GUERRE DES JUIFS
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VII
texte numris et mis en page par Franois-Dominique FOURNIER Les
mots grecs dans les notes ont t ajouts (F.-D. F) FLAVIUS JOSPHE
Guerre des juifs. LIVRE 1 texte grec Pour avoir la traduction
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LIVRE 1
PRAMBULE [1]
SOMMAIRE. 1-2 - Pourquoi Josphe a entrepris cet ouvrage.
Grandeur du sujet, insuffisance des rcits antrieurs. - 3. Erreur de
ceux qui rabaissent la rsistance des Juifs - 4. Sentiments
personnels de l'auteur. 5. Supriorit de l'historien des faits
contemporains sur le compilateur d'histoires anciennes. - 6. Le
pass lointain des Juifs ; inutilit d'y remonter. 7-11. Aperu
sommaire des faits traits dans cet ouvrage. - 12. Sa division, sa
sincrit. 1- [1] La guerre que les Juifs engagrent contre les
Romains est la plus considrable, non seulement de ce sicle, mais,
peu s'en faut, de toutes celles qui, au rapport de la tradition,
ont surgi soit entre cits. soit entre nations. Cependant parmi ceux
qui en ont crit l'histoire, les uns, n'ayant pas assist aux
vnements, ont rassembl par oui dire des renseignements fortuits et
contradictoires, qu'ils ont mis en uvre a la faon des sophistes;
les autres, tmoins des faits, les ont altrs par flatterie envers
les Romains ou par haine envers les Juifs, et leurs ouvrages
contiennent ici un rquisitoire, l un pangyrique, jamais un rcit
historique exact. C'est pour cela que je me suis propos de raconter
en grec cette histoire, l'usage de ceux qui vivent sous la
domination romaine. traduisant l'ouvrage que j'ai compos auparavant
dans ma langue maternelle[2] l'usage des Barbares de l'intrieur.
Mon nom est Josphe, fils de Matthias, Hbreu de nation[3],
originaire de Jrusalem, prtre : aux dbuts j'ai moi-mme pris part la
guerre contre les Romains ; les vnements ultrieurs, j'y ai assist
par contrainte. 2. [4] Quand se produisit[4] 3 le grand mouvement
dont je viens de parler, les affaires des Romains taient malades :
chez les Juifs, le parti rvolutionnaire profita de ces temps
troubls pour se soulever[5], jouissant alors de la plnitude de ses
forces et de ses ressources ; tel tait l'excs des dsordres, que les
uns conurent l'espoir de conqurir l'Orient, les autres la crainte
den tre dpouills. En effet, les Juifs esprrent que tous ceux de
leur race, habitant au del de l'Euphrate, se rvolteraient avec eux
: d'autre part, les Romains taient inquiets de l'attitude des
Gaulois, leurs voisins ; la Germanie[6] demeurait point en repos.
Aprs la mort de Nron, la confusion rgnait partout, beaucoup, allchs
par les circonstances, aspiraient au principat ; la soldatesque,
sduite par l'espoir du butin, ne rvait que de changements. - J'ai
donc pens que, s'agissant d'vnements si considrables, il tait
absurde de laisser la vrit s'garer. Alors que les Parthes, les
Babyloniens, les Arabes les plus loigns, nos compatriotes habitant
au del de l'Euphrate, les Adiabniens savent exactement, grce mes
recherches, l'origine de la guerre, les pripties les douloureuses
qui en marqurent le cours, enfin le dnouement, il ne faut pas que,
en revanche, les Grecs et ceux des Romains qui n'ont pas pris part
la campagne continuent ignorer tout cela parce qu'ils n'ont
rencontr que flatteries ou fictions. 3. [7] Et cependant on ose
donner le titre d'histoires ces crits qui, mon avis, non seulement
ne racontent rien de sens. mais ne rpondent pas mme l'objet de
leurs auteurs. Voil, en effet, des crivains, qui. voulant exalter
la grandeur des Romains, ne cessent de
calomnier et de rabaisser les Juifs : or, je ne vois pas en vrit
comment paratraient grands ceux qui nont vaincu que des petits.
Enfin, ils nont gard ni la longue dure de la guerre, ni aux
effectifs considrables de cette arme romaine, qui peina durement,
ni la gloire des chefs, dont les efforts et les sueurs devant
Jrusalem, Si l'on rabaisse l'importance de leur succs, tombent
eux-mmes dans le mpris [6a]. 4. [9] Cependant je ne me suis pas
propos de rivaliser avec ceux qui exaltent la gloire des Romains en
exagrant moi-mme celle de mes compatriotes : je rajoute exactement
les faits accomplis par les uns et par les autres : quant
l'apprciation des vnements, je ne pourrai m'abstraire de mes
propres sentiments [6b], ni refuser libre cours ma douleur pour
gmir sur les malheurs de ma patrie. Que ce sont, en effet, les
factions domestiques qui l'ont dtruite, que ce sont les tyrans des
Juifs qui ont attir sur le Temple saint le bras des Romains,
contraints et forcs, et les ravages de l'incendie, cest ce dont
Titus Csar, auteur de cette dvastation, portera lui-mme tmoignage,
lui qui, pendant toute la guerre, eut piti de ce peuple garrott par
les factieux, lui qui souvent diffra volontairement la ruine de la
ville, et, en prolongeant le sige, voulut fournir aux coupables
l'occasion de se repentir. On pourra critiquer les accusations que
je dirige contre les tyrans et leur squelle de brigands, les
gmissements que je pousse sur les malheurs de ma patrie ; on voudra
bien pourtant pardonner ma douleur, ft-elle contraire la loi du
genre historique. Car de toutes les cits soumises aux Romains,
c'est la ntre qui s'est leve au plus haut degr de prosprit pour
retomber dans le plus profond abme de malheur. En effet, toutes les
catastrophes enregistres depuis le commencement des sicles me
paraissent, par comparaison, infrieures aux ntres[7], et comme ce
n'est pas l'tranger qui est responsable de ces misres, il m'a t
impossible de retenir mes plaintes. Ai-je affaire un critique
inflexible envers l'attendrissement? Qu'il veuille bien alors faire
deux parts de mon ouvrage mettre sur le compte de l'histoire les
faits, et sur celui de l'historien les larmes. 5. [13] Maintenant,
comment ne pas blmer ces Grecs diserts qui, trouvant dans lhistoire
contemporaine une srie d'vnements dont l'importance clipse
compltement celle des guerres de l'antiquit, ne s'rigent pas moins
en juges malveillants des auteurs appliqus l'tude de ces faits, -
auteurs aussi infrieurs a leurs critiques par l'loquence que
suprieurs par le jugement tandis qu'eux-mmes s'appliquent rcrire
l'histoire des Assyriens et des Mdes sous prtexte que les anciens
crivains l'ont mdiocrement raconte? Et pourtant ils le cdent ces
derniers aussi bien sous le rapport du talent que sous celui de la
mthode: car les anciens, sans exception, se sont attachs crire
l'histoire de leur propre temps, alors que la connaissance directe
qu'ils avaient des vnements donnait leur rcit la clart de la vie,
alors qu'ils savaient qu'ils se dshonoreraient en altrant la vrit
devant un public bien inform. En ralit, livrer la mmoire des hommes
des faits qui n'ont pas encore t raconts rassembler pour la postrit
les vnements contemporains, est une entreprise qui mrite a coup sr
la louange et l'estime; le vrai travailleur, ce n'est pas celui qui
se contente de remanier l'conomie et le plan de l'ouvrage d'un
autre, mais celui qui raconte des choses indites et compose avec
une entire originalit tout un corps d'histoire. Pour moi, quoique
tranger je n'ai pargn ni dpenses ni peines pour cet
ouvrage, o j'offre aux Grecs et aux Romains le souvenir de faits
mmorables ; tandis que les Grecs de naissance (7a), si prompts
ouvrir leur bouche et dlier leur langue quand il s'agit de gains et
de procs, s'agit-il, au contraire, d'histoire, o il faut dire ta
vrit et runir les faits au prix de grands efforts, les voil musels
et abandonnant des esprits mdiocres, mal informs, le soin de
consigner les actions des grands capitaines. Apportons donc cet
hommage la vrit historique, puisque les Grecs la ngligent. 6. [17]
L'histoire ancienne des Juifs, qui ils taient et comment ils
migrrent d'gypte, les pays qu'ils parcoururent dans leur marche
errante, les lieux qu'ils occuprent ensuite, et comment ils en
furent dports, tout ce rcit je l'ai jug inopportun cette place, et
d'ailleurs superflu, car, avant moi, beaucoup de Juifs ont racont
exactement l'histoire de nos pres, et quelques Grecs ont fait
passer dans leur langue ces rcits, sans altrer sensiblement la
vrit[8]. C'est donc l'endroit o cesse le tmoignage de ces
historiens et de nos prophtes que je fixerai le dbut de mon
ouvrage. Parmi les vnements qui suivent je traiterai avec le plus
de dtail et de soin possibles ceux de la guerre dont je fus tmoin;
quant a ceux qui prcdent mon temps, je me contenterai d'une
esquisse sommaire. 7. [19] C'est ainsi que je raconterai brivement
comment Antiochus, surnomm piphane, aprs stre empar de Jrusalem par
la force, occupa la ville trois ans et six mois jusqu'a ce qu'il
fut chass du pays par les fils d'Asmone : ensuite, comment les
descendants des Asmonens, se disputant le trne, entranrent dans
leur querelle les Romains et Pompe : comment Hrode, fils
dAntipater, mit fin leur dynastie avec le concours de Sossius :
comment lepeuple, aprs la mort dHrode, fut livr la sdition sous le
principat d'Auguste Rome. Quintilius Varus tant gouverneur du pays
; comment la guerre clata la douzime anne du principat de Nron, les
vnements qui se succdrent sous le gouvernement Cestius, les lieux
que dans leur premier lan les Juifs occuprent de vive force. 8.
[21] Je dirai ensuite comment ils fortifirent les villes voisines :
comment Nron, mu des revers de Ceslius et craignant une ruine
complte de lempire, chargea Vespasien de la conduite de la guerre ;
comment celui-ci, accompagn de lan de ses fils, envahit le
territoire des Juifs ; avec quels effectifs, romains ou allis, il
se rpandit dans toute la Galile[9] ; comment il occupa les villes
de cette province, les unes par force, les autres par composition.
En cet endroit de mon livre viendront des renseignements sur la
belle discipline des Romains la guerre, sur lentranement de leurs
lgions, puis sur ltendue et la nature des deux Galiles, les limites
de la Jude et les particularits de ce pays, les lacs, les sources
quon y trouve ; enfin, pour chaque ville, je raconterai les misres
de ceux qui y furent pris, le tout avec exactitude, selon ce que
jai vu ou souffert moi-mme. Car je ne cacherai rien de mes propres
infortunes, puisquaussi bien je madresse des gens qui les
connaissent. 9. [23] Je raconte ensuite comment, au moment o dj la
situation des Juifs priclitait, Nron mourut, et Vespasien, qui
avanait vers Jrusalem, en fut dtourn pour aller occuper la dignit
impriale ; jnumre les prsages quil obtint ce sujet , les rvolutions
de Rome, les soldats le saluant malgr lui du titre dempereur, puis,
quand il sest rendu en gypte
pour mettre ordre dans l'empire, la Jude en proie aux factions,
des tyrans surgissant et luttant les uns contre les autres, 10.
[25] Je montre alors Titus quittant l'gypte et envahissant une
seconde fois notre contre ; j'explique comment il rassembla ses
troupes, en quels lieux, en quel nombre ; dans quel tat son arrive,
la discorde avait mis la ville ; toutes les attaques de Titus, tous
ses travaux d'approche, et, d'autre part, la triple enceinte de nos
murailles, leurs dimensions, la force de notre ville, la
disposition de lenceinte sacre et du Temple, leurs mesures et
celles de l'autel, le tout avec exactitude ; je dcris quelques
rites usits dans nos ftes, les sept degrs de la puret[10], les
fonctions des prtres, leurs vtements et cieux du grand pontife,
enfin le sanctuaire du Temple, le tout sans rien omettre, sans rien
ajouter aux dtails pris sur le fait. 11. [27] Je dpeins ensuite la
cruaut des tyrans contre des compatriotes, contrastant avec les
mnagements des Romains a l'gard d'trangers ; je racontecombien de
fois Titus, dsirant sauver la ville et le Temple, invita les
factions traiter. Je classerai les souffrances et les misres du
peuple, provenant soit de la guerre, soit des sditions, soit de la
famine, et qui finirent par les rduire la captivit. Je nomettrai ni
les msaventures des dserteurs, ni les supplices infligs aux
prisonniers ; je raconterai le Temple incendi malgr Csar, quels
objets sacrs furent arrachs des flammes, la prise de la ville
entire, les signes et les prodiges qui prcdrent cet vnement ; la
capture des tyrans, le grand nombre des captifs vendus l'encan, les
destines si varies quils rencontrrent ; puis la manire dont les
Romains touffrent les dernires convulsions de cette guerre et
dmolirent les remparts des forteresses, Titus parcourant toute la
contre pour lorganiser, enfin son dpart pour lItalie et son
triomphe. 12. [30] Tel est lensemble des vnement que je compte
raconter et embrasser dans sept livres. Je ne laisserai ceux qui
connaissent les faits et qui ont assist , la guerre aucun prtexte
de blme ou d'accusation, - je parle de ceux qui cherchent dans
l'histoire la vrit, et non le plaisir. Et je commencerai mon rcit
par o j'ai commenc le sommaire[11] qu'on vient de lire. LIVRE
IER
I 1. Dissensions entre nobles juifs. Antiochus Epiphane prend
Jrusalem et interrompt le culte des sacrifices. - 2-3. Perscution
religieuse. Soulvement de Mattathias. - 4-6. Exploits et mort de
Judas Macchabe. 1[12]. [31] La discorde s'leva parmi les notables
juifs, dans le temps o Antiochus piphane disputait la Cl-Syrie
Ptolme, sixime du nom. C'tait une querelle d'ambition et de
pouvoir, aucun des personnages de marque ne pouvant souffrir dtre
subordonn ses gaux. Onias, un des grands-prtres, prit le dessus et
chassa de la ville les fils de Tobie : ceux-ci se rfugirent auprs
dAntiochus et le supplirent de les prendre pour guides et d'envahir
la Jude. Le roi, qui depuis longtemps penchait vers ce dessein, se
laisse persuader et, la tte d'une forte arme, se
met en marche et prend d'assaut la ville[13] ; il y tue ungrand
nombre des partisans de Ptolme, livre la ville sans restriction au
pillage de ses soldats, et lui-mme dpouille le Temple et interrompt
durant trois ans et six mois la clbration solennelle des sacrifices
quotidiens[14]. Quant au grandprtre Onias, rfugi auprs de Ptolme,
il reut de ce prince un territoire dans le nome d'Hliopolis : l il
btit une petite ville le plan de Jrusalem et un temple semblable au
notre ; nous reparlerons de ces vnements en temps et lieu[15]. 2.
[34] Antiochus ne se contenta pas d'avoir pris la ville contre
toute esprance, pill et massacr plaisir ; entran par la violence de
ses passions, par le souvenir des souffrances qu'il avait endures
pendant le sige, il contraignit les Juifs, au mpris de leurs lois
nationales, laisser leurs enfants incirconcis et sacrifier des
porcs sur l'autel. Tous dsobissaient ces prescriptions, et les plus
illustres furent gorgs. Bacchids, quAntiochus avait envoy comme
gouverneur militaire[16], exagrait encore par cruaut naturelle les
ordres impies du prince ; il ne sinterdit aucun excs d'illgalit,
outrageant individuellement les citoyens notables et faisant voir
chaque jour la nation toute entire l'image d'une ville captive,
jusqu' ce qu'enfin l'excs mme de ses crimes excitt ses victimes
oser se dfendre. 3[17]. [36] Un prtre, Matthias[18], fils
d'Asamone, du bourg de Modin, prit les armes avec sa propre
famille, - il avait cinq fils - et tua Bacchids[19] coups de
poignard ; puis aussitt, craignant la multitude des garnisons
ennemies, il s'enfuit dans la montagne[20]. L beaucoup de gens du
peuple se joignirent lui ; il reprit confiance, redescendit dans la
plaine, engagea le combat, et battit les gnraux d'Antiochus, qu'il
chassa de la Jude. Ce succs tablit sa puissance ; reconnaissants de
l'expulsion des trangers, ses concitoyens l'levrent au principat ;
il mourut en laissant le pouvoir a Judas, l'an de ses fils[21].
4[22]. [38] Celui ci, prsumant qu'Antiochus ne resterait pas en
repos, recruta des troupes parmi ses compatriotes. Et, le premier
de sa nation, fit alliance avec les Romains[23]. Quand Epiphane
envahit de nouveau le territoire juif[24], il le repoussa en lui
infligeant 1111 grave chec. Dans la chaleur de sa victoire, il
s'lana ensuite contre la garnison de la ville qui n'avait pas
encore t expulse. Chassant les soldats trangers de la ville haute,
il les refoula dans la ville basse, dans celte partie de Jrusalem
qu'on nommait Acra. Devenu matre du sanctuaire, il en purifia tout
l'emplacement, l'entoura de murailles, fit fabriquer de nouveaux
vases sacrs et les introduisit dans le temple, pour remplacer ceux
qui avaient t souills, leva un autre autel et recommena les
sacrifices expiatoires[25], Tandis que Jrusalem reprenait ainsi sa
constitution sacre, Antiochus mourut ; son fils Antiochus hrita de
son royaume et de sa haine contre les Juifs[26]. 5[27]. [41] Ayant
donc runi cinquante mille fantassins, environ cinq mille cavaliers
et quatrevingts lphants[28], il s'lance travers la Jude vers les
montagnes. Il prit la petite ville de Bethsoura[29], mais prs du
lieu appel Bethzacharia, o l'on accde par un dfil troit, Judas,
avec toutes ses forces, s'opposa sa marche. Avant mme que les
phalanges eussent pris contact, lazar, frre de Judas, apercevant un
lphant, plus haut que tous les autres, portant une vaste tour et
une armure dore, supposa qu'il tait mont par Antiochus lui-mme ; il
s'lance
bien loin devant ses compagnons, fend la presse des ennemis,
parvient jusqu' l'lphant ; mais comme il ne pouvait atteindre, en
raison de la hauteur, celui qu'il croyait tre le roi, il frappa la
bte sous le ventre, fit crouler sur lui cette masse et mourut cras.
Il n'avait russi qu' tenter une grande action et sacrifier la vie
la gloire, car celui qui montait l'lphant tait un simple
particulier ; et-il t Antiochus, l'auteur de cette audacieuse
prouesse n'y et gagn que de paratre chercher la mort dans la seule
esprance d'un brillant succs. Le frre d'lazar vit dans cet vnement
le prsage de l'issue du combat tout entier. Les Juifs, en effet,
combattirent avec courage et acharnement ; mais l'arme royale,
suprieure en nombre et favorise par la fortune, finit par lemporter
; aprs avoir vu tomber un grand nombre des siens, Judas s'enfuit
avec le reste dans la prfecture de Gophna[30], Quant Antiochus, il
se dirigea vers Jrusalem, y resta quelques jours, puis s'loigna ,
cause de la raret des vivres, laissant dans la ville une garnison
qu'il jugea suffisante, et emmenant le reste de ses troupes
hiverner en Syrie. 6[31]. [47] Aprs la retraite du roi, Judas ne
resta pas inactif; rejoint par de nombreuses recrues de sa nation,
il t'allia les soldats chapps la dfaite, et livra bataille prs du
bourg d'Adasa aux gnraux d'Antiochus[32]. Il fit, dans le combat,
des prodiges de valeur, tua un grand nombre d'ennemis, mais prit
lui-mme[33]. Peu de jours aprs, son frre Jean tomba dans une
embuscade des partisans d'Antiochus et prit galement[34].
II I. Principat de Jonathan. - 2. Principat de Simon. - 3-4,
Jean Hyrcan contre son beau-frre Ptolme. 5. Jean Hyrcan et
Antiochus Sidts. 6-8. Succs et mrites de Jean Hyrcan. 1[35]. [48]
Jonathas, son frre, qui lui succda, sut se prserver des embches des
indignes et affermit son pouvoir par son amiti avec les Romains ;
il conclut aussi un accord avec le fils d'Antiochus[36]. Malgr
tout, il ne put chapper son destin. Car le tyran Tryphon, tuteur du
fils d'Antiochus, et qui conspirait ds longtemps contre son
pupille, sefforant de se dbarrasser des amis du jeune roi, s'empara
par trahison de Jonathas lorsque celui-ci, avec une suite peu
nombreuse, fut venu a Ptolmas rencontrer Antiochus. Tryphon le
charge de fers et part en campagne contre la Jude ensuite, repouss
par Simon, frre de Jonathas et furieux de sa dfaite, il met mort
son captif[37]. 2[38]. [50] Simon, qui conduisit les affaires avec
nergie, s'empara de Gazara, de Jopp, de Jamnia, villes du
voisinage, et rasa la citadelle (Acra), aprs avoir rduit la
garnison a capituler. Puis il se fit l'alli d'Antiochus[39] contre
Tryphon, que le roi assigeait dans la ville de Dora avant de partir
pour son expdition contre les Mdes. Pourtant, il eut beau
collaborer a la perte de Tryphon[40], il ne russit pas a conjurer
l'avidit du roi ; car Antiochus, peu de temps aprs, envoya Cendbe,
son gnral, avec une arme pour ravager la Jude et s'emparer de
Simon. Celui-ci, malgr sa vieillesse, commena la guerre avec une
ardeur juvnile ; il envoya en avant ses fils avec les hommes les
plus vigoureux contre le gnral ennemi ; lui-mme, prenant une partie
des troupes, attaqua sur un autre point. Il posta a diverses
reprises des embuscades dans
les montagnes et obtint l'avantage dans tous les engagements.
Aprs ce brillant succs, il fut proclam grand-prtre et dlivra les
Juifs de la domination des Macdoniens, qui pesait sur eux depuis
cent soixante-dix ans[41]. 3[42]. [54] Il mourut lui-mme dans des
embches que lui dressa au cours d'un festin son gendre Ptolme. Le
meurtrier retint prisonniers la femme et deux des fils de Simon, et
envoya des gens pour tuer le troisime, Jean, surnomm Hyrcan. Le
jeune homme, prvenu de leur approche, se hta de gagner la ville,
ayant toute confiance dans le peuple, qui gardait le souvenir des
belles actions de ses anctres et hassait les violences de Ptolme.
Cependant Ptolme se hta d'entrer lui aussi par une autre porte ;
mais il fut repouss par le peuple, qui s'tait empress de recevoir
Hyrcan. Il se retira aussitt dans une des forteresses situes
au-dessus de Jricho, nomme Dagon. Hyrcan, succdant son pre dans la
grande-prtrise, offrit un sacrifice Dieu, puis se lana la'
poursuite de Ptolme pour dlivrer sa mre et ses frres. 4. [57] Il
assigea la forteresse, mais, suprieur sur tous les points, il se
laissa vaincre par son bon naturel. Lorsque Ptolme se trouvait
vivement press, il faisait conduire sur la muraille, en un endroit
bien visible, la mre et les frres d'Hyrcan, les maltraitait et
menaait de les prcipiter en bas si Hyrcan ne s'loignait
sur-le-champ. Devant ce spectacle, la colre d'Hyrcan cdait la piti
et la crainte. Mais sa mre, insensible aux outrages et aux menaces
de mort, tendait les bras vers lui et le suppliait de ne pas se
laisser flchir par la vue de l'indigne traitement qu'elle endurait,
au point dpargner cet impie : elle prfrait l'immortalit mme la mort
sous les coups de Ptolme, pourvu qu'il expit tous les crimes qu'il
avait commis contre leur maison. Jean, quand il considrait la
constance de sa mre et entendait ses prires, ne songeait plus qu
l'assaut ; mais quand il la voyait frapper et dchirer, son cur
s'amollissait, et il tait toutentier sa douleur. Ainsi le sige
trana en longueur, et l'anne de repos survint ; car tous les sept
ans les Juifs consacrent une anne l'inaction comme ils font du
septime jour de la semaine. Ptolme, dlivr alors du sige, tua la mre
et les frres de Jean et s'enfuit auprs de Znon, surnomm Cotylas,
tyran de Philadelphie. 5[43]. [61] Antiochus, irrit du mal que lui
avait caus Simon, fit une expdition en Jude, se posta devant
Jrusalem et y assigea Hyrcan. Celui-ci fit ouvrir le tombeau de
David, le plus riche des rois, en tira une somme de plus de trois
mille talents[44] et obtint d'Antiochus, au prix de trois cents
talents, qu'il levt le sige ; avec le reste de cet argent, il
commena payer des troupes mercenaires qu'il fut le premier des
Juifs a entretenir. 6[45]. [62] Plus tard, Antiochus, parti en
guerre contre les Mdes, fournit Hyrcan l'occasion d'une revanche.
Celui-ci se jeta alors sur les villes de Syrie, pensant, comme ce
fut le cas, qu'il les trouverait dpourvues de dfenseurs valides. Il
prit ainsi Mdab, Samaga et les villes voisines, puis Sichem et
Garizim ; en outre, il soumit la race des Chuthens, groupe autour
du temple bti l'instar de celui de Jrusalem. Il s'empara encore de
diverses villes d'Idume, en assez grand nombre, notamment
d'Adoron[46] et de Marisa.
7[47]. [64] Il s'avana jusqu' la ville de Samarie, sur
l'emplacement de laquelle est aujourd'hui Sbast, btie par le roi
Hrode. L'ayant investie de toutes parts, il en confia le sige ses
fils Aristobule et Antigone ; ceux-ci exercrent une surveillance si
rigoureuse que les habitants, rduits une extrme disette, se
nourrirent des aliments les plus rpugnants. Ils appelrent leur
secours Antiochus, surnomm Aspendios[48]. Celui-ci rpondit
volontiers leur appel, mais fut vaincu par Aristobule. Poursuivi
par les deux frres jusqu' Scythopolis, il se sauva ; ceux-ci, se
retournant ensuite contre Samarie, renfermrent de nouveau le peuple
dans ses murs ; ils prirent la ville, la dtruisirent et rduisirent
les habitants en esclavage. Poussant leurs succs, sans laisser
refroidir leur ardeur, ils s'avancrent avec leur arme jusqu'
Scythopolis, firent des incursions sur son territoire et livrrent
au pillage tout le pays en de du mont Carmel. 8[49]. [67] Les
prosprits de Jean et de ses fils provoqurent dans le peuple la
jalousie, puis la sdition ; un grand nombre de citoyens, aprs avoir
conspir contre eux, continurent s'agiter jusqu'au jour o leur
ardeur les jeta dans une guerre ouverte, o les rebelles
succombrent. Jean passa le reste de sa vie dans le bonheur, et aprs
avoir trs sagement gouvern pendant trentetrois ans entiers[50], il
mourut en laissant cinq fils. Il avait got la vritable flicit, et
rien ne permit d'accuser la fortune son sujet. Il fut le seul a
runir trois grands avantages : le gouvernement de sa nation, le
souverain pontificat et le don de prophtie. En effet, Dieu habitait
dans son cur, si bien quil n'ignora jamais rien de l'avenir ; ainsi
il prvit et annona que ses deux fils ans ne resteraient pas matres
des affaires. Il vaut la peine de raconter leur fin et de montrer
combien ils dchurent du bonheur de leur pre.
III [51] 1. Avnement dAristobule. Ses premiers actes. - 2-4.
Meurtre de son frre Antigone. - 5. Prdiction de Judas l'Essnien. -
6. Fin d'Aristobule. 1. [70] Aprs la mort d'Hyrcan, Aristobule,
l'an de ses fils, transforma le principat en royaut; il fut le
premier , ceindre le diadme, quatre cent soixante et onze ans[52]
et trois mois aprs que le peuple, dlivr de la captivit de Babylone,
fut revenu en Jude. Parmi ses frres, il s'associa, avec des
honneurs gaux aux siens, le pun Antigone, pour lequel il paraissait
avoir de l'affection ; les autres furent, par son ordre, emprisonns
et chargs de liens. Il fit enchaner aussi sa mre, qui lui disputait
le pouvoir et qui Jean avait tout lgu par testament ; il poussa la
cruaut jusqu' la faire mourir de faim dans sa prison. 2. [72] Il
fut puni de ces iniquits dans la personne de son frre Antigone
qu'il aimait et avait associ la royaut car il le tua lui aussi sur
des calomnies que forgeaient de perfides courtisans. Tout d'abord
Aristobule avait refus toute crance leurs propos, parce qu'il
chrissait son frre et attribuait l'envie la plupart de ces
imputations. Mais un jour qu'Antigone revint d'une expdition en un
brillant appareil pour assister la fte solennelle ou l'on lve Dieu
des tabernacles, il se trouva qu'Aristobule tait malade en ce temps
l. Antigone, la fin de la solennit, monta au Temple, entour de ses
hommes d'armes, avec la pompe la plus magnifique, et pria Dieu
surtout
pour son frre. Les mchants coururent alors auprs du roi, lui
dpeignirent le cortge dhoplites, l'assurance d'Antigone trop grande
pour un sujet ; ils dirent qu'Antigone revenait avec une trs
nombreuse arme pour mettre son frre mort, qu'il ne se rsignait pas
n'avoir que les honneurs de la royaut quand il pouvait obtenir le
pouvoir lui-nime. 3. [75] Peu peu Aristobule ajouta foi malgr lui
ces discours. Proccup la fois de ne pas dvoiler ses soupons et de
se prmunir contre un danger incertain, il fit poster ses gardes du
corps dans un souterrain obscur - il demeurait dans la tour nomme
dabord Baris, depuis Antonia - et ordonna d'pargner Antigone, s'il
tait sans armes, de le tuer, s'il se prsentait tout arm. Il envoya
mme vers lui pour l'avertir de ne pas prendre ses armes. Cependant
la reine se concerta trs malicieusement avec les perfides, cette
occasion : on persuada aux messagers de taire les ordres du roi et
de dire, au contraire, Antigone que son frre savait qu'il s'tait
procur en Galile de trs belles armes et un quipement militaire que
la maladie l'empchait d'aller examiner tout le dtail de cet
appareil mais, puisque tu es sur le point de partir, il aurait un
trs grand plaisir te voir dans ton armure . 4. [77] En entendant
ces paroles, comme il n'y avait rien dans les dispositions de son
frre qui pt lui faire souponner un pige, Antigone revtit ses armes
et partit comme pour une parade. Arriv dans le passage obscur,
appel la tour de Straton, il y fut tu par les gardes du corps.
Preuve certaine que la calomnie brise tous les liens de l'affection
et de la nature, et qu'aucun bon sentiment n'est assez fort pour
rsister durablement a l'envie. 5. [78] On admirera dans cette
affaire la conduite d'un certain Judas, Essnien de race. Jamais ses
prdictions n'avaient t convaincues derreur ou de mensonge. Quand il
aperut a cette occasion Antigone qui traversait le Temple, il
s'cria, en s'adressant a ses familiers, - car il avait autour de
lui un assez grand nombre de disciples - : Hlas ! Il convient
dsormais que je meure, puisque l'esprit de vrit m'a dj quitt et
qu'une de mes prdictions se trouve dmentie, Car il vit, cet
Antigone, qui devait tre tu aujourdhui. Le lieu marqu pour sa mort
tait la tour de Straton : elle est a six cents stades dici, et
voici dj la quatrime heure du jour le temps coul rend impossible
l'accomplissement de ma prophtie . Cela dit, le vieillard resta
livr a une sombre mditation ; mais bientt on vint lui annoncer
qu'Antigone avait t tu dans un souterrain appel aussi tour de
Straton, du mme nom que portait la ville aujourd'hui appele
Csare-surmer. C'est cette quivoque qui avait troubl le prophte. 6.
[81] Le remords de ce crime aggrava la maladie d'Aristobule. Il se
consumait, l'me sans cesse ronge par la pense de son meurtre. Enfin
cette immense douleur dchirant ses entrailles, il se mit vomir le
sang en abondance ; 0r, comme un des pages de service enlevait ce
sang, la Providence divine voulut qu'il trbucht au lieu o Antigone
avait t gorg et qu'il rpandit sur les traces encore visibles de
l'assassinat le sang du meurtrier. Les assistants poussrent une
grande clameur, croyant que le page avait fait exprs de rpandre l
sa sanglante libation. Le roi entend ce bruit et en demande la
cause, et comme personne n'ose rpondre, il insiste d'autant plus
pour savoir. Enfin ses menaces et la contrainte arrachent la vrit.
Alors, ses veux se remplissent de larmes, il gmit avec le peu de
force qui lui reste et dit : Ainsi donc je ne devais
pas russir soustraire mes actions coupables lil puissant de
Dieu, et me voici poursuivi par un prompt chtiment pour le meurtre
de mon propre sang. Jusques a quand, corps impudent, retiendras-tu
mon me, due a la maldiction d'un frre et d'une mre ? Jusques quand
leur distillerai-je mon sang goutte goutte ? Qu'ils le prennent
donc tout entier et que Dieu cesse de les amuser en leur offrant en
libation des parcelles de mes entrailles . En disant ces mots, il
expira soudain aprs un rgne qui n'avait dur quun an[53]. IV 1.
Avnement d'Alexandre Janne. - 2-4. Premires guerres ; rvolte des
Juifs. - 5-6. Lutte contre Dmtrius lIntempestif. Atroces excutions.
- 7-8. Dernires guerres. Mort du roi. 1[54]. [85] La veuve
dAristobule[55] fit sortir de prison les frres du roi et mit sur le
trne l'un d'eux. Alexandre, qui paraissait l'emporter par l'ge et
la modration du caractre. Mais a peine arriv au pouvoir, Alexandre
tua l'un de ses frres qui visait au trne; le survivant, qui aimait
a vivre loin des affaires publiques, fut trait avec honneur. 2[56].
[86] Il livra aussi bataille Ptolme Lathyre, qui avait pris la
ville dAsochis ; il tua un grand nombre d'ennemis, mais la victoire
resta du cot de Ptolme. Quand celui-ci, poursuivi par sa mre
Cloptre, s'en retourna en gypte[57], Alexandre assigea et prit
Gadara et Amathonte, la plus importante des forteresses sises
au-del du Jourdain, et qui renfermait les trsors les plus prcieux
de Thodore, fils de Znon. Mais Thodore, survenant l'improviste,
reprit ses biens, s'empara aussi des bagages du roi et tua prs de
dix mille Juifs. Cependant Alexandre ne se laissa pas branler par
cet chec; il se tourna vers le littoral et y enleva Raphia, Gaza et
Anthdon, ville qui reut ensuite du roi Hrode le nom d'Agrippias.
3[58]. [88] Aprs qu'il eut rduit ces villes en esclavage, les Juifs
se soulevrent l'occasion d'une fte car c'est surtout dans les
rjouissances quclatent chez eux les sditions. Le roi n'et pas, ce
semble, triomph de la rvolte, sans l'appui de ses mercenaires. Il
les recrutait parmi les Pisidiens et les Ciliciens ; car il n'y
admettait pas de Syriens, cause de leur hostilit native contre son
peuple. Il tua plus de six mille insurgs, puis s'attaqua l'Arabie ;
il y rduisit les pays de Galaad et de Moab, leur imposa un tribut
et se tourna de nouveau contre Amathonte. Ses victoires frapprent
de terreur Thodore ; le roi trouva la place abandonne et la
dmantela. 4. [90] Il attaqua ensuite Obdas, roi d'Arabie, qui lui
tendit une embuscade dans la Gaulanitide ; il y tomba et perdit
toute son arme, jete dans un profond ravin et crase sous la
multitude des chameaux. Alexandre se sauva de sa personne Jrusalem,
et la gravit de son dsastre excita a la rvolte un peuple qui depuis
longtemps le hassait. Cette fois encore, il fut le plus fort dans
une suite de combats, en six ans, il fit prir au moins cinquante
mille Juifs. Ses victoires, qui ruinaient son royaume, ne lui
causaient d'ailleurs aucune joie ; il posa donc les armes et
recourut aux discours pour tacher de ramener ses sujets. Ceux-ci ne
l'en harent que davantage pour son repentir et l'inconstance de sa
conduite. Quand il voulut en savoir les motifs et demanda ce qu'il
devait faire pour les apaiser : Mourir , lui rpondirent-ils, et
encore c'est peine si, ce prix, ils lui pardonneraient tout le mal
qu'il leur avait fait. En mme temps, ils invoquaient le
secours de Dmtrius surnomm l'Intempestif. L'esprance d'une plus
haute fortune fit rpondre ce prince avec empressement leur appel ;
il amena une arme, et les Juifs se joignirent leurs allis prs de
Sichem. 5[59]. [93] Alexandre les reut la tte de mille cavaliers et
de huit mille mercenaires pied il avait encore autour de lui
environ dix mille Juifs rests fidles. Les troupes ennemies
comprenaient trente mille cavaliers et quatorze mille
fantassins[60]. Avant den venir aux mains, les deux rois cherchrent
par des proclamations dbaucher rciproquement leurs adversaires :
Dmtrius esprait gagner les mercenaires d'Alexandre, Alexandre les
Juifs du parti de Dmtrius. Mais comme ni les Juifs ne renonaient
leur ressentiment, ni les Grecs la foi jure, il fallut enfin
trancher la question par les armes. Dmtrius l'emporta, malgr les
nombreuses marques de force d'me et de corps que donnrent les
mercenaires d'Alexandre. Cependant l'issue finale du combat trompa
l'un et l'autre prince. Car Dmtrius, vainqueur, se vit abandonn de
ceux qui l'avaient appel : mus du changement de fortune
d'Alexandre, six mille Juifs le rejoignirent dans les montagnes o
il stait rfugi. Devant ce revirement, jugeant que ds lors Alexandre
tait de nouveau en tat de combattre et que tout le peuple
retournait vers lui, Dmtrius se retira. 6. [96] Cependant, mme aprs
la retraite de ses allis, le reste de la multitude ne voulut pas
traiter : ils poursuivirent sans relche la guerre contre Alexandre,
qui enfin, aprs en avoir tu un trs grand nombre, refoula les
survivants dans la ville de Bmslis[61] ; il s'en empara et emmena
les dfenseurs enchans Jrusalem. L'excs de sa fureur porta sa cruaut
jusquau sacrilge. Il fit mettre en croix au milieu de la ville huit
cents des captifs et gorger sous leurs yeux leurs femmes et leurs
enfants ; lui-mme contemplait ce spectacle en buvant, tendu parmi
ses concubines. Le peuple fut saisi d'une teneur si forte que huit
mille Juifs, de la faction hostile, s'enfuirent, la nuit suivante,
du territoire de la Jude ; leur exil ne finit qu'avec la mort
d'Alexandre. Quand il eut par de tels forfaits tardivement et
grand-peine assur la tranquillit du royaume, il posa les armes.
7[62]. [99] Son repos fut de nouveau troubl par les entreprises
d'Antiochus, surnomm Dionysos, frre de Dmtrius et le dernier des
Sleucides. Comme ce prince partait en guerre contre les Arabes,
Alexandre, effray de ce projet, tira un foss profond entre les
collines audessus d'Antipatris et la plage de Jopp ; devant le foss
il fit lever une haute muraille garnie de tours de bois, de manire
barrer le seul chemin praticable. Cependant il ne put arrter
Antiochus ; celui-ci incendia les tours, combla le foss, et fora le
passage avec son arme ; toutefois ajournant la vengeance qu'il et
pu tirer de cette tentative d'obstruction, il s'avana marches
forces contre les Arabes. Le roi des Arabes, se retirant d'abord
vers des cantons plus favorables au combat, fit ensuite brusquement
volte-face avec sa cavalerie, forte de dix mille chevaux, et tomba
sur l'arme d'Antiochus en dsordre. La bataille fut acharne : tant
quAntiochus vcut, ses troupes rsistrent, mme sous les coups presss
des Arabes, qui les dcimaient. Quand il tomba mort, aprs stre expos
continuellement au premier rang pour soutenir ceux qui
faiblissaient, la droute devint gnrale. La plupart des Syriens
succombrent
sur le champ de bataille ou dans la retraite les survivants se
rfugirent dans le bourg de Cana, mais, dpourvus de vivres, ils
prirent, l'exception d'un petit nombre. 8[63]. [103] Sur ces
entrefaites, les habitants de Damas, par haine de Ptolme, fils de
Mennos, appelrent Artas[64] et l'tablirent roi de Cl-Syrie.
Celui-ci fit une expdition en Jude, remporta une victoire sur
Alexandre et s'loigna aprs avoir conclu un trait. De son ct,
Alexandre s'empara de Pella et marcha contre Gerasa, convoitant de
nouveau les trsors de Thodore. Il cerna les dfenseurs par un triple
retranchement et, sans combat, s'empara de la place. Il conquit
encore Gaulana, Sleucie et le lieu dit Ravin d'Antiochus ; puis il
s'empara de la forte citadelle de Gamala, dont il chassa[65] le
gouverneur, Dmtrius, objet de nombreuses accusations. Enfin il
revint en Jude, aprs une campagne de trois ans. Le peuple
l'accueillit avec joie cause de ses victoires ; mais la fin de ses
guerres fut le commencement de sa maladie. Tourment par la fivre
quarte, on crut qu'il vaincrait le mal en reprenant le soin des
affaires. C'est ainsi que, se livrant d'inopportunes chevauches,
contraignant son corps des efforts qui dpassaient ses forces, il
hta son dernier jour. Il mourut dans l'agitation et le tumulte des
camps, aprs un rgne de vingt-sept ans[66].
V 1-2. Avnement d'Alexandra. Domination des Pharisiens. - 3.
Perscution des conseillers de Janne. Politique trangre. 4. Rvolte
d'Aristobule. Mort d'Alexandra. 1[67]. [107] Alexandre lgua le
royaume sa femme Alexandra, persuad que les Juifs recevraient son
autorit plus favorablement qu'aucune autre, parce que, trs loigne
de sa cruaut, elle s'tait oppose aux violences du roi, de manire se
concilier l'affection du peuple. Cet espoir ne fut pas tromp, et
cette faible femme se maintint au pouvoir, grce sa rputation de
pit. Elle observait, en effet, exactement, les traditions
nationales et tait leur charge ceux qui transgressaient les lois
religieuses. Des deux fils qu'elle avait eus d'Alexandre, elle leva
l'an, Hyrcan, la dignit de grand-prtre, en considration de son ge,
et aussi de son caractre, trop indolent pour s'immiscer dans les
affaires d'tat ; quant au cadet, Aristobule, temprament bouillant,
elle le retint dans une condition prive. 2. [110] On vit collaborer
son gouvernement les Pharisiens, secte juive qui passe pour tre la
plus pieuse de toutes et pour interprter les lois avec le plus
d'exactitude. Alexandra leur accorda un crdit particulier dans son
zle passionn pour la divinit. Mais bientt les Pharisiens
s'insinurent dans l'esprit confiant de cette femme et gouvernrent
toutes les affaires du royaume, bannissant ou rappelant, mettant en
libert ou en prison selon ce qui leur semblait bon. D'une faon
gnrale, les avantages de la royaut taient pour eux, les dpenses et
les dgots pour Alexandra. Elle tait d'ailleurs habile conduire les
affaires les plus importantes ; par des leves de troupes
continuelles elle parvint doubler l'effectif de l'arme et recruta
des troupes mercenaires en grand nombre, destines non seulement
tenir en bride son propre peuple [67a],
mais encore a se faire craindre des princes trangers. Cependant,
Si elle tait la matresse des autres, les Pharisiens taient ses
matres leur tour. 3. [113] C'est ainsi qu'ils firent mourir un
homme de marque, Diogne, qui avait t l'ami d'Alexandre ; ils
l'accusaient d'avoir conseill au roi la mise en croix des huit
cents Juifs. Ils pressaient aussi Alexandra de frapper d'autres
notables qui avaient excit le prince contre ces rebelles. Et comme
elle cdait toujours, par crainte religieuse, ils tuaient ceux
qu'ils voulaient. Les plus minents des citoyens, ainsi menacs,
cherchrent un refuge auprs d'Aristobule. Celui-ci conseilla sa mre
d'pargner leur vie en considration de leur rang, mais de les bannir
de la cit, si elle les croyait fautifs. Les suspects obtinrent
ainsi la vie sauve et se dispersrent dans le pays[68]. Cependant
Alexandra envoya une arme Damas, sous prtexte que Ptolme continuait
pressurer la ville ; lexpdition revint sans avoir rien accompli de
remarquable. D'autre part, elle gagna par une convention et des
prsents. Tigrane, roi d'Armnie, qui campait avec ses troupes devant
Ptolmas et y assigeait Cloptre[69]. Il se hta de partir, rappel par
les troubles de son royaume, o Lucullus venait de faire invasion.
4. [117] Sur ces entrefaites Alexandra tomba malade, et Aristobule,
le plus jeune de ses fils, saisit l'occasion avec ses amis [69a],
qui taient nombreux et tout dvous sa personne, en raison de son
naturel ardent. Il s'empara de toutes les places-fortes et, avec
largent qu'il y trouva, recruta des mercenaires et se proclama roi.
Les plaintes dHyrcan murent la compassion de sa mre, qui enferma la
femme et les fils dAristobule dans la tour Antonia ; c'tait une
citadelle adjacente au flanc nord du temple, nomme autrefois Baris
; comme je l'ai dj dit[70], et qui changea de nom au temps de la
suprmatie d'Antoine, comme Auguste Sbastos et Agrippa donnrent leur
nom aux villes de Sbast et d'Agrippias. Cependant avant d'avoir eu
le temps de faire expier Aristobule la dposition de son frre,
Alexandra mourut aprs un rgne de neufs annes[71].
VI 1. Hyrcan II abdique en faveur dAristobule II. - 2-3.
Antipater et Artas cherchent rtablir Hyrcan. Intervention de
Scaurus . - 4-6. Ngociations des deux frres avec Pompe. Sa marche
sur Jrusalem. 1[72]. [120] Hyrcan tait l'hritier universel de sa
mre, qui lui avait mme de son vivant remis le sceptre ; mais il
tait bien infrieur Aristobule par la capacit et le courage. Dans la
bataille livre Jricho pour dcider de l'empire, Hyrcan fut abandonn
par la plupart de ses soldats, qui passrent du ct d'Aristobule ;
avec ceux qui lui restrent il courut chercher un refuge dans la
tour Antonia. Il y trouva de prcieux otages de son salut, la femme
et les et les enfants dAristobule ; mais avant d'en venir des maux
irrparables, les deux frres se rconcilirent condition qu'Aristobule
exercerait la royaut, et que Hyrcan renonant au pouvoir [72a]
jouirait des honneurs dus au frre du roi. Cet accord se fit dans le
Temple, en prsence du peuple ; ils
s'embrassrent affectueusement et changrent leurs demeures ;
Aristobule s'tablit au palais, et Hyrcan dans la maison
d'Aristobule. 2[73]. [123] Tous les adversaires d'Aristobule furent
frapps de crainte devant son triomphe inattendu, mais surtout
Antipater, qu'une haine profonde sparait de lui depuis longtemps.
Idumen de naissance, l'clat de ses anctres, ses richesses et
d'autres avantages lui donnaient le premier rang dans sa nation. Il
persuada Hyrcan de chercher un refuge auprs du roi d'Arabie, Artas,
pour revendiquer ensuite le pouvoir ; en mme temps il pressa Artas
d'accueillir Hyrcan et de le rtablir sur le trne ; sans cesse il
dnigrait le caractre d'Aristobule et lui faisait l'loge d'Hyrcan ;
ne convenait-il pas au souverain d'un si brillant royaume de
prendre en main la dfense des opprims ? or, ctait bien un opprim,
puisqu'il tait dpouill d'un trne que lui confrait son droit
d'anesse. Aprs avoir ainsi travaill l'un et l'autre, Antipater, une
nuit, enlve Hyrcan de Jrusalem et s'vade avec lui ; courant sans
relche, il parvient jusqu' la ville de Ptra, capitale du royaume
d'Arabie. L, il remet Hyrcan aux mains d'Artas et, force de prires
et de prsents, il gagne ce prince et le dcide fournir les forces
ncessaires pour rtablir Hyrcan. Artas arma, tant fantassins que
cavaliers, cinquante mille hommes[74]. Aristobule ne put rsister ;
vaincu ds la premire rencontre, il senferma dans Jrusalem. La ville
allait tre emporte de vive force, lorsque Scaurus, gnral romain,
survenant dans cette situation critique, fit lever le sige. Envoy
d'Arabie en Syrie par le grand Pompe, qui tait alors en guerre avec
Tigrane, il avait atteint Damas, o il trouva Metellus et Lollius
qui venaient de s'en emparer[75], il les fit partir [75a], et,
apprenant les vnements de Jude, se rendit en toute hte dans ce pays
pour profiter d'une telle aubaine. 3. [128] Quand il fut arriv sur
le territoire juif, les deux frres lui adressrent aussitt des
dputs, chacun d'eux implorant son secours. Trois cents talents[76],
offerts par Aristobule, lemportrent sur la justice ; peine Scaurus
les eut-il reus quil envoya un hraut Hyrcan et aux Arabes, les
menaant, sils ne levaient pas le sige, de la colres des Romains et
de Pompe. Artas, frapp de terreur, vacua la Jude et se retira
Philadelphie, pendant que Scaurus retournait Damas. Aristobule, non
content de son propre salut, ramassa toutes ses troupes, poursuivit
les ennemis, les attaqua non loin du lieu dit Papyrn, et en tua
plus de six mille ; parmi les morts se trouvait le frre
d'Antipater, Phallion. 4[77]. [131] Privs du secours des Arabes,
Hyrcan et Antipater tournrent leurs esprances du ct oppos. Quand
Pompe, abordant la Syrie, fut arriv Damas[78], ils cherchrent un
refuge auprs de lui ; outre des prsents[79], ils apportaient encore
pour leur dfense les mmes raisons dont ils s'taient servis auprs
dArtas, suppliant Pompe de dtester la violence d'Aristobule et de
ramener sur le trne celui que son caractre et son ge en rendaient
digne. Cependant Aristobule ne montra pas moins d'empressement ; le
succs de ses dons Scaurus lui donnait confiance, et il parut devant
Pompe dans l'appareil le plus magnifiquement royal. Toutefois,
mprisant la bassesse et ne souffrant pas de se laisser imposer, mme
par intrt, une servilit indigne de son rang, il partit brusquement
de la ville de Dion[80].
5. [133] Irrit de cette conduite et cdant aux supplications
d'Hyrcan et de ses amis, Pompe marcha en hte contre Aristobule,
prenant avec lui les troupes romaines et un fort contingent
d'auxiliaires syriens. Il avait dpass Pella et Scythopolis et
atteint Cores, o commence le territoire de Jude pour ceux qui se
dirigent vers l'intrieur, lorsqu'il apprit qu'Aristobule s'tait
enfui Alexandrion, place somptueusement fortifie et situe sur une
haute montagne ; il lui envoya par des messagers l'ordre d'en
descendre. Aristobule, devant cette invitation trop imprieuse, tait
dispos risquer le combat plutt que d'obir, mais il voyait la
multitude effare, ses amis le pressaient de considrer la puissance
invincible des Romains. Il se laissa persuader et descendit auprs
de Pompe ; puis, aprs avoir justifi longuement devant lui son titre
royal, il remonta dans son chteau. Il en sortt une seconde fois sur
l'invitation de son frre, plaida sa cause contradictoirement avec
lui, puis repartit sans que Pompe y mt obstacle. Balanc entre
l'esprance et la crainte, tantt il descendait dans l'espoir
d'mouvoir Pompe et de le dcider lui livrer le pouvoir, tantt il
remontait dans sa citadelle, craignant de ruiner son propre
prestige. Enfin Pompe lui intima l'ordre d'vacuer ses forteresses,
et comme il savait qu'Aristobule avait enjoint aux gouverneurs de
n'obir qu'a des instructions crites de sa main, il le contraignit
de signifier chacun d'eux un ordre d'vacuation ; Aristobule excuta
ce qui lui tait prescrit, mais, pris d'indignation, il se retira a
Jrusalem pour prparer la guerre contre Pompe. 6. [138] Alors
celui-ci, sans lui laisser de temps pour ses prparatifs, le suivit
la piste. Ce qui hta encore plus sa marche, ce fut la nouvelle de
la mort de Mithridate ; il l'apprit prs de Jricho, la contre la
plus fertile de toute la Jude, qui produit en abondance le palmier
et le baumier ; pour recueillir le baume, on pratique dans les
troncs avec des pierres tranchantes des incisions qui le laissent
distiller goutte goutte. Aprs avoir camp dans cette localit une
seule nuit, Pompe ds l'aurore s'avana rapidement contre Jrusalem.
Epouvant son approche, Aristobule se prsente en suppliant, et par
la promesse qu'il lui fait de livrer la ville et sa propre
personne, il adoucit la colre de Pompe. Cependant il ne put excuter
aucun de ses engagements, car lorsque Gabinius, envoy pour prendre
livraison de l'argent, se prsenta, les partisans d'Aristobule
refusrent mme de l'admettre dans la ville.
VII 1-3. Sige de Jrusalem par Pompe. - 4-6. Prise du Temple et
massacres. Hyrcan redevient grand-prtre. La Jude tributaire. - 7.
Distribution des territoires enlevs aux Juifs. Aristobule emmen
captif Rome. 1[81]. [141] Indign de ces procds, Pompe retint sous
bonne garde Aristobule et se dirigea vers la ville pour examiner de
quel ct il pouvait l'attaquer. Il observa que la solidit des
murailles les rendait inabordables, qu'elles taient prcdes dun
ravin d'une profondeur effrayante, que le Temple ceint par ce ravin
tait lui-mme trs solidement fortifi et pouvait fournir, aprs la
prise de la ville, une seconde ligne de dfense aux ennemis.
2. [142] Pendant que son indcision se prolongeait, la sdition
clata dans Jrusalem ; les partisans d'Aristobule voulaient
combattre et dlivrer le roi, ceux d'Hyrcan conseillaient d'ouvrir
les portes Pompe ; ce dernier parti tait grossi par la crainte
qu'inspirait le bel ordre de l'arme romaine. Le parti d'Aristobule,
ayant le dessous, se retira dans le Temple, coupa le pont qui le
joignait la ville et se prpara lutter jusqu'au dernier souffle. Le
reste de la population reut les Romains dans la ville et leur livra
le palais royal. Pompe envoya des troupes pour l'occuper, sous la
conduite d'un de ses lieutenants, Pison ; celui-ci distribua des
postes dans la ville, et comme il ne put, par ses discours, amener
composition aucun de ceux qui s'taient rfugis dans le Temple, il
disposa pour l'attaque tous les lieux d'alentour ; dans ce travail
Hyrcan et ses amis l'assistrent avec zle de leurs conseils et de
leurs bras. 3. [145] Pompe lui-mme combla sur le flanc Nord le foss
et tout le ravin, en faisant apporter des matriaux par l'arme. Il
tait difficile de remplir cette immense profondeur, d'autant plus
que les Juifs, du haut du Temple, s'efforaient par tous les moyens
d'carter les travailleurs. Les efforts des Romains fussent rests
infructueux, si Pompe n'avait profit du septime jour de la semaine,
ou, par religion, les Juifs sabstiennent de tout travail manuel ;
il parvint ainsi lever le remblai, en interdisant cependant aux
soldats tout acte d'hostilit ouverte, car le jour dit Sabbat, les
Juifs ont le droit de dfendre leur vie, mais rien de plus. Le ravin
une fois combl, Pompe dressa sur le remblai de hautes tours, fit
avancer les machines amenes de Tyr, et les essaya contre les
murailles. Des balistes faisaient reculer ceux qui d'en haut
s'opposaient aux progrs des Romains. Cependant les tours des
assigs, qui taient, dans ce secteur, d'une grandeur et d'un travail
remarquables, rsistrent trs longtemps. 4. [148] Pendant que les
Romains supportaient des fatigues puisantes, Pompe eut occasion
d'admirer en gnral l'endurance des Juifs et surtout la constance
avec laquelle ils ne ngligeaient aucun dtail du culte, mme
envelopps d'une grle de traits. Comme si une paix profonde rgnait
dans la cit, les sacrifices, les purifications de chaque jour, tous
les dtails du culte s'accomplissaient exactement en l'honneur de
Dieu ;i le jour mme de la prise du Temple, quand on les massacrait
auprs de l'autel, les Juifs n'interrompirent pas les crmonies
journalires prescrites par la loi. Ce fut le troisime mois du
sige[82] que les Romains, ayant russi grand-peine renverser une des
tours, s'lancrent dans le Temple. Le premier qui osa franchir le
mur fut le fils de Sylla, Faustus Cornelius ; aprs lui vinrent deux
centurions, Furius et Fabius. Suivis chacun de leur troupe, ils
cernrent de toutes parts les Juifs et les taillrent en pices, soit
qu'ils cherchassent un refuge dans l'enceinte sacre, soit qu'ils
opposassent quelque rsistance. 5. [150] Alors bon nombre de prtres,
voyant les ennemis s'lancer le glaive ta main, demeurrent
impassibles dans l'exercice de leur ministre et se laissrent
gorger, tandis qu'ils offraient les libations et l'encens ; ils
mettaient ainsi le culte de la divinit au-dessus de leur propre
salut. La plupart furent massacrs par leurs concitoyens de la
faction adverse ou se jetrent en foule dans les prcipices ;
quelques-uns, se voyant perdus sans ressources, brlrent dans
leur
fureur les constructions voisines de l'enceinte et s'abmrent
dans les flammes. Il prit en tout douze mille Juifs; les Romains
eurent trs peu de morts, mais un assez grand nombre de blesss. 6.
[152] Dans ce dluge de calamits, rien n'affligea aussi vivement la
nation que de voir dvoil au regard des trangers le lieu saint,
jusque-l invisible. Pompe entra, en effet, avec sa suite dans le
sanctuaire, dans la partie ou seul le grand-prtre avait le droit de
pntrer ; il y contempla les objets sacrs : le candlabre, les
lampes, la table, les vases libations, les encensoirs, le tout en
or massif, quantit d'aromates accumuls et le trsor sacr, riche
d'environ deux mille talents. Cependant il ne toucha ni ces objets
ni rien autre du mobilier sacr, et, le lendemain de la prise du
Temple, il ordonna aux gardiens de purifier l'enceinte sacre et de
recommencer les sacrifices accoutums. Il rintgra Hyrcan dans ses
fonctions de grand-prtre, parce qu'il lui avait tmoign beaucoup de
zle pendant le sige et surtout avait dtach nombre d'habitants de la
campagne, qui dsiraient prendre les armes pour Aristobule ; grce a
cette conduite digne d'un sage gnral, il gagna le peuple. par la
bienveillance plutt que par la terreur. Parmi les prisonniers se
trouvait le beau-pre d'Aristobule, qui tait en mme temps son
oncle[83]. Ceux des captifs qui avaient le plus activement favoris
la guerre furent condamns prir sous la hache. Faustus et ceux qui
s'taient avec lui distingus par leur valeur obtinrent de brillantes
rcompenses ; le pays et Jrusalem furent frapps d'un tribut. 7.
[155] Pompe enleva aux Juifs toutes les villes de Cl-Syrie que ce
peuple avait conquises, plaa ces villes sous l'autorit du
gouverneur romain prpos cette rgion, et renferma ainsi les Juifs
dans leurs propres limites. Il releva de ses ruines la ville de
Gadara, dtruite par les Juifs, pour complaire l'un de ses
affranchis, Dmtrius, qui tait de Gadara. Il affranchit aussi du
joug des Juifs les villes de l'intrieur, qu'ils n'avaient pas eu le
temps de ruiner, Hippos, Scythopolis, Pella[84], Samarie, Marissa,
puis encore Azotos, Jamne, Arthuse, et, sur le littoral, Gaza,
Jopp, Dora, et la ville qu'on appelait jadis Tour de Straton et
qui, plus tard, rdifie et orne de constructions splendides par
Hrode, prit le nom nouveau de Csare. Toutes ces villes, restitues
leurs lgitimes habitants, furent rattaches la province de Syrie. Il
la confia, avec la Jude et tout le pays jusqu' l'gypte et
l'Euphrate, ladministration de Scaurus, qui commanda deux lgions ;
lui-mme se hta vers Rome travers la Cilicie, emmenant prisonniers
Aristobule et sa famille. Ce prince avait deux filles et deux fils,
dont l'an, Alexandre, s'vada en route ; le cadet, Antigone, et ses
surs furent conduits Rome.
VIII 1. Scaurus contre Artas. - 2-5, Gouvernement de Gabinius.
Rvolte et dfaite d'Alexandre. Constitution aristocratique octroye
la Jude. - 6. Rvolte et dfaite d'Aristobule. - - 7. Nouvelle
tentative d'Alexandre. 8-9. Crassus et Cassius. Pillage du Temple.
Puissance d'Antipater. 1[85]. [159] Cependant Scaurus avait envahi
l'Arabie. Les difficults du terrain le firent chouer devant Ptra ;
il se mit alors ravager le territoire environnant, mais il en
rsulta pour lui de nouvelles et graves souffrances, car son arme
fut rduite la disette. Hyrcan la soulagea, en
faisant amen des vivres par Antipater. Comme celui-ci avait des
relations d'amiti avec Artas, Scaurus l'envoya auprs de ce roi pour
le dcider acheter la paix. L'Arabe se laissa persuader : il donna
trois cents talents ces conditions, Scaurus vacua l'Arabie avec son
arme. 2[86]. [160] Alexandre, celui des fils d'Aristobule qui
s'tait chapp des mains de Pompe, avait peu a peu rassembl des
troupes considrables et causait de graves ennuis Hyrcan en
parcourant la Jude. On pouvait croire qu'il renverserait bientt ce
prince ; dj mme, s'approchant de la capitale, il poussait la
hardiesse jusqu'a vouloir relever les murs de Jrusalem dtruits par
Pompe[87]. Heureusement Gabinius, envoy en Syrie comme successeur
de Scaurus[88], se distingua par divers actes d'nergie et marcha
contre Alexandre. Celui-ci, pris de crainte son approche, runit une
grosse arme - dix mille fantassins et quinze cents cavaliers et
fortifia les places avantageusement situes d'Alexandreion,
d'Hyrcaneion et de Machrous, prs des montagnes d'Arabie. 3. [162]
Gabinius lana en avant Marc Antoine avec une partie de son arme ;
lui-mme suivit avec le gros. Le corps d'lite que conduisait
Antipater et le reste des troupes juives sous Malichos et Pitholaos
firent leur jonction avec les lieutenants de Marc Antoine ; tous
marchrent ensemble la rencontre d'Alexandre. Peu de temps aprs
survint Gabinius lui-mme avec la lourde infanterie. Sans attendre
le choc de toutes ces forces runies, Alexandre recula ; il
approchait de Jrusalem quand il fut forc d'accepter le combat ; il
perdit dans la bataille six mille hommes, dont trois mille morts et
trois mille prisonniers, et s'enfuit avec le reste Alexandreion. 4.
[164] Gabinius le poursuivit jusqu'a cette place. Il trouva un
grand nombre de soldats camps devant les murs ; il leur promit le
pardon, essayant de les gagner avant le combat. Mais comme leur
fiert repoussait tout accommodement, Gabinius en tua beaucoup et
rejeta le reste dans la forteresse. Ce fut dans ce combat que se
distingua le gnral Marc Antoine ; il montra toujours et partout sa
valeur, mais jamais elle ne fut si clatante. Laissant un dtachement
pour rduire la garnison, Gabinius parcourut lui-mme la contre,
rorganisant les villes qui n'avaient pas t dvastes, relevant celles
qu'il trouva en ruines. Ainsi se repeuplrent, d'aprs ses ordres,
Scythopolis, (Samarie), Anthdon, Apollonia, Jamne, Raphia, Marisa,
Adoros[89], Gamala, Azotos, et d'autres encore ; partout les colons
affluaient avec empressement. 5. [167] Cette opration termine,
Gabinius revint contre Alexandreion et pressa le sige avec tant de
vigueur qu'Alexandre, dsesprant du succs, lui envoya un hraut : il
demandait le pardon de ses fautes et livrait les places qui lui
restaient, Hyrcancion et Machrous ; enfin il remit Alexandreion
mme. Gabinius, sur les conseils de la mre d'Alexandre, dtruisit de
fond en comble toutes ces places, pour qu'elles ne pussent servir
de base d'opration dans une nouvelle guerre. Cette princesse
demeurait auprs de Gabinius, qu'elle cherchait se concilier par sa
douceur, craignant pour les prisonniers de Rome, son poux et ses
autres enfants. Ensuite Gabinius ramena Hyrcan a Jrusalem, lui
confia la garde du Temple et remit le reste du gouvernement entre
les mains des grands. Il divisa tout le pays en cinq ressorts dont
les snats[90] devaient siger respectivement Jrusalem, Gazara,
Amathonte, Jricho, et
Sepphoris, ville de Galile. Les Juifs, dlivrs de la domination
d'un seul, accueillirent avec joie le gouvernement aristocratique.
6[91]. [171] Peu de temps aprs, Aristobule lui-mme s'chappa de Rome
et suscita de nouveaux troubles. Il rassembla un grand nombre de
Juifs, les uns avides de changement, les autres depuis longtemps
dvous sa personne. Il s'empara d'abord d'Alexandreion et commenait
en relever les murs, quand Gabinius envoya contre lui une arme
commande par Sisenna, Antoine et Servilius[92] ; cette nouvelle, il
se rfugia Machrous, renvoya la foule des gens inutiles et ne retint
que les hommes arms au nombre de huit mille environ ; parmi eux se
trouvait Pitholaos, qui commandait en second a Jrusalem et avait
fait dfection avec mille hommes. Les Romains le suivirent la piste.
Dans la bataille qui se livra, les soldats d'Aristobule rsistrent
longtemps et combattirent avec courage ; mais enfin, ils furent
enfoncs par les Romains : cinq mille hommes tombrent, deux mille
environ se rfugirent sur une minence ; les mille qui restaient,
conduits par Aristobule, se frayrent un chemin travers l'infanterie
romaine et se jetrent dans Machrous. Le roi campa le premier soir
sur les ruines de cette ville, nourrissant l'espoir de rassembler
une autre arme, si la guerre lui en laissait le temps, et levant
autour de la place de mchantes [92a] fortifications ; mais quand
les Romains l'attaqurent, aprs' avoir rsist pendant deux jours
au-del de ses forces, il fut pris. On l'amena, charg de fers, auprs
de Gabinius, avec son fils Antigone qui s'tait enfui de Rome avec
lui. Gabinius le renvoya de nouveau Rome. Le Snat retint Aristobule
en prison, mais laissa rentrer [92b] ses enfants en Jude, car
Gabinius expliqua dans ses lettres quil avait accord cette faveur
la femme d'Aristobule en change de la remise des places-fortes[93].
7[94]. [175] Comme Gabinius allait entreprendre une expdition
contre les Parthes, il fut arrt dans ce dessein par Ptolme[95]. Des
bords de l'Euphrate; il descendit vers l'Egypte. Il trouva, pendant
cette campagne, auprs d'Hyrcan et d'Antipater toute l'assistance
ncessaire. Argent, armes, bl, auxiliaires, Antipater lui fit tout
parvenir ; il lui gagna aussi les juifs de cette rgion, qui
gardaient les abords de Pluse, et leur persuada de livrer passage
aux Romains. Cependant le reste de la Syrie profita du dpart de
Gabinius pour sagiter. Alexandre, fils d'Aristobule, souleva de
nouveau les juifs ; il leva une arme trs considrable et fit mine de
massacrer tous les Romains du pays. Ces vnements inquitrent
Gabinius, qui, la nouvelle des troubles, s'tait ht de revenir
d'gypte : il envoya Antipater auprs de quelques-uns des mutins et
les fit rentrer dans le devoir. Mais il en resta trente mille avec
Alexandre, qui brlait de combattre. Gabinius marcha donc au combat
; les Juifs vinrent sa rencontre, et la bataille eut lieu prs du
mont Itabyrion ; dix mille Juifs prirent, le reste se dbanda.
Gabinius retourna Jrusalem et y rorganisa le gouvernement sur les
conseils dAntipater. De l il partit contre les Nabatens qu'il
vainquit en bataille range ; il renvoya aussi secrtement deux exils
Parthes, Mithridate et Orsans, qui s'taient rfugis auprs de lui,
tout en dclarant devant les soldats qu'ils s'taient vads[96].
8[97]. [179] Cependant Crassus vint pour lui succder dans le
gouvernement de la Syrie. Avant d'entreprendre son expdition contre
les Parthes, il mit la main sur l'or que renfermait le
Temple de Jrusalem et emporta mme les deux mille talents
auxquels Pompe n'avait pas touch. Il franchit l'Euphrate et prit
avec toute son arme ; mais ce n'est pas le lieu de raconter ces
vnements. 9. [180] Aprs la mort de Crassus, les Parthes s'lanaient
pour envahir la Syrie mais Cassius, qui s'tait rfugi dans cette
province, les repoussa. Ayant ainsi sauv la Syrie, il marcha
rapidement contre les Juifs, prit Tariches, o il rduisit trente
mille Juifs en esclavage, et mit mort Pitholaos, qui cherchait
runir les partisans d'Aristobule : c'est Antipater qui lui
conseilla cette excution. Antipater avait pous Kypros, femme d'une
noble famille d'Arabie ; quatre fils naquirent de ce mariage -
Phasal, Hrode, qui fut roi, Joseph, Phroras - et une fille, Salom.
Il s'tait attach les puissants de partout par les liens de l'amiti
et de l'hospitalit ; il avait gagn surtout la faveur du roi des
Arabes, par son alliance matrimoniale, et c'est lui qu'il confia
ses enfants quand il engagea la guerre contre Aristobule. Cassius,
aprs avoir contraint par un trait Alexandre se tenir en repos, se
dirigea vers l'Euphrate pour empcher les Parthes de franchir le
fleuve ; ce sont des vnements dont nous parlerons ailleurs[98].
IX 1-2. Mort d'Aristobule et d'Alexandre. - 3-5. Services rendus
par Antipater Csar en gypte. 1[99]. [183] Quand Pompe se fut enfui
avec le snat romain au-del de la mer Ionienne[100], Csar, matre de
Rome et de l'Empire mit en libert Aristobule. Il lui confia deux
lgions et le dpcha en Syrie, esprant, par son moyen, s'attacher
facilement cette province et la Jude. Mais la haine prvint le zle
d'Aristobule et les esprances de Csar. Empoisonn par les amis de
Pompe, Aristobule resta, pendant longtemps, priv de la spulture
dans la terre natale. Son cadavre fut conserv dans du miel,
jusqu'au jour o Antoine l'envoya aux Juifs pour tre enseveli dan s
le monument de ses pres. 2. [185] Son fils Alexandre pril aussi
cette poque : Scipion[101] le fit dcapit Antioche, sur l'ordre de
Pompe, aprs l'avoir fait accuser devant son tribunal pour les torts
qu'il avait causs aux Romains. Le frre et les surs d'Alexandre
reurent l'hospitalit de Ptolme, fils de Mennos, prince de Chalcis
dans le Liban. Ptolme leur avait envoy Ascalon son fils Philippion,
ci celui-ci russit enlever la femme d'Aristobule, Antigone et les
princesses, qu'il ramena auprs de son pre. pris de la cadette,
Philippion l'pousa, mais ensuite son pre le tua pour cette mme
princesse Alexandra, qu'il pousa son tour. Depuis ce mariage il
tmoigna au frre et la sur beaucoup de sollicitude. 3[102]. [187]
Antipater, aprs la mort de Pompe[103], changea de parti et fit la
cour Csar. Quand Mithridate de Pergame, conduisant une arme en
gypte, se vit barrer le passage de Pluse et dut s'arrter Ascalon,
Antipater persuada aux Arabes dont il tait l'hte de lui prter
assistance ; lui-mme rejoignit Mithridate avec trois mille
fantassins juifs arms. Il persuada aussi les personnages les plus
puissants de Syrie de seconder Mithridate, savoir[104]Ptolme du
Liban et Jamblique. Par leur influence les villes de la rgion
contriburent avec ardeur a cette
guerre. Mithridate, puisant une nouvelle confiance dans les
forces amenes par Antipater, marcha sur Pluse et, comme on refusait
de le laisser passer, assigea la ville. A l'assaut, Antipater
s'acquit une gloire clatante ; car il fit une brche dans la partie
de la muraille en face de lui et, suivi de ses soldats, s'lana le
premier dans la place. 4. [190] C'est ainsi que Pluse fut prise.
L'arme, en continuant sa marche, fut encore arrte par les Juifs
gyptiens qui habitaient le territoire dit d'Onias. Cependant
Antipater sut les persuader, non seulement de ne faire aucune
rsistance, mais encore de fournir des subsistances l'arme. Ds lors
ceux de Memphis[105] ne rsistrent pas davantage et se joignirent de
leur plein gr Mithridate. Celui-ci, qui avait fait le tour du
Delta, engagea le combat contre le reste des gyptiens au lieu appel
camp des Juifs . Dans cet engagement, il courait de grands risques
avec toute son aile droite, quand Antipater, en longeant le fleuve,
vint le dgager ; car celui-ci, avec l'aile gauche, avait battu les
ennemis qui lui taient opposs ; tombant alors sur ceux qui
poursuivaient Mithridate, il en tua un grand nombre et poussa si
vivement le reste qu'il s'empara de leur camp. Il ne perdit que
quatre-vingts[106] des siens ; Mithridate dans sa droute en avait
perdu huit cents. Sauv contre son esprance, Mithridate porta auprs
de Csar un tmoignage sincre de la brillante valeur dAntipater. 5.
[193] Csar, par ses louanges et par ses promesses, stimula
Antipater courir de nouveaux dangers pour son service. Il s'y
montra le plus hardi des soldats, et, souvent bless, portait
presque sur tout son corps les marques de son courage. Puis, quand
Csar eut mis ordre aux affaires d'gypte et regagna la Syrie, il
honora Antipater du titre de citoyen romain et de l'exemption
d'impts. Il le combla aussi de tmoignages d'honneur et de
bienveillance, qui firent de lui un objet d'envie ; c'est aussi
pour lui complaire que Csar confirma Hyrcan dans sa charge de
grand-prtre.
X 1-3. Plaintes d'Antigone contre Antipater ; Csar dcide en
faveur de ce dernier. - 4. Antipater gouverne la Jude sous le nom
d'Hyrcan. - 5-9. Exploits, procs, exil et retour d'Hrode. - 10.
Guerre d'Apame. 4[107]. [195] Vers le mme temps se prsenta devant
Csar Antigone, fils d'Aristobule, et son intervention eut pour
effet inattendu d'avancer la fortune d'Antipater. Antigone aurait d
se contenter de pleurer sur la mort de son pre, empoisonn,
semble-t-il, cause de ses dissentiments avec Pompe, et de fltrir la
cruaut de Scipion envers son frre, sans mler ses plaintes aucun
sentiment de haine. Loin de l, il osa encore venir en personne
accuser Hyrcan et Antipater : ils l'avaient, disait-il, au mpris de
tout droit, chass, lui, ses frres et surs, de toute leur terre
natale ; ils avaient, dans leur insolence, accabl le peuple
d'injustices ; s'ils avaient envoy des secours en gypte, ce n'tait
pas par bienveillance pour Csar, mais par crainte de voir renatre
de vieilles querelles et pour se faire pardonner leur amiti envers
Pompe.
2. [197] En rponse, Antipater, arrachant ses vtements. montra
ses nombreuses cicatrices. Son affection pour Csar, dit-il, point
n'est besoin de la prouver par des paroles ; tout son corps la
crie, gardt-il il le silence. Mais l'audace d'Antigone le stupfait.
Quoi ! le fils d'un ennemi des Romains, d'un fugitif de Rome, lui
qui a hrit de son pre lesprit de rvolution et de sdition, ose
accuser les autres devant le gnral romain et s'efforce d'en obtenir
quelque avantage, quand il devrait s'estimer heureux d'avoir la vie
sauve ! D'ailleurs, s'il recherche le trne, ce n'est pas le besoin
qui l'y pousse ; ce qu'il dsire plutt, c'est de pouvoir, prsent de
sa personne, semer la sdition parmi les Juifs et user de ses
ressources contre ceux qui les lui ont fournies . 3. [199] Aprs
avoir entendu ce dbat, Csar dclara qu'Hyrcan mritait mieux que tout
autre le grand pontificat et laissa Antipater le droit de choisir
la dignit qu'il voudrait. Celui-ci dclara s'en rapporter son
bienfaiteur du soin de fixer l'tendue du bienfait ; il fut alors
nomm procurateur de toute la Jude. Il obtint de plus l'autorisation
de d'lever les murailles dtruites de sa patrie. Csar expdia ces
dcisions Rome pour tre graves au Capitole comme un monument de sa
propre justice et du mrite d'Antipater. 4[108]. [201] Antipater,
aprs avoir accompagn Csar jusqu'aux frontires de Syrie, revint
Jrusalem. Son premier soin fut de relever les murs de la capitale,
que Pompe avait abattus, et de parcourir le pays pour apaiser les
troubles, usant tour a tour de menaces et de conseils. En
s'attachant Hyrcan, disait-il, ils vivront dans l'abondance et dans
la tranquillit et jouiront de leurs biens au sein de la paix
commune ; s'ils se laissent, au contraire, sduire par les vaines
promesses de gens qui, dans l'espoir d'un avantage personnel,
trament des changements, ils trouveront dans Antipater un matre au
lieu d'un protecteur, dans Hyrcan un tyran au lieu d'un roi, dans
les Romains et dans Csar des ennemis au lieu de chefs et d'amis ;
car ceux-ci ne laisseront pas chasser du pouvoir celui qu'ils y ont
eux-mmes install. En mme temps, il s'occupa luimme d'organiser le
pays car il ne voyait chez Hyrcan qu'inertie et faiblesse indignes
d'un roi[109]. Il donna son fils an Phasal le gouvernement de
Jrusalem et des alentours ; il envoya Hrode, le second, avec des
pouvoirs gaux en Galile, malgr son extrme jeunesse. 5. [204] Hrode,
dou d'un naturel entreprenant, trouva bientt matire son nergie. Un
certain Ezchias, chef de brigands, parcourait la tte d'une grosse
troupe les confins de la Syrie ; Hrode s'empara de sa personne et
le mit mort avec un bon nombre de ses brigands. Ce succs fit le
plus grand plaisir aux Syriens. Dans les bourgs, dans les villes,
les chansons clbraient Hrode comme celui qui assurait par sa
prsence la paix et leurs biens. Cet exploit le fit aussi connatre
Sextus Csar, parent du grand Csar et gouverneur de Syrie. Phasal,
de son ct, par une noble mulation, rivalisait avec le bon renom de
son frre ; il sut se concilier la faveur des habitants de Jrusalem
et gouverner en matre la ville sans commettre aucun excs fcheux
d'autorit. Aussi le peuple courtisait Antipater comme un roi : tous
lui rendaient des honneurs comme s'il et t le matre absolu ;
cependant il ne se dpartit jamais de l'affection ni de la fidlit
qu'il devait Hyrcan. 6. [208] Mais il est impossible dans la
prosprit d'viter l'envie. Dj Hyrcan se sentait secrtement mordu par
la gloire de ces jeunes gens ; c'taient surtout les succs d'Hrode
qui
l'irritaient, c'taient les messagers se succdant sans relche
pour raconter ses hauts faits. Il ne manquait pas non plus de
mdisants la cour, pour exciter les soupons du prince, gens qui
avaient trouv un obstacle dans la sagesse d'Antipater ou de ses
fils. Hyrcan, disaient-ils, avait abandonn Antipater et ses fils la
conduite des affaires ; lui-mme restait inactif, ne gardant que le
titre de roi sans pouvoir effectif. Jusqu' quand persvrerait il
dans son erreur de nourrir des rois contre lui ? Dj ses ministres
ne se contentent plus du masque de procurateurs ; ils se dclarent
ouvertement les matres, ils le mettent entirement de ct, puisque,
sans avoir reu ni ordre ni message d'Hyrcan, Hrode a, au mpris de
la loi juive, fait mourir un si grand nombre de personnes ; s'il
n'est pas roi, s'il est encore simple particulier, Hrode doit
comparatre en justice et se justifier devant le prince et les lois
nationales, qui interdisent de tuer un homme sans jugement. 7.
[210] Ces paroles peu peu enflammaient Hyrcan ; sa colre finit par
clater, et il cita Hrode en justice. Celui-ci, fort des conseils de
son pre et s'appuyant sur sa propre conduite, se prsenta devant le
tribunal, aprs avoir pralablement mis bonne garnison en Galile. Il
marchait suivi d'une escorte suffisante [109a], calcule de manire
viter dune part lapparence de couloir renverser Hyrcan avec des
forces considrables, et dautre part le danger de se livrer sans
dfense a l'envie. Cependant Sextus Csar, craignant que le jeune
homme, pris par ses ennemis, nprouvt quelque malheur, manda
expressment Hyrcan qu'il eut absoudre Hrode de l'accusation de
meurtre. Hyrcan, qui d'ailleurs inclinait cette solution, car il
aimait Hrode, rendit une sentence conforme[110]. 8. [212] Cependant
Hrode, estimant que c'tait malgr le roi qu'il avait vit la
condamnation, se retira Damas auprs de Sextus et se mit en mesure
de rpondre une nouvelle citation. Les mchants continuaient exciter
Hyrcan, disant qu'Hrode avait fui par colre et quil machinait
quelque chose contre lui. Le roi les crut, mais il ne savait que
faire, voyant son adversaire plus fort que lui. Lorsque ensuite
Sextus nomma Hrode gouverneur[111] de ClSyrie et de Samarie,
formidable la fois par la faveur du peuple et par sa puissance
propre, il inspira une extrme terreur Hyrcan, qui s'attendait ds
lors le voir marcher contre lui la tte d'une arme. 9. [214] Cette
crainte n'tait que trop fonde. Hrode, furieux de la menace que ce
procs avait suspendue sur sa tte, rassembla une arme et marcha sur
Jrusalem pour dposer Hyrcan. Il aurait excut ce dessein
incontinent, si son pre et son frre n'taient venus au-devant de lui
et n'avaient arrt son lan ; ils le conjurrent de borner sa dfense
la menace, l'indignation, et d'pargner le roi sous le rgne duquel
il tait parvenu une si haute puissance. Si, disent-ils, il a raison
de s'indigner d'avoir t appel au tribunal, il doit, d'autre part,
se rjouir de son acquittement ; s'il rpond par la colre l'injure,
il ne doit pas rpondre par l'ingratitude au pardon. Et s'il faut
estimer que les hasards de la guerre sont dans la main de Dieu, un
acte injuste prvaudra sur la force d'une arme : aussi ne doit-il
pas avoir une confiance absolue dans la victoire, puisqu'il va
combattre contre son roi et son ami, qui fut souvent son
bienfaiteur et ne lui a t hostile que le jour o, cdant de mauvais
conseils, il l'a menac d'une ombre d'injustice.
Hrode se laissa persuader par ces avis, pensant qu'il suffisait
ses esprances d'avoir fait devant le peuple cette manifestation de
sa puissance. 10[112]. [216] Sur ces entrefaites, des troubles et
une vritable guerre civile clatrent Apame. entre les Romains.
Ccilius Bassus, par attachement pour Pompe, assassina Sextus
Csar[113] et s'empara de son arme ; les autres lieutenants de Csar,
pour venger ce meurtre, attaqurent Bassus avec toutes leurs forces.
Antipater, dvou aux deux Csars, le mort et le vivant, leur envoya
des secours sous ses deux fils. Comme la guerre tranait en
longueur, Murcus fut envoy d'Italie pour Succder Sextus.
XI 1-2. Guerre civile. Cassius en Syrie ; ses exactions. - 3-4.
Antipater assassin par Malichos. 5-8. Hrode tire vengeance de
Malichos. 1[114]. [218] A cette poque clata entre les Romains la
grande guerre, aprs que Brutus et Cassius eurent assassin Csar, qui
avait occup le pouvoir pendant trois ans et sept mois[115]. Une
profonde agitation suivit ce meurtre ; les citoyens les plus
considrables se divisrent ; chacun, suivant ses esprances
particulires, embrassait le parti qu'il croyait avantageux.
Cassius, pour sa part, se rendit en Syrie afin d'y prendre le
commandement des armes runies autour d'Apame. L il rconcilia Bassus
avec Murcus et les lgions spares, fit lever le sige dApame, et, se
mettant lui-mme la tte des troupes, parcourut les villes en levant
des tributs avec des exigences qui dpassaient leurs ressources. 2.
[220] Les juifs reurent l'ordre de fournir une somme de sept cents
talents. Antipater, craignant les menaces de Cassius, chargea ses
fils et quelques-uns de ses familiers, entre autres Malichos, qui
le hassait, de lever promptement cet argent, chacun pour sa
position, - tel point les talonnait la ncessit ! Ce fut Hrode qui,
le premier, apaisa Cassius, en lui apportant de Galile sa
contribution, une somme de cent talents ; il devint par l son
intime ami ; quant aux autres, Cassius leur reprocha leur lenteur
et fit retomber sa colre sur les villes mmes. Aprs avoir rduit en
servitude Gophna, Emmas et deux autres villes de moindre
importance[116], il s'avanait dans le dessein de mettre mort
Malichos pour sa ngligence fournir le tribut, mais Antipater[117]
prvnt la perte de Malichos et la ruine des autres villes en calmant
Cassius par le don de cent talents. 3. [223] Cependant, aprs le
dpart de Cassius, Malichos, loin de savoir gr Antipater de ce
service, machina un complot contre celui qui l'avait sauv plusieurs
reprises, brlant de supprimer l'homme qui s'opposait ses
injustices. Antipater, craignant la force et la sclratesse de ce
personnage, passa le Jourdain pour rassembler une arme et djouer le
complot. Malichos, quoique pris sur le fait, sut force d'impudence
gagner les fils d'Antipater : Phasal, gouverneur de Jrusalem et
Hrode, commandant de l'arsenal, ensorcels par ses excuses et ses
serments, consentirent lui servir de mdiateurs auprs de leur pre.
Une fois de plus Antipater le sauva, en apaisant Murcus, gouverneur
do. Syrie, qui voulait mettre mort Malichos comme factieux.
4. [225] Quand le jeune Csar et Aubine ouvrirent les hostilits
contre Cassius et Brutus, Cassius et Murcus levrent une arme en
Syrie, et comme Hrode paraissait leur avoir rendu de grands
services dans cette opration, ils le nommrent alors procurateur de
la Syrie entire[118] en lui donnant de l'infanterie et de la
cavalerie ; Cassius lui promit mme, une fois la guerre termine, de
le nommer roi de Jude. La puissance du fils et ses brillantes
esprances amenrent la perte du pre. Car Malichos, inquiet pour
l'avenir, corrompit prix d'argent un des chansons royaux et fit
donner du poison Antipater. Victime de l'iniquit de Malichos,
Antipater mourut en sortant de table[119]. C'tait un homme plein
d'nergie dans la conduite des affaires, qui fit recouvrer Hyrcan
son royaume et le garda pour lui. 5[120]. [227] Malichos, voyant le
peuple irrit par le soupon du crime, l'apaisa par ses dngations et,
pour affermir son pouvoir, leva une troupe de soldats. En effet, il
pensait bien qu'Hrode ne se tiendrait pas en repos ; celui-ci parut
bientt la tte d'une arme pour venger son pre. Cependant Phasal
conseilla son frre de ne pas attaquer ouvertement leur ennemi, dans
la crainte dexciter des sditions parmi la multitude. Hrode accepta
donc pour le moment la justification de Malichos et consentit
l'absoudre du soupon ; puis il clbra avec une pompe clatante les
funrailles de son pre[121]. 6. [229] Il se rendit ensuite Samarie,
trouble par la sdition et y rtablit l'ordre ; puis il revint passer
les ftes Jrusalem, suivi de ses soldats. Hyrcan, l'instigation de
Malichos, qui craignait l'entre de ces troupes, le prvint par un
message et lui dfendit d'introduire des trangers parmi le peuple
qui se sanctifiait. Mais Hrode, ddaignant le prtexte et l'auteur de
l'ordre, entra de nuit dans la ville. L-dessus Malichos se prsenta
encore une fois auprs de lui pour pleurer Antipater. Hrode lui
rpondit en dissimulant, tout en ayant peine contenir sa colre. En
mme temps il adressa Cassius des lettres o il dplorait la mort de
son pre ; Cassius, qui hassait d'ailleurs Malichos, lui rpondit en
l'engageant poursuivre le meurtrier ; bien plus, il manda
secrtement ses tribuns de prter leur concours Hrode pour une juste
entreprise. 7. [231] Quand Cassius se fut empar de Laodice et vit
arriver de tous les cts les principaux du pays portant des prsents
et des couronnes, Hrode jugea le moment venu pour sa vengeance.
Malichos avait conu des soupons ; arriv Tyr, il rsolut de faire
chapper secrtement son fils, qu'on gardait alors en otage dans
cette ville, et lui-mme se disposa fuir en Jude. Le dsespoir le
poussa mme de plus vastes desseins ; il rvait de soulever la nation
contre les Romains, pendant que Cassius serait occup la guerre
contre Antoine, et se flattait d'arriver a la royaut, ds qu'il
aurait sans peine renvers Hyrcan. 8. [233] Mais la destine se rit
de ses esprances. En effet, Hrode, devinant son intention, l'invita
a souper avec Hyrcan ; ensuite il appela un[122] de ses serviteurs
qui se trouvait l et l'envoya, en apparence pour prparer le festin,
en ralit pour prvenir les tribuns de disposer une embuscade.
Ceux-ci, se rappelant les ordres de Cassius, sortirent en armes sur
le rivage de la mer, devant la ville ; l ils entourrent Malichos et
le criblrent de blessures mortelles. Saisi d'pouvante cette
nouvelle, Hyrcan tomba d'abord vanoui ; quand il revint lui, non
sans peine, il demanda Hrode qui avait tu Malichos. Un des tribuns
lui rpondit : Ordre de Cassius .
Alors, rpondit-il, Cassius m'a sauv ainsi que ma patrie,
puisqu'il a mis mort celui qui tramait notre perte . Hyrcan parlait
il ainsi du fond du cur, ou acceptait-il par crainte le fait
accompli, c'est un point douteux. Quoi qu'il en soit, c'est ainsi
qu'Hrode se vengea de Malichos.
XII 1. Rvolte d'Hlix et du frre de Malichos. - 2. Rivalit
d'Hrode et de Marion, tyran de Tyr. 3. Victoire d'Hrode sur
Antigone. Il pouse Mariamme. - 4-5. Antoine conduit les
ambassadeurs juifs ; Hrode et Phasal nomms ttrarques. - 6.7.
Massacre des dputs juifs. 1[123]. [236] Cassius avait peine quitt
la Syrie qu'une nouvelle sdition clata Jrusalem. Un certain Hlix se
mit la tte d'une arme et se souleva contre Phasal, voulant, cause
du chtiment inflig Malichos, se venger dHrode sur la personne de
son frre. Hrode se trouvait alors Damas, prs du gnral romain Fabius
; dsireux de porter secours Phasal. il fut retenu par la maladie.
Cependant Phasal quoique laiss ses seules forces, triompha d'Hlix
et accusa Hyrcan d'ingratitude, pour avoir favoris les desseins
d'Hlix et laiss le frre de Malichos s'emparer d'un grand nombre de
places et particulirement de la plus forte de toutes, Masada. 2.
[238] Mais rien ne pouvait garantir Hlix de l'imptuosit d'Hrode.
Celui-ci, rendu la sant, lui reprit les places-fortes et le fit
sortir lui-mme de Masada, en suppliant. Il chassa pareillement de
Galile Marion, tyran de Tyr, qui avait dj pris possession de trois
places ; quant aux Tyriens, qu'il avait faits prisonniers, il les
pargna tous ; il y en eut mme qu'il relcha avec des prsents,
s'assurant ainsi lui-mme la faveur des Tyriens et au tyran leur
haine. Marion tenait son pouvoir de Cassius, qui divisa la Syrie
entire en tyrannies de ce genre ; plein de haine contre Hrode, il
ramena dans le pays Antigone, fils d'Aristobule. Il se servit cet
effet surtout de Fabius, quAntigone s'tait concili par des
largesses et qui favorisa son retour ; Ptolme, beaufrre d'Antigone,
fournissait toutes les dpenses. 3. [240] Hrode, s'opposant leur
marche, livra bataille l'entre du territoire de la Jude et fut
vainqueur. Antigone chass, Hrode revint Jrusalem, o sa victoire lui
valut la faveur gnrale ; ceux mme qui auparavant lui taient
hostiles s'attachrent lui, quand un mariage le fit entrer dans la
famille d'Hyrcan. Il avait d'abord pous une femme du pays, d'assez
noble naissance, nomme Doris, dont il eut un fils, Antipater ;
maintenant il s'unit la fille d'Alexandre, fils d'Aristobule, et
petite-fille d'Hyrcan, nomme Mariamme : il devenait ainsi parent du
prince. 4[124]. [242] Lorsque, aprs avoir tu Cassius
Philippes[125], Csar et Antoine retournrent, l'un en Italie,
l'autre en Asie, parmi les nombreuses dputations des cits, qui
allrent saluer Antoine en Bithynie, se trouvrent aussi des notables
juifs qui vinrent accuser Phasal et Hrode de s'tre empars du
pouvoir par la violence et de n'avoir laiss Hyrcan qu'un vain
titre. Hrode, prsent ces attaques, sut se concilier par de fortes
sommes d'argent la faveur d'Antoine ; son instigation, Antoine
refusa mme d'accorder audience ses ennemis, qui se virent
congdis.
5[126]. [243] Bientt aprs les notables juifs, au nombre de cent,
se rendirent de nouveau Daphn dAntioche auprs d'Antoine, dj asservi
l'amour de Cloptre ; ils mirent leur tte les plus estims pour
l'autorit et l'loquence et dressrent une accusation en rgle contre
les deux frres. En rpons, Messalla prsenta leur dfense ; et Hyrcan
se plaa ct de lui, en raison de son alliance matrimoniale avec les
accuss. Aprs avoir entendu les deux parties, Antoine demanda Hyrcan
quels taient les plus dignes du commandement : comme Hyrcan
dclarait que c'tait Hrode et son frre, Antoine s'en rjouit, en
souvenir des anciens liens dhospitalit qui l'unissaient cette
famille, car leur pre, Antipater, l'avait reu avec bienveillance
quand il fit campagne en Jude avec Gabinius. En consquence, il
nomma les deux frres ttrarques et leur confia l'administration de
toute la Jude. 6. [245] Les dputs du parti adverse ayant manifest
leur irritation, Antoine fit arrter et mette en prison quinze
d'entre eux et voulut mme les faire mourir : il chassa le reste
avec ignominie. Ces vnements provoqurent une agitation encore plus
vive Jrusalem. Les habitants envoyrent cette fois mille dputs Tyr,
o sjournait Antoine, en route vers Jrusalem. Comme les dputs
menaient grand bruit, il leur envoya le gouverneur de Tyr, avec
ordre de chtier ceux qu'il prendrait et de consolider l'autorit des
ttrarques institus par lui. [246] 7. Dj auparavant, Hrode accompagn
d'Hyrcan s'tait rendu sur le rivage ; l il exhorta longuement les
dputs ne pas dchaner la ruine sur eux-mmes et la guerre sur leur
patrie par une querelle inconsidre. Mais cette dmarche ne fit que
redoubler leur fureur ; alors Antoine envoya contre eux son
infanterie, qui en tua ou blessa un grand nombre ; Hyrcan accorda
la spulture aux morts et des soins aux blesss. Malgr tout, ceux qui
s'chapprent ne se tinrent pas en repos[127] ; par les troubles
qu'ils entretenaient dans la cit, ils irritrent Antoine, au point
qu'il se dcida a faire excuter les prisonniers.
XIII 1. Le Parthes en Syrie. - 2-3. Pacoros attaque Jrusalem. -
4-5. Capture de Phasal et d'Hyrcan. 6-8 Fuite d'Hrode. 9-11.
Restauration d'Antigone. Mort de Phasal. 1[128]. [248] Deux ans
aprs[129], Barzapharns, satrape des Parthes, occupa la Syrie avec
Pacoros, fils du roi. Lysanias, qui avait hrit du royaume de son
pre Ptolme, fils de Mennaios, persuada le satrape, en lui
promettant mille talents et cinq cents femmes, de ramener sur le
trne Antigone et de dposer Hyrcan[130]. Gagn par ces promesses,
Pacoros lui-mme s'avana le long du littoral et enjoignit
Barzapharns de faire route par l'intrieur des terres. Parmi les
populations ctires, Tyr refusa le passage Pacoros, alors que
Ptolmas et Sidon lui avaient fait bon accueil. Alors le prince
confia une partie de sa cavalerie un chanson du palais qui portait
le mme nom que lui, et lui ordonna d'envahir la Jude pour observer
l'ennemi et soutenir Antigone au besoin. 2. [250] Comme ces
cavaliers ravageaient le Carmel, un grand nombre de Juifs se
rallirent Antigone et se montrrent pleins d'ardeur pour l'invasion.
Antigone les dirigea vers le lieu appel
Drymos (la Chnaie)[131] dont ils devaient s'emparer. Ils y
livrrent bataille, repoussrent les ennemis, les poursuivirent
jusqu' Jrusalem et, grossissant leurs rangs, parvinrent jusqu'au
palais. Hyrc