VIOLENCE, DLINQUANCE ETINSCURIT A YAOUND(Information gnrale) Par
Valentin NGA NDONGO Sociologue Universit de Yaound I CAMEROUN
Enprenantappuisurlestermesderfrencedfinispar"Habitat",leprsent
documentapourmodesteambitiond'exposerunevisionsynthtiqueetpanoramiquede
2l'inscurit Yaound. Il rapporte, en l'analysant brivement,
l'information gnrale publique immdiatement accessible sur ce
phnomne dans la mtropole politique camerounaise.
Collecte,defaonempirique,entreles10et20juillet2000,cetteinformation
provientdesourcesdiverses,entreautres:documentsdisponibles(journaux,travauxde
recherche), entretiens non directifs avec des personnes ressources.
Ce document comprend trois parties : 1)L'inscurit : son ampleur et
ses manifestations ; 2)Les diffrents acteurs face l'inscurit :
rponses, stratgies et perceptions ; 3)bauche de perspectives. A.
L'INSCURIT : TAT DES LIEUX Cette premire partie tente de dresser
l'tat des lieux de l'inscurit Yaound, d'en illustrer l'ampleur et
d'en dcrire les diffrentes formes et manifestations concrtes1. 1)
Brve rtrospective
L'inscuritatillustre,aucoursdesdouzederniersmois,parunesried'actes
aussi violents que spectaculaires, entre autres
:-l'assassinat,endcembre1999,deLucie,enceinte,etdontlecorpsestretrouv
prs du cimetire central, portant des traces de sperme ;
-l'enlvementetlatuerie,auquartierEmana,dequatreenfantsd'unemme
famille ; -l'assassinat, son domicile Tongolo, devant femme et
enfants, du magistrat Louis NDZIE ;
1 Dans ce texte, le terme inscurit sera utilis comme variable
indpendante, illustrant le phnomne tudi. On
pourraluisubstituerd'autrestermestelsquedlinquance,violence,criminalitquiensontdesvariables
dpendantes, c'est--dire exprimant une dimension ou un degr de
l'inscurit. -l'assassinat, quelques semaines plustard,etdanslesmmes
conditions,duTrsorier Payeurd'Ebolowa,depassage chez lui mana ;
-l'agressioncontre l'Ambassadeurdestats-Unis, nonloindesarsidence
Bastos ; -denombreusesagressionsde citoyensdomicileoudans des taxis
; -l'assassinat,dbutjuillet 2000, BiyemAssi,d'unhautcadre de la
socit Bastos. Cescas,dontlalistenesauraittre
exhaustive,montrentquel'inscurit Yaoundnerelveplusdel'anecdoteoudu
faitdiversmaisqu'elleestdevenue,en
quelquesorte,uneralitdetouslesjours. Maisl'ampleurexacteduphnomne
mriteraitsansdouted'tremieuxcerne,
mieuxconnueetvalue,pourenprendrela
justemesure,endehorsdetouteaffabulation ou sous-estimation.
Pourcefaire,nousrecouronsune double lecture du phnomne de
l'inscurit : 3unelecturescuritaireetunelecture contextuelle. 2)
Approche scuritaire S'agissantd'aborddel'approche
scuritaire,ellepermetd'avoirlafois l'information et la perception
des forces de scurit sur le phnomne. a)La police
Lecommissariatcentral,qui coordonne les activits des dix
commissariats descuritpubliquedelavilledeYaound,
estlasourceessentielledesinformationsde police.
LeCommissaireCentral,rencontrle12juillet2000,nefaitpaslapolitiquede
l'autruche:ilreconnatquel'inscuritestuneralitYaound.Maisilsouligneaussitt
qu'on note une nette amlioration depuis le mois de mars 2000, date
de l'arrive de nouveaux responsables chargs de la scurit2. Par
ailleurs, alors qu'en janvier 2000, le nombre de vols
mainarme(vhicules,domicilesetcommerces)taitde35,cechiffreestpass32en
fvrier,pourchuterbrutalement5enmars,avantderemonter,maisfaiblement,15en
avril,12enmaiet15enjuin(voirdiagrammeenannexe).Lammetendancebaissire
s'observe au niveau de la comparaison des six premiers mois des
quatre dernires annes qui
montrequelenombredesvolsmainarmedevhiculesestpassde144en1997pour
tomber59en2000(voircourbeenannexe).Sil'oncomparemaintenantlesseulsmoisde
juin des quatre dernires annes, on constate, pareillement, un recul
du nombre de cas de vols main arme de vhicules : 31 en 1997, 14 en
1998, 17 en 1999 et 8 en 2000.
2 Voir plus loin, 2epartie, A. 4Bien que ces statistiques soient
extrmement parcellaires et ne portent que sur les cas de vols main
arme (notamment de vhicules), le Commissaire Central estime que la
police
amarqudespointsdanslarpressiondelaviolenceetdelacriminalitYaound,sous
toutesleursformes3.Pourlui,l'impressionquelaviolenceetlacriminalitconnaissentune
recrudescenceestentretenueparlesmdias4quines'intressentqu'unecatgoriede
victimes:leshautespersonnalits(magistrat,trsorier-payeuretc)."Lesmdiasnousont
desservis", dclare-t-il. Le Commissaire Central reconnat nanmoins
que beaucoup reste faire notamment dans les domaines suivants : Les
effectifs :
987lmentscontre3000lmentssouhaitables,dontlamajoritsontaffectsla
gardedespersonnalits.7%seulementdeceslmentssontdesfemmes,cequireste
insuffisant, aux yeux du Commissaire Central. Les actions de
prvention :
Ellesportentsurl'ducation,leconseil,l'aideetlaprotectiondescouches
vulnrables. On devrait pouvoir les systmatiser.
Enfindecompte,pourleCommissaireCentral,ledegrzrodelacriminalit
n'existe pas. b)La gendarmerie
Lasecondestructuresollicitedanslecadredecetteprsentation,c'estla
gendarmerie.Elle est reprsente par le colonel Directeur de l'Emploi
au Secrtariat d'tat la Dfense. Il ressort de l'entretien (12
juillet 2000) avec ce haut responsable que :
b1)Lerletraditionneldelagendarmerie,c'estlascurisationdesbiensetdes
personnes ; b2) Pour lutter contre l'inscurit Yaound, plusieurs
actions ont t menes dans le cadre des oprations "Scorpion" et
"Vautour" (celle-ci est encore en cours). Par ailleurs, au dbut de
l'anne 2000, il a t cr une structure spciale dnomme
"Centreoprationneldegendarmerie".C'estuncentred'alertemisladispositiondes
citoyensqui,encasd'agressionoude danger de quelque nature, peuvent,
tout moment, de
jourcommedenuit,appelerlagendarmerieausecoursenformantlenumro13.Toutesles
interventions effectues dans le cadre de ce centre d'alerte font
l'objet d'un rapport quotidien prcisant l'heure d'appel, l'identit
de celui qui a appel, le lieu et la nature de l'agression, la suite
rserve l'interpellation de l'agresseur (garde vue par exemple). Le
Directeur de l'Emploi estime que depuis sa mise en place, le Centre
Oprationnel
adonndesrsultatssatisfaisants.Faisantlammeanalyse,etparvenantauxmmes
conclusions que le Commissaire Central, il souligne que, sur le
front de l'inscurit, "il y a une accalmie depuis mai 2000 mais on
sait que l'ennemi ne dort pas". A son avis, ces succs ont
contribuamliorerl'imagedelagendarmerieauprsdupublic5:"Jesuisfierdela
gendarmerie, mais la scurit, c'est l'affaire de tout le monde.
D'ailleurs, nous nous efforons
3 Voir infra, I. B. 4 Voir infra. 5 Voir infra la perception du
public. 5d'expliquer cela au public, et c'est pour cela que nous
avons opt pour devancer la rumeur en fournissant temps
l'information". En ce qui concerne les effectifs affects la lutte
contre l'inscurit, le Directeur de
l'Emploinedonnepasdechiffre,maisillesjugeinsuffisants,ensouhaitantqu'ilssoient
renforcs. Ces effectifs comprennent des femmes, certes, mais pour
le Directeur de l'Emploi, "la scurit est avant tout une affaire
d'hommes".
Optimiste,ilconclutunniveau"acceptable,presquenul"delacriminalitetde
l'inscuritYaound,nonsanssoulignerqu'ailleurs,"lasituationestparfoisbienpireque
dans la capitale camerounaise". 3) Approche contextuelle
Encequiconcerne,ensuite,l'approchecontextuelledel'inscurit,elletentede
resituercephnomnedanssoncontextedeproduction,c'est--diredansl'environnement
social, conomique et politique dans lequel il s'enracine et qui la
fois l'claire et l'explique. Cette approche conduit ainsi voir que
l'inscurit est un phnomne social, avec des causes, des formes
d'expression, des manifestations et des consquences. a)Formes
d'expression6
Ilfautentendreicilestypesdeviolenceetdedlinquanceainsiquelesdiffrentes
formes travers lesquelles ces phnomnes se manifestent pour produire
l'inscurit. a1. Selon le degr de violence et les objectifs
poursuivis par les dlinquants, on peut distinguer la petite
dlinquance et la grande dlinquance. * La petite dlinquance est
caractristique des voleurs la tire ou des pickpockets qui
cumentlesmarchs,leslieuxpublicsoulesendroitsdefortefrquentationhumaine7.Ils
commettent gnralement des larcins, avec pour simple objectif
d'obtenir quelques moyens de
substance:unpeud'argent,unpeudenourritureetc.Touristes,trangers,commerantset
femmes en sont les principales victimes.
*Lagrandedlinquances'accompagnencessairementdebrutalitetdeviolence.
Elle ressortit au grand banditisme etse manifeste par : -des actes
de vandalisme, -des vols avec effraction, -des vols main arme (avec
souvent utilisation des armes de guerre)
-desbraquagesdevoitures(surtoutdesgrossescylindres),dedomiciles,de
commerces (tels que les stations service), de banques etc. -des
assassinats de tout genre, -des crimes crapuleux (assassinats
accompagns de viols ou de svices corporels).
a2.Selonlanaturedesauteursoudesvictimes,onpeutrpertorierdelamanire
suivante :
6Prsentationpurementqualitative:uneenquteapprofondieetsystmatiqueauprsdescommissariatsetdes
brigades de gendarmerie pourrait indiquer les ratios de ces types
de dlinquance. 7 Voir infra les zones risques et endroits indexs.
6* La dlinquance juvnile, c'est--dire, comme son attribut
l'indique, celle perptre par des jeunes, notamment des adolescents
dont l'ge se situe entre 12 et 25 ans. Cette forme
dedlinquanceestsignificativepuisquelamajoritdesauteursdesactesdeviolence,dela
petite la grande dlinquance, sont compris dans cette tranche d'ge.
*Lesviolencesfaitesauxfemmes,notammentlesviolencesconjugales.Nombre
d'tudes menes sur ce sujet montrent que les violences sur les
femmes en milieu familial sont
uneralit.Cestudes(cf.Annexes)fontapparatrequelesfemmessubissentenvironcinq
types de violences, savoir :
-violencesphysiques(surtoutbastonnades,coupsetblessures,destructionde
biens)
-violencespsychologiquesoumorales(enparticulierl'humiliation,l'abandon,la
rpudiation) -violences sexuelles (harclements sexuels, viols par
des poux alcooliques ou des parents de ceux-ci) ; -violences
verbales : injures ; -violences conomiques : "privation des
ressources alimentaires, refus la femme
dedisposerdesonargent"(FlorenceBOPDA,1997:63-65).Selonl'tudede
l'ALVF(Annexe),lesfemmesvictimesdeviolencesontsurtoutcomprisesdans
les tranches d'ge de 21 30 ans (45,4 %) et de 31 40 ans (34,9%), et
66,5 % sont maries, tandis que 70,6 % sont de religion catholique.
D'aprslamilitantefministe,MmePascalineMENONO(Interviewdu14juillet
2000),lesviolencesconjugalesontpourrsultat"l'inscuritd'trefemmedansunesocit
violente",puisquelafemmeestendangertantdanslasphreprive(violparunmariqui
rentre tard, puant l'alcool ou par un frre de celui-ci) que dans la
sphre publique o elle est soumise au droit de cuissage, au viol et
au harclement. Il n'y a plus de diffrence entre flirt, amour, viol,
harclement etc. La consquence, c'est le "confinement dans l'espace,
l'isolement et l'inscurit affective" (Observatoire, 2:17). * La
prostitution et la pdophilie
AYaound,laprostitution,comprisecommelefaitdelivrersoncorpsauxplaisirs
sexuels d'autrui, moyennant paiement en argent ou en services
divers, implique gnralement
desfemmes,desjeunesfillessanstravail,desfemmesabandonns,divorcesoumaries,et
tout rcemment des tudiantes et lves des lyces et collges (NGA
NDONGO, 1975 : 89).
C'estdoncuneformededlinquanceessentiellementfminineetqui,parexemple,en1975
dj,touchaitprsde20%desfemmesduquartierBriqueterie8danslatranched'ge
comprise entre 15 et 30 ans (NGA NDONGO, idem : 91). La
prostitution Yaound se pratique sous quatre formes principales,
savoir : -La prostitution extrieure. Ici, les prostitues racolent
sur la voie publique (au lieu
dit"Marchmondial",dansletrianglecomprisentrelaChambredeCommerce,l'Htelde
Ville et la Direction des Impts), dans les bars et lieux de
loisirs, les restaurants etc. Ce sont les "amazones" de Yaound.
-Laprostitutionentablissements:denombreuxhtelsetaubergessont
notoirement des lieux de "sieste" et de prostitution ;
8 Voir infra, la Briqueterie comme quartier mal fam.
7-Laprostitutiondomicile:informelle,dguise,elleestentretenuepardes
femmes tenant dans leurs maisons un commerce de boisson ou de
nourriture (on les appelle ici "circuits ou "chantiers"). Les
tenancires sont elles-mmes des prostitues quand elles ne servent
pas d'intermdiaires entre leurs clients et les autres prostitues.
-Laprostitutionadultrine:elleestcaractristiquedeshommesmarisetriches
qui,abandonnantleurfoyerconjugal,entretiennentcequ'onappellele"deuximebureau",
c'est--direunsecondfoyernonofficiel.Leurrichesseleurpermetdecouvrirl'amantede
toutes les largesses : villa cls en main ou loue, voiture, voyages,
argent etc. En ce qui concerne la pdophilie, elle est d'apparition
rcente et ses indicateurs sont
encoretrspeuconnus.Sesvictimesserecrutentsurtoutparmilesenfantsdelarue9.
L'opinion l'attribue gnralement aux touristes et trangers. a.3. Les
formes spcifiques de dlinquance
Lesformesci-dessusdcritesressortissentauxexpressionstraditionnellesdela
dlinquance.Celle-cipeutaussirevtirdesformesparticuliresdont,entreautres,la
dlinquance conomique et la dlinquance routire. a.3.1. La dlinquance
conomique Cette forme de dlinquance a notamment prospr la faveur de
la crise conomique
survenueaumilieudesannes80,etquiavul'mergenceduphnomnequeles
Camerounaisappellentla"feymania".Le"feyman",c'estleprototypedudlinquant
conomique:moralitdouteuse,niveaud'ducationsommaire,desolidesrelationsdans
divers milieux politiques, enrichissement soudain et fulgurant,
train de vie tapageur etc. Il n'est pas impossible que la
'feymania" ait partie lie avec les rseaux mafieux, de corruption et
de grande dlinquance. a.3.2. La dlinquance routire Cette forme de
dlinquance concerne la circulation routire et les modes de
transport
dontlasituationestextrmementdifficileYaound.Celle-ciestmarquelafoisparle
mauvais tat gnral des routes, l'absence d'une signalisation fiable
et, d'une manire gnrale, d'un plan de circulation de la ville,
l'existence de rseaux d'attribution des permis de conduire, l'tat
de vtust et le mauvais entretien des vhicules de transport,
phnomnes auxquelles il
fautajouterlecomportement"villageois"etlesincivilitspermanentesdeschauffeurs,
vritables "fous au volant". b)Les facteurs de l'inscurit
Quelssont,prsent,lesfacteurs,c'est--direlescausesdeladlinquanceetdela
violence et, partant, de l'inscurit ?
Habituellement,onattribuel'inscuriturbainedescausesd'ordreconomique,
sociales, environnementales et institutionnelles. De fait, Yaound,
l'inscurit s'inscrit dans le contexte d'une socit en crise, avec
pour indicateurs : b1. Une croissance dmographique mal matrise
Yaoundestpassede72.000habitantsen19602.000.000enl'an2000,avec,
l'horizon 2010, une projection de 2.500.000 habitants. Cette
situation dmographique n'est pas
9 Voir infra.
8sanseffetsurleclimatsocialdansunevilleovoluent,souventdanslapromiscuitet
l'anonymat, une foule d'hommes et de femmes, de tribus et de
peuples, de races et de religions les plus divers et dont les
itinraires, les intrts et les stratgies divergent, voire
s'opposent, s'affrontent. b2. La cruaut de la ville
Pourbeaucoupdecitadins,ilestvrai,vivreYaounds'apparenteuncombat
quotidien, une sorte de "struggle for life". La cruaut de la ville
rejaillit, en particulier, sur la famille et la jeunesse. Depuis la
crise conomique et les effets de l'ajustement structurel, la
cellule familiale est entre dans un processus de destructuration
acclre, avec pour principales consquences
graveslerelchementdel'encadrementfamilial,l'affaiblissementdel'autoritparentale
incapabledsormaisdesubvenirauxbesoinsdesenmatired'alimentation,desantetde
scolarisation.Lesparentsnepsentplusbeaucoupsurleprocessusdesocialisationdeleurs
enfants qui trs, vite, se fixent d'autres modles et repres thiques
gnralement proposs par des publications faisant l'apologie de la
violence, du crime et de l'immoralit10. b.2.2. Jeunes en difficult
: chmage et flaux sociaux
10 Voir infra : Les mdias. Lesjeunesenchecviennentrejoindre,
pourainsidire,danslagalre,lesautresjeunes issus de l'exode rural et
qui, fuyant le village, sont
arrivsenville,enquted'une"viemeilleure",
selonlemotduchanteurAndrMarieTALA. Mais trs vite, le jeune
campagnard s'aperoit que Yaound,vueduvillage,n'taitqu'unrve,un
mythe.Hormisl'individualisme,l'gosmeetla
ruptureduliensocial,ildcouvrequ'Yaound,
villevocationessentiellementadministrativeet
politique,trouveruntravailouunemploien
dehorsdelaFonctionPubliquen'estpaschose
facile:30%desdemandeursd'emploisont,en 1998, des jeunes de moins de
24 ans. Bienplus,exposauxagressionsdu
climat,lejeuneendifficultestaussienproie
nonseulementdenombreusesmaladies
contagieusestellesquelesMST/SIDAetla
tuberculosemaisdesflauxsociauxcommela
prostitution,latoxicomanie,l'alcoolismeetla
pdophilie.Lespluscourageuxd'entrelesjeunes
endifficults'oriententverslesactivitsdu
secteurinformel,avecdessuccsrelatifs,tandis
qued'autreschoisissentdedevenirdesvecteurs
delaviolenceetdel'inscuriturbaines.Atitre
d'illustration,27%desdtenusdesprisons camerounaisessonten1996,des
jeunes,citadinspourlaplupart,de moins de 18 ans (PNUD, 1998).
Prostitution : un mtier hautsrisques 9 (Observatoire N2, Page 6)
b.2.3. Exclusion sociale et pauvret
Atoutcequiprcde,ilconvientsansdouted'ajouterl'exclusionsocialeetla
pauvret qui sont le lot quotidien de la majorit des citadins.
Exclusionetpauvrets'exprimententermesdechmagecertes,maissurtout
d'inaccessibilitauxservicessociauxlespluslmentaires:eaupotable,lectricit,
tlphone, logement etc. Certains secteurs de la ville sont tellement
enclavs et sous-quips
10qu'ilss'apparententceszonesdenondroitqu'onrencontreenAmriqueLatine,vritables
"chaosborns"o,selonOlivierDOLLFUS,les"populationssontlesproiesdegroupes
insurgs,debandesarmes,quisecombattentetquiprennentenotagecespopulations".
L'exemple de Yaound (quartier Briqueterie ou alentours de
l'immeuble dit de la mort, avant sa scurisation par la construction
d'une clture) illustrent bien ce propos et montrent le degr
paroxystique atteint par l'inscurit dans cette mtropole.
Certainesfamillesetcertainsindividusviventdansundnuement,dansuntatde
pauvrettelsqu'ilsn'ontpassouventd'autresolutionqued'allervoler:"Quandunjeunea
faim, il n'coute plus les conseils que vous lui prodiguez, ou
l'ducation que vous lui donnez. Il s'en va voler pour vivre. Ces
jeunes ont un problme essentiel : c'est l'alimentation" (M.
ZINGUIdel'ASSEJA,entretiendu14juillet).D'autresrecourentlaprostitution,quipeut
devenir ainsi pour la famille, la seule source de revenus : ou
pratique la prostitution pour vivre
etfairevivresafamille,descendants,ascendantsoucollatraux__avectouslesrisquesdu
mtier (voir Encadr). b.2.4. largissement de la fracture sociale
Onpeut,certes,n'tabliraucunerelationdecauseeffet,entrelapauvretet
l'inscurit:"lapauvretneconstituepasunecausedeladlinquance"(F.
VANDERSCHUREN,2000:3),iln'endemeurepasmoinsquelacriseconomiqueaidant,
onassistecommeunlargissementdelafracturesociale,avecdesgensdeplusenplus
pauvresetdmunisetdesgensdeplusenplusrichesquiaudemeurant,n'hsitentpas
exposer,demanireostentatoireetprovocante,leursrichessesetleursbienssouventmal
acquis,entranantainsil'"irruption"(Jean.MarcELA,1998)oularvoltedespauvres.Ilest
significatif, cet gard, que l'un des biens les plus priss par les
voleurs soit prcisment l'un
dessymbolesdel'mergencedesnouveauxriches,savoirlavoiturejaponaise"Land
Cruiser" V6. b.2.5. Anomie sociale et impunit
Quoiqu'ilensoit,l'unedescausesprincipalesdudveloppementdesdiffrentes
formes de dlinquance, c'est l'anomie dans laquelle semble voluer et
se complaire la socit
camerounaise.Motd'originegrecqueetintroduitparlesociologuemileDURKHEIM,
l'anomie(a-nomos,sansnorme),signifielafoisl'absencederglesoudenormessociales,
leur affaiblissement ou leur caractre contradictoire, de sorte que
les acteurs sociaux ne savent plus comment diriger leurs conduites,
ce qui est juste ou injuste, ce qui est permis ou interdit.
Ledveloppementanarchiquedesquartiersspontans,l'occupationsauvagedela
rue,participentdecetteanomiequiapourcorollairesl'impunitetl'incivisme.Mme
Pascaline MENONO relve : "Il y a un malaise, nous vivons dans un
systme o les valeurs
sontencrise.Etcettecriseestentretenueparl'tat.Ilyaunecomplicitdupouvoirdans
l'inscurit" (entretien du 14 juillet 2000). b.2.6. La
mondialisation Ce qu'on appelle la mondialisation, caractrise
notamment par la globalisation, n'est pas sans lien avec
l'inscurit. La globalisation des conomies entrane aussi la
globalisation
delaculture,traverslesinforoutes.Ilenrsultencessairementunetransversalitetune
11transnationalit des phnomnes tels que la violence, la circulation
des armes, les rseaux de drogues etc.
LeCameroun(etlavilledeYaound)n'estplus,commehier,unsimplepaysde
transit de la drogue, il est devenu, notamment travers les jeunes
en difficult des villes, un pays de consommation. c)Les vecteurs de
l'inscurit On peut distinguer, parmi les vecteurs de l'inscurit
Yaound (et sans prtention l'exhaustivit) : des groupes sociaux des
zones risque et quartiers chauds des points chauds de la
circulation c1. Principaux groupes sociaux lis l'inscurit : Il
s'agit notamment :
desjeunesendifficultquirecourentlaviolenceouladlinquancecomme
solutionleursituation(jeunesdsuvrs,sansemploi,enfantsdelarue,
prostitues etc) ;
desmendiantsinstallsauxabordsdesgrandessurfacesettablissementsde
commerce, et qui souvent, n'hsitent pas agresser les passants pour
tre servis ;
desfousquicirculentlibrementenvilleetdontcertainssontparticulirement
agressifs : le 7 juillet 2000, l'un d'eux a bris le para-brise
arrire de la voiture d'un enseignant au lieu dit "Bonamoussadi"
(voir infra "zones risque"). Des chauffeurs de taxis, surtout les
remplaants, qu'on appelle "attaquants" et dont
certains,del'avisduCommissaireCentral,(entretiendu12juillet)auraientpartie
lie avec des gangs (certains de ceux-ci oprent bord de taxis). c2.
Des tribus ou ethnies risque ? L'imagerie populaire et certaines
tudes tentent montrer qu'il existerait des peuples
ayantdesprdispositionsouunecertainepropensionsoitladlinquance,soitla
criminalit. C'est ainsi, par exemple, que : les Bamilk sont indexs
pour l'insalubrit (A.S. ZOA, 1995) les Ewondo et les Boulou sont
indexs pour l'alcoolisme, les Eton et les Moundang sont considrs
comme auteurs principaux des violences conjugales (F. BOPDA, 1997)
; les Bassa passant pour tre palabreurs et ferms toute ngociation ;
les peuples du Grand Nord ports vers l'usage systmatique des armes
blanches
certainstrangers(Nigrians,Rwandais,Burundais)sontaussimalperus,et
souponns d'tre lis au trafic des ossements humains.
Cesimagessontsansdouteexagres.Maislacultureethniquenedisparatpas
totalementenville,et"certainsAfricainsviventenville,avecunemed'indignes"(JM.
ELA, 1983). c3. Principales zones risques
Leszonesrisquecomprennentdesquartiersspontans,desquartierschauds,des
lieux reconnus ou rputs comme tels. 12 c.3.1. Quartiers spontans Ce
sont des quartiers construits en dehors des rgles d'urbanisme et
qui ressortissent ce qu'on appelle l'urbanisation anarchique.
Celle-ci prcde gnralement l'urbanisme.
Lesquartiersspontansnaissentl'intrieurdelaville,surleflancdescollines
(commeMbankolo)oudansleszonesmarcageuses,commeMokoloElobi,TsingaElobi
("Elobi"signifiemarcage).Ils'agitldeszones"nonaedificandi",interditesla
constructionetquiexposentdesrisquesdivers:intempries,boulements,maladies
tropicales, inondations, secousses sismiques etc). c.3.2. Quartiers
et secteurs chauds
Danslesquartiersetsurleslieuxchauds,lascuritdeshommesetdesbiensest
constamment menace. On peut identifier, titre indicatif, comme
quartiers d'abord : * La Briqueterie C'est le plus vieux quartier
de la ville. Trs cosmopolite, il porte aussi toutes les tares de la
ville : urbanisation anarchique, promiscuit. De nombreuses analyses
montrent que c'est
unhautlieudelaprostitutionetdetraficdetoutessortes(ABEGA,MFOULOUetNGA
NDONGO, 1994). Certains secteurs (comme la Briqueterie Est)
s'apparentent des zones de non droit. * Mvog - Ada
Connupoursesbellesdenuitetsesbarsdancings(Lido-Bar,TonnerreBar,Fanta-Citron
Bar etc), Mvog-Ada abrite aussi, dans ses bas-fonds, le long de la
voie ferre, une zone
denondroitovoluentimpunmentdesbandesdejeunesdontlesportfavoriestla
consommation de la drogue. * Biyem-Assi-Mendong
:Cits-dortoirsoontdjeulieudenombreusesagressionsmortelles.Comme
ailleurs, en France notamment, ce genre de cit-dortoir est un
secteur chaud par nature. * Emana Quartier de recasement qui a
connu, ces dix derniers mois, les assassinats de quatre enfants
d'une mmefamille et du Trsorier Payeur d'Ebolowa (cf. plus haut).
*Bonamoussadi:c'estunquartierjouxtantlacituniversitairedontilestle
prolongement,puisqu'ilabritedenombreuses"mini-cits"prives.C'estunhautlieudela
prostitutionestudiantine(C.BOLLE,1999).Onlesouponneaussid'treunezonede
circulation de stupfiants.
*Ntaba:Quartiertotalementenclav,c'estundes"chaosborns"delaville.M.
ZINGUII(entretiendu14juillet)tmoignequeNtabaest"unrepredebandits"puisqu'ila
eu,en1998,lasuited'unvoldontilatvictimeauxabordsdecequartier,yfaire
intervenir la police.
*Kodengui,lequartierabritantlaprisoncentraledeYaound,grandfoyerdu
banditisme et de la dlinquance. c.3.3 Lieux chauds A ces quartiers
chauds s'ajoutent des lieux particulirement difficiles comme : 13*
L'avenue Kennedy, lieu d'implantation des enfants de la rue, des
jeunes dsuvrs et "dbrouillards" ; * Etoa Meki (ou littralement, la
"place du sang"). Il s'y est droul plusieurs scnes de vol et de
braquage de commerces, voire d'agression physique. * Les marchs :
Lesdiffrentesplacesdemarchsontdespointsparticulirementchaudsnon
seulement cause du dsordre qui y rgne (exemples des marchs de
vivres du Mfoundi et de Mokolo) mais aussi des voleurs de tout
acabit qui y svissent, en qute de proies ; * Les gares routires :
Elles sont l'identique des marchs. La gare routire est le lieu
d'lection des jeunes
dsuvrsquiviennents'y"dbrouiller":disputes,bagarres,alcooletcrythmentleur
quotidien. *Les gares ferroviaires
Lesgaresconstituentdeslieuxdefrquentationdesjeunesdsuvrsetdes
"dbrouillards".Lerailjoued'ailleursunrleimportantdanslesfluxmigratoiresvers
Yaound, mais aussi Douala, de nombreux jeunes originaires du Grand
Nord, principal foyer metteur des enfants de la rue dans la
capitale camerounaise. c.3.4. Points chauds de la circulation L'tat
de lavoirie ajoutaucomportement dlinquant des citadins et des
chauffeurs
gnredesdifficultsauniveaudelamobiliturbaineetdelafluiditdutrafic,avecpour
manifestations de nombreux points chauds et embouteillages :
Carrefour Mvog-Mbi, la sortie Sud de la ville Zone intrieure du
March Central March d'Etoudi March d'Essos March de Mokolo
Carrefour "Tam-Tam Week-end" Carrefour Mvog Antangana Mballa. B.
LES ACTEURS ET LEURS STRATGIES FACE LA VIOLENCE
Voil,brivementprsent,l'tatdeslieuxdel'inscurit.Maisquelleestl'attitude
oularactiondesdiffrentsacteurssociauxfacel'inscurit?Quelstypesderponse
donnent-ils ce phnomne ?
Sanstreexhaustif,onpeutidentifieruncertainnombredescatgoriesd'acteurs
urbains cls, qui essaient de s'organiser contre l'inscurit, savoir
:-l'tat pouvoirs public -la socit civile -les autorits morales et
traditionnelles -la population 1)L'action de l'Etat Dans le cadre
de l'action de l'Etat dont l'une des missions rgaliennes est
d'assurer la scurit des citoyens et de leurs biens, il y a lieu de
retenir d'une part, les engagements et les
14dcisionsduPrsidentdelaRpubliqueet,d'autrepart,lesactionsdesdpartements
ministriels. Le Chef de l'tat a marqu, plusieurs fois, sa
proccupation pour la scurit dans les
mtropolescamerounaises.Dansundiscoursprononc,le2octobre1997,Maroua,ila
notammentdclar:"Jem'engageamliorerlascuritdansnosvilles,rhabiliterla
voirie, les adductions d'eau et les systmes de fourniture
d'lectricit, amliorer la salubrit".
Le11octobre1997Douala,parlantdesnombreuxdfisquiinterpellentle
Cameroun, il situe celui de l'urbanisation acclre parmi les tout
premiers relever
:"Lepremierdecesdfis,c'estceluidel'urbanisationacclre;c'estaussiledfi
majeurdetouslespaysencettefindesicle.Touslespayssontaujourd'huiconfronts
l'expansionacclredesgrandesmtropolesurbaines.Douala,avecplusde3millions
d'habitantsdansunedcennie,n'chappepaslargle.D'autresvillesdupayscommencent
aussi connatre ce problme. Tout est faire ou refaire.
Ilfautentreteniretaccrotresanscesselesquipementsurbains,leschausses,les
voiries, les btiments publics. Il faut aussi procurer toutes les
familles l'eau, l'lectricit, le tlphone ainsi que des dispensaires
et des coles de proximit pour les enfants. Il faut surtout
garantirtousleshabitantslascuritetlatranquillitncessaireslapoursuitedeleurs
activits;l'inscuritgrandissanteestunflaudanstouteslesgrandesvilles;c'estun
phnomne mondial. Nous devons savoir l'affronter et engager une
lutte sans merci contre le grand banditisme".
Joignantl'actelaparole,leChefdel'Etataprisuncertainnombrededcisions
significatives dont : * La cration, par dcret n97/205 du 7 dcembre
1997, d'un Ministre de la Villecharg, dans les villes de comptence,
d'une importante mission sociale consistant-en : -le dveloppement
social des quartiers, 15 -l'insertion sociale et professionnelle
des jeunes en difficult, -la prvention de la dlinquance, de
l'alcoolisme et de la toxicomanie, -le suivi des activits des
groupements informels.
*LeMinistredelaVille,traverssaSous-Directiondel'IntgrationSociale,a
men quelques actions dans le cadre de cette mission sociale :
-organisation, le 11 fvrier 1999, Yaound, l'occasion de la 34e Fte
Nationale de la Jeunesse, d'une "Causerie ducative" l'intention des
enfants de la rue, sur le thme : "Prvention des flaux sociaux"
-laboration, en cours, d'un "Plan d'Insertion des jeunes en
difficult" -laboration, en cours, d'un "Plan National de Prvention
des Flaux Sociaux"
*D'autresministresinterviennentdanscedomainedescurisationurbaine,tels
queleMinistredelaJeunesseetdesSports(insertion),leMinistredesAffairesSociales
(protection de l'enfant, de la famille et des personnes handicapes
et vulnrables), le Ministre 16de la Condition Fminine (promotion de
la femme), Ministre de l'Administration Territoriale
(Hygineetsalubrit,prventiondesrisquesetdescatastrophesnaturels),Ministrede
l'ducationNationale,Ministredel'EnseignementSuprieur,MinistredelaSant,le
MinistredelaDfense,auxquelsilconvientd'ajouterlaDlgationGnraledelaSret
Nationale.
*LeramnagementduGouvernementsurvenule20mars2000,avuarriverde
nouveauxresponsableslattedesstructuresdirectementchargsdelascurit
(Gendarmerie et Police), ce qui, de l'avis du Commissaire Central
de Yaound et du Directeur
del'EmploietdesStructuresauSecrtariatd'EtatlaDfense,sembles'tretraduitparun
relatif recul de l'inscurit (cf. entretien du 12 juillet 2000,
supra). 2) La socit civile A cot de l'tat, on note les rponses de
la socit civile, constitue essentiellement des mdias et des
associations a)Les mdias Il y a une triple attitude des mdias face
l'inscurit : -les mdias comme vecteurs de la violence -la violence
comme thmatique prfre des mdias -la violence comme simple sujet
d'information. a.1. Mdias criminognes Un certain type de mdias a un
rapport direct avec le dveloppement de la violence et
deladlinquance:cesontlesvidoclubs et la littrature pornographique
qui, en dpit de la
lgislationenvigueur,diffusent,librementetimpunment,desinformationsetdesscnes
faisant l'apologie du crime, de l'immoralit et du sexe. Bien sr,
les mdias ne crent pas la violence, le dbat est connu. Mais le
systme de reprsentations des jeunes ne leur permet pas encore de
distinguer la fiction de la ralit, et il
arrivesouventque,parunmcanismed'identificationauxhrosprojetssurlescrans,ces
jeunesreproduisent,danslavierelle,l'imaginairecinmatographique,traversleur
habillement, leur coiffure, leur comportement, leurs murs. En tout
cas, pour M. ZINGUI de l'ASSEJA (entretien du 14 juillet 2000),
"les vidos clubs sont, avec les lieux des jeux de hasard, de grands
foyers de dlinquance juvnile". a.2. Mdias ncrophiles
D'autresmdias,notammentlapresseprive,appartiennentlacatgoriedela
pressencrophile,dontlesprincipauxthmesportentsurlesang,lamort,laviolence,le
crime.C'estunepressequiversedansl'informationspectaclefaisantseschouxgrasetses
gros titres sur la criminalit et l'inscurit,. Pour elle, la
violence fonctionne comme un fonds de commerce. C'est pour toutes
ces raisons (souvent plausibles) que la Police ne la considre pas
comme son partenaire dans la lutte contre la criminalit. a.3. Mdias
d'information
Unetroisimecatgoriedemdiass'emploietoutsimplementrendrecomptedes
faits de criminalit (vols, braquages, assassinats) sans volont de
dramatiser. A cette catgorie appartiennent surtout les mdias
d'obdience gouvernementale. 17b)Les associations
Onpeutidentifierplusieurstypesd'associationsimpliquesdanslaluttecontre
l'inscurit, savoir :
-lesassociationsdedveloppementdesquartiers(hygineetsalubrit,
travaux d'investissement humain etc.) ;
-lesassociationsd'entraideetdesolidarit(tontines,groupesdevigilanceet
d'autodfense etc)
-lesassociationsouONGpourl'encadrementdesjeunesendifficult,par
l'ducation, la formation et l'assistance ;
-lesassociationsetONGpourladfensedesminorits,enparticulierles
femmes. 3)Les leaders sociaux Parmi les leaders sociaux, on peut
identifier notamment : a)Les autorits religieuses
LesleadersdesnombreusesreligionspratiquesauCamerounnesontpasrests
muetssurlephnomnedel'inscurit.L'glisecatholique,parlavoixdel'Archevquede
Yaound, est particulirement monte au crneau, non pas pour se
contenter de vux pieux, mais pour dnoncer et condamner, la suite de
l'assassinat des quatre enfants d'Emana :
"MonseigneurAndrWOUKING,archevquedeYaoundetprsidentdela Commission
diocsaine Justice et Paix, avec tous les membres de ladite
commission dnonce
etcondamnelecrimequiaplongdansl'horreurunefamillelasuitedel'assassinatde
quatreenfantsauquartierEmana-Yaound.Aulendemaindel'ouvertureduGrandJubil
marquantle2000eanniversairedelanativitdel'enfantJsus,encettesemaineol'glise
fte les Saints Innocents, la Commission diocsaine Justice et Paix
raffirme l'inviolabilit de
lavie,desdroitsdel'enfantetdelafamille.Ellerappellelacommunautnationaletout
entire une vigilance accrue pour le respect de la dignit humaine et
la dfense des groupes les plus fragiles". (in Cameroon Tribune du
30 dcembre 1999). Du ct des protestants, on observe la mme
proccupation et la mme attitude : "La violence est un pch. Elle est
interdite par les Saintes critures parce que c'est une atteinte
l'intgritdelapersonne.Faceelle,nousprnonslepardon,carc'estDieuseulquidoit
rendre justice". Mme attitude du ct des Musulmans. A Biyem-Assi, un
Imam s'exprime (entretien
du13juillet):"Dieuacondamnlaviolence.LatraditionduProphteacondamnla
violencequin'apportepaslapaixdanslasocit.Commenoussommesdesprdicateurs,
notre rle est d'instruire les fidles. Chacun doit viter de tomber
dans l'erreur. Comme entit, l'islam n'a aucun tort : le tort
revient aux humains. Mais la violence est une maladie qu'il faut
combattredsledbut,sinon,ellerisquedesegnraliser".Unautreleadermusulman
rencontrlaBriqueterie(13juillet)considrelaviolencecommelamanifestationde
"l'absenced'ducationspirituelle.Onnedonneplusdeleondemorale.C'taitdiffrent
notre poque. Depuis les annes 80, les enfants deviennent des
agresseurs dans les quatiers. Il y a aussi les effets du cinma, de
la tlvision".
S'agissantdesstratgiesconcrtesdelutte,cetImamprcise:"Onfaitdes
sensibilisations au niveau des mosques. On veut des modles. Un
musulman ne doit pas tre agressif. Lorsqu'on attrape un voleur, on
essaie de le raisonner. Si on ne peut plus, on le laisse l'Etat, la
police, l ajustice.Quandjevoisqu'onvatuerunbandit,lj'interviens,je
18demande, qu'on le conduise la police, on obit : il n'est pas dit
de tuer un voleur ; on ne peut pas se faire justice". b)Les
autorits traditionnelles
Cesproposdonnentdjuneidedecequisepassel'intrieurdesquartiers
proposdesstratgiesetdesrponsesfacel'inscurit.Avantd'observerlespopulations,il
conviendraitpeut-tred'essayerd'interrogerquelquesleaderstraditionnels,oude
communaut, sur les mcanismes de dfense et les stratgies dveloppes
dans les quartiers.
LeChefduquatierd'Elig-EffaItmoigne:"Onaorganisdescomitsdevigilanceafinde
matriserlestrangers,etavecquelquesnumrosdetlphone,contacterimmdiatementla
police ou la gendarmerie en cas de suspicion" (entretien du 13
juillet). A en croire le secrtaire d'une chefferie, c'est la mme
stratgie qui est mise en uvre la Briqueterie : "Il y a des comits
de vigilance qui ont t mis en pied. Il y a des dolances adresses au
Maire, au Commissaire, au Sous-Prfet, la Gendarmerie. On rclame la
surveillance dans
cesdolancesquelesforcesdel'ordrenousviennentenaide.C'esttraversdes
correspondances. Il y a l'opration Vautour avec l'aide du MINAT. Il
y a des descentes pour traquer les bandits en encerclant les zones
mines. Il y a dans des mosques des associations
dejeunespourlascurit.Oncroyaitquec'taitlemanqued'instructionetd'emploisqui
occasionnait cette inscurit et les agressions. A cet effet, on a
initi une chane de solidarit
ouZoumoultapouremployerlesjeunesdanslespetitsemplois.Vousallezvoirlesartisans,
ceux qui nettoient les rues avec le PSU" (entretien du 14 juillet).
On voit bien que la collaboration avec les forces de l'ordre
fonctionne. Un autre chef de quartier confirme : "Nous avons essay
d'organiser des comits de vigilance. On essaie de
matriserlesbanditsqu'onamneicilachefferiepourlessuivreverslesforcesdel'ordre,
mme si la population veut toujours se rendre justice. Si vous
tranez, on va tuer les bandits, parce que les gens ne croient plus
la police" (entretien du 14 juillet). 4)Les stratgies populaires
Les stratgies populaires varient de l'indiffrence ou de l'apathie
la justice populaire en passant par l'organisation et la solidarit.
a)Apathie Dans certains quartiers, la violence ne suscite aucune
raction. Comme le constate un tudiant habitant le quartier
Obili-Chapelle : "Rien n'a t fait dans ce secteur. La population
nesedrangepas.Aucuneaction,aucunestratgien'estmisesurpied"(entretiendu14
juillet). b)Organisation
Nonloindel,Bonamoussadi,lapopulations'estorganise,s'estmisepourainsi
dire en ordre de bataille, sur la base d'une division du travail
qui permet la femme de jouer un rle dans le dispositif de lutte
contre l'inscurit : 19"Nous avons adopt un systme d'autodfense pour
essayer de s'organiser en groupe
poursedfendre.Dsquel'inscurits'estcalme,legroupeacalm,c'taitungroupede
bnvolat. On a impliqu les tudiants et quelques voisins militaires
ou non par un systme de rotation de garde.Chacun avait un jour de
garde. Si on demandait de l'argent a chouait. La garde commence
minuit et finissait 6 h. On plaait les vigiles dans les 4 ples.
Dans ces ples il y avait des secteurs au niveau des pistes
possibles de sortie ventuelle des bandits.a
marchaitvraiment.Lesfemmess'occupaientducafetdelanourriturecommeellesne
peuvent pas garder dans la nuit.
Quandonattrapaitunvoleur,onl'envoyaitl'tatmajorconstitudevoisins
militaires et d'tudiants ou des gens du quartier. Ce n'est pas la
gendarmerie. C'est nous. Si on a cr cet tat major c'est parce que
certains voulaient tuer alors que d'autres taient modrs,
c'estdoncpourviterlesabusetlesatteintesauxdroitsdelapersonne"(entretiendu16
juillet). c)Justice populaire Souvent, c'est la justice populaire
qui prvaut. Quelques tmoignages : *Une tudiante : "Ici on a commenc
trs tt lutter contre ces cas en appliquant la justice populaire aux
voleurs" (Bonamoussadi, 15 juillet). * Une mnagre :
"Ilsontfaitunerunionl'issuedelaquelleilsontadoptl'autodfense.Aune
certaine heure il y a des gens qui entraient plus ici. On vous
demandait les liens qu'il y avait entre vous et celui chez qui vous
vous rendrez en vrifiant vos pices et vous accompagnait.
Quandtuentraisdanslequartier,ontefilait.C'estlestudiantsquilefaisaientetquelques
20autres personnes. Si tu ne participais pas physiquement tu le
faisais moralement. La solution
donnerauvoleurdpendaitdelagravitdumalparluipos.Onleconduisaitparfoisla
police. On le molestait, s'il y a doute on le laisse. Mais pour
certains il fallait le tuer et quand les preuves taient tangibles
soit, on le molestait, soit, on le tuait d'aprs l'avis de certains,
soit on l'amenait auprs des autorits". (Bonamoussadi, 14 juillet).
* Un tudiant :
"Ilyaeuachatdeslampadaires;chacuns'estappropriunsiffletetilyaeu
organisation en autodfense ; les chefs du quartier ne sont pas
intresss ici ; c'est pourquoi la population n'hsite pas appliquer
la justice populaire" (Briqueterie, 13 juillet). d)Perception des
autorits(Chefs de quartiers, police et gendarmerie etc.) Nombre de
tmoignages tendent montrer la mauvaise image globale, la perception
ngative globale que la population a non seulement des autorits
traditionnelles mais surtout des forces de l'ordre (en particulier
la police), ainsi que de la justice. Quelques tmoignages : * Une
commerante :
Aveclabaissedessalaires,chacunsedbrouille,toutlemondenemetpasle
paquet ; c'est le cas de la police. Pour la justice, je trouve
qu'il n'y a mme plus de justice au
Cameroun,c'estlaraisonduplusfort.C'estlajusticequiest'originedelaviolence"
(quartier Omnisports, 16 juillet). * Une mnagre : "La police ne
fait pas son travail. Elle privilge certaines personnes par la
corruption. La justice, parfois c'est bon, parfois c'est mauvais"
(Nsimeyong, 14 juillet). * Une commerante :
"Lapolicenenoussertrien.Ellefacilitemmelesagressionspuisqu'elleestau
courant mais ne fait rien. La justice ? Est-ce qu'il y a une
diffrence ? Ce sont des frres. Ils font la mme chose que leurs
frres policiers. Je me demande mme si ce ne sont pas eux qui nous
agressent". 5)Comment s'articulent les solidarits face l'inscurit ?
Lapopulationest-ellepourautantuniepourfairefacel'inscurit?Souventles
genssontsolidairesmaisilnes'agitpasd'unesolidarittoutepreuve.Ilyaparfoisdes
divergences quant la stratgie adopter :
"Lesgroupesd'autodfensedanscertainssecteursnefontpastched'huiledansla
mesure o parmi ces jeunes de l'autodfense, il y en a qui
connaissent les malfrats et ont peur de les dnoncer. Si la
population met la main sur le voleur, la justice populaire est
applique. Parfois il est conduit la police. Dans certains cas, les
gens sont irresponsables, ils rejettent la faute sur les autres en
attendant qu'ils soient eux aussi victimes" (Sans emploi,
Briqueterie, 13 juillet 2000).
Cesdivergencespeuvents'expliquerparledveloppementoul'existencede
complicits tacites entre certains individus et les dlinquants,
complicits dues souvent des
affinitsethniques,religieusesourgionalesquidemeurentvivacesenville,favorisantainsi
21unesortedetribalismeurbain.L'attitudefacel'inscuritpeutparfoisdpendredeces
facteurs sentimentaux et subjectifs. 6)Une scurit plusieurs
vitesses ? On distingue, ainsi, globalement, d'un ct, des stratgies
de scurisation populaires, plus ou moins nettement articules, et de
l'autre ct, des stratgies dveloppes dans le cadre
dessocitsdescuritprive,l'instardessocitsdegardiennage.Ilyauraitainsiune
scuritdesrichesfaceunescuritdespauvres,chacunseprocurantlascuritdeses
moyens.
Quoiqu'ilensoit,lessocitsdescuritprivessont,auCameroun,unsujetde
controverse,voired'inquitudequantauxdangersqu'ellespourraient,paradoxalement,
reprsenter,entantqueforcesparamilitaires(armementdeguerre,entranementintensifet
quasi-militaire) pour la scurit globale. Conscient de la situation,
le Gouvernement a fait
voter,en1997,uneloisurlessocitsdegardiennageprives(cf.JournalOfficieldu15
septembre 1997). C. QUELQUES PROPOSITIONS 1) Une approche globale
Lecasdessocitsdescuritprives, voiredesgardesoumilicesprives,posele
problmedelaglobalisationdelascurit.Celle-cinesauraittrepriveousectorielle,elle
nepeuttrequecollective,mmesi,selonlemotd'uneancienresponsabledelasret
nationale, "l'Etat ne peut pas mettre un policier derrire chaque
citoyen". 2) Une approche rgionale
LascuritYaounddoits'inscriredansuncontextegographiqueintgrantles
villes et les zones priphriques qui, bien souvent, constituent des
repres ou des secteurs de repli pour les dlinquants oprant dans la
mtropole. 3) Les mesures prendre a)D'une manire gnrale : Il n' y a
pas d'effet sans cause. Par consquent, il conviendrait d'agir sur
la cause pour agir sur l'effet.
Lacauseici,cesontlesfacteursgnrateursdelaviolenceetdel'inscurit:
exclusion, chmage, destructuration, gosme, destruction du lien
social etc. Il faudrait, cet effet, assurer :
-Lapromotionsocio-conomiquedesacteurssociauxendifficult(famille,
jeunesse), principaux vecteurs de violence ;
-ledveloppementdesinfrastructuressocialesdebasedanscertainsquartiers
particulirementchaudsetdifficiles:vg.Briqueterie,Mokolo-Elobi,Mvog-Ada,
Tsinga-Elobi et tous les nouveaux quartiers spontans. C'est dans
ces bidonvilles que se construit et se dveloppe la violence ; 22-la
solidarit et le renforcement du lien social dans les bidonvilles.
b)D'une manire spcifique, nous suggrons : -Des campagnes
permanentes, par tous les supports mdiatiques appropris (radio,
tl,afficheetc)deformationendirectiondesgroupesciblesainsique
l'organisation d'un programme de marketing social dans les
quartiers ;
-Lacrationdecentresd'accueil,d'couteetdeloisirspourlesjeunesen
difficult ;
-Lacrationde"polices"municipalespourlasurveillancedecertainslieuxdela
ville hautement frquents (vg. parcs, stationnements etc.) ; -La
cration de "polices" urbaines de proximit, pour la surveillance des
quartiers par les populations elles-mmes, avec l'appui de la police
et de la gendarmerie ; -En ce qui concerne le transport :
l'laboration et la mise en uvre concerte d'un
plandecirculation;l'organisationdusecteurdestransporteurspartaxis,parla
crationdettesdelignesetlasuppressionduprocddu"ramassage";la
normalisationetlascurisation du circuit de dlivrance des permis de
conduire ; l'interdiction de la circulation des "chauffeurs
attaquants". b) Mthodologie Comment procder ? Nous suggrons une
mthodologie intgre s'appuyant sur trois stratgies complmentaires :
b1. La stratgie rpressive Elle doit demeurer, titre dissuasif, pour
autant qu'il n'y pas de socit sans sanctions pour ceux qui violent
la norme. b2. La stratgie prventive et ducative
Elledevraittre,deloin,l'approcheprivilgier.Ladlinquance,sourcedela
violence,estlersultatd'uneducation,d'uneintgrationsociale,d'unesocialisationrates.
La socit doit elle-mme s'interroger, se remettre en cause, et donc
crer les conditions d'une intgration de ses membres.
C'estpourquoiilfaudraitintensifierlaprventioncontrelesflauxetlesmauxqui
alimentent, en amont, la violence et l'inscurit. b.3. La stratgie
participative et partenariale Violence et inscurit sont des
phnomnes complexes, transversaux. On ne peut s'y attaquer qu'avec
la participation et l'implication de nombreux acteurset partenaires
tels que :-les collectivits territoriales dcentralises, -la socit
civile (vg; chercheurs, associations), -le ONG, -les autorits
traditionnelles, -les leaders d'opinion divers, -les groupes
sociaux organiss, comme les associations de quartier,
-lesautoritsmoralesetreligieuses,incontournablesdansunprocessusde
socialisation, -les structures institutionnelles (Police,
gendarmerie etc.).
Cetteapprocheparticipativeseraitfondesurunpartenariatstructurer
juridiquement. 23 BIBLIOGRAPHIE 1.ABEGA, Prosper, 1989 : "Prtre la
Briqueterie", in Politique Africaine, n35, Paris, Karthala. 2.BOLE,
Christina, 1999 : "Prostitution amongst female students. A case
study of Bonamoussadi", mmoire INJS. 3.BOPDA, Florence, 1997 :
"tude sociologique du phnomne des violences conjugales sur les
femmes Yaound, mmoire, Universit de Yaound I. 4.ELA, Jean-Marc,
1983 : La ville en Afrique noire, Paris, Karthala. 5.MFOULOU Jean
et al. , 1994 : "valuation participative de la pauvret Yaound"
Enqute pour la Banque Mondiale. 6.NGA NDONGO, Valentin, 1975 :
"Ethnosociologie du bar Yaound", mmoire de DES de Sociologie,
Universit Fdrale du Cameroun. 7.PNUD, 1998 : La pauvret au
Cameroun. 8.ZOA, Anne-Sidonie, 1995 : Les ordures Yaound, Paris,
L'harmattan.