant leur
transport hors les murs du Muséum à titre préventif : 1 p., non
paginée.
MAURY (A.) (sd). Collection du Général Archinard ; Collection Le
Mescam ; Collection d'ethnographie Dons divers ; Collection
d'ethnographie suite. Tapuscrit sur papier à entête dactylographiée
"Ville du Havre - Muséum d'histoire naturelle". Note
-
Haute-Normandie Archéologique, tome 13, fascicule 2, 2008 17
manuscrite : Liste des objets d'ethnographie sauvés du désastre
de septembre 1944. Evacuation A. Maury : 4 p., non paginées (la
dernière est signée à la plume de la main de A. Maury).
Bibliothèque Armand Salacrou du Havre
COURRIER DU HAVRE
N° 10147, 17 octobre 1970, chronique « Marine », navires entrés.
N° 10170, 9 novembre 1870, chronique « Marines », navires sortis N°
10191, 30 novembre 1870, chronique « événements de mer »
JOURNAL DU HAVRE
N° 9281, 17 octobre 1870, chronique « navires entrés ». N° 9304,
9 novembre 1870, chronique « navires sortis ». N° 9324, 29 novembre
1870, chronique « Nouvelles maritimes ». N° 9325, 30 novembre 1870,
chronique « Nouvelles maritimes ».
Archives municipales du Havre DOSSIER BIOGRAPHIQUE Dossier B4,
Léon Duplessy.
Remerciements : Il m'est particulièrement agréable d'exprimer ma
gratitude aux différentes personnes qui m'ont apporté leur aide
lors de la recherche documentaire pour la réalisation de cette
étude, et tout spécialement : - Mesdames Vanhecque et V. Bernard,
Direction de l'architecture et du patrimoine, sous direction de
l'archéologie, Ministère de la Culture et de la Communication ; -
Monsieur P. Monod, sous-directeur, Direction de l'architecture et
du patrimoine, sous direction de l'archéologie, Service de la
connaissance, de la conservation et de la création, Ministère de la
Culture et de la Communication ; - Monsieur J.-P. Jacob, Directeur,
Direction régionale des affaires culturelles de la Guyane, -
Monsieur O. Compain, directeur des Services juridiques et des
marchés, Ville du Havre ; - Madame Berger, Service documentation,
Ville du Havre ; - Monsieur J.-J. Andichou, chef de l'Unité mobile
des corps, Douanes françaises, Le Havre. - Monsieur G. Seven, agent
de constatation, Douanes françaises, Le Havre. - Madame et Monsieur
Cl. Vincent, pour leurs souvenirs et leurs photos sur cinq voyages
en Guyane (1995-1999). Mes remerciements vont aussi à M. Bertrand
Piéchaud, sculpteur et concepteur du bronze « La peine du bagnard
», exposé à Saint-Laurent-du-Maroni. Je remercie également mes
collègues des Archives municipales du Havre, en particulier M.
Laurent Durel, pour ses conseils et les renseignements qu’il m’a
spontanément offerts concernant l’entreprise Duplessy de Sanvic. Un
remerciement particulier est réservé à mes collègues de service,
encore en activité ou maintenant à la retraite : Geneviève
Birambeau, Janine Conseil et Michel Fouquet. Enfin je ne peux
oublier C. Cérino, pour les renseignements qu’il m’avait
communiqués lorsque nous étions étudiants à l’Université de Rennes
2 Haute Bretagne. Quant au DRASSM qu’il trouve l’expression de ma
gratitude au travers de mes remerciements adressés à Mme Sylvia
Hulot et au directeur, M. Michel L’Hour.