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Cahier du Monde No 21855 dat Jeudi 23 avril 2015 - Ne peut tre
vendu sparment
Cent ans dun drame occultDabord considr comme un simple chapitre
de la premire guerre mondiale, ni par les autorits turques,
le gnocide de 1,5 million dArmniens par lEmpire ottoman a t
injustement pass sous silence
Les arrestations ont com-menc au soir du 24 avril1915,
Constantinople. Surordre de Talaat Pacha, letout-puissant ministre
delintrieur ottoman, 250 in-
tellectuels armniens sont faits pri-sonniers. Des
ecclsiastiques, des avo-cats, des professeurs, des journalistes et
mme quelques dputs.
La capture de ces hommes faisait par-tie dun plan tabli,
minutieusement labor, un mois plus tt, par plusieursresponsables du
Comit union et pro-grs, la branche politique des Jeunes-Turcs, et
visant dcapiter une des plusimportantes minorits de lempire pour
mieux entreprendre sa dporta-tion, pralable son extermination.
Deux mois plus tt, les 120 000 sol-dats armniens de larme
impriale avaient t loigns du front, puis d-sarms. Tout tait en
place. La mcani-que du gnocide tait enclenche, rien
ne pouvait plus larrter. Longtemps, legnocide des Armniens de
lEmpireottoman na t considr que commeun chapitre parmi dautres de
lhis-toire de la premire guerre mondiale. Ilfaut dire que lpoque
tait riche en vnements tragiques. Sur le front de lOuest, deux
jours avant ce tragique 24 avril 1915, dans les tranches dYpres, en
Belgique, les armes chimi-ques venaient de faire leur toute
pre-mire apparition, semant la terreur et la mort chez les
poilus.
Un point de basculeEt le lendemain, le 25, un jet de
pierre de Constantinople, sur les d-troits des Dardanelles et du
Bosphore, la sanglante bataille de Gallipoli entre le corps
expditionnaire alli et lestroupes ottomanes battait son
plein.Lhorreur tait partout. Ce nest queplus tard, avec le recul,
que le massacredes Armniens est apparu comme
une tragdie en soi, un point de bas-cule annonciateur de toutes
les gran-des tragdies du sicle. Ainsi, la plu-part des victimes
ntaient que des ci-vils dsarms. Ils sont morts de priva-tions ou
ont t tus en plein dsert,loin du front et des regards. Le but dela
dportation est le nant , affirmait Talaat Pacha, le grand
architecte delextermination.
Ce crime de masse, qui a caus lamort dun million et demi de
person-nes, nest pas venu de nulle part. Il a tprcd de dcennies de
perscutionset de prparation des esprits, et servi par une
propagande haineuse, pr-tention scientifique, dans laquelle la
disparition des Armniens devenait une condition ncessaire la survie
des Turcs. En cela, il est lexemple par-fait de ce crime absolu
visant la des-truction dun peuple entier, que le ju-riste Raphael
Lemkin, un Amricain dorigine polonaise, dcida dappeler
gnocide en 1944. Et il ouvre la voieaux grands drames du XXe
sicle, o la mort nest plus uniquement laffaire des seuls champs de
bataille, maissempare de socits entires.
Alors quon commmore les 100 ansdu drame, et tandis que les
autorits dAnkara persistent nier le caractre gnocidaire des
massacres commis par lEmpire ottoman, dployant tousles ressorts de
la propagande, de plusen plus dintellectuels turcs acceptentde
regarder en face les fantmes de leur histoire nationale, pour
rompreenfin avec des dcennies damnsie collective. Leur combat pour
la vrit est fondamental. Ne serait-ce qu cause de la fivre
exterminatrice qui plane de nouveau dans cette rgion lmme o eurent
lieu les dportations et les massacres de 1915-1916 , dsor-mais
soumise au rgime de terreur desdjihadistes de lEtat islamique.
p
jrme gautheret
Charnier dArmniens immols par le feu, dcouvert par larme russe
dans une grange du village dAli Zonan (province de Mouch, est de la
Turquie), en 1915. FONDS ARAM
Gnocide des Armniens
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2 | gnocide des armniens JEUDI 23 AVRIL 20150123
Euphrate
Tigre
GORGIEGORGIE
ARMNIEZERBADJANAZERBAD
AZERB.
RUSSIE
GYPTEGYP
IRAN
JORDANIE
ARABIE SAOUDITE
PERSE
CHYPRE
GRCE
BULGARIE
IRAK
SYRIE
LIBAN
ISRAL
CISJORDANIE
Mer Noire
Mer Mditerrane
Andrinople(Edirne)
Rodosto(Tekirdag)
Bandirma
Adapazari
Adyaman
Mardin
Kilis
Hafa
Beyrouth
Jaa
Djarablus
MerzifonUnye
Ordu Giresun
Chorum Amasya
Erzinjan
Trabzon(Trbizonde)
TokatChabin Karahissar
SamsunKastamonu
Rize
Khnus
Artvin
Oltu
Beyazit
Karapinar
Eregli
Nidge
Tarsus
Mersin
Alexandrette(Iskenderun)
Musa Dagh
Ankara
Seghert
BitlisSaimbeyli(Hadjin)
Zetoun
Marash
Antab
YozgatSivas
MusKayseri
Mezre
Diyarbakir
Adana
Erzurum
Van
Konya
Malatya
Urfa
Bozanti
Ras-Al-An
Rakka
Mossoul
Kirkouk
Bagdad
Hama
Homs
Tripoli
Jrusalem
Damas
Amman
Maan
Kangal
Eskisehir
Bursa
Ktahya
Afyon
Izmit
Vers Bassora
La tragdie des Armniens
Une minorit perue comme lennemi de lintrieur par le sultan de
lEmpire ottoman...
IRAN
... extermine par le mouvement nationaliste et raciste des
Jeunes-Turcs
majoritairerelativement majoritaireminoritaire
POPULATION ARMNIENNE : 2 millions au dbut du XXe sicle
Massacres hamidiens (1895-1896) impulss par le sultan Abdlhamid
II
Lieux de massacres (chires exacts non connus)
Camps de concentration et de dportation
Routes de dportation
Lieux de rsistance
Massacres dAdana (1909)un an aprs larrive au pouvoir des
Jeunes-Turcs
MASSACRES DARMNIENS : 250 000 victimes
NOUVEAU MASSACRE DARMNIENS : 20 000 - 30 000 victimes
GNOCIDE (AVRIL 1915-1917) : 1, 5 million de victimes
Empire ottoman (1915)Pays actuels
Sources : Mmorial du gnocide armnien, sous la direction
H.Kevorkian, Seuil, 2015 ; Armniens-Le temps de la dlivrance, G.
Minassian, CNRS Editions, 2015 ; Atlas historique de lArmnie,
C.Mutalian et E. Van Lauwe, collection Atlas, d. Autrement 2001
Cartographie : Sylvie Gittus et Delphine Papin
INFO
GR
AP
HIE
LE
MO
ND
E
E M P I R E R U S S E
E M P I R E O T T O M A N
E M P I R E O T T O M A N
100 km
Constantinople (Istanbul)
Les 24 et 25 avril 1915, 600 notables armniens de Constantinople
sont arrts et dports vers lest de lEmpire et seront pour la plupart
excuts.
Alep, plaque tournante
Centre de tri des longs convois de dports vers les dserts de
Syrie et vers Bassora
Deir ez-Zor, destination finale
Lieu d'extermination des dports armniens. La ville est devenue
un lieu de recueillement en mmoire du gnocide armnien, comme
Auschwitz lest pour la Shoah.
La destruction en marcheDs la fin du XIXe sicle, les massacres
des Armniens par lEmpire ottoman
tmoignent dj dune logique dextermination qui atteindra son
paroxysme vingt ans plus tard
Cest une sance ordinaire auPalais-Bourbon. En ce soirdu 3
novembre 1896, quel-ques dputs catholiquesont port lordre du
jourune interpellation au gou-
vernement Mline (1896-1898) sur les perscu-tions des chrtiens de
lEmpire ottoman. Les dbats vont se terminer quand un dput
so-cialiste du Tarn demande la parole et, dunevoix tonitruante et
implacable, dnonce le si-lence franais face la guerre
dextermina-tion mene par Abdlhamid II contre les Armniens : Pas un
cri nest sorti de vos bou-ches, pas une parole nest sortie de vos
conscien-ces, et vous avez assist, muets et par cons-quent
complices, lextermination complte. Pour lorateur, peu suspect de
sympathies en-vers lEglise, le drame des Armniens engage
lhumanit tout entire, et la passivit de la France face aux
crimes commis depuis 1894 dans lEmpire ottoman vaut complicit.
Sans surprise, son interpellation est rejetepar 444 voix contre
53. Mais, compter du len-demain, dans la presse comme dans
lopinion,le ton a chang. Par la force de son verbe, JeanJaurs, car
cest de lui quil sagit, vient de porter la conscience de la France
entire le calvaire des Armniens.
Ainsi donc, ds 1896, presque vingt ans avantle dclenchement du
gnocide, certains per-oivent dj quun drame singulier est en trainde
se nouer en Orient. Les informations en provenance de lempire
existaient, et elles
taient relayes (non sans dformations) par les missionnaires, les
diplomates et la presse. Mais elles ntaient que le bruit touff
dundrame lointain.
Il faut dire que lEmpire ottoman de la fin duXIXe sicle nest
plus que lombre de la puis-sance arrogante qui avait fait trembler
lEurope,anantissant lEmpire byzantin avant de pous-ser ses armes
jusque sous les murs de Vienne, en 1529 et en 1683. Son recul
territorial, entam la fin du XVIIe sicle, a pris, au cours du XIXe
sicle, des allures de dbcle. La perte de la Grce, en 1829, na t que
le prlude celle de lamajeure partie des Balkans, au terme du trait
de San Stefano et du congrs de Berlin (1878). Dans le mme temps, la
Russie avanait dans leCaucase, la Grande-Bretagne mettait la main
sur Chypre, puis sur lEgypte, tandis que la France simplantait en
Algrie et en Tunisie
En outre, la Sublime Porte a d accorder auxpuissances
occidentales dimportants privil-ges conomiques, qui restreignaient
encore unpeu plus sa marge de manuvre, ainsi quun droit de regard
sur les affaires du gouverne-ment dans de nombreuses rgions
chrtien-nes, dont le Liban. L homme malade de lEu-rope ressemble
chaque jour un peu plus un mort en sursis.
Le mouvement de rforme des Tanzimat( rorganisation ), impuls au
dbut du XIXe sicle afin dintroduire des lments de modernit puiss
dans lexemple franais, napas rsist aux dfaites militaires des annes
1870. Quant son corollaire, lambition de crer une vritable
citoyennet ottomane impliquant une stricte galit de droits entre
les musulmans et les autres communauts, elle a vite tourn court.
Lheure est dsormais au panturquisme. Lempire reste un
enchev-trement de communauts domin par les mu-sulmans, et les
rapports entre ces communau-ts se tendent chaque jour un peu
plus.
La place des Armniens dans cette mosaqueest trs dlicate. Avec
une population de plus de2 millions dhabitants, principalement
rpartiedans trois espaces, le plateau anatolien, nonloin des
frontires russes et iraniennes, la Cili-cie (aussi appele
Petite-Armnie, dans le sud-
est de la Turquie actuelle) et les grands centres urbains, ils
sont au cur des proccupations de Constantinople. Leur cas avait t
voqu aucongrs de Berlin, en 1878, et les puissanceseuropennes
avaient appel des rformes, suscitant chez les Armniens un intense
espoirde libration, vite du.
Les communauts paysannes armniennesdAnatolie taient en butte aux
razzias des tribus kurdes, et bientt la concurrence de populations
de rfugis musulmans, chasses du Caucase ou des Balkans et avides de
revanche contre les chrtiens. Le sultan Abdl-hamid II, arriv au
pouvoir en 1876, en pleine droute dans les Balkans, tourne vite le
dos lesprit des Tanzimat pour suivre la voie de lautocratie et du
renforcement des composan-tes musulmanes, seule voie, ses yeux, mme
de sauver lempire. En 1891, il cre des rgiments kurdes de cavalerie
lgre sur le mo-dle des cosaques russes, les Hamidiys. Soncalcul est
simple : il sait que les Kurdes, qui coexistent depuis des sicles
avec les Arm-niens, seraient les premiers perdants en cas
dautonomie des provinces orientales. Ils seront donc les
adversaires les plus acharns delmancipation armnienne.
Lorsque, au printemps 1894, les habitants ar-mniens de la rgion
de Sassoun (est) se rvol-tent contre la double taxation quils
subissent ils doivent payer limpt au sultan, mais aussiun tribut
aux communauts kurdes locales en change de leur protection , les
Hamidiysmnent une rpression dune violence indite.Les troubles
stendent peu peu et une mani-festation de soutien, organise par le
parti ar-mnien Hentchak le 30 septembre 1895, est r-prime dans le
sang, sous les yeux des diplo-mates occidentaux. Lmotion
internationale est telle que le sultan se trouve contraint
dan-noncer, le 17 octobre, des rformes dampleur dans les rgions
armniennes. Cest alors que lAnatolie entire se met sembraser.
Raction spontane dune population mu-sulmane humilie et lasse des
diktats de lOcci-dent, comme le prtend aussitt le Palais ?
Mas-sacres planifis ? Il reste trs hasardeux de me-surer le degr
dimplication de lappareil dEtat
dans ces massacres. A tout le moins, Abdlha-mid tait trs bien
inform, il ne sy est pas oppos et a mme cherch tirer profit des
massacres pour ramener les Armniens sur lechemin de lobissance. Le
bilan de ces tueries de masse est incertain mais effroyable : de
100 000 300 000 morts selon les historiens ; 500 000 autres
personnes ont t chasses, leurs biens spolis, et les conversions
forces sont innombrables.
Sil ny a pas, cent vingt ans plus tard, de con-sensus sur le
caractre gnocidaire de ces mas-sacres, il apparat cependant vident
que, ds cette date, la logique de lextermination venir est en
germe. La prise de pouvoir par les Jeunes-Turcs, en 1908, suscite
un vif espoir chez les Armniens, vite dmenti : en 1909, dans le
dis-trict dAdana, en Cilicie, le nouveau gouverne-ment ordonne une
rpression sauvage desmanifestations armniennes. Le bilan est
ef-frayant : de 20 000 30 000 morts.
Ainsi donc, par-del lalternance politique, lamarche vers la
destruction semble inexorable.Les esprits y sont patiemment prpars.
Lhis-torien Hamit Bozarslan distingue quatre regis-tres de discours
constitutifs de la logique de gnocide luvre dans lEmpire ottoman
:le darwinisme social (les Turcs ont vocation dominer) ; la
rhtorique inverse du domi-nant-domin (les oppresseurs se disent
victi-mes de discriminations et nont pas dautre choix que la
violence pour ne pas disparatre) ;la bataille dmographique (il est
indispensa-ble de faire reculer le poids des minorits pourgarantir
la prminence aux musulmans en Anatolie) ; et enfin, la dimension
conomique (par les spoliations, il sagit de reprendre le contrle de
pans entiers de lconomie, aux mains des chrtiens).
LArmnien est assimil de plus en plusfrquemment, au dbut du XXe
sicle, un microbe quil sagit dradiquer. Le dclen-chement de la
premire guerre mondiale four-nira loccasion de passer la pratique.
Tandis que la presse jeune-turque se dchane contre l ennemi
intrieur , en mars 1915, le plandextermination est labor. p
jrme gautheret
A la fin du XIXe sicle,
l homme malade de
lEurope , lEmpire ottoman,
ressemble chaque jour un peu
plus un mort en sursis
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0123JEUDI 23 AVRIL 2015 gnocide des armniens | 3
Dans lombre des victimes armniennesLes Assyro-Chaldo-Syriaques
et les Grecs pontiques furent eux aussi massacrs par lEmpire
ottoman
Dans son journal, Mary Schauf-fler Platt (1868-1954), une
mis-sionnaire presbytrienne am-ricaine en poste Ouroumieh
(nord-ouest de lIran), crit, la date du 14 janvier 1915 : A Ada,
on en tua une cen-taine peut-tre, des jeunes pour la plupart. On
rapporte quils furent mis par les Kurdesen file indienne pour voir
combien ils pou-vaient en tuer en une seule balle. Une page
dhorreur parmi tant dautres : ce t-moignage sera publi quelques
annes plus tard aux Etats-Unis grce au con-cours de lAmerican Board
of Commissio-ners for Foreign Missions, organisation missionnaire
chrtienne des Etats-Unis. Les victimes ne sont pas des Armniens,
mais dautres sujets appartenant des mi-
norits chrtiennes de lEmpire ottoman :les
Assyro-Chaldo-Syriaques.
Hritiers dune vieille civilisation si-tue entre les fleuves
bibliques du Tigre et de lEuphrate, les Assyro-Chaldo-Sy-riaques,
descendants des Assyriens, Ba-byloniens, Chaldens et Aramens,
vi-vent principalement dans la rgion dOuroumieh, dans la province
de Mos-soul (Irak) et en Anatolie orientale (no-tamment dans les
villes de Van et de Mar-din). Cest l, dans ces zones difficiles
daccs du sud-est de lEmpire ottoman, notamment Hakkari, au sud de
Van etdans cette ancienne Msopotamie histo-rique, berceau de
lhumanit, quenmarge du gnocide des Armniens, plus de 250 000
Assyro-Chaldens et Syria-
ques sont assassins entre dcembre 1914et juillet 1918, sous les
yeux de quelques tmoins comme Mary Schauffler Platt.
Au nord de lEmpire, le long de la merNoire, ce sont prs de 350
000 Grecs pon-tiques descendants des populationshellnophones du
pourtour de lancien Pont Euxin qui sont leur tour massa-crs entre
1916 et 1923. Dans les deux cas, le mode opratoire est le mme que
pourles Armniens : le rgime jeune-turc sestlanc dans un vaste
programme de tur-quification force des populations de lEmpire,
rduisant par le fer et le feu tousles groupes minoritaires chrtiens
dansle processus de construction dun Etat-nation. Les autorits
turques nagissent pas seules. Pour accomplir leur entre-
prise gnocidaire, elles sappuient sur des tribus kurdes, des
groupes dimmi-grs musulmans originaires des Balkans et du Caucase
et des prisonniers de droit commun, tous runis dans des ba-taillons
de bouchers .
Dbats autour du gnocideAu lendemain de la guerre, si les
Grecs
rescaps des massacres sont pour la plu-part transfrs en Grce
dans le cadre dchanges de populations avec les Turcs de Thrace, les
chrtiens dOrient, comme les Assyro-Chaldens, qui parlent lara-men,
la langue de Jsus, sont partags entre la Turquie, lIrak et la Syrie
sans la moindre protection, si ce nest celle de leur autorit
religieuse de tutelle.
Des dcennies aprs ces crimes contrelhumanit, historiens et
juristes interna-tionaux ne saccordent toujours pas pour qualifier
le massacre des Assyro-Chal-dens, des Syriaques et des Grecs
ponti-ques de gnocide ; seuls certains pays, comme la Sude en 2009,
lArmnie en 2015 et quelques Etats fdrs amri-cains lont reconnu
comme tel sur la base de sources crites europennes et arabes.
Cent ans aprs cette anne 1915, dite delEpe ( seyfo en
no-aramen), les mi-norits assyro-chaldennes de Syrie etdIrak ainsi
que les Kurdes yzidis sontmassacrs par lEtat islamique, sans que
lon puisse pour linstant valuer lam-pleur des pertes humaines.
p
ga. m.
Tout a commenc le 24 avril 1915A Constantinople, 250
personnalits armniennes sont arrtes cette nuit-l. Suivra lhorreur
des marches forces et du carnage
Quand les policiers linterpel-lent son domicile, dans lanuit du
24 au 25 avril 1915,dans le quartier chrtien dePera,
Constantinople, capi-tale de lEmpire ottoman,Khatchadour
Maloumian,
alias Agnouni, est loin dimaginer quil fait par-tie dune liste
dintellectuels armniens arrts cette nuit-l pour les dporter vers
Ankara. Diri-geant politique armnien proche des autorits
jeunes-turques, il a dn la veille avec Talaat Pa-cha, le ministre
de lintrieur du gouvernementdu Comit union et progrs (CUP), le
parti au pouvoir depuis le putsch des Jeunes-Turcs, le 23 janvier
1913. Il croit un malentendu. Il ne sait pas encore que la rafle de
250 personnalitsarmniennes de la capitale fait partie dun vaste
plan dextermination des Armniens de lEmpire, dcid entre le 20 et le
25 mars 1915 lors de runions du comit central du CUP.
Les nouvelles du front ne sont pas bonnespour lEmpire ottoman
depuis son entre en
guerre, le 2 novembre 1914, aux cts de lAlle-magne et de
lAutriche-Hongrie. Aprs la d-faite de Sarikamich en janvier 1915
face la Rus-sie, pouvoir et mdias turcs accusent les 2 mil-lions
dArmniens ottomans dtre au service des Russes et les souponnent de
trahison etde complot contre la scurit de lEtat .
Les neuf membres de la direction du CUP,dont Mehmet Talaat Pacha
et les docteurs Meh-met Nazim et Bahaeddine Chakir, profitent du
contexte de guerre et de la dbcle de Sarika-mich imputable au
mauvais commandementdu ministre de la guerre, Ismail Enver Pacha
pour acclrer le processus dextermination des Armniens et des
Assyro-Chaldo-Syria-ques, un groupe ethnique chrtien originaire de
Msopotamie.
Ds lhiver 1914-1915, au sud de Van (dans lestde lactuelle
Turquie) et en Iran, o larme tur-que a lanc plusieurs incursions,
les popula-tions armniennes et syriaques locales sont massacres par
dizaines de milliers. En fvrier 1915, sur ordre dEnver Pacha, les
120 000 sol-dats armniens de la IIIe arme, qui surveille le front
caucasien, sont dsarms et forment des bataillons de travail. La
plupart sont excuts sur place et, fin mai, il ne reste plus de
soldats armniens dans larme dEnver.
Le gouvernement compte sur lOrganisationspciale (OS) pour
remplir ces sales besognes. Cr en 1914, ce groupe paramilitaire
dirig par le docteur Bahaeddine Chakir reprsente une force de 12
000 hommes : ce sont des Kurdes, des migrs musulmans des Balkans et
du Cau-case et des criminels amnistis (assassins, vio-leurs,
psychopathes). Son quartier gnral setrouve au sein du sige du CUP
dans la capitale et elle utilise 36 abattoirs rpartis dans tout
lEmpire. Outre ces escadrons de la mort, legouvernement jeune-turc
sappuie sur la direc-tion gnrale de linstallation des tribus et
des
migrants (DITM), charge, dans les provinces, de la planification
des dportations.
Ces deux organisations respectent la lettre leprogramme
dextermination en deux phases des Armniens concoct par la direction
du CUP. La premire phase, davril octobre 1915, consiste vider les
six provinces orientales (Bit-lis, Van, Sivas, Erzurum, Diyarbakir,
Mamuret ul-Aziz) de leur population armnienne. Il sagitdes
territoires historiques armniens, objets,depuis le trait de Berlin
de 1878, dun vague projet de rformes visant amliorer leur scu-rit.
Dfendu par les puissances europennes, ilne sera jamais appliqu par
le sultan.
Sur le terrain, tout ne se passe pas commeprvu. A Van, aprs les
massacres de 58 000 dentre eux entre janvier et avril 1915, les
Arm-niens organisent leur dfense et comptent sur lavance des
troupes russes pour les sauver. Malgr leur infriorit numrique, ils
rsistent jusqu la libration de Van par larme du tsar, en mai 1915.
Les civils sont vacus vers le Cau-case. A Constantinople, le
gouvernement uti-lise le prtexte de cette rbellion qualifie de
trahison pour dcapiter llite armnienne.Ds la fin avril, dans la
capitale et toutes les
grandes villes de lEmpire, intellectuels et nota-bles armniens
sont arrts puis dports et excuts par petits groupes. A
Constantinopleet Smyrne (aujourdhui Izmir, dans louest dela
Turquie), les Armniens sont toutefois par-gns, la Sublime Porte
craignant une raction diplomatique des puissances europennes. Dsle
24 mai 1915, la Triple Entente, alerte sur lam-pleur des massacres
dans lEmpire, a mis en garde les autorits turques dans une
dclara-tion commune : La France, la Grande-Bretagneet la Russie
tiendront pour personnellement responsables ceux qui auront ordonn
ces crimes contre lhumanit et la civilisation.
Mais trois jours aprs, le gouvernement jeu-ne-turc leur rpond
par la provocation en lga-lisant la dportation des Armniens. Alors
que 35 500 Armniens sont dports en avril 1915, les mois suivants,
la cadence augmente forte-ment : 131 408 dportations en mai, 225
499 en juin, 321 150 en juillet et 276 800 en aot. Jusqula fin de
cette premire phase, en octobre, et en
35 500 Armniens
sont dports en avril 1915,
131 408 en mai, 225 499 en juin,
321 150 en juillet
et 276 800 en aot
tenant compte des convois en provenance de Cilicie (sud) et de
la Cappadoce (centre), ce sont 1,2 million dArmniens qui sont
envoys de force vers les dserts de Syrie et de Msopota-mie,
conformment aux ordres du DITM.
Certains dports sont arrivs Alep, dans lenord de la Syrie, par
chemin de fer, raconte lhis-torien britannique Arnold Toynbee dans
son Li-vre bleu remis aux autorits britanniques en 1916 : Ils
taient entasss dans des wagons bestiaux, souvent rpugnants et
toujours bon-ds, et leur voyage tait infiniment lent, car la li-gne
tait congestionne par leurs nombreux convois et par le transport
des troupes ottoma-nes. Au point de dpart des dportations, les
hommes, spars de leur famille, sont liquids sur place, alors que
les femmes et les enfantssont vous lenfer des longues marches
for-ces vers les camps dAlep, de Deir ez-Zor (est dela Syrie) et de
Mossoul (nord de lIrak). Seuls 400 000 dentre eux arrivent
destination.
La deuxime phase peut donc commencer.Elle stend sur toute lanne
1916 et ne rpond qu une seule question : que faire des 700
000dports masss dans la vingtaine de camps de concentration ouverts
en Syrie, en proie aux pidmies et vivant dans des condi-tions
dhygine effroyables ? Le 22 fvrier 1916, alors que les troupes
russes ont pris la ville-gar-nison dErzurum, cette ancienne
capitale arm-nienne (Garine) totalement vide de sa popula-tion
chrtienne, le gouvernement turc or-donne la liquidation de tous les
dports.
Les sites dAlep, Rakka, Ras-Al-An, Deir ez-Zoret Mossoul se
transforment en camps dexter-mination, les fleuves Tigre et
Euphrate sont les tmoins silencieux dun crime sans prcdent. Les
membres de lOS redoublent de zle et de cruaut, les bourreaux
procdent essentielle-ment larme blanche. En cinq mois, de juillet
dcembre 1916, le prfet Salih Zeki, qui a rem-plac Ali Souad, jug
trop mou par la direction du CUP, fait massacrer 192 750 dports
regrou-ps Deir ez-Zor, qui deviendra le lieu symboli-que de la
destruction dune nation. Le 24 octo-bre 1916, prs de 2 000
orphelins rassembls Deir ez-Zor par Ismail Hakki Bey, inspecteur
gnral des dportations, sont attachs deux par deux puis jets dans
lEuphrate.
En 1917, au moment o les armes turquesseffondrent sur tous les
fronts, les forces bri-tanniques dcouvrent, lors de leur offensive
victorieuse en Syrie et en Palestine, prs de 100 000 dports
armniens vivant dans des conditions rpugnantes. Il sagit dindividus
surtout originaires de Cilicie qui constitueront le premier noyau
des communauts armnien-nes de Syrie et du Liban sous mandat
franais. Ala fin de la Grande Guerre, sur les 2 millionsdArmniens
recenss en 1914 dans lEmpire ot-toman, prs de 1,5 million ont t
massacrs, auxquels il faut ajouter 250 000 chrtiens dOrient
(Assyro-Chaldens, Syriaques).
Les 500 000 Armniens rescaps des campset des dportations ont
connu diffrents des-tins. Certains se sont installs dans le
Caucaserusse avant dtre intgrs dans lUnion soviti-que. Dautres ont
immigr en Europe et en Amrique avant dy devenir des citoyens part
entire. Enfin, une petite partie est reste Is-tanbul, protge par
les clauses du trait de Lau-sanne sign en 1923 entre lEmpire
ottoman et les puissances allies sur le droit des mino-rits
religieuses. Sans oublier ceux qui ont t convertis de force lislam
ou placs sous la contrainte dans des familles musulmanes en
Turquie. p
gadz minassian
Carte postale datant de 1918. Inscrit au verso, Soldats turcs
avec leurs victimes armniennes . FONDS ARAM
-
4 | gnocide des armniens JEUDI 23 AVRIL 20150123
Gibets avec des victimes armniennes
dans une rue de Constantinople,
en 1917.COLLECTION NICOLAIDES.
PHOTO ORIGINALE,
FONDS ARAM
k Orphelins armniens rescaps.
MUSE DU GNOCIDE EREVAN,
JOHN ELDER COLLECTION.
k k Orphelins armniens
recueillis par lorganisation
caritative amricaine Near
East Relief. STORY OF NEAR EAST RELIEF ,
J. L. BARTON, NEW YORK, 1930.
FONDS ARAM
Il existe peu dimages du gnocide des Armniens. Les autorits
turques ont menac de mort toute personne qui
saventurerait prendre des photographies des massacres.
Cependant, outre les clichs pris par larme russe lors de loffensive
sur le front caucasien ds 1915, dautres sources existent, notamment
les images dun officier de la Croix-Rouge allemande, Armin T.
Wegner (1886-1978).
Ces photographes travaillant dans la clandesti-nit, la plupart
des documents qui nous sont par-venus ne comportent ni date ni
mention de lieu.
LAssociation pour la recherche et larchivage de la mmoire
armnienne (ARAM), base Marseille, recueille depuis 1997 tous les
docu-ments relatifs lhistoire du peuple armnien et au gnocide. Elle
met rgulirement en ligne sur son site, Webaram.com, des
photographies,
livres, journaux, tmoignages et documents administratifs.
En dcembre 2014, Christian Artin, responsabledARAM, reoit dun
Franais dorigine arm-nienne une carte postale de limage reproduite
ci-dessus. Au verso, un message manuscrit en franais dcrit la scne
: Ceci nest pas un trucage mais une photographie qui date davant
larrive des Franais Constantinople [1918] et qui repr-
sente des Armniens pendus sur une place publi-que. Cest un
contraste frappant, dans ce pays dOrient aux riches coloris, que
des gens laspect assez dbonnaires puissent avoir des murs si
sanguinaires. Vous voyez les passants circuler comme si rien ntait
devant ces pendus, gratifis dun criteau, et continuer vaquer leurs
occupa-tions habituelles. On ignore le nom de lauteur du message et
celui de son destinataire.
Des documents historiques rares
k Bitlis (Turquie), 1915 : cadavres
denfants assassins.
SOURCES RUSSES. FONDS ARAM
k k Rfugis armniens dans
le dsert de Syrie, 1917.
FONDS ARAM
-
0123JEUDI 23 AVRIL 2015 gnocide des armniens | 5
En Turquie, le dogme de lamnsieAprs une brve tentative de juger
les responsables en 1918, la Rpublique turque sest construite sur
la ngation du gnocide
Cest une fuite piteuse,sans gloire ni panache.Le 1er novembre
1918,deux jours aprs lar-mistice de Moudros,par lequel lEmpire
ot-
toman a reconnu sa dfaite crasante, les ex-ministres Talaat
Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha montent bord dun croi-seur
allemand, la Lorelei. Leur but :Odessa, puis lAllemagne. Il y a
encore quelques jours, ces hommes dirigeaient un empire. Ils ne
songent plus dsormais qu se mettre labri. Ils savent que les Allis
entendent traduire en justice les commanditaires des atrocits
arm-niennes et que le gouvernement de tran-sition mis en place
Constantinople tient, lui aussi, mener contre eux un procs
exemplaire.
Ds le 4 novembre, deux dputs de-mandent de traduire les
criminels devant la Haute Cour. Le 21, le snateur Reshid Akif, qui
venait d'occuper brivement le poste de prsident du conseil, expose
au Snat ce quil a appris de la double mca-nique des massacres : les
directives offi-cielles de Talaat Pacha mettant en place les
dportations, les tlgrammes secrets du comit central du Comit union
et pro-grs (CUP, organisation politique des Jeu-nes-Turcs)
lOrganisation spciale or-donnant lextermination Le 13 dcem-bre, le
ministre de lintrieur dclare mme : Pendant la guerre, nos
dirigeants
ont appliqu () la loi de dportation dunemanire qui surpasse les
forfaits des bri-gands les plus sanguinaires. Ils ont dcid
dexterminer les Armniens et ils les ont ex-termins. Cette dcision
fut prise par le co-mit central du CUP et fut applique par le
gouvernement.
Ainsi donc, ds la fin 1918, lampleur et laspcificit du crime ont
t exposes au grand jour. Comment, ds lors, la Turquie de 2015
peut-elle toujours occulter ce qui tait admis un sicle plus tt ?
Rpondre cette question implique de revenir aux premires heures de
la rpublique fondesur les ruines de lEmpire ottoman.
La dfaite de 1918 tait celle dune fa-mille politique, les
Jeunes-Turcs, arrivs au pouvoir en 1908 avec la promesse de faire
entrer lempire dans la modernit. Mais le discours universaliste des
pre-miers temps a vite t supplant par un panturquisme raciste et
agressif, dont laboutissement a t le gnocide des Ar-mniens.
Leffondrement gnral du r-gime a port au pouvoir, aprs
larmistice,des responsables plus modrs, cher-chant obtenir quelques
concessions des Allis par une justice exemplaire.
De fait, les trois procs qui se sont tenus Constantinople en
1919-1920 tmoi-gnent dune authentique recherche de v-rit, et ils
ont port la connaissance du public de nombreuses preuves dcisives.
Reste quils ont t loin de rpondre nombre dexigences minimales, se
rv-
lant trs imparfaits dans leurs rsultats (les peines les plus
svres ont touch desfugitifs ou quelques subalternes, tandis que
plusieurs responsables taient par-gns) et fausss par la dcision
britanni-que de transporter Malte certains cap-tifs dans loptique
dun procs internatio-nal qui ne vit jamais le jour. Deux
facteursextrieurs rendent le travail des juges deplus en plus vain
: lintransigeance des Al-lis, qui allait dboucher sur lhumiliant
trait de Svres, le 10 aot 1920, et le mou-vement de rsistance
impuls depuis lAnatolie par Mustafa Kemal.
Le trait impos lEmpire ottomancomporte plusieurs articles
consacrs la mise en place dune juridiction inter-nationale . Les
responsables ottomans sy engagent livrer aux puissances al-lies les
personnes rclames par celles-ci comme responsables des massacres ,
demme quest prvu le rattachement lAr-mnie des six provinces
dAnatolie orien-tale. Le mouvement de reconqute parti dAnkara aura
raison de lune comme delautre de ces dispositions. Au terme du
trait de Lausanne, conclu le 24 juillet 1923, lAnatolie entire est
re-conquise. Il nest plus question de justice pour les Armniens.
Lheure est lefface-ment des traces du crime.
Le sursaut kmaliste est pass par l, etles priorits ont chang. Un
pays menac de disparition a dautres proccupationsque la justice.
Kemal, qui lui-mme avait
t proche des Jeunes-Turcs au dbut du sicle, na eu aucun tat dme
enrler dans sa lutte de nombreux responsablesdu CUP compromis.
Alors quil avait lui-mme qualifi d acte honteux le mas-sacre des
Armniens, au sortir de laguerre, il organise bientt lamnsie
na-tionale. Le philosophe franais Ernest Re-nan (1823-1892)
naffirmait-il pas que loubli et mme lerreur historique sont
un facteur essentiel de la cration dunenation ? La Turquie
nouvelle se cons-truit sur la ngation du crime de 1915.
Linterprtation officielle de lhistoiremillnaire du peuple turc est
fixe par le Nutuk, un discours fleuve de trente-sixheures et demie
prononc par Kemal en 1927. Son bras arm est la Socit dhis-toire
turque, cre en 1931. Toute contes-tation de la vrit officielle est
svre-ment punie par la loi.
Jusquaux annes 1970, la position dAn-kara est de nier en bloc
les dportations et les massacres. La logique de guerre froide et la
faiblesse des revendications armniennes facilitent le statu quo.
Mais la monte des revendications mmoriel-les exprimes par la
diaspora et leur chomondial forcent lEtat turc imaginer une riposte
: partir du dbut des annes1980, le discours change. Ankara
assureque les massacres ont eu lieu des deuxcts, dans un contexte
de guerre civile.Le caractre gnocidaire des tueries estni, et lEtat
turc tente mme de faire pas-ser les revendications armniennes pour
un moyen de relativiser la Shoah
La multiplication des reconnaissancesofficielles du gnocide hors
de Turquiecontraint Ankara adopter une positionchaque jour plus
subtile, cherchant transformer lexigence de justice arm-nienne en
controverse scientifique. Les appels la constitution de comits
dhis-toriens internationaux ou les condo-lances exprimes aux
victimes arm-niennes en 2014 par Recep Tayyip Erdo-gan, alors
premier ministre, ne doivent pas tre compris comme une nouvelle
tape vers la reconnaissance des crimes de 1915-1916, mais plutt
comme des manuvres tactiques. Un sicle plus tard, il reste
impossible pour Ankara derenoncer un dni qui est le socle de la
Turquie moderne. p
jrme gautheret
Dans la mmoire de la diasporaLa mdiatisation des horreurs de la
Shoah a permis aux Armniens en exil de se faire davantage
entendre
et dexiger leur tour la reconnaissance du gnocide de 1915
Se retrouver sur les Champs-Elysesen 1965 pour commmorer le
gno-cide des Armniens, ctait un peu foupour nous. Auparavant, on
nosaitpas descendre dans la rue pour affi-cher collectivement notre
identit ,
se souvient Hrar Torossian, membre du Co-mit de dfense de la
cause armnienne (CDCA), en voquant la manifestation organi-se
Paris, le 24 avril 1965, loccasion du cin-quantenaire de ce
gnocide.
Lespace dun jour, la guerre froide avait tmise de ct,
indpendantistes et procommu-nistes armniens dfilaient ensemble. De
T-hran Los Angeles en passant par Beyrouth,Paris, Marseille et
Buenos Aires, les Arm-niens du monde entier taient descendus dans
la rue pour rompre le silence autour du grand carnage , en
affichant publiquement
leur solidarit avec les victimes de ce crimeoubli. Mme ferveur
Erevan, la capitale de lajeune Rpublique sovitique dArmnie, o
lamanifestation, plus ou moins canalise par lepouvoir
post-stalinien, avait rassembl plus de 150 000 personnes venues
rclamer nos terres, nos terres la Turquie.
Aprs la dcouverte des horreurs de laShoah, le procs de
Nuremberg, la convention de 1948 pour la prvention et la rpression
du crime de gnocide, les Armniens exigent leur tour, en descendant
dans la rue, une re-connaissance officielle du crime de 1915comme
un gnocide. On tait un peu roman-tiques , reconnat, cinq dcennies
plus tard,Hrar Torossian. Mais avaient-ils le choix ? Pour viter
une mort identitaire inluctable, ilfallait passer du souvenir
intime une dyna-mique de reconnaissance publique, et faire
comprendre au monde entier que le problme
armnien existait bel et bien et attendait tou-jours une solution
juste et durable.
En 1967, Erevan inaugure le mmorial de Dzi-dzernagapert, o,
depuis la chute de lURSS,en 1991, les chefs dEtat en visite
officielle en Armnie viennent dposer une gerbe en hom-mage aux 1,5
million de victimes du premier gnocide du XXe sicle. Trois ans plus
tard, limage du chancelier allemand Willy Brandt, agenouill devant
le monument lev enhommage aux martyrs du ghetto juif de Var-sovie,
marque les Armniens. Depuis, ils cher-chent leur Willy Brandt.
Mais, dans les annes 1960, personne neparle du problme armnien.
En France, lheure est plutt lintgration dans la Rpu-blique et au
sauvetage dune identit fondesur une langue, une culture et une
religion part. La Rpublique socialiste sovitique dAr-mnie existe
mais ne rassemble pas : elle restele symbole dune nation clate.
Il faut attendre les annes 1970 pour voir ap-paratre les
premires tudes historiques sur legnocide, signes par Jean-Marie
Carzou et Yves Ternon. Leur effet est limit. On tait au dbut du
dfrichement du problme et les archi-ves turques taient fermes ,
explique Yves Ternon. Ankara se mure dans le silence ettransforme
les ruines des glises en tables ou les utilise comme cibles lors de
sesmanuvres militaires. Membre de lOTAN, laTurquie se trouve dans
le camp occidental etles Armniens ne peuvent compter que sur
eux-mmes.
Cette prise de conscience va doublement di-viser les Armniens.
La deuxime gnration, celle de lintgration, soppose la
troisime,celle de la revendication, marque par le mili-tantisme qui
merge dans la foule de Mai 68.La nouvelle gnration ne se satisfait
pas de laseule action lgale auprs des Parlements na-tionaux et de
lONU, surtout quand la Turquie fait bloquer le dossier armnien en
1973 lasous-commission des droits de lhomme, Genve. Cen est trop
pour la frange la plus ra-dicale, qui dcide de marcher sur les
traces de lArmno-Amricain Kourken Yanikian,auteur du double
assassinat en 1973 de deuxdiplomates turcs Los Angeles, et ouvre
ainsi la voie une dcennie de terrorisme arm-nien contre la
Turquie.
En 1975, les agences de presse annoncent lanaissance Beyrouth de
lArme secrte arm-
nienne pour la libration de lArmnie (Asala), trois ans aprs
celle des Commandos des justi-ciers du gnocide des Armniens (CJGA),
auteurs du double assassinat des ambassa-deurs de Turquie en
Autriche et en France, les 22 et 24 octobre 1975. Le CJGA est
daffiliation dachnak (Parti socialiste armnien) et pr-conise un
terrorisme cibl et mmoriel, alors que lAsala est dinspiration
marxiste et opteen faveur dun terrorisme publicitaire
etspectaculaire. Ces deux organisations revendi-quent plusieurs
centaines dattentats contre laTurquie et exigent dAnkara la
reconnaissance du gnocide et la restitution des territoires de
lArmnie historique.
Au fil des oprations, qui sont de plus en plusdifficiles monter
en raison des politiques de scurit des Etats et des opinions
publiqueshostiles, le terrorisme armnien bascule dans lhorreur.
LAsala revendique lattentat aveuglede laroport dOrly, le 15 juillet
1983, faisant8 morts et plus de 50 blesss prs du comptoirde la
Turkish Airlines. La condamnation est unanime, la France dmantle
sur son terri-toire tous les rseaux de lAsala.
Lorganisationclandestine se scinde en deux branches : le ca-nal
radical, dirig par Hagop Hagopian, un mercenaire affili au
terrorisme international,et le canal historique, incarn par
lidologue Alec Yenikomchian.
Choques par lhorreur dOrly, les commu-nauts armniennes cherchent
une stratgie de sortie du terrorisme. Il fallait casser cettedrive
terroriste , explique le gostratge G-rard Chaliand, qui, avec
dautres intellectuels comme Yves Ternon et Claire Mouradian, re-met
la question armnienne sur le terrain l-gal en proposant, en 1984,
la convocation Pa-ris dun Tribunal permanent des peuples con-sacr
au gnocide des Armniens avec le sou-tien du prsident de la
Rpublique, Franois Mitterrand.
Cette victoire symbolique annonaitdautres succs diplomatiques,
notamment en 1987, lorsque le Parlement europen recon-nat le
gnocide de 1915. Le terrorisme arm-nien prend rellement fin avec
lassassinat dans des conditions obscures de Hagop Hago-pian, le 28
avril 1988, Athnes, alors quaumme moment Erevan est le thtre de
gigan-tesques rassemblements en faveur de la runi-fication lArmnie
sovitique du Haut-Kara-bakh, une province majoritairement
arm-nienne rattache par Staline lAzerbadjan en 1921. Une nouvelle
re souvre, celle de la pe-restroka de Mikhal Gorbatchev, de la
chute delURSS et de lindpendance pour les pays delEst, indpendance
qui signifie pour les Arm-niens un passage de la mmoire lHistoire.
p
gadz minassian
Moi armnien, lui turc, pas de mal pour lAllemagne ! Lchez-moi, a
ne vous regarde pas , proclame Soghomon Tehlirian lors de son
arrestation, le 15 mars 1921, aprs avoir excut dune balle dans la
tte le grand vizir Talaat Pacha, Berlin. A son pro-cs, en juin, le
jeune Armnien explique aux juges quen tuant le principal
respon-sable des massacres dArmniens durant la Grande Guerre il a
agi seul. Le procs se retourne contre la victime, Talaat Pacha,
condamn mort par contumace, en 1919, par une cour martiale
ottomane, comme la plupart des dirigeants du parti Comit union et
progrs (CUP), auteur de la rvolution jeune-turque de 1908 et
responsable des massacres des Armniens. Soghomon Tehlirian est
acquitt. En ralit, lexcution de Talaat Pacha nest pas un acte isol.
Le jeune Armnien est membre de lopration Nmsis du nom de la desse
grecque de la vengeance mise en place en 1919 par son parti, la
Fdration rvolutionnaire armnienne (FRA), affilie lInternationale
socialiste et au pouvoir dans lphmre Rpublique dArmnie, ne en 1918.
De Boston Tbilissi en passant par Rome, Berlin et Istanbul, le
rseau des justiciers du gnocide commence la traque : Talaat Pacha
figure en haut de la liste des personnes excuter. Entre 1921 et
1922, six responsables des massacres sont abattus dans diff-rentes
capitales europennes. La mme anne, lopration Nmsis est dissoute
faute de moyens financiers et la suite de dissensions internes.
Nmsis : opration vengeance
Ankara est
contrainte dadopter
une position
chaque jour
plus subtile
Il a fallu attendre
les annes 1970 pour voir
apparatre les premires
tudes historiques
sur le gnocide armnien
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6 | gnocide des armniens JEUDI 23 AVRIL 20150123
Istanbul ou le silence du gnocideDans la ville des rives du
Bosphore, o vit la majorit des 60 000 Armniens de Turquie, rgne un
climat doubli.
Mais quelques initiatives de la socit civile font doucement
bouger les lignes, et la mmoire reprend peu peu ses droits
istanbul - correspondante
AOsmanbey, non loin de la placeTaksim, au cur de la
partieeuropenne dIstanbul, unebannire flotte au vent, repra-ble ds
la sortie du mtro. Joyeuses Pques tous nos
concitoyens chrtiens ! , est-il crit en turc, engrec, en
armnien, en kurde et en arabe sur la bande de plastique tendue
au-dessus de lave-nue Ergenekon, toujours embouteille.
Le message est celui du Parti dmocratiquedu peuple (HDP,
prokurde). Soucieux dlargir sa base lectorale la veille des
lgislatives du 7 juin, le HDP courtise les minorits suscepti-bles
dtre dues par lopposition kmaliste.Traditionnellement, le quartier
vote pour le Parti rpublicain du peuple (CHP, social-dmo-
crate), la formation cre en 1923 par MustafaKemal Atatrk.
Avec ses ateliers de confection en sous-sol, sescantines, ses
petits htels, ses travestis en go-guette une fois la nuit tombe,
Osmanbey est un quartier populaire dont rien ne laisse entre-voir
quil est le domaine des Armniens, loin devant Kadiky, Besiktas,
Bakirky et mme Sa-matya, o se trouve le sige du patriarcat.
Entre1,2 et 2 millions dArmniens vivaient disperss dans lEmpire
ottoman en 1912, ils ne sont plus que 60 000 aujourdhui,
majoritairement con-centrs dans la ville des bords du Bosphore.
A Osmanbey, la prsence armnienne restediscrte. Selim, la
cinquantaine, Armnien de confession orthodoxe, aime la vie paisible
du quartier telle quil la voit depuis son choppe de vendeur de
fruits et lgumes. Je nai aucun problme avec personne , assure-t-il
entre deux clientes. Lpicier en face est un Kurde, le tailleur ct
est de confession alvie (une branche de lislam), llectricien un peu
plus
loin est sunnite. Les relations sont cordiales, rythmes par les
invitations boire des petits verres de th brlant.
Sans oublier les montes et descentes de pa-niers que les
mnagres, installes dans les ta-ges, font passer avec la liste des
courses par uneficelle attache au balcon. Ouverts de laube jusqu
minuit pass, lpicier et le vendeur de primeurs sont attentifs au
moindre dsir de la clientle. Les paniers remontent avec les
com-missions et la note, puis redescendent avec lar-gent : le
va-et-vient est incessant.
Selim nattend rien des commmorations dugnocide des Armniens
prvues le 24 avril Erevan, en Armnie, et aussi place Taksim,
Is-tanbul, o les reprsentants dONG turques et de la diaspora se
rassembleront le mme jour. Ilsait que la rconciliation prendra du
temps. Dif-ficile de se dfaire des fantmes du pass, en-core plus
pour les gens de sa gnration : Toutpetit, on me rptait que les
Turcs taient cruels. Il voque un climat de mfiance, pasdans la vie
de tous les jours mais par rapport lacitoyennet . Je me demande
parfois si je suisvraiment un citoyen part entire. Je vote, je
paiemes impts, mais je sais aussi que mon neveu nepourra jamais
devenir officier dans larme ou chef de la police , confie-t-il
avant de tirer le ri-deau de fer de sa boutique. Comme beaucoup de
chrtiens, Selim a deux prnoms, turc pour un large public, armnien
Sarkis dans le priv, cest une facilit et une scurit .
La mmoire des pogroms des 6 et 7 septem-bre 1955, dirigs contre
la minorit grecque dIs-tanbul, est encore vivace. La publication
dun photomontage la une du quotidien Is-tanbul Express dont le
rdacteur en chef taitGksin Sipahioglu, futur fondateur de lagence
Sipa suffit mettre le feu aux poudres. La photo, truque,
reprsentait la maison nataledAtatrk Thessalonique (Grce) en train
dtre incendie par des Grecs. Sur fond de ten-sions Chypre, la colre
monta. Istanbul Ex-press tira ce jour-l 290 000 exemplaires aulieu
de 20 000 habituellement.
Les Armniens ne furent pas pargns les 6 et7 septembre 1955 ,
rappelle Zacharia Mildano-glu, 65 ans. Partisan du rapprochement,
il crit pour lhebdomadaire Agos ( Le Sillon , en ar-mnien), dont le
rdacteur en chef, Hrant Dink,a t assassin par un jeune nationaliste
le 19 janvier 2007. La mort du journaliste, abattu de plusieurs
balles dans le dos cet aprs-midi-l,mit la socit civile en tat de
choc. Dsormais, chaque 19 janvier, des dizaines de milliers de
manifestants font le trajet de la place Taksimjusqu la rdaction
dAgos, avenue Halaskar-gazi. Une plaque a t scelle dans le pav du
trottoir, lendroit prcis o Hrant Dink sest croul. Les lettres de
cuivre scintillent au so-leil, rare accroc mmoriel dans un tissu
urbain marqu par lamnsie.
Qui se souvient aujourdhui du fait quunvaste cimetire armnien
occupait jadis toutlespace, de Taksim jusquau muse militaire ?Qui
peut savoir que la prsence armnienne dans le quartier date du XVIe
sicle, quand Soli-man le Magnifique offrit la place Taksim (le mot
veut dire partage ) en cadeau son cuisi-nier armnien, Manouk
Karaseferian ?
Le grand carnage (Meds Yeghern en arm-nien) selon lexpression
consacre pour viterlemploi du terme gnocide a dbut le 24 avril 1915
Istanbul (alors Constantinople) par larrestation de 250
intellectuels arm-niens, incarcrs puis dports vers lest, via la
gare de Haydarpacha, sur la rive asiatique de la ville. Trs peu en
sont revenus. Cent ans ont pass, et lancienne prison, situe deux
pas dela Mosque bleue, dans le quartier touristique de Sultanahmet,
a fait peau neuve. Elle est deve-nue le Muse des arts turcs et
islamiques, un btiment restaur de pied en cap, sans mentionaucune
de ce qui sy passa en 1915.
Loubli prvaut aussi Osmanbey. Pourtant,des dizaines
dintellectuels armniens y furent interpells le 24 avril, notamment
rue Papa-Roncalli nom de famille du pape Jean XXIII , o la rdaction
dAgos vient juste de dmna-ger. A Istanbul, il y eut des
arrestations et des dportations, mais pas de massacres, la ville
tant sous les yeux des Occidentaux , explique Zacharia Mildanoglu.
Les tueries, les pillages se produisirent dans lest et le sud du
pays, avec lescohortes de femmes, de vieillards et denfants chasss
vers le dsert msopotamien. Le pre de Zacharia avait 9 ans quand sa
famille fut massacre Yozgat (Anatolie). Il dut son salut un
missionnaire qui lvacua vers Kayseri, 150 km de l. Jusqu un ge
avanc, il se souve-nait de tout et le racontait , dit M.
Mildanoglu.
Dans le quartier, la plupart des noms de ruefont cho au
nationalisme turc : Ergenekon (leberceau mythique originel des
Turcs), Trk-bey, Bozkurt ( loup gris , symbole des
ultra-nationalistes), Savas ( guerre ) et mme TalatPasa (Talaat
Pacha), en rfrence lun des arti-sans du gnocide des Armniens.
Lancienne rue grecque Tatavla a t rebaptise Kurtulus ( libration
).
Nous avons propos la municipalit de re-baptiser lavenue
Ergenekon en Hrant Dink, sanssuccs , rapporte Zacharia Mildanoglu.
Il veut croire quune page a quand mme t tourne grce lattitude
pragmatique adopte par lac-tuel gouvernement islamo-conservateur.
Des glises ont t restaures, des terrains ont t res-titus et, en
2014, Recep Tayyip Erdogan nous a adress un message de condolances.
Tout cela est sans prcdent.
Tout prs de l, dans la rue Teyyareci Fehmi, lagalerie
Birzamanlar raconte lhistoire de lacommunaut armnienne travers une
collec-tion de vieilles cartes postales. Les clichs, datsdu dbut du
XXe sicle, montrent des entrepre-neurs prospres dans leurs
ateliers, des glises et des coles, les pompiers de la rive
euro-penne de Constantinople, dont le matriel est frapp leffigie de
la Vierge Marie. Des images montrent laccueil enthousiaste qui fut
rservau rtablissement de la Constitution ottomane,en 1908, quand
Armniens, Turcs, Grecs, Juifs dfilrent bras dessus, bras dessous
dans les rues dIstanbul, la gloire du parlementarisme.Un an plus
tard, au moins 20 000 Armniensallaient tre massacrs Adana
(Sud).
Osman Kker, la soixantaine, diteur et fon-dateur de la galerie,
se dcrit comme un ar-chologue qui exhume les vestiges du pass. En
2005, sa premire exposition de cartes pos-tales a vu passer 10 000
visiteurs en onze jours . Si les lignes ont boug, cest grce la
socit civile. Des militants courageux ont pris des risques, les
reprsentants de lEtat ont prisacte, cest tout . Malgr la volont
deffacer cette mmoire, elle a fini par reprendre ses droits , se
rjouit lditeur. Son refus du nga-tionnisme et du nationalisme la
pouss sengager .
Gkhan Diler, la trentaine, journaliste Agos,salue les tapes
franchies ces quinze dernires annes. Dsormais, la question
armnienne fait dbat, les chercheurs ne sont plus systma-tiquement
pnaliss ds lors quils labordent, la mmoire refait surface. Avec une
inquitude toutefois : Ce gouvernement a lair de se proc-cuper
davantage du sort des minorits que les prcdents, mais, en ralit, il
ne les considre pas comme des citoyens part entire. Les Arm-niens
et dautres encore, tels les alvis [10 % de la population], nont
toujours pas de statut lgal. Lespoir repose sur les jeunes
gnrations, plus intresses , selon Gkhan Diler, faire lalumire sur
ce qui sest pass. p
marie jgo
En 2014, Recep Tayyip
Erdogan nous a adress
un message de condolances.
Cela est sans prcdent zacharia mildanoglu
journaliste lhebdomadaire Agos
Le martyre sans fin des Assyriens du KhabourChass de Turquie en
1915, ce peuple chrtien fuit aujourdhui le nord-est de la Syrie
face aux exactions de lEtat islamique
valle du khabour (syrie) - envoy spcial
Bien que son glise tienne encoredebout, Oum Keif, comme
lestrente-quatre autres localits as-syriennes de la valle du
Kha-
bour, dans le nord-est de la Syrie, na plus rien dun village et
tout dune position militaire. Cest sur cette enclave chr-tienne
adosse aux territoires kurdes que les combattants djihadistes de
lEtat isla-mique (EI) ont lanc en fvrier leur der-nire offensive
dans la rgion, occupant plusieurs villages et prenant en otage
leurs habitants.
Emports une nouvelle fois dans uneguerre dcide par dautres, les
Assyriens, communaut chrtienne originaire de Msopotamie, ont d
vacuer la petite co-lonie du Khabour, octroye leurs anc-tres au
terme des vingt annes de com-bats, derrance et de massacres qui ont
suivi leur viction dfinitive de leur patriedes hautes montagnes du
Hakkari (sud-est de lactuelle Turquie) par lEtat otto-man, il y a
un sicle.
Refusant la fatalit dun nouvel exode,dautres ont pris les armes
aux cts des combattants kurdes, comme Yosep, 24 ans (le nom a t
modifi) : Nous avons t chasss de Turquie, dIran, puis dIrak. Nous
devons combattre pour ne pasperdre le Khabour. Sur son gilet de
com-bat, il a accroch une balle de kalachnikov quil a prvu de se
loger dans le crne sil se trouvait accul par lennemi. Comme
beaucoup de ses camarades, il porte lanti-
que couteau lgrement recourb des guerriers du Hakkari, souvenir
dun pre-mier exil. Yosep et les siens voudraient rendre cet objet,
aujourdhui utilis dansles danses traditionnelles assyriennes, sa
vocation premire : Mon arrire-grand-pre lavait quand il est arriv
ici, cest mon tour de men servir.
En ce printemps 2015, sur les bords dusillon fangeux qui signale
lancien cours de la rivire Khabour, les montagnes duHakkari
paraissent lointaines, perdues dans les brumes du mythe originel.
Cestpourtant l-bas, aux confins des Empi-res ottoman et perse, que
sont ns lesanctres de Yosep, dans un monde vio-lent o les clans
chrtiens et kurdes sal-liaient et se combattaient au mpris de leur
appartenance confessionnelle, nobissant quaux lois de la force et
de lhonneur et aux rythmes des transhu-mances et des hivernages.
Sur un mmeterritoire gouvernaient alors lmir kurde et le patriarche
de lEglise syrienneorientale, chef spirituel et temporel
deschrtiens montagnards.
Mar Simon Benjamin occupait ce posteen 1915. Dsireux de sopposer
Constan-tinople, qui, entre en guerre aux ctsdes Empires germanique
et austro-hon-grois, stait lance dans une campagne gnocidaire
contre les chrtiens de lEm-pire, le patriarche entrane en mai
1915les tribus chrtiennes dans une allianceavec la Russie. En
raction, les Ottomans et leurs allis kurdes crasent les insur-gs
et, malgr leur rsistance tenace, d-
vastent leurs terres, les poussant sur le chemin dun exode qui
se poursuit un sicle plus tard.
Les Assyriens fuient le Hakkari traversles montagnes pour
rejoindre la villeperse dOuroumieh, dabord sous con-trle russe,
puis, aprs la rvolution bol-chevique de 1917, britannique. A son
tour, Londres leur promet lindpendance
pour quils participent la guerre. Con-traints de fuir devant
lavance ottomane vers la Msopotamie anglaise (lactuel Irak), ils
seront les oublis des traits de paix qui dcideront de lavenir des
an-ciens territoires ottomans.
En Irak, les Britanniques recrutent desrfugis assyriens dans
leurs troupes sup-pltives, les levies, avant de les abandon-ner
leur sort au moment o lIrak che-mine vers son indpendance (acquise
en 1932). Dans un geste punitif criminel etfondateur du
nationalisme irakien, plu-sieurs milliers dAssyriens sont
assassins
en aot 1933 au nord du pays par larme irakienne et les tribus
kurdes. Dautres tentent de traverser le Tigre pour se rfu-gier en
haute Djezireh syrienne sous pro-tectorat franais.
Abandonns par toutes les puissancesqui ont jug bon de les
utiliser au gr des circonstances et privs de toute perspec-tive de
retour au Hakkari par la Turquiede Mustafa Kemal (1881-1938), les
Assy-riens sont pris en main par la Socit des nations (SDN), qui
envisage de les exp-dier en Guyane ou au Niger avant de ju-ger plus
raisonnable, en 1935, de les ins-taller sur les rives du Khabour,
dans cette Djezireh dserte que dautres rprouvschrtiens et kurdes de
lEmpire ottoman viennent coloniser sous le patronage de la France.
Les Assyriens, pasteurs semi-nomades et montagnards, sont invits
cultiver la plaine.
Nous tions prospres, mais nous nepouvions vivre pour toujours
sur des terres o on ne voulait pas de nous , raconte Yakob, un
responsable politique local en parcourant les rues dsertes de Tel
Tamar,ancien chef-lieu de la colonie. Aprs lin-dpendance syrienne,
en 1946, les coliersassyriens sont punis sils parlent leur lan-gue,
et leurs parents sont fortement inci-ts donner des noms arabes
leurs en-fants. La communaut est victime de vols et autres
exactions commis par le voisi-nage et parfois couverts par les
autorits, tandis que la rivire se tarit jusqu son as-schement
complet en 1996. Les ponc-tions des populations arabes installes
en
amont par Damas et, au-del, des installa-tions hydrauliques
turques ont trans-form le Khabour, unique ressource de la rgion, en
un chapelet de cloaques boueux. On nous a tus petit feu, con-clut
Yakob, lexil des gens du Khabour avaitdj commenc avant larrive de
Daech. Ceux qui restent sont les tout derniers.
Saint-Georges, avec sa lance, peint surles murs de plusieurs
maisons abandon-nes o de rares habitants viennent rcu-prer leurs
biens dans le fracas intermit-tent des tirs qui schangent au loin,
paratbien impuissant. La plupart des habitants ont pris le chemin
de Kamechliy, tout proche de la frontire turque, dont laro-port
contrl par le rgime assure une liaison avec Damas, do lon peut
rejoin-dre Beyrouth en attendant de senvoler dfinitivement pour
lOccident.
Selam Keko, 65 ans, est lun de ces rfu-gis. En attendant de
partir, il occupe avec son pouse un appartement dont les oc-cupants
prcdents ont dj migr. Un purgatoire avant lexil baign dans la
lu-mire grise dun non. Il sourit lgre-ment en regardant une
photographie an-cienne montrant linstallation de son grand-pre sur
les rives du Khabour en compagnie dun fonctionnaire franais. Il la
emporte en quittant sa maison pour la dernire fois. Jai toujours su
que je ne mourrai pas dans mon village. Le Khabour est maintenant
derrire nous , dit-il dans un souffle o se mlent la dchirure du
dpart et un soupon de soulagement. p
allan kaval
Refusant la fatalit
dun nouvel exode,
certains ont pris
les armes aux cts
des Kurdes
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0123JEUDI 23 AVRIL 2015 gnocide des armniens | 7
Les monts Taurus prs de Saimbeyli (Turquie). Avant 1915, la
ville sappelait Hadjin et abritait une communaut de 26 000
Armniens. Moins de 4 000 personnes y vivent aujourdhui. PHOTOS :
SCOUT TUFANKJIAN/POLARIS IMAGES
K Dans un caf de Vakifli, le dernier
village armnien de Turquie, prs de la frontire syrienne. Au mur,
un portrait de Mustafa Kemal
Atatrk.
K K Clbration du Vartavar, un rite
de purification, sur lle de Kinaliada,
Istanbul. De nombreux
Armniens sjournent encore
dans ce lieu de villgiature traditionnel de
la communaut.
Messe du dimanche
de Pques, en 2014 dans lglise armnienne
Saint Giragos, dvaste pendant
le gnocide et rcemment
restaure, Diyarbakir, en Turquie.
SCOUT TUFANKJIAN/POLARIS
IMAGES
Mme si nous sommes parpills pendant cent ans travers le monde,
lArmnie reste notre terre pour lternit. Les maisons bties par mes
grands-parents sont toujours l, comme les arbres que nous avons
plants, les sillons dans les collines
La photographe Scout Tufan-kjian a 37 ans. Elle est ne aux
Etats-Unis et a document la diaspora armnienne dans vingt pays,
avant de se rendre, en 2012, sur la terre ancienne , comme
lappelait sa grand-mre.
Ruines des villages dvasts, plaines traverses par des milliers
dArmniens en fuite, glises reb-ties, traditions retrouves, Scout
Tufankjian collecte les empreintes de lidentit armnienne. Une
partie de son travail est en ligne (Scouttufankjian.com) et elle
vient de publier ses reportages sur le souvenir commun dun peuple
dissmin dans le livre There Is Only the Earth. Images From the
Armenian Diaspora Project (Melcher Media, 224 p., 28 $).
Armniens de Turquie
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8 | gnocide des armniens JEUDI 23 AVRIL 20150123
Pour les Turcs, reconnatre le gnocide est une trahison
Selon lhistorien Edhem Eldem, le ngationnisme dEtat peut
sappuyer sur un sicle dendoctrinement nationaliste, mme si la socit
commence smanciper de lhistoire officielle
Edhem Eldem enseignelhistoire luniversit deBogazici, Istanbul.
Sp-cialiste de lhistoire co-nomiste et sociale de lEm-pire ottoman
au XIXe si-
cle, il a tudi les massacres dArm-niens Istanbul en 1896 et a t
membre du comit dorganisation dela confrence organise en 2005
Is-tanbul sur le sort des Armniens de lEmpire ottoman.
Que signifie commmorer aujourdhui en Turquie le centenaire du
gnocide des Armniens ?
Pour ceux qui le font ils sont fortpeu nombreux , il sagit dun
devoir de mmoire, dun engagement moral et parfois dun dfi
politique. Pour la grande majorit de la population, la question ne
se pose mme pas puisquele gnocide est ni. Le reconnatre et le
commmorer quivalent par cons-quent une forme de trahison ou, au
mieux, des errements causs par un endoctrinement tranger. Il faut
ce-pendant signaler que la commmora-tion est dsormais possible,
alors quelle tait impensable il y a peineune dcennie.
Sur le temps long de lhistoire de lEmpire ottoman, quelle est la
par-ticularit de la relation entre Turcs et Armniens ?
Je ne suis pas sr quon puisse vrai-ment parler de Turcs dans un
contexte ottoman. Cest une appellation occi-dentale qui est reprise
par le rcit natio-nal et nationaliste turc qui svertue turquifier
le pass ottoman. Cela tant dit, il est vrai que les Armniens et les
musulmans turcophones de lempire avaient des liens de proximit et
de familiarit, telle la langue turque, trs usite par les Armniens.
Com-mun aussi aux Turcs et aux Arm-niens, un profond ancrage dans
le terri-toire anatolien o bon nombre dAr-mniens sont de simples
paysans. Mme Istanbul, le profil de lArm-nien moyen se rapproche
beaucoup decelui des musulmans.
Llite ottomane se plaisait appelerles Armniens millet-i sadka,
la na-tion fidle . Venimeux et cynique com-pliment qui rsume la
dimension tra-
gique du sort des Armniens otto-mans. Une population dont
lcrasantemajorit ne voulait pas concevoir son avenir hors de
lempire, mais qui finit par tre accuse de tous les maux dun systme
en dliquescence.
Les Lumires ont-elles jou un rle dacclrateur des tensions ?
Disons plutt quune certaineforme de modernit, drive des
transformations politiques et idolo-giques de lEurope, a fortement
in-fluenc lEtat et la socit ottomansau XIXe sicle, notamment
travers loccidentalisation du systme. Lim-pact de cette modernit a
t ambiva-lent. Dune part, un aspect positif :une forme de
rationalisation de la po-litique, une plus grande intgration avec
le monde extrieur, une manci-pation progressive de la socit et
no-tamment des non-musulmans. Dautre part, le revers de la mdaille
:lcart se creuse entre les moder-nes et les autres, entre llite et
les laisss-pour-compte.
Dans le cas des Armniens, maisaussi des autres communauts non
musulmanes, cette ambivalence est assez visible. Les rformes crent
un systme qui, sans tre constitutionnelou parlementaire, souvre un
certaindegr de participation et de reprsen-tation au profit des
non-musulmans. Mais le systme bloque sur la notiondgalit entre
musulmans et non-musulmans. Le principe de base estlquit, qui
permet de traiter les autres avec justice sans pour autant les
considrer comme des gaux.
Cest hlas encore ainsi que fonc-tionne aujourdhui la socit
turque. Cela explique que, bien quaucuntexte ne linterdise, il est
pratique-ment impossible un non-musul-man daccder un poste dans
lar-me ou dans la fonction publique endehors des secteurs
secondaires , comme luniversit.
Au XIXe sicle, llite et les classesmoyennes armniennes se
dvelop-pent rapidement, mais, si ce dvelop-pement se traduit par
des acquis so-ciaux, culturels et conomiques, les droits politiques
ne suivent pas au mme train et il en dcoule des frus-trations et
des tensions importantes.Celles-ci, combines avec la monte du
nationalisme et la faillite de lempire, ont fini par crer un
mlange explosif.
LEurope en gnral et la France en particulier ont exprim, ds le
XIXe sicle, leur sympathie envers les Armniens mais aussi leur
sou-tien lintgrit de lEmpire otto-man. Pouvait-on concilier ces
deux positions ?
Il suffit dobserver lEurope et leMoyen-Orient aujourdhui pour
voir quel point la realpolitik et les politiqueshumanitaires
peuvent se retrouver en porte--faux. Les Armniens ottomansne
bnficiaient daucun vritable sou-tien international au-del de
quelques vux pieux de rforme prononcs aprs le congrs de Berlin de
1878 et dune vague de compassion aprs que les massacres eurent pris
de lampleur dans les annes 1890.
Considrez-vous que les origines du gnocide de 1915 remontent au
XIXe sicle avec les massacres de 1894-1896 ?
Les massacres du rgne dAbdlha-mid II [sultan de 1876 1909]
consti-tuent un tournant dcisif. Il sagit dupassage des massacres
lancienne localiss, sporadiques aux massa-cres modernes , provoqus,
organi-ss, et de toute vidence commandi-ts par le souverain. Sous
Abdlha-mid II, le massacre devient linstru-ment dun terrorisme
dEtat dirig contre toute une communaut. Dslors, il parat impossible
de ne pasfaire un lien entre le caractre particu-lirement
systmatique de cette va-gue de violence et la politique
danni-hilation et de destruction que met-tront en place les
Jeunes-Turcs.
Vous avez t lun des artisans de la premire confrence sur le
gno-cide des Armniens organise sur le sol turc en 2005. Le
ngation-nisme dEtat est-il indboulonna-ble en Turquie ?
Le ngationnisme est renforc parprs dun sicle dendoctrinement.
Aumoins trois gnrations ont grandi dans une sorte de vase clos,
nourries dun discours combinant dni et victi-misation. Ce gel de
lHistoire rend laconfrontation dautant plus pnible aujourdhui dans
un pays o le natio-
nalisme fait partie de la culture de masse. Un gouvernement
osant aller dans ce sens serait assur dune perte massive de voix
[aux lections]. Pour-tant, les choses ont boug, notam-ment sous le
gouvernement actuel. Unseuil a t franchi aprs la confrencede 2005 :
il est dsormais possible de parler et de publier ce sujet, et le
dis-cours officiel sest transform pour in-clure un brin dempathie
et reconna-tre la souffrance de lautre. Rappelons aussi que
certains acteurs politiques, notamment kurdes, parlent ouverte-ment
de reconnaissance du gnocide.
Cette historiographie marginale que vous incarnez, propos de
1915, va-t-elle prendre le pas sur le discours ngationniste
officiel ?
Le problme est beaucoup plus vasteet profond. Lexploitation et
la mani-pulation de lHistoire des fins politi-ques sont la base de
lidologie et de la politique turques depuis environ unsicle. Du
point de vue de lhistorien, lengationnisme officiel rejoint dune
part le mythe kmaliste des an-nes 1930 de nos anctres les Hitti-tes
, qui voulait que toutes les popula-tions anatoliennes fussent
turques, et,dautre part, les fantaisies no-otto-manistes du
gouvernement actuel, qui prtendent tablir une continuit nationale
entre le pass ottoman et le prsent. Cest ce qui ma fait crire
r-cemment quil fallait sauver lhistoireottomane des Turcs .
Mme si je reconnais de trs srieuxprogrs pendant ces deux
dernires dcennies, il me semble que, tant que lhistoire restera
otage de la politique etdu populisme, la bonne histoire aura
beaucoup de mal sortir de cette marginalit. Le vritable dfi est de
faire de lhistoire solide qui puisse seprter une vulgarisation
intelligente sur ce sujet. Nous ny sommes pas en-core, mais ce que
jobserve au sein dune jeune gnration de chercheurs me donne de
lespoir.
Croyez-vous quun jour la Turquie reconnatra le gnocide des
Arm-niens ?
Ma rponse prcdente traduit monambivalence ce sujet. p
propos recueillis par
gadz minassian
Chronologie
1877-1878Guerre russo-turque, dfaite de lEmpire ottoman. Les
traits de San Stefano (mars 1878) et de Ber-lin (juillet 1878)
entrinent la perte de la majeure partie des Bal-kans et mentionnent
la mise en place de rformes dans les provin-ces orientales de
lempire. Dbut de la question armnienne .
1894-1896Les massacres dArmniens en Anatolie et Constantinople
font 100 000 300 000 morts.
1908Juillet Rvolution jeune-turque,rtablissement de la
Constitutionottomane et arrive au pouvoir du Comit union et progrs
(CUP).
1909Mars-avril Le CUP massacre desArmniens Adana (sud) : entre
20 000 et 30 000 morts.
1914 3 aot Dcret de mobilisation gnrale dans lEmpire ottoman.
Cration de lOrganisation sp-ciale, bras arm du CUP. Trois mois plus
tard, le 2 novembre, lEmpire ottoman entre en guerreaux cts de la
Triple Alliance.Fin dcembre 2014-janvier 1915 Dfaite ottomane
Sarikamich (nord-est). La IIIe ar-me dEnver Pacha est dfaite, 80 %
des soldats turcs sont tus.
1915 25 fvrier Enver Pacha signe undcret ordonnant le
dsarmementdes soldats armniens de la IIIe ar-me.Mars Runions
secrtes du CUPportant sur llimination des Ar-mniens de lEmpire
ottoman.24 avril Dbut de larrestation etde llimination de milliers
din-tellectuels armniens Constan-tinople et dans les autres villes
delempire.Avril-octobre Premire phasedu gnocide : les Armniens des
six provinces orientales (Armniehistorique) ainsi que de Cilicie et
de Cappadoce sont dports versla Syrie et la Msopotamie.24 mai
Dclaration commune dela Triple Entente (Russie, France,
Grande-Bretagne) qui rappelle la pleine responsabilit de
Constan-tinople dans ce crime contre lhumanit et la civilisation
.
1916Fvrier-dcembre Deuximephase du gnocide : les Armniensdtenus
dans des camps en Syrie et Msopotamie sont extermins.
191828 mai Proclamation de la Rpublique dArmnie.30 octobre
Signature de lar-mistice de Moudros (le de Lem-nos, mer Ege) entre
les Allis et lEmpire ottoman vaincu.
19198 janvier Formation dune courmartiale extraordinaire pour
ju-ger les responsables des massa-cres des Armniens. Le 5 juillet,
lesdirigeants du CUP Mehmet Talaat,Ismal Enver, Ahmed Djemal et
ledocteur Mehmet Nazim sont con-damns mort par contumace.
192010 aot Signature du trait de Svres entre les Allis et
lEmpireottoman. Les six provinces orien-tales sont intgres, sur le
papier, la Rpublique dArmnie.
1920-1921 LArmnie est intgre lURSS.
192115 mars Assassinat Berlin de lancien grand vizir Talaat
Pacha par le militant armnien Sogho-mon Tehlirian. Dbut de
lopra-tion Nmsis visant excuterles responsables du gnocide.
192324 juillet Le trait de Lausanneannule les dispositions du
trait de Svres et entrine la reprise detoute lAnatolie par la
Turquie.
Des touristes turcs devant lle dAkdamar (est),
ancien centre religieux
armnien, dont les moines furent
massacrs en 1915.SCOUT TUFANKJIAN/
POLARIS IMAGES