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Cahiers de Fanjeaux 48 Publication annuelle d'histoire religieuse du Midi de la France au Moyen Âge La réf orme « grégorienne » dans le Midi (milieu xi e -début x11i e siècle) É D I T I O N S Privat
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\"Géraud de Braga († 1108) : la problématique Vita d’un moine-évêque grégorien entre Moissac et Braga (BHL 3415)\"

May 14, 2023

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Cahiers de Fanjeaux 48 Publication annuelle d'histoire religieuse

du Midi de la France au Moyen Âge

La réf orme « grégorienne » dans le Midi

(milieu xie-début x11ie siècle)

É D I T I O N S

Privat

-

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Patrick HENRIET École pratique des Hautes Études, section des Sciences historiques et philologiques

Géraud de Braga (t 1108): la problématique Vita

d'un moine-évêque grégorien entre Moissac et Braga

(BHL 3415)

On sait que la fin du xre et le début du XIIe siècle constituent en péninsule Ibérique (Catalogne exceptée), plus encore qu'ailleurs sans doute, une période de grands bouleversements pour l'Église ; l'époque grégorienne n'est pas seulement celle où la papauté trouve une influence qu'elle n'avait jamais

vraiment eue, elle est aussi celle où nombre de vieilles traditions sont dépassées, transformées ou enterrées, ce qui est la conséquence d'une alliance de fait entre le pouvoir royal et des clercs venus du nord des Pyrénées avec leur liturgie, leurs livres, leurs coutumes, leur écriture, leur ecclésiologie, etc. Ce changement, rapide et sans précédent dans l'histoire de l'Église hispanique, est assez documenté pour qu'il soit possible de repérer de très nombreux exemples de transferts et d'influences. Or dans cette histoire, les régions du sud de la Gaule jouent un rôle essentiel car elles ont largement alimenté l'armée des clercs réformateurs, lui fournissant même quelques-uns de ses membres les plus influents 1• Le cas le plus célèbre est celui de Bernard de la Sauvetat, un moine de Saint-Orens d'Auch qui était passé par Cluny et qui, en 1080 ou 1081, devint abbé de Sahag(m, le

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grand monastère dont le roi Alphonse VI entendait faire une sorte de Cluny d'Espagne2 • En 1086, Bernard devint le premier archevêque de Tolède reconquise, se convertissant ainsi et jusqu'à sa mort en premier personnage de l'Église hispanique. Mais Bernard n'était pas venu seul. Plusieurs textes indépendants les uns des autres rapportent que sous le pontificat d'Urbain II (1088-1099), au retour d'un voyage à Rome, il avait recruté de nombreux clercs dans le sud de la France3

La majorité d'entre eux, voire tous, étaient des moines qui consti­tuèrent une sorte de vivier dans lequel Bernard et les souverains puisèrent abondamment. Nombre de ces clercs, après être restés à Tolède, devinrent en effet évêques par la suite. Géraud, dont ne sait s'il faut l'appeler Géraud de Braga, Géraud de Toulouse ou Géraud de Moissac, est l'un d'entre eux. Il n'est pas le seul qui, une fois devenu saint, fut honoré d'une Vita, Pierre d'Osma, évêque de cette ville entre 1101 et 1109 et originaire de la région de Bourges, parta­geant cet honneur avec lui4

Le parcours de Géraud nous est connu dans ses grandes lignes par un texte hagiographique conservé dans un manuscrit moissagais dont il sera longuement question dans les pages qui suivent. Originaire de la région de Cahors, Géraud devint oblat puis moine à Moissac, où il exerça de nombreuses années la fonction d' armarius. Érudit dans« les arts de la musique et de la grammaire», il fut également chantre5

Chargé de visiter les dépendances de Moissac afin de « réformer » les . frères dans la sainte doctrine et dans l'exercice de la vie monastique, il s'installa ensuite, pour cette raison, au prieuré toulousain de La Daurade, une obedientia du grand monastère6

• Revenant de Rome et passant par la région, Bernard de Tolède obtint alors de l'abbé de Moissac la permission d'emmener Géraud à Tolède. Le futur saint y occupa des fonctions qu'il avait déjà remplies dans le passé : direction du chœur et éducation des clercs 7. Son rôle de chantre impliquait alors d'imposer dans le siège archiépiscopal et primatial un répertoire du sud de la France adapté à la liturgie qui était en train de s'imposer: en témoigne un antiphonaire de la fin du XIe siècle, vraisemblablement copié à Moissac et conservé à Tolède8 • En 1099, Géraud fut nommé évêque de Braga avec l'appui de Bernard mais aussi, nécessairement,

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avec celui du comte de Portugal Henri de Bourgogne (1096-1112), apparenté à l'abbé de Cluny Hugues de Semur (1049-1109), et sans doute aussi celui du roi de Castille Alphonse VI (1065-1109)9.

Son culte se répandit rapidement après sa mort (1109). La Vita signale ainsi de nombreux miracles survenus sur sa tombe, dans une chapelle dédiée à saint Nicolas 10

• Le « Missal de Mateus », copié à Braga vers 1130-1150, est le premier livre liturgique connu à mentionner Géraud11 et en novembre 1182, l'évêque de Tuy cite quatre saints patrons de Braga: Fructueux, Victor, Martin (de Braga) et Géraud12

. Devenu la grande figure« contemporaine» du diocèse de Braga, Géraud n'a pas pour autant été oublié en Languedoc. Il est noté au 5 décembre dans le nécrologe de Moissac13 et surtout sa Vita était disponible dans le monastère languedocien, sans que l'on sache exactement comment elle y était parvenue. Le manuscrit qui nous l'a transmise (M) est composite, le secteur qui renferme la Vita remon­tant à la première moitié du XIIe siècle14

• La Vita Gera/di est quant à elle datée par José Mattoso des années 1112-112815

• Elle est l 'œuvre de Bernard, un proche du saint dont on verra, bien que le manuscrit parisien ne le précise pas, qu'il avait été lui aussi moine à Moissac, qu'il avait suivi Géraud dans tous ses voyages et qu'il fut évêque de Coimbra entre 1128 et 1146. Cette Vita a été rédigée alors qu'il était encore archidiacre de Braga, donc en 1128 au plus tard16

. José Mattoso donne comme terminus a quo la date de 1112, car il est fait mention de la comtesse Thérèse (fille d'Alphonse VI), qui commença à gouverner à cette date, mais cette fourchette peut être notablement resserrée : Bernard parle en effet de son homonyme Bernard de Tolède en lui appliquant l'expression venerabilis memorie17

• Or Bernard est mort en 1124. La version de la Vita Gera/di que nous propose le manuscrit de Moissac aurait donc été écrite entre 1124 et 1128, ce qui permettrait au passage de dater un peu plus précisément cette partie du manuscrit. Longtemps considéré comme le seul témoin de la Vita Gera/di, ce manuscrit (M) a été copié par Baluze en 1680 et il a été à nouveau utilisé par Alexandre Herculano en 185618

• Or ce dossier hagiographique, qui apparaissait initialement fort simple, est subitement devenu très compliqué en 1980, lorsque le père Rocha

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a édité un bréviaire de Braga, dit« de Soeiro » (BS), qui date de la fin du XIV e ou du début du xve siècle: celui-ci contient en effet des leçons pour la saint Géraud qui renvoient visiblement à une autre version de la Vita19

• Commenter celle-ci implique donc une réflexion préalable sur les rapports entre les différents états du texte. Si celui­ci offre un remarquable portrait d'évêque grégorien, véritable fer de lance de la réforme dans ce qui allait devenir le Portugal quelques années plus tard, il pose aussi de gros problèmes de réécriture qui apparaissent révélateurs des luttes entre diocèses et métropoles, un aspect essentiel de la reconstruction de la carte ecclésiastique hispa­nique entraînée par la « Reconquête ». Il est enfin révélateur de la différence de traitement qu'un discours« grégorien» sans concession était susceptible de recevoir à Moissac et à Braga.

I. DEUX OU TROIS VERSIONS DE LA VITA SANCTI

GERALD! AU xne SIÈCLE?

En 1980, Rocha a donc publié d'après le « Bréviaire de Soeiro » neuf leçons pour la fête de saint Géraud. Or ces leçons, qui proposent une version résumée de la Vita, présentent des différences notables avec le texte parisien de Moissac qui constituait jusqu'alors la seule référence. Récemment, la question des relations entre les deux textes a été finement examinée par Aires Nascimento: celui-ci, de même que José Mattoso avant lui, pense que BS est une réécriture de M due à Bemard20

. Je proposerai dans les lignes qui suivent une construction sensiblement différente. Je postule en effet l'existence d'un texte source commun à M et à BS, texte écrit par Bernard mais postérieurement remanié pour diverses raisons, aussi bien dans la version de Moissac que dans celle du bréviaire21

• Voyons maintenant les principaux éléments de la discussion.

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1. Le bréviaire de Soeiro livre plusieurs renseignementsqui ne figurent pas dans l'édition de Baluze

Le texte de BS signale que les parents de Géraud avaient fait le vœu d'offrir leur premier enfant au« service de Dieu »22

; qu'avant de mourir, le saint aurait formulé un certain nombre de recomman­dations morales quant aux dangers de la luxure, des vêtements, de la boisson et de la nourriture23

; qu'il portait un cilice24; qu'après sa

mort, son corps fut dans un premier temps placé dans la cathédrale de Braga, devant l'autel de la Vierge25

• La version du bréviaire donne enfin la date de l'inhumation, ce que ne fait pas M26

• Cependant, quel que soit l'intérêt de ces mentions, l'essentiel est ailleurs: l'auteur, dont on sait qu'il était archidiacre de Braga au moment où il composa la Vita sancti Geraldi, s'exprime souvent à la première personne du singulier ; or il ne le fait que dans la vers.ron du bréviaire. Mieux, il y donne quelques détails sur ses origines et précise qu'il fut témoin oculaire d'Ûne grande partie des faits rapportés. Moine originaire de Moissac tout comme Géraud, il avait accompagné celui-ci à l'époque où il était chargé de visiter les possessions de l'abbaye languedo­cienne, puis lors de son séjour à Toulouse27

• Plus tard, il avait assisté à plusieurs miracles survenus hors de Braga, ce qui signifie qu'il faisait partie du cercle des proches de Géraud qui accompagnaient celui-ci en toute circonstance28

• Voilà qui, à n'en pas douter, explique les informations privilégiées sur la mort du saint, dont il fut témoin29

.

Enfin, Bernard mena lui-même une enquête auprès de plusieurs mira­culés post mortem, avant de consigner leur récit par écrit30

. Pour des raisons qu'il est malaisé d'expliquer, tous ces détails ont disparu du texte de Moissac. Pour ce qui est de l'implication personnelle de Bernard, il ne reste en définitive qu'un seul épisode commun aux deux versions de la Vita : l'auteur souffrait d'une tumeur à la gorge et fut guéri sur le tombeau du saint31

.

Il n'est guère envisageable que tous ces passages« autobiogra­phiques » aient été ajoutés au xme ou au xrve siècle dans les leçons. Ils rendent donc compte d'un état de la Vita dans lequel l'interven­tionnisme de Bernard, bien marqué par une propension à utiliser

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la première personne du singulier, était nettement plus fort que dans M. Faut-il imaginer deux éditions différentes de la Vzta par Bernard?Ou bien M dépendrait-il du modèle de BS indépendamment deBernard, contrairement à ce que l'on dit généralement? Dernièrepossibilité, faut-il postuler un texte commun à M et à BS? Avant derépondre, voyons maintenant ce que nous apprend M, le texte deMoissac édité par Baluze.

2. Le texte édité par Baluze donne des renseignementsqui ne figurent pas dans le bréviaire de Soeiro

La Vzta BHL 3415 est nettement plus longue que les leçons du bréviaire de Soeiro. Ce dernier ne donne donc pas un certain nombre de détails tels que des noms propres ou les- circonstances exactes de tel ou tel événement, qui figurent dans M. Il n'y a là rien de surpre­nant car les& leçons abrègent le texte source. Dresser la liste de ces variations serait donc d'une utilité secondaire. Il est en revanche beau­coup plus intéressant de relever que certaines informations très impor­tantes, voire capitales, figurent dans le manuscrit de Moissac mais sont totalement absentes du bréviaire de Soeiro. Il en va ainsi pour deux miracles, rapportés avec quelque détail par M, alors que le bréviaire n'y fait aucune allusion32

. Plus important, certaines préci­sions données par M semblent avoir été soigneusement éliminées de BS. Lisons les passages concernés.

Pour expliquer la venue de Géraud en Espagne, Bernard de Coimbra donne d'importantes précisions sur le rôle d'un autre Bernard alors autrement célèbre, Bernard de la Sauvetat, moine clunisien devenu archevêque de Tolède en 108633

. Revenant de Rome, ce grand personnage avait « recruté » Géraud. Selon M, il était poussé à la fois, par la grande réputation de celui-ci et par le fait qu'ils étaient tous deux ejusdem ordinis34

• Géraud avait ensuite passé plusieurs années à Tolède, assumant les fonctions de chantre et de responsable de la formation des clercs35

• Il était pour finir devenu évêque de Braga (1099-1108), la cérémonie de consécration prenant

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place dans le monastère de Sahagun, dont, précisément, Bernard avait été abbé avant d'accéder au siège tolédan36

• Ce grand person­nage est qualifié dans le texte d'archiepiscopus toletanus. Fier de ce prestigieux patronage, notre hagiographe se plaît aussi à rappeler la qualité de légat de Bernard de Tolède, qualifié de romanae Ecclesiae legatus37

• Or tout cela disparaî complètement des leçons du bréviaire de Soeiro, au point que le nom même de Bernard et celui de la ville de Tolède, qui apparaissent à diverses reprises dans le manuscrit de Moissac, sont totalement absents du récit. Selon BS, Géraud devint archevêque de Braga parce qu'il était« descendu en Espagne» et par décision du siège apostolique38

• À l'évidence, il y a là bien autre chose qu'un simple résumé. Le personnage de Bernard de la Sauvetat a été délibérément occulté, de même que le séjour de Géraud à Tolède. Ce choix se comprend mieux si l'on veut bien prendre en considération les relations de Tolède et Braga au cours du XIIe siècle.

Dire que ces relations furent exécrables relève de l' euphémisme39.

En 1088, tJrbain II avait tenu compte du passé wisigothique pour accorder à Tolède la primatie sur toute l'Espagne. Les autres sièges archiépiscopaux, ceux de Tarragone, mais surtout ceux de Braga (restauré comme métropole en 1100) et de Compostelle, ne l' accep­tèrent jamais. Dès le pontificat de Maurice (1108-1137), successeur de Géraud, Braga et Tolède s'affrontèrent pour savoir de qui dépen­draient les diocèses de Coimbra, de Zamora, de Lugo et de Le6n40

C'est cependant sous le gouvernement de Joao Peculiar, un chanoine de Santa Cruz de Coimbra sans doute d'origine ultra-pyrénéenne, que les choses s'envenimèrent vraiment, celui-ci refusant à plusieurs reprises de prêter au prélat tolédan le serment d'obéissance désormais exigé par la papauté. Cette attitude lui valut d'être suspendu entre 1145 et 1148, puis à nouveau en 1150. Au concile de Latran IV (1215) encore, le célèbre archevêque de Tolède Rodrigo Jiménez de Rada s'en était vertement pris à celui de Braga, qui refusait de recon­naître sa suprématie, et il lui avait rappelé la honte que représentait pour son siège le pontificat de Maurice Bourdin un siècle plus tôt, celui-ci étant effectivement devenu antipape sous le nom de Grégoire VIII avant de mourir en captivité41

• Deux ans plus tard,

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le représentant du siège de Braga critiquait auprès du pape l' « ignoble servitude» qu'aurait signifiée la sujétion à Tolède42

.

Au moment de composer les leçons de BS, lesquelles sont certai­nement très antérieures au manuscrit, le choix de l'abréviateur était donc clair : il s'agissait de faire disparaître tout passage qui aurait pu suggérer une quelconque suprématie de Tolède sur l'ensemble de la péninsule, de même que tout indice d'une dépendance du siège de Braga envers celui de Tolède. Il est difficile de savoir à quand remonte cette intervention chirurgicale sur le texte de Bernard hagiographe. On peut néanmoins formuler quelques suppositions. Il est possible en premier lieu d'envisager que l'exclusion de Tolède et de Bernard de la Sauvetat du récit soient le fait de notre hagiographe. Nous avons vu que les relations entre Tolède et Braga s'étaient détériorées très vite après la mort de Géraud. Bernard l'hagiographe était cependant venu du Languedoc en même temps que Géraud, .et pour l'un comme pour l'autre, le prélat tolédan était à la fois un maître auquel ils devaient leur carrière et urt confrère clunisien. Les termes dans lesquels l'action de Bernard de la Sauvetat est décrite dans M ne laissent aucun doute sur ce point. On peine donc à imaginer un revirement complet de Bernard au point d'effacer le rôle de Tolède et surtout celui du mentor respon­sable de la carrière du saint et de la sienne.

Maurice Bourdin, le successeur de Géraud, pourrait-il être respon­sable de la réécriture d'un Urtext destinée à Moissac? Deux raisons principales rendent cette solution difficile. D'une part, si comme je l'ai suggéré, M a été écrit entre 1124 et 1128 (après la mort de Bernard de Tolède et alors que Bernard était encore diacre à Braga), Maurice Bourdin était déjà antipape sous le nom de Clément et Paio Mendes lui avait succédé sur le siège de Braga. D'autre part, le parcours de Maurice était très semblable à celui de Géraud et de Bernard hagiographe : lui aussi, en effet, avait été recruté au nord des Pyrénées, sans doute à Limoges, par Bernard de la Sauvetat. Et il était sans doute, lui aussi, moine clunisien ou en tout cas très proche de Cluny43

. Comme ses compagnons, enfin, il avait séjourné à Tolède avant de devenir évêque « par la grâce de Dieu » ... et de Bernard44

.

En peu de mots, lui aussi, de même que Géraud, de même que

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le biographe de ce dernier et de même que beaucoup d'autres clercs encore, devait tout ce qu'il était devenu à ce prestigieux protecteur. Certes, la recomposition de la carte ecclésiastique imposait mainte­nant des choix qui ne pouvaient contenter tout le monde et la dété­rioration de ses relations avec l'Église tolédane est un fait. L'idée d'une damnatio memoriae de Tolède et de Bernard sous son épiscopat et par sa décision est cependant problématique, d'autant qu'elle se heurte, comme on l'a vu, à des problèmes de date. Il faut donc plutôt imaginer une réécriture anti-tolédane un peu plus tard, soit sous son successeur Paio Mendes, dont on sait qu'il était en mauvais termes avec Bernard de Tolède, soit, plus vraisemblablement encore, sous Joao Peculiar, qui refusa obstinément de reconnaître la primatie tolé­dane45 . Nous reviendrons bientôt sur cet étonnant personnage.

3. La Vita BHL 3415 et la Vita du Bréviaire de Soeiro dépendentd'un même archétype dont elles sont deux révisions

BS reflète donc vraisemblablement un état de la Vita antérieur à celui de M, comme en témoignent les nombreux éléments autobio­graphiques, mais expurgé d'un certain nombre de points sensibles. Les leçons telles qu'elles figurent dans le bréviaire ont donc été mises au point d'après une première Vita, à une époque où les rela­tions entre Tolède et Braga s'étaient fortement détériorées. S'il est impossible de dater précisément cette réécriture, la place importante qu'avaient Bernard de la Sauvetat et Tolède dans la Vita laisse à penser que cela dut se faire au xne siècle, alors que le siège tolédan était devenu, avec celui de Compostelle, l'un des principaux adver­saires de Braga.

Il reste maintenant à expliquer pourquoi le texte édité par Baluze diminue fortement le rôle de Bernard de Coimbra, l'hagiographe, ne le laissant désormais apparaître qu'à la fin, une seule fois, afin de bien montrer les pouvoirs thaumaturgique de Géraud. Ce remaniement date de la première moitié du XIIe siècle puisque M, le manuscrit qui l'atteste, est de cette époque. Fut-il opéré à Braga ou à Moissac?

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Si l'on ne peut répondre avec certitude, l'hypothèse d'un remaniement à Braga semble tout de même nettement préférable. Sont en effet gommés les passages où Bernard indique qu'il était moine de Moissac comme Géraud. Et de fait, si M permet de savoir que Bernard était natione gallicus et qu'il avait été amené à Braga par Géraud, il n'indique pas qu'il était originaire du même monastère. Imaginer que l'on ait pu supprimer les indications allant en ce sens à Moissac même, alors qu'elles attestaient un peu plus le rayonnement de l'abbaye, n'est guère vraisemblable. Il faut donc nécessairement imaginer une réécriture à Braga. Deux solutions sont alors possibles :

1) Le remaniement aurait pu se faire avant le départ de Bernardpour Coimbra. Celui-ci en serait alors l'auteur: pour des raisons qui nous échappent, il aurait décidé d'occulter son rôle. Mais alors pour­quoi aurait-il choisi de ne pas se rappeler au bon souvenir du monas­tère dont il était précisément issu ?

2) Le remaniement aurait eu lieu dans la première moitié duXIIe siècle (seule certitude, grâce au manuscrit), mais après le départ de Bernard à Coimbra (1128). Il pourrait alors être dirigé contre lui. Cette hypothèse me semble digne de considération : les relations entre Braga et Coimbra se détériorèrent en effet fortement à partir d'un concile tenu à Burgos en 111 7, concile au cours duquel il fut décidé que Coimbra dépendrait du siège de Mérida et non de celui de Braga. Trois ans plus tard, la métropole de Mérida fut restaurée à Compostelle. Différents papes condamnèrent alors les interventions de l'archevêque de Braga dans le diocèse de Coimbra. Puis les rela­tions entre les deux sièges se détériorèrent à mesure que les prélats de Braga cherchaient à imposer leur domination à ceux de Coimbra. Elles semblent avoir été particulièrement exécrables sous Joao Peculiar, archevêque entre 113 8 et 117 5. Or depuis 1128, et c'est là un point capital, l'évêque de Coimbra n'était autre que Bernard, l'auteur de la Vita Gera/di. Selon un document qui date de 1154 ou de 1155 mais qui fait allusion à des événements survenus antérieu­rement46, lors d'un passage à Coimbra, Joao Peculiar avait vidé le cellier de son hôte (Bernard ... ), puis il avait renversé un autel dédié à saint Jean et brisé des croix, enfin il avait piétiné le corps du Christ

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destiné aux malades et aux mourants jusqu'à le réduire en cendres47 • • •

Dans ce contexte d'extrême tension, on peut très bien imaginer queJoào, personnage haut en couleur et rancunier, ait choisi d'exalterGéraud, son prestigieux prédécesseur, tout en taisant le rôle d'unhagiographe qui, depuis son apcession au siège épiscopal de Coimbra,était devenu une sorte d'ennemi personnel. Un remaniement de la Vzta

opéré à Braga à cette époque, puis envoyé à Moissac, remaniementqui aurait en quelque sorte largement effacé la mémoire de Bernardl'hagiographe, serait donc non seulement possible, mais aurait aussibeaucoup de sens. Nous n'entendons certes pas dissimuler la part deconjecture qui entre dans cette hypothèse: le schéma proposé appa­raît cependant plus plausible que celui qui postulerait une interven­tion directe de Bernard sur l' Urtext : pourquoi, en effet, celui-ciaurait-il décidé de taire son rôle auprès de ses frères moissagais48 ?

Au-delà des incertitudes qui entourent cette reconstruction, on retiendra tout de même que, peu de temps après sa rédaction, la Vzta

fit certainêment l'objet de plusieurs remaniements qui traduisaient les très mauvaises relations entre Braga et Tolède d'une part, et peut-être aussi entre l'hagiographe devenu évêque de Coimbra et les succes­seurs de Gérard de Braga. Au total, comme le suggère le stemma qui suit, il y aurait donc eu trois recensions de la Vzta Geraldi :

- (B) : Vzta Geraldi composée à Braga par l'archidiacre Bernard.Texte perdu, source des deux suivants.

- M : Vzta Geraldi (BHL 3415) conservée dans le manuscrit deMoissac. L'hypothèse défendue ici est que Joào Peculiar aurait fait parvenir aux moines de Moissac cette version remaniée de (B) qui taisait l'action de l'un de ses meilleurs ennemis, l'hagiographe Bernard devenu évêque de Coimbra. Le fait que le manuscrit aujourd'hui conservé à Paris soit daté de la première moitié du XIIe siècle n'est pas incompatible avec un tel projet, qui pourrait parfaitement avoir été mené à bien dans les années 1140.

- BS: les leçons du Bréviaire de Soeiro, destinées à l'usageinterne de l'église de Braga, témoignent d'une réécriture destinée à effacer toute trace d'une ancienne dépendance de Braga envers Tolède. Elles auraient été composées à partir de (B) sous l'épiscopat

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de Paio Mendes ou de Joào Peculiar. Cette recension anti-tolédane viserait à taire tout rôle de Bernard dans l'accession de Géraud au siège de Braga, afin de ne pas donner d'arguments en faveur de la primatie tolédane. Selon la date à laquelle les leçons de BS furent composées, elles peuvent constituer la version du premier bréviaire de Braga après la mort de Géra�d ou les avoir remplacées.

Si l'on accepte la double hypothèse qui est ici proposée, il aurait pu y avoir une seule campagne de réécriture orchestrée par l'arche­vêque Joào Peculiar. Celle-ci aurait alors visé la damnatio memoriae

de Bernard de Tolède dans une perspective hispanique et celle de Bernard de Coimbra dans une perspective internationale et moissa­gaise. Il convient cependant de rester prudent: si j'ai tâché d'argu­menter ces propositions, si le stemma proposé me semble être le plus plausible, il n'est assurément pas le seul possible.

(B I) [Réécriture à Braga. À partir de 113 8 ?]

M

(B) [ entre 1124 et 1128 ?]

BS

[sous Paio Mendes (1118-1137) ou Jofio Peculiar (1138-1175) ?]

B: Vita composée à Braga par Bernard, archidiacre et compagnon de Géraud (texte perdu). B1

: Refonte de B diminuant le rôle de Bernard. Sans doute composée à Braga pour être envoyée à Moissac. M: Manuscrit de Moissac, XIl0 siècle (BnF, ms. BnF, ms. lat. 5296 (c) = BHL 3415). BS: Bréviaire de Soeiro (fin du XIV0-début du XV0 siècle) .

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II. UN TEXTE GRÉGORIEN SANS CONCESSIONS

Quoi qu'il en soit des différentes versions de la Vita Geraldi, il reste qu'un moine originaire ..,de Moissac nommé Bernard rédigea la Vita d'un autre moine, devenu archevêque à l'extrémité de l'Europe et dont l'action peut, à bon droit, être qualifiée de grégorienne. L'importance de cette œuvre ne doit pas être sous-estimée : la VitaGeraldi est en effet la première Vita consacrée en Péninsule à un évêque réformateur au cours du Moyen Âge central. Elle fut suivie de quelques textes comparables en Castille (Vita·de Pierre d'Osma, t 1109), en Aragon (Vita de Raymond de Roda-Barbastro, t 1126) et en Catalogne (Vita d'Oleguer de Barcelone, t 1137), toutes posté­rieures49. Ces œuvres montrent que l'Église hispanique du XIIe siècle avait assimilé l'idéal du prélat« grégorien» venu <l'outre-Pyrénées: le fait que trois des quatre saints soient d'origine« française» et que le quatriètiie, Oleguer de Barcelone, ait été un temps abbé de Saint­Ruf d'Avignon, ne peut relever du hasard50

.

1. Qu 'est-ce qu'un prélat grégorien ?

Comment Bernard de Moissac-Coimbra conçoit-il le rôle d'unprélat réformateur ? On tâchera de répondre à cette question à partir de M, qui offre les récits les plus détaillés, mais il conviendra tout de même pour terminer de dire quelques mots de la façon dont les différents passages « grégoriens » ont été traités dans le bréviaire de Soeiro.

Aussi anodine qu'elle puisse paraître au premier abord, la valori­sation de Rome et de la papauté dans la Vita sancti Geraldi est un élément non négligeable de la description d'une sainteté grégorienne envisagée dans un cadre qui n'est pas seulement local, mais bien universel. Braga ne se pense pas hors de son appartenance à la chré­tienté, ce qui mérite d'être souligné tant l'Église hispanique du haut Moyen Âge fonctionne généralement comme une sorte de chrétienté royale et autosuffisante. Une fois devenu évêque de Braga grâce à

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Bernard de Tolède, dont Bernard hagiographe prend bien soin de souligner qu'il était romane Ecclesie legatus51

, la première tâche de Géraud consiste à rendre à son église la dignité dont elle avait joui autrefois. L'auteur rappelle que Pierre, le premier évêque après la reconquête de la ville, avait reçq le pallium de l'antipape Clément III en 1091 ( a papa Clemente, dit sobrement M), ce qui avait amené peu après sa déposition par un Bernard de Tolède agissant, comme cela est à nouveau précisé, en tant que légat de l'Église romaine52

• Pour rendre à Braga sa dignité, nous dit l'hagiographe, Géraud alla donc à Rome où il fut reçu avec honneur par le pape Pascal II. Il put alors rapporter dans son église le pallium, le privilegium et l' auctoritas. Le dit privi­lège, continue Bernard, fut lu publiquement au concile de Palencia (1100), en présence du légat pontifical Richard, abbé de Saint-Victor de Marseille53

. C'est donc ce processus de récupération des anciens droits de Braga, étroitement encadré par· l'Église romaine en la personne du .Pape et de ses légats, qui ouvre le pontificat de Géraud et qui lui permet ensuite d'exercer son action réformatrice.

Le mot reformatio, comme dans les autres textes de cette époque, est rare54

• Il n'apparaît ici, sous sa forme adjectivale, qu'une seule fois, juste après l'épisode que nous venons de commenter. Tout ce passage est capital, car c'est ici que l'ancien moine de Moissac Bernard décrit l'action idéale de l'évêque dans son diocèse

« L'Église de Braga étant réformée (reformée) dans sa dignité originelle, le bienheureux Géraud visitait de temps à autre la province de Braga, il exhortait les évêques au sujet de la sainteté, il enseignait très attentive­ment les assemblées de moines à propos de la sainte vie monastique, il instruisait diligemment les prêtres établis dans les paroisses quant à la doctrine canonique, il incitait avec vigilance les princes de ces régions à conserver la paix et à exercer la justice, enfin il ne cessait de dispenser la parole de la prédication aux populations. Dans son propre diocèse, il célébrait fréquemment des synodes ; mettant en avant le zèle de la discipline et implorant par d'humbles prières, il repoussait virilement les vices du peuple qui lui était confié et les offenses faites aux clercs. Il aimait les humbles et il résistait aux superbes, il venait assidûment au secours des pauvres avec de la nourriture et des vêtements. Ne cédant

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jamais à ceux qui persévéraient dans le crime et qui refusaient de se convertir à Dieu, il se montrait très dur. Tout entier consacré au service divin, il ne voulut jamais cesser les bonnes œuvres. Ainsi, il se consa­crait sans relâche aux dédicaces des églises, aux ordinations des clercs, et aux multiples confirmations des peuples ; assurément, il s'évertuait à remplir l'office du bon pasteur. »55

Ainsi, la « reformation » de la dignité archiépiscopale est bien le prélude à une activité qui, dans le contexte de l'an 1100 et malgré les nombreux éléments qui renvoient aux fonctions traditionnelles de l'évêque, correspond à ce que nous désignerions comme une activité réformatrice. Celle-ci se déploie dans tous les domaines : enseignement des clercs, reprise en main de la vie monastique, contrôle du réseau paroissial, organisation de synodes diocésains, activités pastorales diverses, depuis la prédication jusqu'à la prise en charge des pauvres. L'activité épiscopale est également disciplinaire et sacramentelle, avec le marquage du territoire par les dédicaces et le contrôle de l'entrée dans l'institution ecclésiale par les ordinations. Enfin, et c'est un point essentiel dans l'optique d'une sainteté« grégorienne», Géraud avait un rôle de défense des clercs et de contrôle des puissants laïques, auxquels il savait s'opposer lorsque cela était nécessaire. C'est à l'évidence cet aspect des choses que Bernard entend développer.

2. Quatre épisodes « grégoriens »

De fait, si la suite du texte mentionne brièvement, dans une pers­pective réformatrice« moderne», le souci de la chasteté des clercs, elle s'intéresse surtout à la façon dont Géraud mit à profit un certain nombre de crises graves pour domestiquer l'aristocratie laïque. Deux sujets de discorde, on ne peut plus« grégoriens», sont à l'origine de quatre épisodes qui forment le cœur de la Vita et qui en font vérita­blement un texte hagiographique« de combat», pour reprendre une expression de Paolo Golinelli56

: ces deux sujets de discorde sont la question des mariages incestueux et celle des investitures laïques. Quatre épisodes, donc57

.

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Épisode 1 : Egas Pais, miles incorrigibilis58

Egas Pelagii, qualifié par Bernard de miles incorrigibilis, vivait dans l'inceste (sans autre précision) depuis plusieurs années. Or Géraud faisait de très grands efforts pour éradiquer « ce crime que l'on appelle inceste »59

. Miles verO' incorrigibilis, Egas resta pourtant sourd aux objurgations de Géraud et fut excommunié par celui-ci. À Guimaraes, lors d'une assemblée des principauxproceres portugais autour du comte Henri, le coupable prétendit rester dans l'église au moment où était célébrée la messe. Sommé de sortir, puis contraint de s'exécuter sur l'injonction du comte, le miles récalcitrant se pros­terna finalement, à la fin de l'office, aux pieds de Géraud ; il confessa ses fautes tout en reconnaissant qu'il avait eu le diable pour maître. Le schéma est exemplaire et classique.

Egas Pelagii, Egas Pais de Penagate en portugais, est bien connu par ailleurs60

• Fondateur du monastère de· Rendufe, il était marié avec Elvira �oares, fille de Soeiro Guttieres. Or le frère de ce Soeiro, Paio Guttieres, pourrait être le père d'Egas Pais. Celui-ci aurait donc été le cousin germain de son épouse. Si Bernard précise que Géraud imposa au coupable une pénitence discrete et sapienter, rien n'est dit quant au sort du couple. Le terme discrete renvoie sans doute au carac­tère non public de la pénitence, mais il pourrait aussi indiquer une relative indulgence après la reconnaissance symbolique et publique du bien-fondé des reproches archiépiscopaux. En 1102, le couple incestueux fit au siège de Braga une donation dont on peut se demander s'il ne s'agissait pas d'une contrepartie de l'attitude fina­lement assez tolérante de Géraud61

Épisode 2 : Paio et Afonso Peres, contagio incestus similiter inhaerentes62

Pelagius et Adefonsus Petri nous sont présentés par Bernard comme deux frères qui pratiquaient tous les deux l'inceste, sans que, là encore, aucune précision soit donnée. Le schéma initial est le même que dans l'épisode précédent, à cette différence cependant qu'après les sommations d'usage du prélat, les deux frères refusent

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définitivement de s'amender. Ils interdisent alors l'accès de leurs terres à Géraud et tentent de soustraire leurs clercs et leurs abbés à son autorité. Selon Bernard, Pélage aurait traité le saint de faux moine, d'hypocrite et de simoniaque, affirmant même que sa sain­teté « valait moins qu'un cciq »63. Cette dernière insulte sembleassez peu courante pour apparaître vraisemblable. Sans doute contient-elle par ailleurs un jeu de mot sur les origines de Géraud, natione gallicus64

• Quoi qu'il en soit, les deux frères sont excom­muniés comme il se doit. Tombés par la suite dans la disgrâce du comte Henri et de son épouse Thérèse, réduits à la pauvreté, ils sont contraints de se réfugier chez les musulmans où ils meurent en exil, l'un dans un combat contre les chrétiens et l'autre quasi captivus65

De ce parcours qui, dans la péninsule Ibérique médiévale, fut celui de plus d'un aristocrate en délicatesse avec le pouvoir royal, on retiendra la scène étonnante qui nous décrit Pélage gagner la « terre des Maures» à pied, dans la seule compagnie de son fils et d'un lévrier qu'il utilisait très certainement pour chasser66. Le fils, gage de la survie du lignage; le lévrier, affirmation symbolique d'une pratique réservée auxproceres, la chasse67

• Pouvait-on mieux repré­senter que dans cet étonnant raccourci ce qui fondait alors l'iden­tité du groupe aristocratique ?

Pelagius et Adefonsus Petri, Paio et Afonso Peres en portugais, sont également assez bien connus par ailleurs68. Il serait assurémenterroné de ne voir en eux que les brutes à peine christianisées que nous décrit Bernard. Paio Peres était surnommé « o Romeu », ce qui indique qu'il avait été pèlerin, à Rome ou peut-être en un autre endroit comme Compostelle. On lui connaît également un fils appelé Soeiro Pais surnommé« o Mauro», ce qui pourrait être une façon de désigner l'enfant qui l'avait accompagné en terre musul­mane69. Il faut donc croire que le représentant du lignage revint chez les chrétiens, où il est attesté jusqu'en 1171... Mais il semble que Soeiro avait aussi un frère, Gonçalo Pais, qui fut évêque de Coimbra entre 1109 et 1128, soit entre Maurice Bourdin et Bernard, notre hagiographe70

• La précocité de cet épiscopat semble indiquer, si Gonçalo était bien le frère de Soeiro « el Mauro», qu'il était beaucoup

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plus âgé que celui-ci, ce qui expliquerait pourquoi, déjà clerc et adulte au moment de la rupture avec le couple comtal, il ne suivit pas son père dans l'exil.

Épisode 3 : L'archidiacre Midq et le moine investi a laica manu 71

Cet épisode est le premier à condamner l'octroi des églises à des clercs par les laïques. L'archidiacre Mido était entré en conflit avec un moine car celui-ci avait reçu une église « d'une main laïque». Désireux de se venger more seculari, l'adversaire de Mido avait tendu un piège à celui-ci, qui avait pu y échapper par une course effrénée de sa mule, non sans avoir invoqué Géraud au préalable. On notera que cet épisode révèle une stricte organisation du diocèse, la victoire sur les adversaires de l'emprise diocésaine étant à mettre au compte du prélat alors même que celui-ci n'i_ntervient pas directement.

Épisode 4: Soeiro Mendes da Maia et l' ecclesiarum libertas72

Par le vocabulaire utilisé, ce passage est assurément l'un des plus «grégoriens» de la Vita. Pour l'introduire, Bernard rappelle que le saint veillait avant tout à préserver la « liberté des églises » 73

• L'un des principaux magnats de la région de Braga, Suarius Menendi, avait donc investi un clerc d'une église sans en référer à l'évêque ou à son représentant ( absque Bracarensis vicarü licentia) 74

• Géraud lui ayantexpliqué que les mains laïques ne devaient pas porter atteinte aux droits ecclésiastiques et que les laïques n'étaient pas autorisés à posséder un sanctuaire de façon héréditaire75

, la rupture futconsommée. Soeiro proposa alors une sorte d'ordalie: celui des deux adversaires, de lui ou de Géraud, qui était dans son tort, mour­rait dans l'année. C'est évidemment lui qui périt quelques mois plus tard, sur une terre étrangère précise Bernard.

Suarius Menendi, Soeiro Mendes en portugais, est bien connu par ailleurs76

• Issu de l'un des principaux lignages portugais, surnommé« o Born», il fut gouverneur de Coimbra et de Sintra. L ié au monas­tère de Santo Tirso de Riba de Ave, qui avait adopté les coutumes clunisiennes dans les années 108077

, il disparaît de la documentation

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en 1105. Il mourut sans doute en Castille ou en Le6n, lors d'un voyage du comte Henri qui devait rencontrer Raymond de Bourgogne à Burgos. Notons aussi que l'une de ses filles avait épousé Paio Peres,« o Romeu», dont il a déjà été question.

CONCLUSION

Comme on le voit, la Vita Geraldi raconte en détail les luttes de l'ancien moine de Moissac pour assurer la suprématie du saint arche­vêque sur son église du bout du monde. On pourrait encore commenter d'autres passages à tonalité grégorienne, comme celui où il est dit que les clercs du diocèse suivirent ses traces en matière de chasteté et purent ainsi se présenter au Christ comme de pures vierges 78, ou encore celui qui raconte l'histoire d'une bonne aristocrate proche de Géraud, nommée Toda, qui fit une donation particulièrement généreuse à la cathédrale 79• Signalons aussi la mort ignominieuse d'un villicus du comte Henri, personnification du laïc spoliateur de l'Église. Dans le récit de Bernard, ces histoires révèlent certes une volonté d'établir la« liberté» de l'Église dans les faits, mais elles visent aussi à bien marquer la prééminence symbolique des clercs sur les laïcs. Les aristocrates auxquels s'en prend Géraud apparaissent en effet, d'après ce que l'on sait par ailleurs, comme des chrétiens plutôt pieux. L'un avait une réputation de pèlerin, plusieurs autres étaient connus pour leurs donations aux églises. Ils appartiennent tous aux grands lignages locaux, qui fournissent des évêques lorsque ceux-ci ne sont pas des moines ultra-pyrénéens. Mais en matière conjugale ou pour ce qui est du contrôle des églises, ces aristocrates adoptaient encore des compor­tements que l'on peut qualifier de traditionnels. Les traditions étaient simplement celles d'une société pré-grégorienne, comparable sur ce point, et au-delà de ses spécificités hispaniques, à toutes les autres sociétés chrétiennes du haut Moyen Âge. Gerd Tellenbach a prouvé dans un très grand livre, voici plus d'un demi-siècle, que les grégoriens,

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contrairement à ce qu'ils prétendaient et à ce que les historiens catho­liques écrivirent jusqu'à Augustin Fliche au moins, ne revenaient pas à un état antérieur des relations antre clercs et laïcs, mais qu'ils étaient authentiquement révolutionnaires80

. C'est à mon sens de cette façon qu'il faut prioritairement interpréter les incessants conflits entre Géraud et la grande aristocratie locale. Ce point mérite d'autant plus d'être souligné que l'on on a parfois interprété la Vita comme

« un écrit destiné à combattre les essais de restauration de la liturgie et des traditions mozarabes »81

• Or une lecture attentive du texte ne fournit aucun passage, aucune allusion même, qui irait dans ce sens. Je ne crois donc pas qu'il faille lire les combats de Géraud contre les proceres portugais comme le signe d'une opposition entre un tradi­tionalisme hispanique (parfois surévalué) et un interventionnisme

«franco» représenté par un moine clunisien impérialiste ... Le fait que le monastère familial de Soeiro Mendes ait été réformé selon le modèle clunisien alors qu'il était lui-même l'un des principaux adver­saires de Géraud dit assez le peu de valeur de ce type d'opposition. La tonalité clairement grégorienne du texte de Bernard est d'ailleurs renforcée sur un plan symbolique par le fait que, dans un cas comme celui d'Egas Pelagii, excommunié pour inceste, la défaite du magnat et son désir de faire pénitence en s'agenouillant devant le prélat comptent visiblement beaucoup plus que les mesures concrètes prises à l'encontre de son comportement peccamineux.

Il est possible que cette orientation très grégorienne, alors inédite non seulement dans la réalité, mais aussi, peut-être plus encore, dans les textes hagiographiques hispaniques, ait été jugée quelque peu excessive. Elle apparaît en tout cas significativement atténuée dans les leçons du bréviaire de Soeiro. Sur les quatre épisodes les plus

« grégoriens », deux seulement subsistent. Les deux autres, qui ont disparu, sont précisément ceux qui mettent en scène un problème d'investiture. Les expressions les plus fortes, celles qui parlent de la libertas ecclesiarum ou de la« main des laïques», ne figurent que dans M. On a donc le sentiment que si un discours grégorien de combat était apprécié par les moines de Moissac, il l'était un peu moins à Braga, dans les leçons de l'office à usage local. Sans doute

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convenait-il de donner sur place une image un peu plus consensuelle du saint évêque, qui devait apparaître au moins autant comme un rassembleur que comme un polémiste.

Notes Sigles et abréviations

Sources -Aurell, « Prédication, croisade et religion civique » : M. Aurell, « Prédication,

croisade et religion civique. Vie et miracles d'Oleguer (t 1137), évêque deBarcelone», Revue Mabillon, n.s. 10 (= t. 71), 1999, 113-168 (édition 138-156).

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-Fastos episcopais: J.A. Ferreira, Fastos episcopais da Igreja Primacial deBraga (séc. 111-séc. XX), Braga, I, 1928.

-Fita, « Santiago de Galicia » : F. Fita, « Santiago de Galicia. Nuevas impugna­ciones y nuevas defensas », Raz6n y Fé, 1902, I/2, 178-195.

-Jiménez de Rada, De rebus Hispaniae : Rodrigo Jiménez de Rada, De rebusHispaniae, éd. J. Fernandez Valverde, Turnhout, 1987 (CC CM, 72).

-Liber jidei: A. de Jesus Da Costa, Liber jidei sanctae Bracarensis ecclesiae,Braga, 1965.

- Livra preto : M.A. Rodrigues et C.A. De Jesus da Costa, Livra preto. Cartularioda Sé de Coimbra, Coimbra, 1999.

- Missal de Mateus: J.O. Bragança, Missal de Mateus. Manuscrito 1000 daBiblioteca Publica e Arquivo Distrital de Braga, Lisbonne, 1975.

-Pasturkunden in Portugal : C. Erdmann, Pasturkunden in Portugal, Berlin,1927.

-Synopse : J. Wollasch, Synopse der cluniacensischen Necrologien, 2 vol., Munich,1982.

-VBG: Vita beati Geraldi.- É. Baluze, Miscellanea, III, Paris, 1680, 179-205 ( édition utilisée dans cetravail).-A. Herculano, Portugaliae Monumenta Historica, Scriptores, I, Lisbonne, 1856(repr. Nendeln,Liechtenstein, 1967), 53-59.

- Viage literario : J. Villanueva, Viage literario a las iglesias de Espaiïa, XV,Madrid, 1851.

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- Vita sancti Petri Oxomensis : F. Plaine (éd.),« Vita sancti Petri Oxomensis »,Analecta Bollandiana, 4, 1885, 10-29.

Travaux -David, « L'énigme de Maurice Bourdin » : P. David, « L'énigme de Maurice

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1. La bibliographie est très dispersée. On tirera encore beaucoup de profit dulivre, certes dépassé, de M. Defoumeaux, Les Français en Espagne aux XIe etXIIe siècles, Paris, 1949. Pour le Portugal, J. Mattoso, Le monachisme ibérique, 103-105 pour Géraud. Quelques pistes dans P. Henriet, « Un bouleversement culturel.Rôle et sens de la présence cléricale française en péninsule Ibérique (XIe-xne s.) »,Revue d'Histoire de l'Église de France, 2004, 65-80.2. Sur Bernard, voir Rivera Recio, El arzobispo de Toledo, Don Bernardo de Cluny.Pas de synthèse récente. 3. Liste dans des œuvres du XIIIe siècle : Jiménez de Rada, De rebus Hispaniae, VI,26-27, 209-212; Fita, « Santiago de Galicia », 187. Sur ce dernier texte, Henriet,« Political Struggle and the Legitimation of the Toledan Primacy », 304-305.4. Vita sancti Petri Oxomensis (BHL 6760).5. VGB, § 1, 179-180. Je cite VGB (BHL 3415) d'après la première édition deBaluze (voir les raisons de ce choix infra, note 18).6. Haec de causa in urbe Tolosa ad quandam cœnobii Moysiaci obedientiam quaesancta Maria deaurata nuncupatur, quae est sita in ripa Garonae, delegatus est,ibid.,§ l , 180.7. L'hagiographe précise qu'à Braga, Géraud fit l'acquisition de librosdivinos (VGB, § 5, 182): cf. J. Dufour,« Les manuscrits liturgiques de Moissac»,Liturgie et rmtsique (J.Xe-Xlve s.), Cahiers de Fanjeaux, 17, Toulouse, 1982, 115-138, ici 117-118.8. Tolède, Biblioteca Capitular, ms. 44-2, sur lequel Rocha, « Influjo de los anti­fonarios aquitanos en el oficio divino de las iglesias del noroeste de la peninsule », Estudios sobre Alfonso VI y la Reconquista de Toledo, Tolède, 1990, 27-45 ; Th. D. Olexy, TheResponsories in the 11th CenturyAquitanianAntiphonal Toledo Bibl. Cap. 44-2, Washington, 1980; J.-P. Metzinger et alii, An Aquitanian Antiphoner: Toledo, Bibliotheca Capitular 44-2, Ottawa, 1992; R. Gonzalvez Ruiz, Hombres y libros de Toledo, Madrid, 1997, 83-84. 9. Le rôle du roi n'est pas mentionné dans la Vita, mais on imagine mal qu'il n'aitpas eu son mot à dire pour la nomination à une charge aussi importante.10. VGB, § 23, 198.11. Missal de Mateus, 14 (5 décembre dans le calendrier, fol. 7).12. Fastos episcopais, 227, cité par Rocha, L'office divin, 88.13. Synopse, II, 678. Müssigbrod, Die Abtei Moissac, 152 et note 531; Id. etJ. Wollasch, Das Martyrolog-Necrolog Von Moissac/Duravel. Fac-Simile Ausgabe,Munich, 1988. Sur les relations entre Moissac et Braga, voir aussi J. O. Bragança, « Moissac e Braga», 0 Distrito de Braga, 2, 1964, 189-195, M. Cocheril, Études sur le monachisme en Espagne et au nord du Portugal, VIe-XIIe siècle, Paris, 1966, 111, et Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, 8-10. 14. BnF, ms. lat. 5296c (désormais M), fol. 133V-142. Description dans CatalogusCodicum Hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo XVI qui asservanturin bibliotecae nationali Parisiensi, II, Bruxelles, 1890, 1-2 pour la partie C. Voir

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aussi Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, 15, et F. Dolbeau, « Anciens possesseurs des manuscrits hagiographiques latins conservés à la Bibliothèque nationale de Paris», Revue d'histoire des textes, 9, 1979, 183-238, ici 199 (la Vita de Géraud a été détachée d'un manuscrit de Moissac et intégrée dans ce recueil factice chez Colbert. Le manuscrit de Moissac est ainsi décrit : « un volume in quarto qui est un ramas de divers ouvrages des vertus, entretiens des pères solitaires, la vie de saint Géraud de Brague, la formule de bénédiction de l'eau pour faire les antiennes preuves ... »). 15. Mattoso, « Le Portugal de 950 à 1550 », 83-85. Nascimento, « Da intençaoedificante à liçao liturgica », 323-335, n'exclut pas une rédaction après 1128.16. Bernard indique lui-même sa condition d'archidiacre de Braga au moment oùil écrit: VGB, § 37,203.17. [ ... ] archiepiscopus venerabilis memorie toletanus, dominus scilicetBernardus ... , VGB, § 2, 180.18. VGB (Baluze), 179-205 ; Herculano, 53-59, reprend l'édition parisienne deBaluze publiée en 1680 (et non l'édition italienne donnée par Mansi auXVIIIe siècle). La Vita Geraldi dans la version du manuscrit de Paris est citée icid'après Baluze (1680), Herculano (si c'est bien l�i) ayant introduit ici ou làquelques erreurs. Ainsi au § 1, là où le manuscrit (fol. 133v) et Baluze (§ 1, 180)donnent correctement in monasterio chorum utpote bonus primicerius doctissimeregebat, Herculano(§ 1, 54) écrit in monasterio quorum, utpote bonus primicerius,doctissime regebat (je souligne). La Vita BHL 3415 a fait l'objet d'une traductionfrançaise partielle par l'abbé Depeyre, avec des commentaires historiques debonne tenue : J. Depeyre, « Introduction à la vie de saint Géraud, archevêque de Braga (1096-1108) », Bulletin de la Société des études du Lot, 62, 1941, 227-232,et Id.,« Vie de saint Géraud», ibid., 63, 1942, 37-51 et 153-158.19. BS, 504-509 pour l'édition des neuf leçons. Le bréviaire de Soeiro est lems. 657 de la bibliothèque publique de Braga.20. Références en note 15.21. Je suggère donc de répondre par l'affirmative à la question posé par Rocha,L'office divin, 503 : « Si d'une part, on constate dans les deux versions une corres­pondance dans le déroulement de la narration, d'autre part, on trouve dans notre textedes passages qui n'ont pas de correspondant dans la version plus développée de Baluze. Est-ce qu'il y a eu un autre texte, d'où dépendent ces deux variantes?»Logiquement,je pense donc qu'il convient de modifier l'affirmation de Mattoso, « Le Portugal de 950 à 1550 », 85, selon laquelle « on en a fait[= de la Vita BHL 3415]une adaptation avec certaines variantes et des détails supplémentaires, reproduite dansle bréviaire de Braga de la fin du xrve siècle, dit Bréviaire de Soeiro ».22. Pariter voverunt Domino quod primum fructum quem de sua commixtioneperciperent Dei servitio perpetuo manciparent, BS, lect. 1, 504, col. 1.23. lbid., lect. 7, 508, col. 1. 24. Au moment de placer le corps dans un cercueil, l'auteur et d'autres compagnonsdu saint recueillent soigneusement ses vêtements, ses insignes pontificaux et ses

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cilices : . . . necnon et vestes ac cilicia quae circa carnem gestare vir sanctusconsueverat studiosissime colligentes ... , ibid., lect. 7, 508, col. 1-2. Le pluriel ne signifie sans doute pas que le saint portait plusieurs cilices à la fois, mais plutôt qu'il en changeait de temps à autres. 25. Ceci pendant le temps où l'on cherche un tombeau digne du saint : et cor amaltari Virginis gloriosae deposito, dum de sepultura idonea Bracarensis conventus sollicite cogitaret, ibid., lect. 8, 508" col. 2. 26. Voir infra, p. 57.27. Illum cum duobus aliis secuti fuimus. [ ... ] tam devotos tamque paratos praedic­tarum cellularum fratres reperimus quod non fuit ei visum necesse circa eorum infor­mationem moram facere, sed Tolosam venimus propter quamdam cellam siveobedientiam Moysiaci monasterii quae Sancta Maria deaurata vocatur, BS, lect 2,504, col. 2. À comparer avec VGB, § 1, 180: Abbati et fratribus utile visum est utbeatus Geraldus monasterii cellas visitaret, et fratres ibi commorantes in sancta doctrina et in ordine sancto reformaret. Hac de causa in urbe Tolosa ad quandam coenobii Moysiaci obedientiam quae sancta Maria deaurata nuncupatur ... 28. Voir en particulier BS, lect. 5,506, col. 2 (Aliud quoque miraculum vidimus[ ... ]Nabis ripa sedentibus), à comparer avec VBG, § 10, 188, ainsi que BS, lect. 5,506,col. 2 - 507, col. 1 (ab Auriensi redissemus ecclesia [ ... ] Bracaram iter arriperepararemus [. ! .] tanta nos invasit pluvia etc.), à comparer avec VBG, § 14, 192 (virDei a sede Auriensi rediret et Bracaram tenderet, etc.).29. Voir note 24 (le sujet de colligentes est nos).30. Nabis qualiter sanitatem recuperaverant exposuerunt per ordinem, BS, lect. 8,509,col. 1. 31. BS, lect. 9, 509, col. 2 (Ego vero Bernaldus natione gallicus), et BGB, § 37, 203 (Ego vero Bernaldus natione gallicus. La suite change).32. VGB, § 33-34, 201-202. Dans le bréviaire, Bernard annonce et résume onzemiracles survenus sur la tombe de Géraud. On les retrouve dans VGB, sous lesnuméros 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 36 et 37. On ne peut exclure que les deuxmiracles supplémentaires présents dans le manuscrit de Moissac n'aient pas figurédans la version originelle de la Vita et aient été ajoutés ensuite dans le texte qui fut envoyé à Moissac.33. Rivera Recio, El arzobispo de Toledo, Don Bernardo de Cluny.34. Et quia ipse archiepiscopus ejusdem ordinis erat ... , VBG, § 2, 180.35. Cum gaudio non mediocri thesaurum pretiosum secum ducens, Toletumremeavit, et beato Geraldo chorum Ecclesiae Toletanae regendum et clericosedocendos commendavit: ibid. C'est exactement la fonction que Géraud avait d'abord exercée à Moissac : In monasterio chorum, utpote bonus primicerius,doctissime regebat, et monachos minus eruditos tam in musica quam etiam litte­rali disciplina diligenter edocebat: VBG, § 1, 180. 36. Tandem vero archiepiscopus Toletanus et sanctae Romanae Ecclesiae legatus,tot et tantis precibus convictus, petitioni eorum adquievit, et beatum Geraldum in

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episcopum apud sanctum Facundum consecravit, ibid.,§ 4, 181. Le monastère de Sahagun, bien que resté indépendant, est alors le principal établissement« cluni­sien » en Espagne. Bernard de la Sauvetat en a été abbé avant de devenir archevêque de Tolède. La consécration de Géraud se déroule donc dans un lieu hautement symbolique. Sur Sahagun à cette époque et sur sa place dans le dispositif monas­tique hispanique, voir en priorité Segl, Konigtum und Klosterreform in Spanien ; Id., « Die Cluniacenser in Spanien • - Mit besonderer Berucksichtigung ihrer Aktivitaten im Bistum Le6n von. der Mitte des 11. Bis zur Mitte des 12. Jahrhunderts », dans Die Cluniazenser in ihrem politisch-sozialen Umfeld, dir. G. Constable, G. Melville et J. Oberste, Münster, 1998, 537-558; C. M. RegleroDe La Fuente, Cluny en Espana. Los prioratos de la provincia y sus redes sociales(1073-ca. 1270), Le6n, 2008. Je me permets de renvoyer aussi à P. Henriet,« Clericos dico, vel sifieri posset nostri ordinis pro/essores. La Espafia monasticade Alfonso VI », dans Alfonso VI y su Legado. Actas del congreso internacional(Sahagun, 29 de octubre al 1 de noviembre de 2009). IX centenario de Alfonso VI(1109-2009), Le6n, 2012, 121-126.37. Outre le passage cité à la note précédente: dum beatus Gera/dus Toletaniarchiepiscopi et sanctae romanae Ecclesiae legati çonsortio fungeretur, VBG, §3, 181; plures personas domino legato praesentarunt, ibid. ; in conspectu dominilegati, ibid., § 4 ; indissolubili namque vinculo dilectionis dominus legatus eumamplectabatur, ibid. ; archiepiscopus toletanus et sanctae romanae Ecclesiaelegatus, ibid. ; ab archiepiscopo Toletano et sanctae Romanae Ecclesiae legatodepositus est ( en parlant de Pierre, prédécesseur de Géraud, qui avait pris le partide l'antipape Clément), ibid., § 6, 183, col. 2. Bernard était effectivement légatdepuis 1093.38. Eo igitur tempore Ecclesia Bracarensi pastore vacante, cum praedictusGera/dus in Hispaniam descendisset .. . , BS, lect. 2, 504. La même phrasementionne la réception du privilège pontifical conférant la dignité métropolitaineà Braga, lors du concile de Palencia (1100), en présence du légat Richard de Saint­Victor. Cet épisode correspond à VBG, § 6, 181. On notera donc que le légat romainRichard ( venerabilis cardinalis Richardus apostolicae sedis legatus dans BS) ne fait pas l'objet de la même damnatio memoriae que Bernard de la Sauvetat. 39. Pour les relations entre Tolède et Braga au xne siècle, voir Erdmann,0 papado; Feige, « Die Anfange des portugiesischen Kônigtums »; Id., « Laprimacia de Toledo y la libertad de las demas metr6polis de Espafia. El ejemplo deBraga», dans La introducci6n del Cister en Espana y Portugal, Burgos, 1991, 61-132. Cf. aussi D. Mansilla Reoyo, Geografia eclesiastica de Espana; Estudio hist6-rico-geografico de las di6cesis, Il, Rome, 1994, 92-130.40. Voir les travaux de C. Erdmann, Mauricio Burdino (Gregorio VIII), Coimbra ,1940 et de David,« L'énigme de Maurice Bourdin». Maurice s'était aussi trouvéface à Bernard au cours des luttes qui opposèrent le roi d'Aragon Alphonse le Batailleur et son épouse Urraca, fille d'Alphonse VI.

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41. Henriet, « Political Struggle and the Legitimation of the Toledan Primacy »,302-305 (avec la miniature reproduite en 308). Sur Maurice « Bourdin »/GrégoireVIII, le successeur de Géraud, voir note précédente.42. Feige, « Die Anfange des portugiesischen Kônigtums », 423, ap. 8a.43. Maurice est mentionné par Jiménez de Rada dans la liste des clercs qui furentramenés de Limoges par Bernard pe la Sauvetat : Jiménez de Rada, De rebusHispaniae, VI, cap. 27,210. David,« L'énigme de Maurice Bourdin», 450, donnedes arguments pour faire de Maurice un moine de Saint-Martial de Limoges. Lesliens privilégiés avec Cluny sont en tout cas indéniables. Maurice, qui a séjournéen Orient dans les années 1104-1108, fait don à Cluny en 1112 d'une relique dulignum crucis, la tabula sancti Basilii, rapportée de Constantinople. Celle-ciséjourne dans un premier temps à Saint-Zoïle de Carri6n, l'un des principaux pointsd'appui de Cluny en Péninsule à cette époque: BC, col. 561-564. Même séjour àCarri6n pour la tête de Jacques le Majeur, rapportée de Palestine par Maurice. Surtout ce dossier complexe, David, « L'énigme de Maurice Bourdin», 450-451 et473-479. Ajoutons une donation de Maurice à la Charité-sur-Loire, prieuré cluni­sien, en 1102 : Documentas medievais portugueses, n°523, 445. Cette donation ne figure ni dans le cartulaire de La Charité ni dans -le recueil de Bernard et Bruelcf. Segl, Cluny in Spanien, 142-144.44. Dans un� lettre à Bernard de la Sauvetat (1109-1113), Pascal II reproche àBernard ses différentes entreprises contre le siège de Braga ; il s'étonne de cesactions dans la mesure où Bernard a « nourri » Maurice avant d'en faire un évêquede Coimbra : cum a te nutritus et te insistente ad episcopalem cathedram per Deigratiam sit provectus: Pasturkunden in Portugal, n° 12, 165.45. Sur les démêlés de Joao Peculiar avec le siège de Tolède et donc avec Rome,Erdmann, 0 papado e Portugal, 48 sq. ; Feige, « Die Anfange des portugiesischenKônigtums », 284-300.46. Sous le pontificat de Bernard à Coimbra et sous celui de Jean à Braga, doncentre 1138 et 1147.47. Johannes Bracarensis archiepiscopus [ ... ] primitivam matrem suam sedemColimbriensem diminuere, persequere et omnibus modis opprimere non cessavit.Inprimis itaque tempore Bernardi episcopi predecessoris nostri, cum de cellario ipsiuspontificis una statione centum modios consumpsisset, arreptus furore iniquitatis suea/tare sancti Iohannis funditus deiecit, cruces fregit, corpus Do mini ad viaticum infir­morum propriis pedibus conculcavit et in pulverem comminuit, Livro Preto, n° 643,866-867 (voir aussi Erdmann, 0 papado, annexes, IV, 82-83). Ce document est unrécit de l'évêque de Coimbra Joao Anaia. La liste des griefs se poursuit dans le mêmedocument mais pour la période suivante, au cours de laquelle il est devenu évêque.Les faits sont également rapportés, un peu plus brièvement mais avec d'autresdétails, dans une dénonciation anonyme adressée au pape depuis Coimbra. Ils sontcaractérisés de stupendum et orrendum /acinus. Il est précisé à la fin du texte que JoaoPeculiar, lorsqu'on lui présenta des lifteras bullatas pontificales, in terra sua,

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seipsum tantummodo papam essejactavit: ibid., n° 642,865. Cet étonnant dossiermériterait à l'évidence une étude particulière. 48. Et dans l'hypothèse inverse, pourquoi aurait-il repris la Vila pour y ajouter deséléments autobiographiques qui n'y auraient pas figuré dans un premier temps?49. Pierre d'Osma: BHL 6760): voir note 4; Raymond de Roda-Barbastro (BHL7074), Viage literario, 314-321 ; Oleguer de Barcelone (BHL 6330-6331), Aurell,« Prédication, croisade et religion civique», 138-156.50. P. Henriet, « Heurs et malheurs de l'hagiographie épiscopale dans l'Hispaniades VIIe-xIIe siècle», dans Pratiques hagiographiques dans l'Espagne du MoyenÂge et du siècle d'or, dir. A. Arizaleta, F. Cazal, L. Gonzalez Femandez etT. Rodriguez, Toulouse, 2007, 313-326, ici 325.51. VGB, § 3, § 4, 181. Voir note 37.52. VGB, § 6, 183. Voir note 37.53. Ibid. Ce privilège n'a pas été conservé.54. Voir dans ce volume le texte d'I. Rosé.55. Beatus enim Geraldus, ecclesiae Bracarensis in pristine dignitate reformata,ad tempus Bracarensem provinciam visitabat, episcopos de sanctitate admo­nebat, conventus monachorum in sancto ordine m@nastico attentius informabat,presbyteros per parochias constitutos de doctrina canonica diligenter instruebat,principes regionum ad pacem tenendam, ad justiciam exercendam vigilantius inci­ta bat, verbum praedicationis plebibus effundere non cessabat. At vero in episco­patu proprio synodos frequentius celebrabat, plebis sibi commissae vitia,clericorum offensas, precibus humilitatis obsecrando et zelo disciplinae arguendo,viriliter rescindebat. Humiles diligebat, superbis resistebat, egenos et epulis etindumentis assidue confovebat; hominibus in scelere perseverantibus et ad Deumconverti nolentibus nunquam consentaneus [consentanens chez Baluze,je rétablisd'après BnF, ms. lat. 5296c], immo acerrimus existebat. Tolus quippe divinoservitio deditus, a bono opere numquam otiosus ese voluit. Dedicationes enimecclesiarum, ordinationes clericorum, multiplices conjirmationes populorumjugiter frequentabat, boni pastoris officium adimplere proculdubio satagebat,VGB, § 7, 183-184. 56. P. Golinelli, « Negotiosus in causa Ecclesiae. Santi e santità nello scontro traimpero e papato da Gregorio VII ad Urbano II », dans Les fonctions des saints dansle monde occidental (]]Je-XIIIe siècle), Rome, 1991, 259-284 (concept d'« agiografiadi latta»); Id.,« Une hagiographie de combat dans le contexte de la lutte pour lesinvestitures », dans Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge enOccident, dir. E. Boz6ky, Turnhout, 2012, 243-254.57. Les brefs profils biographiques qui suivent ont été ébauchés en particulier grâceà Mattoso, Ricos-homens ; ils sont évidemment très sommaires et il conviendraitde les reprendre systématiquement dans l'optique d'une nouvelle édition de la Vita,en tâchant de mettre en relation de la façon la plus précise possible les documentsde la pratique et le texte hagiographique. Je n'ai pas utilisé les « livres de lignages»,

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plus tardifs, dans lesquels ces personnages apparaissent : pour le « Livro velho de linhagens » (vers 1270) et le « Livro de linhagens do Deào », voir J. Mattoso et J. Piel, Livras velhos de linhagens, Lisbonne, 1980; pour le livre du conte Pedrode Barcelos, le plus important (entre 1340 et 1344), J. Mattoso éd., Livra de linha­gens do conde D. Pedro, 2 vol., Lisbonne, 1980.58. VGB, § 8, 185. .. 59. Verum crimen illud quod incestus nuncupatur, qui in gente sibi commissa jamradices affixerat, summo nisu divellere anhelabat, ibid.60. Mattoso, Ricos-homens, 99. Voir aussi Id., Identificaçéfo de um pais. Ensaiosobre as origens de Portugal. 1096-1325. I. Oposiçéfo, Lisbonne, 200! 5, 148-149.61. En novembre 1102, Egas Pais et son épouse Elvira Soares donnent en effet ausiège de Braga le domaine de Subcolina, domaine qui reviendra au siège épiscopalaprès leur mort. Peut-être s'agissait-il alors d'apaiser l'irascible prélat: Liberfidei, n° 167, 197 (22-11-1102). Il serait évidemment très intéressant de savoir sicette donation intervient avant ou après les événements rapportés dans laVita Geraldi. 62. VGB, § 9, 186-188, ici 186.63. [ ... ]et sanctitatem ejus unum gallum affirmans non valere, ibid., 187.64. Natione gallicus: c'est ainsi que se désigne Bernard, l'hagiographe: ibid.,§ 37,203. •65. Ibid., 197-188. Mise en contexte de ce point particulier dans P. Henriet, « Adregem Cordube militandi gratia perrexit. Remarques sur la présence militairechrétienne en al-Andalus (Xe-xme siècle)», dans Regards croisés sur la guerresainte. Guerre, idéologie et religion dans l'espace méditerranéen latin (XJe_XIJJe siècle), éd. D. Baloup et Ph. Josserand, Toulouse, 2006, 359-379, ici 365-366.66. ( ... ) atque ad tantam inopiam devenerunt quod Pelagius Petri solus pedes cumfilio suo parvulo et cum cane suo gallico Maurorum terram laboriose appetierit,VGB, § 9, 187. 67. A. Guerreau, « Les structures de base de la chasse médiévale», dans La chasseau Moyen Âge. Société, traités, symboles, éd. A. Paravicini Bagliani et B. Van denAbeele, Florence, 2000, 25-32.68. Il faudrait cependant être absolument certain qu'il s'agit bien de ce même PaioPeres dont parle Mattoso, Ricos-homens, 49, marié à Godo Soares da Maia, elle­même fille du Soeiro Mendes da Maia qui a aussi des problèmes avec Géraud (voirinfra, p. 70-71). Pelagius Petriz «Romeu» est attesté jusqu'en 1105 et apparaît dans divers documents: Mattoso, Ricos-homens, 21, 42, 64, 74,307,385,386. AlfonsusPetriz apparaît aussi dans un document de 1105 : Mattoso, Le monachisme ibérique,385. L'identification de Gonçalo Pais, évêque de Coimbra entre 1109 et 1128 etdéfenseur de la réforme ecclésiastique contre la population « mozarabe » de sa ville, comme frère de Soeiro Pais : Mattoso, Ricos-homens, 11 O. Dans un document du9 juin 1092, puis dans une version d'un document de la cathédrale de Coimbra datédu 31 mai 1097, on trouve parmi la liste des deux témoins à la fois Pelagius Petriz

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et Adefonsus Petriz. Peut-être s'agit-il des deux frères dont il est question ici : Mattoso, Le monachisme ibérique, 42, etLivro preto, n° 429,589 (version A, soit l'original transmis dans une version présentant quelques différences avec celle du cartulaire ). 69. La proposition d'expliquer le surnom« o Mauro» par le fait que Soeiro Paisserait l'enfant franchissant la frontièr� avec son père est mienne et reste conjectu­rale. Exemple d'utilisation du surnom: Livra preto, n° 265,397 (« Soeiro Mouro »ou« Suario Mauro»), daté entre 1112 et 1128. S'il s'agit bien de l'enfant qui afranchi la frontière avec son père, la date doit être beaucoup plus proche de 1128.Document de 1171 cité par Mattoso, Le monachisme ibérique, p. 392. Si l'enfantétait né avec le siècle ( ce qui doit être plus ou moins le cas), il aurait donc vécu unpeu plus de 70 ans.70. Identification de Gonçalo Pais, évêque de Coimbra entre 1109 et 1128 etdéfenseur de la réforme ecclésiastique contre la population « mozarabe » de sa ville,comme frère de Soeiro Pais: Mattoso, Ricos-homens, p. 110.71. VGB, § 10, 188-189 (de introitu cujusdam ecclesiae, quam a laica manuacceperat ... , 189).72. Ibid.,§ 15, 192-193.73. Inter cetera vero vir Dei circa ecclesiarum libertatem praecipue invigilans ... ,ibid., 192.74. Ibid.75. [ ... ] eumque diligenter edocuit ecclesiastica jura nec laica manu pertractarinec sanctuarium Dei a laids hereditario jure debere possideri, ibid.76. Mattoso, Ricos-homens, 42-43.77. Mattoso, ibid., 74 note la grande réputation de Soeiro au monastère de SantoTirso de Riba de Ave, dont sa famille assurait la protection. Ce monastère avaitadopté les coutumes clunisiennes entre 1080 et 1092 (bibliographie complète surcet établissement dans Ordens religiosas em Portugal. Das origens a Trento.Guia historico, dir. B. Vasconcelos e Sousa, Lisbonne, 2005, 52-53). En 1101, dansun document de ce monastère qui affirme sa liberté par rapport à l'évêque, Soeiroest appelé prepotens et nobilissimus omnium portucalensium : A. de J. Da Costa,0 bispo D. Pedro e a organizaçêi,o da diocese de Braga, II, Coimbra, 1959, 419,et J. Mattoso, « A nobreza medieval portuguesa. As correntes monasticas dosséculos XI e XII», Revista de historia economica e social, 10, 1982, 29-47 [reprisdans Id., Portugal medieval. Novas interpretaçàes, Lisbonne, 19922, 197-223, icip. 205-206] ;Id.,Le monachisme ibérique,61-62,64,86, 136,139,183,312,314.78. Clerici quoque castiinoniae et ejus munditiae vestigia sequentes, virginemcastam se Christo exhibuerunt, VGB, § 17, 194.79. VGB, § 11, 189-191. « Nogariola » désignant la villa de Nugaria. Cette dona­tion est directement liée à pas moins d'une trentaine d'actes dans le cartulaire dela cathédrale. Dans un acte daté du 27 juillet 1103, Toda Eitaz, fille de EitaGondesendici et Gel vira Gundisalviz, donne ce qu'elle possède de deux villae, dont

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Nugaria, à la cathédrale de Braga. Le cartulaire retranscrit ensuite 31 actes qui sont autant de titres de possession parvenus jusqu'à Toda, principalement pour Nugaria, dont on mesure ainsi l'importance. Voir Liber fidei, l , n° 173, 203-204, pour la donation de Toda, et n° 174-204, 206-235, pour les titres de possession qui s'éche­lonnent de 900 à 1074. 80. G. Tellenbach, Libertas: Kjrche und Weltordnung im Zeitalter desInvestiturstreits, Stuttgart, 1936; P. Toubert, « Réforme grégorienne», dansDictionnaire historique de la papauté, dir. Ph. Levillain, Paris, 1994, 1432-1440.I.S. Robinson,« Reform and the Church, 1073-1122 », dans The New CambridgeMedieval History, IV, c. 1024-1198, 1, éd. D. Luscombe et J. Riley-Smith,Cambridge, 2004, 268-334.81. Mattoso, « Le Portugal de 950 à 1550 », 85.