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363
É G Y P T E C H R É T I E N N EE T A R A B E
Chronique�d’Égypte LXXXVIII (2013), fasc. 176 – doi:
10.1484/J.CDE.1.103764
(*) Nous remercions Jean Gascou pour sa lecture critique d’une
version préliminaire de ce travail.
(1) Le document a été découvert dans le kôm est, cadrant D3,
dans les couches supé-rieures, le 6 février 2007. Une image du
papyrus a été publiée dans D. MINUTOLI, « Recu-pero e restauro dei
papiri nelle campagne di scavo 2003-2007 ad Antinoe »,
Antinoupolis�I (Florence, 2008), pp. 75-99, en part. p. 78.
(2) Les entagia de Nessana ont été rédigés dans les années 670
(P.�Ness. III 60-67).(3) Sur le personnage, voir en part. U.
RIZZITANO, « ̔ Abd al-῾Azīz b. Marwān, governa-
tore Umayyade d’Egitto 65/85 Eg.-685/704 d. Cr. »,
Rendiconti�dell’Accademia�Nazionale�dei� Lincei�8, 2 (1949), pp.
321-347 et W. KUBIAK, « ̔ Abd al-῾Azīz ibn Marwān and the Early
Islamic Building Activity and Urbanism », Africana�Bulletin 42
(1994), pp. 7-19.
(4) Sur ce personnage, voir en part. C.F. ROBINSON,
῾Abd�al-Malik (Oxford, 2005).
Un entagion bilingue du gouverneur ꜥAbd al-ꜥAzīz ibn Marwān
trouvé à Antinoé
Lors de la campagne de fouilles menée à Antinoé en 2007, un
entagion bilingue grec-arabe a été mis au jour dans la nécropole
nord du site (1). Le document est adressé par la chancellerie du
gouverneur ῾Abd al-῾Azīz ibn Marwān aux habitants du village
d’Hakôris. On exige d’eux qu’ils four-nissent, dans le cadre des
opérations militaires de l’empire, deux marins, avec des vivres,
pour une durée de deux mois. Le texte, daté de ḏū�al-ḥiǧǧa�74 h.,
avril-mai 694, est intéressant à plus d’un titre : il s’agit
d’abord de l’un des plus anciens entagia bilingues trouvés en
Égypte (2), mais aussi de l’un des rares documents émis par le
gouverneur ῾Abd al-῾Azīz. Ensuite, il fait partie des ordres de
paiement, peu nombreux, relatifs à des réquisitions d’hommes. Sa
provenance enfin permet de mieux cerner l’usage de ces documents et
par là de mieux saisir les procédures adminis-tratives et les
rouages de la fiscalité à la fin du VIIe et au début du VIIIe
siècle de notre ère.
Fils cadet du calife Marwān ibn al-Ḥakam (684-685), ῾Abd
al-῾Azīz reçut la charge d’administrer l’Égypte (3), tandis que son
frère aîné, ῾Abd al-Malik, succéda à leur père comme calife (4). Le
gouvernement conjoint des deux frères marque le début de la période
marwanide, étape
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364
ÉGYPTE CHRÉTIENNE ET ARABE
(5) On notera que c’est aussi à cette époque que se fixent les
traditions religieuses musulmanes, ainsi que le texte du Coran, cf.
A.L. DE PRÉMARE, « ̔ Abd al-Malik ibn Marwān et le processus de
constitution du Coran », Die�dunklen�Anfänge.�Neue�Forschun-gen�
zur� Entstehung� und� frühen� Geschichte� des� Islam (Berlin,
2005), pp. 179-210 ; J.L. BACHARACH, « Signs of Sovereignty: The
Shahāda, Qur᾿anic Verses, and the Coinage of ῾Abd al-Malik »,
Muqarnas 28 (2010), pp. 1-30.
(6) Voir sur le sujet M. BATES, « History, Geography and
Numismatics in the First Century of Islamic Coinage », Revue�
suisse� de� numismatique 65 (1986), pp. 231-262 et L. TREADWELL, «
“Mihrab and ῾Anaza” or “Sacrum and Spear”? A Reconsideration of an
Early Marwanid Silver Drachm », Muqarnas 22 (2005), pp. 1-28, en
part. pp. 1-3.
(7) À l’exception bien sûr des protocoles, cf. p. ex. CPR III
3-11 et SB III 7240. On notera que le papyrus P.�Ryl.�Arab. I sect.
15, 59 (W. DIEM, « Der Gouverneur an den Pagarchen. Eine verkannter
arabischer Papyrus vom Jahre 65 der Hiǧra », Der� Islam 60 [1983],
pp. 104-111) a bien été écrit sous le gouvernorat de ῾Abd al-῾Azīz,
mais rien ne dit qu’il a été émis par le gouverneur lui-même. Il
pourrait en effet s’agir d’une simple corres-pondance entre
officiels.
(8) A. MERX, Documents�de�paléographie�hébraïque�et�arabe
(Leyde, 1894), no 12.(9) W. DIEM, « Einige frühe amtliche Urkunden
aus der Sammlung Papyrus Erzherzog
Rainer (Wien) », Le�Muséon 97 (1984), pp. 109-158, en part. pp.
111-116.(10) N. GONIS & F. MORELLI, « Two Entagia in Search of
an Author », BASP� 39
(2002), pp. 17-25, en part. pp. 17-21.
fondamentale dans l’évolution de l’empire musulman, entre autres
en ce qui concerne l’administration des provinces conquises (5).
Tous les signes extérieurs du pouvoir acquièrent une nouvelle
identité à cette époque, suite à la politique d’arabisation et
d’islamisation menée par les dirigeants, en particulier par le
calife. Ainsi, c’est entre 72 et 77 h. (691-697) que sont frappées
les premières monnaies strictement musulmanes – c’est-à-dire des
pièces qui ne sont pas des imitations d’exemplaires byzantins – et
entre 77 et 79 h. (697-699) que l’on bat les premières monnaies du
type dit « épigraphique non figuré » (6). De la même manière,
l’administration de cette époque rompt avec les pratiques
anté-rieures, notamment dans les protocoles, ces timbres fiscaux
écrits sur la première page des rouleaux de papyrus. Jusque-là
écrits en grec, en conservant l’écriture perpendiculaire des
exemplaires byzantins, les pro-tocoles deviennent bilingues,
grec-arabe, et adoptent des formules musulmanes. Parallèlement,
apparaissent les premiers documents admi-nistratifs écrits en arabe
et traduits en grec, dont l’entagion d’Antinoé, daté de 694,
constitue l’un des exemplaires les plus anciens. La rupture avec
l’empire byzantin est désormais consommée.
Nous ne possédions jusqu’à présent que quatre entagia de ῾Abd
al-῾Azīz, sinon absent de la documentation papyrologique (7) :
P.�Merx, daté de 78 h., soit 697/698 (8), P. Vindob. Inv. A.P. 355
et 356, dont la date précise est perdue (9) et P. Yale Inv. 71,
sans doute daté de 693 (10).
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365
UN ENTAGION BILINGUE
(11) P. Stras. Inv. arabe 366, déjà signalé par C.H. BECKER,
Papyri�Schott-Reinhardt�I (Heidelberg, 1906), p. 114. A. Delattre
et N. Vanthieghem préparent l’édition et le com-mentaire de ce
texte, découvert en même temps qu’un second entagion, copte cette
fois, émis par Flavius Atias.
(12) Les seuls entagia qui concernent des réquisitions d’hommes
sont, à notre connais-sance, P.�Lond.�IV 1410 (710) et SB XVIII
13218 (713). On trouve cependant des lettres de Qurra ibn Šarīk qui
font allusion à des entagia envoyés pour mobiliser des hommes, cf.
p. ex. P.�Lond. IV 1342 ; 1366 et 1376.
(13) Réédités dans A. DELATTRE, « Cinq entagia coptes », APF 54
(2008), pp. 79-86 (= SB�Kopt. IV 1781-1783). Des entagia ont aussi
été découverts dans la tombe thébaine 29, mais il s’agit de papyrus
réutilisés pour noter des laissez-passer émis par des autorités
villageoises. Ces entagia coptes ont donc sans doute été expédiés
aux destinataires avant d’être réutilisés dans le cadre de
l’administration locale. Les documents seront publiés par A.
Delattre et N. Vanthieghem.
(14) On pourrait se demander pourquoi le document a été
découvert dans la nécropole du site et non dans la ville elle-même.
Cette provenance particulière est sans doute fortuite : selon toute
probabilité, le document a été dans un premier temps archivé dans
les bureaux
Les trois premiers sont écrits en arabe, mais devaient
vraisemblablement comporter à l’origine une partie grecque,
aujourd’hui perdue, peut-être délibérément coupée par les marchands
modernes. De même, le dernier est rédigé en grec, mais constitue
sans doute la partie inférieure d’un bilingue. Il faut y ajouter
désormais notre texte, le premier exemplaire dont des fragments
arabes et grecs subsistent. On peut encore mentionner un entagion
arabe-grec inédit du même gouverneur, conservé à la Biblio-thèque
Nationale et Universitaire de Strasbourg et daté de rabī῾ II 76 h.,
19 juillet - 17 août 695 (11).
Le second point d’intérêt du document d’Antinoé touche à son
contenu même. L’ordre de réquisition se distingue de la plupart des
autres docu-ments du même type, car il ne s’agit pas ici de payer
une taxe quelconque ou de livrer quelque subsistance à l’armée
musulmane, mais plutôt de fournir des hommes qui serviront dans la
flotte de l’empire. Jusque-là, seuls quelques entagia concernaient
des réquisitions d’hommes (12).
Enfin, la provenance du texte constitue aussi un élément
important. L’entagion d’Antinoé est l’un des rares documents de ce
type trouvés en contexte archéologique ; en effet, seuls trois
entagia coptes d’Hakôris proviennent de fouilles scientifiques
(13). Notre texte est justement adressé aux habitants de ce
village, mais c’est à Antinoé qu’il a été mis au jour. On peut dès
lors reconstituer ainsi le cheminement du document : l’enta-gion�a
été écrit à Fusṭāṭ, dans les bureaux du gouverneur, et a été
expédié ensuite à Antinoé, capitale de la pagarchie dont dépend
Hakôris. Bien qu’adressé aux habitants du village d’Hakôris, il est
donc resté dans la cité (14). Il semble dès lors que les
entagia�bilingues étaient destinés à ne
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366
ÉGYPTE CHRÉTIENNE ET ARABE
de la pagarchie avant la dispersion des papiers, dont certains
ont fini par échouer dans la nécropole voisine. On notera que
plusieurs autres documents fiscaux de la fin du VIIe et du VIIIe
siècle ont été trouvés dans la nécropole (cf. A. DELATTRE & R.
PINTAUDI, « Les archives de Paule, fils de Petros, de la rue du
Sauveur », Antinoupolis II, à paraître).
(15) Quelques entagia grecs écrits par des pagarques mentionnent
l’epistalma, « l’ordre » du gouverneur (CPR VIII 74, 4 et SB XXVI
16797 [= SPP VIII 1082, 4 ; N. GONIS & F. MORELLI, « A
Requisition for the ‘Commander of the Faithful’: SPP VIII 1082
Revised », ZPE 132 (2000), pp. 193-195]). Il doit donc s’agir de
documents émis par la pagarchie à partir des entagia bilingues
arabe-grec. Ces documents proviennent du Fayoum, où le grec a pu se
maintenir plus longtemps qu’ailleurs.
(16) L. CASSON, « Tax-Collection Problems in Early Arab Egypt »,
TAPA 69 (1938), pp. 274-291, en part. pp. 275-279.
(17) T.S. RICHTER, « Language Choice in the Qurra Dossier »,
The�Multilingual�Experi-ence� in� Egypt,� from� the� Ptolemies� to�
the� Abbasids (Farnham, 2010), pp. 189-220, en part. pp.
214-217.
(18) N. GONIS, « Reconsidering Some Fiscal Documents from Early
Islamic Egypt III », ZPE�169 (2009), pp. 197-208, en part. pp.
197-199.
circuler qu’entre l’administration centrale de la capitale et
des relais admi-nistratifs importants, comme les pagarchies. Ils
n’étaient pas directement transmis aux destinataires mentionnés
dans le document. Au moment de faire parvenir l’ordre aux
contribuables, le bureau de la pagarchie émettait un nouvel
entagion adressé au village, écrit en copte cette fois, du moins
dans la région d’Antinoé (15). Cette procédure, mise en évidence
par L. Casson (16), et récemment par T.S. Richter (17), permet
ainsi d’ex-pliquer pourquoi les entagia bilingues arabe-grec émis
par le gouverneur Qurra ibn Šarīk, bien qu’adressés à divers
destinataires, ont été, selon toute vraisemblance, conservés
ensemble dans un bureau administratif d’une pagarchie, où ils ont
été découverts par les fouilleurs clandestins. Les deux entagia de
Strasbourg Inv. arabe 366 A et B confirment en quelque sorte cette
procédure : à l’intérieur de l’ordre bilingue de ῾Abd al-῾Azīz ibn
Marwān était glissé un entagion copte émis par Flavius Atias, qui
est la traduction, légèrement adaptée, de l’ordre original. Une
dernière étape s’ajoutait à la procédure : la rédaction de
l’entagion individuel, adressé à un contribuable précis et écrit
souvent en copte, au niveau de l’administration du village (18).
Ainsi les entagia découverts à Hakôris sont-ils tous rédigés en
copte et adressés à des individus particuliers, tan-dis que l’ordre
arabe-grec destiné au village entier était conservé dans les
bureaux de la pagarchie.
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367
UN ENTAGION BILINGUE
P. Ant. Inv. 6.2.2007 23,5 × 16,5 cm 3 avril - 2 mai 694Antinoé,
nécropole nord FIG. 1 ḏū�al-ḥiǧǧa�74 h.
Fragments de papyrus brun clair. La partie supérieure du
document est perdue ; les autres marges sont en partie conservées.
Les écritures arabe et grecque sont typiques de la chancellerie du
premier siècle de la conquête. Le texte arabe, tracé à l’encre
noire, est dépourvu de points diacritiques (sauf en un endroit,
voir comm. l. 9). Conformément à l’usage, la partie grecque est
écrite avec un calame plus fin, à l’encre noire également. Le
résumé qui figurait sans doute après le texte grec est perdu. Le
verso est vierge.
[بسم الله الرحمن الرحيم] ↓[من عبد العزيز بن مرون الامير الى
اهل]
اقريوس مــ[ ن كورة انصنى فاعطوا لنواتية سفن امير] [ ] المومنين ]
لجيـ ـ[ش] ] 5
[ الشام مـ[ نوتيين ومعيشة] ][ ] [ ]
وثلث] شهرين [ [ا]ردب قـ ـ[طنية وقسـ ـ]طين زيت
وقسطين خل ونصف [قسط وكتب] يزيد 10[في شهر ذ]ي الحجة لســ[ نة
ار]بع وسبعين
[//] Ἐν ὀνόματι το Θε[οῦ Ἀβδελα]ζ̣ιζ υἱὸ(ς) Μαρο[υ]αν
σύμβ[(ου)λ(ος)] [ῖν τοῖς]
[ἀπὸ κώ(μης) Ἁκώ]εως παγρ[χίας Ἀντ]ινόου. Παράσχ(ετε) λ(ό)γ(ῳ)
ναυ[ικ(οῦ) πλοίω(ν)]
[τοῦ Ἀμιραλ(μουμνιν)] ἐξερχ(ομένων) εἰ(ς) Ἀνατολ(ὴν) [(καὶ)]
[(ό)γ(ῳ) ἀ]ποκαταστά(σεως) πλοίω(ν) ἐγγό(μων) ν(υτῶν)
15 [ ] εἰ(ς) κοῦρσ[ον Ἀ]νατλ(ῆς) [(καὶ) ...] να(ύτας) β δύο
με(τὰ) δαπάν(ης) μ(ηνῶν) β
[ ]ε[ ... ὀσπρ(έων) ἀρτ(άβας) γ’ τρί] [ἐ][αί] (ξέστας) β δύο
ὄξου
[(ξέστας) β δύο ἁλυ(κῆς) κ( )θ( ) ἥμισυ. Ἐγρά(φη) μ(ηνὶ) ... ...
ἰνδ](ικτίωνος) ἑβδόμης.
pap. 12 υιο pap. 13 λγ pap. 14 εξερχ ει/ ανατολ / ou ανατολ
καταστα πλοιω εγ’γο ربنـــ 9ναν- pap. 15 ει ναν- με μ-μ- pap. 16
[ε]λ[αι]ου pap.
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368
ÉGYPTE CHRÉTIENNE ET ARABE
« (en�arabe) Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux. De
la part de ῾Abd al-῾Azīz ibn Marwān, le gouverneur, aux gens
d’Aquryūs de la pagarchie d’Antinoé : fournissez pour les marins
des navires de l’Émir des Croyants ... pour le cursus du Levant ...
deux marins et les frais d’en-tretien pour deux mois ... un tiers
d’artabe de légumes secs, deux xestes d’huile, deux xestes de
vinaigre, un demi ... de salaison. Écrit par Yazīd, au mois de
ḏū�al-ḥiǧǧa�74 h.
(en�grec) // Au nom de Dieu, ῾Abd al-῾Azīz ibn Marwān, le
gouverneur, à vous, les habitants d’Hakôris, de la pagarchie
d’Antinoé. Fournissez pour le compte de l’équipage des navires de
l’Émir des Croyants qui partent vers le Levant et pour le compte du
retour des bateaux chargés de marins ... pour le cursus du Levant
et ... marins : 2, deux, avec les frais d’entretien pour deux
mois... artabes de légumes secs : ¹∕³, un tiers ; xestes d’huile :
2, deux ; xestes de vinaigre : 2, deux ; k(�)th(�) de salaison : ½,
un demi. Écrit au mois de ..., le ..., septième indiction. »
3 Aquryūs Cette graphie est vraisemblablement la transcription
du toponyme Hakôris. On notera que l’arabe ne note pas l’aspiration
initiale du topo-nyme, qui dérive sans doute de l’anthroponyme
Hkr/Hgr (cf. W. CLARYSSE, « Hakoris, an Egyptian Nobleman and His
Family », AncSoc 22 [1991], pp. 235-243, en part. p. 239 ; BL X 1 ;
nous remercions Nikolaos Gonis d’avoir attiré notre attention sur
ce point). Par ailleurs, l’arabe a rendu ici la forme grecque du
toponyme au génitif. Dans les entagia de Qurra ibn Šarīk, on
constate que les scribes transcrivent la forme déclinée tantôt au
génitif, tantôt au nominatif. Ainsi, par exemple, ἐποίκιον Βουνων
dans SB I 5646 est transcrit šubrā�Bunān�et ἐποίκιον Κεραμίου est
rendu dans SB I 5647 par šubrā�Kiramia, alors que μοναστήριον τῆς
ἁγίας Μαρίας est transcrit dans SB I 5650 par les mots
kanīsat�Mārya (« l’église de Mārya ») et que ἐποίκιον Πακαυνεως est
rendu dans SB I 56 par šubrā�Baqawnis.
3 mi[n kūrat Anṣinā] Pour la restitution, voir comm. l. 13.
fa-᾿a῾ṭū Il existe deux formulaires d’entagion arabe ou arabe-grec
(sur
cette question, voir DIEM, « Einige frühe amtliche Urkunden »
[n. 9], p. 114). L’un commence par un impératif, en général
fa-᾿a῾ṭū (« Fournis-sez »), qui est traduit en grec par la forme
παράσχετε (cf. par exemple P.�Ness.� III 60-67). Le second
formulaire débute par les mots fa-᾿innahu�᾿aṣābakum� (« Il vous
incombe »), qui est traduit en grec par les mots ἔλαχεν ὑμῖν (cf.
par exemple P.�Heid.�Arab. I 5-6). Tous les entagia de la
chancellerie de ῾Abd al-῾Azīz, à l’exception sans doute de
l’entagion P. Yale Inv. 71, suivent le premier formulaire. Il faut
donc restituer dans notre document fa-’a῾ṭū.
3-4 [nawātiyat sufun ’amīr] | al-mu’minīn La restitution se base
sur SB XVIII 13218, 3.
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369
UN ENTAGION BILINGUE
5-6 li-ǧay[š] | [a]l-Šām Quoique fragmentaire, le début du rasm
du mot li-ǧayš est assuré et peut être comparé au rasm de ce que
l’on trouve dans SB XVIII 13218, 4 (voir l’image disponible à
l’adresse http://smb.museum/berlpap/index.php/00219).
9 quṭniya Le terme qui équivaut au grec ὄσπρεον apparaît dans un
autre entagion de ῾Abd al-῾Azīz (P. Vindob. Inv. A.P. 356, 7 ; cf.
DIEM, « Einige frühe amtliche Urkunden » [n. 9]).
qisṭ�Sur ce terme emprunté par l’arabe au grec ξέστης (du latin
sextarius), voir A. GROHMANN,
Einführung�und�Chrestomathie�zur�arabischen�Papy-ruskunde.�1:�Einführung
(Prague, 1954), pp. 167-170. Le duel qisṭayn est ici noté par
l’ajout d’une simple sinusoïde à la racine.
zayt Le mot est pourvu de deux points diacritiques. L’un est est
placé en dessous du yā, l’autre au-dessus du tā’. On notera que les
points sont simples (ربنـــ) et non doubles (ريتـــ), comme on
l’attendrait. Cette pratique est cependant courante au premier
siècle de la conquête arabe, comme l’a montré A. KAPLONY, « What
Are Those Few Dots for? Thoughts on the Orthography of the Qurra
Papyri (709-710), the Khurasan Parchments (755-777) and the
Inscription of the Jerusalem Dome of the Rock (692) », Arabica 55
(2008), pp. 91-112, en part. p. 108.
10 kataba Yazīd Le scribe Yazīd est aussi attesté dans P.�Merx,
6 et dans P. Stras. Inv. arabe 366, 6. Il est à ce jour le seul
scribe de tous les entagia de ῾Abd al-῾Azīz (du moins de ceux où le
nom du scribe est conservé).
11 fī šahr ḏī-l-ḥiǧǧa li-sa[nat ’a]rba῾a wa-sab῾īn Il est rare
que les années soient précédées de la préposition li-, « de, pour
», dans une date (pour un exemple, voir APEL I 57, 21). En général,
l’année est introduite par la préposition min�(« de »), voire par
rien.
13 [κώ(μης) Ἁκώ]εως La restitution Ἁκώ]εως est assurée par la
trans-cription arabe du toponyme (Aquryūs).
παγρ[χίας Ἀντ]ινόου La même expression est attestée dans P.�Bal.
180, 2, un entagion émis par Qurra ibn Šarīk et adressé aux
habitants du village de Saint-Kollouthos dans la pagarchie
d’Antinoé. Le village d’Hakôris dépendait administrativement
d’Antinoé à l’époque arabe (voir SB�Kopt. IV 1781, 2 et 1782, 2 =
A. DELATTRE, « Cinq entagia coptes », APF 54 (2008), nos 1 et 2).
Sur la pagarchie d’Antinoé, voir aussi P.�Lond. IV 1460, 37 (cf.
aussi 14) ; 1461, 36.
13-14 λ(ό)γ(ῳ) ναυ[ικ(οῦ) πλοίω(ν)] | [τοῦ Ἀμιραλ(μουμνιν)]
ἐξερχ(ομένων) εἰ(ς) Ἀνατολ(ὴν) Pour un parallèle, cf. SB I 5643,
10-11 (BL XI, p. 197).
14 [(ό)γ(ῳ) ἀ]ποκαταστά(σεως) πλοίω(ν) ἐγγό(μων) ν(υτῶν) Pour
une expression similaire, cf. CPR XXII 44, 10 λ(ό)γ(ῳ) [ν]αυτικοῦ
λοίω(ν) τοῦ Κ(σματος) ἐξερχ(ομένων) ἐγγό(μων) σίτ(ου) μ(ηνῶν)..., «
pour le compte de l’équipage des navires de Klysma qui partent
chargés de blé pour ... mois ». L’expression [[(ό)γ(ῳ)
ἀ]ποκαταστά(σεως) est sans parallèle, mais peut se reconstruire par
symétrie avec la locution λόγῳ ἀλλαγῆς (cf. P.�Lond. IV 1421, 9 ;
1441, 92 ; SB XVIII 13218, 10). La seule attestation du mot
ἀποκατάστασις dans les archives de Basilios renvoie au retour des
fugitifs (cf. P.�Ross.�Georg. IV, 1, 19).
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370
ÉGYPTE CHRÉTIENNE ET ARABE
15-17 με(τὰ) δαπάν(ης) μ(ηνῶν) β | [ ... ]ε[ ... ὀσπρ(έων)
ἀρτ(άβας) γ’ τρί] [ἐ][αί] (ξέστας) β δύο ὄξου | [(ξέστας) β δύο
ἁλυ(κῆς) κ( )θ( ) ἥμισυ On trouve une dapanê de deux mois dans P.
Stras. Inv. arabe 366, émis également au nom de ῾Abd al-῾Azīz (voir
supra). Sur base de ce qui est conservé dans le texte et des
indications de P.�Lond. IV 1449, 34 et 36 ou SB III 7241, 59, on
peut estimer que les frais d’entretien par marin et par mois
consistaient en 1 artabe de pain ou de blé, ¹∕6 artabe de légumes
secs, 1 xeste d’huile, 1 xeste de vinaigre et ¼ k(�)th(�)�de
salaison. C’est ainsi que nous avons tenté de restituer le texte,
même si le début de la séquence reste problématique. On remarquera
cependant que les quantités ne correspondent qu’à la moitié des
frais de subsistance des deux marins pour deux mois. Soit les
chiffres indiqués s’entendent par marin, soit un mois était payé
non en nature (ἐν εἴδει), mais en argent (ἐν ἀπαργυρισμῷ), suivant
le système attesté notamment dans CPR XXII 44. Plus générale-ment,
sur les rations des marins à l’époque arabe, voir aussi F. MORELLI,
Olio� e� retribuzioni� nell’Egitto� tardo� (V-VIII� d.� C.)
(Florence, 1996), pp. 81-122.
17 ἁλυ(κῆς) κ( )θ( ) Sur l’expression, voir Ph. MAYERSON, «
ἁλυκῆς κθ in the Aphrodito Papyri = κόλλαθον of Salt? », BASP 36
(1999), pp. 87-91. Selon l’auteur, ἁλυκή désignerait des produits
salés, et le mot abrégé κ()θ() ne peut correspondre à κόλλαθον.
Université�libre�de�Bruxelles� Alain
DELATTREFirenze,�Biblioteca�Medicea�Laurenziana Rosario
PINTAUDIAspirant�du�F.R.S.�–� Naïm
VANTHIEGHEMFNRS,�Université�libre�de�Bruxelles
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371
UN ENTAGION BILINGUE
FIG. 1. — P. Ant. Inv. 6.2.2007 (60 %).