-
D É C O U V R I R P O U R G U É R I R
&RECHERCHE SANTÉn°
84/ o
ctob
re-n
ovem
bre-
déce
mbr
e 20
00
n° 84 / 4e trimestre / octobre 2000 / 15 F / 2,29 uFondation
pour la Recherche Médicale
Vos dons en action p. 20Tribune presse : la médicalisation
en question p. 26
Point de vue : Bernard Maitte p. 28La Fondation à l’écoute p.
30Questions-réponses p. 36
p. 8 Prévention et nouvelles recherches
Vaincreles diabètes
Vaincreles diabètes
frm_5884_couv_ok 7/03/03 17:29 Page 1
-
2 Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr
imestre - octobre 2000
Pour la Fondation pour la Recherche Médicale, le dévelop-pement
d’une information scientifique à la fois rigoureuseet largement
accessible constitue un objectif majeur. La diffusion de ce type
d’information à un vaste publicest en effet nécessaire pour chacun…
et pour tous.
A l’échelle individuelle : les pathologies prospèrent sur le
terrain de l’ignorance, de l’absence de prévention, de dépistages
négligés,de modes de vie inadaptés… Autant de facteurs qu’une bonne
information médicale peut combattre. Cette idée est au cœur denotre
dossier consacré aux diabètes : les diabétiques qui s’ignorentou
qui sous-estiment les conséquences de leur affection sont
encorebien trop nombreux!Mais l’information est aussi indispensable
pour placer la rechercheau cœur du débat démocratique. Les
découvertes scientifiques, les avancées médicales sont désormais
porteuses de débats éthiquescomplexes. Comme le souligne Bernard
Maitte, dans la rubrique«Point de vue», les décisions qu’elles
appellent ne peuvent êtreconfiées aux seuls scientifiques, voire
aux seuls politiques.Que voulons-nous collectivement faire des
nouvelles conquêtes du savoir? Le débat doit être ouvert, les
participants nombreux… et bien informés.A vos côtés, la Fondation
s’engage dans ce partage des connaissancesscientifiques et
médicales.
Pierre Joly
Président
L’information, pourchacun et pour tous…
La Fondation pour la Recherche Médicale est
membre fondateur du Comité de la Charte de
Déontologie des associations humanitaires.
É D I T O R I A L Directeur de la publication :Pierre
Joly,Président de la Fondation pour la Recherche
Médicale,établissement reconnu d’utilité publique par décretdu 14
mai 1965Directeur général :Claire Dadou-WillmannComité de rédaction
:Claire Dadou-WillmannPr Claude DreuxAmah KoueviMarie-Françoise
LescourretDr Carole Moquin-PatteyClaude PouvreauMarie-Christine
RebourcetAdélaïde RobertPériodicité trimestrielleCopyright : La
reproduction des textes, même partielle,est soumise à notre
autorisationsur demande écrite préalable.Ont participé au dossier
:Gérard Réach, Jean-François Bach, Michel Marre, Eveline Eschwège,
Philippe Passa, Philippe Froguel, Charles Thivolet.Ont participé à
la rédaction :Marielle Mayo Corinne DupuyChantal GueniotMartine
LochouarnCorinne PézardAkéla SariPhoto de couverture :Uwe
Kreici/StoneConception, réalisation :
26, rue du Sentier75002 Paris
Date et dépôt légal à parution :ISSN 0241-0338Dépôt légal n°
8117Numéro CP 62273
Pour tous renseignements ou si vous souhaitez vous
abonner, adressez-vous à :Fondation pour la Recherche
Médicale54, rue de Varenne
75007 ParisService donateurs :
0144397576Information scientifique :
0144397568/92Publication :0144397565
Prix de l’abonnement pour 4 numéros :
60 F/9,15 uChèque à l’ordre de la Fondation
pour la Recherche Médicale
Site Internet : www.frm.org
✍
frm_5884_editosom_ok 11/03/03 17:49 Page 2
-
ÉCHOS SCIENTIFIQUESUne gélule-caméra, la maladie de Crohn, la
poussièreau service des allergies, la thérapie génique au secours
des enfants bulle… Les progrès de la recherchemédicale, tous
azimuts.
DOSSIERVaincre les diabètes : prévention et nouvelles recherches
En France, le diabète touche aujourd’hui 2,5 millionsde personnes.
Elucider les mécanismes d’une maladieaux complications multiples,
mettre au point des thérapies plus efficaces et moins
contraignantes… Où en sont les chercheurs?
Il n’y a pas de «petit» diabèteAvec le Pr. Philippe Passa,
service de diabétologie del’hôpital Saint-Louis à Paris, président
de l’Alfediam.
Les nouvelles pistes de rechercheMieux vivre son diabète au
quotidien
VOS DONS EN ACTIONLa Fondation pour la Recherche Médicale
présente les projets qu’elle soutient dans le cadre de son
programme «Action Recherche Santé 2000».
Combattre les cécités des personnes âgéesUn meilleur diagnostic
des retards mentaux liés au chromosome XSclérose en plaques :
débusquer les gènes de prédispositionet de gravitéUne toxine contre
les troubles urinaires associésà la sclérose en plaquesMieux
connaître les surdités héréditaires
La médicalisation en questionQuatre spécialistes, Joël Ménard,
Jean-Pol Tassin,Xavier Nassif et Didier Sicard, débattent des
évolutionsde la médicalisation à la tribune presse FRM.
POINT DE VUEMettre la science en cultureEntretien avec Bernard
Maitte, physicien, historien des sciences et épistémologue.
LA FONDATION À L’ÉCOUTERencontresLes professeurs Monique et
André Capron.
Léguer l’espoirUne femme engagée.
Questions-réponsesAvec le professeur Philippe Chanson.
4
8
15
16
18
20
21
22
23
24
25
26
28
3032
35
36
3
S O M M A I R EDR
Page 8 - Le diabète, à quand la fin des traitements
contraignants?
Page 34Une exposition pour mieux comprendrele rôle des sucres
dans le fonctionnement de notre organisme.
Gil L
efau
conn
ier
Page 5Cancer des os : une molécule à l’essaipour combattre les
douleurs osseuses.
Page 22 - Le Pr Jamel Chelly (Inserm/Cochin) travaille à
identifierles gènes liés aux retards mentaux sur le chromosome
X.
Pete
r Cad
e/St
one
CNRI
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr
imestre - octobre 2000
frm_5884_editosom_ok 11/03/03 17:49 Page 3
-
Les recherches sur l’obésitéont fait de grands progrèsau cours
de la décennieécoulée. Dernière découverteen date : on pourrait
stabiliser le poidsdes personnes obèses en inhibantl’activité d’une
enzyme impliquéedans le métabolisme des graisses.Cette enzyme, la
Dgat (acyl CoA :diacylglycérol transférase), joue un rôle important
dans la synthèsedes triglycérides, forme la plusimportante de mise
en réserved’énergie dans les cellules adipeuses.On pensait que
cette enzyme étaitindispensable au processus de synthèse et, de ce
fait, essentielle à la vie. Une étude montre qu’il n’enest rien.
Des souris privées de Dgatsont viables, se reproduisent et sont
en outre capables de synthétiser normalement des
triglycérides.Surtout, elles restent minces, mêmelorsqu’elles sont
soumises à un régimehypercalorique. Cette résistance à l’obésité
n’est pas liée à un manqued’appétit, mais au fait qu’elles sontplus
actives et brûlent plus de calories.Peut-être pourra-t-on un jour
proposer un inhibiteur de l’enzymeDgat aux personnes obèses, pour
leur permettre une cureamaigrissante sans souffrance. Il reste aux
chercheurs à trouver cet inhibiteur et à vérifier que la
suppression de cette enzymenaturelle n’a pas de répercussions qui
pourraient être néfastes. �
Source : Nature Genetics, mai 2000.
ÉCHOS SCIENTIFIQUESParce que nous souhaitons vous communiquer
une informationde qualité, hors des «effets d’annonce»,
indépendante des intérêtsfinanciers, nous avons rassemblé, dans
cette rubrique, les échosscientifiques et les faits les plus
marquants de la recherche
médicale mondiale de ces derniers mois. La thérapie génique au
secours des enfants bulle, une révolution dans la technique de
l’endoscopiedigestive, l’hormone de croissance contre la maladie de
Crohn, le VIH au service de la thérapie génique… Aperçu des
derniers progrès de la recherche biomédicale.
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr
imestre - octobre 20004
Manger sans grossir
Les recherches en laboratoire sur l’obésité avancent grâce à la
Dgat. Pour exemple, les souris qui ont reçucette enzyme résistent à
un régime hypercalorique et restent minces.
BSIP
/VEM
Parkinson ou le gène Parkin
Une vaste étude européennelancée par l’équiped’Alexis Brice à
l’hôpital
de la Pitié-Salpêtrière (Paris)
montre que des mutations
dans le gène Parkin sont
responsables de près de la moitié
des formes familiales précoces
de la maladie de Parkinson.
Or, chez les patients porteurs
des mutations, la maladie
évolue lentement et répond
mieux au traitement par la
L-Dopa, molécule thérapeutique
courante, que dans la forme
classique. Les chercheurs s’atta-
chent maintenant à connaître
la fonction de ce gène Parkin
et de la protéine qu’il produit,
pour mieux comprendre la
genèse de la maladie et proposer
de nouveaux traitements. �
Source : New England Journal of Medicine,mai 2000.
frm_5884_04-07_ok 10/03/03 17:15 Page 4
-
5
Combattre les douleursosseuses
Ostéoclaste creusant une lacune de résorptionosseuse, vu au
microscope électronique à balayage.
CNRI
Les douleurs violentes associées aux cancers osseux pourraient
être dues à l’action directe ou indi-recte des ostéoclastes
(cellules responsables de la résorption du tissuosseux). Dans une
étude récente, on a administré à des souris atteintesd’un cancer
des os de l’ostéoproté-gérine, une molécule qui inhibe l’activité
des ostéoclastes. La taille des tumeurs n’a pas diminué, mais on
n’a observé chez ces souris aucun signe habituel de douleur. Par
ailleurs, l’administration d’ostéo-protégérine seule n’a entraîné
aucuneréaction indésirable. Si son efficacitéest confirmée chez
l’homme, elle pourrait considérablement amé-liorer la qualité de
vie des maladesatteints de cancers osseux. �
Source : Nature Medicine, mai 2000.
L’endoscopie digestive classique sera-t-elle un jour supplantée
par la gélule-caméra ?
BSIP
/Vill
area
l
La gélule-caméra explore l’intestin
Mettre dans une gélule une caméra vidéo et la faire avalercomme
un cachet d’aspirine par un patient pour visualiserson intestin
grêle. Le procédé relève a priori de la science-fiction.
Et pourtant, les premiers essais réalisés chez dix volontaires
ont
montré qu’il peut être efficace. Un succès quasi
révolutionnaire.
L’endoscopie digestive, technique habituelle qui permet de
visualiser
l’intérieur de l’intestin, nécessite l’introduction, peu
agréable et
souvent douloureuse, par voies naturelles, de tubes souples
équipés
d’une caméra; alors que cette nouvelle procédure, qui repose
sur l’absorption d’une capsule sans fil, est totalement
indolore.
La gélule se déplace rapidement le long du tractus digestif
jusqu’à
son émission dans les selles – un parcours qui dure en
moyenne
24 heures, rapportent les expérimentateurs. La gélule contient
une
minuscule caméra vidéo, une source lumineuse et un
transmetteur
radio qui envoie les images vers un boîtier d’enregistrement
porté
par le patient. Avec ce système, qui permet plus de cinq
heures
d’enregistrement continu, les patients n’auront plus besoin
de rester confinés à l’hôpital durant l’examen
et seront libres de vaquer à leurs occupations. �
Source : Nature, mai 2000.
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr
imestre - octobre 2000
Gélule-caméra
frm_5884_04-07_ok 10/03/03 17:15 Page 5
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr
imestre - octobre 200066
ÉCHOS SCIENTIFIQUES
Un dérivé thérapeutique du VIHLa thérapie génique utilise
souventdes virus pour transférer des gènesthérapeutiques à
l’intérieur des cellules.Malheureusement, ces vecteurs sontsouvent
incapables d’insérer leursgènes dans des cellules au repos, ne se
divisant pas, précisément dans celles que l’on souhaite traiter.
Pour éviter cet écueil, une équipe de l’Institut Pasteur ne propose
rien de moins que d’utiliser le virus du sida.Il possède une
stratégie particulière :une fois entré dans la cellule, il
traversela membrane du noyau pour y transférerson matériel
génétique, même dans la cellule au repos. Bien entendu, avant
d’envisager son utilisationcomme cheval de Troie, il
étaitindispensable de le rendre inoffensifen le vidant de ses
gènes, excepté ceuxqui lui permettent de pénétrer dans le noyau.
L’équipe de Luc Montagnieret de Pierre Charneau vient
d’identifierces séquences. Il s’agit d’une portiond’ADN qui a
l’originalité d’être forméede trois brins. Les chercheurs ont
pu
vérifier qu’elle peut être utilisée pour transférer un gène
étranger à l’intérieur des cellules au repos. Si les essais sur
l’animal confirmentcette capacité, ce nouveau vecteurpourrait être
employé en thérapiegénique… y compris pour traiter le sida. �
Source : Cell, avril 2000.
Neurones du sommeil :mystère éclairciPourquoi certains
passent-ils de mauvaises nuits tandis qued’autres se lèvent frais
et dispos? Pour la première fois, une équipefranco-suisse de
chercheurs a percéune partie du mystère en débusquantles neurones
du sommeil. L’épopée de cette découverte ne date pas d’hier.Les
scientifiques avaient déjà remarquéil y a 20 ans l’existence de
neuronesactivés au cours de l’endormissementet inactivés pendant
les phases d’éveil.Mais il a fallu attendre 1996 pour
quel’Américain Chris Saper les localisedans une toute petite
région, l’airepréoptique ventrolatérale. Et aujourd’hui, leur mode
d’action est en passe d’être élucidé. De fait, desneurobiologistes
ont mis en évidencel’action inhibitrice de trois substances,la
noradrénaline, l’acétylcholine et la sérotonine libérées dans le
cerveaupar les neurones des centres d’éveil.
Les chercheurs pensent qu’il existeraitun équilibre permanent
entre leszones d’éveil et de sommeil : lorsquel’une inhibe l’autre,
le sujet s’endortou inversement. Quels sont lesfacteurs qui font
pencher la balance?Les cycles jour-nuit et l’action d’unehorloge
interne sont une explicationpossible. Autre hypothèse :
l’actiond’un peptide hypnogène qui iraitinhiber les neurones de
l’éveil etprovoquerait ainsi l’endormissement.Autant de points à
vérifier, mais les chercheurs envisagent d’ores et déjà d’appliquer
leur découverte à la création de nouveaux somnifères.Ils espèrent
également comprendrepourquoi les humains sontcondamnés à dormir
pour vivre.N’oublions pas que nous passons un tiers de notre vie à
dormir! �
Source : Nature, avril 2000.
Virus du sida attaquant un lymphocyte.
Des bactéries qui protègent de l’asthme
Les efforts d’hygiène destinésà éliminer les microbespourraient
augmenter les risques
d’allergie. Cette théorie en vogue
a reçu un début d’explication.
Notre organisme produit
des substances (cytokines)
intervenant dans l’immunité,
certaines (type 1) combattant les
infections et ayant la propriété
de diminuer la sensibilisation
aux allergies. Des endotoxines
produites par certaines bactéries
en stimulant la production
de facteurs de type 1 pourraient
aussi empêcher ou diminuer
le développement d’allergies.
Hypothèse que semble
confirmer une étude américaine :
au domicile de jeunes enfants
sensibilisés à des allergènes,
la poussière de maison contient
moins d’endotoxines. D’autres
études sont donc nécessaires
pour clarifier leur rôle.
Source : Lancet, mai 2000.
CNRI
/M. K
age
et P.
Arno
ld
BSIP
/Cha
ssen
et
frm_5884_04-07_ok 10/03/03 17:15 Page 6
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr
imestre - octobre 2000 77
De l’hormone de croissancecontre la maladie de Crohn
Indispensable au développement,l’hormone de croissance semble
avoirdes effets bénéfiques dans certainespathologies. Un exemple
vient denous être donné chez des patientsatteints de la maladie de
Crohn. Cetteaffection inflammatoire de l’intestin,qui se manifeste
par des diarrhées et des douleurs abdominales, entraînefatigue et
amaigrissement. Parfoissévères, les symptômes apparaissentsouvent à
l’adolescence ou au début del’âge adulte, puis sont
désespérémentchroniques. Une équipe américaine a testé cette
hormone en injectionintramusculaire. En quatre mois, les signes
cliniques ont régressé trèssignificativement chez les 19
patientstraités, alors qu’ils restaient stablesdans un groupe ayant
reçu un placebo.Cette amélioration leur a permis de réduire de
moitié leurs traitementshabituels, non satisfaisants. Un réelespoir
pour les 100000 Français atteints.Deux questions restent toutefois
ensuspens : quelle sera l’efficacité de cettehormone à long terme?
Et les effetssecondaires seront-ils acceptables? Lesréactions
observées ont été transitoires(œdème, maux de tête). Des étudesplus
longues seront nécessaires pourrépondre à ces questions. �
Source : New England Journal of Medicine,juin 2000.
La maladie de Crohn atteint la partie terminale de l’intestin
grêle.
Première médicale :
il est désormais
possible de guérir
par thérapie
génique. La voie a été
ouverte par une équipe de
recherche française dirigée
par le Pr Alain Fischer (hôp.
Necker-Enfants malades de
Paris), président du Conseil
scientifique de la FRM,
qui a traité des enfants
atteints d’un déficit
immunitaire héréditaire,
DICS-X. Cette maladie rare
(1 cas pour 150000 naissances,
soit 5 cas par an en France),
caractérisée par l’absence totale de cellules immunitaires,
est due à une mutation touchant le gène gamma/c situé sur
le chromosome X. Elle ne touche que les garçons. Pour éviter
les infections en attendant une greffe de moelle osseuse –
jusqu’ici
le seul traitement –, ils sont obligés de vivre dans une
bulle
stérile, à l’abri des microbes. Pour la première fois, deux
bébés
âgés de 8 et 11 mois au moment du diagnostic ont été traités
avec succès par thérapie génique. Plus d’un an après leur
traitement, ils grandissent et se développent normalement.
Pour corriger le DICS-X, ils ont reçu les cellules dont
dérivent
les globules blancs de l’immunité, dans lesquelles une copie
normale du gène gamma/c a été introduite. «Bien sûr, ils
devront
être surveillés pendant toute leur vie pour s’assurer de leur
bonne santé
et contrôler à long terme le succès du traitement», indique le
Pr Fischer,
spécialiste en immunologie et hématologie pédiatriques,
et coauteur, avec le Dr Marina Cavazzana (Inserm), de ces
travaux. «Mais c’est la preuve tangible de l’efficacité de la
thérapie
génique.» �
Source : Science, avril 2000.
Des enfants bulle guérispar thérapie génique
Les enfants bulle pourraient être bientôt libérés de leur «cage»
grâce à la thérapie génique.
AFP/
Jean
-Mar
ie H
uron
BSIP
/VEM
frm_5884_04-07_ok 10/03/03 17:15 Page 7
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 20008
D O S S I E RDR
Le diabète touche en France 2,5 millions de personnes et
entraînede graves complicationsreprésentant la premièrecause
d’hospitalisation.C’est dire l’enjeud’importance que représentent
les travaux de recherche des équipes françaises et
internationales.
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:40 Page 8
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 9
Obésité :
200000 personnes touchées par le diabète de type 1,
1800000 par le diabète de type 2 et 500000 diabétiques
qui s’ignorent… Comment faire face à cette maladie?
Aujourd’hui, les traitements restent très contraignants
et ne permettent pas d’éviter toutes les complications.
Le diabète relève à la fois de facteurs innés et du mode de
vie.
Comprendre ses mécanismes de déclenchement, mettre
au point de nouveaux traitements et des moyens
de prévention : tels sont les enjeux des programmes
de recherche actuels.
UNE MALADIE REDOUTABLE… ET EN EXPANSION p. 10
IL N’Y A PAS DE PETIT «DIABÈTE» p. 15
LES NOUVELLES PISTES DE RECHERCHE p. 16
MIEUX VIVRE SON DIABÈTE AU QUOTIDIEN p. 18
Prévention et nouvelles recherches
VAINCRE LES DIABÈTES
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:40 Page 9
-
D O S S I E R
l e d i a b è t e
e diabète est aujourd’hui un problèmemajeur de santé publique
affectantquelque deux millions de personnesen France. Comment
expliquer l’ex-plosion du nombre de cas? Quels sontles dangers de
cette affection? Et enpremier lieu, qu’est-ce que le
diabète?Comment devient-on diabétique ?Derrière cette maladie, ou
plutôt ce
groupe de maladies, se cache une réalité complexeque les
chercheurs sont loin d’avoir totalementélucidée.
«Passer à travers» : c’est la signification dumot d’origine
grecque «diabète». LesAnciens avaient déjà observé ces patients
quiboivent et urinent beaucoup. Le diabèterecouvre donc un ensemble
de troubles ayanten commun une soif intense (polydipsie) et
desmictions abondantes (polyurie). Dans le langagecourant, ce terme
désigne plus précisément lediabète sucré. Sa caractéristique : une
hyper-glycémie chronique, c’est-à-dire une augmen-tation
incontrôlée et permanente ou quasi per-manente de «sucre» (glucose)
dans le sang,résultant d’un déficit total ou partiel en
insuline,hormone du pancréas indispensable pour frei-ner
l’augmentation de la glycémie, après lerepas, par exemple.Les
diabétiques de type 1, autrefois appelés «insulinodépendants», ne
produisent pas d’in-suline. «Il s’agit d’un processus auto-immun
quiretourne les mécanismes de défense naturels contre lepancréas,
conduisant à la destruction progressive descellules sécrétrices
d’insuline, les cellules bêta des îlotsde Langerhans», explique
Jean-François Bach(Inserm U 25 – maladies auto-immunes :
géné-tique, mécanismes et traitements, hôpitalNecker, Paris). La
vie de ces malades est suspen-due à des injections quotidiennes
d’insuline. On parle aussi de «diabète maigre» ou «juvé-
nile», car il survient avant l’âge de 30 ans etentraîne un
amaigrissement.Beaucoup plus fréquent, le diabète de type 2,
ditaussi «non insulinodépendant», touche 90% desdiabétiques, soit
environ 1,8 million de Français.Dit encore «gras» ou «de la
maturité», ce diabètetouche plutôt l’adulte en surpoids, souvent
après40 ans. Du fait de cet excès de graisses, les cellulesdes
malades captent plus d’acides gras libres etmoins de glucose. «Ces
cellules semblent devenirplus résistantes à l’insuline. Le diabète
survient quandcette insulinorésistance s’associe à une anomalie
dupancréas qui se caractérise par une sécrétion
d’insulinerelativement insuffisante, explique Michel Marre(Inserm U
367 – physiopathologie expérimentalevasculaire, hôpital Bichat,
Paris). On estime que20% à 30% de la population possède un pancréas
àpotentiel insulinosécrétoire limité, mais seuls dévelop-peront un
diabète ceux qui ont à la fois un potentielinsulinosécrétoire
limité et une insulinorésistanceélevée.» Le diabète de type 2 peut
être traité enpremière intention par un régime alimentaire etdes
antidiabétiques oraux, mais il inquiète lesmédecins en raison de sa
progression fulgurante.«La génération du baby-boom, née après 1946,
est enpasse d’atteindre l’âge critique d’apparition de cetrouble.
L’augmentation du nombre absolu de diabé-tiques dans l’ensemble de
la population pourraitatteindre 10% du seul fait de ce changement
démogra-phique», redoute Eveline Eschwège, (InsermU 258 –
épidémiologie cardio-vasculaire et méta-bolique, hôpital
Paul-Brousse, Villejuif). Selonl’Organisation mondiale de la santé,
il y auraquelque 240 millions de cas en 2020 dans lemonde, soit
deux fois plus qu’aujourd’hui.
Dans les pays occidentaux, ce sont les deuxgrands types de
diabète. A côté des diabètesde type 1 et de type 2, il existe
d’autres types dediabète. Le diabète gestationnel survient
Une maladie redoutable…et en expansion
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 200010
● ● ●
Il n’y a pas «un», mais «des» diabètes
Des variantes nombreuses… aux origines diverses
LDossier réal isé en col laborat ionavec le docteurGérard
Réach,directeur del ’uni té Inserm U 341-serv icede diabétologiede
l ’Hôtel -Dieude Par is .
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:40 Page 10
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 11
Aliments
Muscle
Pancréas
Foie
Estomac
Le diabète est la conséquence d’une carence en insuline, totale
ou partielle. Soit l’insuline est absente (diabète de type 1). Soit
elle est en quantité insuffisante et ne permet pas un apport
correct de glucose dans les cellules (diabète de type 2). Dans les
deux cas, le glucose sanguin ne peut plus pénétrer dans les
cellules. Et, en l’absence d’insuline, au lieu de stocker du
glycogène quand la glycémie s’élève, le foie continue de relâcher
du glucose dans le sang. L’augmentation de la production de glucose
par le foie et l’impossibilité pour les cellules de consommer ce
glucose en excès expliquent donc l’hyperglycémie caractéristique du
diabète.
Diabète de type 1 Diabète de type 2
Insuline
Glucose
Récepteur à insuline
Récepteur à insuline modifié
Le carburant essentiel de l’organisme estle glucose. Il est
fourni par les aliments etdistribué aux cellules par le sang.
Pendantles repas, comparables aux pleins d’essenced’une voiture, le
taux de glucose sanguin(glycémie) s’élève. L’excédent de glucoseest
mis en réserve dans le foie et lesmuscles sous forme de glycogène,
unpolysaccharide formé par l’assemblage demilliers de molécules de
glucose ; en casd’excès important, il est aussi transformé en
graisse stockée dans le tissu adipeux.Entre les repas, l’organisme
peut puiserdans ses réserves. Le glycogène est ànouveau découpé en
molécules de glucosequi sont alors déversées dans le sang.Mais le
glucose ne peut pas traverserspontanément la membrane des
cellules.Le mouvement perpétuel de ce carburantvers les réservoirs
et des réservoirs versles moteurs que sont les cellules dépendd’un
subtil système de régulation hormo-nale orchestré par l’insuline.
Lorsque letaux sanguin de glucose s’élève au-dessusde la normale,
l’insuline est sécrétée par des cellules du pancréas contenuesdans
les «îlots de Langerhans», du nomde leur découvreur, un médecin
allemand. Cette hormone est la clef de la mise en réserve du
glucose et de son entréedans les cellules.
Le glucose, carburantorganique
Cellule
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:41 Page 11
-
multipliés par deuxchez les diabétiquespar rapport aux
non-diabétiques. Quelque soit le type dediabète, 1 ou 2, lesrisques
sont d’autantplus élevés que lediabète est ancien etmal contrôlé.
De nosjours, le danger decomplications aiguës,comme l’hypoglycé-mie
– chute du tauxde glucose dans lesang sous le seuil cri-tique de
0,6 grammepar litre mettant le
cerveau en péril –, est devenu rare grâce à unemeilleure prise
en charge thérapeutique et àl’éducation du diabétique. Mais les
compli-cations chroniques sont insidieuses, car elles sedéveloppent
à l’insu du patient. «Ce n’est pas àproprement parler l’élévation
glycémique qui est encause, mais son retentissement sur les
tissus», sou-ligne Michel Marre. De nombreux
mécanismes,incomplètement élucidés, sont impliqués. Parmices
processus, deux ont été clairement mis enévidence : la
glycosylation (ou glycation, anglic.)des protéines cellulaires et
l’accumulation desorbitol. La glycosylation est une réaction
chi-mique entre le glucose en excès et certainesprotéines,
susceptible de s’opérer partout dansl’organisme. Par exemple, dans
le sang, avecl’hémoglobine des globules rouges qui
véhiculel’oxygène dans le corps. Ou avec le collagène,dans le tissu
conjonctif. Les réactions de glyco-sylation accélèrent le
vieillissement des tissus enmodifiant les propriétés physiques et
chimiquesdes protéines. Elles altèrent ainsi les petits vais-seaux
sanguins en les rigidifiant et en les ren-dant plus perméables et
donc susceptibles des’obstruer. Parallèlement, la qualité du sang
sedétériore. Il circule moins bien. L’hémoglobine«glycosylée» ne
transporte plus l’oxygène vitalaux cellules. L’augmentation des
graisses dans lesang (cholestérol et, surtout, triglycérides)
etl’hypertension artérielle sont des facteurs aggra-vants. Dans
certains tissus, l’excès de glucose
D O S S I E R
l e d i a b è t e
lors de la grossesse, pendant les six pre-miers mois, et
disparaît après l’accouchement. Ilconcerne 3% à 5% des grossesses
et génère unrisque de macrosomie fœtale, c’est-à-dire la nais-sance
d’un enfant trop gros. De plus, près de lamoitié des femmes ayant
présenté ce type detrouble risquent de développer par la suite un
dia-bète de type 2. D’autres diabètes n’ont rien à voiravec le
pancréas. Le diabète rénal, par exemple,se caractérise par la
présence de glucose dans lesurines, mais la glycémie est normale.
Quant auxdiabètes dits «secondarisés», ils ont pour originedes
maladies bien précises, tels certains troublesendocriniens
caractérisés par une sécrétion exces-sive d’hormones
hyperglycémiantes commel’hormone de croissance ou le cortisol.
La gravité du diabète est liée à son évolution.«L’hyperglycémie
chronique expose les diabétiquesà de multiples complications,
notamment au niveaudes gros et des petits vaisseaux, des reins, des
nerfs etdes yeux, réduisant ainsi l’espérance de vie en l’absencede
traitement», indique Michel Marre. A âge égal,les taux de décès,
toutes causes confondues, sont
«L’hyperglycémie chronique expose les diabétiques à de multiples
complications. A âge égal, les taux
de décès sont multipliés par deux.»
12 Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
●●●
Le diabète de type 1 survient de façonsporadique et est souvent
diagnostiqué en phase aiguë, après que le systèmeimmunitaire a
détruit «en silence» les cellulesfabriquant l’insuline. On peut
identifier ce «prédiabète» avec des marqueursbiologiques. Prélude à
des essais
thérapeutiques de prévention, un groupe français de dépistage du
diabète a été créé pour fédérer les études de prédictionmenées dans
divers centres de diabétologie français. En Sardaigneet en
Finlande, où l’incidence de ce diabète est l’une des plusélevées du
monde (35 cas pour 100000, cinq fois plus qu’enFrance), la
quasi-totalité des grossesses fait l’objet d’un suivi.L’analyse des
prélèvements de sang ombilical vise notamment à identifier les
facteurs (alimentaires et viraux) soupçonnés de déclencher la
maladie chez les sujets prédisposés.
Diabète de type 1 : identifierles facteurs de risques
Pourquoi le diabète est dangereux
CNRI
/Med
net
Le glucose contenu dans les sucres est le «carburant»principal
de l’organisme.
Imag
e Ba
nk
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:41 Page 12
-
13
entraîne une accumulation de sorbitol, un alcoolissu de la
transformation du glucose. Une foisformé, le sorbitol est piégé
dans les cellules et lesfait gonfler. Cet effet a été clairement
démontrépour le cristallin, le rein et les nerfs. L’effet per-vers
de l’hyperglycémie chronique s’exerce ainsisur de nombreux organes.
A la longue, la mala-die accélère la formation des plaques
d’athérome(dépôts de cholestérol dans les parois
artérielles),augmentant les risques d’infarctus du
myocarde,d’hypertension artérielle, d’accident vasculairecérébral
et d’artérite des membres inférieurs. Enaltérant également les
capillaires de tout l’orga-nisme, elle peut aussi provoquer des
rétino-pathies (maladies de la rétine). Le diabète estl’une des
premières causes de cécité irréversibledans les pays
industrialisés, d’insuffisance rénalechronique et de glaucome
(maladie de l’œilmenaçant à terme le nerf optique). Enfin,
lesdiabétiques semblent plus sensibles que la popu-lation générale
aux infections cutanées, buccaleset gynécologiques.
A l’heure actuelle, le diabète de type 1 est traité avec de
l’insuline, le diabète de type 2avec des médicaments
hypoglycémiants et, dans
Prévenir les complications : un enjeu de santé publique
Les cellules bêta des îlots de Langerhans contenus dans le
pancréas endocrine sont responsables de la sécrétion
naturelled’insuline; leur destruction entraîne la lésion
pancréatique qui cause le diabète de type 1. La greffe d’îlots est
l’une des pistes de recherche thérapeutique.
tous les cas, le traitement est accompagné demesures
diététiques. On surveille la glycémie parles autocontrôles, que le
patient réalise lui-même,et par des analyses en laboratoire. Des
examenscomplémentaires destinés à déceler précocementd’éventuelles
complications sont pratiqués régu-lièrement. Mais on ne guérit pas
encore le dia-bète. «Avoir un diabète bien équilibré est le
souhaitque formule souvent le médecin pour son patient dia-bétique.
L’objectif des traitements et de la surveillancemédicale est de
maintenir la glycémie le plus prèspossible de la normale, le plus
longtemps possible.En pratique, explique Gérard Réach (Inserm
U 341 – génie biomédical et dia-bète sucré, Hôtel-Dieu, Paris),
le médecin doit fixer à son patientdiabétique un objectif
glycémique
individuel et le persuader d’y par-venir en suivant ses
indications. Ildoit également participer à sonéducation de
diabétique et lui faireprendre conscience du caractère per-nicieux
de la maladie.» Les désé-quilibres glycémiques sont, eneffet,
indolores. On ne souffrepas du diabète mais de sesconséquences.
Comme le
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
Chiffres à l’appui• 180 grammes :besoins journaliersen glucose
d’unhomme de 70 kg.Sur ces 180grammes, 120 vont au cerveau.
• 1,10 gramme/litre :taux normalmaximal deglucose dans le sang à
jeun.
• 80000 : nouveauxcas de diabètediagnostiqués en France, en
1997.
• 6000 : nouveauxcas de diabètediagnostiqués avant 40 ans
enFrance, en 1997.
• 60-65 ans :âge moyen des diabétiques de type 2.
• 20000 F :consommation de soins desdiabétiques de type 2
parpatient et par an, le double de la consommationmédicale
moyennedes Français.
• 7% : pourcentagede la populationaméricaine atteintede diabète,
contre2% à 4% en Europe.
● ● ●
Les injections d’insuline permettent de maintenir une glycémie
normale.
CNRI
Phan
ie/H
.Rag
uet
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:41 Page 13
-
D O S S I E R
l e d i a b è t e
14 Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
patient ne sent rien, il peut être tenté denégliger son
traitement et ses bilans médicaux.Les diabétiques de type 1, qui,
généralement,développent très tôt la maladie, ont moins
dedifficultés à se plier aux exigences du traitementque ceux de
type 2. Avec des collègues del’Inserm et du service médical de
l’assurancemaladie de Paris, Eveline Eschwège a réalisé unerevue
systématique des publications médicales etéconomiques sur le
diabète de type 2 en France.Selon l’une des conclusions, «60% des
diabétiquesde type 2 depuis en moyenne dix ans ont un surpoidsou
une obésité (…). Entre 20% et 30% présenteraientune pathologie
cardiaque, la moitié de ces patients ayantun antécédent d’infarctus
ou de revascularisation,50% ont une hypertension artérielle, 14%
présententdes neuropathies. Pourtant, rappelle Michel Marre,dans
tous les cas, des essais thérapeutiques régionauxont prouvé qu’une
surveillance médicale étroite et untraitement intensif peuvent
retarder l’apparition descomplications». Des programmes de
recherche
appliquée sont entrepris. L’essai DCCT (DiabetesComplication
Control Trial), par exemple, a étéréalisé aux Etats-Unis, entre
1973 et 1993, sur1470 diabétiques de type 1 âgés de 13 ans à 39
ans.Tous étaient traités avec de l’insuline, mais ungroupe a
bénéficié, en outre, d’un contrôle médi-cal intensif. Après sept
ans de suivi, ce groupe avaitdivisé par deux son risque de
microangiopathies –responsables de troubles oculaires et
rénaux.Concernant le diabète de type 2, l’étude UKPDS(United
Kingdom Prospective Diabetes Study) aété conduite au Royaume-Uni
entre 1977 et 1997sur près de 3000 diabétiques de type 2 chez qui
lamaladie venait d’être diagnostiquée. Elle visait àcomparer
l’intérêt d’un traitement conventionnel(mesures diététiques) avec
un traitement plusintensif incluant un médicament hypoglycémiant.Ce
dernier a permis de réduire le risque global decomplications de
25%. D’autres grands essais de cetype sont en cours. Leur objectif
: optimiser l’arse-nal thérapeutique actuel. Par exemple, l’intérêt
decertains médicaments sur les risques de complica-tions
cardio-vasculaires et rénales est en coursd’évaluation. On tente
aussi de vérifier si des mul-tithérapies fondées sur des cocktails
d’antidiabé-tiques oraux peuvent permettre de maîtriser laglycémie
de façon durable. Faire au mieux avec cedont on dispose, en
attendant de trouver la théra-peutique idéale… ■
Un ensemble de facteurs font le lit de la maladie, au premier
rangdesquels l’obésité et une prédisposition héréditaire. «80%
desobèses ne sont pas diabétiques, mais 80% des diabétiques
sontobèses», constate Philippe Froguel, directeur du département de
génétique humaine de l’Institut Pasteur de Lille. L’obésitésemble
impliquée dans le déclenchement du processus qui conduità
l’insulinorésistance chez les individus prédisposés. Dans le
cadred’une étude lancée en 1990, l’Institut Pasteur de Lille a
constituéla plus grande «banque» mondiale d’échantillons d’ADN
defamilles de diabétiques. Le centre dispose de données sur plus
de2500 individus appartenant à plus de 450 familles. Les
premiers
résultats ont permis de découvrirune dizaine de gènes
intervenantdans le déterminisme de la maladie.Par exemple, le gène
de laglucokinase, une enzyme qui joueun rôle clé dans le maintien
de laglycémie normale, ou le gène duglucagon, une hormone
contrôlantla production de glucose par le foie et régulant la
sécrétiond’insuline. Ces études ont permisde mettre au point des
modèlesanimaux afin de mieux comprendreles mécanismes qui président
au déclenchement de la maladie.L’enjeu pour les années à venir est
de dépister les personnessusceptibles de développer un diabète, et,
donc, d’envisagerles mesures préventives qui fontaujourd’hui
cruellement défaut.
Comprendre le diabète de type 2
Le test de glycémie : un autocontrôle qui vient compléter
lesanalyses et les examens nécessaires au dépistage et au
suivi.
●●●
Structure en trois dimensions de laglucokinase, enzyme impliquée
dansle maintien de la glycémie normale.Certaines régions de
l’enzyme peuventêtre mutées et perturber la productionde
l’insuline.
CNRI
/.E.
Kam
p
DR
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:41 Page 14
-
L’avis du professeur Philippe Passa, service de diabétologie,
hôpital Saint-Louis, à Paris, et président de l’Association de
langue française pour l’étude du diabète et des
maladiesmétaboliques (Alfediam).
Le diabète de type 2 est marqué par une explosion de type
épidémique.Face à la gravité des complications, qui pourraient être
significativementréduites par un suivi médical régulier et un
traitement correct, on ne peutque regretter l’ignorance de la
population générale, des patients et, hélas, de trop nombreux
médecins. Les 180000 à 200000 diabétiques de type 1,qui doivent
pour survivre faire tous les jours des injections d’insuline,
sontglobalement correctement soignés. Les complications ont été
considérable-ment réduites. On s’en réjouit, même si l’on peut
déplorer une augmentationlégère du nombre de cas dans notre pays.Le
diabète de type 2, lui, est un problème majeur de santé
publique,condamné à s’aggraver dans les prochaines années.
Rappelons qu’il toucheactuellement dans notre pays 1,8 million de
personnes et que ce nombre a doublé ces dix dernières années. A ces
patients connus et traités, il fautajouter 400000 à 500000
diabétiques de type 2 méconnus, donc non traités.Cette évolution
est liée au vieillissement de la population, à une alimen-tation
hypercalorique, riche en graisses, associée à une sédentarité, ce
quifavorise le surpoids et la survenue du diabète chez des sujets
génétiquement prédisposés. Il est fondamental d’améliorer le
dépistage des diabétiques quis’ignorent, en faisant doser la
glycémie chez tous les sujets de plus de 40 ans,ayant dans leur
famille un ou plusieurs cas de diabète de type 2.Une telle démarche
n’est pas suffisamment prescrite par les médecins,
et,malheureusement, les sujets potentiellement diabétiques ne le
réalisent pascar le diabète de type 2 est perçu à la fois comme une
maladie honteuse,punition d’excès passés, et comme une petite
maladie. N’entend-on pas dire :«J’ai un petit diabète.»? Ce qui ne
favorise pas une prise en charge active…Par malheur, chez ces
sujets qui cumulent souvent hyperglycémie, hyper-tension
artérielle, hyperlipidémie, voire tabagisme, la survenue à bas
bruit de complications cardio-vasculaires est extrêmement
fréquente.Le diabète de type 2 multiplie par trois le risque de
maladie coronaire. C’est de très loin la première cause des
amputations et des décès de l’adulte.Si tous les malades
bénéficiaient d’un suivi médical régulier et d’un trai-tement
correct, la survenue de ces complications dramatiques aux
planshumain et financier pourrait très bien être évitée. Une prise
en charge glo-bale du diabète et des différents facteurs de risque
cardio-vasculaire associés(tabac, hypertension artérielle,
hyperlipidémie) a fait la preuve de sa remar-quable efficacité.Il
est donc fondamental de dépister plus précocement les sujets
atteints, d’informer la population générale et les malades sur
cette redoutable ma-ladie silencieuse et sur les bénéfices
considérables que l’on peut tirer d’untraitement correct.
O p i n i o n
Il n’y a pas de «petit» diabète
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 15
DR
«Le diabète de type 2 estperçu comme une
maladie honteuse.
Et comme une petite
maladie. Il faut
améliorer le dépistage
des diabétiques qui
s’ignorent, en dosant
la glycémie des sujets
de plus de 40 ans
ayant dans
leur famille un
ou plusieurs cas
de diabète de type 2.
Cette démarche n’est
pas assez prescrite
par les médecins.»
La prise en charge globale, préventive et thérapeutique des
diabétiques a fait ses preuves. Pourtant, dans notre pays, 400000 à
500000 diabétiques s’ignorent…
frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:41 Page 15
-
D O S S I E R
our les diabétiques de type 1, le rêve seraitd’éviter les
piqûres»,indique Gérard Réach(laboratoire Génie
biomédical et diabète sucréà l’Inserm, unité 341, CHU
Hôtel-Dieu, Paris).Par voie orale, l’insulineest dégradée au cours
de la digestion. Les chercheursexpérimentent des formessusceptibles
d’être avalées.De minuscules capsulesabritant de l’insulinecombinée
à une autremolécule (un polymèrecolloïdal) sont testées surdes
animaux diabétiques.Quant à la voie nasale, les laboratoires
avancent.Toutefois, l’utilisation desprays à insuline augmentela
vitesse d’action de l’hormone : leur emploiserait donc limité,
avantun repas ou commeappoint pour corriger une soudaine
montéeglycémique. Autre axe de recherche : un capteurde glucose
produisant
L e d i a b è t e
Avec la col laborat ion de Gérard Réach, directeur de l ’uni té
Inserm U 341 – CHU Hôtel-Dieu, Par is , et Philippe Froguel,
chercheur au département de génét ique humaine, CNRS, Inst i tut de
biologie,Inst i tut Pasteur de L i l le .
16
en milieu artificiel ou sous forme congelée. Leur greffe a
permis de corriger le diabète chez les animaux. Chez l’homme,
uneexpérience canadienne a été tentée avec succèssur sept patients.
Si le résultat sembleépoustouflant, le recul et le nombre de
patientssont faibles. Et il faudrapréciser les indications. Autre
problème : pourqu’un malade de 70 kgpuisse se passer
d’injectionsd’insuline, il lui faudrait500000 îlots, la moitié du
nombre d’îlots présentsdans un pancréas. Les méthodes actuelles
nepermettent pas d’en isolerautant à partir d’un seulpancréas.
Quand on connaîtles problèmes pour trouverun donneur d’organe!Les
scientifiques s’oriententdonc vers les îlots porcins qui produisent
une insuline proche de l’hormone humaine. En France, on prépare des
porcs dits EOPS(exempts d’organismespathogènes spécifiques),mais la
crainte de transmettre des virusporcins à l’homme suscited’énormes
réflexions chez les scientifiques et les politiques. Pluslointaine,
la perspectived’insérer dans des cellulesdu foie un gène
contrôlant
Les nouvelles pistes de recherche
un courant électriqueproportionnel à la glycémie.«Une sorte de
systèmed’alarme destiné à mimer une des fonctions défaillantes des
cellules insulinosécrétricesdu pancréas qui est de mesurerà tout
instant la glycémie pourrégler la sécrétion d’insuline»,précise le
Dr Réach. Son équipe travaille en collaboration avecl’Université du
Kansas(Etats-Unis) et l’Ecole des mines de Fontainebleauà la mise
au point d’un système qui seraitimplanté sous la peau. Le plus
proche d’une misesur le marché, baptiséGlucowatch, se portecomme
une montre ; il comporte une partiejetable contenant une substance
capabled’extraire du liquide à travers la peau et d’enmesurer le
taux de glucose.
Des greffes à la thérapiegéniqueUne autre techniqueporteuse
d’espoirs est lagreffe d’îlots de Langerhans,que les chercheurs
saventdésormais isoler du restedu pancréas. «Il s’agit de gonfler
l’organe avec unesolution d’enzymes capables de les séparer, de les
recueillir,puis de les purifier avec un séparateur de
cellules»,explique Gérard Réach.Une fois récupérés, ils peuvent
être conservés
PComment vaincrele diabète? Les recherches en cours sur les
modes alternatifsd’administration del’insuline visent àaméliorer la
qualitéde vie des malades. A plus long terme,les médecinsespèrent
pouvoir les guérir. Des greffes de cellulesà la thérapie génique,
la diabétologie du troisièmemillénaire affûte ses armes. Le
pointsur les pistesactuellementexplorées…
La Glucowatch (non encorecommercialisée) se substituera
auxcellules défaillantes du pancréas pourmesurer la glycémiede
celui qui la porte.
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
frm_5884_16-17_ok 11/03/03 12:36 Page 16
-
17
des sensibilisateurs à l’insuline, des agentsluttant contre la
résistance des tissuscibles à l’action del’hormone. Parmi eux, la
4-hydroxy-isoleucine, un acide aminé isolé des graines du
fenugrec,une légumineuse de Méditerranée et d’Asie,dont l’intérêt
insulino-stimulant a été montré par des chercheursmontpelliérains.
Le GLP1
la production d’insuline.Une équipe israélienne du Sheba Medical
Center a montré qu’il est possiblede modifier ces cellules etde
déclencher le mécanismede synthèse d’insuline dans le foie de
souris. Il faut maintenant passer aux cellules humaines.
Vers des traitementsmieux ciblésPour les diabétiques de type 2,
on étudie
Les chercheurs ne négligent aucune piste, qu’il s’agisse de
soulager les malades au quotidien ou de les guérir : nouveaux modes
d’administration de l’insuline par voie orale ou nasale, systèmes
de veille glycémique, greffe d’îlots de Langerhans, thérapie
génique...
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
DR(un dérivé du glucagon), le vanadium (un métal) et une
molécule extraited’un champignond’Afrique sont
égalementinsulinostimulants.La génétique du diabète de type 2 n’a
pas permisd’identifier tous lesdéterminants génétiquesde la maladie
mais elle a éclairé les scientifiquessur les mécanismes du contrôle
de la glycémie,«surtout de l’insulinosécrétion»,
précise Philippe Froguel,(département de génétiquehumaine, CNRS,
Institutde biologie, InstitutPasteur de Lille). Ainsi, la mise en
évidencedu nombre de ciblesthérapeutiques potentiellespourrait
faciliter la mise au point de médicamentsplus ciblés, donc
plusefficaces. Tout l’enjeu de la diabétologie est de passer du
collectif à l’individu. �
«La mise en évidence de nombreuses cibles thérapeutiques
pourrait faciliter la mise au point de médicaments plus
efficaces.»
frm_5884_16-17_ok 11/03/03 12:36 Page 17
-
D O S S I E R
L e d i a b è t e
Avec la collaboration de Charles Thivolet, hôpital
Edouard-Herriot, à Lyon.
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 200018
L’exercice est vivementrecommandé car il augmentel’efficacité de
l’insuline et aide à prévenir l’obésité, voire à mieuxse prendre en
charge en ayantune influence positive sur lepsychisme. Privilégiez
la marche,le vélo et la natation. Mais si vousrecevez de
l’insuline, attention
aux sports en solitaire, comme l’alpinisme oula plongée, en
raison des risques d’hypoglycémie.Dans tous les cas, demandez
l’avis de votremédecin avant de vous lancer dans un sportviolent ou
une activité d’endurance telle quele footing. Et souvenez-vous :
mieux vaut un exercice physique régulier qu’une activitéintense et
ponctuelle.
Pédiatrie
Soutenir l’enfant et l’adolescent
Le diabète est une affection
chronique au long cours.
Pour que son évolution soit
le plus lente possible, outre
une étroite surveillance médicale,
la pleine participation du malade
est impérative. Or, il n’est pas rare
de voir des patients céder à un accès
de désespoir et rejeter leur maladie
et ses contraintes. D’où l’intérêt
d’un soutien médical,
mais aussi familial et social.
Quelques conseils pour bien
vivre avec son diabète.
Sport
Bien dans son corpsOn compte chaqueannée 7 à 10 nou-veaux cas de
diabète de type 1 pour 100000habitants chez les moinsde 15 ans,
apparaissantsoit avant l’âge de 4 ans,soit à la puberté. Les
sucreries (confiseries,boissons sucrées, glaces…)ne sont pas
interditesmais ne doivent pas êtreprises seules, sauf avismédical
contraire. L’adolescence est un cap difficile car les
transformationshormonales peuvent modifierles besoins en insuline.
De plus, le jeune patient peut mal vivre les contraintes de sa
maladie. Soyezattentifs et n’hésitez pas à demander un soutien
psychologique.
Mieux vivre son diabète au q
Imag
e Ba
nk
Imag
e Ba
nk
frm_5884_18-19_ ok 11/03/03 12:45 Page 18
-
Les divers types d’insulinedu marché se différencientpar leur
origine et leur vitessed’action (ultrarapide,
régulière,intermédiaire, ultralente).Quelle que soit la vôtre, elle
travaille de façon différenteselon le site d’injection. Dans le
ventre, elle agit beaucoup plusvite que dans les cuisses.
Pouréviter les grandes variations, on conseille de toujours
pratiquerl’injection du matin au même endroit, par exemple dans
l’abdomen. Si vous en utilisez le soir, choisissez unautre endroit,
toujours le même, par exemple les cuisses.Parlez-en avec votre
médecin ou votre pharmacien.
Insuline
Dans la cuisse ou… le ventre
1919
Aide, infos,conseils…• L’Associationfrançaise desdiabétiques
(AFD)regroupe 50000diabétiques adultesen France. Sur saligne Allô
Diabète (0140096809), diabétologues,assistantes socialeset
diététiciennesrépondent auxquestions du lundi au vendredi, de 9h à
18h. AFD : 58, rueAlexandre-Dumas -75544 Paris Cedex 11.Tél. :
[email protected]
• Aide aux jeunesdiabétiques (AJD) regroupe parents etpédiatres.
Elle proposedes guides pratiques,des sessions pour les parents et
des vacancessportives encadrées.AJD : 17, rue Gazan -75014 Paris.
Tél. : 0144168989.
• Une section dediabétiques existe ausein de la
Fédérationfrançaise de randonnéepédestre : 14, rueRiquet - 75019
Paris. Tél. : 0144899393.
• Le site Internet de l’Association delangue française
pourl’étude du diabète et des maladiesmétaboliques(Alfediam) est
ouvertau public :www.alfediam.org
• Le site Internet dela Fondation pour laRecherche
Médicalepropose un dossiercomplet sur le diabète.www.frm.org
On recommande trois repas «légers»pris à heures régulières,
souventaccompagnés de collations. Variez votrealimentation et
chassez le gras enchoisissant des produits laitiers et desviandes
plus maigres. Remplacez laviande par le poisson et les
légumineuses.Incluez du pain et des céréales de grainsentiers, des
fruits et des légumes.Consommez moins de sel et d’alimentssalés.
Enfin, «diététique» n’est passynonyme d’«aliment pour
diabétique».Certains produits diététiques ont une teneur en sel, en
graisses, en sucres ou en calories qui n’est pas adaptée.Lire
l’étiquette est donc essentiel !
Alimentation
Plaisir et vigilance
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
quotidien
Garo
/Pha
nie
Imag
e Ba
nk
frm_5884_18-19_ ok 11/03/03 12:45 Page 19
-
VOS DONS EN ACTIONLa recherche épidémiologique est encore trop
peu développée en France et, aujourd’hui, les fonds publics
suffisent rarement à financer un projet d’étude clinique ou
épidémiologique dans sa globalité. Forte de ce constat, la
Fondation pour la Recherche
Médicale a décidé de soutenir une série de travaux de ce type.
Pour y parvenir, elle a lancé le programme «Action Recherche Santé
2000» :un financement de 60 millions de francs au total, accompagné
d’un suiviscientifique assuré par un comité d’experts. Sur les 150
équipes qui ontrépondu à l’appel d’offres de l’automne 1999, 16 ont
été sélectionnées pourl’excellence scientifique et la qualité
méthodologique de leur projet ainsique l’opportunité du sujet
choisi face aux problèmes de santé publique :un plan d’action sans
précédent pour contribuer à guérir toujoursdavantage de maladies.
Gros plan sur cinq recherches.
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 200020
frm_5884_20-23_ok 11/03/03 12:47 Page 20
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 21
Tony
ston
e
Véritable problème de santépublique, la dégénérescencemaculaire
liée à l’âge(DMLA) est une maladie oculairequi touche 1,3 million
de personnesen France et 30 millions dans le monde. Elle est la
premièrecause de cécité dans les paysdéveloppés pour les
personnesde plus de 50 ans. La Fondationpour la Recherche Médicale
soutientdonc un essai clinique de grandeenvergure, puisqu’il inclut
18 centresd’ophtalmologie et 13 centres de radiothérapie. Dirigé
par le Dr Françoise Kœnig (serviced’ophtalmologie du CHU de
Saint-Etienne - hôpital Bellevue),il vise à évaluer l’efficacité
d’une irradiation par rayons Xdans le traitement des DMLA et la
tolérance des patients à cette radiothérapie externe.Liée au
vieillissement, la DMLA se caractérise par l’atteinte de la macula,
région de la rétine responsable de la vision centrale. Les patients
atteints ne peuvent ni lire, ni écrire, ni conduire, ni reconnaître
un visage. Seul traitement reconnu, le laser nepeut traiter que 15%
des cas, dontla moitié récidive à moins d’un an.En outre, il
détruit les cellulesvisuelles en même temps que lesvaisseaux
anormaux responsablesde la maladie. Depuis 1994, des traitements
alternatifs ont étédéveloppés (chirurgie, interféron,thérapie
photodynamique…),
dont les résultats sont controversés.Environ 40% des patients
restentinaccessibles à tout traitement.Pour cette population, la
radio-thérapie peut constituer un espoir, car plusieurs études
suggèrent ses bénéfices sur la DMLA. Pour la première fois, le
protocole mis aupoint pour cet essai tente d’établirdes modalités
reproductibles :indications, conditions de réalisation(doses,
durée, nombre de séances),surveillance. «En effet, il est
essentielde pouvoir disposer de données montrantque les bénéfices
attendus peuvent êtresystématiquement obtenus dans des centres
différents», explique le Dr Kœnig. Démarré en janvier 2000,
l’essai porte sur 280 patients devantêtre suivis pendant trois
ans. Pour évaluer l’efficacité réelle du traitement, la moitié des
patientsest traitée par radiothérapie, l’autrepar traitement
fantôme (placementdans les conditions du traitementmais sans
irradiation). Ni les patientsni les ophtalmologistes ne
sontinformés du traitement reçu. Le critère principal d’efficacité
estl’acuité visuelle, mesurée sur une échelle standardisée, un an
après le traitement. Tous les patients concernés sauront alors
s’ils peuvent compter sur la radiothérapie externecomme traitement
efficace.
Atteinte rétinienne due à la dégénérescencemaculaire liée à
l’âge (DMLA).
Dr Françoise Kœnig,hôpital Bellevue, Saint-Etienne.
Mar
c Ca
rbon
are
BSIP
/Kok
elAc
tionRec
hercheSan
té20
00.
Combattre les cécités des personnes âgées
frm_5884_20-23_ok 11/03/03 12:47 Page 21
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 200022
V O S D O N S E N A C T I O N
Un meilleur diagnostic des retards mentaux liés au chromosome
X
Gil L
eFau
conn
ier
Certains retards mentaux sont dus à des anomaliesportées par le
chromosome X.Difficiles à diagnostiquer, ces affectionsont des
conséquences médico-socialesimportantes. Leur fréquence dans la
population masculine est de 0,9 à 1,4 naissance pour 1000. En
effet, les hommes ne possédantqu’un seul chromosome X hérité deleur
mère, toute atteinte d’un gèneayant une fonction indispensable sur
ce chromosome entraîne chezeux une perturbation
fonctionnelle.L’équipe du Dr Jamel Chelly1, en collaboration avec
l’équipe du Pr Jean-Louis Mandel2, a lancé
en janvier 2000 une étude pouridentifier les gènes en cause dans
leretard mental lié au chromosome X.Elle prolonge les travaux
dulaboratoire de génétique et physio-pathologie des retards
mentauxdébutés en 1995. Entre 1995 et 2000,l’équipe du Dr Chelly a
identifiétrois gènes du retard mental lié au chromosome X et a
contribué à l’identification de trois autres.Mais ces six gènes ne
seraientresponsables que d’une très faibleproportion de cas et le
nombre de gènes impliqués dans la maladieserait beaucoup plus élevé
(supérieurà 30). Il devenait donc indispensable
d’initier des approches plus globales.C’est pourquoi la
Fondation pour la Recherche Médicale a décidé de soutenir ces
travaux. Ainsi, depuisjanvier 2000, en collaboration avecles
équipes du Pr Claude Moraine3,du Dr Vincent Desporte4 et du Pr
Jean-Louis Mandel, le laboratoiredu Dr Chelly a mis en œuvre la
technologie dite des «puces» à ADN : plusieurs centaines decopies
des séquences correspondantà l’ensemble des gènes du chromo-some X
sont déposées sur des surfacesd’environ 1 cm2
préalablementtraitées. Ces «puces» servent à tester le matériel
génétique de patients atteints de retard mental,afin de vérifier si
certains de leurs gènes ont une expression très diminuée, ce qui
suggéreraitleur possible implication dans la maladie. La
responsabilité dans le retard mental des gènes«candidats» ainsi
reconnus seraconfirmée par l’étude de famillesatteintes.
L’inventaire des gènes du chromosome X et la mise au point
technologique sont en cours. Les premiers essais sur des patients
devraient avoir lieu fin 2000. L’étude, qui doit
permettred’identifier une proportionsignificative des gènes
recherchés,constitue une étape indispensablepour améliorer le
diagnostic de ces maladies, en comprendre les mécanismes
fondamentaux et, à terme, pouvoir mettre en œuvredes stratégies
thérapeutiques efficaces.
1 - Laboratoire de génétique et physio-pathologie des retards
mentaux, institut de génétique moléculaire Cochin, Paris,
unitéInserm 129 «Physiologie et pathologiegénétiques et
moléculaires». A reçu, en 1999,le prix de la recherche médicale de
la FRM.2 - Unité Inserm 184 de Strasbourg«Biologie moléculaire et
génie génétique».3 - Service de génétique du CHU de Tours,hôpital
Bretonneau.4 - Service de pédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul,
Paris.
Dr Jamel Chelly,institut de génétiquemoléculaire Cochin,
Paris.
Action
Rech
ercheSan
té20
00.
frm_5884_20-23_ok 11/03/03 12:47 Page 22
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 23
Près de 60000 personnes enFrance souffrent de sclérose enplaques
(SEP). Cette maladieneurologique grave débute tôt – vers30 ans – et
se manifeste 2 fois sur 3par un handicap lourd après dix
ansd’évolution : troubles de la marcheet de la motricité des
membressupérieurs, atteintes de l’équilibre et de la coordination,
déficits de la vision et de la sensibilité…La sclérose en plaques
se caractérisepar la destruction, dans le cerveauet la moelle
épinière, de la myéline,une gaine de substance graisseuseentourant
les axones, ces longs prolongements des neurones qui
transmettent les messages nerveux. La cause de ces lésions
demeuremystérieuse. Les études épidémiologiques ontmontré que la
SEP est une maladiemultifactorielle. Interviendraient des facteurs
environnementauxinconnus (une «piste virale» a étésoupçonnée mais
non confirmée), etsurtout plusieurs gènes : une dizaine,peut-être
plus… Un seul a été repéré :l’un des gènes du système HLA(ensemble
de gènes gouvernant la production de «marqueurs» de l’identité
immunitaire) seraitimpliqué. Mais on ne sait pas lequel.Le projet
coordonné par
le Dr Bertrand Fontaine, du groupehospitalier Pitié-Salpêtrière
(Paris)pour le volet recherche et par les Prs Michel Clanet
(Toulouse) etGilles Edan (Rennes) pour le voletclinique, vise à
identifier tous cesgènes de prédisposition et de gravité.«Grâce à
ce que nous savons déjà des anomalies tissulaires et immunitairesde
la maladie et aux modèles animaux,nous avons sélectionné 200
gènes“candidats” pouvant être impliqués. Ils vont être étudiés chez
500 malades et chez des témoins indemnes. Le travailréalisé dans le
séquençage du génomehumain rend ce projet possible car nousallons
disposer de marqueurs génétiquesprécis, situés au cœur même des
gènes»,explique le Dr Fontaine. Le traitementstatistique de ces
données permettrade déterminer quels gènes sontassociés à la SEP et
dans quelleproportion. La principale difficulté,méthodologique,
sera de valider les résultats de l’analyse statistique.«Nous avons
déjà collecté les prélève-ments sanguins de 300 malades et la
recherche biologique va commencer.»Tout un réseau de services
hospitaliersde neurologie et de laboratoires derecherche de
l’Inserm et du CNRScollabore avec la Fondation pour la Recherche
Médicale à ce travailqui prendra 3 à 5 ans, et permettrad’ouvrir de
nouvelles voies vers la compréhension et le traitementde la
sclérose en plaques.
Gil L
efau
conn
ier
Dr Bertrand FontaineFédération de neurologie, groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière (Paris).
Lésions de démyélinisation dans la sclérose enplaques : coupe
frontale d’un hémisphère cérébral.
DR
Action
Rech
ercheSan
té20
00.Sclérose en plaques :
débusquer les gènes de prédisposition et de gravité
frm_5884_20-23_ok 11/03/03 12:47 Page 23
-
V O S D O N S E N A C T I O N
24
les autres troubles moteurs dus à la SEP limitent l’autonomie
des malades. En dernier recours, la chirurgie peut être
envisagée.En France et à l’étranger, quelquesétudes sur des blessés
de la moelleépinière ont montré que l’injectiondans le sphincter
urétral d’une faibledose de toxine botulinique (unepuissante toxine
bactérienne)paralysait partiellement ce muscle,provoquant le
relâchementnécessaire à une bonne miction. Le Dr Philippe Gallien
(hôpitalPontchaillou de Rennes) a proposéd’évaluer cette méthode
pour traiter les dyssynergies vésico-sphinctériennes associées à la
SEP,d’autant qu’une seule injection de toxine botulinique reste
efficacedurant trois à quatre mois. Au-delà de la guérison,
l’améliorationde la qualité de vie des malades est aussi une
préoccupationconstante de la FRM, qui a décidé de s’engager dans
cette étude.Un protocole en double aveugle
contre placebo a été élaboré. Des patients présentant
unerétention d’urine de plus de 100 mlreçoivent une injection
unique, soit de toxine botulinique, soit de placebo, la nature du
produitinjecté n’étant pas dévoilée. Après trente jours, on mesure
la rétention et divers paramètres de la fonction urinaire. Le gain
de confort est aussi évalué à l’aided’échelles de qualité de vie. A
cejour, 55 patients ont été inclus dansl’étude menée par trois
centres, àRennes, Paris et Bordeaux. Commeil s’agit d’une étude en
doubleaveugle, même les chercheursdevront attendre son issue, au
plustard fin 2001, pour connaître lesrésultats. «Il est donc
difficile d’en parlerdès maintenant, explique le Dr Philippe
Gallien. Mais notreimpression est assez favorable : letraitement
n’aggrave pas l’incontinence,et les patients semblent satisfaits
puisquecertains nous demandent de prolonger les injections au-delà
de l’étude.»
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
Dr Philippe Gallien,hôpital Pontchaillou de Rennes.
La sclérose en plaques (SEP) est responsable de
dysfonctionnementsneuromusculaires touchant toutes les fonctions de
l’organisme. Ainsi, 70% des malades souffrent de troubles urinaires
d’intensitévariable. Une fois sur deux, il s’agitd’une dyssynergie
vésico-sphinc-térienne : lors de la contraction de la vessie, le
sphincter strié, puissantmuscle qui entoure l’urètre, ne serelâche
pas totalement et empêche la vidange complète de la vessie.D’où une
rétention urinairefavorisant les infections etresponsable de
désagréments allantdes envies impérieuses d’uriner à l’incontinence
urinaire. La prise en charge actuelle de ces troubles n’est pas
optimale :les médicaments disponiblespermettent de réduire le tonus
du sphincter, mais sans restaurer un fonctionnement correct de la
vessie. Celle-ci peut être vidée parplusieurs sondages quotidiens,
mais
VU/F
abric
e Pi
card
Action
Rech
ercheSan
té20
00.Une toxine contre les troubles urinaires
associés à la sclérose en plaques
frm_5884_24-27_ok 11/03/03 17:27 Page 24
-
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 25
l’étude fondamentale, génétique et clinique de cette atteinte.
Ses recherches ont déjà permisd’isoler les gènes responsables de
onze formes de surdités. Elles ontinitié la constitution de
plusieursréseaux d’études avec les pays du bassin méditerranéen
(Tunisie,Liban, Turquie, Iran…), en Europe(Angleterre, Espagne et
Israël) et en France (avec déjà 15 centresORL, dont le laboratoire
du
En France, la surdité touche 4 millions de personnes et
constitue le déficit sensorielle plus fréquent*. Son origine
estgénétique chez 80% des enfantsatteints mais, à ce jour, sur la
centaine de gènes impliqués, seul un petit nombre a été
identifié.L’équipe du Pr Christine Petit, du Laboratoire de
génétique des déficits sensoriels (CNRS URA1968 - Institut Pasteur)
poursuit
Géra
rd U
fera
s
Le conduit auditif externe conduit au tympan,puis à la trompe
d’Eustache.
BSIP
/CM
SP/D
AVEN
HEIM
ER
Pr Christine Petit,Institut Pasteur, Paris.
Pr Eréa-Noël Garabédian à l’hôpitalTrousseau - Paris, plus grand
centre ORL pédiatrique européen).«Il est essentiel de conjuguer de
façonétroite recherche fondamentale et recherche clinique car, sans
la connaissance des phénomènesmoléculaires, cellulaires et
génétiques,aucune thérapeutique ne peut êtreenvisagée», souligne le
Pr Petit. La compréhension des surditéshéréditaires met en jeu un
faisceaud’approches complémentaires. Sur le plan clinique, les
chercheurss’attachent à décrire les diversesformes de surdité
(fréquence,évolutivité, sévérité), notammentpour pouvoir informer
les familles.Ces travaux visent à développer le diagnostic
moléculaire, qui permet d’identifier le caractèrehéréditaire d’une
surdité etd’élaborer des traitements adaptés. Des études
pharmacologiquesseront mises en œuvre concernantla surdité
génétique liée au gène de la connexine 26 (responsable de 50% des
cas en Europe du Sudet au Moyen-Orient), ainsi que des approches
par thérapie génique.Ce travail, auquel s’associe la FRM, démarre
cette année.Le fonctionnement de l’oreilleest encore en partie
méconnu, et les mécanismes dont l’atteinteconduit à une perte
d’audition sont divers. On peut penser qu’au moins certains d’entre
euxseront accessibles à un traitement.
* Recherche & Santé n° 82 - avril 2000.
Action
Rech
ercheSan
té20
00.
Mieux connaître les surdités héréditaires
frm_5884_24-27_ok 11/03/03 17:27 Page 25
-
Surprescription et surconsom-mation de médicaments,insuffisance
de certaines pra-tiques diagnostiques, désin-formation… Les médias
«dénoncent»périodiquement ce que certainsconsidèrent comme des
excès, desabus ou des insuffisances en matièrede médicalisation. La
surconsomma-tion d’antibiotiques ou de psycho-tropes fait,
notamment, l’objet denombreuses interroga-tions. Tout ceci ne
faitpourtant que traduire unproblème beaucoup plusvaste : «C’est le
concept de médicalisation dans sonintégralité et son évolu-tion
qu’il faut repenser»,explique Joël Ménard,professeur de santé
pu-blique et ancien direc-teur général de la Santé.
Antibiotiques : éviter la résistance bactérienneSi, il y a
quelques années, l’idée demédicalisation était parfois réduiteà des
considérations strictementéconomiques, son évolution
obligeaujourd’hui à étendre la réflexionau-delà des «simples»
dépenses desanté. «Ce n’est pas de médicalisation,mais bien
d’individu médicalisé dont ilfaut parler», poursuit le Pr
Ménard.Toute pratique médicale, qu’ellesoit à finalité
thérapeutique oudiagnostique, doit être discutée enconsidération de
la balance béné-fices/risques, tant pour le patientque pour la
société. Ainsi, prescrireun antibiotique(1) pour une anginedont on
sait que l’origine est bacté-
rienne dans 10% des cas resteune pratique injustifiée pourles
90% restants, d’originevirale. «Non seulement le trai-
tement est alors inadapté, maisces patients traités sans raison
par
Tribune presse
antibiothérapie encourent le risque de développer des
résistances au sein deleur flore bactérienne. Le risque de
tellesprescriptions n’est pas tant individuelque collectif»,
précise le Pr XavierNassif, président du CLIN(2) de l’hô-pital
Necker à Paris.La résistance bactérienne aux anti-biotiques est un
phénomène gravequ’on ne peut cependant imputerexclusivement à des
pratiques mé-
dicales inadaptées. Enmatière d’infections noso-comiales,
notamment,«le risque zéro n’existepas, rappelle lePr Nassif.
Bonneou mauvaise, lamédicalisation suit l’in-formation». A en
croireJoël Ménard, la diffusiond’une information dequalité et
adaptée, auprès
du grand public comme auprès desprofessionnels de santé,
conditionnel’évolution de la médicalisation. Lesmédias, entre
autres, ont donc unrôle fondamental à jouer en termed’information
de santé… Un sujetpour lequel le grand public, concernéau premier
chef, manifeste toujoursune appétence naturelle.La médicalisation
est désormaisétroitement liée au besoin de qualitéde vie, à la
volonté de vivre mieux etplus longtemps. Elle est une réponseparmi
beaucoup d’autres au moinsaussi utiles. Cette acception s’accor-de
avec celle de l’OMS(3), qui neréduit pas la «santé» à la
simpleabsence de pathologie ou d’infirmi-té. La médicalisation ne
se limitedonc plus au diagnostic et à la priseen charge des
pathologies.
Généraliser l’information sur les psychotropesL’importante
consommation d’an-tibiotiques et de psychotropes en
Il faut rétablirune médecine
de santépublique
tenant comptede l’individu.
Le 20 juin 2000, la Fondation pour laRecherche
Médicaleorganisait unenouvelle conférencede presse
intitulée«Inflation de la médicalisation?Médecin et patientface à
leursresponsabilités». Un grand titre pour un grand débat qui,une
fois encore, avait pour objectif de sensibiliser les pouvoirs
publics, les professionnels de santé et le grandpublic via les
médias.Pas moins de quatrespécialistes – JoëlMénard,
Jean-PolTassin, Xavier Nassifet Didier Sicard –livraient leur point
de vue sur l’évolutionde la médicalisationen France.
V O S D O N S E N A C T I O N
La médicalisation en question
26 Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
frm_5884_24-27_ok 11/03/03 17:27 Page 26
-
France reflète une carenced’information. «Si les gens ensavaient
plus sur les psycho-tropes, ils en utiliseraient moins»,résume
Jean-Pol Tassin. La Francedétient le record européen de
leurconsommation, mais les connais-sances des médecins sur ces
médi-caments, leurs modes d’action etleurs effets secondaires sont
sou-vent insuffisantes. «Il faut cependantreconnaître qu’informer
dans ce domai-ne n’est pas simple, car les modes d’ac-tion des
psychotropes ne sont pas encoretous parfaitement connus», indique
leDr Tassin. Dépendance physique oupsychique, somnolence…, de
nom-breux troubles peuvent apparaîtrelorsqu’une prescription est
inadap-tée. «Sans compter les interactions entreles différentes
classes de psychotropes. Làencore, c’est une question
d’informa-tion», conclut le Dr Tassin.Si la surconsommation de
psycho-tropes n’affecte – contrairement àcelle des antibiotiques –
«que» l’in-dividu, il est impossible d’en négli-ger la dimension
globale. «Trop de
médecins pensent et agissent àl’échelle individuelle. Il faut
réta-
blir une politique et une médecine desanté publique qui prenne
en comptel’individu et la société, explique DidierSicard. Devant
les interrogations et lesinquiétudes du patient, le médecinrépond
trop souvent par une prescrip-tion – alors qu’informer suffirait
parfoispour rassurer.»La médicalisation est donc en
pleineévolution. «Elle profite des formidablesprogrès de la
recherche, toutes disci-plines confondues», conclut JoëlMénard.
Cultiver la pluridiscipli-narité des recherches, comme lefait la
Fondation pour la RechercheMédicale, conditionne l’évolutionet la
qualité de la médicalisation. �
1- Substance qui inhibe la croissancebactérienne et n’a aucune
action sur les virus.2- Comité de lutte contre les
infectionsnosocomiales (infections contractéesen milieu
hospitalier).3- «Health is a state of completephysical, mental, and
social
well-being and not merely theabsence of disease or
infirmity.»Trad. : «La santé est un état decomplet bien-être
physique, mental etsocial, et ne consiste pas seulement enl’absence
de maladie ou d’infirmité.»
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000 27
frm_5884_24-27_ok 11/03/03 17:28 Page 27
-
28
P O I N T D E V U E
Julie
n Gr
atal
oup
Jamais les progrès scientifiqueset médicaux n’ont été si
rapides, jamais la science n’aautant façonné notre
quotidien.
Science parcellisée dont ladémarche et les enjeux restentencore
étrangers au plus grandnombre. Pour Bernard Maitte,
enseignant-chercheur et fonda-teur du Centre de culture
scien-
tifique du Nord-Pas-de-Calais,faute d’une politique
culturelle
scientifique ambitieuse, ce hiatus entre la science
comme elle se fait et la sociéténe peut que s’accentuer.
Entretien avec BERNARD MAITTE, PHYSICIEN, HISTORIEN DES SCIENCES
ET ÉPISTÉMOLOGUE
Parler de culture scientifique, c’estd’abord s’interroger sur ce
qu’est laculture. Elle désigne les représentationsdes individus
d’une même époque. Ellepermet de se situer dans un ensemble
complexe de relations entre des catégories diffé-rentes de la
pensée et de l’action, et de les inscriredans l’histoire. Culture
«scientifique» : le qualifi-catif entame déjà cette globalité.
Surtout, la sciencecontemporaine ne fonctionne pas comme
uneculture. L’augmentation des savoirs scientifiquesproduits par
des chercheurs ultraspécialisés n’apeut-être pas grand-chose à voir
avec la culture.Toute carrière scientifique et même médicale
estl’histoire d’une spécialisation croissante. Souvent,les
chercheurs d’une discipline ne comprennentpas la discipline
voisine, voire, même, ils en igno-rent le langage. Leur formation
ne comporte à derares exceptions près ni épistémologie, ni
histoireou philosophie des sciences. Elle ne les préparedonc pas à
une pensée scientifique d’ensemble.Ce n’est donc plus sur la
diffusion d’une culturescientifique au sens du siècle des Lumières
qu’ilfaut s’interroger. Mais sur la problématique de
Mettre la scienceen culture
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
frm_5884_28-29_ok 11/03/03 14:21 Page 28
-
29
l’élaboration des savoirs, et des objectifs que doi-vent viser
les actions culturelles scientifiques.
L’image d’un savoir dogmatiséCette logique interne de
développement de la
science moderne est confortée par l’enseignementactuel. Il
faudrait enseigner l’esprit et la méthodescientifiques, présenter
la recherche scientifiqueavec ses erreurs, ses tâtonnements,
montrer ladiversité des approches. Mais on fait comme si lascience
était achevée, on diffuse un savoir dogma-tisé dont l’acquisition
s’apparente à un dressage.Cette formalisation poussée est utile aux
futursscientifiques. Mais, transformée en outil de sélec-tion, elle
a surtout instauré un barrage psycho-
logique entre la science et la majorité des indi-vidus. Quand
l’enseignement scientifique a étéintroduit en 1905 dans une
éducation entière-ment littéraire, il s’agissait de donner accès à
lascience à 2% d’une classe d’âge. Certes, il y a eudes réformes
depuis. Mais aucun pays ne pra-tique encore un enseignement
scientifique dequalité pour le plus grand nombre. Et comme
lesétudes ne sont plus garantes de réussite sociale,il y a
dévalorisation du processus éducatif qui setraduit par une chute
forte du nombre d’étu-diants en sciences.L’image de la science,
elle aussi, s’est dégradée.Constituée au XVIIe siècle au sein d’une
idéo-logie du progrès, elle était censée apporter auxhommes la
connaissance, les libérer desanciennes croyances, leur donner le
bonheur.On a compris depuis Hiroshima qu’il faut réflé-chir sur le
sens des applications : la science per-met l’éradication des
maladies, dans le même
temps où elle est confrontée à des menacesnouvelles.
Le fossé est toujours plus grand entre la com-munauté
scientifique productrice d’un savoir deplus en plus complexe et la
société qui devraiteffectuer des choix, notamment éthiques,
quantaux applications qu’il conviendrait de dévelop-per. Cette
capacité de choisir ne peut être effec-tive alors qu’il existe un
hiatus entre science etculture, entre science et démocra-tie, qu’il
faut réduire. Pour JeanMarc Levy-Leblond, épistémo-logue et
philosophe des sciences, ilfaut «mettre la science en culture».
Ils’agit d’introduire de la culture
dans la science, en ouvrant lesavoir scientifique sur
d’autresformes d’activités. Il faut éclairerpar la philosophie,
l’épistémologieet l’histoire des sciences les disci-plines les plus
actuelles.
La science en cultureIl faut aussi mettre de la sciencedans la
culture, prendre en comp-te la diversité des individus dansleur
façon d’être, de comprendre,pour les initier à ce qu’est la pen-sée
scientifique : une pensée qui seremet en question, qui permet dese
lancer dans l’investigationrationnelle du monde… mais quise nourrit
aux sources du rêve etde l’imagination.Comment faire? Surmonter
pardes approches ludiques, expéri-mentales, le barrage
psychologiques’opposant à la prise en compte desquestions où
intervient la sciencevia des expositions alliant scienceet
esthétique. Montrer les diversesapproches possibles des
problèmesposés par les sciences et les tech-niques dans la société.
Multiplierles débats pour faire émerger lesenjeux éthiques ou
sociaux.Cette démarche éducative à longterme nécessite une vraie
ré-flexion, une volonté politique etdes moyens. La pensée
scientifiquen’est pas suffisante pour éclairerles affaires
humaines, mais elle esttout à fait nécessaire pour contri-buer à
les appréhender.
Physicien de formation,Bernard Maitteest professeur en
épistémologie et histoire des sciences à l’université Lille I,où il
dirige la filière«journalistesscientifiques»créée avecl’Ecole
supérieure de journalisme de Lille. En 1984, un rapport qu’il
rédige lance la politique des centres deculture
scientifique,technique etindustrielle (CCSTI).Ces
organismesdiffusentl’information,notamment auprès des
publicsscolaires, via desexpositions, desanimations et desdébats.
Fondateuren 1982 de l’ALIAS(devenue par la suite CCSTI du
Nord-Pas-de-Calais), BernardMaitte en a assuréla directionjusqu’en
1997.
Le fossé est toujours plus grand entre la communauté
scientifique et la société. Thierry
Dup
onch
elle
En matière d’éthique biomédicale, on s’en remet souventaux
scientifiques. Pourtant, un médecin spécialiste de la procréation
médicalement assistée, par exemple, n’estpas forcément le plus
compétent pour traiter de ses impli-cations psychologiques ou
sociales. Toute la société devraitpouvoir débattre sur ce
développement qui modifie notrefaçon de penser, de vivre. Jamais un
tel débat n’a eu lieudans aucun parlement. Sauf en France, avec la
première loi sur la bioéthique de 1994, qui va être bientôt
révisée. Et encore. Quand on nomme un comité d’éthique, on désigne
des experts auxquels on demande des avis. C’est mieux que rien.
Mais, ainsi, on pallie les manques de ladémocratie. Permettre de
combler ces manques, tel est l’undes enjeux majeurs de la diffusion
de la culture scientifique.
Ethique et démocratie
Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r
imestre - octobre 2000
frm_5884_28-29_ok 11/03/03 14:21 Page 29
-
LA FONDATION À L’ÉCOUTE
Fondat ion pour la recherche médica le • numéro 79 • 3 e t r
imestre - ju i l le t 199930 Fondat ion pour la recherche médica le
• numéro 79 • 3 e t r imestre - ju i l le t 19993030
Vous faire partager l’enthousiasme et l’énergie déployée par les
bénévoles des Comités régionaux pour réunir les donateurs et les
chercheurs autour et en faveur de la FRM. Etre présentsdans les
moments d’émotion, d’espoir et de réussite, être ensemble
pour mieux encourager la recherche et mieux se connaître. Tel
estl’objectif de la rubrique «la Fondation à l’écoute», qui, chaque
trimestre,nous réunit autour de quelques temps forts.
Rejoignez-nous…
Dans le cadre de la journée sur l’audition du 7 mars2000,
l’ARDDS-Aix (Associationde réadaptation et de défense des devenus
sourds et des malentendants de la région d’Aix-en-Provence)
organisait, entreautres actions, une représentation théâtrale un
peu particulière. «Le Rideau», spectacle créé par la compagnie du
Passeur,était, en effet, rendu accessibleaux sourds et aux
malentendantsgrâce à une boucle magnétique
et à un surtitrage simultané surgrand écran. Résultat : une
sallecomble, de l’émotion, des rires et la satisfaction du public
devant le jeu parfait des acteurs. Autre bénéfice, et pas
desmoindres, plus de 11000 francs,correspondant à la recette de
cette action, ont été versés à la Fondation pour la
RechercheMédicale. Cette somme seraaffectée à la recherche sur
lessurdités. «Ce type d’action est un premier pas pour faire
avancer
les recherches, mais c’estaussi la démonstration,grâce à des
équipementsadéquats, que même sourdou malentendant, il estpossible
de participer à un spectacle culturel»,soulignait JacquesSchlosser,
président de l’ARDDS-Aix. Un grand bravo à cetteaction
remarquable.Gageons qu’elle incite à développe