MINISTERE DE L’ENSEINEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE FACULTE DES SCIENCES DEPARTEMENT DE CHIMIE THESE DE DOCTORAT en Chimie Spécialité : Chimie-physique présentée par FERGOUG TEFFAHA intitulée CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE ET THERMODYNAMIQUE DE COMPLEXES D’INCLUSION CYCLODEXTRINE/TETRACAINE Soutenue le 22-04-2010 devant le jury composé de : Mr. S. OuldKada Pr., Université d'Oran Président Mme. N. Benharrats Pr., USTO Mohamed Boudiaf Examinateur Mr. A.Krallafa Pr., Université d'Oran Examinateur Mr. B. Meddah MCA, Université de Mascara Examinateur Mme F. Bouanani MCA, ENSET d’Oran Examinateur Mme D. Bendedouch Pr., Université d'Oran Rapporteur
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FERGOUG TEFFAHA CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE ET ...
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MINISTERE DE L’ENSEINEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
FACULTE DES SCIENCES
DEPARTEMENT DE CHIMIE
THESE DE DOCTORAT
en Chimie
Spécialité : Chimie-physique
présentée par
FERGOUG TEFFAHA
intitulée
CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE ET
THERMODYNAMIQUE DE COMPLEXES D’INCLUSION
CYCLODEXTRINE/TETRACAINE
Soutenue le 22-04-2010 devant le jury composé de :
Mr. S. OuldKada Pr., Université d'Oran Président
Mme. N. Benharrats Pr., USTO Mohamed Boudiaf Examinateur
Mr. A.Krallafa Pr., Université d'Oran Examinateur
Mr. B. Meddah MCA, Université de Mascara Examinateur
Mme F. Bouanani MCA, ENSET d’Oran Examinateur
Mme D. Bendedouch Pr., Université d'Oran Rapporteur
REMERCIEMENTS
Cette thèse a été réalisée sous la direction de Madame Bendedouch Dalila, responsable
de l’équipe de physico-chimique du Laboratoire de Chimie Physique Macromoléculaire
(LCPM) à l’Université d’ORAN, Es-Senia. Je tiens à lui exprimer ma profonde
reconnaissance pour la confiance et le soutient qu’elle m’a toujours témoignés et de m’avoir
encadré tout au long de ce parcours. Ce travail n’aurait pas pu être ce qu’il est sans sa
compétence, son soutien scientifique et sa disponibilité. A travers nos nombreuses discussions
scientifiques, elle m’a fait partager ses grandes connaissances et son enthousiasme pour la
recherche. Qu’elle soit ici assurée de ma profonde reconnaissance.
Je suis également infiniment reconnaissante à Monsieur E. Aicart, Directeur de
recherches à l’Université Complutense de Madrid, de m’avoir accueillie dans son laboratoire
afin d’accomplir une partie de ce travail auquel je tiens à l’associer. Je le remercie pour son
amitié, son aide et sa disponibilité. Qu’il soit également assuré de mon profond respect.
Je remercie sincèrement Monsieur S. Ould Kada, pour l’honneur qu’il m’a fait en
acceptant de présider le jury de cette thèse.
Je tiens à remercier vivement Monsieur A. Krallafa, Professeur à l’Université d’Oran
Es-Sénia, Madame N. Benharrats, Professeur à l’USTO, Madame F. Bouanani, Maitre de
Conférences A à l’ENSET d’Oran et Mr B. Meddah, Maitre de Conférences A à l’Université
de Mascara, qui ont bien voulu porter de l’intérêt à ce travail en l’examinant malgré leurs
nombreuses taches pédagogiques et scientifiques.
Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur Bouhadda Youcef Maitre de
Conférences A à l’Université de Mascara pour m’avoir apporté un soutien sans faille, pour ses
discussions incontournables et pour son aide dans la réalisation des expériences de RMN et de
spectroscopie de masse.
Dédicaces
A mes très cher parents, à ma très
chère petite famille: Youcef mon mari et mes
enfants Mohamed, Amine et Meriem, présents
dans les bons comme dans les pires moments.
1
Table des matières
TABLE DES MATIERES ............................................................................................................. 1
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................. 4
CHAPITRE I
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.A. LES ANESTHESIQUES LOCAUX …….…………………….……………….....9
I.A.1. PHARMACOLOGIE………………………………………….……………...9
I.A.1.1. Cellule et fibre nerveuses……………………………….…............9
Les médicaments à effet anesthésiant local comme la tétracaine ou la procaine,
sont utilisés pour réduire les douleurs liées aux interventions chirurgicales.
Néanmoins, l’administration de ces substances dans l’organisme est souvent
accompagnée par des effets secondaires indésirables, particulièrement toxiques. Ainsi,
des problèmes d’insolubilité, de stabilité chimique et de faible adsorption
membranaire du principe actif sont généralement à l’origine de la réduction de son
efficacité thérapeutique et de l’irritation des tissus dans le corps humain1, 2, 3
. Mais
depuis ces vingt ou trente dernières années, une nouvelle technologie est apparue, qui
consiste à vectoriser ces médicaments sous forme de complexes vers leur site
d’absorption, ou encore mieux, vers leur site d’activité. Dans cette optique, des
systèmes destinés à la délivrance d’une variété de principes actifs ont été mis au point.
Parmi les plus récents, on peut retenir les complexes avec des cyclodextrines (CD)4,
les liposomes, les nano et microparticules. En particulier, les CD comme nouvelle
famille d’excipients pharmaceutiques et transporteurs de médicaments, sont de plus en
plus privilégiées en raison de leur biodégrabilité et non toxicité et autres propriétés
exceptionnelles qui les caractérisent. Elles se présentent sous forme d’oligomères
cycliques comportant de 6 à 12 unités de glucose, et sont souvent schématisées sous
forme d’un tore ayant une cavité interne dont les dimensions varient selon le nombre
d’unités glucose . La nature duale de ces substances (hydrophilie de l’enveloppe
externe et hydrophobie de la paroi interne) en a fait des composés organiques
biocompatibles parmi les plus importants et intéressants car capables de former des
complexes d’inclusion avec une large variété de molécules actives lipophiles, en
mettant en jeu des liaisons non covalentes5,6
permettant la délivrance du
1 D. O. Thompson, Crit. Rev. Therap. Drug Carrier Syst., 1997, 14, 1. 2 T. Loftsson, H. Fridriksdottir, B.J. Olafsdottir, and O. Gudmundsson, Acat. Pharm. Nord., 1991, 3, 215. 3 B. G. Covino and H. G. Vassallo, Local anesthetics mechanisms of action in clinical use, Grune & Stratton, New York,
1976. 4 K. A. Connors, The Measurement of Molecular Complex Stability, John Wiley & Sons, New York, 1987. 5 K. Harata, Chem. Rev., 1998, 98, 1803. 6 Y. Bakkour, G. Vermeesch, M. Morcellet, F. Boschin, B. Martel, N. Azaroual, J. Incl. Phenom. Macrocycl. Chem., 2006,
54, 109.
6
médicament au site envisagé sous certaines conditions. Dans ce processus de
formation des complexes d’inclusion, la CD molécule « hôte » admet à l’intérieur de
sa cavité une ou plusieurs autres molécules « invitées ». La stabilité du complexe ne
repose donc que sur la compatibilité entre les deux partenaires.
Etant donné que le but de cet inclusion est d’aboutir à des complexes présentant
des propriétés physiques, chimiques et biologiques améliorées par rapport à celles de la
molécule active libre, la conception réussie d’une formulation pharmaceutique incluant
une CD exige donc une bonne connaissance du processus d'encapsulation sur un plan
structural, en particulier la stœchiométrie et la géométrie du complexe, et sur un plan
thermodynamique, en l’occurrence la constante d'association et l’effet de la
température et du pH. Cette problématique constitue l’essentiel des objectifs que nous
nous sommes proposé d’atteindre.
Les travaux entrepris dans le cadre de cette thèse concernent ainsi l’inclusion
de la tétracaine hydrochlorée (TC,HCl) dans une CD. Le choix s’est porté sur la
molécule de TC,HCl car elle appartient à une classe importante de molécules
synthétiques dont la structure chimique ressemble à celle des composés naturels se
trouvant dans le corps humain et participant activement dans la transmission des
impulsions nerveuses. C’est un ester de l’acide para-amino-benzoïque de la famille des
amino- esters qui en solution aqueuse se trouve sous la forme d’un acide faible selon le
schéma suivant :
N
O
O
NH
CH3
CH3CH3NH
+
O
O
NH
CH3
CH3CH3
+ Cl-
ClH
CH4
Sa forme cationique est le principe actif qui en pénétrant dans la membrane
d’une cellule nerveuse bloque le mécanisme de transmission des impulsions nerveuses
H2O
TCH+ TC,HCl
2-(dimethylamino) ethyl
4-(butylamino)benzoate
7
et réduit ainsi la sensation de douleur7,
8. Cette molécule étant par ailleurs dotée de
propriétés tensio-actives, la connaissance de son diagramme de phases en milieu
aqueux devrait permettre de déterminer les meilleures conditions d’activité ainsi que
son conditionnement (conservation et stabilité). En effet, un excès de produit entraine
le risque de former des agrégats micellaires qui peuvent diminuer l’efficacité du
principe actif libre.
Le contenu du mémoire est organisé en quatre chapitres. Le premier est
consacré à une étude bibliographique de TC,HCl, d’une part d’un point de vue
pharmacologique, donc comme molécule anesthésiante au niveau local, et d’autre part
d’un point de vue chimique comme molécule surfactive et agent acido-basique. Ce
chapitre comprend également une synthèse bibliographique sur les CD et leurs
propriétés d’inclusion. Dans le deuxième chapitre, les méthodes d’analyse employées
sont décrites, y compris leur mise en œuvre expérimentale. Par ailleurs, et en
particulier, les théories relatives à la conductivité des ions en solution sont brièvement
développées, étant donné l’impact considérable de la conductivimétrie sur l’ensemble
de nos travaux. Les différentes expériences menées pour déterminer les propriétés
physico-chimiques essentielles de TC,HCl se rapportant à nos objectifs sont décrites
et les résultats discutés dans le troisième chapitre. Le quatrième, quant à lui , traite de
la mise en évidence de la formation du complexe d’inclusion ainsi que de sa
caractérisation physico-chimique en relation avec nos préoccupations. Enfin, ce
mémoire s’achève par une conclusion générale qui présente le bilan global des
principaux résultats obtenus ainsi que les perspectives de recherche projetées.
7 W.C. Archer and M. J. Rand, Manual of Pharmacology, Backwell, Cambridge, 1990.
8 C. Avendaño, Introducción une La Química Farmacética, McGraw Hill Interamaricana, Madrid, 1993.
Chapitre I
8
Chapitre I
Etude bibliographique
Chapitre I
9
1.A. LES ANESTHESIQUES LOCAUX
I.A.1.PHARMACOLOGIE8-12
9,10,11,12
Les anesthésiques sont des médicaments capables de supprimer de façon
réversible la sensibilité sensorielle. Selon l‟étendue de leur action, on distingue les
anesthésiques locaux (AL) et les anesthésiques généraux. Les AL inhibent
momentanément l‟activité des éléments sensoriels et des fibres nerveuses (qui existent
au voisinage de la moëlle d‟une région du corps) vis-à-vis de la douleur en laissant les
autres sensibilités (pression, chaleur et toucher) plus ou moins actives.
Le premier AL répertorié est la cocaïne découverte en 1864 par Niemann. Sa
première utilisation clinique eut lieu en 1884 à Vienne par S. Freud et K. Koller, mais
en raison de ses redoutables propriétés toxicomanogènes, elle n‟est plus prescrite
actuellement. En 1905, Einhom et Braun synthétisèrent le premier anesthésiant local,
la procaine, caractérisée par un faible effet psychostimulant mais qui peut engendrer à
forte dose des états convulsifs. Depuis, de nombreux AL ont été découverts comme la
tétracaine (1930), la prilocaine (1960), l‟étidocaine (1972) et plus récemment la
tétrodotoxine qui est 2500 fois plus puissante que la procaine.
I.A.1.1. Cellule et fibre nerveuses
La douleur est une sensation qui résulte de la stimulation des récepteurs
spécifiques portés par les terminaisons nerveuses libres de la cellule nerveuse
schématisée sur la figure I.1. Ces terminaisons se prolongent par l‟axone qui est
constitué d‟une fibre nerveuse de diamètre variable entourée de myéline. La membrane
d‟une fibre nerveuse est composée de molécules phospholipidiques organisées en
bicouches et intégrant des structures protéiniques dont certaines constituent des canaux
sodiques perméables non seulement aux ions Na+ mais également aux ions K
+. La
conduction de l‟influx nerveux (ou potentiel d‟action) le long des fibres est liée aux
9 H. Schmit, Eléments de pharmacologie, Flammarion, Paris, 1957.
10 L. Lecron, Choix d'un anesthésique local dans l‟anesthésie locorégionale, Arnette, Paris, 1990.
11 P. Gauthier-Lafaye, Anesthésie locorégionale et traitement de la douleur, Masson, Paris, 2009.
12 R. Norbert et T. Holger, Atlas de poche d‟anesthésie, Flammarion, Paris, 2003.
Chapitre I
10
modifications du gradient électrique de part et d‟autre de leur membrane. Elle dépend
essentiellement des mouvements entre le milieu intérieur, riche en ions K+, et le milieu
extérieur, riche en ions Na+, comme nous allons brièvement l‟expliquer.
Figure I.1 : Schéma d’une cellule nerveuse. Adapté de la référence 10.
Polarité de la fibre nerveuse
Au repos, la fibre nerveuse est polarisée car la concentration en ion Na+
est plus
élevée à l‟extérieur qu‟à l‟intérieur de la cellule nerveuse qui contient en revanche un
excès en ions K+. Entre la cellule nerveuse et le milieu extracellulaire existe donc un
gradient électrochimique déterminant un potentiel électrique de repos d‟environ
-80mV comme indiqué sur la figure I.2. Au repos, ce gradient est maintenu constant
du fait de la perméabilité membranaire relativement élevée aux ions K+
vers le milieu
intracellulaire, et de transports actifs d‟ions Na+
vers le milieu extracellulaire.
Figure I.2 : Propagation du potentiel d’action le long d’un segment de la fibre
nerveuse. Adapté de la référence 10.
Chapitre I
11
Stimulation nerveuse
Lors de la stimulation d‟une fibre nerveuse, on assiste à une augmentation du
potentiel de repos de l‟ordre de -80 mV au dessus d‟une valeur seuil, aux environs de
-50mV, en raison d‟une entrée brutale et massive d‟ions Na+
à travers les canaux
sodiques. Ceci conduit provisoirement à inverser le potentiel transmembranaire
(dépolarisation) aux environs de +30mV, valeur qui constitue le potentiel d‟action
(PA). Ensuite, après inactivation des canaux sodiques et une sortie passive d‟ion K+, le
potentiel transmembranaire tend à revenir à sa valeur de repos (re-polarisation), car les
ions K+ qui passent à l‟extérieur vont compenser les ions Na
+ qui sont passés à
l‟intérieur. En fait, comme on vient de le mentionner, la dépolarisation est due à un
mouvement de Na+ vers l‟intérieur de la cellule à travers le canal sodique, tandis que
lors de la re-polarisation, c‟est la migration des ions K+ qui a lieu en sens inverse. Le
déséquilibre ionique résultant de la dépolarisation est corrigé par un processus
(repolarisation) mettant en jeu un mécanisme connu sous le nom de pompe ionique
Na+/K
+ ou pompe sodique qui rétabli l‟équilibre existant avant la stimulation. La
dépolarisation se transmet de segment en segment et propage ainsi le PA le long du
nerf, ce qui se traduit par une propagation de la sensibilité.
Mécanisme d’action des anesthésiques locaux
L‟effet analgésique résulte du blocage de l‟influx nerveux dans les fibres
sensitives. Effectivement, les AL entraînent une stabilisation du potentiel de repos en
bloquant de façon réversible les canaux sodiques, rendant difficile ou empêchant la
dépolarisation et donc la création d‟un PA. Ainsi, la propagation de l‟influx nerveux
est inhibée.
Les AL diffusent sous forme basique à travers la membrane nerveuse puis se
dissocient du fait d‟un pH intracellulaire inferieur comme cela est schématisé sur la
figure I.3. Les cations (forme protonique de l‟anesthésique local) se fixent alors au
niveau des canaux sodiques sur des récepteurs spécifiques (lipoprotéines) situés sur le
segment interne du canal, bloquant ainsi l‟entrée rapide des ions Na+. Leur forme non
ionisée peut également contribuer directement à l‟activité de l‟anesthésique local par
Chapitre I
12
diffusion à travers la bicouche phospholipidique en étant capable d‟entrainer des
modifications conformationnelles de la matrice lipoprotéique.
Figure I.3 : Action d’un anesthésique local sur les canaux sodiques 10
.
I.A.1.2. Mode d’administration 13
Anesthésie de surface
On utilise en général la forme non ionisée incorporée dans des pommades
grasses (application cutanées) ou des gels inertes (application sur muqueuses).
Certains anesthésiques qui ne seraient efficaces qu‟à des concentrations très
importantes comme par exemple la procaïne, ne sont pas utilisés de ce fait dans
l‟anesthésie de surface.
Anesthésie d’infiltration
Par injection intradermique ou sous cutanée, on recherche un blocage des
terminaisons nerveuses. Les AL trop puissants et présentant de ce fait une trop grande
toxicité potentielle, ne sont pas en général utilisés de cette manière sauf à des
concentrations très inférieures à celles généralement en usage.
Anesthésie de conduction
Elle se fait par injection au voisinage d‟un nerf ou d‟un tronc nerveux ou de
ganglions vertébraux postérieurs (dans l‟anesthésie spinale) ou encore de nerfs spinaux
para-vertébraux.
13
P. Lechat, G. Lagier, B. Rouveix et M. Vincens Weber, Pharmacologie médicale, Masson, Paris, 1982.
Chapitre I
13
I.A.1.3. Effets indésirables et toxicité14
Réactions allergiques
Relativement rares, mais classiquement décrites, la plupart des cas d‟allergie
sont en réalité liés au stress; l‟augmentation brutale du taux d‟adrénaline entraîne une
tachycardie parfois importante, s‟accompagnant d‟une sensation de malaise.
Manifestations cutanées
Les rares éruptions cutanées sont essentiellement dues aux conservateurs
utilisés, plus rarement aux solvants ou aux lubrifiants. Quelques cas d‟eczéma de
contact ont aussi été rapportés.
Nécrose
L‟injection rapide d‟une quantité trop importante d‟AL trop froid avec une
concentration trop élevée de vasoconstricteur peut entraîner l‟apparition d‟une nécrose,
surtout chez les sujets diabétiques.
I.A.2. PROPRIETES CHIMIQUES 15, 16
I.A.2.1. Structure
Tous les AL sont des composés dont l‟architecture moléculaire est constituée de
trois éléments schématisés sur la figure I.4.
1- Un groupement aromatique (acide benzoïque ou para-amino-benzoïque) qui
constitue le pôle lipophile et joue un rôle dans la diffusion et la fixation du
médicament. Etant donné que la liaison aux protéines conditionne la durée
d‟action, les AL fortement liés aux lipoprotéines des membranes nerveuses ont
un effet prolongé.
14 M. Freysz, L. Bealj, O. Timour et G. Faucon, Ann. Fran. Anesth. Réa., 1988, 7, 181. 15 D. Attwood and A. T. Florence, Surfactant Systems, Their Chemistry, Pharmacy and Biology, Chapman and Hall,
NewYork, 1983. 16
G. Lagan and H. A. McLure, J. Current Anaesth. critical care, 2004, 15, 247.
Figure I.4: Anesthésiques locaux : structures chimiques générales. Adapté de la
référence13.
2- Une chaîne intermédiaire, de type ester ou amide, dont la longueur influence
directement la lipo-solubilité (allongement) ou l‟hydro-solubilité
(raccourcissement).
3- Un groupement fonctionnel, généralement une amine tertiaire, qui en se
quaternarisant constitue le pôle hydrophile qui conditionne la répartition et la
diffusion du médicament dans le sang.
Du fait de leur structure particulière duale (hydrophobe/ hydrophile), ces
composés possèdent des propriétés tensioactives. Cet aspect fondamental sera traité
ultérieurement.
I.A.2.2. Classification16
Les AL sont classés en fonction de leur chaîne intermédiaire en 2 groupes
principaux : les amino–esters ou amino-amides.
Dérivés amino-esters
Ces dérivés de l‟acide para-amino-benzoïque, possèdent une fonction amine en
position para comme par exemple la procaine:
Chapitre I
15
et la tétracaine qui est l‟objet de nos travaux :
Dérivés amino-amides
Ces composés ne possèdent pas de fonction amine en position para du cycle
aromatique comme par exemple la lidocaine (ou xylocaine ) :
I.A.2.3. Propriétés acido-basiques
Les propriétés pharmaco-chimiques des AL découlent de leur structure et nature
chimique qui dépendent en partie du milieu environnant. En solution aqueuse, les AL
existent soit sous forme ionisée (acide) soit sous forme non ionisée (basique) suivant
l‟équilibre chimique habituel:
.
BH+ + H2O B + H3O
+ (I.1)
caractérisé par la constante d‟acidité
Ka [B].[ H3O+]/ [BH
+] (I.2)
Dans l‟expression ci –dessus les interactions sont négligées et les activités remplacées
par les concentrations des différentes espèces. La proportion relative de chacune des
Chapitre I
16
deux formes de l‟AL dépend du pH du milieu et de son pKa selon l‟équation bien
connue d‟Henderson-Hasselbach :
pH pKa – log [B]/[BH+] (I.3)
Lorsque le pKa est égal au pH du milieu, les quantités en forme ionisée et non
ionisée sont équivalentes, comme illustré sur la figure I.517
. Pour la lidocaïne par
exemple, dont le pKa est de 7,89, la proportion de la forme non ionisée est de 10% à un
pH de 7 contre 40% à un PH de 7,40. L‟alcalinisation du milieu augmente donc la
proportion de molécules sous forme non ionisée.
6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 9,0
10
20
30
40
50
60
70
pH physiologique pKa=8,5
pKa=7,6
fra
ctio
n n
on
-io
nis
ée
pH
Figure I.5 : Relation entre le pKa d’un AL et la prévalence en forme non ionisée en
fonction du pH17
.
I.A.2.4. Relation entre structure et activité
Les propriétés structurales des AL expliquent en grande partie leur variabilité
d‟action. Leur diffusion transmembranaire dans les cellules nerveuses sera dépendante
du gradient de concentration et des coefficients de diffusion propres à chaque AL. La
gaine nerveuse étant de nature lipidique, l‟anesthésique doit avoir un degré de
17
D. Chassard, K. Berrada and P. Bouletreau, J. Anaesth., 1996, 43, 384.
Chapitre I
17
liposolubilité suffisant pour pouvoir la traverser18
. En effet, l‟allongement de la chaîne
intermédiaire (jusqu‟à 0,9 nm) du composé ainsi que l‟augmentation du poids
moléculaire de l‟un de ses pôles (R, R1 et R2, sur la figure I.4) favorise la
liposolubilité. Cette affinité favorise également la fixation des AL sur la partie
hydrophobe des protéines membranaires en contact avec les phospholipides, ce qui se
traduit par une augmentation de l‟activité intrinsèque de l‟AL et une réduction du
délai d‟action, comme le montre le tableau I-1. En effet, la tétracaine, qu‟on peut
réduire à une molécule de procaine à laquelle un groupement butyle a été attaché à
l‟amine liée au noyau aromatique, présente une lipo-solubilité et un taux de liaison aux
protéines nettement supérieurs à ceux de la procaine. Néanmoins, il faut souligner que
cet aspect n‟est pas toujours prépondérant comme le montre le cas de la lidocaine et de
la bupivacaine. Cette dernière bien que possédant des groupements butyles au lieu des
éthyles sur sa fonction amine a un délai d‟action plus long que celui de la lidocaine en
raison de la valeur du pKa car plus celui ci est élevé, plus la quantité de la forme
basique qui traverse la membrane est faible et par conséquent plus long sera le délai
d‟action. Par conséquent, il est important de noter que c‟est l‟état d‟ionisation qui va
conditionner l‟activité et la distribution des AL19
. En effet, bien que ce soit la forme
ionisée qui contribue essentiellement à l‟activité de l‟AL, il faut souligner le fait que la
forme non ionisée est la seule forme capable de diffuser à travers les membranes
Tableau I-1 : Propriétés physicochimiques de quelques anesthésiques locaux18
.
AL
Délai
d‟action (mn)
pKa
Liposolubilité
% de base
à pH 7,4
Puissance
anesthésiante relative
Procaïne 14 -18 8,9 0,02 2 1
Tétracaïne 10 – 15 8,5 4,1 5 8
Lidocaïne 2 – 4 7,8 2,9 20 2
Bupivacaïne 5 -8 8,1 28 35 8
18
M. Cathim, Anesthésiques locaux, Arnette, Paris, 1976. 19
J. F. Buttterworth and G. R. Strichartz, Anesth. Rev., 1990, 72, 711.
Chapitre I
18
nerveuses avant de s‟ioniser à l‟intérieur de l‟axone comme cela est schématisé sur la
figure I.310
. Effectivement, Richie et al.20
ont montré que la lidocaine est plus efficace
à réduire le PA d‟un nerf lorsque celui-ci baigne dans un milieu de conservation alcalin
(pH=8,8) que dans un milieu neutre (pH =7,2). Strobel et al.21 ont confirmé ces données
en montrant que la pénétration de la procaïne ainsi que celle de la lidocaine sont deux
fois plus rapides à pH =8,2 qu‟à pH =7,2. Plus le pKa de l‟AL sera alcalin, plus le délai
d‟action au pH physiologique sera long étant donné que la fraction de la forme non
ionisée sera plus faible dans ces conditions. De la même façon, au pH physiologique,
ces différences expliquent que les AL dont les pKa sont les plus acides (amides) aient
des délais d‟action plus courts que ceux des AL ayant des pKa plus alcalins (esters).
I.A.3. PROPRIETES SURFACTIVES22, 23
Les agents de surface ou tensioactifs, connus également sous le nom de
« surfactants » de l‟anglais „„surface active agent‟‟ sont des substances très actives
aux interfaces (liquide/liquide, liquide/solide et liquide/gaz). Ces substances
s‟adsorbent à l‟interface selon des orientations adéquates afin de former une mono-
couche moléculaire. Cette activité se manifeste surtout par la réduction de la tension
inter-faciale, même à de très faibles concentrations. Ces propriétés physico-chimiques
particulières leurs permettent de couvrir un large domaine d‟applications allant de la
synthèse organique à la conversion et au stockage de l‟énergie solaire, en passant par
la détergence et le traitement des surfaces.
Du point de vue chimique, l‟originalité de ces molécules découle du fait
qu‟elles sont constituées de deux parties antagonistes : l'une hydrophobe, peu ou non
polaire, insoluble dans l‟eau; l‟autre hydrophile, ionique ou polaire, soluble dans l‟eau.
C‟est la raison pour laquelle ces molécules sont aussi appelées des amphiphiles. La
partie hydrophobe correspond généralement à une longue chaîne hydrocarbonée
20
J. Ritchie, B. Ritchie and P. Greengard, J. Pharma. Exp. Therap., 1965, 150, 160. 21
G. E. Strobel and C.Bianchi, J. Pharma. Exp. Therap., 1970, 172, 1. 22
H. Clint, Surfactant agrégation,. Chapman and Hall, New york, 1992. 23
C. Tanford, The hydrophobic Effect : Formation of Micelles and Biological Membranes, Wiley & Sons, New
York, 1975.
Chapitre I
19
(queue) linéaire ou bien branchée qui peut contenir des hétéroatomes comme
l‟oxygène, l‟azote, le soufre ou le fluor. La partie hydrophile (tête) est habituellement
constituée d‟un atome, d‟un groupement d‟atomes ou d‟un ion. Le schéma
conventionnel de la représentation d‟une molécule tensioactive est indiqué sur la
figure I.6 .
Figure I.6 : Représentation schématique des différentes parties d’une molécule
tensioactive.
I.A.3.1. Formation des micelles
Lors de leur introduction en milieu aqueux, les molécules tensioactives
commencent à se rassembler à la surface et finissent par la saturer lorsqu‟on augmente
la concentration. Ensuite, lorsque la solution est saturée en molécules solvatées, les
molécules supplémentaires vont créer un milieu satisfaisant à leurs exigences
antagonistes au sein de la solution. Ce milieu est constitué d‟agrégats auto-associatifs,
appelés micelles, dont le cœur est un milieu apolaire (voir figure I.7) et peut exister
sous différentes architectures (sphère, cylindre, vésicule, lamelle, etc…)24,25
.
Aniansson26
a montré que les micelles ne sont absolument pas des structures figées
mais sont le siège de processus de formation et de destruction de l‟entité micellaire en
équilibre thermodynamique avec les molécules libres solvatées et celles adsorbées en
surface. Leur formation est expliquée par différents modèles, le plus simple et le plus
24
T. Yasunaga, K. Takeda and S. Harada, J. Coll. Inter. Sci., 1973, 42, 457. 25
E. A. G. Aniansson, S. N. Wall, M. Almgren, H. Hoffmann, I. Kielmann, W. Ulbricht, R. Zana, J. Lanng and C. Tondre, J.
Phys. Chem., 1976, 80, 905. 26
E. A. G. Aniansson, S. N. Wall, J. Phys. Chem., 1974, 78, 1024.
Partie hydrophile
Tête
Partie hydrophobe
Queue
Chapitre I
20
utilisé est le modèle basée sur la loi d‟action de masse27
qui s‟appuie sur l‟équilibre
(a) de la figure I.7 entre les micelles et les molécules libres solvatées28
.
Figure I.7 : Représentation schématique des trois états dans lesquels un surfactant
peut se trouver dans l’eau : adsorbé en surface, solubilisé et micellisé en
accord avec les équilibres (a) et (b). Adapté de la référence 28.
I. A.3.2 Concentration micellaire critique
La concentration micellaire critique (CMC) est définie comme la concentration
minimale en tensioactif nécessaire pour que l‟agrégation micellaire soit amorcée. Cette
CMC est influencée par plusieurs facteurs (qui favorisent ou parfois perturbent la
micellisation) liés à la nature des molécules surfactives, et à la formulation globale
dans laquelle se trouve le tensioactif comme la force ionique du milieu, et enfin à la
température. Par exemple, l‟introduction d‟un groupement hydrophile diminue
l‟hydrophobicité effective des groupes alkyles dans sa proximité et augmente ainsi la
valeur de la CMC. Par contre, une augmentation de la longueur de la chaîne carbonée
mène à des valeurs très faibles de la CMC.
I.A.3. 3. Classification et notion de température critique.
27
Y. Moroi, R. Suji and R. Matura, J. Coll. Interf. Sci., 1984, 98, 184. 28 K. Teixeira, Thèse de doctorat : Approche thermodynamique et cinétique de l‟extration à deux phases aqueuses à l‟aide
de tensioactifs non ioniques, Univ. Toulouse, France, 2004.
Chapitre I
21
Il existe plusieurs types de surfactants et leur classement est fondé sur la
nature de leur partie hydrophile ou tête polaire : ionique ou non ionique.
Les tensioactifs ioniques, dans lesquels se classe la tétracaine, sont caractérisés
par la possession d‟une tête polaire qui s‟ionise en solution aqueuse. Cette famille de
composés se divise en trois branches : anionique, cationique et zwiterionique. Elle est
caractérisée par la température de Krafft (TK) qui correspond à la température seuil à
partir de laquelle les cristaux hydratés de surfactant amorcent leur dissolution dans
l‟eau et forment des micelles. TK est formellement défini comme étant le point
d‟intersection de la courbe de variation thermique de la CMC avec celle de la
solubilité29
,30
comme le montre le diagramme de phases partiel typique de la figure I.8.
Figure I.8 : Allure typique d’un diagramme de phases partiel d’un surfactant ionique
dans l’eau ( Sh : solide hydraté; m: solution moléculaire; M : solution
micellaire) 31
.
En effet, au-delà de TK, la solution peut atteindre la CMC tout en étant saturée :
coexistence de molécules à l‟état libre, micellisé et solide32,
. C‟est la raison pour
laquelle les experiences sont généralement menées au-delà de la température de fusion
29
K.Shinoda and E.Hutchinson, J. Phys.Chem., 1962, 66,577. 30
R. Gaboriaud, G. Charbit et F. Dorion, J. Chem. Phys, 1984, 81(7/8), 497. 31
T. Fergoug, Thèse de Magister: Etude du comportement physico chimique d‟un surfactant partiellement fluoré à tête
pyridinium, Univ. Oran, Algérie, 2000. 32
E. Kissa, Florinated Surfactants, Marcel Dekker, New York, 1994.
m
M+m+ Sh
cx c
x c
x
Sh
Courbe de CMC
TK Température
Courbe de solubilité
M+m
Conce
ntr
atio
n
Chapitre I
22
du dernier cristal hydraté (Tf), c'est-à-dire dans le domaine délimité par la courbe de
solubilité au delà de TK.
TK constitue donc à la CMC un pseudo point triple du diagramme de
phases du système binaire du tensioactif dans l‟eau, associé à l‟équilibre chimique
global suivant :
Solide hydraté
Solution moléculaire
Solution micellaire
Les agents de surface non ioniques quant à eux, ne donnent naissance à aucun
ion en solution aqueuse, ce qui a pour conséquence une moindre sensibilité aux
électrolytes et aux changements de pH. L‟hydrophilie de ces molécules provient de
groupements polaires tels que les : éthers (ROR‟), alcools (ROH), carbonyles
(RCOR‟), amines (R-NH-R‟) et esters ( R-COO-R‟). Comme propriété particulière,
ces tensioactifs possèdent un point de trouble (Tt) correspondant à la température
critique de séparation de phases d‟une solution macroscopiquement homogène. Selon
une interprétation classique, ce phénomène est attribué à une déshydratation de la
chaine polyéthoxylée constituant généralement la tête du tensioactif non ionique. Cette
déshydratation est supposée être induite par le changement conformationnel de la
chaine polyéthoxylée associé à l‟élévation de la température 33
entrainant une baisse de
solubilité. Rupert 34
interprète le phénomène du point de trouble comme un point triple
lié à l‟existence simultanée des équilibres suivants :
Solution
moléculaire
33
T. Nakagawa and E.Schick, Nonionic surfactants, Marcel Dekker, New York, 1966. 34
L.A. M. Rupert, J. Coll. interf. Sc, 1992, 153, 92.
Chapitre I
23
Coacervat
Solution micellaire
Juste au-delà de Tt, les agrégats micellaires s‟associent pour former une phase très
riche en tensioactif, appelée « coacervat » qui est en équilibre avec une autre phase
aqueuse plus diluée, ce qui se traduit macroscopiquement par l‟apparition d‟un trouble
de la solution micellaire.
I. A.3.4. Taille et forme des micelles
La forme et la taille des micelles résultent des différentes interactions attractives
et répulsives directement liées à la nature et à la concentration des molécules, ainsi
qu‟à la température. Généralement, au voisinage de la CMC, les micelles sont plus au
moins sphériques et de tailles uniformes, mais lorsque la concentration augmente, la
taille des micelles peut croitre et pour des concentrations nettement supérieures à la
CMC, les micelles forment par exemple des bâtonnets cylindriques35
qui peuvent eux
même s‟associer pour construire une structure hexagonale puis éventuellement
lamellaire36
. Ces transitions morphologiques dépendent de la nature du tensioactif et
de celle du contre-ion éventuellement, de la température et de la force ionique de la
solution en particulier pour les systèmes ioniques37
.
I.A.3.5. Détermination de la CMC
La micellisation des tensioactifs entraîne des modifications relativement
importantes des propriétés physico-chimiques de la solution (tension de surface,
solubilité, viscosité, conductivité, turbidité, etc...). Le suivi de la variation d‟une de ces
propriétés en fonction de la concentration permet de déterminer avec une bonne
précision la CMC qui correspond à une discontinuité plus ou moins nette dans la
35
D.F. Evans et W. B. Ninham , J. Phys . Chem, 1986, 90, 226. 36
J. H. Flendler, Menbrane chemistry, Wiley & sons, New York, 1982. 37
K.Bijima, E.Rank et J.B.F.N.Enghert, J. Coll. interf. Sc., 1998, 205, 245.
Chapitre I
24
courbe observée lors des mesures. Toutefois, tout changement du comportement d‟une
propriété donnée ne correspond pas forcément à une CMC. Ainsi, une transition par
exemple de la forme des micelles au-dessus de la CMC provoque le même type de
modification. Le passage des micelles sphériques aux micelles cylindriques en est un
exemple classique38
.
I.A.3.6. Applications 39-42 39, 40, 41, 42
Les premiers travaux remontant aux années trente du siècle dernier ont traité
de l‟influence des milieux micellaires sur les constantes d‟acidité. Ces études se
développèrent ensuite à partir des années soixante en particulier en explorant la
catalyse micellaire. Cette dernière était initialement limitée aux milieux micellaires
aqueux dilués, et s‟est étendue par la suite à d‟autres structures ordonnées telles que
les microémulsions, les micelles inverses, les monocouches et les vésicules. Par
ailleurs, les surfactants sont également employés comme émulsifiants lors de la
polymérisation en émulsion ou en suspension de divers monomères. Durant les
dernières décennies, ils ont été utilisés comme des vecteurs de médicaments sous la
forme de capsules ou particules, de vésicules ou liposomes, d‟émulsions simples ou
multiples. Ils peuvent transporter également des cellules vivantes, enzymes, protéines,
huiles de saveur, vitamines, adhésifs, produits agro-chimiques, etc… Ils offrent de
nombreux avantages à l‟utilisation : les substances sensibles peuvent être protégées
des effets destructeurs de l‟environnement; les matériaux toxiques peuvent être
manipulés sans danger et la diffusion des médicaments peut être contrôlée et ciblée.
Les domaines d‟application technologique des tensioactifs qu‟ils soient
classiques, fluorés ou sous forme de mélanges sont multiples. Ils jouent le rôle soit de
matière première de base pour la formulation de produits détergents et cosmétiques,
soit de produits auxiliaires dans les procédés et les étapes de fabrication de l‟industrie
38
G.Pote, Y. Poggi, J. Appell and G. Maret, J. Phys. Chem., 1984, 88, 57. 39
E. A. Bekturov, S. E. Kudabergenov and S. R. Rafikov, J. Macromol. Sci., 1990, 30, 233. 40
F. Bouanani, D. Bendedouch, P. Hemery and B. Bounaceur, J. Coll. Interf. A: Phys. Eng. Asp., 2008, 317, 751. 41
R.Bordes, Thèse de Doctorat : Synthèse, physicochimie et polymérisation de tensioactifs paires d‟ions dérivés du
norbornene , Univ. Toulouse III - Paul Sabatier, France, 2007. 42
C. Onesippe, Thèse de Doctorat : Etude des systèmes poly électrolyte/tensioactif en phase aqueuse et à l‟interface
liquide/gaz, Univ. Montpellier II, France, 2005.
Chapitre I
25
textile, des métaux, du cuir, du pétrole, etc… Ils interviennent aussi dans le
dégraissage ou le décapage des métaux et facilitent les dépôts électrolytiques. Ils
servent par ailleurs dans le domaine du dessalement de l‟eau de mer.
I.B. LES CYCLODEXTRINES
Les CD sont des molécules naturelles obtenues par dégradation enzymatique de
l‟amidon43
. Elles se présentent sous forme d‟oligomères cycliques du glucose et
comportent de 6 à 12 unités. Les plus abondantes dans la nature sont l‟hexamère
(αCD), l‟heptamère (βCD) et l‟octamère (γCD).
En 1891, Villiers 44
isolait pour la première fois un groupe d‟oligosaccharides non
réducteurs provenant de la dégradation enzymatique de l‟amidon par une amylase
(cyclodextrine glucosyl transférase) produite par différents bacilles. Il a mis en
évidence la présence de deux produits, probablement l‟αCD et la βCD, possédant des
propriétés physico-chimiques proches de celles de la cellulose et les a donc baptisé
«cellulosines ». Plus tard, Schardinger45
a pu séparer la souche microbienne
responsable de la formation de ces cellulosines, qu‟il a dénommé Bacillus Macerans et
a décrit le mode de purification et de préparation de ces oligosaccharides. Il a montré
que ces dextrines (appellation générale des produits de dégradation de l‟amidon) sont
capables de former des adduits particuliers avec les molécules de di-iode. En effet, sur
la base de la couleur des complexes cristallins formés avec l‟iode, il a pu faire la
distinction entre l‟αCD et la βCD.
C‟est en 1932 que Prigsheim 46
et son équipe ont démontré que ces produits ont la
propriété de former des complexes avec des molécules organiques. Ensuite, durant les
années 1930-40, K. Freudenberg et al.47
contribuèrent à leur tour à la caractérisation
43
H. Khalil, Thèse de Doctorat : Etude de faisabilité de l‟utilisation de molécules cages dans la dépollution des sols,
solubilisation et extraction de polluants organiques par la cyclodextrine, INSA, Lyon, France, 2004. 44
Wang.J and M.L Brusseau, Environ. Sci. Technol., 1998, 32, 1907.
Chapitre I
36
I.C.2.2. Hydrophobicité
Le caractère hydrophobe des molécules invitées joue un rôle déterminant dans leurs
aptitudes à être encapsulée. En effet, si les molécules invitées sont ajustées par rapport à
la nature de la cavité, il existera une bonne corrélation (linéaire) entre les constantes de
complexation et l‟hydrophobicité73. En d‟autres termes, plus la molécule est
hydrophobe, plus le complexe formé est stable. Ainsi, les AL qui ont une nature
amphiphile présentent généralement un caractère hydrophile faible qui les rend peu solubles
dans l‟eau, mais une hydrophobicité suffisante pour les prédisposer à être inclus dans la
cavité d‟une CD, comme c‟est d‟ailleurs le cas de la tétracaine.
I.C.2.3. Solubilité
La solubilité des complexes d‟inclusion des CD peut varier considérablement en
fonction de la nature de la molécule invitée et de celle de la CD. A titre d‟exemple,
l‟inclusion de l‟anion décanoate par βCD présente une constante d‟association 10 fois
plus grande que celle du complexe formé avec γCD74
, bien que la βCD présente une plus
faible solubilité aqueuse, comme souligné auparavant. Ainsi, la βCD possède un pouvoir
solubilisant de l‟ion décanoate plus important que celui de γCD.
D‟autre part, les CD modifiées, en fonction de leur degré de substitution,
présentent en général une capacité plus importante que les formes natives à solubiliser
les composés organiques75,76
. Il est même possible de synthétiser des CD “sur mesure”,
c‟est à dire modifiées de façon à accroître leur affinité pour une molécule précise77
.
Par exemple, parmi les CD modifiées, MβCD semble présenter une efficacité plus
74
M. Meier, M. Luiz, P. Farmar and B.Szpoganicz, J. Incl. Phenom., 2001, 40, 291. 75
M. Sazuki and Y.Sazaki, Chem. Pharm. Bull, 1979, 27, 609. 76
S. Gao, L.Wang, Q.Huang and S.Han, Chemosphere, 1998, 37, 1299. 77
P. F. Djedaïni, B. Perly, S. Dupas, M. Miocque and H. Galons, Tetrahedron Letters, 1993, 34, 1145.
Chapitre I
37
importante que HPβCD pour inclure les composés chlorés, cette capacité étant
probablement due au caractère hydrophobe remarquable de la cavité de MβCD78
. De plus,
Kawasaki et al.79 ont montré que le pouvoir solubilisant de HPβCD vis à vis du 4-
nonylphénol dépend de son degré de substitution.
I.C.2.4.Milieu environnant
Force ionique et pH80
Selon le pH, les acides et bases faibles existent en solution sous différentes
espèces chimiques qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques physicochimiques
(solubilité, hydrophobicité, constante d‟acidité, etc…). Par conséquent, l‟affinité de la
CD pour ces substances ne sera pas la même selon le pH. La complexation des CD
avec des molécules ionisables devra donc nécessairement prendre en compte
l‟influence du pH. Ainsi, l‟inclusion d‟un AL (base faible) par une CD depend du pH
du milieu car les proportions relatives des formes ionisée et non ionisée varient.
L‟effet de la force ionique sur la solubilité aqueuse des molécules invitées ainsi que sur
leur complexation par les CD est fonction de leur nature, selon évidemment qu‟elles soient
ionisables ou non. Par exemple, la solubilisation de la pancratistatine (qui est une
molécule ionisable) dans HPβCD augmente lorsqu‟on ajoute un sel d‟hydroxyde
d‟ammonium81
. Par contre, Brusseau et al.82
ont montré que la solubilisation de
l‟anthracène par CMβCD n‟est pas affectée par la présence de CaCl2.
Présence d’un solvant organique en milieu aqueux
Bien que les CD peuvent former des composés d‟inclusion dans certains solvants
organiques comme les alcools, le diméthylsulfoxyde ou le diméthylformamide,
l‟association est en général plus faible que celle observée pour le même composé en milieu
78
T. Boving, X.Wang and M.L Brusseau, Environ. Sci. Technol., 1999, 33, 764. 79
N. Kawasaki, M. Araki and S. Tanada, J. Coll. Inter. Sci., 2001, 238, 215. 80
K. T. Valsaraj, Element of Environemental Engineering, Thermodynamics and kinetics, CRC Lewis publishers,
1995. 81
H. Torras, Clinics in Dermatology, 1996, 14, 207. 82
M.L. Brusseau, X. Wang and Q. Hu, J. Sci. Technol., 1994, 28, 952.
Chapitre I
38
aqueux72. Par exemple, Pitha83
a indiqué que la présence d‟éthanol ( 30%) inhibe la
formation du complexe d‟inclusion de la testostérone dans βCD. Brusseau et al. 82 ont utilisé
le mélange eau / méthanol (50/50) pour dissocier les complexes de CD avec des
hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ainsi, l‟addition d‟un solvant organique au
milieu aqueux peut modifier les solubilités individuelles du complexant et du soluté 73 et
donc déplacer les équilibres de complexation CD/soluté. L‟influence du cosolvant sur la
complexation va dépendre évidemment de sa nature et de sa concentration.
Température43, 84
Généralement, il apparait qu‟une augmentation de la température a souvent un effet
défavorable sur la formation des complexes. En effet, bien que la plupart des complexes
commencent à se dissocier vers 50-60°C, certains peuvent demeurer stables à de plus
hautes températures, particulièrement si la molécule invitée est fortement hydrophobe. Par
exemple, le rendement de la complexation de dérivés d‟imidazoles par CD diminue
considérablement quand la température augmente de 8 à 70°C. Par contre, le rendement de
la complexation de CD avec l‟acide chlorogénique augmente quand la température
augmente jusqu‟à 25°C à l‟inverse de celles avec αCD et γCD pour lesquelles une
diminution est relevée dans le même domaine thermique. Notons toutefois que la stabilité
du complexe dépend aussi comme discuté précédemment de la solubilité, et de la nature
du substrat et de la CD.
I.C3. PREPARATION D’UN COMPLEXE 52
I l y a deux méthodes générales de préparation des complexes d‟inclusion : à partir
d‟une phase liquide ou en phase solide.
En phase liquide, la méthode courante consiste soit à mélanger deux solutions
aqueuses (froides ou chaudes, neutres ou acides) contenant dans l‟une la CD et dans
l‟autre la molécule invitée (C‟est cette méthode qui a été utilisée lors des expériences
83
J. Pitha, Pharmacological role of hydroxypropylβcyclodextrin, In New trends in cyclodextrins and derivatives,
Santé, Paris, 1993. 84
E.Simer et C. Kurvits, Thermochimica Acta, 1998, 140, 161.
Chapitre I
39
menées dans le cadre de cette thèse), soit à ajouter l‟un des constituants à l‟état solide
dans la solution aqueuse de l‟autre. La molécule invitée s‟ajoute le plus souvent dans la
solution chaude de CD. Le complexe est obtenu par agitation intense suivi d‟un
refroidissement lent pendant quelques heures. Pour isoler le complexe, l‟eau est
généralement éliminée par séchage à froid.
En phase solide, le complexe est obtenu par la méthode de pétrissage. Dans ce
cas la CD n‟est pas dissoute, elle se malaxe avec une petite quantité d‟eau dans laquelle
la substance invitée a été rajoutée préalablement.
I.C.4. METHODES D’INVESTIGATION
Il existe diverses méthodes expérimentales permettant d‟une part de confirmer
la formation effective des complexes d‟inclusion et d‟autre part de déterminer leur
stœchiométrie et leur stabilité. Elles reposent toutes sur l‟observation des
modifications, liées à la solubilité ou au microenvironnement, de propriétés physico-
chimiques ou optiques de la molécule (CD ou invitée) au cours de la complexation.
Les plus couramment utilisées dépendent en premier lieu de la nature de la molécule
invitée. Ainsi, si cette dernière est ionique , alors la conductivimétrie ou
l‟électrophorèse capillaire sont recommandées4 ; si elle est dotée d‟un caractère
amphiphile, la tensiométrie51 est adéquate ; si le substrat contient des chromophores,
alors la spectroscopie d‟absorbance (UV et visible) 76 et la spectroscopie d‟émission
moléculaire (fluorescence) 85
sont recommandées. Par exemple, pour ce dernier cas, le
passage d‟une molécule de la phase aqueuse vers la cavité de la CD modifie la polarité
de son microenvironnement. Ceci provoque une modification de sa capacité
d‟absorption ou d‟émission qui devrait permettre de suivre l‟avancement de la
complexation et de déterminer la constante de stabilité du complexe en dosant la
quantité de CD non complexée dans l‟eau86
. Enfin, les méthodes telles que les mesures
85
H. Reeuwijik and T. Irth, J. chroma., 1993, 614, 95. 86
M. E. L McBain and E. Hutchinson, solubilization and related phenomena, Academic Press, New York, 1955.
Chapitre I
40
de solubilité87
, la résonance magnétique nucléaire (RMN)88
et la titration
microcalorimétrique89
sont aussi utilisées.
I.C.5. APPLICATIONS
Le phénomène d‟inclusion dans les molécules cages amphiphiles que sont les CD,
fournit à la recherche fondamentale un modèle d‟étude des réactions enzymatiques,
catalytiques ou de complexation. De nombreuses et diverses applications des CD sont
décrites dans la littérature49,62. Toutes ces applications découlent des propriétés
complexantes des CD en milieu aqueux avec une large gamme de molécules invitées
dont la stabilité, la solubilité, la bio-disponibilité, la durée de vie et la toxicité se
trouvent favorablement modifiées90
.
I.C.5.1.Modèle enzymatique et chiralité
Les CD ont été largement étudiées en tant que modèle enzymatique de l‟α-
chymotrypsine, de l‟anhydrase carbonique et des ribonucléases ainsi que comme
inducteur de chiralité dans des réactions aussi diverses que la réduction de céto-acides,
l‟halogénation, l‟oxydation de sulfures, l‟époxidation, certains réarrangements
sigmatropiques, l‟addition de Michaël, les réactions de Diels-Alder et de Wittig, en
utilisant un réactif achiral et un substrat prochiral 91
.
Les CD sont également utilisés en séparation énantiomérique par électrophorèse
capillaire, chromatographie en phase gazeuse ou liquide à haute performance.
L‟emploi de CD permet de changer l‟affinité des composés à analyser pour la phase
stationnaire, et donc de modifier leur temps de rétention. Les CD ont aussi été utilisées
en RMN comme auxiliaires chiraux pour la discrimination entre les énantiomères 92
.
87
F. Cramer, W. Saenger and H. C. Spatz, J. Am. Chem. Soc., 1967, 89, 14. 88
Y. Inoue, Ann. Rep. NMR Spectrosc., 1993, 27, 59. 89
P. Irwin, P. Pteffer, L. Doner, G.Sapers, J.Brewster and K.Hicks, Carbohydrate Research, 1994, 256, 13. 90
J.Szejtli and T.Osa, Cyclodextrin, Pergamon,Oxford, 1996. 91
R. Breslow, S.D. Dong, Chem. Rev., 1998, 98, 1997. 92
M. Gosnat, Thèse de doctorat : Relations entre paramètres thermodynamiques et géométriques dans la résolution chirale
Chapitre I
41
I.C.5.2. Dépollution des sols
Les CD présentent de bonnes caractéristiques pour être utilisées en dépollution
des sols41. D‟une part, elles peuvent agir comme des surfactants éco-compatibles pour
améliorer fortement la biodisponibilité de molécules polluantes très peu solubles et
donc leur dégradation dans le biofilm où se trouve la microflore du sol. Leur faible
coût relatif, leur biocompatibilité et leur effet accélérateur significatif de la
biodégradation du polluant en font un choix pertinent pour des usages en
bioremédiation. D‟autre part, de par leur nature chimique, les CD constituent une source de
carbone et d‟énergie aisément utilisable par les micro-organismes présents dans les sols93
.
Fava et al.94
ont montré que les bactéries endogènes du sol se multiplient en présence de CD
avec un taux de croissance proportionnel à la concentration. La biodégradabilité dans les
sols des CD natives est rapide et complète tandis que celle des CD ramifiées est plus faible
et dépend du degré de substitution95
. Selon Verstichel et al.96
, dans des conditions
expérimentales idéales, le pourcentage de biodégradation des CD natives atteint 90% après
15 jours d‟incubation, tandis que seulement 5,6% de dégradation des CD acétylées a été
observé après 45 jours.
Une autre approche de décontamination est l‟extraction des polluants. Cette
méthode est traditionnellement réalisée à l‟aide de surfactants ou dans certains cas de
solvants organiques, qui servent à évacuer dans une solution de lavage les polluants.
Ces décontaminants étant plus ou moins toxiques pour l‟écosystème du sol, leur
remplacement par des CD apparaît comme une amélioration majeure de ce procédé41.
par des cyclodextrines modifiées, Univ. Paris XII, 2000.
93
E.Fenyvesi, K.Casabi, M.Molanr, K.Gruiz, L.Leitgib, G.Balgoh and A.Murany, J. Incl. Phenom., 2002, 44, 413. 94
F. Fava, L.Bertin, S. Fedi and D. Zannoni, Biotechn. and Bioeng., 2002, 81, 1. 95
M. Singh, R. Sharma, U.C. Banerjee, Biotechnol. Adv., 2002, 20, 341. 96 S.Verstichel, B. De Wilde, E. Fenyvesi and J. Szejtli, J. polym. Env., 2004, 12, 1.
42
Chapitre II
Théories et méthodes
d’analyses
Chapitre II
43
De nombreuses techniques d’analyse physico-chimiques telles que les
spectroscopies UV-visible, RMN et de masse, ou bien encore les méthodes
électrochimiques, permettent de mettre en évidence la formation du complexe formé par
l’encapsulation d’une molécule invitée au sein de la cavité d’une molécule de CD. La
démarche générale se base sur l’analyse de la variation d’une propriété physico-
chimique donnée, entrainée par l’ajout dans le milieu réactionnel de l’un des deux
composés au sein d’un échantillon contenant l’autre. Néanmoins, la détection de
l’inclusion n’est que l’étape préliminaire pour une description complète du complexe et
donc une caractérisation plus approfondie est nécessaire pour explorer la topologie du
complexe et sa stabilité thermodynamique, par exemple. Il devient alors indispensable
de choisir parmi les diverses techniques disponibles celles qui s’adaptent au mieux à la
nature de la molécule invitée en question ou à celle de la CD.
Etant donné que TC,HCl s’ionise en milieux aqueux, la conductivimétrie
constitue une technique de choix. En effet, la théorie des électrolytes offre des
potentialités pour mettre en évidence et analyser les différents mécanismes et
interactions mis en jeu aussi bien lors de la micellisation de cette molécule tensioactive
que lors de sa complexation avec la CD. De ce fait, la conductivimétrie sera traitée en
détails dans ce chapitre. Ainsi, les équations fondamentales décrivant le phénomène
électrodynamique sont explicitées de manière à mettre en relief l’importance des
contributions de chaque espèce chimique. L’influence de la force ionique d’un
électrolyte sur la mobilité des ions en solution est exprimée selon les équations de
Debye-Hückel dérivées des théories classiques des électrolytes. Dans un premier
temps, les notions de conductivité équivalente et de mobilité ionique sont rappelées
pour aboutir à l’équation de Debye-Hückel qui permet de déterminer les coefficients
d’activité des ions en solution. Ensuite, les principales étapes menant à l’équation
générale d’Onsager sont exposées afin d’évaluer les conductivités équivalentes et les
mobilités des ions en solution.
Généralement, la formation du complexe produit des modifications dans les
spectres d’absorption UV-visible et RMN de la molécule invitée sous la forme d’un
déplacement et/ou d’un élargissement d’une ou plusieurs bandes. Ces variations
Chapitre II
44
peuvent être attribuées au changement d’environnement accompagnant l’encapsulation
de la molécule invitée.
Concernant la détermination de la constante d’équilibre et de la stœchiométrie du
complexe, nous présentons les deux méthodes les plus courantes et mises en œuvre
utilisées dans le cadre de ce travail. D’une part, la méthode de Benesi Hildebrand qui
consiste à produire une dépendance linéaire entre la variation de la propriété observée et
la constante d’équilibre, et d’autre part la méthode itérative utilisant un ajustement non-
linéaire des données expérimentales n’exigeant aucune approximation.
II.1. CONDUCTIVIMETRIE
II.1.1.CONDUCTIVITE DES SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES42, 97-99.
97
II.1.1.1.Définitions
Soit une solution aqueuse d’un électrolyte (AB) de type 1:1 tel que sa
dissociation dans l’eau soit totale suivant la réaction :
𝐴𝐵 𝐴+ + 𝐵− (II.1)
Sous l’effet d’u champ électrique E
, chaque type d’ion acquiert une vitesse limite v
proportionnelle à E
; les ions positifs se déplacent dans le sens du champ et les ions
négatifs en sens opposé. On a donc :
Eu
(II.2)
et
Eu
(II.3)
où u et u désignent les mobilités électrique des ions A
+ et B
-, respectivement. Les deux
types d’ions contribuent à la densité de courant total j
C. Audigie, G.Dupont, F.Zouszain, Principes et méthodes d’analyses biochimiques, Doin, Paris, 1982.
Chapitre II
45
C étant la concentration molaire en électrolyte et F la constante de Faraday; CF
représente la charge positive par unité de volume et u la mobilité totale de l’électrolyte.
Les termes F u et F u désignent respectivement la conductivité ionique des cations ( )
et celle des anions ( ). La conductivité de la solution qui est par définition le
coefficient de proportionnalité entre j et Ε , selon l’équation
j = κ Ε (II.5)
est donc égale à :
CFu = neu (II.6)
n = C 𝒩A (II.7)
e étant la charge élémentaire, 𝒩A le nombre d’Avogadro et n la concentration
moléculaire. de la solution est reliée à la conductance par la relation :
κ = σΚcell (II.8)
où la constante de cellule Κcell dépend de la géométrie de la cellule électrolytique. Etant
donné que les conductivités de solutions de différentes concentrations ne sont pas
directement comparables, il est quelquefois préférable d’utiliser la conductivité
équivalente (nommée également conductivité molaire, , pour le cas particulier d’un
électrolyte 1:1) telle que :
Λ = 𝜅/𝐶 (II.9)
d’où
Λ = 𝜆+ + 𝜆− (II.10)
II.1.1.2.Loi de Kohlrausch
Kohlrausch a montré en 1900 que pour les électrolytes forts la variation de de
solutions très diluées est linéairement dépendante de la racine carrée de la concentration
selon l’expression :
CA 0
(II.11)
Chapitre II
46
où Λ0 représente la conductivité équivalente limite à dilution infinie, et A est une
constante liée au solvant. La linéarité observée est perdue quand les ions libérés sont de
type divalent ou bien que l’électrolyte est faiblement dissocié.
II.1.1.3.Loi d’additivité
Selon Kohlrausch, à dilution infinie la contribution de chaque ion à la
conductivité est indépendante des autres ions présents, ce qui permet d’écrire que :
Λ0 = λ+
0 + λ−0 (II.12)
λ𝑖0 désigne la conductivité ionique à dilution infinie d’un ion donné i. Sa connaissance
pour chaque ion permet de calculer Λ0 pour les électrolytes faibles pour lesquels il est
impossible de procéder par extrapolation à concentration nulle de la variation de
avec C.
Pour les solutions réelles toutefois, il faut tenir compte des interactions électrostatiques
entre ions, ce qui impose l’utilisation des coefficients d’activité qui rendent compte de
ce phénomène.
II.1.2.THEORIE DE DEBYE-HUCKEL
II.1.2.1. Principes fondamentaux98
L’expression du potentiel chimique d'un composé neutre en solution peut se
mettre sous la forme:
µ = µ0 + 𝑅𝑇 ln𝑎 = µ0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾𝐶
𝐶0 (II.13)
avec 𝑎 et 𝛾 représentant respectivement l’activité et le coefficient d’activité du
composé. C0 désigne la concentration molaire dans les conditions standards (1mol/l). R
est la constante des gaz parfait et T est la température absolue.
Pour les solutions électrolytiques et par analogie avec les espèces neutres, les
potentiels chimiques d’un cation (μ+) et d’un anion (μ-) s’écrivent :
98
J.B. Hasted, Aqueous dielectrics, Chapman and hall London, 1973.
Chapitre II
47
µ+ = 𝜇+0 + 𝑅𝑇 ln𝑎+ = 𝜇+
0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾+𝐶+
𝐶0 (II.14)
µ− = 𝜇−0 + 𝑅𝑇 ln𝑎− = 𝜇−
0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾−𝐶−
𝐶0 (II.15)
L’équilibre général de dissolution d’un électrolyte dans un solvant est donné par
l’équation chimique suivante :
AαBβ αΑ+β
+ βB-α
Comme en solution il est impossible d’étudier séparément une entité chargée car son
comportement dépend de celui de son contre-ion, on définit un potentiel chimique
moyen pour l’électrolyte tel que :
µ± =αµ++βµ−
α+β= µ±
0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾±𝐶±
𝐶0 (II.16)
= µ±0 + 𝑅𝑇 ln
𝐶±
𝐶0 + 𝑅𝑇𝑙𝑛𝛾± (II.17)
Les expressions suivantes définissent chacun des termes moyens :
𝜇±0 =
α𝜇+0 +β𝜇−
0
α+β (II.18)
𝐶± = 𝐶+α𝐶−
β 1
α+β (II.19)
𝛾± = 𝛾+α𝛾−
β 1
α+β (II.20)
Dans la suite de ce mémoire le terme 𝛾± est remplacé par γ par commodité, étant donné
qu’il n’y a pas de confusion possible.
D’après l’expression (II.17), le terme 𝑅𝑇𝑙𝑛𝛾± représente l’excès d’énergie dû
aux interactions électrostatiques responsables de l’écart à l’idéalité.
II.1.2.2.Loi restreinte
En 1923, les physiciens Peter Debye et Erich Hückel ont élaboré une théorie
permettant de calculer le coefficient d'activité moyen γ d'un électrolyte en solution.
Dans cette théorie, l'écart à l'idéalité pour un ion est uniquement lié à la présence
Chapitre II
48
d'interactions électrostatiques avec les autres ions de la solution, les interactions de van
der Waals étant négligées. Pour ce faire, ils ont eu recours à un certain nombre
d’hypothèses visant à simplifier la prise en compte des interactions ioniques en solution.
En premier lieu, ils ont considéré un ion ponctuel unique comme système de référence.
Ensuite, ils ont supposé que seules les forces coulombiennes étaient importantes en
considérant le solvant comme un milieu continu de constante diélectrique ε. Enfin, ils
ont posé l’hypothèse que les ions entourant l’ion de référence ont une charge de valeur
égale mais de signe opposé à ce dernier. Ces contre-ions sont unis en un continuum
chargé appelé nuage ionique ou atmosphère ionique d’épaisseur D (longueur de Debye)
comme illustré sur la figure II.1. C'est l'interaction entre l'ion central et son
environnement électrostatique qui est responsable de l'écart à l'idéalité.
Figure II.1 : Représentation de l’atmosphère ionique autour d’une charge centrale par la
longueur de Debye (D) 99
.
La distribution spatiale ionique autour d’un ion central peut être décrite par la
distribution de Boltzmann, sachant que l’énergie thermique tend à distribuer les ions de
même nature de manière homogène dans la solution. Ainsi, la densité ionique pour
chaque espèce i s’écrit :
𝑛𝑖(𝑥,𝑦, 𝑧) = 𝑛𝑖∞𝑒−𝑧𝑖𝑒Φ(𝑥 ,𝑦 ,𝑧)
𝑘𝐵𝑇 (II.21)
où Ф(x,y,z) est le potentiel électrostatique créé par cette charge centrale ; ni
correspond à la population des charges i loin de l’ion central et peut être confondue
99 D.A.McQuarrie, Statistical Mechanics, University Science Books, California, 2000.
Chapitre II
49
avec la concentration moléculaire de l’espèce i (ni ~ 𝑛𝑖); kB est la constante de
Boltzmann et zi est la valence de l’ion i.
La distribution de charges est décrite par l’équation de Poisson qui lie Φ à la
densité de charge 𝜌 dans le milieu. Dans le cas isotrope, selon une direction x, on a :
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 = −𝜌(𝑥)/εε0 (II.22)
0 étant la permittivité du vide et
𝜌 𝑥 = i
𝑧𝑖𝑒 𝑛𝑖(𝑥) (II.23)
La combinaison de ces trois dernières équations nous donne l’expression connue sous le
nom d’équation de Poisson-Boltzmann. Pour illustration, dans le cas d’un électrolyte de
type1:1 de valence z, l’équation s’écrit :
−𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 =𝑧𝑒𝑛
εε0 𝑒
−𝑧𝑒Φ(x )
𝑘𝐵𝑇 − 𝑒+𝑧𝑒Φ(x )
𝑘𝐵𝑇 (II.24)
ou bien encore
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 = 2𝑧𝑒𝑛
εε0𝑠𝑖𝑛ℎ
𝑧𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇 (II.25)
Suivant la valeur du potentiel qui agit à la surface de l’ion (Φ0
), deux cas peuvent se
présenter pour permettre la résolution analytique de cette équation.
1- Le premier correspond au cas où Φ0 évolu selon la concentration des contre-ions
entourant l’ion central. Ce cas correspond à la solution proposée par Gouy
Chapman et n’est pas traité ici.
2- Le second est lié au cas où l’énergie thermique kBT est prépondérante (𝑧𝑒Φ ≪
kB T).
Dans cette dernière hypothèse, le terme hyperbolique de l’équation II.25 se
simplifie pour donner l’équation bien connue :
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 = 2𝑧𝑒𝑛
εε0 𝑧𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇 . (II.26)
Chapitre II
50
Dans le cas plus général d’un système comportant plusieurs espèces ioniques i,
on peut développer au premier ordre, l'exponentielle intervenant dans l’équation II.21:
𝑒−𝑧𝑖𝑒Φ(x )
𝑘𝐵𝑇 ≃ 1 −𝑧𝑖𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇 . (II.27)
L'équation de Poisson-Boltzmann devient alors :
−𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 =1
εε0
i
𝑧𝑖𝑒 𝑛𝑖(1 −𝑧𝑖𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇) (II.28)
La neutralité électrique de la solution imposant que :
i
𝑧𝑖𝑒 𝑛𝑖 = 0 (II.29)
on obtient finalement l’expression :
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 =Φ(x)
εε0𝑘𝐵𝑇
i
𝑧𝑖2𝑒2𝑛𝑖 = 𝐷−2Φ(x) (II.30)
en posant
𝐷−2 =1
εε0𝑘𝐵𝑇
i
𝑧𝑖2𝑒2𝑛𝑖 (II.31)
qui définit D. La valeur de ce paramètre indique l’amplitude de l’effet d'écrantage de
l'atmosphère ionique, plus l’écrantage est important est moins le nuage ionique est
étendu. L’équation II.31 peut être réécrite en introduisant la force ionique I du système :
I=1
2 i
𝑧𝑖2𝐶𝑖 (II.32)
d’où
𝐷−2 =2𝑒2𝒩A
εε0𝑘𝐵𝑇𝐼 (II.33)
et finalement
𝐷 = εε0𝑘𝐵𝑇
2𝑒2 𝒩A 𝐼
12 (II.34)
L’équation différentielle du second ordre (équation II.30) admet des solutions du type :
Φ(x) = 1
e−𝑥 𝐷 + 2
e 𝑥 𝐷 (II. 35)
Chapitre II
51
ou bien, en coordonnées polaires
𝑟Φ r = 1
e−𝑟 𝐷 + 2
e 𝑟 𝐷 (II.36)
1 et
2 sont des constantes qui dépendent des conditions limites. Sachant que le
potentiel s’annule pour r→ ∞, alors 2
= 0 et donc l’équation (II.36) devient :
𝑟Φ r = 1
e−𝑟 𝐷 (II.37)
En combinant les équations (II.22), (II.30) et (II.37), on obtient l’expression de la
densité de charge :
𝜌 𝑟 = −1εε0𝐷
−2 𝑒−𝑟 𝐷
𝑟 (II.38)
L’électro-neutralité imposant que
4𝜋𝑟2𝜌 𝑟 𝑑𝑟 = −𝑧𝑒∞
0 (II.39)
z étant ici la valence de l’ion central, la détermination de la constante 1 s’appuie alors
sur l’équation :
4𝜋1εε0𝐷
−2 𝑟𝑒−𝑟 𝐷 𝑑𝑟 = 𝑧𝑒∞
0 (II.40)
qui permet de déduire que
1 =𝑧𝑒
4𝜋εε0 . (II.41)
L’expression finale du potentiel est alors donnée par :
Φ r =𝑧𝑒
4𝜋εε0
e−𝑟 𝐷
r (II.42)
Au voisinage de l’ion central, le potentiel total peut être linéarisé de la manière
suivante :
Φ r =𝑧𝑒
4𝜋0
e−𝑟 𝐷
r≃
𝑧𝑒
4𝜋εε0r−
𝑧𝑒
4𝜋εε0𝐷 (II.43)
Cette expression montre que le potentiel peut se réduire à la somme de 2 contributions :
un terme en 1/r due à l’ion isolé; et un terme en D-1 qui rend compte de l’effet de
Chapitre II
52
l’atmosphère ionique autour de l’ion central. Ce dernier terme est équivalent au
potentiel induit par une charge unique –ze à la distance D. On peut donc écrire :
Φ r = Φion + Φatm (II.44)
L’écart à l’idéalité (ou l’énergie d’excès) comme souligné précédemment,
W = 𝑅𝑇𝑙𝑛𝛾 = 𝒩A 𝑘𝐵𝑇𝑙𝑛𝛾 . (II.45)
est due, aux interactions électrostatiques entre l’ion central et l’atmosphère ionique. Il
est par définition équivalent au travail électrique qu’il faut fournir pour créer la charge
globale q = ze de l’atmosphère ionique égale mais de signe opposé à celle de l’ion
central dans la configuration considérée. Ainsi, on peut écrire que pour 1mol
d’électrolyte :
W = 𝒩A Φatmze
0dq = 𝒩A −
𝑧𝑒
4𝜋εε0𝐷
ze
0dq = −𝒩A
𝑧𝑒 2
8𝜋εε0𝐷 (II.46)
En combinant les équations (II.45), (II.46) et (II.34), γ peut être défini en fonction de I
selon:
log𝛾 = −A𝑧2 𝐼 (II.47)
avec
𝐴 =𝑒3𝒩A
1/2
(2,303)4𝜋 2 εε0𝑘𝐵𝑇 3/2 (II.48)
A 25°C, la valeur de la constante A est égale à 0,5093 M-1/2
.
Notons toutefois que l’équation (II.47) constitue la loi limite de Debye et
n’est valable que pour les très faibles valeurs de I (< 10-2
M).
II.1.2.3. Loi étendue 100
Une hypothèse importante associée à l’équation restreinte de Debye-Huckel est
que l’ion de référence est ponctuel. Cette hypothèse reste parfaitement valable pour
des électrolytes dilués. En effet, par exemple, pour un électrolyte 1:1 dans une
solution de force ionique 10-3
M, on estime que la taille du nuage ionique est 100 fois
100 G.N. Lewis and M. Randall, Thermodynamics, McGrawHill, NewYork, 1961.
Chapitre II
53
supérieure au rayon de l’ion de référence. Pour des forces ioniques plus élevées (10-2
<I<10-1
M) par contre, l’ion de référence ne peut plus être assimilé à un point en
raison de la contraction de l’atmosphère ionique. C’est la raison pour laquelle
l’équation étendue de Debye-Huckel relative aux coefficients d’activité moyens fait
intervenir un terme supplémentaire qui prend en compte la taille finie de l’ion.
Soit « a » le rayon de l’ion central, alors l’équation (II.40) doit s’écrire de la façon
suivante :
4𝜋1εε0𝐷
−2 𝑒−𝑟 𝐷 𝑟𝑑𝑟 = 𝑧𝑒∞
𝑎 (II.49)
et par conséquent
1 =𝑧𝑒
4𝜋εε0
𝑒𝑎 𝐷
1+𝑎 𝐷 (II.50)
L’expression du potentiel électrique est alors :
Φ r =𝑧𝑒
4𝜋εε0
e−𝑟 𝐷
r 𝑒𝑎 𝐷
1+𝑎 𝐷 (II.51)
La contribution de l’atmosphère ionique au potentiel peut alors s’écrire dans ce cas
d’après les équations (II.43) et (II.44):
Φatm r =𝑧𝑒
4𝜋εε0
e−𝑟 𝐷
r 𝑒𝑎 𝐷
1+𝑎 𝐷 −
𝑧𝑒
4𝜋휀휀0𝑟 . (II.52)
Ainsi, le potentiel créé par l’atmosphère ionique au niveau de l’ion de dimension a
s’écrit :
Φatm a = −𝑧𝑒
4𝜋εε0
𝐷−1
1+𝑎 𝐷 (II.53)
Le travail qu’il faut fournir pour créer la charge ze de l’atmosphère est donc :
W = 𝒩A −𝑧𝑒
4𝜋εε0
𝐷−1
1+𝑎 𝐷
ze
0dq = −𝒩A
𝑧𝑒 2
8𝜋εε0
𝐷−1
1+𝑎 𝐷 (II.54)
Ce qui permet finalement de déduire que :
log 𝛾 = −A𝑧2 𝐼
1+B a 𝐼 (II.55)
avec
𝐵 = 2𝑒2𝒩A
εε0𝑘𝐵𝑇 (II.56)
A 25°C, la valeur de B est égale à 0,3287 Ǻ-1
M-1/2
.
Chapitre II
54
Il faut noter ici que le terme entre crochets de l’expression II.54 constitue le
terme correctif tenant compte de la taille finie de l’ion central.
Le paramètre a désigne en fait la distance minimale d’approche entre l’ion
central et les contre-ions environnants, c'est-à-dire le rayon minimum de l’atmosphère
ionique entourant l’ion central. Lorsque sa valeur est de l’ordre du diamètre d’un atome
soit environ 3Ǻ, le produit B.a est de l’ordre de 1 et l’équation (II.55) se réduit à :
log𝛾 ≃ −A𝑧2 𝐼
1+ 𝐼 (II.57)
En ce qui concerne le calcul des coefficients d’activité dans le cas d’une force
ionique pouvant aller au-delà de 0,5 M, une équation empirique a été proposée par
Davies :
log𝛾 = −A𝑧2 𝐼
1+B.a 𝐼− 0,3I (II.58)
II.1.3.TRAITEMENT D’ONSAGER , 101
Dans le cas d’un ion soumis à un champ électrique, les effets du nuage ionique
sont plus complexes car cet ion est en mouvement. Onsager a utilisé le modèle du
nuage ionique introduit par Debye et Huckel pour établir une expression relative aux
conductivités ioniques et équivalentes.
II.1.3.1.Mobilité d’un ion solvaté
L’évaluation de la mobilité d’un ion solvaté peut être obtenue en utilisant un
modèle mécanique dans lequel sa vitesse limite résulte de l’équilibre entre deux
forces : celle due au champ électrique et celle résultant du frottement avec le fluide
visqueux représentée par exemple par la loi de Stokes. Si l’on assimile l’ion solvaté à
une sphère de rayon a, l’équation de la dynamique donne pour la vitesse limite:
a
zeE
6 (II.59)
où désigne la viscosité du liquide environnant. La mobilité de l’ion qui résulte de ce
modèle est donc donnée par l’expression:
101 H.S.Harned and B.Owen , The physical chemistry of electrolytic solutions, Reinhold, New York, 1964 .
Chapitre II
55
a
ze
Eu
6 (II.60)
En utilisant la définition de la mobilité ionique électrochimique 0u , la mobilité d’un ion
peut être réécrite sous la forme suivante :
u zFu0 (II. 61)
avec 0u
1
a6 𝒩A
II. 1.3.2. Effet électrophorétique
Le champ électrique appliqué a un effet sur le nuage ionique, celui-ci étant poussé
à migrer dans le sens inverse de l’ion de référence et entraînant ainsi tous ses
composants dont l’ion de référence lui-même en retardant davantage la progression
de ce dernier. Ce phénomène est comparable à une augmentation locale de la
viscosité de l’électrolyte et est connu sous le nom d’effet électrophorétique . Les
forces coulombiennes attractives entre le nuage et l’ion ont ainsi tendance à freiner la
migration de ce dernier. Ainsi, à cause de cet effet électrophorétique, l’atmosphère
ionique de rayon moyen D se déplace en contre courant de l’ion avec une mobilité :
euzF
D6 𝒩A
(II.62)
En prenant en compte la correction due à la taille de l’ion, la mobilité
éléctrophorétique de l’atmosphère ionique devient :
eu
zF
6 𝒩A
Da
D
1
1 (II.63)
II.1.3.3.Effet de relaxation
Comme mentionné précédemment, lorsque le champ électrique E est appliqué
l’ion va se déplacer dans le même sens que la force électrique mais son nuage
électronique ne va le rejoindre qu’après un temps de relaxation τ. Le résultat est que
le nuage prend une forme allongée formant une traînée derrière l’ion de référence. Le
rapport entre la distance qui sépare l’ion du barycentre de son nuage et le rayon de
Chapitre II
56
Debye exprime la dissymétrie de l’atmosphère ionique. En effet, la rupture de la
symétrie sphérique se traduit par une force de rappel de l’atmosphère ionique sur
l’ion central. L’hypothèse d’Onsager est de considérer que le champ électrique E est
partiellement compensé par un champ de relaxation ∆E. Le terme correctif qui tient
compte de l’effet de relaxation corrigé de l’effet de la taille de l’ion pour le cas d’un
électrolyte 1:1 est donné par l’expression suivante :
E 22ez
12𝜋 TkB0
1
D−1
1+a D E.
(II.64)
avec ω = 0,5 dans ce cas.
II.1.3.4.Mobilité effective
La mobilité relative de l’ion central freiné par l’effet électrophorétique due à
l’atmosphère ionique est donnée par
𝑢𝑟𝑒𝑙 = 𝑢 + 𝑢𝑒
(II.65)
où 𝑢 est donnée par l’équation (II.61)
En tenant compte de l’effet de relaxation, qui ralentie également la vitesse de
l’ion central, la vitesse effective peut s’exprimer sous la forme :
𝑣𝑒𝑓𝑓 = 𝑢𝑟𝑒𝑙 𝐸 − ∆𝐸
(II.66)
Ce qui permet de déduire la mobilité effective de l’ion central pour un électrolyte 1:1:
𝑢𝑒𝑓𝑓 = 𝑣𝑒𝑓𝑓
𝐸=
𝑢𝑟𝑒𝑙 𝐸−∆𝐸
𝐸 (II.67)
𝑢𝑒𝑓𝑓 = 𝑢0𝑧𝐹 1 −1
6 0u 𝒩A
Da
D
1
1
𝐸−ΔE
𝐸 (II.68)
II.1.3.5. Conductivité équivalente
De manière générale, la conductivité ionique pour un ion donné de valence z
s’exprime par:
𝜆 = 𝑧 𝑢𝑒𝑓𝑓𝐹 (II.69)
En remplaçant les différents termes par leurs valeurs respectives et en négligeant les
Chapitre II
57
termes croisés, on obtient l’expression finale :
𝜆 = 𝜆0 − 𝜆0 𝑧2𝐹2
12𝜋𝒩A εε0RT
𝜔
1+ 𝜔 +
𝑧𝐹2
6𝒩A
D−1
1+a D (II.70)
où 𝜆0= 𝑢0𝑧2𝐹2, represente la conductivité ionique limite. La conductivité équivalente
de l’électrolyte étant la somme des conductivités ioniques des différents ions présents
(ion central et contre-ion), on obtient :
Λ = Λ0 − Λ0 𝑧2𝐹2
12𝜋𝒩A εε0RT
𝜔
1+ 𝜔 +
2𝑧𝐹2
6 𝒩A
D−1
1+a D (II.71)
qui peut être réécrite en fonction de I sous la forme :
Λ = Λ0 − Λ0𝐵1 + 𝐵2 𝐼
1+𝐵𝑎 𝐼 = Λ0 − 𝐴′
𝐼
1+𝐵𝑎 𝐼 (II.72)
𝐴′ = Λ0𝐵1 + 𝐵2 (II.73)
avec 𝐵1 =𝑧2𝐹3
3𝜋𝒩A εε02RT
𝜔
1+ 𝜔 (II.74)
et 𝐵2 =𝑧𝐹3
3 𝒩A
2
εε0𝑅𝑇 (II.75)
Par exemple à 25°, B1=0,23M-1/2
et B2=60,65 Ω-1
cm2 l
1/2mol
-3/2.
II.1.4 APPLICATION A LA MICELLISATION
II.1.4.1 Concentration micellaire critique
Nous avons vu précédemment que la conductivité d’une solution évolue en
fonction des concentrations de chaque espèce ionique en solution. Ainsi, lors de la
formation des micelles à partir d’un agent tensioactif ionique, les concentrations des
différentes espèces ioniques sont modifiées, ce qui se répercute sur la conductivité de la
solution.
La figure II.2 schématise le processus de micellisation et son impact sur la
conductivité d’une solution tensioactive d’un composé ionique AX dans l’eau.
Chapitre II
58
Figure II.2 : Représentation schématique de l’évolution de la conductivité en fonction
de la concentration selon l’état d’agrégation d’un tensioactif ionique. Les
pentes des droites avant et après la CMC sont notées S1 et S2,
respectivement. Adapté de la référence 28 .
La conductivité évolue linéairement (pente S1) en fonction de la concentration pour
les systèmes dilués, mais à la CMC la diminution de la mobilité des molécules
amphiphiles agrégées dans les micelles ainsi que le confinement partiel des contre-ions
dans l’atmosphère ionique des micelles, provoquent une rupture de pente (pente S2). Ce
comportement est mis à profit pour la détermination expérimentale de la CMC
identifiée comme étant la concentration à laquelle s’effectue le changement de pente.
II.1.4.2 Degré de dissociation (d) 102,103
Soient Cs , CA, CX, CM et C les concentrations respectives en tensioactif ionique
non agrégé, en ions tensioactifs libres, en contre-ions, en micelles et totale. Dans le
domaine pré-micellaire, la dissociation des molécules est totale et donc la conductivité
est la somme des conductivités individuelles des ions tensioactifs A et de celle des
contre-ions X.
C<𝐶𝑀𝐶 = 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶 (II.76)
La pente de la droite représentative de ce comportement est donc :
102 D. G. Hall, Aggregation Processes in Solution; Elsevier , Amsterdam, 1983. 103 J. Toullec et S. Couderc, C. R. Acad. Sci. Paris Série II b, 1997, 324, 773.
Chapitre II
59
𝑆1 = 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 (II.77)
En régime micellisé, l’expression de 𝐶>CMC comprend un terme supplémentaire
correspondant à la contribution des micelles :
C>𝐶𝑀𝐶 = 𝜆𝐶𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶𝑥 + 𝜆𝑀 𝐶𝑀 (II.78)
𝜆𝑀 étant la conductivité ionique molaire des micelles. Sachant que dans ces conditions
CA=Cs ~ CMC, cette dernière équation peut se mettre sous la forme suivante :
𝐶>CMC = 𝜆𝐴 .𝐶𝑀𝐶 + 𝜆𝑋 𝑑𝐶 + 1 − 𝑑 𝐶𝑀𝐶 + 𝜆𝑀 𝐶−𝐶𝑀𝐶
𝑛 (II.79)
n étant le nombre d’agrégation moyen des micelles, et d le degré de dissociation ionique
micellaire. L’expression de 𝜆𝑀 diffère selon les modèles. Ainsi, Zana104
, suivi de
nombreux auteurs, a fait l’hypothèse qu’un ion tensioactif au sein d’une micelle dont la
charge n’est pas neutralisée par un contre-ion contribue à la conductivité de la solution
dans les mêmes proportions que s’il était libre, d’où :
𝜆𝑀 = 𝑛 𝑑𝜆𝐴 (II.80)
Si l’équation (II.80) est insérée dans l’équation (II.79), on obtient:
𝐶>CMC = 1 − 𝑑 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶𝑀𝐶 + 𝑑 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶 (II.81)
d’où 𝑆2 = 𝑑 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 (II.82)
Le rapport des pentes 𝑆1et 𝑆2 (équations (II.77) et (II.82)), permet de déterminer d :
𝑑 =𝑆2
𝑆1 (II.83)
Ainsi, dans le cadre de ce modèle, d est indépendant de la concentration en tensioactif.
L’expression (II.83) à été très largement utilisée pour déduire la valeur de d des
systèmes tensioactifs à partir des mesures conductivimétriques. Cependant,
l’approximation (II.80) sous-estime la contribution des micelles dans la conductivité
totale et conduit à des valeurs surestimées de d.
104 R. Zana, Surfactant Solutions, New Methods of Investigation, Marcel Dekker, New York, 1987.
Chapitre II
60
Une estimation de la conductivité ionique micellaire qui donne de meilleurs
résultats pour d est basée sur la théorie d’Evans 105
qui propose que:
𝜆𝑀 = 𝑛5/3𝑑2𝜆𝐴 (II.84)
Cette hypothèse permet de déduire que :
𝐶>𝐶𝑀𝐶 = 𝑆1 1 − 𝑛2
3𝑑2 + 𝜆𝑋𝑑 𝑑𝑛2
3 − 1 𝐶𝑀𝐶 + 𝑛2
3𝑑2 𝑆1 − 𝜆𝑋 + 𝑑𝜆𝑋 𝐶 (II.85)
et donc
𝑆2 = 𝑑2𝑛2
3(𝑆1 − 𝜆𝑋) + 𝑑𝜆𝑋 . (II.86)
Lorsque n peut être déterminé par une méthode indépendante, et que 𝜆𝑋 est connue, les
pentes S1 et S2 permettent de déterminer d.
Cependant, des méthodes plus élaborées et plus récentes d’analyse des données
expérimentales conductivimétriques basées sur la loi d’action de masse permettent de
déterminer simultanément les deux paramètres n et d. En particulier, celle de Shanks et
Frances106
, permet de déterminer la CMC, d et n par l’usage d’une régression non-
linéaire. Des améliorations à cette procédure ont été apportées ensuite, en particulier par
Herrington et al.107
. Ces auteurs assimilent la solution micellaire à une solution mixte de
deux électrolytes, d’une part les molécules libres solubilisées entièrement dissociées, et
d’autre part celles agrégées au sein des micelles partiellement dissociées. La
conductivité 𝜅 du système est alors exprimée selon la somme de deux termes . Le
premier terme correspond aux ions amphiphiles libres solubilisées associée à une
concentration équivalente de contre-ions, tandis que le deuxième est relatif à la
contribution des micelles et des contre-ions associés assurant la neutralité électrique.
L’expression de 𝜅 établie sur la base de la théorie de Debye-Huckel qui rend compte
des effets des interactions inter-ioniques sur la conductivité électrique (voir section
II.1.3.5) permet l’analyse des données expérimentales à l’aide d’une procédure itérative
tenant compte de la conservation des masses et des charges des différentes espèces
105 D. F. Evans, D.J. Mitchell and B.W. Ninham, J. Phys. Chem., 1984,88, 6344 . 106
P.C. Shanks and E.I. Franses, J. Phys. Chem., 1992, 96, 1794. 107
K.L. Herrington, E.W. Kaler, D.D. Miller, J.A. Zasadzinski and S. Chiruvolu, J. Phys. Chem., 1993, 97, 13792.
Chapitre II
61
chimiques présentes, et la déduction simultanée non seulement les paramètres d et n,
mais également de la CMC108
.
II.1.4.3. Variation thermique de la solubilité et température de Kraft (TK)
La conductivimétrie permet de suivre la dissolution d’un tensioactif ionique dans
l’eau en fonction de la température. Pour rappel, TK étant définie comme étant la
température à laquelle la solubilité devient égale à la CMC, il en découle que la
solubilité, et par suite la conductivité, présente une croissance plus rapide à partir de
cette température. Cette propriété est généralement exploitée pour la détermination de
TK. Ainsi, les variations thermiques des courbes de solubilité et de CMC sont sécantes
et la température correspondant à leur point d’intersection est TK.
TK et la variation thermique de la solubilité totale du surfactant dans l’eau sont
déterminées à partir de l’analyse des données expérimentales suivant la démarche de
Gaboriaud28 qui consiste à analyser les données expérimentales de la conductivité à
différentes concentrations, aussi bien supérieures qu’inferieures à la CMC, en fonction
de la température afin d’accéder aux variations individuelles des solubilités thermiques
des monomères et des micelles au sein de la solution aqueuse. Les détails de la
procédure seront explicités dans le prochain chapitre109.
II.1.4.4. Nombre d’agrégation (n)
La connaissance des variations des solubilités aussi bien micellaire que celle des
molécules non agrégées peut servir à la détermination de n. Une méthode relativement
simple d’évaluation de n basée sur la loi d’action de masse et développée par Maroi 27
liant la solubilité au voisinage de TK à la structure micellaire, en particulier n, est
valable pour des températures proches de TK
CM(T) = CM(TK) x CS(T) / CS(TK)n
(II.87)
Avec Ci(T) représentant la solubilité de l’espèce i à T donnée.
108 A.A.Dar, M.A.Bha and, G.M.Rather, J. Coll. Inter. Sci., A., 2004,248, 67. 109
T. Fergoug, D.Bendedouch and E.Aicart, J.Coll. Surf. A, 2004 ,237, 95.
Chapitre II
62
II.2. SPECTROPHOTOMETRIE UV-VISIBLE
II.2.1. ABSORPTION DE LA LUMIERE 110
Beer et Lambert ont montré que la proportion de lumière absorbée par un milieu
transparent est dépendante de l’intensité de la lumière incidente (I0), de l’épaisseur du
milieu traversé (l) par le rayonnement et de la concentration en composé absorbant (C).
L’absorbance A (ou densité optique) est ainsi définie par l’expression suivante :
A = log10 𝐼0
𝐼𝑡= 휀𝐶𝑙 (II.88)
où It est l’intensité de la lumière après passage à travers le milieu (ou intensité
transmise) et est le coefficient d’absorption molaire caractéristique du milieu et de la
longueur d'onde (λ) considérée. Cette loi étant additive, l’absorbance d’un mélange est
égale à la somme des absorbances de chacun des composants du mélange pour une
valeur de λ donnée.
Il s’avère cependant que cette loi n’est parfaitement valable que pour les faibles
concentrations pour lesquelles les interactions intermoléculaires sont négligeables.
II.2.2.POINT ISOBESTIQUE111
, 112
Soit une substance absorbante X susceptible de se transformer en composé Y. Le
spectre d’absorption de X est généralement différent de celui de Y, mais il peut exister
une longueur d'onde (λiso ) pour laquelle ces deux substances possèdent le même ε
(εx
= εy
= ε). Dans ce cas, les courbes d’absorption des mélanges de X et Y pour une
concentration totale C constante se coupent en un seul point appelé point isobestique,
comme le montre la figure II.3. En effet, comme X et Y sont en équilibre chimique, on
aura pour λ = λiso , la relation :
A = εx CX l + ε
y CY l = ε C l (II.89)
110 R. Ruyssem et L. Molle, Principe de chimie physique, 5éme édition. Paris, Vol. 55, 1965. 111
C. Merino, E. Junquera, J. Barbero and E. Aicart, Langmuir, 2000,16 , 1557. 112
O. Thomas and V. Cerda, UV-Visible Spectrophotometry of Water and Wastewater, Elsevier, 2007.
Chapitre II
63
La valeur de A reste donc indépendante des proportions respectives de X et Y pour
λiso
. En cinétique chimique, il peut exister plusieurs points isobestiques qui sont utilisés
comme points de référence dans l'étude des taux de réaction, A étant constante tout au
long de la réaction pour chacune de ces valeurs de λiso
. Inversement, si le mécanisme
Figure II. 3 : Courbes d'absorption typiques de mélanges de 2 composés en équilibre
chimique à une concentration totale constante112
.
d'une réaction suivie spectroscopiquement est inconnu, l'observation d'un point
isobestique prouve qu'il s'agit d'une réaction s’effectuant en une seule étape et se
traduisant par un équilibre entre le composé de départ et le produit de la réaction (ou un
mélange de produits dans des proportions fixes).
II.3. SPECTOMETRIE RMN113
La RMN utilise les propriétés magnétiques que possèdent certains noyaux
atomiques. En effet, Ces derniers placés dans un champ magnétique extérieur B 0
provoque une levée de dégénérescence des niveaux énergétiques de spin de ces noyaux
dont la séparation entre niveaux adjacents (ΔE) est proportionnelle à 𝐵0. Les transitions
énergétiques entre ces niveaux satisfont à la condition de Bohr : ΔE= h 𝜐 où 𝜐 est la
fréquence de résonnance, encore appelée fréquence de Larmor ou de précession.
L’ordre de grandeur des 𝜐 mises en jeu appartient au domaine des ondes radio.
113
H.Gunther, La spectroscopie RMN, Masson, Paris, 1993.
Chapitre II
64
II.3.1 DEPLACEMENT CHIMIQUE
Tous les atomes ne perçoivent pas de la même manière le champ magnétique
appliqué. En effet, les électrons liés à un noyau ou appartenant à d'autres créent leur
propre champ magnétique très faible mais opposé à B 0. Ce nuage électronique
spécifique pour chaque noyau dans une molécule induit une modification de 𝜐 exprimée
par la relation :
𝜐 =𝛾 1−𝜍
2𝜋B0 = 𝜐0 1 − 𝜍 (II.90)
où est un facteur de proportionnalité appelé rapport gyromagnétique, et est la
constante d'écran ou de blindage qui représente les modifications apportées au champ
subi par le noyau. 𝜐0 est la fréquence de résonance de fonctionnement de l'appareil. La
fréquence 𝜐 caractérise un noyau avec un environnement propre, mais dépend de
l’intensité de B0 de l'expérience. C’est pourquoi, on défini un paramètre appelé
déplacement chimique δ indépendamment de B0, selon l’expression:
𝛿(𝑝𝑝𝑚 ) =𝜐−𝜐𝑟𝑒𝑓
𝜐0106 (II.91)
où 𝜐𝑟𝑒𝑓 est la fréquence de résonance d’une substance de référence, en général le
tétramethylsilane (TMS).
II.3.2.MISE EN EVIDENCE DIRECTE DE LA COMPLEXATION DE LA CD69
L’encapsulation d’une molécule organique par une molécule de CD induit des
modifications de la densité électronique locale à l’intérieur de la cavité entraînant des
variations de 𝛿 de certains protons, aussi bien ceux de la molécule hôte que ceux de
l’invitée. Si la molécule invitée pénètre dans la cavité de la CD, on peut supposer que
les atomes d’hydrogène situés à l’intérieur de la cavité (H-3 et H-5) seront
considérablement perturbés, tandis que ceux qui se trouvent sur la surface externe (H-2,
H-4 et H-6) ne subiront pas d’influence notable. Comme la conversion entre la CD
complexée et non-complexée est généralement rapide et réversible, on n’observe
généralement que des signaux moyens pour H-3 et H-5. Dans l’éventualité où la
variation de 𝛿 de H-3 serait moins importante que celle de H-5, ce serait un signe clair
Chapitre II
65
que la molécule aurait pénétré profondément dans la cavité, H-5 se trouvant dans la
partie la plus étroite de la cavité. A partir de variations de de ces deux protons en
fonction de la concentration en CD, la constante d’association caractérisant la stabilité
du complexe peut être déterminée comme cela sera développé plus loin.
II.4. SPECTROMETRIE DE MASSE ESI114,115
La spectrométrie de masse est une technique d’analyse des ions selon leur
rapport masse/charge. Elle permet la détection, la caractérisation et la quantification de
substances. Le principe général est le même pour tous les spectromètres de masse :
l'échantillon, initialement en phase liquide, solide ou gazeuse est ionisé suite à une
éventuelle nébulisation ou désorption. Les ions produits acquièrent une énergie
cinétique qui conditionne leur trajectoire. Le trajet étant fonction du rapport
masse/charge, il provoque la séparation des ions et régit l’information contenue dans le
spectre de masse qui renseigne sur les espèces ioniques présentes ainsi que sur leur
éventuelle abondance.
Dans le domaine biologique, la spectrométrie de masse combinée à l’électro-
nébulisation capillaire (Electrospray Ionization - ESI) est maintenant considérée comme
incontournable. En effet, l’'ESI est l’une des techniques d'ionisation avec la
désorption /ionisation laser assistée par matrice (MALDI) conduisant à un gain minimal
d’énergie interne par les ions émis. L’attrait de cette technique d’ionisation est donc
qu’elle permet d’observer des composés fragiles comme des complexes non covalents
ou des composés à faible énergie de seuil de fragmentation ou de dissociation.
Un champ électrique intense appliqué à la sortie d’un capillaire contenant
l’échantillon en solution provoque la formation d'un nuage de gouttelettes chargées qui
traversent simultanément un gradient de champ électrique et un gradient de pression
dans la direction de l'analyseur du spectromètre de masse. Durant ce transport, la taille
des gouttelettes diminue en raison de l’évaporation du solvant par explosions
114 E.De Pauw, Thèse de doctorat : Caractérisation et Dissociation du Complexe Hydrosoluble C60, (γcyclodextrine)2 par
Spectrométrie de Masse, Univ. Liège, 2005. 115
J. Vinh, Thèse de doctorat : Etude et caractérisation structurale de modifications posttraductionnelles de la Tubuline par
spectrométrie de masse, Univ. Pierre et Marie Curie, Paris VI, France, 1999.
Chapitre II
66
"coulombiennes" successives, c’est à dire par des divisions spontanées (de la gouttelette
chargée en gouttelettes plus petites) provoquées par une charge surfacique très élevée,
comme on peut le voir sur la figure II.4. Les ions formés détectés en mode positif sont
des espèces généralement multi-protonées.
Figure II.4 : Schéma de principe du processus ESI. Adapté de la référence 117 .
II.5.TENSIOMETRIE
La tension superficielle (γ) est formellement l’énergie qu’il faut fournir à la
surface d’un liquide en équilibre pour provoquer l’extension de cette surface d’une
unité. Elle s’exprime en erg/cm2 ou en dyne/cm. Contrairement à la conductivimétrie, la
tensiométrie est applicable même aux tensioactifs non-ioniques puisqu’elle est
insensible aux électrolytes ; elle dépend directement du comportement de ces molécules
à la surface.
Les molécules tensioactives causent une déformation de la structure de l’eau
autour de leurs parties hydrophobes. Les torsions internes des chaînes hydrophobes se
trouvent alors limitées par cette structure plus ordonnée de l’eau qui agit alors comme
une barrière. Pour minimiser ces interactions défavorables avec l’eau, ces molécules se
concentrent préférentiellement à la surface en s’orientant avec la partie hydrophobe
dirigée directement hors de l’eau. Ce phénomène d’adsorption du tensioactif provoque
une diminution de γ qui va s’accentuer avec l’augmentation de la concentration bien au
delà de la saturation de la surface à la concentration Csat . γ ne se stabilise que lorsque la
Chapitre II
67
micellisation est amorcée, c'est-à-dire lorsque C=CMC, car alors la concentration des
molécules non associées reste relativement constante (voir figure II.5), toute quantité
supplémentaire de tensioactif se solubilisant sous forme micellaire.
Figure II.5 : Tracé typique de la tension superficielle en fonction du logarithme de la
concentration en surfactant116
.
Lorsque la température s’élève, les corps se dilatent et les forces d’attraction
mutuelles entre les molécules aussi bien au sein de la solution qu’en surface diminuent
entrainant un abaissement de γ.
II. 6. DETERMINATION DE LA CONSTANTE D’ASSOCIATION D’UN COMPLEXE 1:1
La mise en évidence de la formation d’un complexe peut être effectuée par
diverses méthodes, la RMN constituant l’outil le plus généralement utilisé88, 117. Dans le
cas d’une complexation faisant intervenir des espèces chargées ou acido-basiques,
d’autres techniques comme la conductivimétrie et la pH-métrie sont également
appropriées118
. Pour les composés qui présentent une activité dans le domaine UV-
visible, les spectroscopies d’absorption53 et de fluorescence sont bien adaptées71.
116
A.Sardi, Thèse de magister : Effet de la nature de la chaine hydrophobe sur les propriétés physico-chimique
d’un système mixte cationique dibranché non ionique fluoré, Univ. Oran, 2009. 117 S. Moutard, Thèse de Doctorat, Relation entre la structure et les propriétés d’organisation de nouvelles cyclodextrines
amphphiles, Univ. de Picardie Jules Verne, 2003. 118 K.Hirose,. J. Incl. Phenom., 39, 2001, 193.
Chapitre II
68
En ce qui concerne les méthodes spectroscopiques, il y a lieu de prendre en compte
les effets liés aux échanges chimiques et conformationnels. En fait, ces méthodes sont
restrictives quant aux conditions expérimentales comme c’est le cas pour un échange
rapide, comme nous le verrons dans la section suivante.
II.6.1.ECHANGE CHIMIQUE ET CONFORMATIONNEL115
La valeur d’une fréquence de résonnance ν résulte d’une moyenne temporelle et
orientationnelle de la molécule engagée dans un processus réactionnel ou bien
orientationnel au sein du milieu environnant. Dans le cas de la formation d’un complexe
entre deux molécules, l’existence de l’équilibre suivant :
molécules libres molécules liées
implique un échange caractérisé par une constante de vitesse totale : 𝒌𝒗𝒕 = 𝒌𝒗(𝟏) +
𝒌𝒗(−𝟏) . Les temps de vie dans chaque état sont respectivement : 𝜏lié = 1/𝒌𝒗(𝟏) , 𝜏libre =
1/𝒌𝒗(−𝟏) et le temps de relaxation global est 𝜏 = 1/𝒌𝒗𝒕 . A l’échelle du temps d’une
expérience spectroscopique et pour une fréquence d’observation donnée, trois cas sont à
envisager comme cela est schématisé sur la figure II.6.
Echange lent
Les populations relatives des molécules libres et associées sont alors détectées aux
fréquences νlibre et νlié, respectivement. Pour ce cas limite de l’échange, la largeur à
demi-hauteur de chacune des bandes spectrales concernées dépend de la cinétique
d’échange selon :
∆ν12 = (∆ν1
2 )0 +
𝒌𝒗𝒕
𝜋 (II.92)
(∆ν 1/2)0 étant la largeur à demi-hauteur en l’absence d’échange. C’est un régime pour
lequel les deux états moléculaires (libre et lié) sont observables séparément pendant le
temps caractéristique de l’expérience (1/∆ν).
(1)
(-1)
Chapitre II
69
Figure II.6 : Illustration de l’influence de la vitesse d’échange sur la forme des bandes
et sur les valeurs des déplacements chimiques obtenus en RMN115.
Ainsi, plus rapide sera l’échange, plus court sera le temps de vie dans un site et plus
large sera la raie en accord avec le principe d’incertitude d’Heisenberg.
Echange rapide
Une bande unique est observée et apparaît au barycentre de ν liée et ν libre , car en
moyenne une molécule passe 50% de son temps sur chaque site. A l’inverse de
l’échange lent, pour lequel chaque bande est élargie par le passage d’un état à l’autre, le
signal unique observé dans l’échange rapide s’affine lorsque la cinétique s’accélère.
Ceci traduit le fait que l’environnement d’un atome ou d’un groupement d’atomes est
de mieux en mieux moyenné. L’élargissement de la raie est exprimé alors par la
relation:
∆ν12 = (∆ν1
2 )0 +
𝜋(| ν lié− ν libre |)2
2𝑘𝑣𝑡 (II.93)
Echange intermédiaire (coalescence)
Il est associé aux cinétiques intermédiaires. Expérimentalement, on observe la
coalescence des deux bandes correspondant l’une à l’état libre et l’autre à l’état lié, et se
Chapitre II
70
traduit par la disparition de la vallée entre les deux bandes. Cette condition est remplie
pour :
𝑘𝑣𝑡 = π(|ν lié− ν libre |)
2 ≈2,2 (ν lié- ν libre) (II.94)
En résumé :
- si 𝒌𝒗𝒕 > 2,2 (ν lié- ν libre), alors une seule bande est observée ;
-si 𝒌𝒗𝒕 < 2,2 (ν lié- ν libre), alors deux bandes séparées sont observables.
II.6.2.METHODE DE BENESI-HILDEBRAND
Une des approches possibles adaptée à la détermination de la constante de
complexation d’une molécule invitée par la CD est la méthode développée par Benesi et
Hildebrand119
dans laquelle la concentration du ligand (L) est généralement maintenue
constante, alors que celle de la CD varie dans une gamme donnée de concentrations. Au
cours de la titration, la variable de la propriété physique observable dépend de la
technique adoptée et de la nature de la molécule invitée ainsi que celle de la CD. Cette
approche que nous allons développer permet de déterminer graphiquement la constante
de complexation d’un complexe 1:1 (K11 ) à condition que l’espèce non observée soit en
large excès (d’au moins un facteur 10) par rapport à l’espèce observée.
Soit l’équilibre de formation du complexe 1:1 :
CD + L CD/L (II.95)
Alors , en négligeant les interactions :
𝐾11 ≃ 𝐶𝐷/𝐿
𝐶𝐷 𝐿 (II.96)
où les crochets expriment les concentrations des espèces présentes en solution à
l’équilibre thermodynamique.
Soit une propriété physique P dont l’expression en fonction des concentrations
des différentes espèces i s’écrit sous la forme :
119
H. A. Benesi and J. h. Hidebrand, J. Am. Chem. Soc., 1949, 71, 2703.
Chapitre II
71
P = pi[i] (II.97)
pi ayant la signification soit d’un coefficient d’extinction en spectrophotométrie, soit
d’une conductivité ionique en conductivimétrie, soit d’un déplacement chimique en
RMN. Considérons la variation de la valeur de P définie par :
𝛥𝑃 = 𝑃 − 𝑃∗ (II.98)
où 𝑃 est la valeur observée à l’équilibre en présence de la CD, et 𝑃∗ celle du système
mesurée en l’absence de la CD.
Soient [CD/L] la concentration en complexe à l’équilibre, 𝐶𝐷 𝑡 et [L]t, les
concentrations totales en CD et en espèce invitée respectivement, alors 𝛥𝑃 peut être
exprimée sous la forme :
𝛥𝑃 = 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐶𝐷/𝐿 + 𝐿 𝑡 − 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐿 − 𝑃∗ (II.99)
avec 𝑃∗ = 𝐿 𝑡 𝑝𝐿 (II.100)
et donc 𝛥𝑃 = 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐶𝐷/𝐿 − 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐿 (II.101)
ou encore 𝛥𝑃 = 𝐶𝐷/𝐿 𝛥𝑝 (II.102)
avec 𝛥𝑝 = 𝑝𝐶𝐷/𝐿 − 𝑝𝐿 (II.103)
Toutefois, l’espèce observée étant généralement L, il est permis d’écrire également :
𝛥𝑃 = 𝑝𝑒𝑓𝑓 𝐿 𝑡 (II.104)
Par ailleurs, la conservation des masses se traduit par:
𝐾11 = 𝐶𝐷/𝐿
𝐶𝐷 𝑡− 𝐶𝐷/𝐿 𝐿 𝑡− 𝐶𝐷/𝐿 (II.105)
Chapitre II
72
Sous réserve que 𝐿 𝑡 soit faible devant 𝐶𝐷 , il est possible de négliger le terme
[CD/L]2
dans l’expression précédente, ce qui conduit à :
𝐾11 ≃ 𝐶𝐷/𝐿
𝐶𝐷 𝑡 𝐿 𝑡− 𝐿 𝑡 𝐶𝐷/𝐿 − 𝐶𝐷 𝑡 𝐶𝐷/𝐿 (II.106)
ou bien, en introduisant les équations (II.102) et (II.104) :
𝐾11 ≃𝑝𝑒𝑓𝑓
𝐶𝐷 𝑡𝛥𝑝− 𝐿 𝑡 𝑝𝑒𝑓𝑓 − 𝐶𝐷 𝑡 𝑝𝑒𝑓𝑓 (II.107)
A partir de cette équation et en négligeant 𝐿 𝑡 devant 𝐶𝐷 𝑡, on établit une relation
linéaire entre 𝐶𝐷 𝑡−1
et (𝑝𝑒𝑓𝑓 )−1:
1
𝑝𝑒𝑓𝑓≃
1
𝐾11 𝛥𝑝 𝐶𝐷 𝑡+
1
𝛥𝑝 =
𝐿 𝑡
𝛥𝑃 (II.108)
L’équation II.108 permet de déterminer les deux paramètres recherchés, à savoir
𝛥𝑝 et 𝐾11 , en portant sur un graphe les valeurs de 𝐿 𝑡/ 𝛥𝑃 en fonction de 𝐶𝐷 𝑡−1
.
Cette méthode n’est valable que pour des constantes d’association faibles et pour
une gamme de concentrations en CD très restreinte. En effet, lorsque la valeur de 𝐾11
devient importante, la pente de la droite décrite par l’équation II. 108 diminue fortement
et par voie de conséquence la précision sur la détermination de 𝐾11 diminue. Enfin,
cette procédure implique que la valeur de 𝑝𝐿 soit connue pour la substance invitée à
l’état libre.
Pour illustration, dans l’application à la spectrophotométrie d’absorption UV-visible,
l’équation II.108 s’écrit:
𝐿 𝑡
𝛥𝐴=
1
𝐾11 ∆ε 𝐶𝐷 𝑡+
1
∆ε (II.109)
avec, 𝛥𝐴 = 𝐴 – 𝐴∗ (équation II.98), où 𝐴 et 𝐴∗ sont respectivement les absorbances en
présence et en absence de CD, et Δε représentant la différence en valeur absolue entre
les ε du complexe et du soluté libre (équation II.103). Cette méthode n’est évidemment
applicable que si l’absorbance de la molécule invitée solubilisée est modifiée lorsqu’elle
est complexée par la CD.
Chapitre II
73
II.6.3.METHODE ITERATIVE117
Cette méthode numérique permet de s’affranchir de toutes les conditions
restrictives précédentes et consiste à utiliser la méthode des variations continues et les
données expérimentales de 𝑃 pour déterminer la stœchiométrie de l’association.
Sous réserve de l’applicabilité de la relation décrite par l’équation (II.102), la
combinaison des équations (II.98) ,(II.102) et (II.104), permet de déduire que :
𝛥𝑃
𝐿 𝑡=
∆𝑝 𝐾11 𝐶𝐷 𝐿
𝐶𝐷/𝐿 + 𝐿 =
∆𝑝 𝐾11 𝐶𝐷
1+𝐾11 𝐶𝐷 (II.110)
Par ailleurs, à partir de l’équation (II.96), il est possible de déterminer [CD]
La résolution des équations (II.110) et (II.111) fait intervenir deux données
expérimentales ( 𝐶𝐷 𝑡 et 𝛥𝑃) et deux paramètres libres d’ajustement (𝑲𝟏𝟏 et 𝛥𝑝) dans
une procédure de régression non linéaire des moindres carrés multiparamétriques.
Il est important de souligner ici qu’il est facile de se défaire de toute hypothèse
concernant les interactions entre les différentes espèces présentes, les concentrations
devront être simplement remplacées par les activités correspondantes comme nous le
verrons lors de l’application de cette méthode en conductivimétrie (détaillée dans le
chapitre IV).
Partie expérimentale
CHAPITRE III
75
Chapitre III
Etude physico-chimique de la tétracaine
CHAPITRE III
76
La particularité de TC,HCl est qu’elle est à la fois un sel d’acide faible et un
agent tensioactif. De ce fait, parmi toutes les méthodes dévolues à la caractérisation
physico-chimique, la conductivimétrie, la pH-métrie et la tensiométrie apparaissent
comme les plus appropriées pour sonder son comportement. En effet, l’information
concernant la nature de l’espèce chimique (TC,HCl ou TCH+) prépondérante dans un
milieu aqueux donné est une donnée cruciale quant à son inclusion au sein d’une
molécule de CD, sachant que seule la forme protonée est dotée d’une activité
thérapeutique. Par ailleurs, la connaissance du diagramme de phases de TC,HCl dans
l’eau, permettant de cerner les domaines d’existence des formes monomériques et
micellaires en fonction de la concentration et de la température, est aussi décisive pour
optimiser les conditions sous lesquelles la complexation devrait être conduite. En effet,
l’activité de la molécule de TC,HCl est directement associée à son état solubilisé mais
non agrégé, ce qui exige de travailler d’une part à une concentration inferieure à la
CMC, et d’autre part à une température supérieure à Tf pour s’affranchir des
problèmes liés à la présence de l’agrégat micellaire et du cristal hydraté.
La détermination de la constante de complexation par spectrophotométrie
d’absorption UV-visible impose par ailleurs une analyse spectrophotométrique de
TC,HCl. Il s’agit d’établir son spectre d’absorption, de déterminer les coefficients
d’absorption correspondants aux différentes bandes et de cerner l’applicabilité de la loi
de Beer Lambert.
Au passage, il faut noter que la caractérisation de la CD pure en solution
aqueuse est superflue car son comportement est généralement connu et largement
documenté 3,5
.
III.1. MATERIELS ET METHODES
TC,HCl fournie par la société Sigma est pur à plus de 99% et utilisé sans autres
purifications. Toutes les solutions ont été fraîchement préparées avec de l'eau distillée
et dé-ionisée, de conductivité égale à 4µS/cm et de tension superficielle de
75dynes/cm à 25°C. L’homogénéité des solutions mères a été assurée par sonification
pendant trois heures dans un bain ultrasonique.
CHAPITRE III
77
Les différentes mesures effectuées en fonction de la concentration ont été
réalisées sur des solutions obtenues à partir de dilutions successives d’une solution
mère de TC,HCl à 650 mM. En tensiomètrie et conductivimètrie, les dilutions ont été
effectuées directement dans la cellule de mesure. Pour assurer la reproductibilité des
mesures, chaque solution a été préparée au départ à température ambiante (~ 30°C)
puis chauffée lentement (0,1°C/min) jusqu’à dissolution complète du soluté et ensuite
refroidie (~2°C) jusqu’à la recristallisation complète. Une fois le système en équilibre,
la solution est chauffée de nouveau de la même manière jusqu’à la température choisie
pour l’expérience. La température de la solution est maintenue constante à
±0,01°C.
Tensiométrie
La tension superficielle (γ) a été mesurée au moyen d’un tensiomètre de type
Du Nouy. Il est constitué d’un anneau en platine suspendu par un fil à un dispositif en
forme de poulie qui permet d’exercer progressivement une force verticale nécessaire
pour arracher l’anneau immergé dans la solution, permettant ainsi de mesurer des γ
variant de 0 à 90 dynes/cm avec une précision de 0,05 dynes/cm, après étalonnage de
l’appareil.
Conductivimètrie
Les mesures de conductivité (κ) ont été effectuées à l’aide d’un conductimètre
de type EC 214 Bench Conductivity Meters (HANNA) avec une cellule de mesure à 4
pôles de constante de cellule égale à 0,805 cm- 1
placée dans une enceinte thermostatée.
L’appareil fonctionne en toute fiabilité dans une large plage de conductivité allant de
1,00 µS/cm à 1000 mS/cm avec une précision de 0,01 µS/cm.
Pour la détermination du point de Kraft (Tk) et du point de fusion du dernier
cristal hydraté (Tf), l’évolution de la conductivité de l’échantillon en fonction de la
CHAPITRE III
78
température est suivie au-delà de la disparition du dernier cristal pour différentes
concentrations.
Pour les mesures de la CMC, la variation de la conductivité en fonction de la
concentration est suivie à différentes températures.
pH-métrie
Le pH-mètre est de type Prolabo, utilisant une électrode de verre combinée
contenant une solution de KCl comme référence et est équipé d’une enceinte
thermostatée. L’appareil fonctionne avec une précision de 0,01 unité de pH.
Spectrophotométrie d’absorption UV-visible
Les absorbances (A) des échantillons placés dans des cuves en quartz, de
chemin optique de 1cm, ont été déterminées à l’aide d’un spectrophotomètre de
type Shimazu UV-Visible. Les spectres d’absorption situés dans une gamme de
longueurs d’onde () variant de 190 à 350nm ont été obtenus pour différentes
concentrations en TC, HCl à une température d’environ 25°C et une précision de 0,01
unité d’absorbance.
III.2.RESULTATS ET DISCUSSION
III.2.1.TENSIOMETRIE
La courbe de variation de γ en fonction de la concentration en TC,HCl à 30°C
visible sur la figure III.1permet d’accéder à la valeur de la CMC correspondant au
point de changement de pente. En effet, l’évolution de γ est d’abord linéairement
décroissante avec l’augmentation de la concentration, puis atteint un plateau (γ = γmin)
au-delà de la CMC. L’intersection des deux droites, qui représentent des ajustements
linéaires des points expérimentaux dans les domaines pré-micellaire et micellaire
correspond à une valeur de la CMC de 83 ± 0,4 mM. Cette valeur est comparable
à celle publiée par Miller et al.122
obtenue avec la même technique, et avec celle de
H.Satake123
.
10 100
40
45
50
55
60
65
70
CMC= 83 mM
[d
yne
/cm
]
C [mM]
Figure III.1:Variation de la tension superficielle de TC,HCl en fonction de la
concentration à 30°C. Les droites sont des ajustements linéaires.
L’abaissement de γ (γmin = 43 dynes/cm) observé sur la figure III.1, n’est pas
aussi prononcé que celui généralement observé dans le cas des molécules tensioactives
hydrocarbonées (γmin ~ 30 dynes/cm) ou bien fluoro-carbonées (γmin ~20 dynes/cm).
Cette aspect est sûrement lié à la présence du groupement polaire, en l’occurrence la
fonction ester, associée aux groupements benzyle et amine, encastrée dans la partie
hydrophobe de la molécule de TC,HCl et qui de ce fait réduit le caractère tensioactif
122
K.J. Miller II, S.R. Goodwin, G.B. Westermann Clark, and D.O. Shah, Langmuir, 1993, 9, 105. 123
H.Satake, H.Matsuki and S.Kaneshina , J. Coll. and interf. Sci., 1993, 71, 135
CHAPITRE III
80
du composé. Le fait que la courbe ne présente ni minimum dans la région de la CMC,
ni irrégularités dans la variation de γ au-delà de la CMC, confirme que le produit en
question est caractérisé par une grande pureté22, 31
, ce qui suggère fortement par
ailleurs que le composé ne subit pas d’hydrolyse détectable dans les conditions
expérimentales.
III.2.2.CONDUCTIVIMETRIE
III.2.2.1.Températures de Krafft et de fusion
La figure III.2 montre la variation de en fonction de la température pour une
concentration de 400mM. Les points d’intersections des ajustements linéaires des
différentes parties de la courbe correspondent, le premier à TK = 7,8 ± 0,2°C, et le
deuxième à Tf = 26,2±0,2°C.
0 10 20 30 40
0
1
2
3
4
Tf=26,2°C
TK=7,8°C
[S
/cm
]
T[°C]
Solution micellaire
+
Solide hydraté
Solution micellaire Solide hydraté
+
Solution saturée
Figure III.2: Détermination par conductivimètrie de TK et Tf de TC,HCl à une concentration
de 400mM à l’aide d’ajustements linéaires.
CHAPITRE III
81
L’allure générale de la courbe est caractéristique des équilibres de dissolution
successifs intervenant dans les systèmes de type tensioactif ionique/eau30
. En effet, la
portion qui caractérise le domaine des basses températures (T< TK) correspond à une
solution saturée qui ne contient que des espèces monomériques non agrégées en
équilibre avec le cristal hydraté. Elle est suivie d’une branche intermédiaire
caractérisée par une augmentation importante de la conductivité et donc de la solubilité
lorsque T augmente. Cet effet est directement lié à la formation micellaire. La limite
inférieure de ce domaine (dans lequel la phase solide se trouve alors en équilibre avec
la phase micellaire constituée par l’ensemble des micelles, les monomères libres ainsi
que la phase aqueuse) est associée à un point invariant (TK) par rapport à la
concentration. Cet aspect est mis en évidence sur la figure insérée dans la figure III.3
qui rassemble les courbes de variation de la conductivité en fonction de la température
pour différentes concentrations en TC,HCl. En effet, TK est par définition la
température d’équilibre lorsque la solubilité est égale à la CMC 32
. La limite supérieure
de ce domaine intermédiaire correspond à Tf qui diffère d’une concentration à l’autre
comme le montre la figure III.3. Au delà de Tf, la courbe présente une croissance plus
lente de la conductivité due essentiellement à l’effet thermique et reflétant la
disparition complète du solide hydraté en faveur de la phase micellaire qui s’opère à la
température Tf.
Sur la figure III.3, les valeurs de ont été normalisées à zéro à dilution infinie
afin de mettre en évidence les différences de comportement. Ces courbes diffèrent
selon la concentration par l’étendue du domaine entre TK et Tf, directement lié à la
micellisation. Plus la concentration est importante, plus Tf qui est lié à la solubilité
totale est élevée. La valeur de Tk retenue (8,4°C) est une moyenne des valeurs
déterminées à partir des différentes courbes et est proche de celle obtenue au moyen de
la calorimétrie différentielle à balayage par Matsuki et al.124
124
H. Matsuki, R. Ichikawa, S. Kaneshina, H. Kamaya and I. Ueda, J. Coll. Inter. Sci., 1996, 181, 362.
CHAPITRE III
82
Figure III.3: Variations thermiques de la conductivité normalisée pour différentes
concentrations en TC,HCl.
III.2.2.2.Concentration micellaire critique
Les variations de la conductivité en fonction de la concentration en TC,HCl
mesurées à des températures supérieures à Tf sont représentées sur la figure III.4. Elles
présentent toute un changement de pente caractéristique attribué à la formation des
micelles, c.à d. qu’au point de rupture, on a C= CMC. En effet, la présence croissante
des espèces chargées au sein de la solution augmente la conductivité linéairement
jusqu’à la CMC à partir de laquelle les monomères s’agrègent entrainant ainsi une
CHAPITRE III
83
baisse de mobilité des charges qui participent à cette auto-association. A partir
d’ajustements linéaires réalisés en régime pré et post- micellisation, les valeurs de la
CMC en fonction de la température sont obtenues avec une précision supérieure à 5 %,
et regroupées dans le tableau III.1
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20
0
2
4
6
8
10
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25
0
2
4
6
8
10
12
14
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4
0
2
4
6
8
10
12
14
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4
0
2
4
6
8
10
12
CMC
T=25°C
[
S/c
m]
C[M]
T=40°C
[
S/c
m]
C[M]
T=39°C
[
S/c
m]
C[M]
T=37°C
[
S/c
m]
C[M]
Figure III.4 : Variations de la conductivité en fonction de la concentration de TC,HCl
à différentes températures. Les droites sont des ajustements linéaires.
CHAPITRE III
84
Tableau III.1 : Valeurs de la CMC de TC, HCl en fonction de la température.
T [°C] 40 39 37 25
CMC[mM] 91 81 80 70
III.2.2.3.Concentrations à l’équilibre de dissolution (solubilité)
Afin d’établir le diagramme de phases de TC,HCl dans l’eau, la courbe de
solubilité thermique doit être établie aussi bien en régime pré-micellaire que
micellaire. Pour ce dernier, étant donnée la définition de Tf, il s’en suit que les
concentrations associées aux différentes valeurs de Tf sur la figure III.3
sont simplement égales, respectivement, aux concentrations liées à l’équilibre de
dissolution pour chacune des valeurs de Tf. En d’autres termes, ces concentrations sont
égales à la solubilité à la température Tf correspondante. Ces résultats sont reportés sur
le tableau III.2; les températures et les solubilités sont déterminées à 2 et 4% prés,
respectivement.
Tableau III.2 : Variation thermique de la solubilité de TC,HCl pour C > CMC .
Tf[°C] 28,7 26,2 24,5 20,4 17,2
C[mM] 614 400 300 203 105
Dans le domaine prémicellaire, correspondant par définition aux cas pour
lesquels la concentration totale est inférieure à la CMC, la solubilité a été déterminée
de la manière suivante. On considère la courbe de variation thermique de la
conductivité pour C=2mM (< CMC) reportée sur la figue III.5 qui met en évidence
une variation linéaire difficilement détectable sur la représentation de la figure III.3.
Les conductivités mesurées étant celles de la phase aqueuse en équilibre avec les
cristaux hydratés, il s’agit donc de déterminer les concentrations des molécules libres
de TC,HCl solubilisées correspond aux différentes concentrations totales. Pour ce
faire, une courbe de calibration (voir figure III.6) dans le domaine C<CMC est établie
CHAPITRE III
85
à une température (8°C) à laquelle les cristaux hydratés ne sont pas présents. Ainsi, à
partir des ajustements linéaires des données des figures III.5 et 6, une correspondance
est établie entre la solubilité CS de TC, HCl en dessous de la CMC et la température,
conduisant à adopter l’équation suivante :
LogCS (T)= 0,01 T - 3,21 (III.1)
avec CS (T) exprimée en mM et T en °C.
0 10 20 30 40
0
100
200
300
[
s/c
m]
T [°C]
Figure III.5 : Variation thermique de la conductivité pour TC,HCl à C= 2mM.
CHAPITRE III
86
1E-3 0.01
0
100
200
300
400
500
600
700
800
[S
/cm
]
C [mM]
Figure III.6: Courbe de calibration : variation de la conductivité de TC,HCl en
fonction de la concentration dans le domaine C<CMC à T=8°C.
Pour décrire la variation thermique de la solubilité totale, on admet que celle-ci
provient de la somme de deux contributions28
:
C(T) = CS(T) +CM(T) (III.2)
La première, résultant de la dissolution simple sous forme de monomères est décrite
par l’équation III.1. La deuxième, représentant la dissolution sous forme micellaire est
obtenue par différence entre les valeurs de la solubilité totale pour les C > CMC,
indiquées sur le tableau III.2, et les valeurs de CS(T) correspondantes et déduite de
l’équation III.1. Il en est déduit que CM(T) est donnée par l’équation suivante :
CHAPITRE III
87
LogCM (T) = 0,31 T - 8,51. (III. 3)
Ainsi, la concentration à saturation peut être décrite par l’expression empirique
suivante :
C(T) = 10 [0,01 T – 3,21]
+ 10 [0,31 T - 8,51]
(III. 4)
L’ensemble des résultats concernant la solubilité pour tout le domaine des
concentrations (C < CMC et C > CMC ) est regroupé sur la figure III.7, ainsi que les
5 10 15 20 25 30
1
10
100
Données expérimentales
CS(eq.III.1)
CM(eq.III.3)
C (eq.III.4)
C [
mM
]
T[°C]
ANDBF
Figure III.7: Variation thermique des solubilités monomérique, micellaire et totale
de TC,HCl.
CHAPITRE III
88
courbes d’ajustement des données relatives aux expressions III.1 (CS(T) ), III.3 (
CM(T) ) et III.4 ( C(T) ) qui expriment les corrélations entre la solubilité totale et les
solubilités partielles (monomérique et micellaire) avec la température. Cette figure met
également en relief l’additivité des solubilités partielles. La courbe correspondant à la
variation thermique de la solubilité totale obtenue par cette simulation numérique
permet de prévoir la solubilité du système aussi bien agrégé que non agrégé à
n’importe quelle température, sous réserve qu’il n’y ait pas de modification du
système micellaire (par exemple une transition structurale).
III.2.2.4. Nombre d’agrégation
Le nombre d’agrégation n est évalué à partir de l’équation de Moroi27
(équation
II.87) qui suppose que la solubilité au voisinage de TK (généralement pour TK T Tf)
est dépendante du mode de formation de la micelle, en particulier de n. Ainsi, et à titre
illustratif, n a été déterminé pour un échantillon dans les conditions de dissolution
totale à C=100mM et T= Tf=16°C. La valeur obtenue (n=27) est comparable à celle
trouvée dans la littérature pour des molécules de nature similaire125
.
III.2.2.5.Diagramme de phases
Le diagramme de phases partiel représenté sur la figure III.8 est établi pour
TC,HCl dans l’eau à des concentrations inferieures à 500mM dans l’intervalle de
température de 0 à 40°C, à partir des mesures de conductivité. La courbe
représentative de la variation thermique de la solubilité, celle de la variation thermique
de la CMC et la droite T = TK sont sécantes et leur point d’intersection correspond à la
CMC (5,6 ± 0,1 mM) au point critique TK 126
.
125
S. Schreier , S.V.P. Malheiros and E. de Paula , Biochim. Bioph. Acta, 2000, 1508, 210. 126
F. Krafft et H. Wiglow, Berichté, 1895, 28, 2566.
CHAPITRE III
89
Figure III.8 : Diagramme de phases partiel de TC,HCl dans l’eau.
Il existe 4 domaines délimités par ces courbes : (I) est constitué de solutions
aqueuses moléculaires non saturées; (II) est associé à un système biphasique constitué
d’une solution moléculaire en équilibre avec du tensioactif hydraté solide; (III)
correspond à l’existence de phases micellaires proprement dites, c.-à-d.
macroscopiquement homogènes et limpides ; (IV) est biphasique et constitué d’une
solution micellaire en équilibre avec la phase solide. Au point T=TK et C=CMC, il y a
un équilibre entre les solutions monomérique, micellaire et le cristal hydraté.
Ce diagramme de phases montre que le réchauffement d’une solution saturée
(domaine (II)) ne peut conduire à une solution micellaire homogène (domaine (III))
qu’en passant par le domaine (IV) où coexistent la phase solide et les micelles.
L’existence de ce 4ème domaine, c’est à dire d’une courbe de solubilité pour des
températures supérieures à TK, implique que les micelles ne peuvent, en toute rigueur,
être considérées comme constituant une phase distincte et l’équilibre entre les trois
0 200 400
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
solution micellaire solution
moléculaire
solution moléculaire
+ cristal hydraté
solution micellaire
+ cristal hydraté
Courbe de solubilité
Courbe
de CMC
T
[°C
]
C [mM]
(II)
(I) (III)
(IV)
CMC=5,6mM T=Tk
CHAPITRE III
90
phases solide─monomères─solution micellaire n’est pas invariant puisqu’elles
coexistent dans tout ce domaine. D’après la loi d’action de masse, la micelle est traitée
comme une espèce chimique qui présente un équilibre en solution avec les tensioactifs
libres. Dans ce cas et d’après la règle des phases, la variance donnée par l’équation de
Gibbs
v = 2+c-f-r
est égale à 2 étant donné que :
c: nombre de constituants (eau -surfactant libre-micelle) =3,
f: nombre de phases ( solution - solide) =2,
r: nombre de relations qui relient les constituants entre eux =1.
Ce diagramme de phases montre que la solubilité du surfactant en question est
définie par deux paramètres intensifs (variance=2), la température et la pression, dans
la région où s’établit l’équilibre de micellisation (domaine (IV)). Ce résultat est en
accord avec les lois régissant le modèle de la loi d’action de masse27, 30
, 32
. Ainsi, dans
un cas hypothétique expérimental pour lequel le domaine IV serait inexistant, ce
dernier se réduira au point invariant (v=0) (C= CMC et T = TK) en accord avec le
diagramme de phases théorique de Shinoda 29
à trois domaines basé sur le modèle de
séparation de phases, et qui assimile de manière erronée TK àTf.
III.2.3. SPECTROPHOTOMETRIE UV-VISIBLE
En raison de sa structure chimique comportant des chromophores, TC,HCl
présente un spectre d'absorption caractéristique dans le domaine de l’UV-visible. La
figure III.9 présente la variation de A en fonction de λ à différentes concentrations en
TC,HCl à 25°C. Chaque spectre comprend trois bandes centrées à 195, 225nm et
318nm. La bande centrée à 311 nm est caractéristique des transitions électroniques de
type π → π* au sein des liaisons insaturées de type C=C du cycle aromatique ; celle
centrée à 225 nm est associée aux transitions de type n → π* des doublets non liants
CHAPITRE III
91
des atomes d’azote127
; quant à la bande centrée à 195 nm, elle est généralement liée
aux transitions n → π* des doublets non liants des atomes d’oxygène mais peut
également contenir d’autres contributions comme celle des transitions π → π* .
200 250 300 350
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
C[mM]
0,057
0,044
0,031
0,022
0,008A
[nm]
Figure III.9 : Spectres d’absorption de TC,HCl à différentes concentrations à 25°C.
L’applicabilité de la loi de Beer Lambert est testée à partir des courbes de
variation de A en fonction de la concentration tracées sur la figure III.10 pour les λ
correspondant aux maxima des 3 bandes d’absorption. Les comportements linéaires
observés montrent que la loi est vérifiée dans le domaine de concentrations choisi et
permettent de déterminer les coefficients d’absorption (ε) pour chacune des 3 valeurs
caractéristiques de λ. Il faut cependant noter que pour λ =195 nm, la linéarité se perd à
des concentrations plus faibles que pour les autres valeurs de λ, suggérant que les
transitions électroniques prépondérantes associées sont affectées préférentiellement
127
E. Junquera and E. Aicart, J. intern. Pharma., 1999, 176, 169
CHAPITRE III
92
par les interactions intermoléculaires conséquentes à l’augmentation de la
concentration.
0.00 0.02 0.04 0.06 0.08 0.10
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
[nm]
311
225
195
A
C[mM]
Figure III.10: Variation de l’absorbance en fonction de la concentration de TC,HCl pour
les pics d’absorbance.
Les valeurs de ε sont déterminées à partir d’ajustements linéaires des données
expérimentales et sont égales à 37522, 13547 et 19825M-1
.cm-1
respectivement pour λ
égale à 195, 225 et 311 nm, avec une précision de 8%.
Ces résultats nous permettent de sélectionner le domaine de travail approprié
en ce qui concerne les mesures de A lors de l’étude de la complexation.
CHAPITRE III
93
III.2.4. pH-METRIE
Comme l’ion TCH+ est un acide faible, sa dissociation en milieu aqueux
entraine l’apparition de l’espèce basique non ionisée TC128
. De ce fait, deux
équilibres de dissociation peuvent coexister (comme nous l’avons exposé dans le
chapitre I):
TCH+ + H2O TC + H30
+ (Ia)
𝐾𝑎= 𝑎H30+ . 𝑎TC / 𝑎TCH +
TC + H2O TCH+ + OH
- (Ib)
𝐾𝑏= 𝑎OH − . 𝑎TCH + / 𝑎TC
Ka et Kb étant les constantes d’équilibre de dissociation de l’acide et de la base
conjuguée, respectivement. En présence de βCD, chacune des deux espèces est
susceptible d’être incluse dans la cavité. Dans l’hypothèse que seuls les
complexes de stœchiométrie de type 1:1 peuvent être formés, alors les équilibres
d’association suivants peuvent avoir lieu:
βCD + TCH+ βCD/TCH
+ (II)
𝐾1= 𝑎βCD /TCH +/ 𝑎TCH +.𝑎βCD
βCD+ TC βCD /TC (III) 𝐾2= 𝑎βCD /TC / 𝑎TCH . 𝑎βCD
βCD/TCH+
+ H20 βCD/TC+ H30
+ (IV) 𝐾3= 𝑎βCD /TC . 𝑎H30+ /𝑎βCD /TCH +
K1 et K2 sont les constantes d’association du complexe formé par βCD et la forme
ionisée et non ionisée de la tétracaine, respectivement. A ce propos, Junquera et
Aicart127
ont montré que si le pH d’une solution de ce type d’acide faible est
maintenu à des valeurs éloignées de plus de ±2 unités de pH du pKa, alors seul
l’équilibre (II) (pH ≤ pKa-2) ou l’équilibre (III) (pH≥pKa+2) s’établit quand βCD
est ajoutée. La connaissance de la valeur de Ka est donc déterminante pour
l’étude de l'association de ces composés avec βCD à un pH donné, car elle
permet de prévoir quelle espèce sera présente dans des conditions
128
H. Satake, H. Matsuki, S. Kaneshina, J. Coll. Inter. Sci., A, 1993, 71, 135
CHAPITRE III
94
expérimentales données, d’où l’intérêt également d’établir le diagramme de
prédominance des espèces.
III.2.4.1. Détermination du pKa
Selon l’équilibre (Ia) de dissociation de l’acide, il est possible d’écrire les
relations habituelles suivantes :
- bilan de matière : C= [TCH+] +[TC] (III.5)
- bilan de charges : [TCH+] + [H30
+] = [OH
-] (III.6)
En combinant ces équations avec l’expression de Ka et en supposant en première
approximation que les coefficients d’activité des différentes espèces sont tous
égaux à 1, on peut écrire :
𝑝𝐻 ≃ −log −𝐾𝑎 + 𝐾𝑎
2+4𝐾𝑎𝐶
2 (III.7)
La figure III.11 montre la variation du pH mesuré en fonction de la
concentration de TC,HCl à 25°C. La valeur pKa = 8,4 est déduite à partir de
l’ajustement non linéaire des données expérimentales selon l’équation (III.7). Cette
valeur est comparable à celles relevées dans la littérature129
, 130
, et indique que
l’hydrolyse de l’ester n’a pas lieu , renforçant ainsi les résultats déduits à partir
de la tensiométrie. Par conséquent, la proportion entre les formes ionisée et non
ionisée présentes dépendra directement du pH du milieu. Ainsi, à titre
d’exemple, on peut noter que dans le cas où la cellule nerveuse baigne dans un
milieu de pH égal au pKa, les quantités présentes des formes ionisée et non
129
M. Lucia Bianconi , J. Biochemical Education, 1998, 26, 11 130 S.A. Fermandes , L.F. Cabeça, A.J. Marsaioli and E. de Paula, J. Inclu. Phenom. and Macrocycl. Chem., 2007, 57, 95
CHAPITRE III
95
ionisée de la tétracaine seront égales. Par ailleurs, sachant que seule la forme
non ionisée est capable de traverser la membrane nerveuse17
alors seulement la
moitié de la quantité de la tétracaine introduite interviendra comme matière
thérapeutique.
0 2 4 6 8 10
5,0
5,2
5,4
5,6
5,8
6,0
pH
C[mM]
Figure III.11 : Variation du pH en fonction de la concentration en TC,HCl. La courbe est un
ajustement non linéaire (équation III.7).
III.2.4.2.Diagramme de répartition des espèces
Les fractions molaires en TC et TCH+ liées à l’équilibre (Ia) sont définies
respectivement par :
𝑌𝑇𝐶 = 𝑇𝐶
𝐶= 1 +
𝐻3𝑂+
𝐾𝑎 −1
(III.8)
CHAPITRE III
96
et
Y𝑇𝐶𝐻+ = 1 − Y𝑇C ( III. 9)
Les courbes de variation de 𝑌𝑇𝐶 et 𝑌𝑇𝐶𝐻+ en fonction du pH constituent le
diagramme de répartition des différentes espèces qui est représenté sur la figure
III.12. Ainsi, pour pH ≤ 6,4 (pKa-2), l'équilibre de dissociation (Ia) est presque
totalement déplacé vers la formation de la forme ionisée (TCH+) avec une contribution
négligeable de la forme non ionisée (TC). De ce fait et dans ce cas, βCD va interagir
exclusivement avec la forme ionisée.
0 2 4 6 8 10 12 14
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
pKa
TC
TCH+
TCTCH+
Fra
ctio
n M
ola
ire
pH
Figure III.12: Diagramme de répartition des espèces de la tétracaine.
CHAPITRE VI
Chapitre IV
Inclusion de TC,HCl par une CD
CHAPITRE IV
98
L’étude de la formation du complexe d’inclusion peut être scindée en deux
étapes principales et complémentaires dont la première a pour priorité la mise en
évidence de la formation exclusive du complexe d’inclusion et la deuxième se focalise
sur sa caractérisation physicochimique.
Le choix des techniques sur les quelles s’appuie la première étape met à profit
nécessairement les caractéristiques de chacune des 2 molécules formant le complexe.
En raison de la nature ionique et acido/basique de la molécule invitée, la
conductivimétrie et la pHmétrie sont particulièrement appropriées. La spectroscopie de
masse ESI constitue également un choix adéquat car la structure chimique de TC,HCl
contient des hétéroatomes qui représentent des centres facilement ionisables. D’autres
techniques plus spécifiques comme la spectrophotométrie UV-Visible ou plus générale
comme la RMN peuvent être sollicitées pour mettre en évidence l’existence du
complexe. En effet, la RMN est une technique de choix pour détecter sans ambiguïté
l’occurrence de la complexation à condition qu’il n’y ait pas de recouvrement entre les
signaux des molécules des différents réactifs, que le complexe formé ait une durée de
vie suffisamment longue, et enfin que l’échange entre les espèces à l’équilibre soit
rapide, comme cela a déjà été mentionné dans le chapitre II.
La seconde étape de l’étude peut exploiter ces mêmes techniques pour la
détermination de la stœchiométrie du complexe, de sa constante d’équilibre et de la
topologie de l’encapsulation. Néanmoins, étant donné que la spectrophotométrie UV-
Visible et la conductivimétrie sont plus accessibles et faciles à mettre en œuvre, elles
ont été les plus généralement sollicitées.
Afin d’évaluer la valeur de la constante d’association, deux approches ont été
adoptées. La première développée par Benesi –Hildebrand (voir chapitre II), la plus
classique et la plus facile à mettre en œuvre, permet d’extraire la valeur de la constante
de complexation des données expérimentales à condition que la quantité en CD soit en
excès par rapport à celle de la molécule invitée. La seconde détermine la constante
d’équilibre directement en ajustant les données expérimentales aux équations
théoriques correspondantes grâce à un processus itératif de régression non linéaire.
Dans les deux approches citées, les différents échantillons doivent être analysées:
CHAPITRE IV
99
d’une part en fonction de la concentration en TC,HCl pour le système binaire constitué
de TC,HCl et d’eau (objet du chapitre III) ; et d’autre part en fonction de la
concentration en CD en gardant la concentration de TC,HCl constante pour le système
ternaire comprenant CD ,TC,HCl et l’eau.
Les CD utilisées dans ce travail sont βCD et HPβCD, cette dernière ayant été
utilisée exclusivement en conductivimétrie. Pour chaque méthode, les gammes de
concentrations en CD devront être sélectionnées de manière à garantir une
détermination appropriée de la constante d’équilibre 131
comme nous allons le développer
dans ce chapitre. Ensuite, une analyse thermodynamique s’appuyant sur la variation
thermique de la constante d’association sera développée, pour étudier la stabilité des
complexes (TC,HCl / βCD et TC,HCl/ HPβCD) vis- à-vis de la température et tenter
d’explorer les forces principales qui gouvernent ces inclusions.
IV.1.MATERIELS ET METHODES
βCD a été fournie par la société Sigma et HPβCD, contenant une moyenne de
0,64 groupement hydroxypropylique par unité de glucopyranose, a été fournie par
Janssen Biotech. Tous les composés sont purs à plus de 99% et ont été utilisés sans
autres purifications. L'analyse thermogravimétrique indique que βCD et HPβCD
contiennent respectivement 11,0 et 2,8% en masse d’eau. Toutes les solutions ont été
fraîchement préparées avec de l'eau distillée et dé-ionisée de conductivité inférieure à
18 µS.cm-1
. L’homogénéité des solutions mères a été assurée par sonification pendant
trois heures dans un bain ultrasonique.
Conductivimétrie
Les mesures de conductivité ont été effectuées à l’aide d’un conductivimètre
de type Hewlett-Packard 426ALCR et une électrode de verre combinée Metrohm, dont
le calibrage avec une solution standard de KCl a donné une constante de cellule égale à
0,8129 cm - 1
.
131
E. Junquera and E. Aicart, J. Phys. Chem. B, 1997, 101, 7163.
CHAPITRE IV
100
Le schéma de la figure IV.1 montre le processus fonctionnel de la méthode
conductivimétrique adoptée dans ce travail127
. L'échantillon est placé dans une
cellule de mesure dotée d’un couvercle pour prévenir toute évaporation. Une
burette numérique (Metrohm 665 Dosimat de capacité totale de 36ml avec une
précision de 0,002 ml), contient le liquide qui doit être ajouté à la cellule de
mesure. Un agitateur en polypropylène activé par un moteur externe qui lui impose
une vitesse constante garantit l’homogénéité du mélange. La cellule de mesure et la
burette sont maintenues à la même température à l’aide d’une pompe de Lauda qui
permet la circulation du fluide du bain thermostaté. Le conductivimètre ainsi que
la burette sont pilotés par ordinateur.
Figure IV.1: Schéma fonctionnel de l'équipement conductivimétrique: (1) conductivimètre,
(2,3) électrode de verre combinée, (4) cellule de mesure thermostatée, (5)