-
La Revue des Sciences philosophiques et thologiques est m b ~ ,
ph. ih. 67 (1983) 201-232 /?fll. par les Professeurs aux Facults de
Philosophie et de Thologie 02
Le Saulchoir, Paris. Elle parat raison de quatre fascicules par
an. "
F DES ABONNEMENTS
325,OO F France ; 375,OO F pour tous les autres pays Prix du
fascicule des annes non encore puises : 94 F (port en sus)
L'abonnement est annuel et part de janvier.
Pour viter les frais de transferts bancaires, qui s'lvent 30,00
F par abonnement et constituent une perte pour la Revue, utilisez
de NOTE: prfrence I'un des procds suivants :
[GER DE BRABANT "'JER EN 1265
Antoine GAUTHIE
1. i31t
ar Ren 1! Virement postal international ou chque postal de
virement libeud
au compte de chques postaux Librairie Vrin, C.C.P. Pans 196-30
T, L ) Chque bancaire en francs ou en devises, joint A la c o m d e
et
libell au nom de la Librairie Vrin, 6, place de la Sorbonne,
75005-PARIS.
L'DITEUR ET w DIRECTION. La date de esC, dans la vie et la
carrire litteraire ae iger de Brabant, une date privilgie : c'est
en effet A la fiIl de 1265 que se situent les vnements qui seront
l'occasion des premiers documents oh son nom est prononc, e t c'est
aussi vers cette date que prend corps sa premire
Pour tout a qui concerne la rkdaction (en particulier tout envol
e u v n personnelle, les Quesiiones in fercium de anima1. Qui donc
tait pour recension OU change, o k s de manuscrits, etc.),
s'adresser B la Siger en 1265 allons le demander successivement
iments M. Sc. PH. TH., Le Saulchoir, 43 bis, rue de la Glacire,
75013-PARIS. qui le nommr 'uvre qui reflte sa pense.
Pour l'administration, les abonnements, la vente au numro, etc.,
s'adresser h la Librairie Vrin, 6, place de la Sorbonne, 75001PARIS
Celleci rachkte les numros puiss et se charge & reconstituer
des srie! de la Revue.
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN 6, Place de la Sorbonne -
75005-PARIS
Bibliothque des Textes Philosophiques
SAINT THOMAS D'AWIN JESTIONS DISPUT~CES SUR LA I % X . I ~
Question XI LE MAITRE - DE MAGISTRO
l :TRODUCTION, TEXTE, TRADUCTION ET NOTES
, ? Nous : !nt et A 1
aux docu
DA'
Les historiens de Siger ont mal interprt les documents qui nous
font connatre son rle dans le conflit universitaire de 1265-1266.
Sans doute des passions, - contradictoires, - ont-elles contribu h
fausser leur J~gement : il fallait donner h S. Thomas un adversaire
h sa mesure, la Flandre mdivale un philosophe digne d'elle : un
hkrtique, peut-tre, Inais en tout cas un Grand. L'erreur,
toutefois, n'a t rendue possible que Par de singuliers manques de
mthode : Siger se trouvant impliqu 'Ians un procs, on s'en est
tenu, pour tracer son portrait, au rquisitoire 'lu' l'accuse, sans
tenir compte du verdict qui, quant A l'essentiel, l'absout ; ""
s'est galement obstin ignorer, mme aprs qu'elle eut t publie, la
plaidoirie qui le dfend. Tout est donc A reprendre. ''" septembre
ou octobre 1265, un conflit clata entre la Nation
'ansaise et la Nation picarde, pour qui prirent fait e t cause
la Nation normande et la Nation anglaise. La principale et la plus
connue des pices
l Par des commentaires d r Aristote peuvent tre antbrieurs,
mais
I Bernadette JOLLES ' Ce 'OnL des commentaires litteraux ) nale
, goriginalite e t sans importance doctri-
; Cf. P. VAN STEENBERGHEN, iv,uLrra ,,&ge~ de Brabant
(Philosophes mbdibvaux 1983. Un volume (14 x 22,s) de 128 pages . .
. . . . . . . . . . . . . . 75,00 "I)' L"uvain-~oria 1917, p.
100.
e Siger sui depourvus 1"..01-- E :
-
202 R. A. GAUTHIE
qui nous renseignent sur ce conflit est la sentence arr 27 aot
1266 par laquelle le cardinal-lgat Simon de Brion mit fin au condit
: elle a $ souvent publie, notamment en 1899 par Denifle e t
Chatelain dans le Chartularium Uiziuersitatis Parisiensis2. La
sentence du cardinal est d'ailleurs elle-mme un document complexe,
dont il importe de bien distinguer les parties : le cardinal
commence en effet par reproduire les deux actes d'accusation, celui
qui fut dress par les procureurs de la Nation franaise contre les
Picards e t leurs allis (Charf.,I, p. 449-4511, puis celui des
procureurs de la Nation picarde contre les Franais (p. 451, 4 du
bas, Q 453, 11) ; ce n'est qu'ensuite que le cardinal rend une
sentence dment motive (p. 453-457). Cependant, le cardinal n'avait
pas jug bon de reproduire tous les documents qu'il avait en mains.
Ren Poupardin a publi en 1909, d'aprs le ms. Paris B.N. lat. 9071
(pice I l ) , les deux feuillets (crits seulement au recto) d'une
rplique des Picards e t de leurs allis au rquisitoire des Franais,
rplique adresse au cardinal qui n'en fait pas mention dans sa
sentence, mais qui semble en avoir tenu comptes. Ce document, dont
l'intrt est vident, est pass Q peu prs inaper~us.
C'est dans l'acte d'accusation dress par les procureurs de la
Nation franaise, tel qu'il est rapport dans la sentence du lgat,
qu'apparat pour la premire fois le nom de Siger de Brabant. A
l'origine du conflit, il y avait un problme de dlimitation de
territoire : la Nation franaise avait reu en son sein matre Jean
d'Ully, de Vlliaco ; Ren Poupardin pense, avec raison, qu' Vlliacum
est Ully-Saint-Georges (qu'on crivait A son poque H ~ l l y ) ~ .
Ully-Saint-Georges se trouve aujourd'hui sur la Dpartementale 44 Q
environ 23 km par la route au sud-est de Beauvais, e t fait partie
du diocse de Beauvais ; mais, au civil, le bourg fait partie du
canton de Neuilly-en-Thelle, qui relve de l'arrondissement de
Senlis, e t il se trouve Q quelque 24 km au nord-ouest de Senlis.
Quelle tait la situation du bourg en 1265? La dcision des premiers
juges de laisser au roi le soin de trancher de son appartenance e t
l'embarras du lgat donnent Q penser qu'Ully prtendait se rattacher
au domaine royal. Cependant, le bourg faisait djQ partie du diocse
de Beauvais : un Jean d'Ully, e t sans doute le ntre, se retrouvera
en 1273 archidiacre de Beauvais6 ; si l'on en croit la r~licrue des
Picards, il fut dcid fin
naires d'Ully feraie de con npte qu'i r tous 1c nts origi
2. T. Historia
3. R.
1, no 409, p. 449-458. Auparavant, voyez par exemple C. E. DU
BOfJL"'" Vniuersitafis Parisiensis, t. III, Parisiis 1666, p.
375-381. POUPARDIN, r Documents relatifs su conflit universitaire
de 1266 *
Bulletin de la socit de l'hisioire de Paris et de
Z'Zle-de-France, 36 (1909) 57-64. Le tex'r est publie aux p. 59-64
; on ne trouve y corriger qu'un petit nombre de fautes, 1 exemple :
p. 60, 5 et II extiterit td. : extitit cod. ; 60, 7 temptaret Cd. :
attempta' cod. ; 60,28 Bisuntini Cd. : ~isunt i (= -tinensis) cod.
; 61, 7 pertinentibus ed. : -tia 'O' 61, 20 devotus d. : deuote
cod. ; 62, 10 commissa d. : concessa cod.
4. Le P. Mandonnet l'a signale dans une note qui contient des
remarques dont j tenu compte (cf. plus loin, note I l ) , mais il
n'a pas eu l'occasion d'en tirer r8c1lernc parti.
5. R. POUPARDIN, Documents ... 8 , p. 58, n. 1. 6. DENIFLE et
CHATELAIN, Chaif~tarium Univ. Par., t. 1, p. 457, n. 1.
t soumis :res :
SUR SIGER DE BRABANT 203
de la Nation picarde7. Quoi qu'il en soit, les Picards
s7indign&rent de voir les Franais incorporer Q leur Nation un
matre du diocse de neauvais, qui faisait partie de la Nation
picarde. Du coup, deux matres de la Nation picarde, Jean Frtel e t
Jean de Huy, enlevrent e t sques- trrent Jean d'Ully : c'est le
premier acte de violence du conflit. On choisit bien des arbitres,
un normand, Pierre de Grand-Caux, archidiacre de Rouen, e t un
franais, Jean, archidiacre de Meaux, qui proposrent,
nous l'avons dit, de s'en remettre, sur l'appartenance d'ully,
au roi de France, mais les violences continurent. Deux matres de la
Nation
Robert de Neuville e t Rnier, enlevrent e t squestrrent un matre
franais, Guillaume, chanoine de Toul, neveu de l'archevque de
Desaiion. Les procureurs de la Nation franaise demandrent aux
choisis pour arbitres de chtier svrement ces quatre coupables :
les auteurs du premier rapt, Jean Frtel e t Jean de Huy, devraient
accomplir un plerinage A Saint-Gilles du Gard e t un plerinage g
Saint-Jacques de Compostelle (un meurtre n'tait souvent pas chti
plus sCvrement) ; les auteurs du second rapt, R Neuville e t Rnier,
devraient aller faire amende honorable Q 1, re parisienne de
Guillaume de Toul e t de lQ se rendre Q la dt iarisienne de
l'archidiacre de Meaux pour y tre emprisonns 1i sa discrtion.
Cependant, les procureurs de la Nation franaise rappellent que,
dans la deuxime affaire, celle de l'enlvement de Guillaume, outre
les deux coupables, il y avait un suspect : ils avaient demand que
ce suspect, matre Siger, soi Q la purgation canonique, ixer par les
archidiac
ii captior trium se
obert de a demeui :meure p
-. ..
dans la i
rum,
-
204 R. A. GAUTHIER
Tel est, contre les Picards, le rquisitoire des Franais. La
rplique de la Nation picarde est habile : pour mieux dfendre
se,
droits, elle dsavoue les violences de quelques-uns des siens.
Elle insiste toutefois, sur le fait que les dlits dnoncs par les
Franais ont dj& jugs e t punis : condamns par les
archidiacres-arbitres, Jean Fretel et Jean de Huy ont pieusement
accompli leur plerinage S a i n t - ~ i l l ~ ~ . Robert de
Neuville e t Rnier, devant les quatre Nations runies en 19glis
Saint-Julien, se sont dclars prts Q se soumettre A la rparation
deman- de : ce sont les Franais qui l'ont alors juge insuffisantee.
Condamn par le conservateur des privilges de l'universit, Grard
d'Abbeville 15 jours d'exil hors de Paris e t A 2 mois de
suspension de sa charge:
le bedeau Guillot a dvotement accompli sa pnitencelO. nent de n
tmoig aume, cf
la Natio nage en ianoine d
1~ ~~- -
n picard1 faveur dc le Toul : 1 , 1
Cet empresser e A reconnatre ses torts rend plus clatant so: :
Siger dans l'affaire de I1enl- vement de Gui11 la Nation fait
remarquer que, si la purgation canonique aemanaee par ies Franais
n'a pas encore ( lieu, matre Siger n'y est :n ; fort de son
innocence, il a toujou t prt e t il est encore e soumettre A cette
purgation, dans forme qui sera fixe :
; pour ri prt SI
rister Sig gare se lec conse: *--.- -A - ,
semper 1 rum quo ; Guillelm
e ma@ erus nacionis Picardorum paratus fuit et adhuc est pur
secundum dictum arbitroi d numquam conscius extitit I nsum cprebuit
ut > dictus lus Tullensis canonicus aliquatsiius ~ a ~ e r e t u
r P.
En ce qui concerne la seconde accusation porte contre Siger,
celle d'avoir avec Simon de Brabant troubl les Vigiles de Guillaume
d'Auxerre, la Nation picarde dcline toute responsabilit dans
l'affaire : elle n'a ni ordonnt5 ni ratifi ces dsordres, si
dsordres il y eut ; il appartient h la Nation franaise de
poursuivre les individus, - ni Siger ni Simon ne sont nomms, - qui
auraient fait tort A ses membres, et, s'ils sont, condamns, la
Nation picarde fera appliquer le jugement :
u si aliqua iniuria facta fuerit magistris Gallicane nacionis in
vigiliis Pro memoria magistri Guillelmi Autisiodorensis apud
PredicatoreS, Il0" numquam nacio Picardorum precepit fieri nec
ratum habuit. Vnde naci0 Picardorum libenter super hoc faciet quod
de iure debebit eis per i~stl~'"" primitus condempnatis
NOUS avons ainsi entendu le rquisitoire e t la plaidoirie.
Veno"s-ei' maintenant au verdict du cardinal-lgat, Simon de
Brion.
11 est vident que le cardinal a tenu A bien s'informer : le cas
du bedeau Guillot est disjoint, toute la lumire n'ayant pu tre
faite, un su^^^^^^^^ d'enqute est ordonn e t le jugement remis Q
plus tard. D'autre par"
9. R. POUPARDIN, * Documents ... *, p. 60, 25-36. 10. Ibid., p.
61, 1:-22.
SUO.' 11. Ibid., P. 60, 36-40. Les mots * prebuit ut ,, qui
manquent dans le ms. par
d'uns dbchirure, ont btb supplb* par P. MANDONNET, dans ~ ~ ~ h
. bill. d&. litt. ""
7 (1932), p. 45, n. 1. 12. Ibid., P. 61-62-
SUR SIGER DE BRABANT 206 "mb
le cardinal n'hsite pas A condamner, e t svrement : dans le cas
de pr il lot, il se rserve d'ajouter A la pnitence djA dure impose
par Grard d'Abbeville une pnitence encore plus dure ; Jean Frtel e
t Jean de Huy, reconnus coupables de l'enlvement de Jean d'Ully,
ont .. bien accompli le plerinage A Saint-Gilles que leur avaient
impos les
mais non pas le plerinage Saint-Jacques de Compostelle : le lgat
ne les tient pas quittes, mme s'il commue le plerinage ii Saint-
Jacques en un plerinage A Notre-Dame de Rocamadour, videmment
beaucoup moins long ; Robert de Neuville e t Rnier, reconnus
coupables de l'enlvement de Guillaume, chanoine de Toul, feront le
mme pleri- nage ii Notre-Dame de Rocamadour ; tous quatre A leur
retour prsente- ront au procureur de la Nation franaise des lettres
testimoniales justi- fiant de la ralit de leur plerinage.
Or, pour Siger, le cardinal se range A l'avis de la Nation
picarde. En ce qui concerne l'affaire de l'enlvement de Guillaume,
Siger accep-
tait de se soumettre Q la purgation canonique dans la forme qui
serait prescrite : le cadinal fixe cette forme :
a supradictus magister Sigerus super captione ipsius magi; ermi
torcia manu se purget n (Chart., 1, p. 456, 2, 17-18).
-
C'lait la forme la plus douce : le lgat n'impose A Siger que
trois tmoins (on avait t jusqu'h 14, pour de grands personnages il
est vrai, e t pour de grands crimes). Nul doute que la crmonie
n'ait eu lieu : au cas contraire, le lgat avait prescrit
l'exclusion du rcalcitrant de la Nation picarde. Donc au jour dit,
Siger de Brabant s'est prsent devant la Nation picarde commise A
cet effet par le lgat ; il a affirm sous serment qu'il tait
totalement innocent du crime dont on le souponnait ; puis trois
compurgatores, trois matres s arts de la Nation picarde, ont
confirm, galement sous serment, qu'il disait vrai. Il devait ds
lors tre dfini- tivement tenu pour innocent. E t c'est ce que nous
devons faire : si on l'a admis A la purgation canonique, c'est
qu'il n'existait contre lui aucune - preuve, et il est difficile de
croire que trois de ses collgues eussent accept de se parjurer en
sa faveur.
Restait l'affaire des Vigiles de Guillaume d'Auxerre. LA encore,
le cardinal fait sien l'avis des Picards, il dit mme plus nettement
qu'eux qu(: n'a t prouv, tout en laissant la voie ouverte A des
poursuites illt.erieures :
* Quia uero contra nacionem Picardorum super irnpedimento
prestito magistris nacionis Gallicane ne legerent in exequiis
supradictis et ablatione Iibmrum de manibus eorundem et de predicta
iniectione manuum uiolenta,
SUmcienter inuenimus osse probatum, ipsam ab impeditione dicte
n'C1Ol'ls G a l l i ~ ~ ~ m super hoc duximus absoluendam, salua
tamen eidem nucioni. Gallicorum omni, que sibi super hoc contra
priuatas personas cornpetit' questione 9 (Char!., 1, p. 456-457).
La 7 . 'ation picarde, comme telle, est donc relaxe, et, comme elle
l'avait 1::ger6, le cardinal laisse A 1, Nation franaise ie dmit de
poursuivre - - privees, - Siger e t Simon, mais ils ne sont pas
nommhs,
auraient empcli les Franais de chanter. La Nation franpaise
-
SUR SIGER DE BRABANT 207 . . 206 R. A. GAUTHIER
a-t-elle us de ce droit? On peut en douter. Autant une
aggression dli- bre de la Nation picarde contre la Nation franaise
aurait t grave, autant tait menu l'incident, si incident il y avait
eu, qui avait pu opposer Siger et Simon Q l'un ou l'autre Franais.
Les passions tombes, on a d s'empresser d'oublier ces querelles de
lutrin. En tout cas, la plaidoirie des Picards et le verdict qui la
consacre interdisent de faire en cette occa- sion de Siger et de
Simon des . La solution, pourtant, tait simple : il faut lire :
-
208 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 209 . . "n*,
II. De intellectu in suis operationibus 1. De prima operatione
(informatiua) Siger, commentateur de la Vetus 2. De secunda
operatione (compositio) 3. De tercia operatione (praxis) r,ykditeur
des Questiones in tercium de anima, B. Bazhn. incline B les -
Or, ces questions sur le troisime livre ont t conserves isoibes
en deux manuscrits, mais dans un troisime manuscrit elles se lisent
A la suite des questions sur le deuxime livre avec qui elles
faisaient corpsl5. Rien donc n'interdit de penser que les
Questiones de Siger aient fait partie d'un ensemble plus vaste d'o
elles ont t extraites A cause de leUr intrt particulier. Et ,
peut-tre, avons-nous un indice de leur insertion dans cet ensemble
: le texte de Siger dans le manuscrit d'Oxford commence en effet
par un petit mot :
-
210 R. A. GAUTHIER
q', il crit q'; mais t~ la ligne 15 Siger explique
-
21 2 R. A. GAUTHIER
Siger (p. 36, 42-43) : a Sicuti 9 Methaphisice scribitur, nihil
mouetu, ad aliquid nisi habeat in se aliquid eius ad quod mouetur.
, On chercherait en vain ces mots dans la Media e t la Moerbekana :
man- quant dans le grec, ils manquent aussi dans les traductions
grco-latines,
Il arrive mme Q Siger de citer sous le nom d'Aristote non pas
tant le texte de 1'Arabo-latine que son commentaire par Averros
:
Ar., Met., II, 994a27, a Michaele Scoto transl. (dans Averros 1
[II], t. 7 ; Bd. Darms, p. 64, 9-10 ; Bd. Venise, VIII, f. 31vb M)
: @ quemadmodum inter esse et non esse est generatio o ; Averros, 1
[II], comm. 7 (Bd. Darms, p. 66, 57-61 ; Bd. Venise 1562, f. 32rb
D-E) : a Deinde dedit exemplum : Addiscens enim etc., id est :
uerbi gracia quod sciens dicitur fleri ex addis- cente et non
dicimus quod sciens flat ex se nec ex non esse sciencie, set ex
medio inter scienciam et ignoranciam, que est priuatio sciencie, et
est addiscens.
Siger (p. 36, 25-28) : a Aristotiles 2 Methaphisice dicit,
capitulo de statu causarum, dicit enim quod sciens generatur non ex
penitus sciente nec ex penitus nesciente, set ex medio inter
scientem et nescientem. v
Ar., Met., II, 994a27, ab Anonymo transl. = Media (A.L., XXV 2,
p. 38, 9-10 ; cf. p. 331b, 4 du bas) : a semper enim est infra (?
intra), u t esse et non esse generatio v ; a Guillelmo transl.
(Paris B.N. lat. 16584, f. 105va) : (1 Semper enim est medium, ut
esse et non esse generatio. s
Ainsi, l'Aristote de Siger dans ses Quesfiones in fercium de
anima est bien l'Aristote des annes 1260-1265 : aprs cette date
limite, il aurait t prim. Nous sommes donc bien fonds A regarder
Siger comme le dernier de la longue ligne des commentateurs de la
Velus.
Siger, lecteur du commentaire de S. Thomas sur les Sentences
Lorsqu'on lit les uvres des matres s arts des annes 1235-1250,
on est frapp de l'emprise qu'exerce sur leurs esprits une formation
thologique dont tout indique qu'elle tait assez approfondiel*.
C'est encore vrai du Siger des Questiones in iercium de anima.
Il est h peine utile de relever les rminiscences bibliques qui
trahissent simplement une formation clricale, par exemple (p. 5,
72-75) :
Qui ergo uoluerit scire utrum intellectus factus sit de nouo uel
factus Sit eternus, oportet eum inuestigare formam uoluntatis
Primi. Set quis erlt qui eam inuestigabit ? o (cf. Sap., IX 16 : a
Que in celis sunt autem quis inuestigauit v [-bit multi] ; Eccli.,
1 3 : (( sapienciam Dei precedentem omnia quis inuestigauit v ;
XVIII 3 : a Quis enim inuestigabit magnalia eius P). Plus rvlatrice
est l'tude des (( autorits )) patristiques (y compris Boce) cites
par Siger : il apparat vite que Siger n'a pas lu les auteurs qu'il
cite e t qu'il tient toute sa documentation des thologiens de Son
temps.
18. Cf. R . A. GAUTHIER, e Le cours sur 1'Ethica noua d'un
martre 6s arts de paris (1235-1240) s, dans Arch. hist. doctr.
litt. M . A., 42 (1975) 77-93.
213 SUR SIGER DE BRABANT . - -
peut-tre Siger a-t-il lu la Somme du Chancelier Philippe : deux
cita- rn Lions groupes le donnent h penser :
pllilippe (Bd. O. Lottin, Psychologie et morale ..., t. 1, p.
432, 3-7) : a uidetur ci,im quocl (natura angelica) non sit simplex
substancia. Sicut enim dicit .
. . yjoctiu~ in libro De Trinitate : Omne quod est citra Primum
est hoc et Item, Post monadem sequitur dyas, secundum Dyonisium.
,
Siger (p. 19, 37-40) : a Alia uero omnia, que a sua simplicitate
recedunt, compositionem aliquam recipiunt, Dicit enim Dyonisius
quod monadem sequitur dias. E t Boetius, quod omne quod est citra
Primum habct suum quod est . v
L~ de ces deux (( autorits n, pour tablir une mme thse, , djh
son loquence. Mais ce qui est dcisif, c'est que ce sont 18 des , ))
djh labores e t qu'on chercherait en vain telles quelles chez les
auteurs Q qui elles sont attribues.
Voyons d'abord l'a autorit s de Denys. L'diteur de Siger renvoie
Q L)cnys, De diuinis nominibus, c. IV, 5 21, dans la Patrologie
grecque, t, 3, 721 E-D : c'est, bien sr, la source lointaine de la
citation, mais il nous faut un texte latin. On se rapprochera en
lisant la traduction de ~ c o t rigne dans les Dyonisiaca, t. 1, p.
263, 2 : a monas autem erit
, - 1
totius dyadis principium )>, mais c'est encore bien loin de
l'adage cit par le Chancelier ... Le Chancelier l'avait-il forg? En
tout cas, aprs lui e t sous son influence, il entre dans l'usage.
On le lit chez Hugues de Saint- Cher, dans sa question De
simplicifafe anime (Ms. Douai 434 1, f. 108va) : a Item Dyonisius :
Post monadem sequitur dyas )>, chez Jean de la Rochelle dans sa
Summa de anima (d. Dominichelli, p. 119, 6-7) : (( Item beatus
I ..
Dyonisius : Post monadem sequitur dyas )>, chez Eudes Rigaud
(d. - -. Lottin, Psychologie et morale, 1, p. 447, 6) : a Item.
Dyonisius : Post monadem dyas 1).
Passons Q l'a autorit )) de Boce. De nombreux diteurs l'ont
cherche dans les uvres de Boce : aucun ne l'a trouve. Certes, Boce
a bien exprim la pense qu'on lui prte, mais en termes trs loigns :
(( Reliqua
4
enim non sunt id quod sunt : unumquodque enim habet esse suum ex
]lis ex quibus est, id est ex partibus suis ; e t est hoc atque
hoc, id est Partes suae coniunctae, sed non hoc uel hoc
singulariter )) (De Trin., C. 2 ; P.L. 64, 1250 C) ; ou encore : a
Omne simplex esse suum e t id quod est unum habet ; omni composito
aliud est esse, aliud ipsum est D (De hebdomadibus ; P.L. 64, 1311
C). Pourtant l'adage strotyp que les thologiens vont citer h
l'envie a t form trs tt : il apparat djh veTs 1224 chez Alexandre
de Hales, Glosa in I Sent., d. 3 (d. Quaracchi, t. I, P. 64) : ((
Boetius, libro De Trinitate, dicit : In omni eo quod est citra
Primum differt quod est e t esse it ; vers 1230, Hugues de
SainbCher le cite dans son commentaire sur les Sentences (d.
Lottin, Psychologie et
t. 1, p. 430, 6-7) : (( Item. Boetius in libro De Trinitate :
Omne I - quod est citra Primum habet quod est e t quo est )>.
Mais c'est le Chancelier P h l l l ~ ~ e qui vers 1232 en a fait
une autorit classique dans la question I de la simplicit de l'ange
ou de l'&me : Hugues de SaintCher le reprend dans sa question
De simplicilale anime (Ms. Douai 434 1, f. 108va) : 'BOetius De
Trinitate : Omne quod est citra Primum est hoc e t hoc * (cf*
ibid., p. 439, 23-24 ; p. MO, 89-90) ; on le retrouve chez Jean
-
214 R. A. CAUTHIER
de la Rochelle dans sa Summa de anima (p. 119,2-4), chez Eudes
Rigaud Richard Rufus (Lottin p. 447, 3-4 ; p. 458, 131-132), dans
la SU^& fratris Alexandri (t. 1, p. 114), chez S. Albert, vers
1241, dans sa Summa de 4 coequeuis, q.21, S.C. (d. Borgnet, t. 34,
p. 462a) : (( Dicit Boetius in libro De hebdomadibus quod omne quod
est citra Primum est hoc e t hoc )>, enfin chez S. Thomas, I n I
Sent., d.8, q.5, a.1, S.C. : , par contfe dans son commentaire sur
les Sentences S. Bonaventure est un bon tmoin du processus
d'attribution A S. Augustin : il attribue expressment a
SUR SIGER DE BRABANT 215
Augustin le texte de Gennade que le Lombard avait cit pour
rejeter les contraires A sa formule, e t la formule apparat ainsi
comme la suite
du texte d'a Augustin >> : (( Verumtamen ipse Augustinus
hanc ositionem expresse repreliendit in libro De ecclesiasticis
dogmatibus,
Lius auctoritatem Magister ponit in littera ... E t ideo ...
anime ... a Deo .,,,tur e t creando infunduntur e t infundendo
producuntur D (In II Sent., ,18, a.2, 9.3 ; d. Quaracchi, t. II, p.
453a). Aboutissement de cette Jolution, le texte de S. Thomas
offrait A Siger sous une forme ramasse
, adage et son attribution. sous avons djA vu Siger citer,
d'aprs les thologiens, un adage dont
la source lointaine tait Boce. On lit dans les Quesliones in
tercium de ,,lima trois autres citations de Boce : ce sont toutes
les trois des adages que Siger r voir emprunts A S. Thomas.
Tliomas, I n II Sent., d.3, q.1, a.1, arg. 1 (Piana VI 2, f.
lova K ; Napoli Naz. VII.B.8, f. 9rb) : u Boetius enim dicit in
comment0 Predicamentorum qilod Aristotiles relictis extremis,
scilicet materia et forma, agit de medio, id est de composite
W.
Siger (p. 22, 112-113) : u dicit Boetius quod relictis extremis
egit Aristotiles de medio o. La source lointaine de cet adage est
bien Boce, mais si Boce a fourni la pense, il l'a formule tout
autrement ; c'est dans son commentaire sur les Catgories (P.L. 64,
184 A) : (Aristoteles)
-
216 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 21 7
a secundum Boetium in V De consolatione Philosophie, Quicquid
potest uirtus inferior, potest superior (cf. q.8, a.6, s.c.1 ; a.9,
arg.9 ; a.11, s.c.4 ; q.9, a.2, arg.4 ; a.4, s.c.2; q.10, a.5,
arg.5).
Siger (p. 64-65, lignes 12-13) : 4 Boetius in De consolatione
dicit : Quicquid potest inferior uirtus, potest et superior. B
L'diteur de Siger renvoie au De consolaiione Philosophiae, livre
V, prose 4. On y trouve assurment une pense analogue (P.L. 64, 849
B ; d. Fortescue, p. 150-151) :
-
218 R . A. CAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 219
(< Nobilius est agens patiente, secundum Augustinum in XII De
Genesi ad litteram e t secundum Philosophum in I I I De anima.
)> Ce qui est sr en tout cas, c'est que Siger n'a pas eu recours
directement au texte d'Aristote ; il ne cite pas le texte
d'Aristote, De anima, I I I , 430a18-19 :
Semper enim honorabilius est agens patienti (-te) )> (Vetus ;
la Noua n'a rien corrig), il cite l'adage qu'en avaient tir les
thologiens.
Aprs deux autres objections (la deuxime de Siger semble inspire
de la troisime de S. Thomas, mais librement), Siger prsente une
instance e t y rpond : instance e t rponse sont reprises de S.
Thomas :
Thomas (f. 217va ; Napoli, f. 195va) : u Si dicatur quod hoc
ipso anima punitur ab igne quod ignem uidet, u t uidetur dicere
Gregorius in IV Dialo- gorum Ic.29 ; P.L. 77, 368 A], contra : Si
anima uidet ignem inferni, non potest uidere nisi uisione
intellectuali, cum non habeat organa quibus uisio sensitiua uel
ymaginaria perficitur ; set uisio intellectualis non qidetur quod
possit esse causa tristicie : delectationi enim que est in
considerando non est tristicia contrarium secundum Philosophum
[Top., 1 15, 106a36-bl, a Boethio transl., A.L., V, p. 22, 18-22] ;
ergo ex tali uisione anima non punitur. s
Siger (p. 31-32, lignes 17-23) : n Si dicas quod anima potest
pati ab igne, non quia ipsa secundum suam substanciam comburatur ab
igne, set quia uidet se in igne et ide0 quia uidet se esse in igne,
ide0 ab igne patitur, contra hoc arguitur : Dicit Aristotiles in
Ethicis quod delectatione que est a contemplatione [Eth. Nic., X,
1175a21-281 ; set, cum anima uidet se esse in igne, ipsa non uidet
hoc uisione ymaginatiua, set uisione intellectiua ; quare, cum hoc
non uideat uisione materiali, ipsa non potest pati passione uel
tristitia materiali. a
Tout en suivant de prs son modle, Siger a voulu raffiner, mais
le texte corrompu du manuscrit rend sa pense dificile h suivre. La
majeure de son raisonnement se lit en effet dans le ms. sous la
forme : (( Dicit Aristotiles in Ethicis quod delectatione que est a
contemplatione *. L'diteur a propos de lire : (( Dicit Aristotiles
in Ethicis quod delectatio que est a contemplatione r ; mais cette
majeure permet seulement de conclure :
Muckle, 'o.. perse1 .nationibi i-.ri"i." ".il
Isaac, De diff. (ed. p. 305 ; mss Assisi 663, f. 116vb ; Olomouc
536, f. lova) : u Qui uer uerauerit in impietate sua... sordidabunt
eum peccata sua coinqui 1s suis et depriment et grauabunt ipsum ...
et remanebit comprehGLLnu, DULJ orbe tristi (scr. : tristis codd,
ed.), merens, sine lege reuolutus reuolutionibus orbis in igne
magno et flamma cruciatus.
Albert, In I V Sent., d.44 F, a.38 (Bd. Borgnet, t. 30, p. 595b)
: u E t Isaac uidetur uelle quod peccatores deprimentur sub orbe
tristi, et grauabunt cos ibi peccata sua. Tristis autem orbis
uocatur a philosophis pars orbis sinistra, q iditur supra quartam
partem terre que supponitur quarte hat (cf. ibid., p. 663 ; Ethica,
1 ~ I I 17, Bd. Borgnet, t. 7, P. 133a).
Quelques annes plus tard, vers 1251-1254, Albert va rencontrer
la .,- doctrine pythagoricienne de l'enfer e t la mlanger
curieusement avec celle d'Isaac. Cette doctrine, il va la lire dans
le De ce10 d'Aristote, OU plus exactement dans la traduction
Arabo-latine du De ce10 par Grard de Crmone, car, bien entendu, il
n'est pas question d'enfer dans le texte d'Aristote. Ce que dit
Aristote, c'est que les Pythagoriciens,
avec l'hypothse gocentrique, avaient mis au centre du monde, pas
la terre, mais le feu : la terre e t tous les autres astres
tournent
de ce centre qu'est le feu ; le feu, centre de l'univers, est du
mme 'O!P le Garant de son ordre. E t c'est pourquoi les
Pythagoriciens appe- laient le feu : G Garde de Zeus B, A i 6 ~
rpu)urxJjv. C'est cette expression qui a embarrass les traducteurs
: au lieu de Garde de Zeus )>, le feu est devenu (( Prison de
Zeus r (le mot grec rpuhaxJj a les deux sens). E n out-, Garard (OU
le traducteur arabe dont il est l'cho) n'avait pas compris la
mention de Zeus : c'est Robert Grosseteste qui rtablira son
nom.
Albert dans son De ce10 commente 19Arabo-latine de Grard, mais
un manuscrit qui comportait, semble-t-il, des gloses empruntes
-
220 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 221 .
A la traduction Grco-latine de l'vque de Lincolnls. Ainsi
s'explique son commentaireZ0 :
Aristote, De caelo, II, 293a20-23, bl-4 A Gerardo transl. (Mss
Paris B.N. lat. 6325, f. 7lva-vb ; Vat. Urb. lat.
206, f. 147r-v) : u Secta autem Pyctagore et qui sunt habitantes
in Italia ... dicunt ... quod ignis est locatus in medio et quod
terra est una ex stellis e t quod ipsa mouetur super medium et
incedit incessu circulari ... E t secta quidem Pyctagore dixit
iterum quod propter hanc causam quam nos diximus sit ignis in
medio, quod est quia ex illis que oportet conseruari est res
nobilis, in mundo autem non est quod sit nobilius eo quod est
ignis, medium autem est conseruans res ; quapropter nominauerunt
ipsum primi carcerem equalem, scilicet locum pene. n
A Roberto transl. (Ms. Oxford Balliol College 99, f. 280 ra et
va) : (Pythagorici ... in medio quidem enim ignem esse)=' ((
dicunt, terram autem unam astrorum existentem circulo latam circa
medium et noctem et diem facere ... Adhuc autem quidem Pythagorici
et propter maxime conuenire custodiri principalissimum omnis,
medium autem esse tale, quod Iouis custodiam nominant idem habens
regionem ignem. n
Albert, De celo, I I IV 1 (d. Cologne, V 1, p. 180, 59-65 ; ms.
autographe d'Albert, Wien Nat. 273, f . 119v) : c propter quod
etiam (Pythagorici) medium mundi carcerem equaliter undique
claudentem uocauerunt. Et hunc locum penarum inferni esse dixerunt,
in quo custodiuntur qui custo- diendi sunt sub orbe tristi penas
luentes, ut inquit Pythagoras in legibus suis, eo quod ibi est
locus ignis in quo cremantur hii qui a Ioue sunt condemnati )).
19. P. Hossfeld, dans Alberti M caelo et rnundo (Alberti Magni
Opera omnia ... curavit Inst. Alberti hlag nse, t. V 1, Monasterii
Westl. 1971), Prolegomena, p. VI-VIX, a bien not le fait, mais n'a
pas su en rendre compte, d'une part parce que, ignorant la
traduction de Grosseteste, il a fait appel B la rvision de
Moerbeke, postrieure B l'uvre d'Albert, d'autre part parce qu'il a
fait entrer en ligne de compte des rapprochements spcieux avec les
leons introduites au xvre aikcle Par les humanistes dans le texte
de Moerbeke. Toutes les fois qu'on peut le vrifier, les leons
grco-latines lues par Albert viennent de la Translatio
Lincolniensis, signalbe en 1950 par D. J. Allan, e Mediaeval
Versions of Aristotle, De caelo, and of the Cornmen- tary of
Simplicius e, dans Mediaeval and Renaissance Studies, 2 (1950),
82-120. Par exemple : 284a21-22 hiis qui posterius Linc. : 'hiis
qui posteriores AIb. ; 284a28 anime... talem uitam Linc. : uita
talis anime Alb. ; 289b21-22 siue a casu Linc. : Si uer0.e- " csu
AIb.; 297b34 ad... septentrionem ... Linc. (dit par Allan, p. 95) :
ad partem septentrionalem AIb. - Dans le texte que nous tudions, en
particulier, il est vident que la glose 4 et custodiam Iouis , du
ms. r1 (cf. d. Col., p. 150, adn. ad u. 79) vient de la Translatio
Lincolniensis.
20. Albert connaissait aussi I'Arabo-latine de Michel Scot avec
le commentaire d1Averro8s, mais il est inutile de la citer ici, car
elle ne lui a rien apport pour l'exgSe de ce passage (cl.
Aristoielis Opera curn Auerrois comrn., d. Venise 1562, t. V, f . 1
4 ~ " ~ - 147va).
21. Dans le ms. d'Oxford, seul tmoin de la Translatio
Lincolniensis, la traduction des lignes 293a20-21 vav.clw~ - dvat
est omise par homotleute ; il serait B la rigueur possible que
l'omission soit imputable au ms. grec dont se servait Grosseteste,
mais bien plutt est-elle due la ngligence du copiste qui nous a
transmis sa t r a d l ~ c t ~ ~ ~ ' je complte les mots
indispensables au sens d'aprs la rvision de Moerbeke.
,\lbert, De natura loci, 1 12 (kd. Col., V 2, p. 20, 51-56 ; Ms.
autographe m. ivien Nat. 273, f . 1 4 8 ~ ) : 4 Propter quod dixit
Pythagoras inferius emyspe- ,ium esse I O C U ~ penarum et tartari,
uocans dispositionem orbis super inferius emysperlum orbem tristem
(cod. : terrestrem perperarn ed.), sub quem deprimunt homines
peccata sua, et gemere eos qui ibi sunt sub acIuis infinitic *
fusionn i Pythag~
en une
ore . .. de . GI doctrine
. Or, il e; Albert a seule doctrine la : de l'enfer
d'Isaac e t Srard de Crmone st bien vi- dent sont incompatibles
: l'enfer d'Isaac, qui se situe quelque
aux a :s, ne peut tre celui de Pythagore, qui est au centre de
]'univeri iomas l'a bien senti, e t il distingue nettement les deux
doctrines :
Thomas, l n I v Sent., d.44, q.3, a.2, qla 3 (Piana VI1 2, f.
217ra ; Ms. Napoli Naz. VII.B.20, f . 195ra) : u Quidam tamen
philosophi [Isaac] posiierunt quod locus inferni erit sub orbe
tristi [ed. cod. : terrestri ed. pnrme, ViuZs], tamen supra terre
superficiem ex parte opposita nobis... Pictagoras uero posuit locum
penarum in spera ignis, quam in medio tociiis orbis esse dicit, ut
patet per Philosophum in I I Celi et mundi n. - Cf. In II Sent.,
d.6, q.un., a.3, ad 2 : u secundum Philosophum in I I Celi et
mundi, Pictagoras locum ignis dixit esse carcerem n ; ad 2 : ((
Pictagoras aiitem loquitur de igne quem in medio uniuersi ponebat,
ut ibidem dicitur, e l hunc nos dicimus esse ignem inferni, qui est
horridus et tenebrosus et locus penalis demonum. D
Nous sommes maintenant en mesure d'apprcier le texte de Siger :
Siger (p. 32, 31-35) : c Ipse tamen (Aristotiles) recitat quod
Pictagoras
dixit ignem esse in centro terre, eo quod, cum ignis sit
nobilissimum corpus, debet ei respondere nobilissimus locus. E t
ideo, cum centrum sit medium, ideo dicebat ignem inclusum in centro
terre et illum ignem dixit esse
- carcerem in quo cremabantur (scr. : cmabantur cod :
cruciabantur ed.) a loue condempnati. n
nas en al le, mais uer la do
7 , 3
resque lit sunt con II a lu S
. .
Siger a lu le De celo de S. Albert : il en reproduit p hralement
une phrase (Albert : (( in quo cremantur hii qui a Ioue demnati ))
; s Siger :
-
222 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 223 tudinis n, mais non
pas . Il tait facile, toutefois, de passer d'une expression h
l'autre : Albert l'avait fait (cf. ed. Col., V 1, p. 181, 6, 8, 10,
12).
Quoi qu'il en soit, la documentation de Siger tait abondante. Il
est donc surprenant qu'il ait interprt compltement h contresens la
locali- sation pythagoricienne du feu : Aristote le dit clairement,
S. Albert et S. Thomas l'avaient parfaitement expliqu, Pythagore
place le feu au centre non pas de la terre, mais de l'univers, d'un
univers non gocentrique dans lequel la terre comme les autres
astres tourne autour du feu central. Or, Siger lui fait dire
exactement le contraire : (p. 32,32), (( ignem inclusum in centro
terre )) (p. 32,34). Siger a-t-il fait semblant de mal comprendre
la localisation pythagoricienne pour exploiter contre les
thologiens, favorables h la localisation de l'enfer au centre de la
terre, la critique d'Aristote? A d'autres poques e t de la part
d'autres adversaires de la thologie, pareille mauvaise foi n'tonne-
rait pas, mais rien n'autorise h prter Siger cet excs de perfidie.
Bien plutt a-t-il pch par excs de navet : il s'est laiss entraner
par le , prestige de l'hypothse gocentrique, ou par l'imagerie
populaire de l'enfer, h lire de travers un texte d'Aristote
qu'Albert e t Thomas avaient lu correctement.
Aprs cette digression sur l'enfer pythagoricien, Siger aborde la
question au fond et, pour commencer, il passe en revue les diverses
solutions qui lui ont t apportes, en montrant l'insuffisance de
chacune d'elles : la encore, il suit pas h pas S. Thomas.
Voici la premire solution, avec sa rfutation : Thomas (Piana, f.
218rb C ; Napoli Naz. VII.B.20, f . 196rb) : a Quidam
enim dixerunt quod hoc ipsum quod est ignem uidere sit animam ab
igne pati.Vnde Gregorius in IV Dialogorum [c.29 ; P.L. 77, 368 A]
dicit : Igilem eo ipso patitur anima quo uidet. - Set istud non
uidetur sumcere, quia quodlibet uisum ex hoc quod uidetur est
perfectio uidentis, unde non potest in eius penam cedere in quantum
est uisus ; set quandoque est punitiuum uel contristans per
accidens, in quahtum scilicet apprehenditur ut nociuum, undc
oportet quod preter hoc quod anima illum ignem uidet, sit aliqua
comparatio anime ad ignem secundum quam ignis anime noceat. n
Siger (p. 33, 49-53) : a dicunt quidam quod anima separata
potest pati ab igne, non autem patitur quia comburitur, set quia
uidet se in igne esse. -- Contra hoc arguitur : et licet uideat se
in igne, non tamen percipit quod ei noceaf ignis ; quare ergo
patitur ab igne ? >>
ue le ms. 5veloppai Voici la
ne nous it.
i a conse
e solutioi
rv qu'u
1, avec s:
Le rsum est brutal e t en fin de compte peu intelligible : on
aime h croire 9' :s que Siger dans son cours dc
n caneva
i rfutati
Iilla et ad talem apprehensionem amcitur timore et dolore, ut in
eis impleatur quod dicitur : Trepidauerunt timore ubi non erat
timor [Ps. XII1 51. Vnde Gregorius in IV Dialogorum [c.29, P.L. 77,
368 A] dicit quod, quia anima cremari se conspicit, crematur. - Set
hoc iterum non uidetur sufficere, quia secundum hoc passio anime ab
igne non esset secundum reiueritatem, ,,t secundum apparenciam
tantum ; quamuis enim possit esse uera passio tristicie uel doloris
ex aliqua falsa ymaginatione, u t Augustinus dicit XI I
Genesi ad litteram [XXXII 60-61 ; P.L. 34, 480-481 ; d. Zycha,
CSEL 28, p. 426-4271, non tamen potest dici quod secundum illam
passionem uere aciatur a re, set a similifudine rei quam concipit.
E t iterum iste modus P . . passronrs magis recederef a reali
passione quam ille qui ponitur per ymagi-
,-,arias uisiones, cum iste dicatur per ueras ymagines rerum
esse quas anima secum defert, iste autem per falsas concepfiones
quas anima errans fingit. ~t iterum non est probabile quod anime
separate, uel demones qui subtilitate ingenii pollent, putarent
ignem corporeum sibi nocere posse si ab eo nullatenus grauerentur.
0
Siger (p. 32, 54-63) : 6 Propter quod addunt alii quod anima
patitur ab igne quia, uidet se esse in igne, uidetur ei quod
comburatur ab igne, et ide0 sic patitur ab igne ; sicut sompnians
aliquando multum patitur ab igne, quia uidetur sibi per sompnium
quod sit in igne et quod comburatur. - Set hoc nichil est. Nam, si
anima patitur ab igne quia uidetur ei quod comburatur ab igne, tunc
anima non patitur ab igne, set a specie ignis. Item, passio non
esset passio, set decepfio, quia uidetur esse falsum ; contra (scr.
: .n. 1 cod.) hoc : Aristotiles in hoc 30 dixit quod intellectus
ille qui est sine materia non est falsus, set semper uerus [De
anima, III, 4301330-311 ; quare, si iste intellectus non decipitur,
nec anima separata decipitur.
deux dei . - c .-..- '
n n'est j2 a que lq~ us le con >t an tnr*
rnires rc l . -1 . - ~ - - ? 3
S. Thom
LX, mais ' h identif aujourd' " nn.... h:
Siger a fondu en une iisons de as, e t il a fait appel h
Aristote pour rerilorcer la aerniere : il est peu vraisem- blable,
disait S. Thomas, que les mes spares e t les dmons, dont
l'intelligence est si subtile, se trompent ; ce n'est pas possible,
renchrit Siger, et il en appelle h l'autorit d'Aristote. Aristote
n'a-t-il pas dit que l'intellect qui est (( sans matire imais fau
toujours vrai ?
ier la citation Un lecteur moderne d'Aristote ie peine de Siger,
car Aristote tel que no1 iprenons hui n'a jamais rien dit de tel.
filais il l'avait dit, tb ~ ~ i e s exprs, yvur en des lecteurs du
moyen ge, en 430b30-31. Aristote vient de consacrer tout un
chapitre
montrer que l'intellection des concepts simples est toujours
vraie ; 11 met le point final son expos en disant : la sensation
par le sens de Son objet propre est toujours vraie, ef il en va de
mme de foutes les choses Sans mafiere : (( e t sic se habent
quecunque sine materia sunt )> (Velus) ; Ces choses sans matire,
pour les modernes, ce sont les concepts abstraits, les objets de
l'intellect ((( cosi avviene per gli oggetti senza materia r,
traduit le plus rcent t r a d u ~ t e u r ~ ~ ) : Aristote veut
dire que la perception par l'intelligence des concepts abstraits
est toujours vraie. Ainsi ont 'galement compris quelques
commentateurs de la Veius (par exemple
I n de anima I I - I I I , hls. Oxford Bodl. Lat. misc. 70, f.
21rb :
Thomas (ibid.) : a Vnde alii dixerunt quod, quamuis ignis
~0rpore.Us "O" ". Giancarlo MOVIA, Artsrore~e. L'anima. 2
raauzrone, rnlroauzrone e comrnenfo possit animam exurere, tarnen
anima apprehendit ipsum ut nociuum s'hi (PilosOfi antichi 7),
Napoli 1979, p. 186.
-
224 R. A. GAUTHIER
(( id est similiter se habet in intelligibilibus D), mais la
plupart ont compris tout autrement : Aristote ne parlerait pas des
objets, mais des sujets, non des concepts abstraits, mais des
intelligences spares : ainsi le Ps.-Pierre d'Espagne, Expositio in
II-III de anima (d. Alonso, Pedro Hispano, Obras filosbficas, I II
, Madrid 1952, p. 343,3-15), ainsi S. Albert, De anima (d. Col., p.
210, 61-64) : Quecunque autem sine materia sunt sicut substancie
separate intelligunt res per simplices rerum quiditates et ide0 non
falsificatur intellectus ipsorum O, ainsi plus tard S. Thomas ( I I
I 5, 242-246). Ainsi a compris Siger, qui se rvle donc au courant
de l'exgse commune de son temps.
La troisime opinion est celle de S. Albert dans son commentaire
sur le quatrime livre des Sentences (d.44 F, a.37 ; iid. Borgnet,
t. 30, p. 592 ; cf. a.40, p. 598). S. Thon me la dveloppe, car S.
Albert l'avait seulement esquissi re insuffisante. Siger ne manque
pas de le suivre :
las l'expi e, mais i
)se, e t mi 1 la dcla
Thomas (Piana, f. 218r~-va ; i4'apoli, f. 196rb ; je mets en
italiques les expressions littkralement reprises d'Albert) : Vnde
alii dicunt quod 0p0rtet ponere animam etiam realiter ab igne
corporeo pati ; unde etiam Gregorius in IV Dialogorum [c.29 ; P.L.
77, 368 A] dicit : Colligere ex dictis euangelicis possumus quia
incendium anima non solum uidendo set etiam experiendo paciatur.
Set hoc tali modo fieri ponunt : dicunt enim quod ignis ille
corporeus potest considerari dupliciter : uno modo secundum quod
est res quedam corporea, et hoc modo non habet quod in animam agere
possit ; alio modo secundum quod est instrumentum diuine iusticie
uindi- canfis (hoc enim diuine iusticie ordo exigit ut anima que
peccando se rcbus corporalibus subdidit, eis etiam in penam
subdatur) ; instrumentum autem non S O ~ U ~ agit in uirtute
proprie nature, set etiam in uirtute principalis agentis, ut supra
d.1 dictum est, et ita non est inconueniens si ignis ille, cum agat
in ui spiritualis agentis, in spiritum agat hominis. .. - Set istud
etiam non uidetur sumcere, quia omne instrumentum in id circa quod
instrumentaliter operatur habet propriam actionem sibi connaturalem
.et non S O ~ U ~ actionem secundum quam agit in uirtute
principalis agentls, immo exercendo primam actionem oportet quod
emciat hanc secundam, sicut ... sera secando lignum perducit ad
formam domus ; unde oportet dare igni aliquam actionem in anima que
sit ei connaturalis ad hoc quod sit instrumentum diuine iusticie
peccata uindicantis. D
Siger (p. 32, 64-67 et 70-75) : u Aliter dicunt alii quod ignis
potest considerari uno modo in se et absolute, et. ab ipso sic
considerato non potest anima pati ; alio modo potest considerari in
quantum est instrumentum diuine ultionis, et ab eo sic considerato
potest anima pati. - (contra) Item, Aristotiles primo huius
[407b24-261 dicit quod non quelibet utitur quolibet instrumento,
set solum instrumento sibi conuenlcnti (instrumentum enim debet
habere aliquam communicationem cum paso) ; set ignis nullam
conuenienciam uidetur habere cum anima ; quare, u t uide- tur, non
poterit esse instrumentum sue punitionis. D
On reconnat aisment dans l'objection que Siger fait A la
doctrine d'Albert (expose d'aprs S. Thomas), l'objection de S.
Thomas !s une chose ne peut servir d'instrument que si elle peut
agir sur la matiere transformer ; mais Siger l'a repense e t appuye
sur l'autorit d9~ristote: En outre, avant de reprendre l'objection
de S. Thomas, il en a i d r e une autre :
SUR SIGER DE BRABANT 225
Siger (p. 32, 68-69) : 8 Set mirum uidetur, cum passio magis
facta abiciat substancia, qualiter anima pateretur (scr. : pacietur
cod. : patiatur ed.) ,tinuo ab igne et non corrumperetur ab igne.
D
prn i re v tre tent de croire que Sii cette fois recoul a
Illbistote : ne semble-t-il pas citer le ttnbr; Topiques,
VI 6, 145a3-4, traduit par Boce (A.L., V, p: 128, 15-16) : ((
Omnis enim passio magis facta abicit a substantia )>? Mais quand
Siger cite Aristote, il A le faire savoir. Il est donc plus
probable qu'il cite ici, sans savoir
vient d'Aristote, un adage familier aux thologiens (S. Thomas
l'avait cit trois fois dans son commentaire des Sentences, I n II
Sent., d.19, 4.1, a.3, s.c.1 ; I n III Sent., d.15, q.2, a.1, qla
1, s.c.1 ; I n I V Sent., d.44, q.2, a.1, qla 1, s.c.1). S. Thomas,
il est vrai, ne cite pas cet adage quand il se demande si le feu
agit sur l'me (il le fera plus tard, Q. de anima, q.21, arg.13 ; d.
Robb, p. 266, 25-27), mais S. Bonaventure l'avait cit dans la
question parallle : est-ce que le feu de l'enfer consume les
corps
,s damns ( In I V Sent., d.44, P.11, a.3, q.1, arg.2 ; d.
Quaracchi, IV, p. 928-929) : (( omnis passio magis facta abicit a
substancia ... ergo e ignis consumit corpora. )> Aprs le
recensement des opinions e t la preuve de leur insuffisance,
vient la sol finitive : Siger fait rsolument sienne la solution
de S. Thomas
Thomas (rlaila, 1. 218va ; Napoli, f. 196va) : 4 E t ideo
dicendum quod corpus in spiritum naturaliter agere non potest nec
ei aliquo modo obesse uel ipsum grauare, nisi secundum quod aliquo
modo corpori unitur... Spiritus autem corpori unitur dupliciter :
uno modo, ut forma maferie ..., sic autem spiritus hominis uel
demonis igni corporeo non unitur ; alio modo sicut mouens mobili
uel sicuf locatum loco, eo modo quo incorporalia sunt in loco [ =
per operationem, que effectum aliquem in eo causat, In I Sent.,
d.37, q.3, a.1 ; Piana, VI 1, f. 116va51, et secundum hoc spiritus
incorporei creati loco difiinuntur, ita in uno loco existentes quod
non in ali0. Quamuis autem res corporea ex sua natura habeat quod
spiritum fncorporeum loco dimniat, non tamen habet ex sua natura
quod spiritum lncorporeum loco dimnitum detineat, ut ita alligetur
illi loco quod ad d ia diucrtere non possit, cum spiritus non ita
sit in loco naturaliter quod ~ O C O "'bdatur. Set hoc superadditur
igni corporeo in quantum est insfrumentum dluine iusticie
uindicanti quod sic definet spiritum et ita emcitur ei penalis,
Pctardniis eum ab executione proprie uoluntatis, ne scilicet possit
operari Ubi uult et secundum quod uult.
Siger (p. 33-34, lignes 74-87) : 4 nisi ab eo cui unitur; ,
sicut in Principio (tr. : in pr. sicut cod., ed.) anima corpori in
suis passionibus unieba- tur, ita post separationem unitur ei (scr.
: et cod., ed.) ; ide0 poterit ab eo Pati. Qualiter autem unietur
corpori ? Dico quod unietur ei non sicut forma
set sicut locatum unitur loco, quia operatur in eo ; unietur
ergo !'lima igni, quia erit operans in eo. Nunc autem ignis bene
potest esse lnSfrumenlurn diuine iusticie quantum ad hoc quod ipse
determinat locum SUum ita quod ipsa non possit alibi esse operans,
set solum in ipso igne ; anima erg0 ita definefur ab igne, detenta
tristatur, et in hoc patitur, cum lPsa anima (scr. : quia cod.)
desideret alibi operari et non possit ; dicit enim huer ro~s quod
omnis uoluntas est delectabilis [ In Met., V, comm. 6 ;
Ponzalli, p. 100, 49 ; Bd. Venise 1552, f. 109va71 ; quod ergo
impedit
-
226 R. A. GAUTHIER
uoluntatem anime ei unite in qua quidem delectaretur si eam
compleret, facit eam tristari ; et sic anima patitur ab igne. u
Le texte de Siger, tel que le donne le ms. d'Oxford, n'offre pas
de sens satisfaisant ; l'diteur l'a quelque peu amlior, mais sans
parvenir 1, rendre pleinement intelligible. Il semble pourtant
qu'on puisse restaurer le texte de Siger en recourant 8 sa source.
Nous voyons ainsi que le scribe a d omettre le dbut de la solution,
qui donnait la cl de la suite du texte : (< l'me ne peut pas
ptir d'un corps, sinon d'un corps A qui elle est unie )> ; il ne
s'agit pas ici du corps humain, mais d'un corps, en l'occur- rence
le feu ; l'me, dans son tat premier d'union au corps humain, tait
unie 8 ce corps qu'est le feu dans les passions qu'elle en prouvait
par l'intermdiaire du corps humain ; mais, une fois spare du corps
humain, elle sera encore unie au feu, cette fois par l'opration
qu'elle y exercera. La dernire phrase du texte est elle aussi
corrompue ; l'diteur a crit : (( Quod ergo impedit uoluntatem anime
ei unire, in quo quidelil delectaretur, si eam compleret, facit eam
tristari n, il a donc compris : Ce qui empche la volont de l'me de
s'unir 8 celui en qui elle trouverait
sa joie )> ; mais cette reconstitution est impossible : le
ms. ne donne pas (< unire v , mais (< unite s, e t si l'on
corrige in qua )> du ms. en (( in quo )), le fminin (( eam ))
qui suit n'a plus de sens. J'ai donc propos de garder le texte du
ms. en supplant : ((ab operatione a : Le feu qui empche la volont
de l'me qui lui est unie htrodoxe, 1'(( averrosme latin )> dont
la thse brincipale est la sparation non seulement de l'intellect
agent, mais encore de l'intellect possible? C'est des Questiones in
tercium de anima qu'on est en droit d'attendre la rponse.
Or, il semble bien que les Questiones in tercium de anima
excluent la rponse qui vient naturellement 8 l'esprit : ce qui a
fait de Siger un , averro~te )) de la deuxime manire, ce n'est pas
une lecture plus atten- tive du texte d'Averros, car ce texte,
Siger semble le connatre assez mai.
xous en retiendrons comme preuve la critique que Siger fait, au
nom d'Averros, de la doctrine des premiers principes, instruments
de l'intel- lect agent. Cette doctrine, Siger l'attribue 8 S.
Albert ; or, c'est une doctrine d'Averros lui-mme, et Albert le dit
expressment. Siger n'a pas su 13 retrouver dans Averros, ce qui
montre qu'il tait peu familiaris avec son texte, et, ce qui est
plus grave, il l'a crue en contradiction avec la pense d'Averros,
ce qui montre qu'il n'en avait pas pntr les subti- lils.
Voici les textes (je ne donne que les phrases essentielles de
l'expos dS:iverros, qui est trs long) :
.\verros, In De anima, III 36, 488-552 (d. Crawford, p.
496-498): *intellects... autcm duobus modis fiunt in nobis : aut
naturaliter (et sunt prime propositiones, quas nescimus quando
extiterunt e t unde et quomodo), 3ut uoluntarie (et sunt intellecta
acquisita ex primis propositionibus) ... [Or, les prcmires
propositions viennent de l'intellect agent, donc] necesse
quod intellecta habita a nobis a primis propositionibus sint
aliquod racliim congregatum ex propositionibus notis et intellectu
agenti ... E t omnis actio facta ex congregato duorum diuersorum,
necesse est ut alterum duoriirn illorum sit quasi materia et
instrumentum, et aliud sit quasi rorm:r a ~ t agens. Intellectus
igitur qui est in nobis componitur ex intellectu qui est in hbitu
et intellectu agenti, aut ita quod propositiones sunt quasi
"'"teria c l intellectus agens est quasi forma, aut ita quod
propositiones
qqriasi instrumentum et intellectus agens est quasi eficiens ...
Set si pos!1(!rlmus quod propositiones sunt quasi instrumentum,
continget u t ""lia eterna proveniat a duobus quorum unum est
eternum et aliud non 'ternume.. (le mme inconvnient suit s i on
pose les premiers principes
matire) ... Dicamus igitur quod ... (propositiones) assimilantur
et instrument0 aliquo modo, non quia est materia uera aut
instru-
mcntum .cru,... , 'Ibert9 Surnrna de homine, q.54 (d. Borgnet,
t. 35, p. 451b) : 4 intellectus
Ibnim in habitu secundum Auicennam et Algarelem nichil aliud est
quam h 3 b i L ~ s principiorum, quibus, ut dicit Auerroes, tanquam
instrumentis lgens I>os~ibilem educit in actum r ; q.56, a.3
(ibid., p. 481b) : 4 tres sunt vadus intcllectlis possibilis ad
scienciam ... Sciencia enim est habitus 'Onstllut~S ex compositione
intelligibiliurn ; et propter hoc primus potencie
ad ipsam est intellect~is humanus hylealis, qui de sua natura
est La'is Ut sit sciens ; secundum autem est habitus principiorum,
que sunt
-
228 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 229
quasi instrumenta ad acquirendam scienciam ; tercius autem habet
scien. ciam et potest considerare quando uult. i>
Thomas, In II Sent., d. 28, q.1, a.5 : a C prima principia sint
quasi instrumenta intellectus agentis, ut C itor dicit in III D~
anima ... )) ; cf. De uer., q.9, a.1, ad 2 (d. Lon., p. z80,
254-256) : 6 prima enim principia sunt quasi instrumenta intellel
tis, u t dicit Commen- tator in III De animai>; q.lO, a.13, u.
12t . I l , a.3, u. 236-241 ; q.12, a.3, u. 222-223.
Siger (p. 39, 102-113) : Alii dicunt, et uidetur esse positio
Alberti, quod intellectui nostro est innata aliqua cognitio, ut
scilicet primorum princi- piorum que neminem latent, sicut : De
quolibet affirmatio uel negatio..., et similia [Auerroes, I V
Methaphisice ; cf. Siger, p. 36, 37-40] ; non quod ipsa sint
intellectus agens, set sunt instrumenta intellectus agentis, per
que educit intellectum possibilem ad actum. - Set ista positio non
ualet : Si enim intellectus agens habeat instrumentum, hoc uidetur
esse intentiones ymaginate magis quam aliud. [et] Licet enim dicat
Aristotiles quod intellectus agens est id quo est omnia facere, ut
ars ad materiam substituit, differenter tamen agunt intellectus et
ars ; nam ars per se suficit ad ponen- dum formam in materia, non
sic intellectus, set eget intentionibus ymagina- tis ; hoc dicit
Auerroys [III 18, 36-57 ; d. Crawford, p. 438-4391. Quare
manifestum quod non ualet quod dicunt.
um enim :omment;
- -
ctus agen 3-132 ; q.
Siger n'a manifestement pas vu Ci quel texte d'Averros se
reportait Albert (et avec lui Thomas). Dans le commentaire 18,
qu'invoque Siger, Averros parle de la premire opration de l'esprit
: l'intellect agent a besoin des cc intentiones ymaginate 1) pour
amener Ci l'acte l'intellect; possible e t produire en lui la
simple apprhension. Au contraire, dans le commentaire 36,
qu'invoque Albert, Averros parle de la deuxime opration de l'esprit
e t de ses dveloppements : l'intellect agent se sert des premiers
principes pour mettre en acte l'intellect possible et lui permettre
de formuler e t d'ordonner les conclusions dont l'ensemble
constitue la science. Loin donc de s'opposer, les commentaires 18
et :3R se compltent : ils affirment la prminence de l'intellect
agent, qui prside 8 tout le droulement de l'activit intellectuelle
depuis sa premire dmarche dans la saisie du concept simple jusqu'A
son achvement dans la science. 11 n'y a donc aucun sens 8 mettre en
concurrence, comme le fait Siger, les phantasmes e t les premiers
principes : leur intervention ne se situe pas au mme stade de
l'activit intellectuelle. 11 est exact pourtant qu'Albert e t
Thomas ont pass sous silence la dificult qu'prouve Averros A faire
des premiers principes de vrais instruments de l'intellect agent,
difficult qui tient A l'essence mme du syst6me averroste, mais
difficult qui se retrouve exactement la mme 10rsq~'~l s'agit des u
intentiones ymaginate )) : comment faire entrer en compositlo"
l'ternel e t le non-ternel? Tout ce que peut rpondre Averros, que
l'Intellect agent ne s'unit pas aux premiers principes non-ternels
(pas plus qu'aux phantasmes non-ternels) comme A une vraie matire
OU 8 de vrais instruments : il n'y a 18 qu'une similitude. Prciser
la nature de cette similitude, c'est dire comment l'intellect
ternel peut s'un" .' nous e t c'est le problme fondamental de
l'averrosme. S'il voulait recti' fier Albert, c'est sur ce point
que Siger aurait d faire porter sa critlrIue'
Ilais, pour cela, il aurait fallu qu'il connaisse Averros mieux
que ne le connaissaient Albert e t Thomas. Il le connaissait moins
bien, e t il est
compltement A ct du problme. L,(( averrosme o de Siger n'est
donc pas n d'une lecture nouvelle e t
d'Averros. C'est ce que confirme la conception de l'me
intellective qu'on trouve dans les Questiones in fercium de anima.
Ds 1939, le P. Salman a montr que la doctrine d'une me intellective
spare, telle que la prsente Siger, (c diffre de manire radicale de
la doctrine rellement soutenue par Averros. Pour le Commentateur,
en
il n'y a pas une me sparbe, car ce qui est spar n'est ni une, ni
me. Le spar, selon l'Arabe, est intellect, e t il est double, car
l'intellect agent et l'intellect possible sont deux substances
parfaitement distinctes, qui sont l'une e t l'autre spares )P3. En
1977, F. Van Steenberghen a essay de minimiser l'opposition entre
la doctrine de Siger e t celle dlXverros : il arrive A Averros de
parler d'une me intellective constitue par l'union intime des deux
intellectsz4. Certes, il subsiste chez Averros bien des expressions
qui font de l'intellect agent e t de l'intellect possible une
partie de notre me (c'est ce qui a rendu possible le premier aver-
roisrne), mais il s'agit de savoir comment ils en font partie, par
une union dans la substance ou par une union dans l'opration.
Pourtant, la vraie question n'est pas de savoir si la doctrine de
Siger est plus ou moins fidle 8 l'authentique pense d'Averros (que
d'ailleurs personne jusqu'ici ne peut se flatter d'avoir bien
comprise), elle est de savoir si la lecture d'Averros que reprsente
cette doctrine est la lecture person- nelle et originale de Siger.
Or, tel n'est assurment pas le cas : la fusion des deux intellects
en une me intellective unique, Siger la doit aux matres 6s arts ses
prdcesseurs, la sparation de cette me, ce sont les tholo- giens
qui, avant lui, l'ont lue chez Averros.
Lorsque Siger vers 1265 crivit ses Quesfiones in tercium de
anima, il y avait quelque trente ans que la fusion des deux
intellects en une seule fime tait 8 la facult des arts doctrine
courante. A partir du jour OU, "ers 1225, un matre de la facult des
arts avait lu dans Averros la doc- .ine de l'intellect agent,
puissance de l'me, il y avait dans l'me deux
La question se posait donc de leur rapport, et, comme on "ait lu
chez Averros la doctrine de l'intellect agent puissance de l'me, On
lut chez lui la doctrine de I'me intellective : l'intellect agent e
t l'intel- lect possible ne constituent qu'une seule me, parce que,
identiques en Substance, ils ne diffrent que d'une distinction de
raison :
Ps.-Pierre d'Espagne, E$positio lib. II-III De anima (d. Alonso,
Pedro His~ano. Obras fllosdficas, III, Madrid 1952, p. 326, 16-20
et p. 327, 3-41 :
utrum eadcm intelligencin creata sit intellectus possibilis et
agens secun-
23. D. SALMAN, Compt de Siger de Brabant, Bru2 1937-1939, p.
658.
.. .
.e rendu de :elles 1938
1 F. VAN STEENBERGHEN, Les uvres et la docfrine , dans Bulletin
thomiste, t. V, Annees XIV-XVI,
"4- P. VAN STEENBERCHEN, Maltre Siger de Brabant, p. 340, note
6. 25. Cf. R. A. GAUTHIER, + Le trait6 De anima et de potenciis
eius d'un matre 6s
arts 1225) ,, dans Reu. Sc. ph. th., 66 (1982) 3-55.
-
SUR SIGER DE BRABANT 23 1 230 R. A. GAUTHIER dum esse diuersa,
scilicet secundum quod coniungitur corpori sit intellectus
possibilis, secundum autem quod in se est substancia creata, sit
intellectus agens ... E t dicendum quod non penitus idem secundum
substanciam est intellectus possibilis et agens secundum esse
diuersa. ,
Anonyme (maftre 6s arts, vers 1246/47), In de anima 11-111 (ms.
Oxford Bodl. Lat. Misc. c.70, f.20va) : n Item nota quod
intellectus agens et possi- bilis idem sunt secundum substanciam,
differunt tamen, quia in illis possibilis debetur anime a parte
suae vnionis curn corpore ..., intellectus agens debetur anime in
quantum est hoc aliquid. n
Anonyme (maftre 6s arts, vers 1246/47), In de anima uef. (Roma
NaZ. V.E.828, f. 45vb) : a Commentator uult quod intellectus
possibilis corrupti- bilis est secundum eius substanciam, et idem
est secundum substanciam curn intellectu agente... est secundum
substanciam intellectus agens et possibilis, et uterque est anima
tota, set differunt secundum rationem R ; f. 46ra : a Et iterum
apparet per Commentatorem qui dicit quod intellectus possibilis
separabilis est secundum substanciam, et ponit ipsum idem esse curn
intel- lectu age.
Adam Noscol. de philos., 40, 1937, p. 210) : ;ia intellectus
agentis et possi- bilis ... VOIUIIL. aiiiiii quiuaiii... quuu uiia
e~ eadem sit substantia utriusque, que quidem secundum quod
inclinationem habet ad ymaginationem a qua recipit formas
intelligibiles dicatur substantia intellectus possibilis ... eandem
tamen substantiam, prout est in se considerata, dicunt esse
substantiam intellectus agentis ... Idem etiam per plures rationes
potest confirmari, tam secundum Aristotilem quam secundum
Commentatorem. r>
nte. , de Bocfe' n utrum ... 1-.-* --:-
Id (d. S , una et F " -.-:a--
alman, ii !adem sit
- - - - A .
z Revue . substant -'
Anonyme (mattre 6s arts, vers 1260), Q. in ires libros de anima
(d. Vennebusch, Paderborn 1963, p. 297, 255-258) : a Propter quod
tercia uia uidetur esse concedenda, curn Auerroy qui dicit [Il1 20,
219-222; d. Crawford, p. 4511 quod agens et possibile sunt due
uirtutes unius anime, quarum una est de genere actiuarum, alia de
genere passiuarum ; ut agens et possibile non nominant substanciam
anime set duas uirtutes unius anime nobis copulate. r
Anonyme (matre 6s arts, vers 1260), Q. in II el III de anima
(mss Oxford Merton Coll. 272, f. 245rb ; Siena Com. L. 111.21, f.
1811%) : u Quod autem intellectus agens sit aliquid ipsius anime
rationalis, muitis auctoritatibus potest confirmari. E t hoc primo
demonstratione Aristotilis ... Item, Cornmen- tator dicit quod
intellectus agens et possibilis sunt unum in substancia et duo in
operationibus tantum. ,
Siger (p. 45, 62-63) :
-
2?2 R. A. GAUTHIER f iel! . "a
connaissance des textes insuffisante, sa facult d'invention
nulle (on chercherait en vain chez lui une ide originale) ; mais,
une fois qu'il a reu d'un autre une hypothse, il excelle Q en
dvelopper jusqu'au bout les consquences. Empressons-nous d'ajouter
que Siger n'en restera 14 : peu Q peu, et de par les exigences mmes
de son enseignement, il apprendra h lire les textes ; confront la
critique, e t notamment Q celle de S. Thomas, il apprendra que la
logique n'est pas tout, et qu'elle doit s'incliner devant les leons
de l'exprience.
( A s u ' ' ivre) Commissio Leonina
1 Vecchia di Marino, 24 46 Grottaferrata (Italia)
n ~ s u m & DE L ' A R T L G ~ ~ . - idotes Sur Siger de
Brabant. 1. Siger en 1265 (a suivre). L e nom de Siger apparatt
pour la premibre fois dans les documents relatifs a u conflit
universitaire de 1265-1266, et c'est vers cette date que Siger
enseigne ses Questiones in I I I De anima. Le plaidoyer des
Picards, publid en 1909 par R. Poupardin, mais nglig par les
historiens de Siger, amkne rectiper le jugement portd par ces
historiens sur le r81e de Siger dans la crise universitaire et sur
son caractdre: Siger ne fut n i u n chef ni un violent, mais u n
comparse et u n timide. L'dtude des Questiones in I I I De anima
entrahe utte rvision d u m6me ordre: en 1265, Siger n'est pas u n
penseur personnel, il est encore u n dlbve; il doit l'essentiel de
son information et de sa pense a u x uvres des thologiens,
nofamment ail Commentaire sur les Sentences de S . Thomas; c'esf
des thologiens lient jusqu' sa manibre de lire Averrods, et son
originalifd ne dpasse pas le jeu lo9irlile qui consiste d prendre
la dfense de la thbse e impossible ,.
Une seconde partie s'attachera a u x anntes 1272-1275, a u
conflit doctrinal d 1' lYniuersir6 de Paris et a u rle qu'y joua
Siger.
SUMMARY. - Notes on Siger of Brabant. 1. Siger en 1265 (to be
continued) . Siger's name appears for fhe flrst f ime in documents
relating to the 1265-1266 universily
conflict and it i s around fhat t ime that Siger mas feaching
his Questiones in I I I De anima' T h e Picards' argument,
published i n 1909 by R. Poupardin, but neglected by siger"
hislorians, contributes to amending these historians' judgement o n
Siger's part in Ihe uniuersity crisis and on his dispositions:
Siger tuas neither a leader nor a violent but a secondary characier
and a shy individual. The study of the Questiones in II1 anima
entails a similar revision; i n 1265 Siger i s not a n original
thinker, he is
a
Pupil; he owes most of his information and thought to fhe worlrs
of theologians es^^^^^^^^ fo the Commentary of S i Thomas'
Sentences; he owes the theologians even hi8 way 01 reading Auerroes
and his originality i s no greater than the logical ezercise which
consis" i n defending the "impossible" thesis.
A second part will relate the happenings of the years 1272-1275
the doctrinal Co ut Paris Universify and Siger's part in the
euents.
ph. th.
DIM LA [ENSION THRAPEUTIQUE DU ACREM MENT DE LA PNITENCE DANS L
IOLOGIE ET I RAXIS
DE L'GLISE GR~CO-ORTHODOXE par Ange10 AMATO
identale, L ., .
sinon da ~~ c-:L--
raxis occ orie, sur -L ..,.-
Si dans la pi artir du X I I I ~ sicle1, ie sacremen5 ae
peIiiLeIie a assuiiie: GL i;ui~ipui LC ~core (( aujourd'hui )>
une physionomie fortement juridique, - dans la praxis et dans la
thologie grco-orthodoxe il est particulirement conu dans le cadre
d'une pdagogie de rtablissement et de gurison spirituelle de cette
maladie mortelle pour l'me qu'est le pch.
Afin d'illustrer cette affirmation, jetons un coup d'il rapide
sur les tll6ologiens et pasteurs grco-orthodoxes les plus notoires
de ces derniers sicles, en commenant directement aprs la priode du
Concile de Trente. En effet, ce fut partir de la fin du X V I ~
sicle que les Orthodoxes, solli- clts par les thologiens luthriens
de Tbingen, commencrent a. prciser, d'une faon systmatique e t
minutieuse, la comprhension thologique de leur conscience de foi.
Le sacrement de pnitence fut un des points les plus en relief dans
cette confrontation thologique, non seulement au cours de ce
sikcle, mais tout le long de la priode qui suit, jusqu'h nos
]Ours.
l ' pour les hypothbses d'explication de l'irruption soudaine et
de la consbquente anrm"ion exclusive du schbma judiciaire dans le
sacrement de pbnitence au XIII*
Cf- A. *MATO, I pronunciamenli tridentini sulta necessil della
confessione Ti:~"lentale nei canoni 6-9 della sessione XIV (25
novembre 1551) . Rorna 1974, P. 237-
9