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Pierre SERKINE Mémoire de fin d'études pour l'obtention du grade de Master 2 Énergie, Finance, Carbone de l'Université Paris-Dauphine Éviter la maladaptation au Changement Climatique Un moyen de faire de l’adaptation ? Année académique 2011-2012
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Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

Dec 21, 2022

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Page 1: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

Pierre SERKINE

Mémoire de fin d'études pour l'obtention du grade de Master 2 Énergie, Finance, Carbone de

l'Université Paris-Dauphine

Éviter la maladaptation au Changement

Climatique

Un moyen de faire de l’adaptation ?

Année académique 2011-2012

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Ce mémoire fait office de rapport du stage effectué du 10 avril au

10 septembre 2012 au sein de l'Observatoire National sur les

Effets du Réchauffement Climatique (Onerc), dans le cadre de

l'obtention du grade de Master 2 Énergie, Finance, Carbone de

l'Université Paris-Dauphine.

Responsable de stage : Bertrand Reysset (DGEC-Onerc)

Référent académique : Patrice Geoffron (Université Paris-Dauphine)

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RÉSUMÉ

Alors que le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et que les nations peinent

à trouver un consensus sur un cadre contraignant pour limiter à 2°C le réchauffement, les

négociations internationales sont l’occasion de proposer et de débattre d’adaptation aux

conséquences, lesquelles apparaissent progressivement. Du côté de l’économie, certains

chercheurs avancent que l’adaptation pourrait constituer une alternative plus efficace aux

mesures d’atténuation. Par ailleurs, les institutions qui s’intéressent à l’adaptation au

changement climatique souhaitent généralement que les mesures financées ne soient pas

maladaptées.

Ce mémoire élaboré dans le cadre d’une mesure du Plan National d’Adaptation au

Changement Climatique français, présente dans une première partie les aspects économiques

de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique, et conclut à la nécessité et la

rationalité d’appréhender ces deux stratégies comme complémentaires et non substituables.

Dans une deuxième partie, le cadre théorique de l’adaptation et de la maladaptation est

exposé, et une analyse de la littérature dédiée à l’adaptation au changement climatique permet

de montrer que la résilience est le concept qui doit être adopté pour réduire le risque de

maladaptation. Enfin, la dernière partie de ce mémoire présente un outil qui a été développé

dans le but d’éviter la maladaptation à l’échelle de projets d’investissement.

Cet outil évalue les projets sur quatre thèmes principaux que sont la ressource en eau, la

ressource énergétique, la dépendance structurelle (aux divers réseaux) et la dépendance

fonctionnelle des acteurs de la chaîne de valeur du projet au changement climatique. Il a été

testé sur divers cas d’étude afin de s’assurer de sa praticabilité, et des résultats sont présentés

dans le dernier chapitre.

Il pourrait représenter une première étape vers l’adoption d’une démarche complémentaire de

l’étude d’impact environnemental, au cours de laquelle serait évalué, non pas l’impact des

projets sur leur environnement, mais l’impact possible de l’environnement sur le projet du fait

des changements climatiques futurs.

Mots-clés : Adaptation, maladaptation, résilience, capacité d’adaptation, changement

climatique

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iii

REMERCIEMENTS

Ce mémoire représente pour moi la fin d'une période de cinq mois, durant laquelle j'ai eu

l'occasion d'étudier un sujet auquel j'étais étranger, à savoir l'adaptation au changement

climatique. Cette tâche a été simplifiée par le cadre de travail très agréable, ainsi que par les

personnes que j'ai été amené à côtoyer.

Je pense tout d'abord à Bertrand Reysset, qui a toujours su trouver du temps pour m'aiguiller

et m'encadrer quand c'était nécessaire. Je le remercie également pour le temps qu'il a consacré

à la relecture de ce document, et pour m’avoir aidé à recentrer le sujet sur le cœur de l'étude,

sans m'égarer dans des considérations, certes passionnantes, mais qui le sont sans nul doute

davantage pour l'auteur que pour le lecteur, et qui auraient pu nuire à la compréhension du

texte.

D'autres personnes ont contribué au résultat de ce travail en me donnant leur avis sur l'outil

que nous avons développé et sur l'approche adoptée de la maladaptation au changement

climatique. Qu'ils soient de la DGEC, la CDC-Climat, de l'AFD, du CIRED, de l'IDDRI, de

l'ADEME, de la DATAR, du CGDD, de Be Citizen ou bien du Conseil Général du Val-de-

Marne1, je les remercie chaleureusement, car leurs commentaires m'ont permis de faire mûrir

ma réflexion, et de faire tendre cet outil vers la praticabilité.

Je souhaite également remercier Jérôme Duvernoy qui a trouvé le temps de m'apporter ses

commentaires sur ce mémoire, mais aussi Vincent Bourcier, Sylvain Mondon et Nicolas

Bériot pour les divers moments que nous avons partagés, qui n'auront pas manqué de me faire

évoluer. Par ailleurs, je remercie globalement les personnes à côté desquelles j'ai travaillé

pendant ces quelques mois, qui m'auront fait découvrir le quotidien d'un fonctionnaire en

administration centrale.

Enfin, je remercie également mon tuteur académique Patrice Geoffron pour sa disponibilité,

sa sympathie et sa résilience.

1 En particulier Daniel Delalande, Alexia Leseur, Charleyne Lafond, Sabrina Archambault, Vincent Viguié, Ellen Lemaitre-Curri, Thomas Peguy, Frédérique Sobella, Eric Vésine, Céline Phillips et Alexandre Magnan.

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SOMMAIRE

RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................ I

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ III

SOMMAIRE ...................................................................................................................................................... V

TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................................................................. VI

GLOSSAIRE ..................................................................................................................................................... VII

AVANT-PROPOS ............................................................................................................................................... 1

INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 4

I. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ................................................................ 5

I.1. LES IMPACTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET L’ATTÉNUATION ......................................................... 5

I.2. L’ADAPTATION ............................................................................................................................................ 15

I.3. L’ADAPTATION VERSUS L’ATTÉNUATION ............................................................................................................ 31

II. ADAPTATION ET MALADAPTATION ....................................................................................................... 45

II.1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SES IMPACTS .............................................................................................. 45

II.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ADAPTATION, ET LA MALADAPTATION .................................................................... 61

II.3. L'ADAPTATION EN PRATIQUE ..................................................................................................................... 81

II.4. LA MALADAPTATION DANS LA PRATIQUE ...................................................................................................... 93

III. UN OUTIL POUR LA MALADAPTATION DES PROJETS ........................................................................... 104

III.1. L’APPROCHE GLOBALE ............................................................................................................................ 104

III.2. ÉTUDES DE CAS ..................................................................................................................................... 115

CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 125

ANNEXES A ................................................................................................................................................... 128

ANNEXES B ................................................................................................................................................... 136

RÉFÉRENCES ................................................................................................................................................. 150

TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................... 160

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure I-1 Comparaison entre la variation de la production mondiale de pétrole (courbe violette) et de

la variation du PIB par personne en moyenne mondiale (courbe bleue) [3] ....................................7

Figure I-2 Courbe de coût marginal d'abattement des émissions de CO2 (McKinsey) ........................... 12

Figure I-3 Potentiel économique mondial d’atténuation estimé [7]. ....................................................... 14

Figure I-4 Exemples de termes employés pour caractériser des solutions d'adaptation [12] .................. 21

Figure I-5 Classification d'options d'adaptation (d'après Burton, 1996) [12] ......................................... 22

Figure I-6 Comparaison de mesures d'économie d'eau, suivant une courbe de coût sociétal en fonction

du potentiel technique à 2026, dans le Sud Est de l'Angleterre, en Millions de litres par an [16] . 30

Figure II-1 Flux mondiaux d'émissions de GES par secteur et par utilisation finale ou activité [7] ...... 47

Figure II-2 Anomalie de la température moyenne à la surface, selon 3 scénarios différents, sur 3

périodes futures (2011-2030, 2046-2065 et 2080-2099), par rapport à la période de référence 1980-

1999, selon plusieurs modèles climatiques. [39] .............................................................................. 51

Figure II-3 Évolution du schéma de précipitations pour la période 2090-2099 par rapport à 1980-1999,

pour le scénario d'émissions intermédiaire (A1B), pour la période de décembre à février (gauche)

et de juin à août (droite), d'après plusieurs modèles climatiques [39] ........................................... 51

Figure II-4 Évaluation du coût des impacts du changement climatique à l'échelle du globe [40] .......... 60

Figure II-5 Facteurs de vulnérabilité selon les deux dimensions présentées par Füssel [46] ................... 67

Figure II-6 Représentation d'un bassin d'attraction et des indicateurs de résilience (Wikipédia) ......... 75

Figure III-1 Scores donnés par l’outil pour une centrale solaire de production d’électricité, selon deux

technologies de refroidissement sans prise en compte de l’exposition .......................................... 118

Figure III-2 Influence de l’exposition sur les scores donnés par l’outil pour une centrale solaire à

refroidissement à eau .................................................................................................................... 119

Figure III-3 Comparaison de la résilience de trois technologies de production énergétique ................. 119

Figure III-4 Comparaison des solutions de climatisation-rafraichissement en zone urbaine ................. 123

Figure III-5 Comparaison des solutions de rafraîchissement pour certaines grandes villes .................. 124

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GLOSSAIRE

ACB Analyse Coût Bénéfice

ACE Analyse Coût Efficacité

ADB Asian Development Banque

AIE Agence Internationale de l’Énergie

AMC Analyse Multi-Critères

CCNUCC Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique

CEDD Conseil Économique pour le Développement Durable

CNRM Centre National de Recherches Météorologiques

CSP Concentrating Solar Power

DEFRA Department for Environment, Food and Rural Affairs

DRIAS Donner accès aux scénarios climatiques Régionalisés français

pour l’Impact et l’Adaptation de nos Sociétés et environnements

EIE Étude d’Impact Environnemental

EnR Énergie Renouvelable

GES Gaz à Effet de Serre

GIEC Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat

GIZ Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit

IPSL Institut Pierre Simon Laplace

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique

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OMC Organisation Mondiale du Commerce

ONG Organisation Non Gouvernementale

PIB Produit Intérieur Brut

PNACC Plan National d’Adaptation au Changement Climatique

TIC Technologie de l’Information et de la Communication

UE Union Européenne

UK-CIP United Kingdom Climate Impacts Program

USAID United States Agency for International Development

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Les propos tenus dans ce document n'engagent que son auteur.

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1

AVANT -PROPOS

Cet avant-propos a pour but d’éclairer le lecteur sur le cadre économique employé dans la suite de ce document. Il n’est donc pas indispensable à la compréhension de la suite.

À l'époque des physiocrates du XVIIIe siècle comme François Quesnay l'Économie et la terre

étaient très liées, puisque seule la terre pouvait créer de la richesse. Puis, au fil du temps, par

l'intermédiaire de la révolution industrielle, les économistes ont montré que l'Industrie, au

même titre que l'Agriculture, était source de création de richesse [1].

Aujourd'hui, la richesse d'un pays ne peut plus être jugée au développement de son

agriculture, comme en témoignent les chiffres de la Banque Mondiale2, puisque l'agriculture

au sens large (élevage, foresterie, pêche, agriculture et chasse) représente moins de 3 % du

PIB (Produit Intérieur Brut) mondial. Néanmoins, si l’agriculture disparaissait du jour au

lendemain, plus de 3 % de la richesse produite disparaîtraient également. Ce raisonnement

très simpliste a le mérite de montrer que l’économie mondiale, par l’intermédiaire du PIB, ne

prend pas en compte le caractère systémique de l’organisation de nos activités.

L’Économie est la discipline permettant d’établir la manière optimale d’allouer des ressources

(et des pénuries). Ainsi, elle doit nous aider à répondre aux questions suivantes : quelles fins

désirons-nous ou quels sont nos objectifs ? Quelles ressources limitées ou épuisables avons-

nous besoin d'utiliser ? Quelles fins sont prioritaires, et dans quelles mesures devons nous leur

attribuer des ressources ? Avant d'être en mesure de répondre à la dernière question, il est

nécessaire d'avoir répondu aux deux premières.

L'économie néo-classique est fondée sur un raisonnement marginaliste ainsi que sur l'emploi

du concept d'utilité. La réponse à la première question est donc que la fin visée est l'utilité (le

profit dans le cas d'une entreprise) ou le bien-être des individus. Or, en économie de marché le

bien-être est révélé à travers les transactions (achat et vente) de biens et de services qui ont

lieu sur le marché. En réalité, même en supposant que le marché est parfaitement efficace,

seules les préférences entre les différents biens présents sur le marché sont révélées à travers

les transactions, et il est implicitement considéré que les biens n'étant pas échangés sur le

marché contribuent peu au bien-être. Par ailleurs, comme l'Homme est considéré comme

insatiable, son utilité ou son bien-être peut toujours augmenter s'il possède davantage de biens

2http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS/countries/1W?display=graph

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ou services3. Par conséquent, puisqu'il est possible de sommer les utilités individuelles pour

obtenir l'utilité globale de la société, une croissance sans fin est vue comme un proxy

approprié et mesurable de ce que nous souhaitons comme fin, ce qui est la réponse à la

première question.

Ensuite, comme il est considéré en économie néo-classique que les utilités sont révélées par le

marché d'une part, et que d'autre part les ressources épuisables sont également révélées par ce

dernier (par la rente de rareté par exemple), la plupart des économistes néo-classiques

estiment qu'en focalisant l'attention et les efforts sur le fonctionnement du marché, et sur

l'efficacité de ce dernier, une allocation optimale des ressources pourrait être atteinte, en

utilisant notamment le critère d'optimum au sens de Pareto. Néanmoins, il est apparu que le

bien-être ne pouvait totalement être révélé par le marché, celui-ci ne pouvant uniquement

passer par les biens marchands. Ainsi, est apparue l'idée de l'externalité. L'externalité (ou effet

externe) correspond à une situation dans laquelle l'action d'un agent économique influe sur un

second agent économique, sans que ce dernier ne soit partie prenante. Ces externalités

peuvent être positives (la présence d'apiculteurs à proximité de cultures, pour la pollinisation)

ou bien négatives (présence de polluants déversés par l'industrie dans des cours d'eau, pour la

pêche). Il existe plusieurs manières de réintégrer les externalités dans des mécanismes de

marché, telle l'intervention des pouvoirs publics (par la norme par exemple), ou encore la

négociation entre les deux agents (dans le cas où peu d'agents sont concernés), ou bien encore

la fusion des deux acteurs économiques afin d'intégrer les externalités.

Il y a malgré tout des utilités qui ne sont pas intégrées, car elles reposent sur des biens non

marchands, comme les services écosystémiques. C'est par exemple le cas de la pollinisation,

laquelle n'est pas rémunérée mais qui a pourtant une grande valeur. La sous-branche de

l'économie néo-classique qui étudie la manière d'attribuer une valeur aux services

écosystémiques est l'économie de l'environnement. Plusieurs méthodes existent pour

attribuer une valeur à l'environnement, à savoir la méthode des prix hédonistes, la méthode

des coûts de déplacement (ou de transport), la méthode des coûts de protection... Toutes ces

méthodes sont fondées sur le principe que la valeur de ce qui nous entoure est toujours celle

que nous lui accordons. C'est donc un point de vue anthropocentré, qui reste dans le cadre de

'économie néo-classique, et qui cherche à attribuer une valeur à l'environnement selon les

principes habituels de l'économie.

3 Cela signifie que le bien-être est une fonction strictement croissante.

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3

Une autre approche ayant pour but de rapprocher économie et environnement utilise le

procédé inverse, à savoir d’intégrer l’économie humaine dans le cadre fixé par

l’environnement, par l’intermédiaire des capacités biophysiques de la planète, et non

l’environnement dans l’économie. En d’autres termes, le but est de répondre à la question :

combien (ou que) puis-je produire de richesses utiles dans notre société grâce à ces richesses

naturelles (ressources épuisables et renouvelables), sans compromettre mon activité future ?

Ce point de vue, qui reste tout de même anthropocentré, est celui qui est défendu par

l'économie écologique. Ceci n'est pas à proprement parler une nouvelle branche ou discipline

de l'économie, mais plutôt une approche transdisciplinaire, faisant appel à l'économie, mais

également à la biologie, la biophysique, la physique...visant à adopter une approche

systémique. Enfin, nous évoquerons simplement le mouvement appelé « Deep Ecology »,

expression employée pour la première fois par l’auteur Arne Næss en 1973 dans un article

intitulé « Le mouvement écologique superficiel et le mouvement profond ». Cette doctrine

part du postulat que toutes les vies sur Terre se valent, humaines ou non, et remet donc par là

même l’anthropocentrisme en question, au profit du biocentrisme. Cette idée peut conduire à

remettre très sérieusement en question la croissance de la population humaine. Cette approche

paraissant plus idéologique qu’économique ne sera pas employée dans ce document.

Une métaphore peut être employée pour comparer l'économie néo-classique et l'économie

écologique4. Prenons l'exemple d'un cargo dont le chargement doit être optimisé. Pour ce

faire, l'économie néo-classique répartirait le chargement de part et d'autre de la quille, à

l'avant et à l'arrière de manière à assurer une stabilité optimale. De son côté, l'économie

écologique souhaiterait également garantir une stabilité optimale, mais accorderait une plus

grande importance à ne pas dépasser le chargement limite du cargo considéré. Si cette mesure

n'était pas contrôlée, il se pourrait que le navire coule, même si le chargement était agencé de

façon optimale. En effet, l'économie néo-classique ne prête pas attention à "combien" mais

seulement à "comment", ce qui nous a conduits à globalement dépasser les capacités

naturelles de la planète5 à absorber et renouveler nos émissions6. Dans la suite de ce

document, nous nous placerons dans le cadre habituel de l'économie néo-classique.

4 Cette métaphore est tirée d’un ouvrage d’économie écologique [84]. 5 Ce phénomène s’appelle communément l’overshooting. 6 Nous ne rentrerons pas dans les détails de l'économie écologique ni dans ceux de l'économie néo-classique, et nous invitons le lecteur à consulter les ouvrages cités dans cette sous-section pour de plus amples informations.

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4

INTRODUCTION GÉNÉRALE

D'après certains scientifiques, les activités anthropiques feraient de l'Homme la contrainte

dominante du système terrestre actuel, devant les contraintes géologiques. Ainsi, selon Paul

Crutzen, prix Nobel en 1995 pour ses travaux sur la chimie de l'atmosphère, nous serions

entrés dans une nouvelle ère géologique, nommée l'anthropocène qui aurait débuté en 1784,

avec l'apparition du brevet de la machine à vapeur de James Watt. C'est cette invention qui a

permis la révolution industrielle et le développement économique et marchand que le monde

connait aujourd'hui, caractérisé entre autres par une économie ouverte et globalisée.

Du fait de la mondialisation, la Terre est aujourd’hui un seul et unique navire possédant 194

cabines, plus ou moins grandes et luxueuses, mais qui couleront toutes à la fois, ou ne

couleront pas. En effet, la globalisation des échanges a permis la diffusion du savoir, des

informations, de la technique et des cultures, mais également des crises, qu'elles soient

économiques, naturelles, financières, écologiques ou sociales.

Parmi les contraintes que l'Homme impose au système terrestre, il en est une qui présente un

intérêt particulier, car elle est au carrefour de nombreux enjeux socio-économiques et

politiques, il s'agit du changement climatique. Pour répondre à cette contrainte, les sociétés

ont deux stratégies, que sont l'atténuation de ses causes, et l'adaptation à ses conséquences.

Ce mémoire s'inscrit dans le contexte d'une des mesures du Plan National d'Adaptation au

Changement Climatique (PNACC) adopté par la France en juillet 2011. Dans la pratique,

l'adaptation est confrontée à une problématique qui est la maladaptation. L'objectif de ce

mémoire est de développer une méthode permettant d'éviter ces problèmes dans le cadre de

projets d'investissement privés ou publics.

Le présent document est articulé autour de trois chapitres. Le premier s'intéresse aux aspects

économiques du changement climatique, et compare en particulier l'atténuation et l'adaptation

afin d'évaluer la nécessité ou non de la complémentarité de ces deux stratégies. Le second

chapitre décrit d'abord le cadre théorique général de l'adaptation et de la maladaptation, avant

d'exposer les outils, méthodes et mesures utilisées dans le cas spécifique du changement

climatique. Ce chapitre permet de déterminer les critères et enjeux majeurs de la

maladaptation au changement climatique, qui sont ensuite utilisés dans le troisième chapitre.

Ce dernier chapitre est l'occasion de décrire l'outil développé dans le cadre de la mesure du

PNACC, en présentant les capacités et limites de ce dernier, à travers des cas d'études.

Page 16: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

5

I. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT

CLIMATIQUE

Dans la lutte contre le changement climatique, il existe deux approches qui sont aujourd’hui

présentées comme complémentaires, à savoir l’atténuation des causes et l’adaptation aux

conséquences. Cependant, ces deux approches n’ont pas toujours été vues comme devant être

menées en parallèle, mais comme pouvant se substituer l’une à l’autre. C’est ainsi qu’il existe

quelques travaux en économie sur le choix entre mettre en place une politique d’atténuation,

et adopter une stratégie d’adaptation, souvent pour magnifier notre potentiel d’adaptation et

minorer par là même notre nécessité d’atténuation.

I.1. LES IMPACTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT

CLIMATIQUE ET L’ATTÉNUATION

Dans une première sous-section nous présenterons plus en détails le lien entre le climat et

l’économie et plus spécifiquement l'impact de l'économie sur le climat. Dans une seconde

sous-section quelques indicateurs et outils économiques utilisés dans les politiques

d’atténuation seront exposés.

I.1.1. Économie et climat

La politique d’atténuation du changement climatique correspond à l’ensemble des mesures

prises dans le but de réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), en premier lieu

celles de dioxyde de carbone (CO2), ce dernier étant le premier des GES dans l’activité

économique actuelle7. En effet, le changement climatique est en grande partie lié aux

émissions de GES provenant des diverses activités humaines. Bien entendu, le climat est

naturellement variable, et le changement climatique existe sans la contribution humaine,

néanmoins le changement climatique naturel, qui peut être la conséquence d'une variation

d'activité solaire, de l'activité volcanique, de la modification de l'axe de rotation de notre

planète... présente un pas de temps bien plus grand (ou bien une vitesse bien plus faible) que

celui (celle) du changement climatique observé aujourd'hui8.

7 Pour plus de détails, voir le chapitre 0 8 Nous n'expliquerons pas en détails le fonctionnement du système climatique, mais nous invitons le lecteur à se reporter à l'ouvrage publié récemment par le CNRS traitant de la question [95].

Page 17: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

6

I.1.1.1. Les liens énergie-climat et énergie-économie

La raison de cette prédominance du CO2 dans l’activité économique tient au fait que l’énergie

est le cœur de notre économie moderne, et que plus de 80 % de cette énergie est de sources

fossiles [2], à l'origine des émissions de CO2 provenant généralement de la combustion, que

ce soit dans le domaine des transports (moteurs thermiques) ou bien dans l’industrie par

l’intermédiaire de la production d’électricité (centrales thermiques), mais également du fait

même du processus industriel (cimenterie par exemple). Ce lien extrêmement fort entre

énergie et émissions de GES explique qu’il soit très souvent question de la contrainte

énergie-climat.

Il est utile de rappeler que l'énergie est, en physique, l'unité permettant de mesurer la quantité

de modification d'un système, que cette modification soit liée à la température, la forme, la

composition chimique, ou à tout autre caractéristique du système considéré (vitesse,

position,...). Pour ainsi dire, dès que nous souhaitons modifier un système, nous avons besoin

d'employer de l'énergie, et inversement, dès qu'un système est modifié, alors nous avons

utilisé de l'énergie en amont. De ce fait, l'énergie est essentielle dans la plupart des activités

entreprises dans nos sociétés actuelles. À l'époque des physiocrates, la majeure partie de

l'énergie dépensée provenait de l'énergie de l'Homme (ou des animaux), laquelle venait des

aliments consommés et donc de la terre, du soleil et de l'eau, ainsi que du vent. Aujourd'hui la

majeure partie de l'énergie que nous consommons (environ 80 % [2]) provient de ressources

naturelles fossiles (charbon, gaz, pétrole), lesquelles sont issues de la décomposition qui s'est

opérée sur des millions d'années grâce notamment au Soleil, et qui a laissé place à ces

ressources.

Par ailleurs, le lien entre énergie et économie est également majeur. Il peut être observé grâce

aux courbes de la variation de la production annuelle de pétrole, et celle de la variation

annuelle du PIB mondial, représentées sur un même graphe (Figure I-1). Naturellement, le

pétrole n’est pas la seule source d’énergie utilisée dans notre système économique, mais celle-

ci étant à l’origine de 93,5 % du transport[2], et le PIB mondial étant essentiellement le fruit

d’échanges commerciaux (donc incluant du transport), au premier ordre nous pouvons dire

que plus la consommation augmente, plus la production de pétrole augmente (tant que celle-ci

peut couvrir la demande), ce qui est donc la traduction physique de l’augmentation des

échanges commerciaux. Le pétrole est la forme d'énergie privilégiée pour le transport car c'est

une matière liquide, donc commode à transporter et à stocker, contrairement au gaz par

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7

exemple9, et que sa densité énergétique est plutôt élevée (entre 30 et 40 MJ/L pour le pétrole,

contre 25 à 30 MJ/L pour le gaz naturel liquéfié).

Figure I-1 Comparaison entre la variation de la production mondiale de pétrole (courbe violette) et de la variation du PIB par personne en moyenne mondiale (courbe bleue) [3]

I.1.1.2. L’équation de Kaya

Afin de connaître l'impact de l'Homme sur l'Environnement et plus particulièrement sur le

climat, il est nécessaire de se référer aux émissions de GES. Pour cela, nous pouvons

employer l'équation I=PAT (I pour Impact, P pour Population, A pour Affluence et T pour

Technology), ou l'équation de Kaya (Equation 1) qui est plus adaptée à la question des

émissions de GES. Elle permet de décomposer ces émissions de l'Humanité toute entière en

un produit de quatre facteurs non nuls. L'intérêt de cette décomposition est de permettre à des

personnes de disciplines différentes de se concentrer sur un facteur sur lequel elles peuvent

travailler séparément, alors qu'elles ne seraient pas capables de travailler sur le produit agrégé

de ces facteurs.

��2 =��2

������

��

���× ���

Equation 1

9 Ceci explique également que le pétrole ait un marché mondial, tandis que le gaz a plusieurs marchés régionaux (Europe, Asie, Amérique), sur lesquels les prix sont différents, malgré la présence de méthaniers assurant les échanges entre ces trois marchés.

Page 19: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

8

Dans cette équation, CO2 représente la quantité totale de GES émise (en tonnes par exemple),

TEP représente la quantité d'énergie par unité de GES (en Joules par tonnes), le PIB est le

Produit Intérieur Brut (en Euros par exemple), et POP représente la population (le nombre de

personnes). Ainsi, le premier terme du membre de droite représente le contenu en GES du

système énergétique, le deuxième facteur représente l'efficacité énergétique de l'économie (la

quantité d'énergie nécessaire à la production d’un euro de PIB), le troisième représente la

production par tête, et le dernier terme est la population. Les ingénieurs ont pour rôle

d'améliorer l'efficacité énergétique de l'économie (le deuxième facteur) et de réduire la

quantité de GES par unité d'énergie, grâce à la technologie (premier facteur), tandis que le

démographe s'intéresse au terme POP, et que l'économie s'occupe de répartir le PIB, et

nécessite, comme nous l'avons dit précédemment, que le PIB augmente.

I.1.1.3. L’atténuation

Il a été dit que l'atténuation était l'ensemble des mesures prises pour réduire les émissions de

GES. Ainsi, en réduisant n'importe lequel de ces facteurs, toutes choses égales par ailleurs, les

émissions de GES sont réduites. Donc toutes les mesures visant à réduire l'un de ces facteurs

peuvent être considérées comme des mesures d'atténuation. Nous écarterons les mesures

visant à réduire le terme POP, ou même à le maîtriser, bien que ce soit une voie étudiée dans

la littérature académique [4], notamment en économie écologique, car ces considérations

touchent de trop près, dans notre civilisation actuelle, à la morale et l'éthique. Notons

cependant que certains pays ont décidé depuis longtemps d'utiliser des politiques de contrôle

des naissances, comme la Chine, et qu'il n'est pas impossible que certaines régions du monde

reviennent à ces considérations dans les prochaines décennies, peut-être sous d'autres formes

que celle connue dans l'exemple chinois.

Les mesures d'atténuation considérées dans le présent document sont donc celles qui visent à

diminuer l'un des trois premiers facteurs de l'équation de Kaya. C'est ainsi que les mesures

d'efficacité énergétique par exemple, qui ont pour rôle de faire décroître le terme TEP/PIB, ou

bien celles visant à substituer des énergies fossiles par des énergies renouvelables qui

conduisent à une réduction du facteur CO2/TEP, sont des mesures d'atténuation. Néanmoins,

il est utile de rappeler que la réduction d'un de ces facteurs ne conduit pas nécessairement à la

réduction du membre de gauche de l'équation (CO2), car les quatre facteurs ne sont pas

indépendants. L'exemple emblématique de cette relation entre les facteurs est connu sous le

nom d'effet rebond, qui n'est autre que l'augmentation du terme PIB/POP par suite d'une

réduction du terme TEP/PIB. Ces relations qui existent entre les termes est la raison pour

Page 20: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

9

laquelle il est utile que les personnes de disciplines différentes travaillent de façon

collaborative, afin d'atteindre l'objectif visé. Une solution parfois avancée pour pallier l'effet

rebond consiste à augmenter le coût de l'énergie à mesure que l'efficacité énergétique

s'améliore, de façon à ce que le service énergétique ait un coût constant.

En outre, l'atténuation peut aussi être le fruit de la séquestration du carbone, sous forme

naturelle grâce aux forêts, ou bien sous forme artificielle, par l'intermédiaire du procédé

appelé CCS (Carbon Capture and Sequestration). Pour l'heure, il est évident que la

séquestration naturelle est mieux maîtrisée que l'artificielle, mais à terme, il semble nécessaire

et techniquement faisable (selon l'AIE) de recourir à la séquestration artificielle, voire même

de valoriser cette séquestration grâce à des micro-algues. La solution du CCS pose en plus de

ses problèmes techniques, des problèmes d'acceptabilité du stockage par la population.

Maintenant que le lien entre économie et climat a été exposé, en particulier l'impact que peut

avoir l'économie sur le climat, par l'intermédiaire des émissions de GES, il est utile de voir les

différents outils à la disposition de l'économiste afin d'évaluer les mesures d'atténuation

proposées.

I.1.2. Les outils et indicateurs d'atténuation

I.1.2.1. Le marché et la taxe

Il existe plusieurs outils qui accompagnent la politique d’atténuation, l'un des plus connus

étant celui de la création d’un marché d’échange de droits d’émission appelé EU-ETS (pour

European Union – Emission Trading Scheme). Ce marché permet de créer une rareté virtuelle

sur les émissions de GES en fixant à l'échelle communautaire un plafond d'émissions de GES

(certains seulement, et principalement le CO2) pour un ensemble d'acteurs (qui représentent

environ 50 % des émissions de GES de l'UE, et 12000 installations), ce qui conduit à la

détermination d’un prix lié à cette rareté. Schématiquement, cela revient à transformer la

tonne de CO2 en facteur de production [5] puisqu’il devient nécessaire à l’industriel, au même

titre que le travail ou que le capital, de détenir un permis de CO2 afin de produire une unité.

Mais ce n'est pas l'unique outil permettant de réduire les émissions de GES à la disposition de

la force publique. Il est également possible d'avoir recours à une taxe sur les émissions. Cet

outil a l'avantage d'inciter, quoiqu'il advienne, à l'amélioration des technologies employées.

On parle généralement d'efficience dynamique de la taxe. En plus de cette efficience

dynamique, la taxe présente l'intérêt d'être intrinsèquement rentable, puisque les émissions ont

un coût quelque soit la conjoncture, contrairement au marché pour lequel la conjoncture influe

Page 21: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

10

sur le coût des émissions, et fait varier les incitations à l'innovation et à l'adoption de

technologies moins polluantes. Cependant, le marché de quotas a l'intérêt d'être relié à

quelque chose de physiquement justifiable, par l'intermédiaire du plafond d'émissions10, et

permet également de révéler les coûts de réduction d'émissions des acteurs du marché, qui

sont très difficilement accessibles, tandis que la taxe ne garantit pas de plafond d'émissions.

En ce qui concerne l'incitation à l'innovation , la principale caractéristique à laquelle les

acteurs économiques sont attentifs est la stabilité réglementaire. La taxe peut être vue comme

un instrument plus facilement supprimable lors d'un changement politique, alors que le

marché est appréhendé comme un instrument économique moins sensible aux évolutions de la

vie politique. Par ailleurs, comme la taxe ne garantit pas de plafond d'émissions, il peut être

nécessaire d'ajuster le taux de la taxe en fonction des engagements pris pour réduire les

émissions, ce qui conduit à dire que la taxe est également un signal-prix incertain pour les

agents économiques. De même, le marché de quotas envoie un signal-prix qui varie selon le

jeu des acteurs, ainsi que selon la conjoncture économique, comme nous avons pu l'observer

sur le marché de l'EU ETS et la chute du cours du quota ces derniers mois. Une solution qui

pourrait être envisagée pour stabiliser le cours du quota serait de fixer un prix plancher à ce

dernier, afin de clarifier quelque peu le signal-prix associé11.

I.1.2.2. Les normes et subventions

Outre la taxe et le marché de permis échangeables, il existe d'autres mesures permettant de

réduire les émissions de GES, comme les instruments contraignants, c'est-à-dire les normes

(techniques ou de performance). C'est le type d'instrument le plus utilisé dans le domaine de

l'environnement. Les normes présentent de nombreux avantages, comme le faible coût pour

l'État, la garantie de l'action (qui est donc plus forte que l'incitation à l'innovation), mais

présente également quelques désavantages, notamment économiques. La norme ne permet pas

de réaliser les réductions au moindre coût global, puisqu'elle ne permet pas de répartir l'effort

selon la capacité à agir. Par ailleurs, même si la norme garantit un résultat, elle ne présente

pas l'effet dynamique comme la taxe et le marché de permis, car il n'y a pas d'incitation pour

les acteurs à faire mieux que ce qui est demandé dans le cadre de la norme. Il faudrait donc

réserver ce type d'instrument pour les cas où les émissions ne pourraient pas être facilement

mesurées ou observées du fait de pouvoirs publics aux moyens limités ou du fait de fuites

10 qui pourrait être fixé à la limite biophysique de la planète à recycler le CO2 par exemple 11 Par ailleurs, d'autres mesures interfèrent avec l'EU ETS, comme la directive européenne efficacité énergétique, qui va réduire la demande de quotas, sans en changer l'offre, puisqu'il n'est pas prévu d'abaisser le plafond suite à l'entrée en vigueur de cette directive (set-aside) [93]

Page 22: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

11

physiques d'émissions (fuite de gaz le long des conduites etc.), mais également pour les cas où

il existe un seuil, au-delà duquel les conséquences sont dramatiques.

Enfin, il est également possible de faire appel à des subventions, afin de soutenir la

technologie, sous forme de financement de R&D, ou bien sous forme de subventions pour des

technologies coûteuses mais qui permettent d'atténuer les émissions de GES. C'est par

exemple ce qui a été fait en France avec le bonus-malus pour l'automobile, qui a accéléré le

renouvellement du parc de voitures. Il est important de noter que ce type d'instrument

n'apporte aucune garantie de réduction, ni même d'incitation directe à réduire les émissions.

Par ailleurs, ce type de politique introduit une distorsion économique, et est relativement

coûteuse pour l'État. Il est donc souhaitable d'utiliser une combinaison de plusieurs outils, et

non un seul et unique outil pour couvrir l'ensemble des activités et l'ensemble des acteurs12.

I.1.2.3. La métrique de l’atténuation et la courbe d’abattement

La politique d’atténuation a l’avantage de bénéficier d’une unité permettant de juger et

comparer les différentes mesures en termes économiques. Il s’agit du coût de la tonne de

dioxyde de carbone équivalente (t CO2 éq.13) évitée. Cette unité permet de déterminer le

rapport coût-efficacité d'une mesure de réduction des GES. Nous pouvons dire que plus ce

coût est faible, plus la mesure en question est économiquement efficace. Ce coût varie suivant

les secteurs et les pays concernés. Il est généralement représenté sur une courbe de coût

marginal d’abattement. Cette courbe permet à la puissance publique d’orienter les

subventions, mesures fiscales et autres instruments économiques en fonction des secteurs dans

lesquels ces tonnes évitées sont les moins chères, voire même parfois pourraient

théoriquement rapporter de l’argent. Mais cette courbe permet également de déterminer quel

devrait être le niveau d’une taxe sur les émissions de CO2 afin de diminuer les émissions de

CO2 d’une quantité donnée, et ce de manière économiquement optimale.

La Figure I-2 montre un exemple de ce type de courbe. En abscisses se trouvent les potentiels

de réduction d'émissions (en Gt CO2 éq. par an) et en ordonnées se trouvent les coûts (en

$2005 par t CO2 éq.). Des coûts négatifs signifient qu'il y a en réalité des potentiels de gain, si

des mesures étaient prises pour les secteurs correspondants. Généralement, la raison pour

laquelle ces mesures a priori bénéfiques pour l'acteur ne sont pas prises est attribuée aux

imperfections de marché (coût de transaction, asymétrie d'information...). Cette courbe est une

12 . Le lecteur souhaitant approfondir sa connaissance de ces sujets est invité à consulter le document publié par l'OCDE [10]. 13 Pour une explication de la signification de la tonne équivalente CO2, voir II.1.1 page 45

Page 23: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

12

estimation, et ne peut être connue précisément ex ante, sauf en effectuant une étude

approfondie de tous les secteurs et de toutes les solutions technologiques. Par ailleurs, les

coûts d'abattement dépendent également des pays dans lesquels sont effectuées les mesures, et

les potentiels d'abattement dépendent, eux, des régions concernées. À titre d'exemple, dans le

cas du Brésil, comme la forêt occupe une étendue importante du pays, ce secteur représente la

majeure partie du potentiel de réduction d'émissions, en mettant (partiellement ou totalement)

fin à la déforestation.

En Europe, ces courbes peuvent être particulièrement utilisées pour traiter les émissions de

GES qui ne sont pas couvertes par l'EU ETS, et permettre de cibler les secteurs et les actions

ou technologies à inciter. Par ailleurs, cette courbe montre également que les énergies

nouvelles renouvelables (EnR) comme le solaire ou l'éolien ne peuvent pour le moment être

compétitives uniquement grâce à l'instauration d'un signal prix carbone, sauf si ce dernier est

particulièrement élevé. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'utiliser des outils

complémentaires, afin de soutenir le développement des filières comme les EnR, pour

lesquelles le marché seul ne suffit pas. Il s'agit par exemple des tarifs de rachat en France (ou

Feed-In-Tariffs), ou les certificats verts au Royaume-Uni, avec obligation de présenter une

certaine part de Certificats Verts pour les producteurs d'électricité.

Figure I-2 Courbe de coût marginal d'abattement des émissions de CO2 (McKinsey)

Page 24: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

13

I.1.2.4. Les fuites de carbone

Enfin, lorsqu'il est question de politique de lutte contre le changement climatique, du fait du

caractère global du changement climatique, il paraît nécessaire que l'ensemble des pays du

monde, à commencer par ceux dont les émissions sont les plus importantes, prennent des

engagements ensemble sur la réduction de ces émissions. C'est le but visé par les

négociations climatiques depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992. Pour le moment, il n'y

a pas eu d'accord légalement contraignant faisant consensus parmi l'ensemble des nations.

L'accord pour l'instant le plus abouti en matière de contrainte mondiale sur les émissions de

CO2 est le protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005, pour lequel les négociations avaient

débuté dès 1992. La question du jeu d'acteurs dans ce type de négociations sera abordée par la

suite, mais il est tout de même intéressant de remarquer que dans le cas de l'engagement

unilatéral de réduction des émissions de l'Union Européenne, à travers le paquet "trois fois

20", et par la mise en place du marché de l'EU ETS, les industriels étant soumis à une

contrainte carbone sur le territoire européen et n'étant pas soumis à cette contrainte hors du

territoire européen, il a été craint d'assister à une "fuite de carbone" (carbon leakage). Cette

fuite de carbone serait le fruit d'un gradient de contrainte carbone entre deux états (l'un dans

l'UE, l'autre en dehors). En effet, l'acteur produisant sur le sol européen subirait une distorsion

de compétitivité vis-à-vis de ses homologues hors d'Europe, du fait de la contrainte carbone

supplémentaire qui pèse dans ses coûts de production.

Les fuites de carbone, bien que difficilement mesurables, sont bien réelles en Europe. Elles ne

sont pas nécessairement liées à la politique de lutte contre le changement climatique

entreprise par l'Union, mais résulterait plutôt d'un écart de compétitivité sur le marché du

travail. En effet, la main d'œuvre est moins coûteuse dans les pays émergents que dans les

pays développés, et les coûts et temps de transports se compressant, il devient plus

économique d'avoir recours à l'importation, du moins à l'échelle micro-économique. C'est

ainsi qu'en se référant, non pas aux émissions liées à la production européenne (production sur

le sol européen), mais liées à la consommation européenne (en tenant compte du contenu

carbone des produits importés), nous observons que le nombre de tonnes équivalent CO2 par

habitant en France a augmenté depuis 1990 et non baissé [6].

Les mécanismes d'ajustement aux frontières, qui permettent de remettre les industriels

européens sur un pied d'égalité avec leurs homologues extracommunautaires, sont des outils

qui sont possibles dans le cadre de l'OMC [7]. Néanmoins, le réel problème est celui de la

faisabilité. Sur le plan environnemental, il serait évidemment souhaitable que la

Page 25: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

14

consommation importée des pays hors UE soit soumise aux mêmes règles que la production

locale, mais il n'est pas envisageable de mesurer, produit par produit, la teneur en électricité,

carbone et autre produits taxés au sein de l’UE. Dans le cadre de l'EU-ETS, il est à la rigueur

possible de soumettre les producteurs de matières premières au sens large (acier, ciment,

électricité) au système de quotas, mais il n'est pas possible de remonter la chaîne, et de

soumettre les importations de produits manufacturés (plus de 60 % des émissions par

personne) à un quelconque système de taxe ou de quotas, du fait de l'impossibilité à mesurer

précisément le contenu en carbone du produit final.

I.1.2.5. Les coûts et potentiels d’atténuation

Pour conclure cette première section, la Figure I-3 représente le potentiel économique

mondial d'atténuation pour différentes régions du globe (en Gt CO2 éq. par an), en fonction du

coût de la tonne de CO2 éq., correspondant au prix de la tonne sur le marché ou bien au taux

de la taxe. Pour avoir un ordre d'idée, les émissions totales annuelles mondiales de l'ensemble

des activités humaines étaient d'environ 49 Gt CO2 éq. en 2004[8]. Nous pouvons constater

que les incertitudes relatives au potentiel d'atténuation de l'agriculture sont extrêmement

importantes en comparaison avec le potentiel des bâtiments par exemple. Par ailleurs, nous

pouvons noter que le potentiel d'atténuation est à peu près équivalent dans les pays de l'OCDE

et dans les pays hors OCDE pour l'approvisionnement énergétique et les bâtiments, mais que

pour l'industrie, l'agriculture et la foresterie, le potentiel que présentent les seconds est bien

plus grand. Cela conduirait donc à penser que la majeure partie (en quantité) des réductions

d'émission de GES pourra se faire dans les pays qui n'appartiennent pas à l'OCDE. Enfin,

notons également que le prix de la tonne de CO2 éq. n'a presque pas d’influence sur le

potentiel de réduction dans le bâtiment et dans les transports, contrairement à l'industrie et

l'agriculture.

Figure I-3 Potentiel économique mondial d’atténuation estimé [7].

Page 26: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

15

I.2. L’ADAPTATION

Alors que l'atténuation a pour objectif de limiter les causes conduisant au changement

climatique, l'adaptation vise à anticiper les changements futurs. En effet, même si toutes les

émissions de GES liées aux activités humaines disparaissaient du jour au lendemain, il y

aurait tout de même un changement climatique futur. Cela est dû au fait que le système

climatique présente une inertie relativement importante, en partie liée aux océans. Par

exemple il faut environ 1000 ans pour que les océans se stabilisent et s'homogénéisent. Donc,

même si la concentration de GES dans l'atmosphère se stabilisait à son niveau actuel, le

réchauffement se poursuivrait, et des conséquences apparaitraient quand même. C'est la raison

pour laquelle l'adaptation au changement climatique peut être un complément à la politique

d'atténuation. Nous verrons dans la troisième partie dans quelles mesures ces deux approches

ont été présentées comme substituables dans la littérature économique.

Dans un premier temps seront exposés les différents besoins d'adaptation (selon les secteurs,

les catégories...) puis seront ensuite abordés les outils permettant de faire de l'adaptation.

Enfin, les méthodes permettant de juger les solutions d'adaptation seront décrites.

I.2.1. Les besoins d’adaptation

Avant d'aborder les différentes stratégies disponibles dans le cadre de l'adaptation au

changement climatique, il est nécessaire d'exposer les secteurs qui sont et seront

principalement concernés par ces enjeux. Le changement climatique est un phénomène de très

long terme, dynamique, dont la prévision est impossible et pour lequel seules des projections

sous hypothèses (de scénarios socio-économiques en particulier) sont accessibles. Les

activités qui seront concernées en premier lieu sont celles qui seront amenées à côtoyer ce

phénomène, du fait de leur longue durée de vie. Viennent ensuite les activités économiques

dont la pérennité est garantie par une stabilité du climat, donc l'ensemble des activités

reposant sur le vivant ou utilisant des ressources naturelles sensibles au climat (sensible aux

variations climatiques fortes, mais aussi aux variations tendancielles), et enfin les activités se

trouvant implantées dans des zones particulièrement exposées au changement climatique.

D'après ces quelques éléments, il est possible d'identifier des secteurs particulièrement

concernés par le changement climatique. Ce sont les infrastructures de réseau et le bâtiment,

du fait de leur longue durée de vie. Ce sont l'agriculture, la foresterie, l'élevage, la pêche, mais

également toutes les activités pour lesquelles l'eau (sous toutes ses formes) est essentielle

(comme la production hydroélectrique, ou encore le tourisme de sport d'hiver). Enfin, les

Page 27: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

16

activités en zone côtière (du fait de l'élévation du niveau de la mer attendue), à proximité

d'une forêt ou en zone inondable sont également concernées. Nous reviendrons dans le

prochain chapitre sur ces questions.

I.2.1.1. Les zones côtières

Selon les secteurs ou les catégories, les solutions d'adaptation peuvent varier. À titre

d'exemple, pour le traitement des zones côtières, il existe trois grandes catégories de

solutions, qui sont : la protection, l'ajustement et le retrait [9]. La protection correspond à la

construction de digue ou au rechargement des plages. L'ajustement présuppose que la zone

concernée continuera d'être habitée, mais que les acteurs s'adapteront. Par exemple, les

agriculteurs qui seraient dans des zones côtières susceptibles d'être inondées par submersion

devraient opter pour des cultures résistantes à l'eau salée, ce qui est une forme d'adaptation.

Enfin le retrait consiste tout simplement à abandonner la zone considérée.

I.2.1.2. L’agriculture

En ce qui concerne l'agriculture , comme l'indique le rapport de l'OCDE datant de 2008 [9],

la question de l'adaptation de ce secteur a été abordée sous deux angles différents dans la

littérature : le premier consiste à s'intéresser à l'impact du climat sur les rendements et la

seconde tend à comparer les zones géographiques pour examiner la relation entre les facteurs

climatiques et les rendements. Il résulte dans la littérature des deux approches que l'adaptation

apporte effectivement des bénéfices, mais que ces derniers ne sont pas répartis de façon égale

sur l'ensemble des territoires, et varient selon le type de culture. En particulier, le document

présente les résultats de la synthèse de 69 études sur les rendements agricoles, tirée du rapport

du GIEC de 2007. Il est à noter que lorsqu'il est question de "bénéfices", il s'agit en fait de

bénéfices par rapport à des rendements sans adaptation, en présence de changement

climatique, ce qui signifie qu'il y aura bénéfices dans le cas où il y aura effectivement un

changement climatique. Sans changement climatique, il n'est pas dit que les rendements

seront meilleurs grâce aux solutions d'adaptation. Les solutions d'adaptation proposées sont

variées : changement de culture (pour des cultures plus résistantes à la chaleur par exemple),

modification de la date de plantation, utilisation accrue d'engrais... Pour conclure sur

l'agriculture, le document de l'OCDE [9] précise que selon certaines études, les pertes de

rendements agricoles en Afrique ne pourront, malgré l'adaptation des dates de plantation, être

compensées, tout du moins sans avoir recours à l'irrigation et aux engrais ([9] p.58). Reste à

déterminer si l'irrigation et les engrais ne sont pas des solutions d'adaptation déjà au climat

actuel, et non au changement climatique.

Page 28: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

17

I.2.1.3. L’eau

Ensuite, vient la question de la ressource en eau. Du fait du changement climatique, les

courbes de disponibilité de la ressource vont varier, et du fait de l'augmentation de l'érosion et

des températures, il est probable que la qualité de l'eau dans les fleuves et les cours d'eau

diminue, au même titre que les débits. Néanmoins, cette diminution n'affectera pas toutes les

régions de la même manière. Quoi qu'il en soit, la réponse à cela devra se faire par

l'intermédiaire de l'offre mais aussi de la demande. En d'autres termes selon le rapport de

l’OCDE [10], il faudra augmenter l'offre, en utilisant diverses méthodes telles le dessalement

d'eau de mer, l'extraction d'eau souterraine, la construction de moyens de stockage, la collecte

d'eaux de pluie... mais également faire baisser la demande, en incitant aux économies14, en

réduisant les fuites sur les réseaux, en modifiant les comportements, en recyclant les eaux

usées...

I.2.1.4. L’énergie

De façon similaire, le changement climatique et l'énergie ne sont pas indépendants, comme

nous l'avons précisé précédemment, puisqu'une grande partie du changement climatique

anthropique est attribuable à la consommation d'énergie sous ses diverses formes. Outre ce

lien de cause à effet, il existe également un potentiel impact du changement climatique sur la

demande énergétique. L'exemple le plus couramment employé est celui de la climatisation ou

du chauffage. En effet, du fait du réchauffement, le recours à la climatisation devrait croître,

tandis que le besoin de chauffage devrait diminuer, du fait du radoucissement des périodes

froides. Ainsi, certaines études s'intéressent au résultat net de ces deux effets opposés, pour

plusieurs zones géographiques. Il est à noter que dans la plupart des régions, le chauffage et la

climatisation n'utilisent pas les mêmes sources d'énergie, sauf en France qui est une exception

du fait de la prédominance du chauffage électrique dans les logements. Cela signifie que le

réchauffement pourrait accroître le besoin en électricité pendant la période chaude, et réduire

le besoin des sources fossiles à l'origine du chauffage, pendant la période froide. Le bilan net

de ces modifications de consommation sont non seulement sensibles aux scénarios choisis,

mais également à d'autres paramètres, comme l'évolution du parc immobilier, les économies

d'énergie réalisables, le renchérissement de l'énergie... C'est la raison pour laquelle des études

ayant le même objet, peuvent aboutir à des conclusions opposées. Pour le secteur de l'énergie,

l'adaptation peut être le fait d'adapter les projections de demande énergétique, en fonction des

14 Ce qui peut être fait par la modification de la tarification, au profit d'une tarification progressive et non plus dégressive, comme cela est explicité plus loin.

Page 29: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

18

risques climatiques, et en fonction de l'évolution du productible, pour les EnR notamment. En

effet, certains productibles comme la biomasse et l'hydroélectricité sont sensibles au

changement climatique.

I.2.1.5. Le tourisme

Aussi, des secteurs comme le tourisme ou la santé pourront avoir à s'adapter au changement

climatique. Pour le tourisme, du fait du réchauffement et des sécheresses accrues, diverses

régions du globe, aujourd'hui appréciées pour leur climat chaud, seront fuies pour leur climat

« trop » chaud. À l'inverse, des régions aujourd'hui considérées comme peu accueillantes sur

le plan climatique, seront peut-être appréciées d'ici quelques décennies15. Et bien entendu,

lorsqu'il est question d'impact du climat sur le tourisme, il est indispensable de parler du

tourisme de sport d'hiver. En fonction de l'altitude des stations, de l'orientation des pistes par

rapport au soleil, de la région du globe, l'enneigement sera plus ou moins perturbé. Ce

bouleversement de l'enneigement et ce manque de fiabilité sur la couverture neigeuse

pourraient nuire à l'économie de ces régions. C'est pourquoi certaines stations optent pour des

solutions dites d'adaptation. Elles sont de deux types : les technologiques et les

comportementales. Parmi les premières, qui sont aujourd'hui celles qui sont le plus souvent

choisies, il existe quatre grandes catégories : le remodelage du paysage et la création de pistes,

le déplacement (à des altitudes supérieures ou sur des pentes exposées au nord), le ski sur

glacier, la production de neige artificielle (ou canons à neige). Les solutions

comportementales consistent à diversifier les activités, à développer de nouveaux modèles

d'entreprise, de nouveaux secteurs économiques…

I.2.1.6. La santé

En ce qui concerne la santé, le changement climatique pourrait favoriser le développement et

la transmission de certaines maladies. D'après le rapport de l'OCDE [9], il existe de

nombreuses études sur les conséquences sanitaires du changement climatique, mais peu

d'études sur les solutions d'adaptation dans ce secteur, et sur leur chiffrage. Notons cependant

que les solutions d'adaptation en matière de santé sont principalement la vaccination, la

construction de structures d'accueil dans les régions qui connaitront une recrudescence de

maladie, et bien évidemment, toutes les mesures visant en premier lieu à favoriser le

développement des pays les moins avancés. En effet, toutes les mesures visant à augmenter

15 Néanmoins, il est également envisageable que les régions qui seront "trop" chaudes et "trop" sèches trouveront des amateurs, pour lesquels il n'existe pas d'offre aujourd'hui en France, et qui décident de partir dans des pays étrangers pour profiter d'un tel climat.

Page 30: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

19

l'hygiène de vie, potabiliser l'eau, administrer des soins, sont des mesures qui réduiront les

conséquences du changement climatique, mais qui seraient tout de même souhaitées en l'état

actuel du climat. En outre, dans le domaine de la santé, la perte de biodiversité qui pourrait

avoir lieu du fait du réchauffement climatique, aurait sans doute des conséquences

significatives pour la Recherche des laboratoires pharmaceutiques, dont la plupart des

molécules sont issues de la faune et de la flore16. C'est d'ailleurs une méthode utilisée parfois

pour valoriser l'environnement, en économie de l'environnement, car la biodiversité représente

une opportunité importante pour ce secteur.

I.2.1.7. L’accès à l’information

Enfin, il y a un besoin global d'accès à l'information, qui semble de toute évidence majeur, et

peut être rattaché au sujet de toutes les solutions d'adaptation nécessaires, qui n'ont pas

directement trait à l'aspect technique ni technologique, mais qui concernent

l'accompagnement de cette adaptation, à savoir la Recherche et le Développement

(notamment en climatologie), la Gouvernance, et la Transdisciplinarité (ou le

Décloisonnement). En effet, l'adaptation nécessite la prise de conscience des risques encourus,

et de la manière dont ces risques pourraient impacter les territoires, les secteurs, les

personnes... Cette information devrait non seulement être fournie aux acteurs économiques

dans leur cadre professionnel, afin que les prises de décision aient lieu dans des conditions

optimales d'information, mais également aux citoyens, afin qu'ils puissent connaître les

risques et les dangers encourus. Par exemple, il pourrait être souhaité de renforcer la

communication relative aux zones inondables, au phénomène de retrait-gonflement des

argiles dans les zones concernées, afin de rétablir (au moins partiellement) la symétrie

d'information. La construction en zone inondable est certes moins importante que celle en

zone non-inondable, il n'empêche qu'elle ne décroit pas, malgré les risques liés au climat

encourus sur ces terrains.

I.2.1.8. Le secteur privé et les assurances

Puisque les pays développés regroupent les actifs dont la valeur est la plus grande, il se peut

que les pertes financières occasionnées par le changement climatique soient plus lourdes dans

ces zones, que dans les pays en développement. C'est la raison pour laquelle le secteur

assurantiel est également confronté au problème du changement climatique. Les assurances

seront vraisemblablement amenées à dédommager davantage de biens du fait de phénomènes

16 Cependant, le changement climatique n’est pas la première cause de l’érosion de la biodiversité.

Page 31: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

20

climatiques, d'autant que les phénomènes extrêmes seront amenés à être plus fréquents à

l'avenir [11], et que la densité de population, augmentant les coûts lors d'un évènement

climatique, tend également à croître. Par ailleurs, il est utile de saisir que la situation à

laquelle ce secteur est confronté est inédite, car habituellement les assurances déterminent le

montant de leur prestation en ayant recours à l'observation statistique des évènements (et des

coûts engendrés) passés, or il est vraisemblable que les risques et dommages futurs ne

peuvent se déduire ni par transposition ni même par extrapolation des observations du passé.

En conclusion, nous remarquons que la question de l'adaptation au changement climatique

est parfois très proche de celle du développement (notamment sur la santé), et qu'il serait tout

à fait pertinent de combiner les efforts de développement avec ceux d'adaptation au

changement climatique dans ces régions les moins avancées, et considérées bien souvent

comme les plus impactées par le changement climatique.

I.2.2. Comment favoriser l'adaptation ?

I.2.2.1. Les différentes catégories d’adaptation

Tout d'abord, il existe plusieurs manières de caractériser les solutions d'adaptation.

Généralement, les solutions spontanées (c'est-à-dire sans intervention des pouvoirs publics)

sont opposées aux solutions planifiées. Le recours à la climatisation de manière significative

est une forme d'adaptation spontanée, qui ne nécessite pas l'intervention publique, tandis que

le plan canicule peut être une solution planifiée. De même, les solutions réactives et

proactives (ou anticipatives) sont souvent citées. La notion est très proche de la précédente,

dans le sens où il y a l'idée de l'anticipation (proche de la planification), mais elle est tout de

même un peu différente, puisque dans le cas présent on s'intéresse à la chronologie des

évènements. D'un certain point de vue, le plan canicule mis en place à la suite de la canicule

de 2003 qui avait causé la mort de 14800 personnes en France, est une forme de solution

réactive, alors que la modification de normes de construction du fait des projections

climatiques, afin de prendre en compte les risques futurs serait une solution proactive. Dans

certains domaines, il est clairement indispensable de recourir à des solutions proactives,

lorsque les conséquences des risques même faibles sont bien trop lourdes pour être

supportées. Dans ce cas, il s'agit de la gestion "classique" de risque, notamment industriel,

comme dans le contexte des centrales nucléaires, ou des usines de production, et il est

primordial, afin que ce risque soit considéré au moment de la prise de décision, de faire en

Page 32: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

21

sorte que l'information soit la plus complète et la plus parfaite possible, afin que les

investissements réalisés prennent en compte ces "nouveaux" risques17.

Dans le troisième rapport du GIEC paru en 2001 [12], un tableau est fourni (cf. Figure I-4)

permettant de déterminer des manières supplémentaires de caractériser des approches de

l'adaptation. Bien souvent, pour une même problématique, plusieurs mesures, à plusieurs

échelles spatiales et temporelles, peuvent être employées de façon simultanée. Ce tableau

montre parfaitement la diversité des réponses possibles à apporter aux conséquences du

changement climatique. Par ailleurs, dans le même chapitre du rapport du GIEC, un autre

diagramme, tiré d'une publication de Burton de 1996, montre que les solutions d'adaptation à

un problème donné peuvent, selon l'auteur, être réparties en 8 catégories, ordonnées d'après la

chronologie par rapport à un évènement (avant, pendant, après...) climatique auquel elles

doivent répondre (Figure I-5). Il est remarquable de voir que différentes parties prenantes

peuvent apporter des solutions, qu’il s’agisse du secteur privé, des pouvoirs publics, des

institutions nationales ou bien encore des individus eux-mêmes18.

Figure I-4 Exemples de termes employés pour caractériser des solutions d'adaptation [12]

Le rapport de l'OCDE [9] apporte des précisions sur les instruments économiques relevant de

chacune de ces 8 catégories identifiées. L'entrée adoptée a non pas été les 8 catégories, mais

17 C'est notamment le but du nouveau portail internet mis à la disposition de tous, donnant accès aux projections climatiques pour la France à 3 horizons (2035-2085), en utilisant des simulations régionalisées faites avec des maillages dont les mailles descendent jusqu'à 8km de côté. www.drias-climat.fr 18 C'est d'ailleurs pour cette raison que la gouvernance a une place capitale dans la réussite de l'adaptation, ou son échec.

Page 33: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

22

les secteurs identifiés comme particulièrement dépendants du climat ou du changement

climatique (agriculture, zone côtière, santé, ressource en eau, écosystème, établissements

humains et activités économiques, phénomènes extrêmes). Pour chacun de ces 7 thèmes, des

outils économiques sont proposés. Ces outils sont : des systèmes assurantiels, un signal-prix

incitatif, des partenariats publics-privés, la micro-finance, des incitations réglementaires et des

incitations à la recherche.

Figure I-5 Classification d'options d'adaptation (d'après Burton, 1996) [12]

I.2.2.2. Les divers systèmes d’assurance

En ce qui concerne les systèmes d'assurances, le risque est de se trouver confronter à l'aléa

moral : comme l'assuré ne risque pas de perte financière, il est enclin à prendre davantage de

risques, et à moins anticiper les conséquences sur son activité. Par exemple, cela peut être le

cas des agriculteurs, qui n'auraient pas nécessairement d'intérêt à faire évoluer leur culture,

afin de mieux l'adapter à l'évolution du climat, ni même de modifier leurs habitudes (date de

semis, irrigation, plusieurs cultures à la place de la monoculture, plantation de haies

arborées...), puisqu'ils peuvent être couverts par leur assurance. De ce fait, les assureurs

commencent à développer de nouveaux contrats pour lesquels les indemnisations sont

indexées sur les paramètres météorologiques, et non plus sur les pertes réelles ou proches de

la réalité. Le défaut de ce type d'assurance indexée sur des paramètres, dans lequel

interviennent des seuils, est justement cette déconnexion de la réalité. En effet, comme il l'a

été dit précédemment, l'assurance se base sur l'observation statistique des évènements passés,

or le climat sera certainement amené à évoluer de manière inédite, ce qui signifie que même

en l'absence d'aléa moral, il se peut que les seuils d'indemnisation soient trop bas. Par ailleurs,

Page 34: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

23

il serait sans doute judicieux que les assureurs, par l'intermédiaire d'une prime ou d'une

réduction de cotisation, incitent les particuliers se trouvant en zone inondable à se procurer et

employer des moyens permettant de limiter les dégâts en cas d'inondation (protections

temporaires, surélévation des appareils électroménagers, aménagement et matériaux de

construction...). Néanmoins, il ne faudrait pas que cela crée, à l'inverse, une incitation à

l'installation en zone inondable du fait de ces avantages.

Une forme d'assurance un peu plus proche de la finance de marché est la couverture par

dérivés climatiques. Ce sont des produits financiers dont le cours varie avec les indices

climatiques, comme la température. Ce type de couverture est particulièrement utile pour les

évènements à conséquence faible, mais à occurrence forte19. Les dérivés climatiques vont très

certainement se développer par l'intermédiaire, non seulement des agriculteurs, mais

également du tourisme, des producteurs d'électricité (pour lesquels les écarts à la température

moyenne coûtent en pénalité), l'industrie du bâtiment...

Toujours dans le domaine des produits financiers, il existe des obligations indexées sur les

catastrophes naturelles, appelées "Cat Bonds". Cela correspond en réalité à la titrisation sur

les marchés financiers d'une partie du risque, qui est alors transférée aux investisseurs

(lesquels sont à la recherche de rendements élevés). En cas de catastrophe naturelle, selon

l'ampleur de cette dernière, l'assurance ayant titrisé son risque, touche une indemnité prélevée

sur la perte de l'investisseur (qui est fixe et prédéfinie), ce qui lui permettra de couvrir ses

propres pertes. D'après ce qui vient d'être exposé sur les assurances dans le cadre du

changement climatique, il est clair que leur sollicitation va croître (plus d'évènements

extrêmes), tandis que leur capacité à prévoir les coûts futurs se réduit. C'est pour cela qu'il est

fortement probable que ce secteur s'intéresse davantage à la modélisation climatique, aux

projections et à la scénarisation socio-économique, qu'il finance de plus en plus de recherche

sur ces sujets, et que parallèlement les polices d'assurance augmentent du fait de

l'augmentation des remboursements liés aux dégâts causés par le climat. Du point de vue de la

théorie économique, nous pourrions être amenés à penser que, comme le secteur de

l'assurance est relativement compétitif, les polices d'assurance augmentent effectivement, du

fait du risque climatique, ou tout du moins, que le coût de ces assurances reflète le coût "réel"

du risque climatique, et qu'il envoie ainsi un signal (prix) aux individus, incitant ou pas ces

19 Pour information, de nombreux systèmes d'assurance indexée (sur les précipitations, sur la mortalité du bétail, sur la vitesse du vent, sur les températures, sur l'intensité des séismes...) commencent à apparaitre, afin de permettre aux petits exploitants agricoles des pays en développement de se prémunir du risque climatique (Chine, Inde, Éthiopie, Kenya, Mali, Mexique, Kazakhstan...)

Page 35: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

24

derniers à s'installer dans une région. En pratique, il est plus fortement probable que les

assurances, averses au risque et à l'incertain, ne couvrent pas les risques les plus extrêmes, et

surestiment le coût des risques climatiques. De plus, du fait de l'inertie socio-économique, il

est peu probable que la population décide suffisamment rapidement de déménager, du fait du

risque climatique.

I.2.2.3. Les signaux-prix

Viennent ensuite les signaux-prix incitatifs, que ce soit pour l'énergie comme pour l'eau. Du

point de vue économique, en ce qui concerne l'eau, cela revient en quelque sorte à réintégrer

les externalités positives associées à cette ressource. À l'heure actuelle, le consommateur a un

tarif réglementé, puisque la distribution de l'eau est un monopole naturel (du fait des réseaux).

Ainsi, les tensions rencontrées sur l'offre ne peuvent être répercutées par l'intermédiaire des

prix par l'égalisation de l'offre et de la demande. Ainsi, une rareté croissante de cette ressource

ne peut être prise en compte par le système économique présent. Une nouvelle tarification

permettrait de transmettre économiquement le signal d'une rareté, non seulement aux

consommateurs d'eau potable, mais également à tous les secteurs utilisant cette eau.

Aujourd'hui, le prix dégressif de l'eau incite plutôt au gaspillage qu'à l'économie, et la gestion

durable d'un approvisionnement d'eau ne peut être économiquement rentable dans ces

conditions, et les choix de solutions technologiques moins consommatrices d'eau, engendrant

des surcoûts, ne peuvent se révéler économiquement rationnels.

La théorie économique voudrait que soit créé un marché pour l'eau (tout comme a été créé

un marché pour les quotas carbone), mais la crainte justifiée des conséquences sociales l'ont

pour le moment empêché en France, quand d'autres pays y ont recouru (notamment

l'Australie) [9]. Ce marché permettrait d'allouer la ressource à l'agent économique dont le

bénéfice marginal est le plus important, ce qui permet d'accroitre l'efficacité (économique) de

l'eau employée. En outre, il est fréquent que les gros consommateurs d'eau (industrie,

agriculture), du fait des contraintes qui pèsent sur le tarif de l'eau, préfèrent prélever de l'eau

souterraine, non prise en compte dans le système économique, et financièrement gratuite.

Bien entendu, cette solution n'apporte pas de réponse à long terme à la contrainte sur l'eau, et

conduit généralement à du gaspillage du fait de la gratuité. Pour ainsi dire, dès que le tarif de

l'eau excède les coûts d'extraction, les usagers y ont recours. De ce fait, les principaux agents

économiques impactés par une tarification plus élevée de l'eau seraient les particuliers, qui ne

peuvent avoir accès à l'eau souterraine aisément. Cependant, malgré les craintes sociales, du

fait de la dimension vitale de l'eau pour l'usage domestique notamment, il serait envisageable

Page 36: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

25

qu'un minimum de ressource soit attribué gratuitement aux usagers, et que les quantités

marginales aient un coût progressif.

Ce principe de création de marché peut également servir à rémunérer, par des accords

bilatéraux notamment, les services écosystémiques qui sont pour le moment gratuits. Cela

s'appelle les Paiements au titre de Services Environnementaux (PSE), et ils sont pour

l'heure principalement employés dans le maintien de la biodiversité par les laboratoires

pharmaceutiques, et à travers les mécanismes de Kyoto (Mécanisme de Développement

Propre ou MDP) pour la séquestration de carbone (afforestation et reforestation). Ces projets

de maintien de la forêt sont donc un exemple de mesure à la fois favorable à l'adaptation et à

l'atténuation, puisque les financeurs de projets MDP sont rémunérés en quotas carbone,

utilisables sur les marchés carbone de la plupart des régions du monde, en particulier l'EU

ETS. Les PSE gagneraient à se développer pour des services encore plus larges, telle la

protection des côtes grâce aux mangroves, grâce au maintien des récifs coralliens...mais il est

très difficile de trouver des investisseurs, prêts à financer des services qui étaient jusqu'à ce

jour gratuits pour tous.

I.2.2.4. Les partenariats publics-privés

Enfin, les partenariats publics-privés (PPP) seraient également une manière d'orienter les

investissements privés, par l'intermédiaire de la puissance (et de la finance) publique, vers des

projets d'adaptation. Il existe plusieurs formes de PPP, telles l'ouverture de marchés publics au

secteur privé pour de nouvelles infrastructures (centrales électriques, transports en

commun...), les concessions (pour lesquelles l'État reste propriétaire des infrastructures, mais

qui délègue la partie opérationnelle au secteur privé), ou les délégations de service public

(pour l'eau, l'énergie, les TIC...). Ces types de contractualisation ne sont pas spécifiquement

dédiés à l'adaptation, mais puisque les PPP ont pour rôle de permettre la construction et

l'entretien d'infrastructures, et que les infrastructures vont justement être clé dans l'adaptation

au changement climatique, il est pertinent d'intégrer, dans ces mécanismes, des contraintes sur

la continuité, la qualité ... des services. En faisant ouvertement référence aux questions du

changement climatique dans ses contrats, l'État peut pousser le secteur privé à opter pour des

solutions d'adaptation. La majeure partie des PPP concerne l'énergie, les TIC, les routes, les

chemins de fer... qui pourront tous être impactés par le changement climatique. Notons

également que les PPP peuvent être une manière de faire de l'incitation à la recherche, en

commandant de la R&D plutôt délaissée par le secteur privé. C'est par exemple le cas du

domaine de la santé : il pourrait être très bénéfique pour les pouvoirs publics d'avoir accès à

Page 37: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

26

des traitements améliorés pour des maladies qui seraient amenées à se développer dans le

cadre du changement climatique (la dengue et les autres maladies vectorielles), or les

traitements de ces maladies présentent des rendements plus faibles que d'autres, et sont donc

moins profitables pour les laboratoires pharmaceutiques.

En conclusion, l'adaptation est polymorphe, se décline à diverses échelles spatiales et

temporelles, et requiert l'implication de l'ensemble des parties prenantes : privé, public,

citoyens, institutions... Par ailleurs, contrairement à l'atténuation où les solutions peuvent être

ciblées plutôt précisément (production électrique, efficacité énergétique, transport,

agriculture) il apparait que l'adaptation présente une multitude de points d'entrée, nécessite

une coordination de nombreux acteurs, et du fait de la très grande diversité des impacts,

ressemble plus à une transformation en profondeur, qu'à une modification à la marge. Afin de

choisir entre plusieurs options d'adaptation, il est nécessaire d'utiliser des méthodes

permettant de comparer ces options entre elles. C'est le sujet de la prochaine sous-section.

I.2.3. Les outils d'évaluation des solutions

I.2.3.1. Le problème de l’incertitude et sa prise en compte

Comme le rappelle le Conseil Économique pour le Développement Durable dans son rapport

de février 2010 [13], le problème qui se pose lorsque l'on s'intéresse à l'adaptation, réside en

partie dans l'incertitude vis-à-vis du changement climatique. Cette incertitude est en fait la

somme de plusieurs composantes distinctes à savoir : l'incertitude liée aux modèles de

représentation du système climatique, l'incertitude sur les répercussions régionales des

caractéristiques globales du changement, l'incertitude sur les réponses de la biosphère à ces

changements climatiques et l’incertitude liée aux choix socio-économiques futurs et au

scénario associé. Ainsi, la prise de décision pour l'économiste correspond à une situation de

prise de décision sous (grande) incertitude, ce qui complique significativement sa tâche.

En effet, lorsqu'une décision est prise, une caractérisation économique est souvent employée,

celle-ci permettant généralement d'opter pour la solution la plus efficace économiquement. En

contexte d'incertitude, cette analyse socio-économique peut prendre la forme d'étude de

sensibilité, basée sur des probabilités d'occurrence de divers scénarios socio-économiques. Un

exemple simple est la décision d'investir ou non dans une mine d'or. Pour connaître la

rentabilité dudit investissement, il est préférable d’avoir une idée de l'évolution future du

cours de l'or. De même, les investissements des géants pétroliers pour l'acquisition de

nouveaux puits s'appuient sur des hypothèses d'évolution du prix de l'énergie, et ces

Page 38: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

27

industriels emploient généralement plusieurs scénarios (habituellement trois : un pessimiste,

un optimiste et un médian) et modélisent leur bénéfice dans le cas de la réalisation de chacun

de ces scénarios. En attribuant ensuite une probabilité à la réalisation de chacun de ces

scénarios, ils peuvent en déduire une estimation du bénéfice espéré, et prendre leur décision

quant à la rationalité de l'investissement.

Avec le développement des mathématiques économiques, des méthodes plus complexes ont

été mises au point, comme la méthode de Monte-Carlo. Cette méthode permet d'attribuer à

une variable, non pas plusieurs valeurs discrètes que l'on teste à travers des scénarios, mais

une distribution de probabilité, très souvent sous la forme d'une loi normale centrée sur une

valeur qu'on suppose plus probable. Dans le cas qui nous concerne ici, à savoir le changement

climatique, il n'est malheureusement pas possible d'employer cette méthode de Monte-Carlo,

ou du moins ce ne serait pas rigoureux. En effet, il n'est pas évident de déterminer quelle

valeur d'émission future est la plus probable. Dit autrement, personne n'est capable de dire

quel scénario socio-économique a le plus de chance de se produire, il est simplement possible

d'affirmer des convictions.

Martin Weitzman [14] utilise des raisonnements mathématiques assez poussés pour montrer

que le réchauffement climatique, habituellement présenté comme se trouvant dans une

fourchette entre 1,5 et 6°C d'ici 2100, pourrait en réalité être compris entre 10 et 20°C. Pour

cela, au lieu d'utiliser des modèles de couplage économico-climatiques dont les données en

entrée sont des fonctions de distribution à queues fines, il utilise des fonctions à queues

épaisses. En d'autres termes, ce chercheur considère que les scénarios très peu probables (et

présentant des conséquences catastrophiques) sont trop peu pris en compte dans ces

modélisations. Il avance trois arguments en faveur de l'utilisation de fonctions de densité de

probabilité (FDP) à queues épaisses : 1. le rythme auquel la concentration de GES (CO2, mais

aussi CH4) augmente est inédit dans l'histoire de la planète (plusieurs centaines de milliers

d'années) et la concentration elle-même dépasse ce qu'elle a été durant les 800 000 dernières

années20, 2. Parmi les nombreuses études de sensibilité climatique21 utilisées dans le 4ème

rapport du GIEC (2007), 22 (environ 15 % des sensibilités) prévoient un réchauffement bien

au-delà de 4,5°C. En agrégeant leur FDP et en prenant la frange supérieure des probabilités de

20 D'après les analyses des carottes de glace, la concentration en CO2 dans l'atmosphère a quasiment toujours oscillé entre 180 et 300 ppm, dépassant très rarement les 280 ppm. 21 qui permet de connaître l'écart de température à l'équilibre, lié à un doublement de la concentration de GES dans l'atmosphère par rapport à la période pré-industrielle, en supposant que cette concentration restera stable ensuite, durant environ un siècle.

Page 39: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

28

5 % moyennée à partir de ces 22 études, le réchauffement moyen est de 7°C. À 1 %, le

réchauffement est supérieur ou égal à 10°C. Ce serait selon lui plutôt la marque d'une queue

longue et épaisse. 3. lorsqu'on ajoute la rétroaction négative liée à un dégagement gazeux

important (méthane piégé sous le permafrost) dû au réchauffement climatique, on obtient une

sensibilité climatique élargie (et non étroite comme la précédente, qui ne prenait pas en

compte cette boucle de rétroaction), et dans ce cas, le réchauffement à 5 % devient de 10°C

(ou plus), et de 20°C (ou plus) à 1 %. Cette sensibilité élargie a une queue encore plus épaisse

que la précédente.

Ces trois arguments méritent, selon Martin Weitzman, que l'on considère les FDP dans les

simulations numériques couplant économie et climat comme des fonctions à queues épaisses.

Si tel était le cas, l'impact en économie du changement climatique pourrait être immense, car

les désutilités devenant tellement grandes en cas de réchauffement climatique, il deviendrait

économiquement rationnel de faire le plus d'effort dès maintenant pour limiter le

réchauffement, alors qu'actuellement, la stratégie est de trouver la feuille de route optimale

pour ne pas trop peser sur les générations actuelles, de façon disproportionnée par rapport à la

perte d'utilité liée au réchauffement. Cela pourrait même selon l'auteur, être un argument pour

accélérer la recherche sur des solutions d'ingénierie géologique (ou géo-ingénierie), afin de

limiter la catastrophe en cas d'extrême urgence.

I.2.3.2. Les outils classiques : ACB, ACE, AMC

Malgré ces incertitudes énoncées, l'analyse coût-bénéfice (ACB) est l'un des outils utilisés

par les économistes pour comparer plusieurs solutions d'adaptation, ainsi que pour décider si

une solution est économiquement rentable. En effet, il n'existe pas, contrairement à

l'atténuation, d'unité universelle permettant de comparer les solutions entre elles, quelque soit

le secteur, le pays, le contexte considérés. Pour l'atténuation, il a été montré précédemment

que la t CO2 éq. évitée était l'unité privilégiée et commode, car elle permettait de fixer un

cadre économique, créer un marché de permis etc. Pour l'adaptation, ce n'est pas le cas, ce qui

pourrait nuire au financement des solutions d'adaptation, car les véhicules financiers

requièrent une allocation optimale des ressources, ce qui passe souvent par la comparaison à

l'aide d'un indicateur. L'ACB est l'outil privilégié lorsque la majeure partie de la valeur est

monétisable et donc quantifiable. Pour illustrer cet outil, la Figure I-6 montre la comparaison

de plusieurs solutions techniques visant les économies d'eau dans le secteur du bâtiment en

Angleterre. La courbe représentée est comparable aux courbes de coût marginal d'abattement

dans le cas de l'atténuation. Ce type d'étude ACB est possible et particulièrement adapté à

Page 40: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

29

cette sorte de cas, justement parce que la principale composante du bénéfice est monétisable

(en supposant que le prix de l'eau représente bien sa valeur, c'est-à-dire qu'il intègre bien ses

externalités positives), et est constituée des économies d'eau, et le coût est également

financièrement mesurable.

Un rapport de la CCNUCC [15] expose l'ensemble des principales méthodes d'évaluation des

solutions d'adaptation, à savoir l'ACB déjà mentionnée, l'ACE (Analyse Coût Efficacité) et

l'AMC (Analyse Multi-Critères). Le rapport cite par ailleurs d'autres approches moins

répandues comme l'Évaluation Environnementale Stratégique (Strategic Environmental

Assessment SEA en anglais), le recours au panel d'experts ou encore l'approche basée sur les

risques. En plus de définir ces différentes méthodes, le rapport fournit des études de cas

pratiques les mettant en œuvre. Ce rapport est principalement axé sur l'adaptation pour les

pays en développement, puisqu'au niveau international il est vrai que l'adaptation et le

développement ont beaucoup de causes communes, néanmoins les méthodes proposées sont

utilisables dans la plupart des situations.

L'ACE est à favoriser lorsque l'on a un objectif bien déterminé, et que la solution à plus bas

coût doit être sélectionnée. Cette méthode ne garantit donc pas que le bénéfice quantifié sera

supérieur au coût, mais elle assure de choisir la solution remplissant les critères d'efficacité

désirés au coût le plus faible. Elle est donc utilisable et préférée lorsque les bénéfices ne sont

pas (aisément) monétisables, comme dans le cas des solutions d'adaptation pour la santé

(contrôle de la dengue par exemple). En revanche, il est tout de même nécessaire que les coûts

le soient. En général, cet outil n'est pas utilisé seul pour la prise de décision, mais est

accompagné d'estimation de co-bénéfices, d'acceptabilité, de faisabilité...

Vient ensuite l'AMC , qui permet de gérer les situations où l'efficacité et le bénéfice ne sont

que deux critères parmi d'autres, dont les critères culturels, écologiques, qui sont difficilement

quantifiables. Concrètement, des critères sont identifiés puis pondérés, et les différentes

solutions qui doivent être comparées sont évaluées selon ces critères (sous forme de notes par

exemple), ce qui permet une comparaison. L'avantage de cette méthode réside dans sa

capacité à comparer des solutions de domaines très divers, mais son inconvénient consiste en

son manque de robustesse, notamment du fait de la pondération, qui peut favoriser ou

défavoriser telle ou telle partie prenante. Il y a en effet une forme d'arbitraire dans la

pondération, qui peut être nuancée en ayant recours à une étude de sensibilité, afin d'en limiter

la portée.

Page 41: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

30

Figure I-6 Comparaison de mesures d'économie d'eau, suivant une courbe de coût sociétal en fonction du potentiel technique à 2026, dans le Sud Est de l'Angleterre, en Millions de litres par an [16]

Cette méthode n'est pas propre à l'adaptation, et le même type d'instrument est utilisé dans

l'étude de la durabilité d'un investissement ou d'une mesure [17]. De fait, comme la durabilité

repose sur trois piliers que sont l'Économie, le Social et l'Environnement, un outil de

durabilité peut consister en une forme d'AMC dont les trois critères appartiennent aux trois

catégories de la durabilité. Cependant, il existe d'autres formes d'outils permettant d'estimer la

durabilité, certains monétaires, d'autres basés sur des critères biophysiques, le plus connu des

outils étant l'empreinte écologique22.

I.2.3.3. Les autres instruments et les critères d’appréciation

Les autres instruments moins démocratisés cités dans le document sont principalement utilisés

pour des programmes stratégiques de grandes envergures, qui tentent de fixer des orientations

de long terme. Dans ce cadre, les investissements doivent généralement tous œuvrer dans la

direction fixée par le plan, et il est plus rare de voir apparaitre des projets contestables sur le

plan économique, sauf si l'opinion publique a jugé une situation comme insoutenable, et

nécessitant une intervention franche, un volontarisme politique conséquent. Par ailleurs,

parmi les outils sollicitant les experts, il existe la méthode Delphi. Celle-ci consiste à

soumettre un panel d'experts à un questionnaire, de faire la synthèse des réponses, laquelle est

soumise à ce même panel, qui est invité à débattre, et recommencer le même processus,

jusqu'à aboutir à un consensus. Il est généralement admis que la meilleure solution possible

émerge de ce type de processus. Le talon d'Achille de cette méthode réside dans la crédibilité

22 C’est l’unité utilisée pour déterminer l’overshooting.

Page 42: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

31

du panel. Une publication utilise justement ce procédé afin de définir ce qu'est une solution

d'adaptation réussie [18]. Les résultats seront présentés dans le prochain chapitre.

Certains chercheurs proposent des systèmes métriques pour pallier le manque d'instrument

équivalent à la tonne de CO2 évitée. Par exemple, dans un récent document de travail [19],

des chercheurs proposent l'utilisation d'une combinaison de deux indicateurs nommés Saved

Health et Saved Wealth. Le premier s'appuie sur le concept du DALYs (Disability-Adjusted

Life-Years Saved), alors que le second est la combinaison de deux valeurs (la première servant

à évaluer la richesse absolue sauvée, et la seconde la richesse relative sauvée). Cette

proposition a le mérite de prendre en compte l'impact du changement climatique sur les vies

humaines, d'une façon moins contestée que par le biais de la valeur statistique de la vie23, qui

pose des problèmes éthiques. Néanmoins en pratique, il reste très complexe d'obtenir les

informations nécessaires et de déterminer quelle part de l'amélioration est attribuable à la

solution concernée, et quelle part du problème est liée au changement climatique.

En conclusion, il est utile de noter que la plupart des documents traitant des différentes

manières d'évaluer des solutions d'adaptation proposent une liste de critères (ou de

dimensions) devant intervenir dans le jugement. Ces critères sont : l'efficacité, l'efficience, la

faisabilité, l'acceptabilité/la légitimité, l'équité et la durabilité [20]. Dans certains cas, cette

liste peut s'allonger avec la flexibilité, la praticité, l'urgence, le coût (social, environnemental

et économique), la cohérence vis-à-vis des autres objectifs visés par la stratégie dans laquelle

s'insère la solution concernée, et la robustesse [21]. Ces critères sont difficilement

manipulables pour certains, et nécessitent une grande quantité de données. Ils ne sont donc

pas faciles à employer, néanmoins certains outils les utilisent, comme la méthodologie du

UK-CIP, ou encore celle de l'agence USAID (United States Agency International

Development) [22]. Cette liste de méthodologies n'est pas exhaustive, et sera davantage

développée au cours du prochain chapitre.

I.3. L’ADAPTATION VERSUS L’ATTÉNUATION

Tout d'abord, comme le rappelle un document de travail qui n’est pas encore publié [23],

l'atténuation comme l'adaptation sont deux approches anthropocentrées, ce qui est la raison

pour laquelle l'auteur de ce document considère qu'elles sont vouées à l'échec, partant du fait

23 D’après la VSL (Value of a Statistical Life), le coût social de la perte d’une vie serait typiquement compris entre 4 et 9 millions de dollars pour les États-Unis (avec une médiane à 7 millions de dollars) [99]

Page 43: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

32

que l'environnement dans lequel l'Homme est plongé change, et qu'il faut plutôt tenter

d'adapter l'Homme à ce dernier, et non l'inverse. Ce point n'est pas souvent traité dans les

diverses publications. Parfois, la question du lien entre le changement climatique et les droits

de l'Homme [24] est abordée, en particulier pour constater que sur le plan juridique, il pourrait

être demandé que le financement de l'adaptation soit supporté par les pays responsables, mais

le point de vue reste généralement anthropocentré. Les publications dans lesquelles

l'adaptation est vue comme une absolue nécessité sur le plan de l'éthique, en particulier pour

les populations des pays les plus défavorisés, aboutissent également à la question du respect

des droits de l'Homme fondamentaux [25]. Dans la suite de cette partie, un point de vue

anthropocentré sera conservé, l'article de Thom Brooks n'étant cité que pour remarquer que le

point de vue qui sera adopté ici n'est pas le seul existant dans la littérature, bien qu'étant

globalement le plus fréquent.

La première sous-section de cette partie s'attachera à décrire les différences entre l'atténuation

et l'adaptation, tandis que la deuxième sous-section se focalisera sur les aspects économiques

des deux approches. Dans un dernier temps, les aspects éthiques du débat entre adaptation et

atténuation, notamment dans le cadre des négociations internationales sur le changement

climatique, seront exposés.

I.3.1. Les différences entre adaptation et atténuation

D'après un article de R. Klein datant de 2005[26], l'atténuation et l'adaptation diffèrent sur

trois principaux points, qui sont exposés ci-après.

I.3.1.1. Les échelles spatiales et temporelles

La première différence relevée est que l'atténuation et l'adaptation n'ont pas la même échelle

spatiale, ni la même échelle temporelle. En effet, alors que l'atténuation profite à l'ensemble

de la planète, à l'échelle globale, l'adaptation ne profite qu'à l'échelle locale. Sur le plan

économique, les solutions d'adaptation sont donc plus acceptables, puisqu'elles profitent à

ceux qui en supportent le coût, alors que l'atténuation coûte à des acteurs qui n'en tirent pas,

ou moins directement, les bénéfices. De même sur l'échelle temporelle, l'atténuation apportera

des bénéfices à long terme, tandis que les bénéfices de l'adaptation sont a priori immédiats.

Une fois de plus, économiquement il est plus facile de justifier de l'adaptation que de

l'atténuation, car le court terme est plus facilement pris en charge par l'économie que le long

terme, d'autant plus quand les coûts et bénéfices sont actualisés. Néanmoins, ce second point

est à nuancer, étant donné que l'adaptation n'est pas toujours en mesure d'apporter des

Page 44: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

33

bénéfices à court terme. En effet, cela dépend du type d'adaptation considéré : pour

l'adaptation réactive, le bénéfice est effectivement à court terme, mais s'il s'agit d'adaptation

anticipative ou proactive, alors par définition les bénéfices ne se verront qu'à moyen ou long

terme. En outre, pour qu'il y ait bénéfice avec une mesure anticipative, il faut que le climat

change effectivement, sinon cette mesure pourrait être vue comme une erreur (du gaspillage).

I.3.1.2. Un équivalent de la tonne de CO2 évitée ?

La deuxième différence citée a déjà été précédemment explicitée, il s'agit du fait que les

bénéfices de l'atténuation sont assez facilement identifiables, grâce à l'unité métrique utilisée

(tCO2 éq. évitée), tandis que l'adaptation peut avoir des bénéfices plus difficilement

quantifiables et agrégeables : bénéfice économique, mais aussi écologique, social, sociétal,

culturel. Sur le seul aspect économique, même s'il était possible d'estimer les impacts du

climat évités grâce à une mesure d'adaptation, rien ne garantit que ces impacts soient liés au

changement climatique, et non à la variabilité climatique naturelle. En ce qui concerne les

évènements extrêmes, il est difficile de statuer quant à un lien de causalité avec le changement

climatique d'origine anthropique ou non. Pour aller plus loin, dans le cas de l'adaptation, les

inconnues sont nombreuses et très incertaines, et la réussite des mesures dépend de ces

inconnues (en premier lieu du changement climatique) tandis que pour l'atténuation, les

inconnues sont bien moins nombreuses et incertaines. En effet, il n'est pas nécessaire de

connaître avec précision l'évolution future du climat et ses impacts pour l'atténuer, alors qu'il

est utile (voire indispensable dans certaines situations) d'avoir une idée relativement précise

de la façon dont évoluera le climat pour s'y adapter24.

I.3.1.3. La diversité des acteurs de l’adaptation

Enfin la troisième différence a également été précédemment évoquée, et concerne les

personnes impliquées par l'une et l'autre des deux approches. Pour l'atténuation, les mesures

concernent majoritairement le secteur de l'énergie, du transport et de l'industrie. Dans une

moindre mesure, le secteur de l'agriculture. Pour l'adaptation, la chose est tout autre : des

secteurs bien plus variés sont touchés. Le tourisme, la gestion des zones côtières,

l'approvisionnement en eau, l'agriculture, la santé... et les agents responsables de la décision

d'adaptation restent vaguement identifiés. La responsabilité est répartie sur de nombreuses

personnes, ce qui requiert d'accorder une attention toute particulière à la gouvernance. Les

institutions nationales, mais également régionales et locales sont concernées, même si la

24 Cependant, l'atténuation requiert que soit reconnue la responsabilité des activités humaines dans le changement climatique pour être légitime.

Page 45: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

34

plupart du temps les bénéfices de l'adaptation restent à l'échelle locale. Ainsi, non seulement

le nombre de personnes impliquées dans l'adaptation d'une part, et l'atténuation d'autre part,

est différent, mais en plus la catégorie des parties prenantes est également variable.

I.3.1.4. Bien privé-bien public

Par ailleurs, l'atténuation est toujours la protection d'un bien commun public, puisqu'il s'agit

de protéger un service écosystémique (la régulation du climat) lequel profite à tous, tandis que

le plus souvent l'adaptation correspond à la protection de biens privés (voire communs ou de

club). En effet, lorsqu'une mesure d'adaptation vise à protéger les zones côtières grâce à des

digues par exemple, ce sont en réalité les propriétés privées se trouvant derrière ces digues qui

sont protégées. Il y a bien entendu des exceptions à cette règle, comme le cas où l'adaptation

viserait à protéger des monuments faisant partie du patrimoine mondial, ou bien dans le cas

où des espèces (faune ou flore) endémiques seraient menacées du fait du changement

climatique (hausse du niveau de la mer pour une île par exemple). Dans ces situations, le bien

protégé est un bien public. Mais plus que la catégorie du bien protégé (public ou privé) elle-

même, cette distinction induit une différence majeure entre les deux approches : les bénéfices

de l’adaptation sont individuels, alors que ceux de l’atténuation sont communs25.

I.3.1.5. Échec ou réussite de la politique engagée

Enfin, la dernière distinction à faire entre atténuation et adaptation est sur le succès ou bien

l’échec de ces approches26. Sur ce point, l'atténuation a clairement l'avantage par rapport à

l'adaptation, étant donné qu'il est toujours techniquement faisable de réduire des émissions de

GES (au pire des cas, il "suffit" d'arrêter l'activité économique correspondante) alors qu'il

n'est pas certain de pouvoir s'adapter à toutes les situations futures sans impacts résiduels, sur

le plan de l'économie (et en particulier de la théorie des jeux) le contraire se produit. En effet,

comme cela a été expliqué précédemment, dans le cas de l'atténuation, les coûts sont couverts

par des agents économiques qui ne sont pas les seuls à bénéficier de leurs actions (positives),

ce qui ne leur crée donc pas d'avantage compétitif, tandis que dans le cas de l'adaptation, les

bénéfices reviennent souvent à ceux qui en ont couvert les coûts. Ainsi, cela peut créer un

avantage compétitif vis-à-vis de ceux qui n'auraient pas pris de mesures en faveur de

l'adaptation.

25 Ce point est plus amplement développé dans la sous-section abordant la théorie des jeux. 26 Cette différence n’est pas mentionnée dans la publication de R. Klein[26].

Page 46: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

35

I.3.1.6. Conflits et synergies entre les deux approches

En outre, les politiques d'adaptation et d'atténuation sont distinctes, mais elles ne sont pas

indépendantes. Il existe en effet des synergies et des conflits entre ces deux approches.

Certains exemples sont donnés dans une publication de S. Hallegatte [27]. En adaptant les

normes de construction dans le but de réduire la consommation énergétique, cela permet

également de réduire les émissions de GES (synergie), mais en équipant peu à peu les

logements de climatiseurs, la consommation énergétique et donc les émissions de GES

augmentent (conflit). De même, en mettant en place une politique d'atténuation, le besoin

d'adaptation peut être réduit, ce qui signifie qu'une mesure d'adaptation prise aujourd'hui pour

être adapté au climat de 2050 pourrait avoir été surévaluée si les efforts d'atténuation d'ici là

font que le changement climatique est moins important qu'anticipé. De façon symétrique, le

fait de mettre en place des solutions d'adaptation pourrait en théorie permettre aux systèmes

sociaux d’être en capacité de faire face à un changement climatique plus important, et ainsi

rendre la limitation de ce changement climatique moins nécessaire, ce qui revient à accepter

une concentration de GES dans l'atmosphère plus élevée. Enfin, certaines mesures

d'adaptation comptent sur un prix du carbone élevé pour être économiquement rentable, or les

mesures d'atténuation font chuter le prix du quota carbone sur les marchés, et peuvent ainsi

compromettre la rentabilité de l'adaptation (en supposant que les plafonds d'émissions sont

fixes).

I.3.1.7. Une politique commune d’atténuation & adaptation ?

À vrai dire, certains chercheurs publient des articles dans lesquels ils défendent le fait que non

seulement il ne faudrait pas opposer atténuation et adaptation, mais qu'en plus il serait

pertinent d'employer des politiques climatiques mêlant astucieusement des mesures

d'atténuation et d'adaptation. C'était déjà le cas de l'article de R. Klein de 2005, lorsque

l'auteur s'interroge sur ce que serait l' "optimal mix between mitigation and adaptation". Mais

c'est également le cas par exemple d'une publication parue en 2009 dans la revue Habitat

International [28]. Selon les auteurs, il n'y a pas d'opposition a priori de l'adaptation et de

l'atténuation, cette opposition (appelée dichotomy en anglais) serait en réalité la conséquence

de processus de création de savoir différents dans un cas et dans l'autre. Le problème du

changement climatique soulevé par la communauté scientifique au départ, s'est traduit dans la

sphère politique par des négociations internationales. Une approche top-down, donc

majoritairement sur l'atténuation, étant donné que, comme cela a été mentionné, l'atténuation

s'occupe de l'échelle globale. Ensuite, lorsque peu à peu l'enjeu du changement climatique a

Page 47: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

36

atteint le domaine des sciences sociales, et que l'impact sur l'Homme s'est élevé, une approche

bottom-up a fait son apparition. Ceci explique, selon les auteurs, l'opposition dans la

littérature entre ces deux approches. L'explication serait donc plutôt historique, et non

foncièrement pragmatique. De plus, les mesures d'atténuation n’ont pas autant besoin d'être

testées sur le terrain que celles d'adaptation, et sont très mono-disciplinaires, contrairement à

l'adaptation qui demande une grande transversalité, et des allers-retours permanents entre

recherche et terrain. Enfin, d'après cette publication, il aurait été plus facile de développer dès

le départ une approche mêlant adaptation et atténuation, que de mêler celles-ci a posteriori.

Pourtant, bien qu'il apparaisse que les deux approches de la lutte contre le changement

climatique semblent devoir se rejoindre en une seule et même politique, mariant les différents

aspects de cet enjeu, il n'en demeure pas moins qu'économiquement, atténuation et adaptation

peuvent être comparées, voire opposées.

I.3.2. La comparaison économique

Avant d'opposer atténuation et adaptation sur le plan économique, il est pertinent de

remarquer que l'une et l'autre des stratégies peuvent être vues comme des options réelles, et

peuvent être valorisées en tant que telles. Selon la théorie économique néo-classique qui

utilise souvent une approche marginaliste et utilitariste pour atteindre l'optimum

économique27, la stratégie rationnelle serait de commencer par réduire les émissions de GES

jusqu'à égalisation du coût marginal de réduction (ou d'abattement) avec le bénéfice marginal

de réduction du changement climatique, ensuite par égalisation du coût marginal d'adaptation

avec le coût marginal de l'impact résiduel, on en déduit la part d'adaptation28. Cette approche

est exposée dans une publication soutenue par la Banque Mondiale [29].

I.3.2.1. La valeur d’option réelle

Dans le cas de l'adaptation, l'option réelle peut être le fait de retarder un investissement dans

une zone inondable, ce qui représente une perte à court terme (du fait du coût d'opportunité),

mais qui permet d'attendre de nouvelles études avant de choisir une solution irréversible (la

construction par exemple). Par ailleurs, le fait de préparer un territoire à la remontée du

niveau de la mer dès la conception des bâtiments peut engendrer un certain coût

supplémentaire, mais qui représente une option pour le futur, celle de ne pas devoir se

27 dans le cas du changement climatique et en supposant que les coûts et bénéfices de l'atténuation et de l'adaptation sont parfaitement connus 28 Une étude récente publiée dans Economic Papers présente une discussion autour de la valeur d'option réelle dans le cas théorique d'une optimisation à la Hotelling (mêlant adaptation et atténuation)[85]

Page 48: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

37

déplacer ou reconstruire. Enfin, dans la comparaison de plusieurs solutions d'adaptation, la

valeur d'option peut également intervenir, généralement en faveur des solutions évolutives

(éducation, formation, recherche) et en défaveur des solutions irréversibles (digue, mur de

plage...). Cette valeur d'option réelle est utilisée dans la littérature sur l'adaptation [30].

Dans le cas de l'atténuation, les mesures en faveur de la réduction des émissions peuvent

également être vues comme des options réelles, puisqu'elles permettent de préserver une

capacité à se maintenir dans la limite acceptable de concentration de GES dans l'atmosphère,

jusqu'à ce que notre connaissance du seuil d'émissions soit améliorée (par la recherche par

exemple). C'est en tout cas le point de vue défendu dans un article écrit par des chercheurs de

la faculté de Singapour [31]. Un élément intéressant de cet article réside dans la comparaison

entre deux types de solutions d'atténuation : les solutions visant à réduire les émissions à la

source (industrie, transport ...) et les émissions réduites grâce à la mise en place de puits de

carbone, grâce à la séquestration après émission. La conclusion à laquelle ils arrivent est que

les premières sont plus efficaces (sur le plan économique) que les secondes. Nonobstant la

valeur d'option réelle relevée par cet article pour l'atténuation, il parait clair que plus les

émissions seront importantes, moins l'adaptation apparaitra comme une option.

I.3.2.2. Pourquoi faudrait-il ne pas mélanger les deux ?

Parmi les économistes certains sont partisans de garder atténuation et adaptation

largement séparées, comme R. Tol. Dans une publication de 2005 [32] traitant du

compromis à trouver entre les mesures d'adaptation et d'atténuation, R. Tol écrit dans

l'introduction : "This paper argues that adaptation and mitigation should be kept largely

separate" et quelques lignes plus loin "we should embrace adaptation in triumph, at least for

some impacts". Il explique dans ce papier que l'atténuation et l'adaptation ont le même objectif

(réduire les impacts du changement climatique), mais qu'il n'est pas facile de trouver des

compromis entre les solutions d'adaptation et celles d'atténuation du fait des différences

d'échelles spatiale et temporelle, et des acteurs auxquels elles s'adressent respectivement. Il

distingue néanmoins le cas particulier des solutions ayant pour objectif d'augmenter les

capacités adaptatives29 (cette distinction entre adaptation et capacité adaptative sera détaillée

29 En première approximation, il est possible de comprendre capacité adaptative comme capacité à faire face au changement climatique quand un évènement se présente. Par exemple, le fait d'avoir un système de soin de bonne qualité est un atout pour faire face aux épidémies qui pourraient croitre du fait du changement climatique, mais il n'en demeure pas moins que même en l'absence de changement climatique, un système de santé performant est souhaitable.

Page 49: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

38

dans le prochain chapitre), qui entrent selon lui en concurrence avec les solutions

d'atténuation, non seulement sur les objectifs visés mais également sur l'accès aux ressources.

La question qu'il pose alors est de savoir si, pour favoriser l'amélioration des capacités

adaptatives (système de soin, accès à l'eau, éducation, recherche...) en particulier dans les

pays les moins avancés, pour lesquels l'adaptation est primordiale (mais pour lesquels

adaptation et développement sont en fait très proches), les politiques d'atténuation favorisent

ou entravent cette dynamique. Selon R. Tol, l'atténuation du changement climatique entrave la

dynamique d'amélioration des capacités adaptatives de l'Afrique (son développement), car elle

réduit la croissance des pays de l'OCDE, ce qui réduirait la demande de matières premières en

provenance de l'Afrique. Ainsi, le ralentissement de l'économie dans les pays de l'OCDE se

traduirait par un ralentissement de l'économie en Afrique, et donc à de moindres

investissements pour les capacités adaptatives.

Richard Tol poursuit le raisonnement, en disant qu'un dollar dépensé aujourd'hui en réduction

d'émissions de GES profitera aux petits-enfants des habitants actuels des pays les moins

avancés, et que selon lui, l'utilité marginale de ce dollar pourrait être plus élevée s'il était

dépensé autrement qu'en réduction de GES, en aide au développement par exemple. La

conclusion à laquelle il aboutit est qu'en termes de réduction des maladies infectieuses, il est

plus efficace de faire de l'aide au développement que de dépenser l'argent en réduction

d'émissions, mais pour d'autres objectifs, la conclusion inverse pourrait être vraie. Par

exemple, le développement apporterait davantage de problèmes cardio-vasculaires du fait du

changement de régime alimentaire, de l'urbanisation et de la pollution de l'air accompagnant

ce développement.

La critique que nous pourrions faire de cet article est que l'auteur part de l'hypothèse que

l'adaptation est toujours possible, et que les impacts résiduels sont négligeables. Son

raisonnement semble donc valable dans le cas d'un changement climatique relativement

limité. Il ne prend par exemple pas en compte le fait que l'on puisse atteindre un seuil de

réchauffement, au-delà duquel les raisonnements théoriques économiques ne sont plus

applicables, les impacts importants, et les conséquences imprévisibles. Ce type de scénario

qui semble catastrophiste n'est pas exclu par certains chercheurs, comme en témoigne un

récent article paru dans Nature en juin 201230[33].

30 dans lequel il est écrit qu'un point de non-retour, estimé empiriquement et par la modélisation, pourrait être le moment où plus d'environ 50 % des éco-systèmes auront été modifiés (aujourd'hui, nous en sommes à plus de 43 %) par des actions humaines directes. Une fois ce point dépassé, une extinction massive des espèces type K-T

Page 50: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

39

I.3.2.3. La position en théorie des jeux

Pour aller plus loin dans l'opposition, certains économistes ont abordé la question de la

stratégie entre atténuation et adaptation sous l'angle de la théorie des jeux. De manière

évidente, sur le plan de la coopération internationale, étant donné le nombre d'acteurs, la

stratégie du passager clandestin est largement répandue, outre les questions d'éthique, de

justice internationale pour savoir qui est responsable du réchauffement et qui doit en subir les

coûts. En effet, du point de vue de la théorie des jeux, aucun acteur n'a intérêt à réduire ses

propres émissions, qui servirait l'ensemble de la communauté des "joueurs", sans lui conférer

d'avantage (c'est ce que l'on appelle la tragédie des biens communs, de Garrett Hardin [34]).

D'autant plus que sur le plan de la compétition internationale, la réduction d'émissions

unilatérale pourrait créer un désavantage économique. Pourtant, l'Union Européenne s'est

engagée unilatéralement à réduire ses émissions de 20 % d'ici à 2020. À l'inverse, l'adaptation

(en admettant qu'elle soit possible) permet de fournir un avantage compétitif : si l'Union

Européenne est adaptée au changement climatique, alors comparativement aux autres pays,

son territoire va prendre de la valeur, et le coût des impacts sera réduit, elle aura alors un

avantage par rapport à ses concurrents. Ce point de vue pourrait même être renforcé par le fait

que les émissions de l'UE ne représentent plus l'enjeu majeur mondial, ce qui la relègue au

second plan lors des négociations internationales.

Un article publié dans Ecological Economics en 2010 traite de la théorie des jeux dans le

domaine du changement climatique [35], en utilisant des méthodes d'économie

comportementale et expérimentale. La question que se posent les auteurs est de savoir, par

l'expérience sur le comportement d'agents, quel serait le compromis choisi entre atténuation et

adaptation, en ne donnant ni la possibilité de ne rien faire, ni de faire les deux. Au premier

ordre, il semblerait (d'après la revue de littérature préliminaire proposée dans ce document)

que le comportement d'individus serait à peu près équivalent à celui de pays entier lors de

prises de décisions stratégiques31. Dans le modèle créé, plusieurs éléments sont à souligner : il

ne peut pas y avoir de gain espéré, simplement des pertes moins grandes, malgré une décision

de la totalité des joueurs de faire de l'atténuation (cas de coopération totale), des risques

d'impacts négatifs du changement climatique demeurent (modélisés par une variable

stochastique), afin de prendre en compte l'incertitude relative à la capacité d'atténuation totale.

Néanmoins, le risque global de changement climatique décroit avec le nombre de joueurs

pourrait être enclenchée, se produisant en quelques décennies. Au rythme actuel de modification des éco-systèmes, le chiffre de 50 % serait atteint vers 2025. 31 parfois les décisions internationales montrent même plus de coopération que des individus séparés.

Page 51: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

40

choisissant l'atténuation. À l'inverse, en cas de coopération nulle, le risque de désastre

climatique est de 1. Enfin, avec ce modèle, seuls des bénéfices liés au changement climatique

(sous forme de réduction des dommages) interviennent pour les solutions d'adaptation (pas de

co-bénéfice). En cas de désastre, le dédommagement (inférieur à la dotation initiale) est

fonction de l'adaptation et de la vulnérabilité.

Les participants ont donc le choix entre plusieurs stratégies usuelles : maxi-min (la meilleure

stratégie pour le pire des scénarios, c'est à dire ici le cas où le désastre se produit), maxi-max

(la stratégie où les retombées peuvent être les plus importantes), ou encore mini-max

(minimisation de la perte maximale). Cette étude illustre plusieurs résultats intéressants : tout

d'abord, 26,5 % des participants ont choisi l'atténuation (sans différence significative entre le

groupe de vulnérabilité élevée et celui de vulnérabilité basse) ce qui est inférieur aux résultats

de coopération habituels pour le dilemme du prisonnier. Ensuite, une différence significative

entre les deux groupes (vulnérabilité élevée et basse) quant à leur attente des réponses des

autres participants de leur groupe (19 % des individus de la faible vulnérabilité s'attendaient à

ce que les autres fassent de l'atténuation, contre 34 % pour les individus de vulnérabilité

élevée). Par ailleurs, environ 60 % des participants se disent prêts à faire de l'atténuation,

dans le cas où tous les autres en font, quelque soit leur niveau de vulnérabilité. Enfin, 47 %

de ceux ayant une faible vulnérabilité se disent prêts à faire de l'atténuation en cas de

coopération nulle, contre seulement 25 % des individus de vulnérabilité élevée. Cet article

donne donc une première explication de la préférence à faire de l'adaptation plutôt que de

faire de l'atténuation dans le cadre de la théorie des jeux.

Par ailleurs, un autre document (de travail) [36] étudiant les stratégies de lutte contre le

changement climatique sur le plan des accords internationaux met en avant le fait que

l'amélioration de l'efficacité des solutions d'adaptation réduit l'incitation à employer la

stratégie du passager clandestin. Au-delà de cela, le succès de l'atténuation pourrait

dépendre du fait que certains pays prennent des mesures d'adaptation pour réduire les

conséquences du changement climatique. Cette étude montrerait donc que non seulement

atténuation et adaptation ne sont pas substituables, mais qu'en plus le fait de trouver des

solutions efficaces d'adaptation et de les mettre en place dans certains pays, augmente

l'incitation à coopérer sur le plan de l'atténuation à l'échelle mondiale.

Page 52: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

41

I.3.3. L'émergence du concept d'adaptation sur la scène internationale

Dans de nombreuses publications défendant l'adaptation comme pouvant être utilisée à la

place de l'atténuation, il est écrit que pendant de nombreuses années, parler d'adaptation était

synonyme de défaitisme (voir par exemple [32]). Puis, au fur et à mesure que le changement

climatique a montré ses premiers effets (avancée des vendanges, dérive d'icebergs géants...),

les défenseurs de l'adaptation ont commencé à occuper de plus en plus de place sur la scène

internationale. Pour le chercheur Olivier Godard [37], cette montée en puissance de la

thématique de l'adaptation est le témoin (et peut-être même le vecteur) du basculement de

l'imaginaire vers la résignation, et de façon voilée ou implicite, la thématique de

l'adaptation "habille et disculpe le manque de volonté politique internationale dans la maîtrise

des émissions de GES". Lors de la Conférence des Parties de décembre 2009 à Copenhague,

était attendue une extension du protocole de Kyoto à l'ensemble des pays développés et en

développement basée sur l'atténuation et la maîtrise des émissions de GES. En réalité, les

négociations ont abouti à des engagements non contraignants de la part du groupe des 77

(rassemblement de pays en développement mené par la Chine et l'Inde), et à la mise en place

de véhicules financiers des pays développés vers les pays en développement pour favoriser les

réductions d'émissions, le développement économique et l'adaptation aux impacts. Pour

Olivier Godard, cela a été le signe que la communauté internationale a implicitement consenti

à ne pas respecter l'engagement du non dépassement des 2°C par rapport à l'ère pré-

industrielle, et est prête à "se livrer à l'aventure climatique". Il ajoute que "la place réservée à

l'adaptation est l'expression subliminale de ce renoncement".

Les partisans d'une action relativement faible d'atténuation au profit d'une action plus

prononcée d'adaptation, utilisent des hypothèses de départ qui ne seront pas

nécessairement vérifiées ex post. En effet, ils considèrent généralement que les impacts du

climat resteront suffisamment faibles, que nos sociétés pourront connaître des chocs à court

terme (sécheresse, vague de chaleur...) d'origine climatique, mais que sur le long terme,

l'adaptation annulera ces effets, si bien que l'impact économique à terme n'existera pas. En

d'autres termes, les solutions techniques et les adaptations matérielles permettront d'annuler

les effets du changement climatique.

Ensuite, en opposant sur le plan économique l'adaptation et l'atténuation, comme les coûts de

l'atténuation sont immédiats alors que ceux de l'adaptation sont principalement reportés dans

le futur, en procédant à une actualisation (parfois à des taux plutôt élevés, comme 5,5 % pour

Page 53: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

42

Nordhaus), l'avantage est directement accordé à l'adaptation. Il est pourtant légitime de

s'interroger sur la pertinence, à la fois économique et éthique de l'utilisation d'un taux

d'actualisation de plus de 5 % sur plus d'un siècle, d'autant plus si, du fait de la non-

atténuation du changement climatique, les impacts sont en réalité bien plus élevés qu'anticipés

dans le cadre de l'adaptation. Enfin, d'après la théorie économique, il est rationnel de faire

supporter les coûts par ceux qui en auront le plus la capacité, or en anticipant une croissance

économique soutenue sur deux siècles, il est clair que les générations futures sont mieux loties

pour faire face au changement climatique. Cependant, ce raisonnement part encore une fois du

principe que le climat ne pourra pas affecter de façon importante l'économie, ce qui n'est pas

du tout évident, et ce qui l'est de moins en moins.

Enfin, l'article d'Olivier Godard [37] aborde également les aspects éthiques du problème.

Lorsque les coûts (et les bénéfices) sont actualisés sur de longues périodes, apparaît la

question de la justice intertemporelle, et du droit des générations futures de choisir leur

propre conception de la société, ce qui les constitue de façon essentielle et qui doit donc être

préservé. En estimant qu'elles souhaiteront, comme les générations présentes, préserver les

mêmes composantes, on préjuge de leurs choix, ce qui n'a pas de légitimité sur le plan

éthique. Il est donc important de différencier deux catégories de solutions d'adaptation :

dans la première se trouvent les mesures pouvant être mises en balance avec celles

d'atténuation, et pour lesquelles il faudrait donc procéder à une comparaison économique

reposant sur des hypothèses de taux d'actualisation, et dans la seconde catégorie, il y aurait les

mesures à ne considérer qu'en cas d'extrême nécessité, où le changement climatique est déjà

là, et où il faut s'adapter pour limiter les dommages.

Par ailleurs, étant donné la place qu'occupe actuellement l'adaptation sur la scène des

négociations internationales, et les circonstances dans lesquelles ce concept est apparu, il est

nécessaire d'être vigilent quant à la compréhension de cette thématique. Implicitement, parler

d'adaptation au climat futur signifie que cette adaptation, avec un dommage résiduel limité,

est possible, et que c'est à notre capital matériel de s'adapter au climat changeant. Or, il n'est

pas assuré que cette adaptation soit possible. Ainsi, l'atténuation n'est pas une option, et

lorsqu'il s'agit d'adaptation, il faut en réalité distinguer l'adaptation des infrastructures à la

nouvelle donne (très incertaine) climatique, et l'adaptation visant une meilleure capacité à

faire face à des évènements climatiques incertains en fréquence et en intensité. L'adaptation

ne doit donc pas être comprise comme un renoncement à l'atténuation, et il sera primordial

que les sociétés soient capables d'adapter leur mode de vie aux nouvelles conditions qui

Page 54: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

43

existeront, tout en conservant les traits caractéristiques de leur organisation collective. Par

exemple, il pourrait sembler pertinent d'estimer que le propre de nos sociétés (du moins en

Europe) est la démocratie32, et que celle-ci est ce qu'il faut conserver, quitte à faire évoluer le

capital matériel, les habitudes, le système économique etc.

Au final , l'adaptation est plus un défi à relever dans le domaine des sciences humaines et de

l'économie, afin de distinguer ce qui est essentiel de ce qui est superflu, qu'un challenge

technique et technologique pour permettre de préserver notre niveau de consommation, de

production, et d'échanges commerciaux, le plus longtemps possible. Quoiqu'il en soit,

l'adaptation et l'atténuation sont bien deux approches complémentaires, d'autant que

l'atténuation réduit les coûts de l'adaptation, lorsque l'adaptation est comprise comme les

modifications permettant aux infrastructures de faire face au climat futur (et à sa variabilité),

et que par ailleurs, l'atténuation réduit l'incertitude liée à l'utilisation des scénarios socio-

économiques.

32 Pour aller plus loin dans l’analyse de la possibilité ou non de maintenir une gouvernance démocratique malgré la rupture du contrat social fondé sur la consommation, dans l’hypothèse d’une transition vers une ère sans énergie fossile, lire la publication de Bruce Jennings d’octobre 2010 [98].

Page 55: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

44

Pour résumer, l’économie et le climat sont liés par l’intermédiaire de l’énergie, qui peut être

appréhendée comme le moteur de notre économie, et la source principale du changement

climatique anthropique, du fait des émissions de Gaz à Effet de Serre. Face à ce changement

climatique, deux réponses peuvent être apportées : l’atténuation des causes (réduction des

émissions), et l’adaptation aux conséquences. Chacune de ces deux stratégies dispose

d’instruments économiques : la taxe, le marché de permis, les subventions et les normes pour

l’une, et les signaux-prix les assurances et les partenariats public-privé pour l’autre.

Mais, ce sont deux stratégies qui diffèrent sur plusieurs points. D’abord, les échelles spatiale

et temporelle auxquelles elles sont utilisées, l’adaptation s’occupant du local et pouvant

apporter des bénéfices immédiats (adaptation réactive), tandis que l’atténuation est une

politique globale, dont les bénéfices sont futurs. Ensuite, contrairement à l’atténuation et sa

métrique unique (la tonne de CO2 équivalent évitée), l’adaptation ne dispose pas de cadre

universel de comparaison. De plus, l’atténuation est une stratégie qui implique quelques

acteurs de secteurs spécifiques, alors que l’adaptation concerne une grande diversité d’acteurs

socio-économiques. Enfin, l'atténuation est la protection d'un bien public, tandis que

l'adaptation est la protection de biens privés (ou de clubs).

Mais il existe des liens entre ces deux approches (synergies et conflits). Elles peuvent soit se

renforcer mutuellement (l’atténuation réduisant par exemple la nécessité d’adaptation), soit

s’opposer (l’adaptation pouvant conduire à plus d’émissions, et un renforcement du besoin

d’atténuation).

Ainsi, sur le plan économique une politique d’adaptation se justifie plus facilement qu’une

politique d’atténuation, car ceux qui en assurent les coûts en tirent également les bénéfices

(relatifs), contrairement à l’atténuation où les coûts sont individuels et le bénéfice, global.

Certains économistes souhaitent donc que ces deux approches soient présentées comme

substituables et non comme complémentaires.

Mais il peut sembler que cela soit fondé sur des hypothèses de faible impact du changement

climatique sur les sociétés humaines, lesquelles ne peuvent être vérifiées ex ante. De plus, il

apparait que l'opposition entre l'adaptation et l'atténuation est liée à la façon dont s'est créée la

connaissance, et ne présuppose pas d'une incompatibilité.

Au final, d'autres chercheurs tentent de concilier les deux, que ce soit de manière calculatoire,

ou bien de manière expérimentale, en montrant notamment ce que l'adaptation peut apporter à

l'atténuation. L'atténuation et l'adaptation sont donc complémentaires et non substituables.

Page 56: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

45

II. ADAPTATION ET MALADAPTATION

Le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et commence déjà à être observé.

Malgré les incertitudes quant à ce changement à long terme, dont l’amplitude dépendra pour

partie de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (agir sur les causes), le

sens de cette variation ne laisse pas la place au doute. Afin de limiter les conséquences

négatives de ce changement climatique et de saisir les opportunités que ce dernier offre, il est

nécessaire d’anticiper ce changement. C’est ce que l’on appelle l’adaptation au changement

climatique (s’adapter aux conséquences). En effet, bien que les sociétés soient en mesure,

dans certains cas, de s’adapter spontanément en réaction à un changement perçu, le fait

d’adopter une stratégie proactive présente des avantages, à commencer par la réduction du

coût (social et économique) à moyen terme.

Dans cette démarche, la France a adopté en juillet 2011 un Plan National d’Adaptation au

Changement Climatique (PNACC) portant sur la période 2011-2015, composé de 234 actions

réparties à travers 84 mesures phares, afin de traiter cette question à l’échelle nationale. Une

des mesures du PNACC consiste à « identifier et diffuser des critères, méthodes et sources de

données permettant de juger de la maladaptation », dans laquelle une action est d’ « introduire

des critères d’éligibilité, permettant d’éviter les projets maladaptés, dans les dispositifs de

financements publics et privés pertinents ». Elle prévoit donc que, dans une réflexion de

durabilité, les investissements publics évitent d’augmenter la vulnérabilité à l’évolution du

climat : il s’agit donc d’éviter la maladaptation en favorisant la résilience des investissements

au changement climatique.

II.1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SES IMPACTS

II.1.1. Les climats futurs

II.1.1.1. Quelques définitions

Le climat est la distribution statistique des conditions atmosphériques dans une région donnée

pendant une période de temps donnée. Ces conditions observées sont la précipitation, la

température, l'ensoleillement, l'humidité et la vitesse du vent. En statistique, les deux outils les

plus utilisés sont la moyenne et la variance, laquelle décrit la manière dont évolue une

variable par rapport à sa moyenne. Quand il est question de changement climatique, il est

donc question de l'évolution des données statistiques des variables observées. Ce changement

Page 57: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

46

peut s'opérer en moyenne, mais également en variance. Dans le premier cas il s'agit de

l'évolution tendancielle, et dans le second, de l'évolution de la variabilité. En effet, la

variabilité naturelle peut augmenter, diminuer, ou bien rester inchangée.

Selon la communauté scientifique, d'une part la réalité du réchauffement climatique n'est plus

discutable, et d'autre part elle est liée aux activités anthropiques, et aux émissions de GES

accompagnant ces activités. L'effet de serre est un phénomène tout à fait naturel et souhaitable

dans une certaine mesure, car c'est ce qui permet de maintenir une température sur Terre de

15°C et non de -18°C comme ce serait le cas en l'absence totale de ces GES33. Leur rôle a

donc été majeur dans le développement de la vie telle que nous la connaissons sur Terre. Le

premier GES en quantité dans l'atmosphère est l'eau. Les GES autres que la vapeur d'eau sont

principalement le CO2 (dioxyde de carbone), le N20 (protoxyde d'azote), les gaz fluorés

(HFC), le CH4 (méthane).

Les raisons pour lesquelles les émissions de vapeur d'eau ne sont pas prises en compte dans

les causes du changement climatique sont que, d'une part sa durée de vie dans l'atmosphère

est très courte (de l'ordre de 7 à 15 jours), et que d'autre part les émissions de vapeur d'eau

liées aux activités humaines sont négligeables en comparaison avec les quantités de vapeur

d'eau impliquées dans le cycle de l'eau, du fait de l'évaporation des océans, et de

l'évapotranspiration des végétaux. Le CO2 existe également naturellement dans l'atmosphère,

néanmoins en des proportions bien moindres que celles connues aujourd'hui. Avant la

révolution industrielle, la concentration atmosphérique de ce gaz était de l'ordre de 280 ppm

(parties par million) et avait toujours oscillée entre 180 et 300 ppm, au cours des 800 milliers

d'années passées (elle est actuellement d'environ 390 ppm). La durée de vie du CO2 dans

l'atmosphère est de l'ordre de 100 ans, ce qui explique les raisons des inquiétudes. En effet,

une fois que ce gaz a été émis, il a un pouvoir réchauffant durant environ un siècle. C'est une

des raisons pour laquelle, même sans émissions supplémentaires, le climat se réchauffera au

cours des prochaines décennies.

II.1.1.2. L’origine des GES

Les émissions de CO2 sont principalement liées à la combustion des énergies fossiles, à

savoir gaz naturel, pétrole et charbon, qui sont des hydrocarbures, c'est-à-dire des molécules

constituées d'atomes de carbone et d'hydrogène, formant de longues chaînes (des squelettes

33 L’action des GES est purement physique et non chimique, autrement dit leur impact n’est pas dû à leur nocivité chimique, mais au fait qu’ils absorbent une part des rayons infrarouges, or le spectre des ondes réémises par la Terre est principalement dans cette gamme de longueurs d’ondes.

Page 58: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

47

carbonés), qui, en brûlant, libèrent de l'énergie sous forme de chaleur, et rejettent du CO2 et de

la vapeur d'eau. Or, les énergies fossiles représentent 80 % de l'énergie consommée dans le

monde aujourd'hui.

Les émissions de CH4 sont principalement le fruit de la décomposition anaérobie de la

matière organique (fermentation), et des fuites de gaz naturel lors de l'exploitation et du

transport par gazoducs.

Concernant les émissions de N2O, elles sont attribuables en grande partie au phénomène de

nitrification/dénitrification des sols cultivés, du fait de l'utilisation d'engrais azotés, mais

elles sont également liées à certains processus industriels, produisant de l'acide nitrique par

exemple. Enfin, de plus en plus d'émissions de N2O sont causées par le transport, du fait de la

généralisation des pots catalytiques, qui ont pour objectif de réduire les particules fines dans

l'atmosphère, mais qui posent des problèmes d'émissions de N2O.

Enfin, les gaz fluorés n'existent pas naturellement dans l'atmosphère, et sont utilisés comme

gaz caloporteurs (réfrigérateurs, climatiseurs…).

Figure II-1 Flux mondiaux d'émissions de GES par secteur et par utilisation finale ou activité [7]

Page 59: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

48

Tous les gaz à effet de serre n'ont pas le même pouvoir de réchauffement global, car ils

n'ont pas la même durée de vie dans l'atmosphère notamment, ni les mêmes propriétés

radiatives. Afin de pouvoir les comparer, l'indice de PRG (Potentiel de Réchauffement

Global) est utilisé. Il permet de comparer tous les GES quant à leur contribution au

réchauffement, sur un horizon de temps de 100 ans, car le CO2 est utilisé comme référentiel.

Ainsi, le PRG du CO2 est 1 par définition, celui du CH4 est d'environ 23, celui du N2O est de

310, et celui des CFC varie entre 1300 et 22800 (selon le gaz considéré). De ce fait, une tonne

de CH4 équivaut à environ 23 tonnes de CO2, on parle alors de tonnes équivalent CO2 (t CO2

éq.). La Figure II-1 montre les flux mondiaux d'émissions de GES, et leur répartition par

activité ou catégorie. Les pourcentages donnés sur la droite du schéma sont en équivalent

CO2, en prenant donc en compte les PRG respectifs des gaz considérés.

II.1.1.3. La modélisation du climat

La préoccupation des scientifiques quant à l'influence de la concentration en CO2 de

l'atmosphère n'est pas récente, puisqu'en 1896 le chimiste suédois Svante August Arrhenius a

publié un article dans lequel il estime qu'un doublement de la concentration en CO2 dans

l'atmosphère conduirait à une élévation de la température terrestre moyenne de 5°C [38]. À

l'époque, les moyens de calcul étaient très limités, et les modèles, très simplifiés. Aujourd'hui,

grâce au progrès technologique et au développement des puissances de calcul, les modèles

utilisés pour les simulations sont de plus en plus complets, prennent en compte de plus en plus

de variables et d'interactions, et permettent de simuler l'évolution des variables climatiques

sur de longues périodes, tout en conservant un pas de temps faible pour le calcul, et un

maillage du globe de plus en plus fin.

Un modèle de climat est en réalité la traduction sous forme d'équations de la physique des

phénomènes dont l'atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère sont le siège. Ces

phénomènes physiques ont trait à de très nombreux domaines : la dynamique des fluides (lois

fondamentales de la dynamique, à savoir conservation de la masse, de l'énergie, et du

moment), la thermique (rayonnement, conduction, convection), ou encore la chimie (réactions

chimiques impliquées dans le cycle du carbone, le cycle de l'eau, le cycle du phosphore...).

Ces équations ne sont pas propres à la simulation du système climatique. Par exemple, la

dynamique des fluides est également utilisée dans le domaine de l'aéronautique, et les

modèles de simulation numérique permettant de tester virtuellement le comportement d'une

aile d'avion en condition de vol utilisent les mêmes représentations et équations que ceux

utilisés pour la modélisation du climat. La différence entre l'aéronautique et le climat réside

Page 60: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

49

dans la possibilité pour le premier d'avoir recours à des expérimentations en soufflerie, afin de

confronter ces simulations numériques avec le réel34. Dans le cas du climat, l'expérimentation

n'est pas possible, mais il existe un équivalent afin de tester les modèles climatiques. Il s'agit

de vérifier que ces derniers simulent de façon correcte le climat passé, pour lequel des

données sont obtenues par ailleurs (carottes de glace, cernes des arbres, archives écrites) à la

fois pour les températures et pour les concentrations de CO2.

Néanmoins, il existe des incertitudes entourant les modélisations du climat, du fait même de

la discrétisation de l'espace et du temps, nécessaires au calcul numérique. Il est en effet

impossible de simuler un espace-temps continu. Cette incertitude est donc l'incertitude

intrinsèque de n'importe quel type de modélisation, qu'elle soit climatique ou non. Ensuite,

une part importante de l'incertitude provient des scénarios socio-économiques utilisés. En

effet, en entrée de modèle il est nécessaire d'utiliser des données quant à l'évolution future des

émissions de GES vers l'atmosphère, de l'utilisation des sols (pour prendre en compte la

modification de l'albédo de la surface terrestre, et des puits de carbone), et des autres variables

impliquées dans le système climatique modélisé, sur lesquelles l'Homme a une influence.

C'est l'une des raisons pour lesquelles il est question de projections climatiques et non de

prévisions. De plus, il existe une incertitude quant à la façon dont vont se comporter les

grands cycles, les écosystèmes et les sociétés face à l'évolution du climat. Il est possible que

la réponse de ces derniers ne soit pas linéaire, et qu'il existe des effets de seuil ou même que

la vitesse à laquelle le climat évolue ait une influence sur la réponse. Enfin, lorsque l'intérêt

est porté vers les modélisations locales du climat, une incertitude supplémentaire apparaît, du

fait de la descente d'échelle, c'est-à-dire du fait de la relation qui existe entre l'évolution

globale du climat, et sa traduction locale. Ce point est particulièrement intéressant quand il est

question de mesures à prendre localement, autrement dit, lorsqu'il est question de stratégies

d'adaptation, pour lesquelles le changement climatique local est crucial.

II.1.1.4. Les projections climatiques du GIEC

Les projections climatiques à l'échelle de la planète sont regroupées dans les rapports du

GIEC , qui synthétisent la connaissance scientifique et technique sur le changement

climatique disponible à travers le monde.

34 Cependant, l'expérimentation en soufflerie induit également des biais, et il n'est pas possible de reproduire de façon exacte les conditions réelles de vol, et les mesurer. En effet, la mesure perturbe nécessairement les écoulements.

Page 61: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

50

Sur la Figure II-2 est représentée la hausse des températures moyennes pour différentes

périodes futures, relativement à 1980-1999, d'après plusieurs modèles climatiques (dont les

résultats ont été agrégés), en fonction de 3 scénarios socio-économiques de référence. Il est

clairement visible que la tendance sera au réchauffement, et que ce réchauffement pourrait

atteindre à la fin du siècle entre 3 et 6°C. Ces valeurs sont moyennées sur de grandes périodes

(20 ans), ce qui permet de rendre les résultats plus robustes, car l'évolution de la moyenne est

plus facile à anticiper que l'évolution de la variance. L'inconvénient est que cette

représentation ne fait donc pas apparaître les températures maximales et minimales, ce à quoi

les biens et les individus sont également sensibles.

Outre la température moyenne, les précipitations moyennes vont également évoluer. La

Figure II-3 représente cette évolution dans le cas du scénario intermédiaire d'émissions, pour

les 20 dernières années du siècle, par rapport aux 20 dernières du siècle précédent, pour deux

saisons de l'année (sèche et humide). En blanc, sont représentées les zones pour lesquelles

moins des 2/3 des modèles étaient en accord sur le signe de la variation, et les zones

recouvertes de points noirs sont celles où plus de 90 % des modèles sont en accord sur ce

signe. Ces dernières zones sont donc celles pour lesquelles les résultats sont les plus robustes.

Une grande disparité apparait sur ces représentations, entre les différentes régions du globe.

Selon la saison et la région, les territoires vont pouvoir connaître plus, ou moins de

précipitations que sur la période de référence, contrairement à la température qui, quelque soit

la zone considérée, ne pourra qu'augmenter.

Outre l'évolution des valeurs moyennes de température et de précipitation, le changement

climatique va être marqué par l'élévation du niveau de la mer, sous l'effet de plusieurs

phénomènes : l'expansion thermique, et la fonte des masses d'eau glacées. D'après le rapport

du GIEC de 2007, cette élévation serait, à horizon 2100, de l'ordre de 60 cm à 1 mètre. Cette

valeur est à prendre avec précaution, car certains chercheurs considèrent que les travaux

synthétisés dans les rapports du GIEC sous-estiment la fonte de l'Arctique, et que la valeur de

l'élévation pourrait plutôt être de l'ordre de 1,60m à horizon 2100. Quoi qu'il en soit, dans un

cas comme dans l'autre, cette élévation du niveau de la mer ne s'arrêtera pas en 2100, mais se

poursuivra jusqu'à un équilibre, et l'élévation finale après stabilisation sera plus importante

que celle prévue à horizon 210035.

35 Certains organismes avancent des valeurs allant de 1,50 m à 70 mètres d'élévation lorsque le système climatique sera stabilisé (d’ici plusieurs siècles), ce qui montre les désaccords et les incertitudes extrêmement importantes qui entourent cette élévation.

Page 62: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

51

Figure II-2 Anomalie de la température moyenne à la surface, selon 3 scénarios différents, sur 3 périodes futures (2011-2030, 2046-2065 et 2080-2099), par rapport à la période de référence 1980-1999, selon plusieurs modèles climatiques. [39]

Figure II-3 Évolution du schéma de précipitations pour la période 2090-2099 par rapport à 1980-1999, pour le scénario d'émissions intermédiaire (A1B), pour la période de décembre à février (gauche) et de juin à août (droite), d'après plusieurs modèles climatiques [39]

Enfin, la quatrième grande caractéristique du changement climatique est l'évolution de la

variabilité climatique , qui influe sur la fréquence et l'intensité des phénomènes extrêmes

(températures extrêmes, précipitations extrêmes, vents extrêmes, submersion marine,

inondations…). D'après le rapport spécial du GIEC consacré aux évènements climatiques

extrêmes [11], il est très fortement probable que les extrêmes de températures seront plus

élevés à la fin du XXIe siècle qu'à la fin du XXe siècle (une journée extrêmement chaude qui

survient tous les 20 ans, surviendra statistiquement tous les 2 ans, à l'exception des hautes

latitudes de l'hémisphère Nord, où se serait plutôt tous les 5 ans). Par ailleurs, il est probable

que les précipitations maximales quotidiennes qui reviennent tous les 20 ans se répéteront

tous les 5 à 15 ans d’ici à la fin du XXIe siècle dans de nombreuses régions. En ce qui

Page 63: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

52

concerne les cyclones, il est probable que la vitesse moyenne du vent maximal associée aux

cyclones tropicaux augmentera. Enfin, du fait des modifications affectant les vagues de

chaleur et la fonte des glaciers (et du pergélisol) des phénomènes comme l'instabilité des

pentes est à anticiper dans les zones de hautes montagnes.

II.1.1.5. Les projections climatiques pour la France

Les projections climatiques globales ont donc l'avantage d'être relativement robustes, et

l’inconvénient de ne pas apporter suffisamment de détails sur les changements à des échelles

plus réduites, comme à l'échelle de la France. Il existe cependant des projections régionalisées

pour le territoire de métropole française, fondées sur les modèles de climat du CNRM (Centre

National de Recherches Météorologiques de Météo-France), de l'IPSL (Institut Pierre Simon

Laplace) et du LGGE (Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement). Ces

simulations ont abouti à la publication d'un rapport en trois volumes36, dans lesquels est

présentée l'évolution de nombreux indices climatiques selon la zone du territoire français

considérée (la France est découpée en 5 zones pour ce qui est de la métropole). Par ailleurs,

ces simulations ont également abouti à l'ouverture d'un portail internet 37 (DRIAS les futurs

du climat) sur lequel sont rassemblées les projections des indices climatiques pour la France

métropolitaine, à trois horizons de temps (2035, 2055 et 2085), selon trois scénarios

d'émissions de GES, et pour plusieurs modèles climatiques issus de différents laboratoires

(CNRM, IPSL et CERFACS). Contrairement aux simulations régionalisées évoquées

précédemment qui ne présentent que 5 grandes zones, le portail en question présente les

régions françaises administratives, et il est possible de consulter les résultats non seulement

par saison (printemps-été-automne-hiver), mais également par mois. Naturellement, plus on

s'intéresse à des périodes de l'année précises, moins les résultats sont robustes, ce qui signifie

qu'il ne faut pas prendre ces projections pour des certitudes, mais pour des climats futurs

possibles. Le portail permet donc d'avoir un accès simplifié à l'information pour l'ensemble

des individus, quelque soit le niveau initial de connaissance technique et scientifique. En

outre, il offre l'opportunité de savoir à quel type de climat futur la population d'une région

précise doit se préparer. Les différents modèles utilisés dont les résultats sont exposés sur le

portail ne sont pas toujours en accord parfait, étant donnée la grande incertitude qui existe,

néanmoins les aspects des projections sur lesquels les modèles concordent ont une forte

probabilité d'être corrects.

36 disponibles en ligne sur le site de l'Onerc : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Le-climat-de-la-France-au-XXIe-.html 37 http://www.drias-climat.fr ouvert le 24 juillet 2012

Page 64: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

53

Les indices auxquels donne accès le portail en ligne relèvent de deux grandes catégories : la

température et les précipitations. Contrairement aux figures exposées précédemment

provenant du rapport du GIEC de 2007, les indices utilisés sur le portail DRIAS les futurs du

climat sont moins agrégés38, ce qui est plus utile pour les systèmes socio-économiques

notamment, qui peuvent être sensibles aux évènements ponctuels, et non à l'évolution

tendanciels, comme cela a déjà été mentionné. Par exemple, une vague de chaleur, qui

correspond à une anomalie de plus de 5 jours et nuits consécutifs pendant lesquels la

température est supérieure de 5°C au moins à la normale de saison, peut avoir des

conséquences dramatiques, notamment en termes de vies humaines perdues, comme l'a

montré la canicule de 2003 en Europe, qui a fait 14800 morts en France.

Nous n'entrerons pas dans les détails de ces projections climatiques, du fait de la grande

quantité d'informations et de cartes nécessaires à l'exhaustivité, et invitons le lecteur à se

reporter au portail. Néanmoins la France métropolitaine doit s'attendre globalement à une

hausse moyenne des températures de l'ordre de 3°C si le monde connaît globalement un

réchauffement de 2°C. Ces valeurs deviennent respectivement 8°C et 6°C dans le cas le plus

pessimiste des scénarios d'émissions. Par ailleurs, une augmentation du nombre de jours

anormalement chauds (température maximale supérieure de 5°C à la normale de saison),

passant d'environ 20 à 40 jours par an en 1970, à 30 à 70 à horizon 2055, à 70 à 120 à horizon

2085 (avec le scénario intermédiaire d'émissions) est à anticiper. Pour ce qui est des

précipitations, une diminution globale est à prévoir sur l'ensemble du territoire, avec un effet

plus marquée dans certaines régions comme le sud-ouest ou les Alpes. Par ailleurs, malgré la

relative sécheresse à prévoir, il n'est pas identifié de diminution du risque d'inondation. En

outre, une élévation du niveau de la mer est à anticiper (dont l'ampleur reste très incertaine),

ainsi qu'une augmentation de la fréquence des feux de forêt, liée à la combinaison d'une

élévation de la température et d'une diminution des précipitations.

II.1.2. Les impacts sur l'économie et la société en France

II.1.2.1. Quelques généralités

Lorsqu'il s'agit de l'impact du changement climatique sur l'économie, il est nécessaire de

comprendre dans quelles mesures le changement climatique pourrait avoir une influence sur

les activités économiques. Lorsqu'il est question de changement climatique, il est en réalité

question de deux choses : l'évolution des valeurs moyennes du climat, et l'évolution de la

38comme le nombre de jours de gel, le nombre de jours de vague de froid ou de vague de chaleur.

Page 65: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

54

variabilité du climat. En renforçant les écarts à la moyenne, les évènements extrêmes sont

plus fréquents, ou bien plus "extrêmes". Or, nos activités économiques peuvent être

influencées par ces deux aspects du changement climatique. Une infrastructure telle une route

peut par exemple très bien se comporter face à l'évolution tendancielle de la température

moyenne, mais être très peu encline à se comporter aussi bien en présence d'une variabilité

plus grande. C'est l'une des raisons pour lesquelles les incertitudes concernant les coûts des

impacts sont assez importantes.

Par ailleurs, une autre difficulté de l'évaluation du coût des impacts réside dans la valeur que

nous accordons à la perte de vie humaine, qui peut être une conséquence du changement

climatique. Plusieurs méthodes différentes permettent d'attribuer une valeur à une vie

humaine39, mais la manière d'attribuer cette valeur ne sera pas discutée. Néanmoins, de

nombreux chercheurs s'intéressent à cette question, et ont à faire face à différentes

problématiques, comme le fait d'attribuer la valeur d'une vie d'après la seule volonté à payer

de la personne considérée, sans prendre en compte la valeur que représente cette vie pour les

autres personnes (de sa famille par exemple), ou encore des problématiques d'éthique (savoir

si la valeur d'une vie est la même dans tous les pays, à tout âge...)40.

Les impacts du changement climatique peuvent être positifs comme négatifs, et se manifester

directement comme indirectement, selon l'agent économique considéré. Cependant, tous les

acteurs devraient prendre en compte le changement climatique dans leur gestion des risques,

car ce dernier impactera la majeure partie de l'économie, de façon plus ou moins significative

cependant, selon les régions et les caractéristiques des agents. Des exemples d'impacts positifs

et négatifs sont donnés plus loin. Les impacts peuvent être directs sur les acteurs, en

particulier pour ceux dont l'activité économique est dépendante du climat : l'agriculture, la

foresterie, le tourisme saisonnier... Mais le changement climatique peut également avoir des

répercussions, indirectement, sur des acteurs qui ne sont pas dépendants des variables

climatiques. A l'instar du e-commerce, une société dont l'activité dépendrait des réseaux

pourrait être perturbée par le changement climatique. En effet, les infrastructures de réseau

peuvent être impactées par des aléas climatiques.

Les impacts du changement climatique sont très variés, et ont fait l'objet de nombreuses

publications, généralement en traitant l'impact sur un secteur en particulier. En France, un

39 Voir note de bas de page numéro 23 à la page 32 40 Le coût social de la perte d’une vie humaine peut être par exemple utilisé dans l’estimation du coût associé à l’augmentation de la criminalité liée au changement climatique [100].

Page 66: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

55

groupe interministériel à rédigé en 2009 un rapport présentant une évaluation du coût des

impacts pour le pays [40]41. Les résultats de cette étude sont présentés dans cette sous-section.

Les estimations de coût ont été faites à économie constante, afin d'isoler l'impact climatique.

II.1.2.2. L’eau

Sur la ressource en eau, si l'hypothèse de la stabilité de la demande est faite (pour les besoins

actuels de l'industrie, de l'agriculture et de l'alimentation en eau potable), un déficit d'environ

2 milliards de m3 par an à horizon 2050 serait observé. À titre de comparaison, la France

prélevait 33,4 milliards de m3 d'eau en 2009, dont 21,5 pour la production d'électricité, 5,5

pour l'eau potable et 3,1 pour l'irrigation [41]. Cependant, les taux de consommation moyens

ne sont pas les mêmes dans les différentes situations : il est de 0,7% pour l’électricité, 24%

pour l’eau potable et 100% pour l’irrigation. Outre l'aspect quantitatif, la problématique revêt

également un aspect qualitatif, dépendant du premier. Par exemple, à horizon 2100, la

concentration en nitrates en moyenne sur les nappes libres pourrait augmenter de 0 à 33 %.

Cette augmentation pourrait également toucher les cours d'eau, de façon moins significative

néanmoins.

II.1.2.3. Les risques naturels

En matière de risques naturels, c'est-à-dire les inondations, les risques côtiers (liés à

l'élévation du niveau de la mer et à l'érosion), le retrait-gonflement des argiles et les aléas

gravitaires (coulées de boues, chutes de roches, avalanches...), en considérant un rythme

d'urbanisation constant, les dommages liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles

pourraient représenter 1 milliard d'euros par an à horizon 2100. Par ailleurs, si l'urbanisation

dans les zones à risque n'est pas significativement limitée, ce chiffre pourrait être multiplié

par 4 ou 5. En ce qui concerne les zones soumises à la submersion marine, l'estimation n'a pas

été réalisée pour l'ensemble du territoire français, néanmoins pour la seule région du

Languedoc Roussillon, ce phénomène représenterait plusieurs dizaines de milliards d'euros

sur l'ensemble du siècle. Enfin, en matière d'aléas gravitaires, la connaissance est pour le

moment trop limitée pour permettre une estimation correcte. Cependant, la seule inondation

du Gard en 2002 a coûté 234 k€ pour la prise en charge psychologique (effets directs) des 953

victimes.

41 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/partie_1_rapport_de_synthese.pdf

Page 67: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

56

II.1.2.4. La biodiversité

En ce qui concerne la perte de biodiversité, et la disparition des services écosystémiques, les

coûts correspondants ont été chiffrés à environ 6,3 milliards de dollars par an pour la

protection côtière, et 140 millions de dollars par an pour l'épuration de l'eau, uniquement pour

les récifs coralliens. Pour la forêt de France métropolitaine, la valeur de la forêt représente

environ 8 fois la valeur moyenne de la seule production de bois, du fait de la fixation du

carbone, et de l'épuration de l'eau. En termes purement économiques, en faisant une

comparaison entre la productivité actuelle des forêts méditerranéennes et celles du reste de la

France, et en considérant que, du fait du changement climatique, les forêts méditerranéennes

gagneront du terrain en France, la perte de productivité sera de 6 % à 16 % (selon le scénario

choisi) à horizon 2100, ce qui représente une perte économique de 304 à 589 millions d'euros

par an. Il est cependant important de préciser que seuls les effets directs de la perte de

biodiversité ont été considérés, et que les effets indirects des secteurs d'activités sur cette

biodiversité n'ont pas été pris en compte.

II.1.2.5. La santé

En termes d'impact du climat sur la santé, les estimations n'ont pas été quantifiées

précisément, à l'exception de la canicule de 2003 qui a été très bien documentée. La canicule

aurait donc causée la mort de 14 800 personnes, à 82 % âgées de 75 ans ou plus. Ensuite, reste

à savoir comment intégrer économiquement la perte d'une vie humaine, et la dégradation de la

santé des autres personnes impactées par cette canicule. En termes absolus, aucun sursaut de

dépenses ni même de déclin soudain n'a été enregistré à l'occasion de cette canicule, ce qui

signifierait que les coûts directs d'une canicule sont négligeables, car les bénéfices relatifs liés

aux décès des personnes âgées auxquelles étaient administrés des soins, sont compensés par

les coûts supplémentaires engendrés par la prise en charge des patients pendant la période.

Néanmoins, ce point de vue reste purement économique, et néglige tous les effets indirects

des décès des personnes sur les autres individus de la société, en particulier les impacts

psychologiques, pouvant nécessiter des soins, et également engendrer une baisse de la

productivité économique.

II.1.2.6. L’agriculture

Le secteur agricole est directement dépendant des conditions climatiques, et pourrait voir ses

rendements augmenter du fait de l'augmentation des températures. De même, une

concentration plus élevée de CO2 dans l'atmosphère s'accompagne généralement d'une hausse

Page 68: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

57

des rendements (du blé par exemple), du moins jusqu'à un certain point, au-delà duquel les

rendements chutent. Par ailleurs, cette première approximation d'augmentation de la

productivité agricole accompagnant le réchauffement ne tient pas compte des problèmes de

disponibilité en eau, ni même des canicules, qui peuvent au final réduire ces rendements. Par

exemple, à horizon 2100, la perte liée à la culture du blé pourrait être de l'ordre de 300

millions d'euros par an, celle du maïs, de 113 millions. Dans le secteur particulier de la

viticulture, majeur en France, les rendements devraient croître en Bourgogne de l'ordre de

35 % à 42 % selon le scénario considéré, mais une perte de l'ordre de 26 % pour le

Languedoc-Roussillon. En outre, ces rendements ne seraient pas compatibles avec un

maintien de la qualité des vins produits. Mais une fois de plus, ces résultats sont obtenus sans

tenir compte de la contrainte sur la ressource en eau.

II.1.2.7. La foresterie

Le secteur forestier dépend également directement du climat, au même titre que le secteur

agricole. Du fait du changement climatique, une augmentation de la productivité des forêts

(volume de bois) est à anticiper jusqu'à la moitié du siècle, du fait de l'augmentation des

températures et de la diminution des jours de gel, en particulier dans la partie nord du

territoire français. Cela pourrait représenter jusqu'à 150 millions d'euros par an de gains

supplémentaires pour cette filière. Mais ces gains peuvent être compensés par des

phénomènes de plus en plus fréquents engendrant des pertes, tels les canicules, les

sécheresses et les feux de forêts. En 2003, lors de la canicule européenne, les feux de forêts

ont été 4 fois plus importants qu'habituellement, entraînant une perte de l'ordre de 200

millions d'euros. Selon le scénario d'émissions considéré, il pourrait y avoir environ 3

canicules (de type 2003) d'ici à 2030 (scénario A2, pessimiste), et entre 0 et 4 d'ici à 2050

pour le scénario B2 (scénario optimiste). Ainsi, les pertes compenseraient les hausses liées à

la productivité. Sur le plus long terme (2100), l'impact est nettement négatif du fait des

canicules, sécheresses et feux de forêts, et du fait également de la remontée des forêts

méditerranéennes, cependant cela n'a pas été chiffré dans le rapport de 2009.

II.1.2.8. L’énergie

Dans le secteur de l'énergie, le changement climatique aura à la fois des impacts positifs et

négatifs. En effet, du fait de la hausse des températures d'hiver, la demande de chauffage

diminuera, ce qui réduira la demande d'électricité, de gaz naturel et de fioul, de façon

graduelle tout au long du siècle. Néanmoins, cette diminution de demande pourrait être

compensée, au moins partiellement, par une utilisation de la climatisation accrue. Cette

Page 69: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

58

demande de fraicheur durant les journées chaudes augmentera également graduellement

durant le XXIe siècle, et concernera non seulement le secteur de l'électricité, mais également

celui des transports, pour la climatisation dans les véhicules, qui entraîne une augmentation de

la consommation d'énergie, actuellement de carburant. Si le mix énergétique des transports

reste à peu près constant, la hausse des températures pourrait en réalité se traduire par un

report d'une consommation de gaz naturel, fioul et électricité (chauffage) vers une

consommation d'électricité et d'essence (climatisation). Enfin, le changement climatique aura

également un impact négatif sur la production d'électricité elle-même, que ce soit la baisse du

productible hydroélectrique, la baisse de l'efficience des centrales (du fait de la hausse des

températures), ou encore l'augmentation des pertes de réseau (car la conductivité électrique

est inversement proportionnelle à la température), ou la réduction de l'intensité dans les câbles

électriques enterrés, du fait de la sécheresse et de la limitation nécessaire de la température

sous terre.

II.1.2.9. Le tourisme

Pour le tourisme, l'attractivité des territoires pourrait chuter. Elle est estimée à l'aide de

l'indice de Mieczkowski (Indice Climato-Touristique ICT), qui utilise la température

maximale, la température moyenne, l'humidité maximale, l'humidité moyenne, les

précipitations, le nombre d'heures d'ensoleillement et la vitesse du vent (pour le

rafraîchissement), pour en déduire un indice d'attractivité climatique. D'après les simulations

climatiques, pour le scénario d'émissions intermédiaire, les départements où l'ICT chute de

plus de 25 % (à horizon 2100) représentent environ 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires

pour juillet-août, et ceux dont l'ICT chuterait de 10 à 25 % représentent 18 milliards d'euros.

Cependant, cette dégradation est à attendre dès 2030-2050. Elle ne touchera pas de manière

égale tout le territoire, et sera moins marquée au nord ainsi que dans les Alpes. Par ailleurs, si

les territoires français connaitront une perte d'attractivité climatique théorique durant les mois

de juillet et août, ils connaitront un gain d'attractivité durant les inter-saisons (avril à juin). En

ce qui concerne le cas spécifique du tourisme d'hiver, l'évolution du climat va compromettre

l'activité des stations de sports d'hiver de basse et moyenne altitude. Ainsi, pour les 143

stations des Alpes bénéficiant actuellement d'un enneigement fiable, si le réchauffement

atteint 2°C, ce chiffre passera à 96, et à 55 si le réchauffement atteint 4°C (à horizon 2100).

Cela signifie que beaucoup de stations devront préparer leur reconversion vers d'autres

activités.

Page 70: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

59

II.1.2.10. Le transport

Enfin, le secteur des infrastructures de transports sera également impacté par le

changement climatique. Les estimations sont assez imprécises, mais il apparait que les

canicules engendrent un surcoût d'entretien, qui serait (selon des études britanniques)

d'environ 15 % du coût normal annuel d'entretien, soit en France d'environ 64 à 70 millions

d'euros par épisode. Cependant, cette estimation ne tient pas compte d'un possible effet

cumulatif des épisodes caniculaires, qui conduirait à une augmentation de ce surcoût (fatigue

climatique), ni d'un possible effet de seuil thermique, ni même de l'impact des sécheresses,

aléa géologique, variation du niveau des nappes phréatiques... sur les assises et les fondations.

En ce qui concerne la submersion marine, en prenant comme hypothèse une remontée du

niveau de la mer de 1 mètre d'ici à 2100, et une valeur patrimoniale des routes de 10 millions

d'euros le kilomètre, la perte pourrait représenter environ 2 milliards d'euros, hors perte

d'usage et autoroutes, pour les seules routes nationales.

II.1.2.11. Les coûts des impacts

En ce qui concerne les coûts des impacts globaux du changement climatique, les estimations

sont très variables, comme le montre la Figure II-4, car dans le cas du scénario pessimiste les

coûts varient de 2400 à 6000 milliards de dollars par an, selon le rapport considéré. Dans le

rapport Stern, ce dernier présente le coût de l'inaction en pourcentage de PIB mondial, et

avance qu'elle pourrait coûter entre 5 à 20 % du PIB (quand l'action pour réduire les

émissions et « s’adapter » coûterait de l'ordre d'1 % du PIB). En réalité, toutes ces estimations

ne sont que des ordres de grandeur, puisqu'il n'est pas possible de savoir, en cas de

déséquilibre du système, à quel niveau et dans quelles conditions nous pourrions retrouver

une économie semblable à l'économie actuelle. Ces approximations en pourcents de PIB sont

valables pour de petits écarts de la position d'équilibre, mais ne le sont peut-être pas pour de

grands bouleversements. Par ailleurs, une fois de plus se pose la question de la valeur

attribuée à une vie humaine, indispensable à une estimation économique du coût du

changement climatique. En outre, le tableau exposé en Figure II-4 montre que dans l'étude de

Parry et al. de 2009, l'adaptation permettait, quelque soit le scénario choisi, de réduire les

coûts annuels des impacts du changement climatique (de 700 à 900 milliards de dollars). Cela

montre donc que l'adaptation paraît constituer une manière de réduire les impacts du

changement climatique sur notre société et notre système économique, sans pour autant les

annuler.

Page 71: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

60

Figure II-4 Évaluation du coût des impacts du changement climatique à l'échelle du globe [40]

Pour les coûts relatifs aux impacts possibles évoqués dans le cadre de la France, à travers le

rapport interministériel, un tableau tiré de ce dernier est donné en Annexe A-1 et Annexe A-2.

En conclusion, il paraît clair que, malgré les incertitudes, il est bénéfique d'anticiper les

changements possibles, et ainsi de tenter d'en réduire les impacts négatifs, tout en essayant de

saisir les opportunités créées par ce changement de climat. Ceci est communément désigné

comme de l'adaptation au changement climatique.

Pour résumer, ce qu’on nomme climat est la distribution statistique des données

météorologiques sur plusieurs décennies. Lorsqu’il est question de changement climatique, il

est en fait question de deux phénomènes distincts que sont l’évolution de la moyenne et

l’évolution de la variance. Le fait que ces deux grandeurs varient dans le temps n’est pas

nouveau, il existe effectivement une variabilité naturelle du climat. Ce qui est nouveau

aujourd’hui est à rattacher à la rapidité de ces changements, et à leur origine (anthropique).

Grâce à la mise en équation des phénomènes physiques et à la puissance de calcul, nous

pouvons désormais modéliser les futurs possibles du climat, mais une incertitude importante

encadre ces projections. Cette incertitude a plusieurs origines à savoir la modélisation elle-

même (discrétisation, régionalisation des projections), mais également à notre manque de

connaissance sur les phénomènes physiques non-linéaires (réaction des grands cycles et des

écosystèmes) et enfin à notre incapacité à prédire les réponses socio-économiques.

Néanmoins, de grandes tendances d’évolution future sont connues et robustes. Ces tendances

sont : la hausse des températures, la modification du schéma de précipitations, un

renforcement des évènements extrêmes et la remontée du niveau de la mer. Ces modifications

vont avoir des impacts sur divers secteurs comme l’énergie, la forêt, la santé ou encore le

transport, et il est donc nécessaire d’anticiper ces changements, afin d’en réduire les impacts

négatifs tout en bénéficiant des impacts positifs qu’ils auront sur nos systèmes socio-

économiques.

Page 72: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

61

II.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ADAPTATION, ET LA

MALADAPTATION

II.2.1. La polysémie de l’adaptation et sa dimension culturelle42

Avant de parler de l'adaptation au changement climatique, il est intéressant de se pencher sur

le concept de l'adaptation et ses origines. Une publication datant de 2009 parue dans Natures,

Sciences, Sociétés aborde l'adaptation sous l'angle de la polysémie interdisciplinaire [42].

Aujourd'hui cette notion est utilisée dans divers domaines allant de la biologie à la sociologie,

en passant par la psychologie ou la géographie.

D'un point de vue étymologique, "adapter" provient du latin apere (lier, attacher), avec la

préposition ad (à, vers). Son sens initial au Moyen Âge en France était "ajuster". C'est au

XIX e siècle que ce concept devient populaire, par l'intermédiaire de la biologie et de la théorie

de l'évolution, ainsi que les théories transformistes de Lamarck (1809). Selon ce dernier, les

êtres vivants développeraient des fonctions selon les besoins, et l'adaptation correspondrait

donc à un état. C'est ensuite que vint l'explication darwinienne de l'évolution, qui abordait la

question sous l'angle du processus, et non pas simplement de l'état. Ainsi, l'adaptation devient

duale, puisque cela correspond à la fois à un état et à un processus.

En biologie, Morin affirme que l'adaptation est la condition première de toute existence. En

effet, si notre système immunitaire ne s'adapte pas aux attaques qu'il perçoit de l'extérieur, la

vie ne peut pas être. Dans la même discipline, Laborit avance l'idée que si un être vit et se

reproduit, alors cela montre qu'il a ajusté ses fonctions biologiques avec les conditions

extérieures, donc qu'il s'adapte de façon continue. Ainsi, l'adaptation biologique est ce qui

permet à un organisme, dans un habitat donné, de perpétuer l'espèce à laquelle il appartient.

Ensuite, ce concept d'adaptation a été utilisé en psychologie, et il existe même des maladies

de l'adaptation, telles l'asthme, les ulcères ou l'hypertension. En effet, dans cette discipline le

stress est perçu comme la réaction d'adaptation aux contraintes de l'environnement, c'est le

processus de transaction entre l'individu et le milieu, lui permettant de rétablir son équilibre

interne face aux évènements tels qu'il les perçoit. Les maladies d'adaptation apparaissent

justement lorsque les contraintes perdurent, et que le système s'épuise.

Ensuite, l'adaptation est également utilisée en sociologie, mais relativement peu. Ce concept

est utilisé dans l'adaptation sociale pour aborder la question de l'intégration sociale, c'est-à-

42 Une grande partie des informations de cette sous-section est tirée des publications [42],[37],[43]

Page 73: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

62

dire le fait qu'un individu intériorise et intègre les modèles, symboles et valeurs (la culture)

structurant le milieu dans lequel il est, afin de pouvoir communiquer et y évoluer facilement.

L'adaptation est donc un processus de complexification d'un système en vue d'en réduire les

contraintes.

Mais l'adaptation a aussi été introduite en anthropologie, domaine dans lequel Bates donne

pour ce concept la définition suivante : "processus par lequel les organismes ou populations

d'organismes effectuent des ajustements biologiques ou comportementaux qui facilitent ou

assurent leur succès reproducteur, et donc leur survie, dans leur environnement. Le succès ou

l'échec des réponses adaptatives peuvent uniquement se mesurer sur le long terme et les

conséquences évolutives des comportements observés ne sont pas prédictibles."

Enfin, l'adaptation apparait aussi en géographie, qui définit le concept comme le fruit de

choix délibérés afin d'échapper aux contraintes du milieu. En particulier, la géographie (de

l'école de Chicago) met l'accent sur l'ajustement de l'homme à l'environnement, et non à

l'influence de cet environnement. Après cela, cette notion d'ajustement est laissée de côté dans

le concept d'adaptation, qui est vu comme un processus long dont la capacité (capacité

d’adaptation) permet de réduire la vulnérabilité des systèmes sociaux face aux crises. Dans le

cadre de l'adaptation au changement climatique, le sens pris par ce concept se rapproche

beaucoup de celui-ci, qui date des années 1960, mais peut parfois se rapprocher également de

celui de l’anthropologue.

Enfin, l'adaptation peut être appréhendée comme une conception nouvelle de l'interaction

entre l'Homme et son Environnement [37]. Aujourd'hui, en se défaisant des dépendances à la

Nature grâce à la technique et à l'utilisation des ressources naturelles et des espèces, l'Homme

s'est en réalité rendu plus dépendant de celle-ci, car cela lui a entre autres permis de profiter

d'une croissance exponentielle, y compris démographique. Ainsi, d'après Antal et Hukkinen

[43], il serait nécessaire de créer des raccourcis cognitifs forts entre la sécurité personnelle

(qui passe par la réussite individuelle et qui fait référence aux travaux de Maslow) et l'impact

de l'homme sur son environnement, qui n'existent plus aujourd'hui (contrairement aux

civilisations anciennes [44]). Le raccourci proposé par ces auteurs est la phrase "We have to

save our civilization", qui est déjà instinctif chez l'Homme, ce qui permet de bénéficier des

canaux neuronaux et des représentations mentales dédiés, et qui est défendable sur le plan

scientifique, d'après les travaux du GIEC et des chercheurs sur les points de basculement des

écosystèmes.

Page 74: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

63

La dernière dimension est celle de la culture, désignant ici l'ensemble des modes de vie

incluant le système de valeurs, de croyances, les pratiques et les biens qui conditionnent la

satisfaction des besoins et envies (matériels ou non) des individus en tant que groupe. Cette

notion de culture est donc à rapprocher de la dimension cognitive de la relation homme-nature

présentée précédemment. Thomas Heyd et Nick Brooks abordent cette question dans un

chapitre d'un ouvrage datant de 2009 et s'intéressant à l'adaptation au changement climatique

[45]. Le rôle de la culture est primordial dans l'adaptation au changement climatique, en

particulier la façon dont les diverses sociétés se considèrent séparées ou au contraire liées à la

Nature (c'est-à-dire aux processus biogéochimiques et biogéophysiques). Une culture n'est pas

quelque chose de statique, mais au contraire de dynamique, en perpétuelle transformation du

fait des interactions avec les autres cultures et communautés, de plus en plus nombreuses dans

le contexte de mondialisation. Dans certaines cultures, la terre n'est pas considérée comme

quelque chose d'inerte, mais comme quelque chose de vivant, capable de percevoir et d'agir,

en particulier capable de réagir aux actions de l'Homme. C'est le concept de "paysage

sensible" (ou sentient landscape en anglais), dans lequel l'Homme et la Nature sont d'égal à

égal, contrairement aux cultures des sociétés occidentales, dans lesquelles l'Humanité et la

Nature sont essentiellement séparées.

Cette approche dominante des sociétés occidentales traitant la nature et la culture comme

deux sphères séparées constitue un obstacle extrêmement important à l'adaptation et au

développement durable, puisqu'il empêche d'internaliser les relations avec tout ce qui n'est pas

humain dans le quotidien des individus. La culture occidentale présente néanmoins deux

atouts qui peuvent permettre de surmonter cet obstacle : d'une part, des descriptions

scientifiques de plus en plus précises sur les systèmes naturels, et les manières de les contrôler

dans une certaine mesure, ce qui peut permettre de calibrer les politiques et actions sur les

capacités seuils de ces systèmes, et d'autre part des systèmes de gouvernance très centralisés

qui donnent l'opportunité de mettre en place des politiques fortes (d'atténuation). Cependant,

dans cette conception il est également nécessaire d'opérer une forme de décentralisation, afin

de gérer les questions d'adaptation, qui sont d'ordre local.

Page 75: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

64

Pour résumer, l'adaptation est un concept dual emprunté à l'origine à la biologie, pouvant

être vu à la fois comme un état, mais également comme un processus dynamique. Dans le

cadre de la géographie (domaine auquel est emprunté le sens de ce concept pour le

changement climatique), l'adaptation est à comprendre comme l’évolution de la relation entre

l'homme et son environnement, qui est une relation de hiérarchie enchevêtrée, où le

changement climatique ne peut pas être vu comme un problème en soi, mais comme un

problème relationnel de l'Homme à son environnement (la remontée du niveau de la mer ne

pose de problème que parce que les sociétés construisent au bord).

Ainsi, alors que certaines civilisations anciennes avaient un lien direct cognitif entre le respect

de l'environnement et leur sécurité personnelle grâce notamment à la spiritualité, et à la

croyance en des phénomènes irrationnels, nos sociétés actuelles n'ont pas d'équivalent. De ce

fait, la sécurité personnelle (qui peut être vu comme la performance individuelle dans les

sociétés modernes) est déconnectée du respect de l'environnement et peut, de fait, aller à son

encontre.

Il n'y a pas aujourd'hui de dilemme entre la sécurité personnelle (premier besoin d'après

Maslow) et le respect de l'environnement, puisqu'il n'y a pas de lien cognitif entre les deux. Il

serait donc envisageable d'y remédier en utilisant la notion cognitive de perpétuation de

l'espèce humaine qui a déjà des canaux dédiés dans notre structure neuronale, et en reliant

cette notion à la nécessité de respecter l'environnement. La création de ce lien cognitif ne

serait pas fondée sur des croyances religieuses, mais sur des arguments scientifiques, qui sont

à notre disposition, et qu'il suffit de simplifier et rendre intelligible par tous. Cela ne

conduirait pas à supprimer le dilemme, mais à permettre à tout un chacun de faire ses choix en

fonction du chemin de moindre tension, grâce notamment au processus d'apprentissage.

Enfin, la culture (vue comme le système de valeurs, de croyances etc.) joue un rôle essentiel

dans l'adaptation, puisqu'elle conditionne ce lien entre Homme et Nature. L'histoire a montré

qu'en partant du principe que les sphères nature et culture étaient indépendantes, les sociétés

pouvaient se rendre plus vulnérables au climat, du fait justement de cette incapacité à

percevoir, à travers le système de valeurs, la dépendance du système économique et social à la

Nature.

Page 76: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

65

II.2.2. Les concepts de l'adaptation au changement climatique43

D'après les rapports du GIEC (Glossaire du Troisième rapport, Groupe de Travail II, Annexe

B, 2001), l'adaptation au changement climatique est définie ainsi :

on appelle « adaptation » l'ajustement des systèmes naturels ou des

systèmes humains face à un nouvel environnement ou un

environnement changeant. L'adaptation aux changements climatiques

indique l'ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des

stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d'atténuer

les effets néfastes ou d'exploiter des opportunités bénéfiques.

En outre, la définition de la vulnérabilité par le GIEC est la suivante :

La vulnérabilité est le degré de capacité d’un système de faire face ou

non aux effets néfastes du changement climatique (y compris la

variabilité climatique et les extrêmes). La vulnérabilité dépend du

caractère, de l’ampleur et du rythme de l’évolution climatique, des

variations auxquelles le système est exposé, de sa sensibilité et de sa

capacité d’adaptation.

Et le sens que prend la capacité d'adaptation est :

La capacité d’un système [humain ou naturel] à s’adapter au

changement climatique (y compris la variabilité climatique et les

phénomènes extrêmes) pour atténuer les dégâts potentiels, profiter des

opportunités, ou faire face aux conséquences.

Ainsi, l'adaptation au changement climatique s'appuie sur le concept de vulnérabilité , et

l'adaptation a pour objectif de réduire la vulnérabilité des systèmes sociaux face aux crises, et

la capacité d'adaptation est vue comme permettant d’y faire face, de se remettre de ces crises.

Il y a donc bien dualité entre le processus et l'état, le processus étant l'adaptation, et l'état étant

la capacité d'adaptation. Néanmoins, "état" n'implique pas nécessairement "statique", cet

état évolue par les interactions et c'est donc par un processus dynamique dans lequel la cible

visée se déplace, que doit se comprendre la notion d'adaptation.

43 Une grande partie des informations de cette sous-section est tirée des publications [46]

Page 77: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

66

II.2.2.1. La vulnérabilité

Tout comme l'adaptation, la notion de vulnérabilité a été employée dans de nombreux

contextes, ce qui l'a conduite à perdre de son sens et de sa clarté. C'est pourquoi Hans-Martin

Füssel a souhaité développer une méthode permettant de classer les différents concepts de

vulnérabilité [46]. Le sens commun de vulnérabilité pour un système correspond à la capacité

à être blessé, c'est à dire le risque (probabilisé) de subir des dommages lié à l'exposition à un

aléa. Pour le domaine du changement climatique, il n'y a pas de définition unique de cette

conceptualisation. Cette diversité peut poser quelques soucis à la recherche, car le

changement climatique est au carrefour de nombreuses disciplines (climat, économie,

politique, social...) pour lesquelles le terme vulnérabilité a des sens différents.

Les aléas peuvent être vus comme l'ensemble des évènements, phénomènes ou activités

humaines pouvant tuer ou blesser, ou encore conduire à la dégradation du capital économique

(biens et propriétés), social ou environnemental. Ils peuvent être de deux sortes : ponctuel ou

continu. S'ils sont continus, il est plutôt question de tension.

Tous les domaines n'accordent pas la même importance à tous les facteurs de vulnérabilité,

qui peuvent être répartis dans quatre catégories à savoir les facteurs économiques, les facteurs

sociaux (sécurité, éducation, respect des droits de l'homme...), les facteurs physiques (relatifs

à la région dont il est question : zone côtière, forêt, zone inondable...) et enfin les facteurs

environnementaux (décrivant l'état de la nature dans la région) [47]. Ceci est la classification

proposée par les Nations Unies, qui n'est pas non plus commune à tous les chercheurs et

praticiens du domaine, et celle-ci n'est pas compatible avec toutes les autres, c'est la raison

pour laquelle Füssel propose une nouvelle classification, qui aurait la caractéristique d'être

universellement compatible.

Cette caractérisation repose sur deux grandes dimensions qui présentent l'avantage de ne pas

se chevaucher : la sphère (interne ou externe au système d'étude) et le domaine de

connaissance. La Figure II-5 montre quelques exemples de facteurs de vulnérabilité, répartis

selon ces deux dimensions bien distinctes, et l'auteur montre dans son article que cette

manière de classer les facteurs de vulnérabilité est compatible avec toutes les approches

différentes qui existent dans la communauté des chercheurs, à savoir l'approche par les

risques, l'approche par les aspects sociaux [48] (utilisée dans certaines publications [49]),

l'approche nommée PAR (Pressure-And-Release) ou encore les approches intégrées qui

combinent les facteurs sociaux, physiques, internes et externes.

Page 78: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

67

Figure II-5 Facteurs de vulnérabilité selon les deux dimensions présentées par Füssel [46]

Avec cette classification, la sensibilité correspond aux facteurs de vulnérabilité internes,

tandis que l'exposition correspond aux facteurs de vulnérabilité biophysique externe. Ainsi, la

vulnérabilité est définie comme une fonction de l'exposition, de la sensibilité et de la capacité

d'adaptation (laquelle est parfois confondue ou rapprochée de la résilience). Cela signifie

que si l'exposition ou la sensibilité augmente, toutes choses égales par ailleurs, la vulnérabilité

augmente également. En revanche, si la capacité d'adaptation augmente, la vulnérabilité

diminue. Pour illustrer la différence entre exposition et sensibilité, l'exemple du palmier est

parfois donné. Le palmier est sensible au froid, mais il n'y est pas exposé, ce qui fait qu'il n'est

donc pas vulnérable.

La vulnérabilité est donc généralement résumée à travers l'expression suivante :

�� �é���� ��é =������ ��é × ����������

�������é�′����������

Il est donc nécessaire d'expliciter ce qu'est la capacité d'adaptation, car d'une part c'est ce

que peut viser l'adaptation au changement climatique, et que d'autre part, elle est utilisée dans

l'approche de la vulnérabilité au changement climatique.

II.2.2.2. La capacité d’adaptation

Smit et Wandel, dans un article de 2006 [50] discutent des notions d'adaptation, de capacité

d'adaptation et de vulnérabilité dans le cadre de l'implémentation de programmes visant à

adapter une communauté au changement climatique. Notamment, les auteurs relient la

capacité d'adaptation à d'autres concepts telles l'adaptabilité, la capacité à faire face ou à se

remettre de (coping ability en anglais), la stabilité, la robustesse, la flexibilité et la résilience.

Selon l'échelle d'étude, la capacité d'adaptation varie, car elle est dépendante du contexte. Par

ailleurs, c'est une notion qui n'est pas statique, mais dynamique comme cela a été précisé,

pour laquelle il n'y a pas consensus parmi la communauté des chercheurs, comme le montre la

Page 79: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

68

revue de littérature proposée par les auteurs de cet article [50], néanmoins dans tous les cas, la

capacité d'adaptation n'est pas uniquement une caractéristique intrinsèque d'un système, mais

peut également dépendre de l'extérieur44. Par exemple, si l'État met en place un système

d'assurance en cas d'aléa majeur (inondation, tempête, séisme...), alors cela va augmenter

probablement la capacité d'adaptation de la communauté considérée, alors qu'elle ne sera pas

à l'origine de cela. À l'inverse, les facteurs externes peuvent nuire à la capacité d'adaptation

d'une communauté, par exemple du fait de la mondialisation, des crises peuvent se propager

plus facilement à travers le monde et limiter la flexibilité des communautés.

Une autre revue de littérature focalisée uniquement sur la capacité d'adaptation [51] met en

exergue qu'il existe deux approches en réalité du concept de capacité d'adaptation : l'une dans

la littérature sur la vulnérabilité , l'autre dans la littérature sur la résilience. Le concept

partagé par la littérature sur la vulnérabilité et celle sur la résilience est justement la capacité

d'adaptation. Dans la littérature sur la vulnérabilité, la capacité d'adaptation est une propriété

désirée, car elle réduit la vulnérabilité. Dans la littérature sur la résilience, la capacité

d'adaptation, alors appelée adaptabilité, est la capacité des acteurs à gérer et influencer la

résilience, notamment en facilitant les interactions entre les individus et l'environnement.

Ainsi, c'est également une propriété positive, souhaitée. Par ailleurs, l'adaptabilité (ou capacité

d'adaptation pour la résilience) est également en mesure de faciliter les transitions et

transformations vers un nouvel état d'équilibre du système étudié, pour les cas où le système

est dans un état non-désiré. La notion de désirabilité est un concept social, qui ne sera pas

discuté ici45.

Bien que la capacité d'adaptation soit utilisée dans les domaines de la vulnérabilité et de la

résilience, il reste des divisions, à commencer par le fait que la vulnérabilité accorde trop peu

d'importance aux aspects écologiques et environnementaux, tandis que la résilience accorde

trop peu d'attention aux aspects socio-économiques. Ainsi, la vulnérabilité est une approche

centrée sur l'acteur, ce qui la rend plus facile à traduire en politiques et mesures sur le terrain.

Néanmoins cette approche souffre du fait qu'elle ne détecte pas nécessairement très bien les

aspects systémiques du problème, contrairement à la résilience qui est focalisée sur les

interactions et processus du système socio-écologique. Cependant, la résilience devient

difficile à appliquer dans la réalité, entre autres parce que le périmètre d'étude est large,

44 Une fois de plus, la référence à l’extérieur ou l’intérieur du système dépend du périmètre d’étude. 45 Pour plus de détails sur ce concept, consulter [88]

Page 80: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

69

puisqu'il couvre les interactions avec l'écologie, alors que le périmètre d'action possible est

plus restreint. En effet, les limites des systèmes écologiques et humains ne concordent pas.

La seconde difficulté à laquelle doit faire face la résilience sur le terrain provient des légères

différences de signification du mot résilience entre les chercheurs et les praticiens. Pour

l'ingénieur, la résilience correspond à la capacité d'un système à retourner à son état initial

d'équilibre, tandis que pour la socio-écologie, la résilience correspond à la capacité d'un

système à retrouver un état d'équilibre, qui peut être différent de celui antérieur. Cette notion

fait alors appel à l'apprentissage, la transition , la transformation du système. Par ailleurs,

il arrive que la résilience soit perçue comme une propriété pouvant ne pas être bénéfique.

L'exemple le plus couramment utilisé est celui d'un gouvernement oppressif, qui parviendrait

toujours à évoluer, à s'adapter, pour se maintenir au pouvoir. Dans le domaine de

l'environnement, il existe des cas de résilience non souhaitable, à savoir les subventions à

des produits polluants, qui freinent le développement d'autres produits par exemple. Dans une

certaine mesure, les assurances dans des zones très exposées au changement climatique

n'incitent pas à s'adapter, à transformer, ou à se déplacer, et maintient des populations

vulnérables.

Ainsi, la capacité d'adaptation peut être vue comme la partie positive (souhaitable) de la

résilience, et est considérée universellement comme une propriété positive [51]. À l'inverse,

la vulnérabilité est généralement considérée comme négative. Ainsi, il est préférable de

comparer les acteurs, communautés, territoires, pays, sur leur capacité d'adaptation, plutôt que

sur leur vulnérabilité, car il vaut mieux employer la propriété positive pour caractériser, que la

propriété négative46. Or, réduire la vulnérabilité ou bien augmenter la capacité d'adaptation a

les mêmes implications.

II.2.2.3. Les déterminants de la capacité d’adaptation

Il faut ensuite s'intéresser aux déterminants de la capacité d'adaptation, afin de définir ce

que l'adaptation (processus par lequel on peut influencer la capacité d'adaptation) doit

considérer comme secteurs, thèmes, catégories. Dans le troisième rapport du GIEC, le

chapitre 18 du groupe de travail II aborde cette question [12]. L'intérêt d'étudier la capacité

d'adaptation est que c'est un sujet relativement bien traité par la recherche académique, même

si le contexte spécifique du changement climatique n'a pas été abordé de façon significative.

Les déterminants de la capacité d'adaptation sont au nombre de six. Il s'agit des ressources

46 Cette remarque sera employée dans le chapitre III.

Page 81: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

70

économiques, de la technologie, de l'information et des compétences, des infrastructures, des

institutions et enfin de la justice (ou équité).

En ce qui concerne les ressources économiques, il parait clair qu'elles jouent un rôle non

négligeable dans la capacité d'une communauté à faire face à des aléas, qu'ils soient

climatiques ou non. Cela est vrai au niveau d'un pays, mais ça l'est également à l'échelle d'un

foyer. Par exemple, un foyer dont le revenu serait très faible aurait plus de difficultés à faire

face à un imprévu. A l'échelle du monde, les pays les plus pauvres paraissent plus enclins à

subir des crises alimentaires, ou du moins ces crises ont des conséquences sanitaires plus

importantes que dans les pays développés.

Concernant la technologie, un manque de technologie peut paraître également comme un

déficit de capacité d'adaptation, que ce soit au niveau des systèmes d'alerte pouvant utiliser les

TIC, ou encore les systèmes d'irrigation, ou bien d'un point de vue plus large, des espèces

génétiques résistant mieux aux stress hydriques, à l'eau salée, à de fortes températures... De ce

fait, les régions capables de développer des technologies pouvant faire face au climat futur

présentent donc une capacité d'adaptation plus élevée.

La connaissance et les compétences scientifiques, ainsi qu'un système d'information

efficace sont des atouts pour la capacité d'adaptation. En pouvant suivre les variables

climatiques grâce à de l'appareillage météorologique dédié, les régions peuvent anticiper les

aléas, et une bonne préparation permet généralement de réduire les dommages causés par

l'aléa. Le système d'information semble également jouer un rôle crucial, puisque nous

sommes dans des sociétés où le lien avec la nature (et ses changements) n'est plus perçu

directement, ce qui peut être pallié par une communication, une sensibilisation et une

information claires et une meilleure adhésion de la population.

Ensuite, les infrastructures sont également un point important de la capacité d'adaptation,

notamment les routes, les hôpitaux, les réseaux de télécommunications (notamment pour

transmettre les alertes, et pouvoir avertir les populations) et les infrastructures transportant,

distribuant et traitant l'eau. Cependant, des infrastructures peuvent également conduire à une

forme de rigidité et de dépendance, conduisant à une moindre flexibilité, et pouvant ainsi

réduire la capacité d'adaptation sur le long terme. Néanmoins, sur le court terme, les réseaux

servent à rétablir rapidement des conditions de vie acceptables après un choc. Une manière de

ne pas nuire à la flexibilité est d'opter pour la diversité (dans l'énergie, on appelle cela le mix-

énergétique, mais cela peut être appliqué à tous les secteurs, et toutes les activités).

Page 82: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

71

Les institutions jouent également un rôle important dans la capacité d'adaptation, car ce sont

elles qui créent la cohésion sociale notamment. En outre, elles doivent garantir la non-

corruption, et l'accès aux ressources à la population. Par ailleurs, il est nécessaire que ces

institutions stimulent la capacité d'adaptation des populations, par l'intermédiaire du cadre

réglementaire (en favorisant l'innovation par exemple), mais également par la recherche,

l'éducation, le système de soins...Huit chercheurs hollandais se sont penchés sur la question de

la capacité d'adaptation, et du rôle des institutions dans ce domaine [52]. Dans cet article, les

institutions sont en fait les règles sociales instituées, qui fixent le cadre dans lequel évoluent

les acteurs.

Enfin, l'équité est un élément essentiel car une allocation des ressources et un accès à celles-ci

équitables améliorent la capacité d’adaptation. Par exemple, les individus vivant en marge de

la société sont généralement considérés comme plus vulnérables aux changements

climatiques. En effet, puisque les ressources économiques jouent un rôle dans la capacité

d'adaptation, de même que les infrastructures, les personnes n'ayant pas accès à ces

infrastructures, ou n'ayant pas suffisamment de ressources, présentent une capacité

d'adaptation moindre, d'où le fait que l'équité soit encouragée.

Bien que ces six dimensions de la capacité d'adaptation puissent avoir un intérêt dans la mise

en place d'une stratégie d'adaptation, il est également nécessaire de déterminer les limites à

l'adaptation . Le quatrième rapport du GIEC, en particulier le chapitre 17 du Groupe de

Travail II synthétise les barrières qui existent à l'adaptation [53]. Ces barrières ont déjà, pour

certaines, été évoquées auparavant. Il s'agit des limites physiques liées à l'existence d'un point

de non-retour, au delà duquel les changements seront irréversibles, et où le réchauffement

climatique pourrait "s'amplifier". Ensuite, il existe des barrières technologiques. Bien que des

solutions soient technologiquement possibles, elles n'en sont pas pour autant souhaitables, et

peuvent être tellement coûteuses que seule une petite fraction de la population y accède. Par

ailleurs les limites financières sont également un frein à l'adaptation, et plus largement les

limites de ressources, qu'elles soient financières, ou non. Enfin, les dernières barrières sont

cognitives et socio-culturelles, et ont déjà été largement exposées puis discutées dans la

première sous-section.

Enfin, avant d'aborder la résilience, une dernière approche de la capacité d'adaptation peut

être mentionnée. Il s'agit de l'approche consistant à s'intéresser au déficit de capacité

d'adaptation, plutôt qu'à la capacité d'adaptation directement.

Page 83: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

72

II.2.2.4. Le déficit de capacité d’adaptation

Un article récent [54] traite cette question, en particulier du point de vue de la théorie

économique. L'auteur de cette publication considère que le cadre de l'Économie peut servir

comme cadre d'étude des déficits de capacité d'adaptation d'un système, et rééquilibrer les

analyses de capacité d'adaptation, qui sont généralement très axées sur les aspects sociaux de

l'adaptation, et trop peu sur les aspects économiques. La méthode proposée est fondée sur une

approche comportementale, prêtant donc attention aux motivations que les individus ont à

posséder ou développer des capacités d'adaptation. En considérant que les capacités

d'adaptation forment un marché (de services ou de biens) comme les autres, si le marché était

parfait et que les agents étaient rationnels, il y aurait un niveau (inconnu) optimal de capacité

d'adaptation pour chacun (individu ou entreprise), mais qui serait différent pour tous. Cette

capacité d'adaptation est l'agrégation de plusieurs propriétés, comme la liquidité des actifs, la

mobilité, la diversité, la flexibilité, l'efficacité ou encore la substituabilité, ainsi que les

niveaux des déterminants opérationnels (éducation, richesse, accès à la technologie...)47.

Dans ce cadre emprunté à l'économie, l'analyse de vulnérabilité a pour rôle de détecter

lorsqu'il y a des écarts anormaux de capacité d'adaptation, c'est-à-dire lorsqu'il y a des

imperfections conduisant à un investissement sous-optimal dans la capacité d'adaptation.

D'après ce chercheur, il existe quatre catégories de facteurs conduisant à cela : les

imperfections et distorsions du marché (aléa moral, subvention, barrière douanière...) les

imperfections de gouvernance et institutionnelles (corruption, manque de transparence,

offre publique de biens privés...), les défauts du système social (régime non démocratique,

communautarisme, conflit social, inégalité devant l'accès à l'eau, la nourriture...) et les

comportements irrationnels couplés à une information imparfaite (biais cognitif, manque

de connaissance scientifique, asymétrie d'information...).

Enfin, l'auteur présente dans une dernière partie de son article la manière dont les

caractéristiques de la capacité d'adaptation (comme la flexibilité, la diversité, la

substituabilité, la mobilité, l'isolement ou encore l'éloignement) peuvent être utilisées pour

évaluer les systèmes économiques. Par exemple, la diversité est un atout pour la capacité

d'adaptation, et si une région ne présente qu'une activité industrielle, elle aura plus de

difficulté à s'adapter. De même, si une région est de petite taille, et qu'elle est isolée, elle

pourra rencontrer plus de problèmes pour attirer des capitaux, et faire des investissements, ce

47 Pour plus de précisions sur ces déterminants opérationnels, lire [90]

Page 84: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

73

qui ralentira son adaptation. Par ailleurs, le marché purement concurrentiel a une bonne

capacité à s'adapter à des nouvelles situations (flexibilité, et réactivité) contrairement à un

marché très régulé, ou à une économie planifiée. Cela signifie qu'il pourrait y avoir des

secteurs dans lesquels une moindre régulation serait souhaitable, mais ce n'est pas le cas de

tous les secteurs, notamment ceux où les biens publics sont menacés.

Autrement dit, sur le plan économique, la capacité d'adaptation peut être considérée comme

une fonction dont les facteurs sont les déterminants de celle-ci, où les relations entre la

fonction et les facteurs sont déterminées par certaines fonctions de production sous-jacentes.

Certains facteurs peuvent être substituables (élasticité) ou non. Sur le court terme, les

décisions d'investissement des entreprises sont limitées par certains facteurs, comme le capital

disponible, ce qui se traduit par des limites d'adaptation à court terme. A long terme, tous les

facteurs peuvent varier, et des choix d'options d'adaptation différents peuvent conduire à une

capacité d'adaptation différente (l'équivalent de l'optimisation du profit).

II.2.2.5. La résilience

Dans la littérature sur le fonctionnement des systèmes socio-écologiques, la capacité

d'adaptation est étudiée à travers la notion de résilience. L'intérêt de cette approche réside

dans la capacité à étudier des systèmes d'un point de vue dynamique, ce qui est

particulièrement utile dans le cas du changement climatique. À l'origine, le concept de

résilience vient de la physique, et plus précisément de la science des matériaux, pour laquelle

la résilience est la capacité d'un matériau à absorber un choc sans rompre. C'est donc une

mesure de l'énergie qu'un matériau est capable d'emmagasiner, et de restituer (selon son

élasticité) ou non (s'il est fragile). Ce concept a ensuite été introduit en sciences sociales,

notamment en psychologie grâce aux travaux de l'éthologue français Boris Cyrulnik.

En géographie, le concept de résilience est rattaché à C.S. Holling, qui a débuté des travaux

sur la résilience des systèmes écologiques dans les années 1960, notamment par

l'intermédiaire de l'étude des interactions du type proie-prédateur. Avant les études de

Holling, l'écologie ne s'intéressait qu'à la stabilité autour d'un point (ou bassin) d'équilibre

unique, et ne s'intéressait donc qu'aux variations de faible amplitude. Ensuite, l'étude des

systèmes à multiples bassins d'équilibre stable a ouvert la voie des variations de grande

amplitude. Néanmoins, les écologues restent encore majoritairement sur le paradigme de

l'équilibre unique. Pourtant dans une publication de 1973, Holling montre que contrairement à

ce qui était imaginé jusqu'alors, il existe plusieurs domaines d'équilibre stable [55].

Page 85: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

74

D'après une revue de littérature sur la résilience de Carl Folke [56], la résilience dans un

paradigme d'équilibre unique est à rapprocher de la notion de résilience de l'ingénieur.

Dans cette perspective, l'intérêt est porté sur la vitesse à laquelle le système retourne à son

point d'équilibre, et seules les petites variations sont étudiées. Cette vision a été

principalement utilisée dans la gestion des ressources naturelles, en essayant de contrôler les

flux de façon optimale. Ainsi, dans ce contexte, la résilience s'apparente à un retour à l'état

initial, une sorte de force de rappel. Cela peut servir dans le cas des systèmes simples, fermés,

sans relation avec d'autres échelles de temps et d'espace, ou bien pour les petites

perturbations.

En écologie, l'intérêt de la biodiversité dans la résilience, et la manière dont la biodiversité

favorise l'absorption des chocs a été étudiée. Il s’est avéré que ce n'est pas le nombre

d'espèces en lui-même qui est important, mais le fait qu'il y ait des espèces de chaque groupe

fonctionnel (prédateurs, herbivores, transporteurs de nutriments, pollinisateurs...), et bien qu'il

y ait des espèces semblant inutiles car redondantes sur le plan fonctionnel par exemple, cette

redondance est cruciale au moment de la réorganisation, de la régénération, ainsi que pour

le lien entre les différentes échelles (temporelles et spatiales). En effet, des espèces

endossant la même fonction mais à des échelles spatiales différentes, semblent redondantes et

pourtant permettent d'accroitre la résilience du système, en mettant en relation plusieurs

habitats et par conséquent plusieurs échelles (voir le concept du cycle de renouvellement

adaptatif et le modèle de la panarchie [57]).

II.2.2.6. La résilience dans la pratique

Sur le plan pratique, afin d'évaluer la résilience d'un système, les caractéristiques qui

semblent le plus souvent citées dans la littérature dédiée sont [58] : une grande diversité

(d'acteurs, de solutions, écologique...), une gouvernance efficace (qui implique plusieurs

échelles spatiales, et comportant des mécanismes de contrôle), l'acceptation des incertitudes et

du changement (passer d'un fonctionnement centré sur le contrôle des équilibres, à une

gestion des incertitudes et des changements), l'implication locale (pour la gestion des

ressources par exemple), l'anticipation des changements (en se préparant à vivre avec, et non à

les affronter), l'équité (la résilience s'apparentant à un partage des risques), des valeurs et

structures sociales (ce qui renforce la confiance, la coopération et la coordination). À cela, il

est possible d'ajouter la capacité d'apprentissage et la capacité d'auto-organisation. Par

ailleurs, si le plan de phase du bassin d'attraction (représenté sur la Figure II-6) est connu, des

indicateurs de résilience existent. Il s'agit de la taille du bassin d'attraction (appelée latitude,

Page 86: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

notée L sur la Figure II-6), de la

d'attraction), et la précarité Pr, qui est la distance qui sépare la position du sy

t de la frontière du bassin dans lequel le système se trouve.

phase du système sont rarement connus.

Figure II-6 Représentation d'un bassin d'attraction e

Ce concept de résilience, couplant les différentes échelles, permettant d'évaluer la

perturbation maximale sans changer de bassin d'attraction, et

particulièrement bien adapté à la gestion des risques. Un exemple de

est donné dans un article traitant de la gestion des risques par la résilience

Bas, dont les constructions sont en grande partie sous le niveau de la mer, une stratégie de

défense et de production, basée sur la robustesse donc, s'est développée dans la deuxième

moitié du XXe siècle. Des digues ont été construites pour protéger les infrastructu

inondations, maritimes comme fluviales. Mais cette stratégie est coûteuse, et du fait du

réchauffement climatique qui va induire une remontée du niveau de la mer, allié à une perte

de volume de sable, il semble que cela devienne trop compliqué de r

C'est dans ce contexte que le concept de résilience a été proposé pour résoudre cette

problématique. Au lieu de refuser les inondations, les inondations sont acceptées sur une

partie des terres les plus basses. De plus, la constructio

que la dynamique de sédimentation naturelle reprenne, ce qui permettra d'avoir des barrières

naturelles contre la mer.

Outre son utilisation sur le plan stratégique

métaphorique dans le but d'ouvrir l'esprit

opérationnel. Un article propose d'opérationnaliser ce concept

d'un delta urbanisé à basse altitude, à savoir Rotterdam, dans une zone sujette aux

inondations, mais hors des zones protégées par les digues

de résilience pour le cas considéré à décliner à l'échelle de la ville, mais également du

75

), de la profondeur R (qui permet d'estimer la puissance

Pr, qui est la distance qui sépare la position du sy

t de la frontière du bassin dans lequel le système se trouve. Malheureusement, les portraits de

phase du système sont rarement connus.

Représentation d'un bassin d'attraction et des indicateurs de résilience (Wikipédia)

Ce concept de résilience, couplant les différentes échelles, permettant d'évaluer la

perturbation maximale sans changer de bassin d'attraction, et mêlant l'écologie et le social, est

particulièrement bien adapté à la gestion des risques. Un exemple de stratégie de résilience

est donné dans un article traitant de la gestion des risques par la résilience

les constructions sont en grande partie sous le niveau de la mer, une stratégie de

défense et de production, basée sur la robustesse donc, s'est développée dans la deuxième

siècle. Des digues ont été construites pour protéger les infrastructu

inondations, maritimes comme fluviales. Mais cette stratégie est coûteuse, et du fait du

réchauffement climatique qui va induire une remontée du niveau de la mer, allié à une perte

de volume de sable, il semble que cela devienne trop compliqué de résister aux tempêtes.

C'est dans ce contexte que le concept de résilience a été proposé pour résoudre cette

problématique. Au lieu de refuser les inondations, les inondations sont acceptées sur une

partie des terres les plus basses. De plus, la construction sur le littoral est abandonnée, pour

que la dynamique de sédimentation naturelle reprenne, ce qui permettra d'avoir des barrières

Outre son utilisation sur le plan stratégique et l'intérêt qu'elle présente sur le plan

ue dans le but d'ouvrir l'esprit, la résilience est donc util

cle propose d'opérationnaliser ce concept dans le cadre de la gestion

d'un delta urbanisé à basse altitude, à savoir Rotterdam, dans une zone sujette aux

nondations, mais hors des zones protégées par les digues [60]. Il résulte six

de résilience pour le cas considéré à décliner à l'échelle de la ville, mais également du

R (qui permet d'estimer la puissance

Pr, qui est la distance qui sépare la position du système à l'instant

Malheureusement, les portraits de

t des indicateurs de résilience (Wikipédia)

Ce concept de résilience, couplant les différentes échelles, permettant d'évaluer la

l'écologie et le social, est

stratégie de résilience

est donné dans un article traitant de la gestion des risques par la résilience [59]. Aux Pays-

les constructions sont en grande partie sous le niveau de la mer, une stratégie de

défense et de production, basée sur la robustesse donc, s'est développée dans la deuxième

siècle. Des digues ont été construites pour protéger les infrastructures des

inondations, maritimes comme fluviales. Mais cette stratégie est coûteuse, et du fait du

réchauffement climatique qui va induire une remontée du niveau de la mer, allié à une perte

ésister aux tempêtes.

C'est dans ce contexte que le concept de résilience a été proposé pour résoudre cette

problématique. Au lieu de refuser les inondations, les inondations sont acceptées sur une

n sur le littoral est abandonnée, pour

que la dynamique de sédimentation naturelle reprenne, ce qui permettra d'avoir des barrières

et l'intérêt qu'elle présente sur le plan

utilisable sur le plan

dans le cadre de la gestion

d'un delta urbanisé à basse altitude, à savoir Rotterdam, dans une zone sujette aux

Il résulte six grands principes

de résilience pour le cas considéré à décliner à l'échelle de la ville, mais également du

Page 87: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

76

quartier, du foyer voire de l'individu. Il s’agit de l'homéostasie, c'est-à-dire d’incorporer des

boucles de rétroaction pour améliorer la connaissance des risques et de la situation, par des

systèmes d'alerte rapide, des capteurs sur les digues pour détecter la rupture, une information

des populations du risque d'inondation, des structures flexibles comme des maisons

flottantes... Puis de la diversification des approches grâce à plusieurs sources d'énergie,

plusieurs moyens de transport différents, des bâtiments pouvant endosser plusieurs

fonctions… Ensuite, des flux élevés, que ce soit d'information par exemple, ou bien des

constructions pour une durée moins longue avec des éléments modulaires pour pouvoir

déconstruire et reconstruire ailleurs rapidement... La planéité des chaînes de prise de décision

est également l’un de ces 6 grands principes, car le processus de prise de décision nécessite

l'intervention de nombreux intermédiaires, ralentit la réactivité et réduit la flexibilité. Cela

passe également par une meilleure auto-organisation de la population, une meilleure

formation pour une meilleure autonomie dans la prise de décision. Des espaces tampons sont

également favorables à la résilience, à grande échelle, comme les espaces souterrains tels les

parkings pour l'eau, mais également dans les habitations en faisant en sorte que les pièces

vitales soient à l'étage. Enfin la redondance est utile à la résilience, comme dans le cas de la

résilience des systèmes écologiques (de multiples routes, de multiples centres de crise, de

multiples sorties de secours à différentes altitudes des bâtiments...)48.

48 Voir également l'article paru dans Journal of Cleaner Production en 2011 [94] dans lequel l'auteur s'est intéressé à la résilience de l'industrie alimentaire (viande, poisson, volaille, fruits et légumes) allemande.

Page 88: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

77

Pour résumer, l’adaptation au changement climatique peut être définie comme le processus

visant à réduire la vulnérabilité, et permettant d’acquérir de la capacité d’adaptation. Elle

revêt diverses dimensions, en particulier sociale, économique, et environnementale. Il existe

donc des vulnérabilités plutôt qu’une vulnérabilité. Par ailleurs, la capacité d’adaptation est

proche de la notion de résilience. En réalité, dans la littérature sur la résilience, la capacité

d’adaptation est vue comme la dimension positive (désirée) de celle-ci, puisqu’elle n’est pas

nécessairement positive.

En écologie, le concept de résilience est la capacité d’un système à supporter une perturbation

sans s’effondrer vers un état qualitativement différent, qui serait contrôlé par un ensemble

nouveau de processus. Dans la littérature traitant du changement climatique, la résilience est

parfois comprise comme la capacité d’un système à retourner à son état initial après un choc

(approche de l’ingénieur), tandis qu’elle est parfois entendue comme la capacité à se

réorganiser, se renouveler, se transformer du fait d’un choc (approche socio-écologique).

Dans le premier cas, il n’y a qu’un état stable, tandis que dans le second, il est possible

d’atteindre un état différent de l’état initial. Ainsi, la résilience peut être définie par trois

caractéristiques à savoir : le choc maximal que peut subir le système sans changer

fondamentalement de structure, le degré d’auto-organisation dont fait preuve le système, la

capacité à construire et améliorer le processus d’apprentissage.

La dynamique des systèmes peut être représentée sous la forme du cycle de renouvellement

adaptatif, constitué de quatre phases (deux correspondant à des changements brutaux, et deux

correspondant à des changements graduelles) séparées par des évènements créant la

discontinuité (effondrement et expansion exponentielle). Les différentes échelles spatiales et

temporelles sont reliées entre elles par l’intermédiaire de connexions, telles la mémoire

(indispensable à la réorganisation) ou la révolte, qui transmet la perturbation aux autres

échelles (du tronc, à l’arbre, puis à la forêt). Cette dynamique comprend donc à la fois les

phases d’expansion et de conservation, mais également d’effondrement et de réorganisation.

Dans cette approche, la robustesse est importante (comme dans le cadre de l’approche de la

résilience par l’ingénieur), mais également la capacité d’apprentissage, et l’auto-organisation.

La diversité, l’homéostasie, la redondance, la capacité d’amortir (stockage par exemple), le

recours à des flux (de données notamment) élevés sont également des caractéristiques

favorisant la résilience.

Page 89: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

78

II.2.3. La maladaptation

L'une des premières publications dédiées à la maladaptation est de Roy Rappaport

(anthropologue spécialisé en ethnobiologie) et date de 1977 [61]. Dans cette section d'ouvrage

Rappaport définit l'adaptation comme l'ensemble des processus (adaptive processes) par

lesquels les systèmes vivants (des organismes simples aux écosystèmes, en passant par les

espèces et les sociétés) parviennent à maintenir l'homéostasie (pour faire face aux

fluctuations de court terme de l'Environnement) et à se transformer plus en profondeur (en

transformant leur structure, face à des changements non-réversibles de l'Environnement, sur le

long terme). Pour les perturbations sur le long terme pour lesquelles l'incertitude est grande, il

est préférable de conserver une flexibilité en évoluant de manière graduelle et non par

l'intermédiaire de transformations de la structure. Ainsi, l'adaptation serait constituée de deux

composantes fondamentales, que sont l'auto-organisation et l'auto-régulation, ce qui

correspond à la conclusion de la précédente sous-section.

Selon l’ethnobiologiste Roy Rappaport, la maladaptation serait à relier aux facteurs internes

au système étudié, qui entraveraient les processus d’homéostasie, et de transformation plus en

profondeur de la structure dudit système. Ces facteurs pourraient correspondre à des

anomalies au sein de la hiérarchie de la structure adaptative, autrement dit des anomalies dans

les boucles de rétroaction censées assurer l’auto-régulation et l’auto-organisation du système,

ces deux fonctions formant le processus adaptatif. L’auto-régulation permet de conserver une

flexibilité, tandis que la réorganisation réduit la flexibilité, mais accroit l’efficacité. Elle est à

réserver aux cas dans lesquels l’incertitude est réduite, et la contrainte claire et permanente.

Les anomalies correspondent à de la maladaptation puisqu’elles réduisent la flexibilité du

système ainsi que sa capacité à détecter des éléments pouvant lui nuire (anomalie dans

l’information). Mais ces anomalies peuvent également prendre la forme d’une confusion entre

les intérêts d’un sous-système et ceux du système tout entier, lesquels ne doivent pas être

spécifiques, mais uniquement correspondre à la survie (biologique et culturelle dans le cas des

systèmes sociaux), tandis que les sous-systèmes assurant des tâches spécifiques (par exemple

militaire, économique, financière, commerciale, politique…) servant au système dans son

ensemble, requièrent des intérêts précis.

Il semble donc que la flexibilité soit une caractéristique essentielle de l’adaptation réussie, et

que la centralisation de la régulation, éloignant le niveau décisionnel du niveau de détection

des variables vitales, serait un élément pouvant conduire à la maladaptation. Enfin, à la

Page 90: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

79

différence des systèmes vivants, les systèmes sociaux peuvent être victime de leur capacité

d’anticipation et de leur pro-activité, grâce à la capacité humaine à imaginer et à se projeter.

En outre, le fait que l’Homme doive faire face à des changements dans son environnement

n’est pas nouveau, comme le montrent l’étude d’anciennes civilisations, et dans l’ensemble,

les systèmes sociaux ont démontré une certaine aptitude à s’adapter à des modifications de

leur environnement, en améliorant les techniques de production agricole, en migrant, en

adoptant des rites permettant de créer un lien entre leurs actions sur l’environnement et leur

survie… En revanche, la situation est inédite dans le sens où le changement auquel l’Homme

doit aujourd’hui faire face peut être anticipé (du moins tendanciellement, puisqu’une grande

incertitude persiste) et que ce changement affectera la planète entière en relativement peu de

temps. De l’étude du passé, il apparait que les civilisations ont su apprendre (parfois) de leurs

expériences, mais que cet enseignement avait pu se perdre en une génération, voire moins. Le

défi actuel pourrait donc être de parvenir à apprendre des civilisations passées, de leurs

erreurs ainsi que de leurs succès, et de conserver cette connaissance pour les générations

futures.

Pour conclure, le cadre conceptuel de l’adaptation au changement climatique permet de

comprendre en profondeur les raisonnements théoriques qui accompagnent ces enjeux, mais

ne suffit pas à prendre des décisions, et ne permet parfois que d’en rester à l’énonciation

d’intentions tout à fait pertinentes, à l’image de la création d’un lien cognitif entre notre

sécurité personnelle et la protection du climat (et plus largement de notre environnement), et

n’apporte pas de solutions concrètes, pourtant nécessaires, à cette problématique. De même,

savoir que les problèmes de maladaptation sont à rattacher à la culture (au sens large, c'est-à-

dire à l'ensemble de valeurs et de symboles qui définit une société) et à l'organisation du

processus adaptatif n'est qu'un premier pas dans la compréhension du phénomène, mais ne

donne pas l'opportunité d'agir de manière effective (du moins à court et moyen termes), étant

donné qu'il n'est pas envisageable de simplement prôner une modification des cultures. C’est

pourquoi il paraît indispensable d’analyser les outils, méthodes et instruments concrets qui

sont apparus pour répondre au changement climatique par l’adaptation.

Pour résumer, d'après les travaux de Roy Rappaport [61], et les exemples d'effondrement de

civilisations anciennes (Mayas, Vikings du Groenland, Île de Pâques [62] et [44]), il

semblerait que la maladaptation soit liée à la culture de la société considérée, ou du moins que

la culture soit un élément pouvant expliquer la réussite ou bien l’échec de l’adaptation, et en

particulier de l’adaptation à des changements dans l’environnement, y compris climatiques.

Page 91: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

80

Ainsi, d'après le troisième rapport du GIEC (Glossary of Terms, Third Assessment Report,

Working Group II, Annex B, 2001), la définition de la maladaptation au changement

climatique est la suivante :

Tout changement dans les systèmes humains ou naturels conduisant à

augmenter par inadvertance la vulnérabilité aux stimuli climatiques :

une adaptation qui ne parvient pas à réduire la vulnérabilité mais qui

l’augmente au contraire49.

La maladaptation correspondrait donc aux mesures d'adaptation qui conduiraient, non pas à

réduire la vulnérabilité comme c'est l'objectif, mais à l'augmenter. Dans les outils, méthodes

et instruments dédiés à l'adaptation, il est fréquemment fait référence à la maladaptation

comme quelque chose à éviter, mais la manière de l'éviter n'est pas précisée. La section des

guides et méthodologies abordant le thème de la maladaptation est généralement très court. Si

la définition de la maladaptation utilisée dans ces outils faisait référence à son cadre

conceptuel, et au fait qu'elle est reliée à la culture de l'acteur étudié, il semblerait pertinent

qu'aucune méthode générique permettant d'éviter la maladaptation ne soit donnée, la culture

étant un élément spécifique, difficilement généralisable. Or, la littérature prend communément

comme définition celle du GIEC donnée ici. Il semblerait donc possible d'en déduire une

méthode permettant d'éviter l'augmentation de la vulnérabilité liée aux solutions d'adaptation,

puisqu'il existe de nombreux instruments servant à évaluer la vulnérabilité.

Dans le cadre des activités poursuivies par l'OCDE, la maladaptation désigne [63] (p.55) :

des activités de développement correspondant à la poursuite des

politiques actuelles qui, en faisant abstraction des impacts du

changement climatique, augmentent par mégarde l'exposition et/ou la

vulnérabilité au changement climatique. Elle peut aussi englober les

initiatives d'adaptation aux effets climatiques qui accentuent la

vulnérabilité au lieu de la diminuer.

Autrement dit, l'OCDE utilise une définition élargie de la maladaptation par rapport au GIEC,

puisque les projets ne prenant pas en compte les enjeux du changement climatique feraient

également parties de la maladaptation. Cela signifie que la maladaptation pourrait être vue

comme le fait de ne pas faire d'adaptation.

49Any changes in natural or human systems that inadvertently increase vulnerability to climatic stimuli; an adaptation that does not succeed in reducing vulnerability but increases it instead.

Page 92: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

81

II.3. L'ADAPTATION EN PRATIQUE

II.3.1. Les manières de faire de l'adaptation

Il existe diverses manières de faire de l'adaptation au changement climatique, mais au

préalable il est nécessaire de préciser qu'il existe également différents niveaux auxquels des

stratégies d'adaptation peuvent être mises en place. En effet, bien que l'adaptation concerne

généralement la protection des biens privés (à l'opposé de l'atténuation qui s'occupe de

protéger un bien public), et que la théorie économique voudrait que les gouvernements

s'occupent des biens publics (et les acteurs privés des biens privés), l'action des pouvoirs

publics dans ce domaine reste légitime pour plusieurs raisons [13]: du fait de l'imperfection

de l'information, si les processus de décision concernent plusieurs échelles spatiales

(commune, région,...), pour prendre en compte les effets externes (comme dans le cas d'une

installation en zone inondable, qui est avantageuse pour le promoteur car c'est la collectivité

qui supportera une partie des coûts de protection et de reconstruction en cas d'aléa), du fait de

la nécessaire protection des services d'intérêt général (eau, énergie, transport,

communication), et enfin si l'adaptation spontanée des acteurs va à l'encontre des intérêts de la

collectivité toute entière.

Ainsi, l'adaptation est non seulement une question privée (individu, entreprise), mais

également publique (commune, région, état). De ce fait, l'adaptation peut donner lieu à des

politiques publiques spécifiques (comme en France, qui a vu le Plan National d'Adaptation au

Changement Climatique apparaître en 2011), à des programmes stratégiques et projets

d'institutions internationales (OCDE, PNUD...), mais également à des projets à l'échelle

communautaire, ou encore être intégrée à la stratégie d'une entreprise. Nous nous

restreindrons ici principalement à l'adaptation à l'échelle du projet d'investissement.

En ce qui concerne les stratégies d'adaptation à proprement parler, elles ont la particularité

de devoir être prises en situation d'incertitude, et sont d'autant plus importantes qu'elles

concernent des activités économiques dont la durée de vie est longue. Stéphane Hallegatte

présente cinq méthodes permettant d'adapter un investissement à un changement climatique

incertain dans un article de Global Environmental Change déjà mentionné [27]. Ces stratégies

sont : le sans-regret, les options réversibles et flexibles, les marges de sécurité, les solutions

d'adaptation douces, la réduction de l'horizon temporel de l'investissement étudié.

Page 93: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

82

II.3.1.1. Le sans-regret

Les solutions sans regret correspondent aux investissements qui, même en l'absence de

changement climatique, présentent un bénéfice. Ce sont les options qui devraient

rationnellement être prises, sans même faire appel à la question du changement climatique.

L'exemple le plus parlant est celui des fuites sur les réseaux d'eau, qui représentent une part

importante (de l'ordre de 30 à 50 % selon les pays) de l'eau prélevée. Le cas de l'isolation des

bâtiments peut également être perçu comme une option sans-regret, puisque les économies

d'énergie pourront permettre de rembourser les coûts initiaux. Néanmoins, étant donné que la

rénovation représente des investissements substantifs, il est probable que l'isolation et la

rénovation dans l'optique de faire face au changement climatique ne soit pas sans-regret, et

que seule la modification des normes pour les nouveaux bâtiments soit effectivement sans-

regret.

II.3.1.2. Les options réversibles

Ensuite vient le cas des options réversibles et flexibles, ce qui correspond à ce qui a été

précédemment appelé les valeurs d'options réelles. Le fait de conserver le choix pour plus tard

permet de ne pas se diriger vers des solutions irréversibles. Une illustration triviale de cette

valeur d'option réelle correspond au fait de ne pas construire dans une zone qui pourrait être

particulièrement exposée aux aléas climatiques. À court terme cela représente un coût

(d'opportunité) mais à plus long terme une valeur d'option est associée à ce non-

investissement. Il en est de même pour les surcoûts initiaux visant à pouvoir faire évoluer les

infrastructures par la suite. Dans le cas de digues par exemple, les fondations peuvent être

dimensionnées dans l'optique que les digues seront renforcées par la suite, dans le cas où le

niveau de la mer montera plus (ou plus vite) qu'anticipé.

II.3.1.3. La marge de sécurité

Dans le même ordre d'idée, une marge de sécurité peut être employée lors de la conception

des infrastructures, comme cela a été le cas au Danemark avec les systèmes d'évacuation d'eau

qui ont été surdimensionnés. Le sur-dimensionnement peut être arbitraire, c'est-à-dire décider

d'un facteur de sécurité qui n'a pas de justification physique, par rapport à la situation actuelle,

ou bien utiliser les projections économico-climatiques les plus pessimistes, dont l'horizon

temporel est choisi en fonction de la durée de vie de l'infrastructure en question, auxquelles

est ajoutée la marge de sécurité. Dans le cas des infrastructures de protection (comme les

digues), le coût marginal de construction pour que cette protection soit plus importante est

Page 94: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

83

bien plus faible que le coût total, ce qui justifie économiquement de prendre une marge de

sécurité lors de la phase de conception. L'incorporation d'une marge de sécurité lors de la

conception, et le fait de prendre en compte le changement climatique (par l'intermédiaire des

projections) durant cette conception est ce qui est souvent appelé le climate proofing dans la

littérature dédiée.

II.3.1.4. L’adaptation douce

Viennent ensuite les stratégies dites d'adaptation douce (soft strategies par opposition à hard

strategies), qui sont celles qui s'occupent non pas de l'aspect technique ou technologique de

l'adaptation, mais des aspects financiers et institutionnels. Cela peut se présenter sous la forme

d'une prospection obligatoire de la part des acteurs sensibles au climat (distribution d'eau,

agroforesterie, tourisme...) de leur activité à long-terme, de façon à prendre en compte le

changement climatique dans la stratégie, et à créer des liens entre les acteurs académiques, et

les acteurs économiques. D'un certain point de vue, cela pourrait être une manière d'aborder

l'homéostasie mentionnée dans la résilience. Les outils financiers sont également une

manière de prendre en compte le risque climatique, lorsqu'il est adossé à des évènements

extrêmes (sécheresse, inondation, tempête, canicule...). Ils permettent de transformer une

perte significative et incertaine, en une perte gérable. Les solutions de stockage sont une

autre façon de transformer un risque de perte significative, en un investissement et un coût de

long terme, comme dans le cas du stockage d'eau. Mais dans le cas du stockage, la flexibilité

est plus réduite, malgré une possible marge de sécurité, tandis que les assurances peuvent

évoluer. Néanmoins, ces solutions sont utilisables dans le cas des pays développés, car elles

nécessitent soit des capitaux initiaux significatifs, soit un système financier fiable et

développé. Enfin, les systèmes d'alerte rapide, qui sont des options d'homéostasie d'après le

vocabulaire de la résilience, permettent de limiter les dommages en cas d'évènements

extrêmes, et la reconstruction peut parfois être moins coûteuse que la protection, d'autant plus

si l'intensité des évènements est si incertaine, que cette protection (malgré la marge de

sécurité) se révèle trop faible pour assurer sa fonction, et que les dégâts sont tout de même

importants. Les mesures faisant partie de la stratégie douce, non dédiée et transversale, sont

généralement regroupées sous le terme de capacity building.

II.3.1.5. Les solutions techniques et technologiques

Les solutions dites hard strategies (qui sera traduit par solutions concrètes), qui ne sont pas

mentionnées dans l'article de Stéphane Hallegatte, sont les mesures prises dont les coûts sont

importants, qui créent une irréversibilité , et qui sont destinées à remplir une fonction bien

Page 95: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

84

spécifique. Ce sont généralement des solutions techniques et technologiques. C'est par

exemple le cas des digues, ou bien des usines de dessalement d'eau de mer. Ces mesures

pourraient être vues comme des manières d'améliorer la résistance au changement. Elles

requièrent parfois une connaissance assez précise du changement afin d'être efficientes. À

l'inverse, les solutions douces ne sont pas spécifiquement dédiées à un risque (ce sont des

mesures génériques), et permettent d'être bénéfiques même en l'absence de certitude. Ces

solutions favorisent donc la résilience et non la résistance. Au sens de l'adaptation comme

processus par lequel la relation Système-Environnement évolue, nous pourrions dire que ce ne

sont pas à proprement parler de l'adaptation, puisque la relation n'est pas modifiée, mais que

les sous-systèmes sensibles au climat sont renforcés pour réduire cette sensibilité, ou bien

augmenter l'intensité maximale des évènements admissibles tout en maintenant le

fonctionnement du système.

D'après un document de travail de Samuel Fankhauser et Ian Burton [64], les solutions

concrètes (techniques ou technologiques) sont préférées par les bailleurs de fonds, car elles

sont visibles, leur coût de transaction est plus faible que les solutions d'adaptation

communautaires, leur identification est plus facile, et leur efficacité économique est plus

facilement démontrable que dans le cas des approches bottom-up. Néanmoins, il parait

nécessaire que des mesures d'adaptation douces soient mises en place à l'occasion des grands

projets d'infrastructure, ne serait-ce que pour limiter l'aléa moral et les effets pervers, faisant

par exemple que la population vienne s'installer derrière une digue du fait de sa fonction

protectrice50.

II.3.1.6. La réduction de l’horizon temporel

Enfin, une dernière façon de conserver de la flexibilité correspond au fait de réduire la

portée d'une décision d'investissement, c'est à dire de prendre des décisions pour des

périodes de 5 ans et non des périodes de 30 ans. Cette solution est pertinente dans les cas où

les marges de sécurité ne peuvent pas être employées, et où la réversibilité n'est pas non plus

une option. Par exemple, dans le cas de la foresterie, faire le choix de planter des espèces à

rotation courte permet de réduire cette portée, et de ne pas s'enfermer dans une dépendance

"technologique" pour une longue durée. Un autre exemple cité dans l'article est celui de la

50 Une analogie pourrait être faite entre cet effet pervers, et l'effet rebond en économie qui, au lieu de conduire à une réduction de la consommation globale liée à une réduction de la consommation par unité de service, provoque en réalité une augmentation de la consommation d'unités de service, et une augmentation de la consommation globale. Comme cela a été précédemment mentionné, pour éviter l'effet rebond, il est nécessaire que la politique d'efficacité s'accompagne d'un renchérissement de la ressource, pour maintenir un coût par unité de service constant.

Page 96: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

85

construction dans des régions qui pourront être plus exposées au changement climatique, mais

pour lesquelles l'incertitude demeure. Dans ce cas, une solution pour réduire la durée de vie

de l'investissement est de construire des bâtiments moins chers, ou bien de construire des

bâtiments déconstructibles, évolutifs, et déplaçables. Dans l'absolu, la construction modulaire

et déplaçable (voire flottante, comme à Amsterdam) est une manière de conserver, en

urbanisme, une flexibilité et une capacité d'action pour des évènements graduels comme la

remontée du niveau de la mer, ou plus globalement dans le cadre de l'évolution de l'exposition

aux divers aléas climatiques.

II.3.1.7. Transformation en profondeur du système

Enfin, une dernière façon de faire de l'adaptation au changement climatique est de

transformer plus en profondeur le système, que ce soit en matière de fonction assurée par

ce dernier (transformer une zone de culture en une zone de pâturage, diversification de

l'activité...), ou bien en termes de localisation du système (migration, repli stratégique). Cette

transformation peut être vue comme une forme de hard adaptation puisque c'est un processus

irréversible, probablement à coûts irrécupérables. Néanmoins, la différence peut se faire au

niveau de l'objectif de cette irréversibilité : en effet, l'objectif de cette irréversibilité n'est pas

d'améliorer la résistance du système étudié, mais de modifier son fonctionnement, ce qui

correspondrait plutôt à l'étape de renouvellement du système51 dans le concept de la

résilience écologique. C'est ce que le CEDD nomme "bifurcations" dans son rapport sur les

coûts de l'adaptation au changement climatique de 2010 [13] (p. 25).

II.3.1.8. Comparaison avec le cadre conceptuel

Ces différentes stratégies font en réalité appel à certaines des qualités exposées dans le cadre

de la résilience, à savoir la flexibilité , un flux plus élevé (ce qui correspond à la réduction de

la durée des investissements), la redondance, les "amortisseurs" (stockage, outils

financiers), l'homéostasie (système d'alerte rapide), et correspondent à une manière

d'opérationnaliser le concept de résilience. Ces stratégies sont de nouvelles façons

d'aborder le processus de prise de décision, dans lequel il devient essentiel de prendre en

compte de l'incertitude, et de fonder ses projections, non pas sur une extrapolation (ou

transposition) du passé, mais sur des hypothèses socio-économiques (scénarios) couplées à

des modèles basés sur le fonctionnement physique du système climatique (et plus globalement

de l'environnement du système en question). Sous un certain angle, cette modification du

51 Par l'intermédiaire de la transformation, le système peut être amené à changer de bassin d'attraction.

Page 97: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

86

processus de prise de décisions peut ressembler à une transformation de la culture de

l'Entreprise.

II.3.1.9. Approfondissement sur le sans-regret

La stratégie appelée sans-regret est très souvent citée, notamment dans la littérature

académique. Comme cela correspond à des investissements qui sont bénéfiques même en

l'absence de changement climatique, si ces investissements ne sont pas déjà entrepris, cela

signifie qu'il existe des barrières à ces derniers, tel un coût de transaction élevé ou bien des

barrières institutionnelles, un manque d'information. Ces barrières sont, pour certaines, des

problèmes au niveau de la fonction homéostatique du système (pour faire référence à la notion

de résilience), et peuvent être franchies grâce à de la sensibilisation de la population, à

l'éducation, etc. Généralement, les solutions sans-regret sont des mesures à prendre pour

améliorer les aspects sociaux du système étudié, que ce soit le système de soin dans les pays

en développement, ou bien une meilleure information et une moindre corruption (qui peut

constituer une barrière au changement et engendrer un renforcement de la vulnérabilité). Une

parution académique de 2009, écrite par des chercheurs de la Banque Mondiale, aborde les

bénéfices (sociaux) des solutions sans-regret [65], dans le cadre des pays en développement

principalement. Dans ce cas précis des populations pauvres, même un faible changement

climatique peut avoir, indirectement, des conséquences dramatiques, comme des crises

alimentaires, des épidémies (liées à un problème d'hygiène), un manque d'éducation (du fait

de la nécessité de faire travailler les enfants). Dans ces circonstances, la vulnérabilité,

comprise dans un sens social, est fortement corrélée à la capacité à se remettre d'un aléa, ou

bien à y faire face, et donc fortement dépendante des revenus des foyers. Autrement dit, les

plus pauvres sont également les plus vulnérables.

Cette publication adopte une méthodologie de gestion du risque social (lié au risque

climatique) basée sur la valorisation des ressources, empruntée à la valorisation économique

des entreprises (asset-based approach), dans laquelle les catégories de ressources sont :

productives (humaine, naturelle, physique, financière), sociales et politiques (réseaux,

système social et politique), et géographiques (accès au marché, accès aux infrastructures,

agro-écologie). D'après les auteurs, le contexte politique et institutionnel influence la stratégie

adoptée par les foyers pour allouer ces ressources, et le risque affecte les rendements de ces

allocations (en valeur et en variance). Dans cette conception de la vulnérabilité, le risque se

propage le long de la chaîne, par l'intermédiaire de la sensibilité et de l'exposition, et des

risques pouvant engendrer des pertes, ainsi que de la gestion des risques du foyer considéré

Page 98: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

87

(ce qui a été précédemment nommé la capacité d'adaptation pour un système quelconque). Les

ressources interviennent par l'intermédiaire de la sensibilité et de l'exposition (possibilité de

diversifier les sources de revenus, sensibilité climatique des sources de revenus,...). Pour ce

qui est de la gestion des risques, elle peut être à la fois anticipative (avant le choc) et réactive

(après le choc). D'après les auteurs, une gestion des risques réussie aboutit à de la

résilience systémique. Enfin, dans cette approche de la vulnérabilité (et donc de l'adaptation

comme réduction de celle-ci), il convient de prendre en compte les risques directs et

indirects, l'évolution de la fréquence des évènements extrêmes, l'incertitude, l'irréversibilité

des pertes (y compris en terme d'éducation et de malnutrition, et non seulement en termes

financiers et patrimoniaux), et les interactions entre les divers risques des différents secteurs

économiques (eau, agriculture, énergie, tourisme).

Au final, les mesures proposées dans l'article entrant dans le cadre de la stratégie sans-regret

sont multiples : création de fonds sociaux (locaux) semi-autonomes basés sur la communauté

(approche bottom-up) en fonction de la perception locale des risques et garantissant un

transfert de fonds du global au local, des programmes de sécurité (pour éviter les

conséquences des aléas, comme les famines, les épidémies...) ou d'assurance en cas de

catastrophe (permettant aux foyers d'allouer plus de ressources au long-terme), les

programmes de développement (donnant accès aux infrastructures, ce qui améliore

également la résilience aux aléas climatiques), la micro-finance (ce qui permet de diversifier

des sources de revenus et les ressources), les assurances et instruments financiers basés sur

des indicateurs climatiques (vus précédemment, I.2.2). Ces mesures sont effectivement sans-

regret, dans le sens où elles ne sont pas uniquement pertinentes dans le cas du changement

climatique, mais dans le cas d'évènements climatiques extrêmes dans le climat actuel, et dans

le cadre encore plus général du développement. Du fait du caractère sans-regret, il est difficile

de déterminer si justement ces mesures sont réellement des mesures d'adaptation car la

dimension anticipative du changement climatique ne fait que renforcer la nécessité de

développer socialement les territoires, mais cela permet au moins de prioriser l'aide

internationale, et d'intégrer la dimension climatique à la gestion des risques usuels. Cela

correspond donc à une première étape nécessaire de l'adaptation, puisqu'il semble inopportun

d'envisager la protection de la population avant de lui garantir les infrastructures lui

permettant d'affronter plus sereinement les chocs, qu'ils soient climatiques ou non.

Page 99: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

88

Pour résumer, il existe diverses classifications des stratégies d'adaptation, selon qu'elles sont

mises en place de façon spontanée (climatisation dans les bâtiments ou les véhicules) ou bien

de façon planifiée, et selon qu'elles ont lieu avant (proactives) ou après un choc (réactives).

Par ailleurs, l'adaptation peut être abordée de façon sectorielle, ou bien de manière transverse.

Comme cela a été mentionné, les approches transverses, en étudiant les activités dans leur

dimension systémique, sont généralement plus efficaces, mais sans doute plus complexes à

mettre en œuvre, du fait même de la spécialisation des activités et du cloisonnement.

Néanmoins, au-delà de cette classification relativement théorique, qui permet d'affirmer qu'il

serait nécessaire d'adopter une stratégie proactive, ne serait-ce que pour faire de l'éducation,

de la sensibilisation et de la recherche, et certaines mesures réactives, entre autres car cela

favorise l'acceptabilité, il est intéressant de discuter des solutions concrètes permettant aux

activités économiques de s'adapter au changement climatique, qui est un phénomène de long

terme et incertain (en intensité et en fréquence, notamment pour les désastres climatiques).

Ces stratégies sont le sans-regret, les options réversibles et flexibles, les marges de sécurité,

les solutions d'adaptation douces, les solutions irréversibles (hard strategies), la réduction de

l'horizon temporel de l'investissement.

Ces stratégies mettent en avant les qualités soutenues par le concept de résilience, à savoir la

flexibilité (à travers la marge de sécurité notamment), le stockage, les boucles de rétroaction

pour faire remonter l'information et ainsi informer la chaîne décisionnelle (fonction

homéostatique), la diversification, ou encore l'augmentation des flux (à travers la réduction de

l'horizon temporel de l'investissement).

Seules les solutions irréversibles (lorsqu'elles ne sont pas l'expression de la transformation de

sous-systèmes du système) ne font pas partie de la résilience (au sens écologique du moins),

mais plutôt de la résistance, et de la robustesse. Cette résistance peut être un moyen de réduire

les pertes en cas d'aléa, en réduisant l'exposition du système, mais par définition réduit la

flexibilité à court et long terme. Ce type de solution peut représenter la meilleure stratégie,

dans le cas où le risque est connu de façon très précise à la fois en intensité et en temporalité

(vitesse du changement par exemple), et qu'il n'existe pas d'alternative réversible.

Enfin, les solutions sans-regret sont proches du développement, et sont bénéfiques même en

l'absence de changement climatique, ce ne sont donc pas stricto sensu des solutions

d'adaptation au changement climatique, mais également de correction du déficit d'adaptation

au climat actuel.

Page 100: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

89

II.3.2. Les outils dédiés à l'adaptation

Il existe de nombreux outils servant à l'adaptation au changement climatique, parmi lesquels

des méthodologies permettant d'intégrer le changement climatique à une décision

d'investissement (du type climate proofing du GIZ [66], du UK-CIP52 ou de la Banque

Asiatique de Développement [67] par exemple), d'autres visant à identifier la vulnérabilité

climatique des populations ou bien des différents secteurs économiques (ce qui se présente

sous la forme d'études d'impact climatique, comme celles du DEFRA [68]53 (voir l'Annexe A-

8) qui sont sectorielles et thématiques), ou encore des outils dédiés à l'évaluation et au suivi

de solutions d'adaptation. Comme le montre le document d'orientation de l'OCDE datant de

janvier 2012 (dans sa version révisée) [63], l'adaptation peut être abordée à différents

niveaux, du national à l'échelle "projet", en passant par le niveau sectoriel. Quelque soit le

niveau considéré, les étapes du processus (générique) sont les mêmes, à savoir :

détermination de la vulnérabilité climatique actuelle puis future (en utilisant par exemple des

projections climatiques), identification des mesures d'adaptation envisageables, évaluation et

comparaison de ces mesures, puis évaluation de la réussite de l'adaptation. Ces quatre étapes

font appel aux différents types d'outils cités ci-dessus.

Pour ce qui est des outils dédiés à l'évaluation des risques ou de la vulnérabilité, un

document de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement

Climatique) intitulé "Compendium on methods and tools to evaluate impacts of, vulnerability

and adaptation to, climate change" regroupe l'ensemble des outils existants, qu'il s'agisse des

méthodes usuelles d'évaluation déjà présentées (ACB, ACE, AMC), ou bien d'outils dédiés

(Tool for Environmental Assessment Management (TEAM), Adaptation Decision Matrix

(ADM), Business Area Climate Impacts Assessment Tool (BACLIAT)...) (voir Annexe A-3 à

Annexe A-7). Étant donné la quantité d'outils existants, il n'y aura pas de comparaison ni

même de liste exhaustive qui sera donnée dans ce document, et le lecteur est invité à se référer

au compendium de la CCNUCC [69], ou bien à un document de travail de l'OCDE sur

l'harmonisation des outils, dans lequel ces derniers sont comparés [70]. D'autres documents

inventorient également les méthodes utiles à l'évaluation d'impact climatique, et à la définition

d'une stratégie d'adaptation, comme le guide du PNUE [71], ou bien encore un document de

travail de l'Agence de Coopération Internationale Japonaise (JICA) qui regroupe non

seulement les stratégies d'adaptation mais également les outils existants (portails web,

52 http://www.ukcip.org.uk/tools/portfolio/ 53 http://www.defra.gov.uk/environment/climate/government/

Page 101: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

90

comparaison des scénarios, modèles...) [72]. Cette étape est cruciale puisqu'elle détermine les

risques qui seront pris en compte dans l'évaluation, et d'une certaine manière, oriente les

points sur lesquels l'accent sera mis en termes de vulnérabilité : élévation du niveau de la mer,

hausse des températures, sécheresse, inondation, évènements climatiques extrêmes... Afin de

déterminer la vulnérabilité du projet étudié à chacun de ces risques présélectionnés, il est

nécessaire d'estimer d'une part la sensibilité, et d'autre part l'exposition (laquelle est fonction

de l'implantation géographique). Sur la manière d'estimer la sensibilité, il n'y a pas de

méthode qui fait consensus au sein de la communauté des praticiens de l'adaptation au

changement climatique, comme en témoigne le document de travail de l'OCDE datant de

2011 [70].

Vient ensuite l'étape servant à identifier les solutions d'adaptation (généralement

technologiques) possibles pour réduire la vulnérabilité estimée lors de la première étape. Il

existe plusieurs portails d'échanges de connaissances autour du changement climatique,

comme l'Adaptation Learning Mechanism (ALM)54, Climate Adaptation Knowledge Exchange

(CAKEX)55, weADAPT56, ou encore la plateforme de l'Union Européenne CLIMATE-

ADAPT57. Par ailleurs, un autre outil informatique permet plus précisément d'identifier des

solutions technologiques d'adaptation pour faire face à un risque précis (érosion côtière,

submersion marine, adaptation des semences, irrigation...), le Climate Tech Wiki58. En plus

de fournir une fiche pour chacune des options technologiques sur laquelle figurent les

avantages et inconvénients et les références dans la littérature académique abordant l'option

en question, cet outil référence les projets utilisant ces solutions d'adaptation à travers le

monde. En outre, un document de travail rédigé dans le cadre du plan national hollandais de

planification à 2050 référence de nombreuses mesures d'adaptation à travers de nombreux

secteurs. Ce rapport peut être une première approche d'une liste non-exhaustive mais

relativement fournie des options d'adaptation [73]. Enfin, le portail de la Banque Mondiale

dédié au changement climatique référence la plupart des outils cités ici, ainsi que des outils

d'atténuation, des cartographies du changement climatique (actuel et futur selon les scénarios

54 http://www.adaptationlearning.net/ 55 http://www.cakex.org/ 56 http://weadapt.org/ 57 http://climate-adapt.eea.europa.eu/web/guest/home 58 http://climatetechwiki.org/

Page 102: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

91

et les différents modèles), et d'autres portails de données utiles dans le cadre du changement

climatique59.

Une fois que les solutions d'adaptation sont listées, il faut comparer ces solutions afin de

choisir celle qui sera adoptée. C'est à cette étape que les outils comme l'ACB, l'ACE ou

l'AMC peuvent être employés. Selon les acteurs, la méthode utilisée sera différente, mais très

souvent dans le cadre de l'adaptation l'AMC est utilisée, car elle permet de prendre en compte

des critères non-économiques, voire non quantifiables. Cette Analyse Multi-Critères se

présente souvent sous la forme d'une matrice de décision, faisant intervenir autant de

dimensions que de critères pertinents, et permettant, à travers une pondération de ces critères,

d'aboutir à un score final. Ce score final permet de hiérarchiser les solutions et ainsi de

prioriser l'action, mais a l'inconvénient d'introduire une part d'arbitraire par la pondération.

L'USAID utilise une matrice de décision pour comparer les options d'adaptation, dont les

critères sont : efficacité, coût, faisabilité technique, faisabilité sociale et culturelle, besoins en

assistance, adéquation au climat actuel, rapidité de mise en œuvre, cohérence avec la politique

du gouvernement [22].

Enfin, la dernière étape correspond au suivi et à l'évaluation de la réussite du projet. De

manière générale, les critères permettant d'évaluer un projet d'adaptation sont [20] : la

faisabilité, l'efficacité, l'effectivité, l'acceptabilité (la légitimité), l'équité et enfin la durabilité

de la mesure. Ces critères sont proches de ceux utilisés dans la matrice de décision de

l'USAID. En entrant dans les détails des outils d'évaluation et de suivi, on remarque que de

nombreux outils différents existent, comme en témoigne un document du GIZ qui traite

spécifiquement cette question [74]. Suivant l'objectif de la mesure (réduction de la

vulnérabilité sociale, économique, physique...) les critères appartiendront à des domaines

différents, et il n'existe pas d'outil d'évaluation universel, chaque institution mettant en place

sa propre grille d'appréciation, selon les éléments qu'elle souhaite favoriser dans les projets

qu'elle soutient.

Il y a une autre manière d'aborder les différents instruments qui existent, qui correspond à

la caractérisation qui a été employée par l'OCDE [70], à savoir que ces instruments peuvent

être répartis en trois grandes catégories : les outils d'accompagnement au cours du

processus (évaluation des risques, identification des solutions, comparaison des solutions,

implémentation), les outils fournissant des données climatiques, et les outils permettant

59 Climate Change Knowledge Portal : http://sdwebx.worldbank.org/climateportal/index.cfm

Page 103: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

92

d'échanger des connaissances. Ce document compare les différents outils qui existent, et les

classe selon ces trois catégories, en mentionnant les particularités de chacun d'eux. Par

exemple, pour la première catégorie, plusieurs fonctions peuvent être assurées par ces

instruments, à savoir la communication/sensibilisation des acteurs, l'identification des risques

(ou de la vulnérabilité), l'évaluation des risques (ou de la vulnérabilité), la mise en œuvre et le

suivi/l'évaluation. Tous les instruments n'assurent pas toutes ces fonctions, certains sont

dédiés à l'estimation de la vulnérabilité (comme le document de climate proofing du GIZ),

tandis que d'autres traitent plutôt l'étape de mise en œuvre (à l'image du UK-CIP Wizard).

Enfin, il est important de signaler que ces trois catégories d'instruments ont leur rôle à jouer

dans l'adaptation, même si on ne pense pas souvent à la partie dédiée à l'échange de

connaissance (à travers des plateformes). En effet, le retour d'expérience dans l'adaptation

ne doit pas être négligé, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Union Européenne dispose

désormais d'un tel outil.

Pour résumer, les outils et méthodes utiles dans le cadre de l'adaptation au changement

climatique sont très nombreux. Ils peuvent être répartis en trois types : ceux qui traitent

l'accompagnement au cours de l'adaptation (dans lesquels on retrouve les instruments

d'identification des risques pertinents à considérer, l'évaluation de la vulnérabilité, la

détermination des mesures d'adaptation possibles, le choix de la mesure d'adaptation, et le

suivi et l'évaluation de la réussite du projet), ceux qui fournissent des données climatiques

permettant de connaitre les aléas climatiques auxquels sera exposé le projet (hausse des

températures, modification des précipitations, remontée du niveau de la mer...) et ceux qui

permettent aux praticiens d'échanger leurs connaissances afin de gagner en expérience. Une

grande partie des outils sont développés par des acteurs du développement (ADB, OCDE,

USAID...) et d'autres sont le fruit d'ONG. Ces outils peuvent être sectoriels (la forêt, la pêche,

les transports...) ou bien thématiques (la gestion du trait de côte, la santé,...), et être utilisables

dans le cadre de l'évaluation de programmes stratégiques entiers, ou bien d'un projet unique,

et concerner un territoire très vaste (global) ou plus restreint (local). Une harmonisation des

outils pourrait être une idée a priori pertinente, néanmoins la grande diversité résulte du fait

que chaque institution a créé son propre outil qui lui était parfaitement adapté, ce qui signifie

que chacune d'elles a pu s'approprier la problématique du changement climatique et de

l'adaptation, et développer une méthodologie que les acteurs (et futurs utilisateurs)

approuvent, ce qui en facilite le déploiement.

Page 104: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

93

II.4. LA MALADAPTATION DANS LA PRATIQUE

Tout comme pour l'adaptation, avant d'aborder la question de la maladaptation dans la

pratique, il est utile de présenter une définition utilisable de la maladaptation, le cadre

conceptuel de celle-ci n'étant pas tout à fait opérationnel.

II.4.1. Les critères de jugement de la réussite de l’adaptation

Si la question de la maladaptation peut se poser, cela signifie que l'adaptation peut être un

échec. Dans la littérature académique, il est parfois mentionné que l'adaptation peut ne pas

être réussie, du fait des différentes échelles temporelles et spatiales impliquées dans le

processus d'adaptation [75].

Par exemple, si la réussite de l'adaptation est jugée d'après les critères identifiés

précédemment (efficacité, effectivité, légitimité, coût, équité) le périmètre d'étude a un rôle

capital : un projet peut paraître totalement légitime et équitable à une échelle, et perdre de sa

justice lorsque ce périmètre est élargi. Il en est de même lorsque l'horizon temporel est

allongé. À court-terme une solution peut sembler bénéfique, mais ne plus l'être à long-terme,

notamment si celle-ci conduit à renforcer le changement climatique.

Dans le même ordre d'idée, certains types d'acteurs ont plutôt intérêt à se préoccuper du court

et du moyen terme (dans le cadre de changement de type de culture par exemple) que du long

terme, car ce dernier ne paraît pas pertinent, tandis que certains acteurs doivent

nécessairement prendre en compte le court, le moyen mais également le long terme. C'est le

cas des acteurs dont les investissements ont une longue durée de vie (infrastructure de

transport, d'énergie, bâtiments...).

Par ailleurs, suivant le type d'acteur menant l'étude, les critères choisis pour juger l'adaptation

pourront varier : un acteur économique du secteur privé prendra en compte l'efficacité

économique, tandis qu'une ONG active dans le domaine social prendra plus en compte

l'efficacité sociale. C'est pourquoi le fait qu'une solution soit jugée bonne ou mauvaise dépend

fortement du contexte.

D'après l'article de Neil Adger et al. de 2005 [75], les mesures visant à réduire l'exposition

ou bien la sensibilité à un aléa climatique sont celles qui ont le plus de chances d'avoir des

impacts sur d'autres éléments de l'environnement physique ou écologique, tandis que celles

visant à augmenter la résilience seraient moins susceptibles d'avoir des conséquences

négatives imprévues sur d'autres éléments.

Page 105: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

94

De plus, une mesure mise en place dans l'optique de réduire la sensibilité à un aléa climatique

a une effectivité qui dépend du changement climatique lui-même, comme dans le cas d'une

digue dont l'effectivité dépend de la remontée du niveau de la mer, or ce changement à long-

terme présente de grandes incertitudes en amplitude. En outre, une mesure ayant pour objectif

de réduire l'impact climatique, comme les remblais contre les inondations, ont généralement

pour conséquence d'augmenter les risques d'inondation ailleurs. Ce n'est donc qu'un transfert

de vulnérabilité. D'autre part, les mesures d'adaptation dont l'efficacité est estimée en ne

prenant en considération que les biens valorisables sur le marché, risquent de très nettement

sous-estimer à la fois les coûts et les bénéfices associés.

Lorsqu'il est question de l'équité de la mesure d'adaptation, il semblerait que les stratégies

d'adaptation anticipatives (ou proactives) qui visent à amortir les effets du climat sur les

populations exposées et à faciliter le retour à la situation initiale à la suite d'un choc, peuvent

permettre de rétablir les équilibres entre les différents acteurs. À l'inverse, il semblerait que

les mesures réactives visant à reconstruire après un évènement climatique extrême tendent à

exacerber les inégalités.

Pour conclure sur l'article de Neil Adger et al. de 2005 [75], la réussite de l'adaptation et par

là-même l'évitement de la maladaptation doit se juger sur quatre critères, que sont l'efficacité,

l'effectivité, la légitimité et l'équité, et ce à différentes échelles, à la fois de temps et

d'espace, ce qui peut nécessiter une modification des processus de prise de décision, comme

cela avait été mentionné par ailleurs.

II.4.2. La définition de Successful Adaptation

Mais les auteurs de cet article sont ensuite allés plus loin dans la définition d'une adaptation

réussie (successful adaptation), en employant la méthode Delphi60 et en présentant les

résultats dans une publication de 2009 [18]. La définition qui a émergé de ce processus est la

suivante : "Successful adaptation is any adjustment that reduces the risks associated with

climate change, or vulnerability to climate change impacts, to a predetermined level, without

compromising economic, social, and environmental sustainability." Au delà de la définition

elle-même, ce processus a permis de faire apparaître les points de discorde au sein de la

communauté traitant la question de l'adaptation. Les principaux points de désaccords au cours

du processus ont été la détermination du cadre le plus approprié pour traiter l'adaptation

60 Cette méthode consiste à soumettre un panel d'experts à un questionnaire, de faire la synthèse des réponses, laquelle est soumise à ce même panel, qui est invité à débattre, et recommencer le même processus, jusqu'à aboutir à un consensus.

Page 106: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

95

(approche par les risques, ou bien approche par la vulnérabilité, ou alors bien-être

économique), le fait d'intégrer ou non l'atténuation dans la définition de l'adaptation, et le

troisième désaccord reposait sur la manière d'inclure la durabilité dans la définition. Par

ailleurs, la question de l'horizon temporel auquel l'adaptation devait être évaluée n'a pas

trouvé de consensus, restant donc sans réponse. Enfin, les auteurs ont également conclu de

leur étude que l'évaluation de la réussite ou non d'une mesure d'adaptation devait être faite par

les premiers concernés par celle-ci (ceux la mettant en place, ou bien ceux étant affectés par

celle-ci), et non par des experts, dont le rôle devait être limité à de l'accompagnement.

II.4.3. Les cinq types de maladaptation

Plus récemment encore, la maladaptation a été le sujet de l'éditorial de la revue Global

Environmental Change, rédigé par Jon Barnett et Saffron O'Neill [76]. Dans celui-ci, les

auteurs définissent la maladaptation comme une mesure visant à réduire la vulnérabilité au

changement climatique, mais qui conduit en réalité à des impacts négatifs ou à une

augmentation de la vulnérabilité d'autres systèmes secteurs ou groupes sociaux. Il y a selon

eux cinq types différents de maladaptation. Ainsi, une solution est considérée comme étant

de la maladaptation si, comparativement aux alternatives, elle : augmente les émissions de

GES, pèse de façon disproportionnée sur les plus vulnérables, présente un coût (économique,

social ou environnemental) d'opportunité élevé, réduit les incitations à l'adaptation ou bien

présente une dépendance au chemin technologique pour les générations futures. Ces cinq

types sont illustrés dans l'article par le cas de la gestion de l'eau à Melbourne. En effet, cette

ville connait des déficits de précipitation régulièrement depuis plusieurs années, et pour faire

face à cette situation qui est vouée à s'aggraver du fait du changement climatique, les pouvoirs

publics ont pris deux mesures : l'installation d'une usine de dessalement d'eau de mer, et la

construction d'un pipeline pour transporter l'eau de la région du Nord de Victoria vers la ville

de Melbourne.

D'après cet article, ces deux projets sont des exemples de maladaptation, par rapport à une

solution alternative qui pourrait consister à réduire la demande d'eau (et non à augmenter

l'offre) en agissant sur les fuites du réseau, sur le comportement des utilisateurs, ou bien

même en faisant appel au recyclage des eaux usées ou à la récupération des eaux de pluie.

Pour ce qui est de l'augmentation des émissions de GES, les deux projets consomment de

l'énergie, et créent ainsi une boucle de rétroaction positive en renforçant le changement

climatique futur (répondre à la cause en augmentant les effets l'ayant engendrée).

Page 107: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

96

En ce qui concerne le fait de peser sur les plus vulnérables, comme les deux projets vont

entraîner une augmentation du coût de l'eau, cela va impacter de façon plus importante les

foyers dont les revenus sont faibles que les autres foyers, et qui n'ont pas la possibilité de

réduire leur consommation d'eau, celle-ci étant majoritairement liée à des besoins de base.

Ensuite, le coût économique des deux projets sélectionnés par les pouvoirs publics est plus

élevé que leur alternative, qui est de récupérer les eaux usées et de les traiter avant de les

réutiliser et de récupérer les eaux de pluie. Par ailleurs, le coût environnemental de l'usine de

dessalement est également plus élevé, du fait des rejets de sel qui entraîne une augmentation

de la salinité, et a des conséquences sur la vie des organismes aquatiques.

Vient ensuite la réduction de l'incitation à l'adaptation. En effet, de nombreux foyers de

Melbourne avaient réduit leur consommation (en réduisant la durée des douches, en

récupérant les eaux de pluie...) pour être en mesure de faire face à une pénurie d'eau, or cette

tendance pourrait être remise en question avec le projet d'usine de dessalement, qui élimine

(du moins à court-terme) le risque de pénurie, en créant une dépendance inutile à l'énergie,

nécessaire au fonctionnement de cette usine.

Enfin, les deux projets choisis sont irréversibles et créent une dépendance à une trajectoire

technologique, puisque ces projets nécessitent la vérification d'hypothèses sur la

consommation future d'eau pour être amortis.

Dans la conclusion de cet article, les auteurs mentionnent que la maladaptation a des chances

de se produire du fait du retard entre les changements institutionnels et les changements

du climat. Une fois de plus il est question de modifier le processus de prise de décision, qui

corrobore ce qui a été précédemment exposé.

II.4.4. Le risque de maladaptation en fonction de la stratégie

Dans une section d'ouvrage actuellement sous presse, les deux mêmes auteurs poursuivent

leur réflexion sur la maladaptation [77], et défendent l'idée que le risque de maladaptation

varie selon la manière dont la mesure d'adaptation tente de réduire la vulnérabilité. En

particulier, les mesures ayant pour objectif de réduire l'exposition au changement climatique

ont de très fortes chances d'être de la maladaptation, celles visant la réduction de la sensibilité

ont un risque modéré de maladaptation, et celles ayant pour but d'augmenter la capacité

d'adaptation ont un risque faible d'être de la maladaptation, en prenant comme critères de

maladaptation, les cinq décrits au dessus. Pour expliquer cela, les auteurs utilisent l'exemple

des mesures d'adaptation à la remontée du niveau de la mer dans les îles du Pacifique.

Page 108: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

97

Les mesures conduisant à l'augmentation de la capacité d'adaptation sont en réalité les

mesures sans-regret : éducation, assurances, sensibilisation de la population des côtes,

renforcement des infrastructures de soin... Ces mesures ont un risque faible d'être

maladaptées, car elles ne sont pas intensives en émissions de GES, elles sont équitables à

partir du moment où elles ne sont pas dédiées à une partie de la population, elles ne présentent

pas de coût d'opportunité élevé puisqu'elles ont un coût relativement faible et de multiples

bénéfices, elles ne créent pas de nouvelles dépendances ni découragent les premiers acteurs

qui ajustent leur mode de vie, et elles ne limitent pas la flexibilité future puisqu'au contraire

elles l'augmentent.

Dans le cas de la remontée du niveau de la mer dans les îles du Pacifique, les mesures visant

la réduction de la sensibilité comprennent les systèmes de construction portable,

l'amélioration des normes de construction pour prendre en compte la remontée, le repli

stratégique. Ces mesures présentent un risque de maladaptation modéré, car elles peuvent

engendrer une augmentation (au moins temporaire) des émissions de GES liées par exemple à

la construction, elles peuvent ne pas être équitables et peser plus lourdement sur les plus

vulnérables (cela dépend des endroits où se trouvent les protections des côtes, et de la manière

dont les coûts sont couverts), et elles peuvent présenter un coût élevé (en particulier

lorsqu'elles comprennent de la construction, comme les digues), et un coût d'opportunité

élevé, du moins si ces mesures sont prises immédiatement, puisqu'elles nécessitent, pour être

sans-regret, que le climat change comme cela avait été anticipé. Enfin, ces mesures peuvent

créer un aléa moral comme cela a été dit précédemment, qui va conduire la population à

s'installer en zone à risque, et qui va réduire l'incitation à se déplacer.

Enfin, les mesures qui ont pour but de réduire l'exposition aux aléas ont un risque de

maladaptation élevé. Dans le cas de la remontée de la mer, ces mesures correspondent aux

modifications significatives de l'environnement (développement de polders, drainage des sols,

élévation du sol...) et au déplacement massif de la population. Ces mesures entraînent des

émissions de GES élevées, présentent un coût élevé (pour la construction ainsi que pour la

maintenance), la migration forcée comporte un coût social très élevé (perte de la culture,

destruction de la valeur d'agrément...), et elles créent une dépendance extrêmement forte tout

en réduisant les adaptations futures possibles.

Pour conclure sur cet article, il semblerait donc que les approches top-down, qui sont

généralement des solutions mettant en œuvre la construction d'infrastructures (pour la

réduction de la sensibilité ou bien de l'exposition) ont plus de chances d'être maladaptées

Page 109: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

98

que les approches bottom-up, provenant de la communauté et s'intéressant à augmenter la

capacité d'adaptation (à travers des mesures sans-regret voire des stratégies d'adaptation

douces).

II.4.5. Les solutions techniques et technologiques

Pour aller plus loin, il semblerait que les solutions technologiques soient de plus en plus

étudiées et débattues dans le cadre du changement climatique. D’après la revue de littérature

sur le risque et les dangers dans nos sociétés, présentée dans un article du Global

Environmental Change [78], trois approches théoriques semblent utiles dans ce cadre.

II.4.5.1. La confiance accordée à la technique

Tout d’abord, d’après les travaux de l’anthropologue Mary Douglas, le discours fondé sur la

technologie provient d’une confiance culturellement ancrée que notre société accorde à la

science et la technique, et du fait que l’Homme est vu comme capable et en droit de contrôler

la Nature (son Environnement). Cette vision du monde est associée à une recherche

perpétuelle de la croissance, paradigme dans lequel la science et la technique sont vues

comme le moyen de toujours parvenir à cette croissance, qui serait donc sans limite. Cela

permet donc de comprendre la raison pour laquelle la société se dirigerait spontanément vers

des solutions technologiques.

II.4.5.2. La théorie de la société du risque

Ensuite, la théorie de la société du risque du sociologue allemand Ulrich Beck permet

d’approfondir la question de la modernisation de la société. Selon cette théorie, il existerait

une tension entre une dépendance accrue à l’expertise pour la gestion des systèmes complexes

(liée à une sur-spécialisation mentionnée précédemment) et une méfiance grandissante à

l’égard des experts venant de l’opinion publique. Or, selon Beck les sociétés traditionnelles

des pays occidentaux sont devenues des sociétés modernes, fondées sur la science et la

confiance accordée aux experts. En retour, cette modernité s’est accompagnée de nouveaux

risques et dangers, créant par là ce qui est appelé la société du risque, et qui se caractérise par

une importance toujours plus grande des effets secondaires (« the age of side effects »), par

lesquels des évènements inattendus et imprévisibles surviennent, rompant ainsi avec l’idée du

progrès linéaire. Par ailleurs, Beck fait une distinction importante entre la modernité simple

(celle du début, caractérisée par un progrès linéaire) et la modernité réflexive (celle de « la

société du risque »). Pour la première, la société accorde sa confiance à la science et la

technique qui lui apportent des bienfaits, et qui est caractérisée par la connaissance, tandis que

Page 110: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

99

le second cas est caractérisé par une incertitude croissante, y compris de la part de la science

et de la technique. Cette seconde modernité est ce que Beck nomme la société de « la non-

connaissance » (non-knowledge).

II.4.5.3. Les systèmes complexes

Cette vision peut être complétée par l’analyse des systèmes complexes du sociologue

américain Charles Perrow. D’après les travaux de ce chercheur, un système complexe

comporte plusieurs sous-systèmes qui peuvent être proches, et qui peuvent présenter des

connexions communes, avec certains composants du système. À l’inverse, un système simple

(linéaire) présente une séparation spatiale et temporelle entre ses divers processus et unités.

Ainsi, les systèmes complexes sont plus efficaces, mais les systèmes simples sont moins

risqués. Par ailleurs, un second point remarquable de l’analyse de Perrow est que les

systèmes complexes dont les sous-systèmes sont fortement interdépendants ne comportent pas

de moyen d’absorber les chocs entre les divers éléments, ce qui s’apparente à une cohérence

élevée (d’après la dénomination de Roy Rappaport) et qui conduit à une rigidité structurelle.

D’après Charles Perrow, les solutions technologiques tendent à accroître la complexité du

système et à resserrer le couplage des différents sous-systèmes, autrement dit à augmenter la

cohérence dudit système, et donc à rigidifier la structure du système, le rendant ainsi moins

capable de s’adapter et d’absorber les chocs.

II.4.5.4. La théorie des risques appliquée au dessalement

La question du dessalement de l'eau de mer dans le cadre de l'adaptation et de la

maladaptation est donc particulièrement intéressante, car elle soulève de nombreux débats sur

ce qu'on entend par maladaptation. La publication dont est tirée la revue de littérature sur les

risques, présente le dessalement de l'eau de mer comme "the advent of maladaptive climate

responses"61 [78]. Alors que selon les auteurs la « crise climatique » aurait pu fournir

l’impulsion nécessaire à la transformation en profondeur de notre économie non soutenable

basée sur la consommation de produits et services dont la production est énergivore et conduit

à d’importantes émissions de GES, dans la pratique le discours encadrant l’adaptation au

changement climatique est bien plus timoré, et est de plus en plus focalisé sur les solutions

techniques et technologiques permettant de maintenir un développement dans les conditions

(non-soutenables et inéquitables) actuelles.

61 L'avènement des réponses climatiques maladaptées.

Page 111: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

100

Dans cet article, les réponses au changement climatique qui sont inflexibles, statiques vis-à-

vis des évolutions des conditions climatiques, non participatives (donc dirigées par des

experts), peuvent être considérées comme maladaptatives, si en définitive elles

augmentent la vulnérabilité existante, en créent une nouvelle, ou bien la transfèrent d’un

système à un autre.

Pour illustrer leur propos, les deux chercheurs présentent un projet de dessalement à la

frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans le golfe de Californie. Ce projet binational

entre le Sonora (état du Nord du Mexique) et l’Arizona a pour objectif d’augmenter l’offre

en eau pour ces deux états. L’usine à proprement parler doit être installée du côté mexicain, à

Puerto Peñasco qui est une station balnéaire récente, très prisée de la population d’Arizona.

L’eau est un élément clé dans le développement économique de cette région, du fait

notamment du tourisme, or les nappes phréatiques appauvries ne permettent plus de maintenir

cette croissance. De l’autre côté de la frontière, l’eau dessalée serait le moyen de garantir

l’approvisionnement en eau des villes de l’Arizona et du Nevada que sont Phoenix, Tucson

et Las Vegas, tout en alimentant les infrastructures agricoles de Yuma. Ainsi, les autorités

municipales de Puerto Peñasco d’une part, et les représentants des gestionnaires de la

ressource en eau du Nevada et d’Arizona d’autre part, voient dans ce projet d’usine de

dessalement l’unique solution au problème actuel d’approvisionnement en eau. Ce projet

aurait donc la faveur des pouvoirs publics locaux, mais également celle de la banque

participant au financement de ce projet, la NADB (North American Development Bank)62.

Pourtant, en effectuant une analyse du risque s’appuyant sur les théories du risque exposées

précédemment, les auteurs montrent que le projet de dessalement n’est pas le meilleur.

Sur le plan de la production de risques, il faut garder à l’esprit que l’augmentation de la

consommation d’eau nécessitant selon certains, une augmentation de la distribution d’eau, est

consécutive de l’urbanisation et de l’industrialisation de la frontière en question, associées à

un mode de vie dans lequel la consommation d’eau est importante, ce qui a conduit à rendre

cette région aride très vulnérable à la pénurie d’eau. Il semblerait donc que cette vulnérabilité

soit le fruit de l’idée (culturellement ancrée) selon laquelle la Nature est robuste, et l’Homme

est capable et en droit de la contrôler, reposant sur une confiance en la science et la technique,

poussée à son paroxysme.

62 Jorge Garcés, Directeur Général de la NADB a dit lors d’une conférence que : « Desalination will be an important part of meeting future water needs »

Page 112: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

101

En ce qui concerne le deuxième point relatif à l’anticipation des risques, bien que peu de

littérature s’intéresse de près aux impacts des projets de dessalement sur l’ensemble du

système social, il est possible d’anticiper au moins partiellement les conséquences d’un tel

projet. En utilisant l’analyse des systèmes complexes proposée par Beck et Perrow, il

semblerait qu’une usine de dessalement soit susceptible de comporter des effets secondaires,

en plus de ses effets directs négatifs, comme les rejets de produits ayant servi au procédé

d’osmose inverse, ou la dispersion du sel dans la mer entraînant une augmentation de la

salinité, laquelle pourrait avoir des répercussions sur les organismes aquatiques. Ces effets

indirects sont majoritairement une consommation énergétique importante63, qui

s’accompagne généralement d’émissions de GES (si l’énergie utilisée pour alimenter le

processus d’osmose inverse est renouvelable, alors c’est autant d’énergie qui ne substituera

pas de sources fossiles, et qui ne réduira donc pas les émissions de GES). Par ailleurs, en

créant un lien fort entre eau et énergie, le coût de la ressource en eau devient plus volatil, du

fait de la volatilité du coût de l’énergie, et du fait qu’une part plus faible du coût est composée

des coûts fixes pour le cas du dessalement.

D’après la théorie de Perrow, le dessalement augmente la cohérence et la complexité du

système, en rapprochant l’énergie et l’eau, sur le plan fonctionnel mais parfois également

structurel (quand l’usine de dessalement et la centrale électrique sont installées à proximité

l’une de l’autre pour profiter de la génération de chaleur par exemple). En outre, cette

situation pourrait créer une vulnérabilité géopolitique nouvelle, l’usine de dessalement ne se

trouvant plus sur un territoire sous la juridiction de ceux profitant de la ressource en eau.

Enfin, un autre impact indirect majeur de ce projet est l’incitation à la croissance de

l’urbanisation , rendue possible par le détachement de la contrainte sur la ressource en eau

qui avait limité cette urbanisation. Celle-ci a généralement des conséquences

environnementales significatives, comme la pollution de l’air, de l’eau, la fragmentation des

habitats, la salinisation de l’agriculture, la perte de biodiversité… qui n’ont pas

nécessairement d’impact sur le changement climatique, mais qui peuvent limiter la flexibilité

du système, en particulier dans le cas de l’érosion de la biodiversité, qui nuit à la résilience

écologique.

Concernant l’identification des gagnants et des perdants, comme dans le cas de Melbourne,

il semblerait que ce projet permette principalement le développement des complexes

63 environ 20 fois plus que le pompage de l’eau souterraine stockée à 60 mètres, 10 fois plus que le traitement des eaux de surface, et 4 fois plus que le traitement et la réutilisation de l’eau.

Page 113: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

102

touristiques, au détriment de la population locale qui verrait le coût de l’eau augmenter, ce

qui aurait un impact social non négligeable. En effet, les foyers ayant les revenus les plus

faibles seraient plus sévèrement touchés que les foyers plus aisés, l’élasticité prix des

premiers étant d’environ -0.53 alors que celle des seconds serait de -0.1164. Cependant, en

termes environnementaux, le bilan net n’est pas évident, puisque les impacts directs et

indirects sont certes nombreux, mais les bénéfices peuvent l’être également (comme la

reconstitution des aquifères souterrains).

II.4.5.5. Conclusion

Ainsi, il semblerait que les solutions d’adaptation technologiques (ou concrètes), qui

viseraient à répondre aux problèmes en se basant sur la même logique (technique) que celle

qui a mené à cette situation dans laquelle le système est cohérent et donc rigide, conduirait

notre système à précipiter cette crise climatique, ou du moins, réduirait d’autant la capacité du

système à se transformer et évoluer du fait de son interaction avec son Environnement. C’est

cette même logique qui, catalysée par le discours scientifique présentant le changement

climatique comme un phénomène abrupt, irréversible et catastrophique, donne lieu à des

propositions de géo-ingénierie, visant par exemple à contrôler le rayonnement solaire arrivant

sur Terre ou encore à réfléchir ce rayonnement grâce à la pulvérisation massive d’aérosols

dans l’atmosphère. Les solutions technologiques auraient donc, en un sens, de fortes

chances d’être de la maladaptation.

Une autre publication plus ancienne (datant de 2001) s’attachant à exposer les options

d’adaptation dans le secteur de l’eau pour le court-terme (10 ans) dans un contexte de

changement climatique au Canada [79], présente également les mesures de conservation de la

ressource comme appropriées, tandis que les grands projets nécessitant des capitaux

importants (à l’image des pipelines ou des réservoirs de stockage) augmentent la vulnérabilité

« en promouvant les comportements maladaptatifs »65 et sont donc inappropriés.

Pour conclure cette sous-section, comme les deux auteurs de l’article de 2012 du Global

Environmental Change [78] le suggèrent, il semble nécessaire d’aborder l’adaptation comme

un processus dynamique fondé sur l’apprentissage social entre, ainsi qu’au sein, des

institutions. En outre, du fait des contradictions inhérentes entre d’une part les moteurs du

64 pour une augmentation du coût de l’eau de 10 %, une réduction respective de 5.3 % et 1.1 % de la consommation. 65 « In contrast, major capital projects such as pipelines or new storage reservoirs are expensive, increase vulnerability (by promoting maladaptive behaviours), have the potential for significant environmental impacts, and represent a form of subsidy. Therefore, […] such measures are inappropriate.” [79] p.242

Page 114: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

103

capitalisme que sont la croissance et l’expansion, et d’autre part la conservation de la

ressource en eau et la protection de l’environnement, il semblerait que toute intervention ne

prenant pas en compte cette contradiction serait un échec, comme le suggère l’analyse des

risques. Par conséquent le changement climatique est une opportunité pour modifier en

profondeur l’orientation des institutions de nos sociétés, dans une direction plus soutenable, et

plus équitable. Cette transformation ne pouvant se faire de façon abrupte, un processus

transitionnel au cours duquel des mesures coercitives de limitation de l’expansion et de la

consommation d’eau (notamment) ainsi qu’une tarification plus équitable des ressources

seraient mises en place, afin de garantir la sécurité sociale et environnementale de la

population.

Pour résumer, selon Jon Barnett et Saffron O’Neill qui utilisent la définition du GIEC pour

la maladaptation, il y aurait cinq manières de se trouver dans une situation de maladaptation

au changement climatique. À savoir si la politique va à l’encontre de l’atténuation (notion

d’efficacité), si elle pèse sur les plus vulnérables (notion d’équité), si elle présente un coût

(social, économique ou environnemental) trop élevé (notion d’efficacité), si elle crée une

dépendance technologique (notion d’irréversibilité) ou bien si elle réduit l’incitation à

l’adaptation des modes de vie.

Une autre catégorisation des voies vers la maladaptation est rattachée à la manière dont

l’adaptation tente de réduire la vulnérabilité. Il semble que les stratégies qui cherchent à

augmenter la capacité d’adaptation ont un risque faible d’être de la maladaptation, tandis que

celles dont l’objectif est de réduire la sensibilité et l’exposition ont respectivement un risque

modéré et élevé d’être de la maladaptation au changement climatique.

Ainsi, il apparait que pour limiter les risques de maladaptation il soit pertinent de mettre en

place des mesures favorisant la résilience des systèmes socio-économiques, ce qui passe par la

flexibilité, la redondance, l’homéostasie, la planéité (ou décentralisation de certaines prises de

décision), la diversification et des espaces tampons pour amortir les chocs.

Enfin, en ce qui concerne le cas spécifique des solutions techniques ou technologiques mises

en place pour l’adaptation au changement climatique, il y aurait de fortes chances pour que ce

soit de la maladaptation, car elles créent de l’irréversibilité, de la cohérence et qu’elles sont

non-participatives. Ce point de vue est également la conclusion de l'application de la théorie

des risques, selon laquelle les solutions techniques ou technologiques augmentent la

vulnérabilité, en créent de nouvelles, ou bien la transfèrent juste d'un système à un autre.

Page 115: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

104

III. UN OUTIL POUR LA MALADAPTATION DES PROJETS

Bien que l’identification de la maladaptation paraisse relativement claire, il apparait qu’il

n’existe pas d’outil permettant de juger de la maladaptation à l’échelle d’un projet. Or dans le

contexte du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, une mesure a émergé de

la concertation grenelle préliminaire, visant à limiter cette maladaptation dans les

investissements publics (et privés). Ce chapitre aborde spécifiquement cette mesure.

Dans une première section sera exposée l’approche globale qui a été retenue pour la

conception de l’outil66 en précisant notamment les critères employés et les justifications de

l’utilisation de ceux-ci. La deuxième section est consacrée à la présentation d’études de cas

qui permettent de juger des capacités de cet outil sur diverses catégories de projets (eau,

énergie, d’adaptation), et d’en montrer les limites.

III.1. L’APPROCHE GLOBALE

Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique qui faisait suite à la Stratégie

Nationale d’Adaptation, a été adopté par la France en 2011. Bien que l’adaptation soit

majoritairement une question de protection des biens privés et non des biens publics comme

l’est l’atténuation, l’action de l’État dans ce domaine est justifiée pour plusieurs raisons,

explicitées au début du II.3.1 (p.81). Outre ces justifications, il semble cohérent que l’État

prenne en compte les projections climatiques dans les investissements auxquels il participe,

notamment si les projets financés ne sont pas en mesure de faire face au futur climat. Si tel est

le cas, l’investissement en question pourrait être considéré comme maladapté, voire

simplement comme du gaspillage d’argent public.

Certaines libertés ont été prises dans le cadre de la réflexion sur la conception de l’outil

demandé par le PNACC quant à la définition retenue de la maladaptation. En effet, la

maladaptation telle qu’elle est usuellement comprise, notamment dans les synthèses du GIEC,

correspond à des stratégies d’adaptation qui rendent le système auquel elles sont destinées,

plus vulnérable au changement climatique et non moins vulnérable. Or, il semblerait plus

intéressant qu’aucun projet, destiné ou non à l’adaptation, n’augmente la vulnérabilité du

système socio-économique à la contrainte climatique.

66 L’outil a été conçu pour fonctionner avec Microsoft Excel 2003 ou 2007.

Page 116: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

105

En un sens, l’approche adoptée par l’OCDE, selon laquelle la non-prise en compte du besoin

d’adaptation dans la conception d’un projet quel qu’il soit correspondrait à de la

maladaptation, parait plus pertinente dans le cas présent. Cela peut s’apparenter à la prise en

compte du risque lié au changement climatique dans l’ensemble des processus de décision,

qui permettra peu à peu de prendre également cette contrainte en amont, c'est-à-dire au niveau

de la conception même des projets. Comme l’écrit le géographe Alexandre Magnan, éviter les

maladaptations pourrait consister à « commencer par bien faire ce que l’on fait mal », et

constitue réellement un angle d’entrée privilégié pour mettre en œuvre l’adaptation [80].

Cependant, le fait de considérer, dans le cadre de la maladaptation, la totalité des

investissements et non simplement ceux conçus dans une optique d’adaptation, ne signifie

pas qu’il ne serait pas également nécessaire de compléter cela par une réflexion sur une

possible transformation, du moins partielle, du système socio-économique dans un but

d’adaptation. Cette réflexion plus en profondeur peut s’appuyer sur la conceptualisation

présentée au chapitre précédent, mais n’est pas intégrée à la conception de l’outil.

Cette section s’articule autour de deux sous-sections, la première traitant des objectifs visés

par l’outil, et la seconde exposant les critères employés par cet outil.

III.1.1. Les objectifs de l’outil

Tout d’abord, il convient de préciser que la volonté de prendre en compte la maladaptation (et

donc de l’éviter) à l’échelle des projets et non à celles des grandes stratégies (stratégies

programmatiques notamment) résulte du fait que l’adaptation est principalement un enjeu

local, qui concerne les communautés, et qui ne peut pas facilement être mis en place à

l’échelle d’un territoire étendu. Le rôle de l’État dans le cadre de l’adaptation est

principalement de fournir les outils et les informations permettant de prendre en compte la

contrainte climatique future, d’assurer la recherche, l’éducation et la formation des citoyens,

mais n’est pas d’agir directement à l’échelle des territoires, à l’exception des grandes

infrastructures transrégionales et des grands réseaux d’intérêt général.

Par ailleurs, le fait de traiter la question de la maladaptation à l’échelle projet permet de tendre

vers une meilleure planéité (raccourcissement de la chaîne de décision), une meilleure

homéostasie (du fait de la décentralisation de la régulation) et une amélioration de l’auto-

régulation et de la capacité d’apprentissage, ce qui contribue à éviter la maladaptation et à

favoriser la réorganisation si nécessaire ([55], [61]).

Page 117: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

106

D’après le chapitre précédent, il apparait que les critères à renforcer afin d’éviter la

maladaptation sont ceux qui favorisent la résilience du système, la maladaptation

correspondant globalement à une perte de flexibilité (voire une irréversibilité), une sur-

spécialisation, une perte d’autonomie, une perte d’auto-régulation, une complexification du

système (augmentant la cohérence de celui-ci).

Par conséquent, la recherche de la résilience systémique pourrait sembler une manière

convenable d’aborder la question de l’évitement des facteurs de maladaptation. En effet, la

résilience se caractérise par la flexibilité, la diversité, la planéité de la chaîne de décision,

l’homéostasie, la redondance et des capacités d’amortissement des chocs au sein du système

socio-économique. Par ailleurs, dans la dynamique représentée par la panarchie, la capacité

d’apprentissage et d’auto-organisation ainsi que la mémoire sont des caractéristiques

essentielles, notamment à la réorganisation des systèmes lorsque cela paraît nécessaire. Il est

cependant à noter que la réorganisation est généralement un processus considéré comme

irréversible.

En outre, comme cela a été mentionné (voir p.69), il semble plus efficace du point de vue de

la communication et de la transmission de l’information, de parler de résilience que de parler

de maladaptation, la première étant une dimension positive et souhaitable67, tandis que la

seconde est une dimension négative et non souhaitable. Il serait donc plus pertinent de parler

de la résilience climatique des projets, et non de leur maladaptation au changement

climatique, mais les deux notions sont presque similaires. Ceci est d’autant plus vrai que les

références académiques présentées précédemment, en particulier celles de Jon Barnett et

Saffron O’Neill, font un lien direct entre le risque de maladaptation et le type de stratégie

adopté pour réduire la vulnérabilité, la recherche de la capacité d’adaptation ayant peu de

risque d’être de la maladaptation, contrairement à la réduction de la sensibilité et la réduction

de l’exposition qui ont respectivement un risque modéré et élevé d’être maladaptées.

Dans le même ordre d’idée, l’objectif de cet outil est d’accompagner les acteurs

économiques dans la prise de conscience de la vulnérabilité de leur projet au climat

(variabilité naturelle et changement climatique). Cela pourrait être perçu comme l’approche

complémentaire de l’étude d’impact environnemental (EIE) prévue pour certains projets dans

le code de l’Environnement : au lieu d’analyser l’impact du projet sur l’environnement et le

climat (ce qui fait partie de l’EIE), l’analyse faite serait celle de l’impact potentiel du climat

67 Tant que la résilience est en réalité ce que nous devrions nommer capacité d’adaptation, c'est-à-dire la dimension positive de celle-ci.

Page 118: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

107

sur le projet. Cela permet de replacer le projet au cœur des enjeux, contrairement à l’EIE dans

laquelle le cœur est l’environnement et le climat. Cette approche offre donc l’avantage de

probablement davantage intéresser les acteurs économiques qui pourront utiliser cet outil dans

leur propre intérêt et non dans l’intérêt de la protection de l’environnement et du climat,

autrement dit du bien public.

Cet outil doit donc être en mesure de favoriser la résilience dans les projets dans le but

d’éviter la maladaptation, mais représente aussi le moyen d’améliorer la capacité

d’apprentissage. En d’autres termes, l’instrument et les critères doivent être l’occasion de

sensibiliser les porteurs de projets au changement climatique, très incertain quant à son

amplitude et à sa vitesse. C’est la raison pour laquelle un guide dédié aux porteurs a

également été rédigé dans le cadre de cette mesure du PNACC, et que l’outil en lui-même doit

être simple d’utilisation.

Ainsi, l’objectif est à la fois de limiter le financement d’investissements maladaptés, et de

sensibiliser à la contrainte climatique qui pourrait affecter le fonctionnement des projets, voire

même remettre en question la pertinence de certaines infrastructures, technologies, stratégies

économiques… En un sens, cela correspond à ce que l’on nomme généralement l’approche

mainstreaming de l’adaptation, qui vise à intégrer la contrainte climatique dans tous les

secteurs et toutes les prises de décision, au même titre que tous les autres types de risques.

Néanmoins, la prise en compte du risque climatique est particulière du fait des incertitudes

comme cela a été abordé au cours des deux chapitres précédents, et les méthodes usuelles de

gestion du risque (type Monte-Carlo) ne sont pas tout à fait pertinentes, du fait de la non-

probabilisation des scénarios et des modèles. C’est un argument de plus en faveur de la

résilience par rapport aux solutions irréversibles (hard strategies).

Aussi, une publication de 2012 de Journal of Environmental Management montre qu’il est

bénéfique d’employer une approche par la résilience, ne serait-ce qu’en complément de

stratégies d’adaptation faisant appel à de grands projets d’infrastructures [81]68. Par

conséquent, les projets même non-dédiés à l’adaptation, en favorisant la résilience, sont utiles

à cette adaptation du système socio-économique, ce qui justifie l’idée selon laquelle éviter la

maladaptation revient à commencer l’adaptation.

68 Au travers de cet article, les auteurs abordent la question de la résilience infrastructurelle (grâce à des technologies flexibles, fiables et robustes), mais également de la résilience institutionnelle et de la résilience communautaire, dans le cadre de projets d’adaptation mis en place dans les pays les moins développés d’Asie.

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108

Enfin, il est nécessaire de préciser que dans le cadre de ce travail, il a été décidé de ne pas

avoir d’ a priori sur certaines technologies, notamment le dessalement d’eau de mer, qui

peut, dans certaines conditions spécifiques ne pas être maladapté. Il est en de même pour les

canons à neige par exemple. Ainsi, bien que le chapitre deux conclut que les solutions

technologiques cherchant à faire de l’adaptation ont des risques élevés d’être de la

maladaptation, l’outil reste tout à fait neutre à ce sujet. L’outil doit en revanche permettre de

discriminer un projet selon le département dans lequel il est implanté, du fait des différences

attendues dans le changement climatique, selon les projections du portail DRIAS, les futurs du

climat. Par conséquent, cet outil doit permettre de faire de la hiérarchisation de projets selon

la dimension « maladaptation », et doit également fournir quelques informations donnant

l’opportunité d’améliorer la conception des projets qui seraient les plus maladaptés.

III.1.2. Les critères utilisés

Tout d’abord, les éléments climatiques qui sont pris en compte dans cette étude sont des

paramètres liés aux précipitations (anomalie du cumul des précipitations annuelles, anomalie

de précipitations estivales), aux températures (anomalie de température moyenne annuelle,

anomalie de température maximale annuelle, anomalie du nombre de jours de vague de

chaleur par an)69, aux débits des cours d’eau (variation moyenne des débits annuels [82]) et

le coefficient de sensibilité des forêts au feu [83].

D’après les principaux impacts du changement climatique en France métropolitaine et la

revue de littérature présentée à travers les chapitres I et II de ce document, cinq thèmes sont

apparus majeurs dans la détermination de la maladaptation d’un projet. Ces cinq thèmes sont :

l’eau, l’énergie, la dépendance fonctionnelle, la dépendance structurelle et

l’implantation géographique.

III.1.2.1. La durée de vie du projet

Tous les projets à proprement parler ne seront pas soumis à cet outil de maladaptation (ou de

résilience), car les projets dont la durée de vie est faible (de l’ordre de 5 ans) ne sont pas un

réel enjeu car ils n’auront pas l’occasion de devoir faire face au changement climatique, qui

est un phénomène des temps longs. Néanmoins, d’après les critères de maladaptation de Jon

Barnett et Saffron O’Neill, le fait d’aller à l’encontre des incitations à l’adaptation étant une

manière d’être maladapté, il pourrait être estimé que tous les projets quelque soit leur durée de

69 Pour les données liées aux précipitations et aux températures, les projections du portail DRIAS les futurs du climat ont été utilisées, plusieurs modèles sont disponibles dans l’outil, et le scénario d’émissions employé est le scénario du GIEC A1B.

Page 120: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

109

vie, soient soumis à cette étude. En effet, les projets n’étant financés que pour quelques

années peuvent tout de même retarder les incitations à l’adaptation, de manière moins

problématique que les grands projets (d’infrastructures notamment) qui créent une

dépendance à la trajectoire technique, une irréversibilité plus importante.

III.1.2.2. L’eau

En ce qui concerne l’eau, une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en

été est attendue, tandis qu’il n’y a pas de signal évident de changements significatifs pour la

période humide. Par ailleurs, une augmentation des évènements caniculaires ou même plus

simplement des jours de forte chaleur, est à prévoir. Ainsi, un projet qui serait amené, du fait

du changement climatique, à voir sa consommation d’eau augmenter, qui plus est durant la

période sèche, ou bien qui est fortement sensible aux évènements caniculaires serait

davantage enclin à être maladapté, notamment s’il est censé s’implanter dans une région où

cette diminution de la ressource en eau est particulièrement marquée.

III.1.2.3. L’énergie

L’ énergie est également un point d’intérêt. Du fait du changement climatique, la ressource

énergétique pourra être amenée à diminuer, en particulier pour la ressource hydroélectrique

(dans certaines régions), la biomasse, et le nucléaire lors de certains évènements très

spécifiques de forte chaleur pendant lesquels le refroidissement ne pourrait plus être assuré

sans enfreindre la réglementation sur les températures de rejet. En outre, du fait de l’impact de

la chaleur sur le rendement du réseau électrique, plus la température augmente, plus les pertes

en ligne sont importantes. Enfin, la particularité du thème de l’énergie par rapport à celui de

l’eau est qu’il permet un couplage avec la problématique de l’atténuation, et que le critère de

maladaptation concernant les émissions de GES peut être employé. En effet, une question

sur le type d’approvisionnement énergétique est incluse, afin de considérer ce critère de

maladaptation.

III.1.2.4. La dépendance fonctionnelle

La dépendance fonctionnelle est une manière de prendre en compte les impacts indirects du

changement climatique sur une activité. En effet, bien que le changement climatique

n’impacte peut-être pas directement la filière dans laquelle s’inscrit le projet, il se peut qu’un

élément de la chaîne de valeur de ce qui est produit ou proposé comme service soit plus

contraint par le climat, que cet élément se trouve en amont ou bien en aval de l’activité. En

effet, si le climat pèse sur l’amont de cette activité, il se peut que des difficultés à maintenir le

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110

service soient rencontrées. De même, si c’est l’aval de l’activité qui se trouve impacté, des

difficultés à vendre ou délivrer le service ou produit pourront être rencontrées. C’est par

exemple le cas du tourisme, qui peut se trouver bouleversé par les nouvelles conditions

climatiques, et réduire les activités économiques qui en dépendent. Le changement climatique

va particulièrement impacter l’agriculture, la pêche, la sylviculture, l’eau, la biodiversité, ce

qui peut avoir des effets négatifs dans divers secteurs outre le tourisme déjà cité, tels

l’innovation pharmaceutique, la confection bois… Ainsi, il est nécessaire de s’interroger sur

la sensibilité aux stimuli climatiques, non seulement de l’activité du projet considéré, mais

également de l’amont et de l’aval de celle-ci. Enfin, une question concernant les rejets

néfastes est également posée dans cette section, qu’il s’agisse de GES, mais également de sel,

de chaleur, polluants… Par exemple, si un projet urbain est amené à accroître ses rejets de

chaleur lors des épisodes caniculaires (comme dans le cas de la climatisation), ce dernier va

amplifier le phénomène d’Îlot de Chaleur Urbaine (ICU), ce qui n’est pas souhaité car cela

crée une boucle de rétroaction positive (le projet amplifie le phénomène qui participe à la

cause qui l’a rendu nécessaire).

III.1.2.5. La dépendance structurelle

Ensuite, la dépendance structurelle correspond à la dépendance du projet aux divers

réseaux, tels le transport, l’énergie, l’eau, les TIC. Cette catégorie est l’occasion d’intégrer des

aspects de résilience, notamment la question de la flexibilité, de la diversification et de la

redondance. Il est intéressant de savoir si le projet étudié serait capable, en cas de défaillance

d’un réseau, de faire du report sur d’autres (par exemple de la route vers les voies ferrées, ou

bien de l’électricité vers le gaz) afin de garantir la délivrance du service, ou bien présente une

capacité de stockage dans le cas du réseau d’eau notamment. En effet, les réseaux sont

susceptibles d’être impactés par des évènements climatiques, et la flexibilité, la diversification

et la redondance sont des manières d’absorber les chocs provoqués par ces évènements.

III.1.2.6. L’exposition

Enfin, l’exposition est le dernier thème pris en considération par l’outil. L’objectif est de

savoir si le projet se trouve dans une zone particulièrement exposée à des risques climatiques.

Cette catégorie doit prendre en compte les forêts (recrudescence du risque de feu de forêt lié

au changement climatique), les zones littorales à basse altitude (remontée du niveau de la

mer et modification du trait de côte), les zones inondables (qui resteront inondables malgré la

baisse globale des précipitations). Par ailleurs, la possibilité d’être affecté par le retrait-

gonflement des argiles (bien que ce phénomène ne soit pas une conséquence directe du

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111

changement climatique, il risque d’y avoir une augmentation des projets affectés par cela), et

l’augmentation des cycles gel-dégel peuvent engendrer une augmentation des coûts de

maintenance, des routes notamment, mais plus généralement de tous les revêtements et bétons

ainsi que des bâtiments suivant la profondeur des fondations, et la qualité (argileuse ou non)

des sols.

III.1.3. L’approche en elle-même

III.1.3.1. L’aspect qualitatif

Plus que la dimension quantitative des consommations en eau et énergie, ce sont les aspects

qualitatifs par rapport à la ressource qui sont essentiels pour l’appréciation de la

résilience/maladaptation. Autrement dit, il est plus important de savoir si la consommation

d’eau et d’énergie seront amenées à croître du fait du changement climatique, et si la tendance

locale est à la baisse ou non, que de savoir si ces consommations sont importantes ou non.

Ainsi, à travers le questionnaire, la tendance future de ces consommations et donc de ces

dépendances présente plus d’intérêt que les valeurs elles-mêmes. En effet, en anticipant un

changement du climat, si un projet a une consommation d’eau ou d’énergie corrélée avec la

hausse des températures ou la réduction des précipitations, et que la région d’implantation du

projet connait effectivement un de ces deux cas (d’après les projections), il peut être estimé

que le projet tend vers la maladaptation. Il n’y a donc pas d’a priori, les projets peuvent être

plus ou moins maladaptés selon la zone (département) dans laquelle ils sont installés. Par

exemple, financer un projet qui consommera plus d’eau à l’avenir dans une région dans

laquelle les débits des cours d’eau vont augmenter n’est pas de la maladaptation par rapport

au même projet qui serait installé dans une région qui connaitra une réduction des débits.

III.1.3.2. La détermination de la sensibilité-résilience

La vulnérabilité telle qu’elle est comprise dans le cas présent dépend non seulement de

l’exposition aux aléas, mais également de la sensibilité et de la capacité d’adaptation (partie

positive de la résilience systémique). L’approche adoptée est inspirée librement des diverses

approches basées sur les risques et des approches intégrées. Les aspects sociaux ne seront pas

pris en considération puisque l’échelle projet ne s’y prête pas. En ce qui concerne la

sensibilité, elle sera déterminée par l’intermédiaire d’une série de questions qualitatives, à

laquelle devra répondre la personne souhaitant déterminer la maladaptation d’un projet.

L’ exposition sera quant à elle évaluée grâce aux projections climatiques du portail DRIAS les

futurs du climat, pour le département d’implantation du projet. Enfin, la capacité

d’adaptation du projet sera approchée par l’intermédiaire de la résilience systémique, c’est-

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112

à-dire à travers la dépendance structurelle et la dépendance fonctionnelle du projet, grâce au

questionnaire.

Ainsi, les réponses aux diverses questions sur chacun des cinq thèmes permettent d’évaluer

une sorte de sensibilité-résilience climatique, laquelle nécessite d’être croisée avec les

données d’exposition liées à l’emplacement du projet (grâce à la connaissance du

département d’implantation). Ainsi, il n’y a pas de catégorie spécifique regroupant les

questions de capacité d’adaptation, mais plutôt une approche transverse de cette notion, à

travers les cinq thèmes.

Sur le plan pratique, il convient de préciser que les questions doivent être suffisamment

simples pour que la plupart des acteurs soient capables d’y répondre sans être experts du

changement climatique. Par ailleurs, comme le même outil doit être en mesure d’analyser tous

les types de projets (infrastructures, énergie, eau, transport, industrie…), il est nécessaire que

les questions composant ce dernier soient très générales. Enfin, dans le but de ne pas instaurer

de biais lié à une pondération favorisant et désavantageant un thème par rapport aux autres, il

a été décidé de pondérer les quatre thèmes majeurs (à savoir eau, énergie, dépendance

structurelle et dépendance fonctionnelle, l’exposition ayant été rattachée à la dépendance

structurelle) de la même manière quelque soit le nombre de questions posées pour chaque

catégorie. Chaque thème est noté sur 5 points (à l’étape de la sensibilité), ce qui fait un total

de 20 points. Par ailleurs, plus le projet est maladapté, plus le score est élevé. À l’inverse,

plus le score s’approche de zéro, plus le projet est résilient.

III.1.3.3. Le calcul de la vulnérabilité

Le score avant croisement (pour les questions concernées par le croisement avec les

projections) est multiplié par un nombre représentatif de ce qu’on anticipe comme

évolution du paramètre (précipitation, température…) à l’avenir. Si ce paramètre est censé

s’améliorer (par exemple, si les débits dans une région sont susceptibles d’augmenter d’après

les projections), ce nombre sera inférieur à 1 (et le score après croisement sera plus petit que

celui avant croisement), et si la situation est censée se dégrader, ce nombre sera supérieur à 1

(et le score après croisement sera supérieur à celui avant croisement). Enfin, s’il n’y a pas de

modification du paramètre, le nombre est 1.

De fait, certains départements de France métropolitaine connaîtront une augmentation des

précipitations, et le nombre correspondant pourra être inférieur à 1, mais pour des paramètres

comme la hausse des températures, aucun département de France ne verra la température

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113

moyenne diminuer ou même rester stable, ce qui signifie que le nombre sera toujours

supérieur à 1 pour les questions croisées avec ce paramètre. Il a été choisi de prendre une

règle linéaire pour déterminer ce nombre, 1 étant la situation actuelle, et le nombre le plus

élevé (que l’utilisateur peut modifier, et qui n’a une influence que sur le poids relatif de

l’exposition dans le score final) étant attribué aux départements ayant le score le plus

défavorable.

III.1.3.4. Que faire du résultat ?

L’outil permet de faire de la hiérarchisation et de la comparaison de projets sur les aspects

liés à la maladaptation et à la dépendance au changement climatique. Il n’a pas été jugé

pertinent de fixer un seuil à partir duquel les projets sont catégorisés maladaptés, mais plutôt

d’accompagner les porteurs de projet et les décideurs afin d’améliorer la résilience de leurs

investissements, d’abord dans leur propre intérêt. C’est une des raisons pour lesquelles le

score agrégé (la somme des quatre thèmes, pondérée par l’exposition) peut servir à estimer la

maladaptation, mais qu’il est tout de même nécessaire de conserver les scores de chacun des

quatre thèmes, afin d’être en mesure d’identifier les aspects perfectibles de l’investissement

étudié.

Une manière de fixer un critère de décision sur l’investissement est de comparer le score du

projet dans la région considérée avec le score de ce même projet dans la meilleure région

hypothétique de France (c’est-à-dire celle qui aurait chaque paramètre de croisement égal au

meilleur résultat) et dans la plus mauvaise région hypothétique de France (celle qui aurait

chaque paramètre de croisement égal au moins bon résultat). La décision d’investissement

pourrait être prise selon la position entre ces deux scores de régions hypothétiques.

Néanmoins, ce critère n’est utile qu’à un investisseur qui a le choix entre plusieurs régions. Le

porteur ne peut utiliser ce critère pour améliorer les caractéristiques de son projet lors de la

conception, puisque ce paramètre permet simplement de comparer le score agrégé du projet

par rapport à un projet identique mais dans des départements différents. Ainsi, il convient

également de conserver les scores des quatre thèmes (eau, énergie, dépendance fonctionnelle,

dépendance structurelle) avant croisement, car c’est en fonction de cela que le concepteur

peut apporter des modifications pour améliorer le score.

Par conséquent, les indicateurs importants dans l’évaluation de la maladaptation d’un projet

sont non seulement les scores croisés de chaque thème, mais aussi les scores avant la prise en

compte de l’exposition, les premiers servant plutôt à l’investisseur, et les seconds au porteur.

Cependant, le critère de décision d’investissement est propre à chaque utilisateur de l’outil et

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le présent document ne fait que proposer certaines pistes70 parmi d’autres, et n’a pas pour

vocation d’imposer un point de vue.

III.1.4. Déroulement de l’utilisation de l’outil

Avant toute chose, cet outil peut être utilisé par tout type d’investisseur, institutionnel ou

privé, souhaitant prendre en compte la question du changement climatique dans l’analyse de

risques en amont de la décision d’investissement. Le porteur de projet sollicitant un

financement n’aura pas à répondre au questionnaire utilisé par l’outil (voir Annexe B-1), mais

le financeur devra au préalable lui avoir fourni le guide d’accompagnement, lui permettant

de prendre en compte le changement climatique dans la conception de son projet. Par ailleurs,

ce guide doit permettre au porteur, non seulement d’être sensibilisé à la contrainte climatique,

mais également d’inclure dans son dossier de candidature les éléments qui permettront au

financeur de remplir le questionnaire71. Par exemple, il peut être décidé d’intégrer de

nouvelles sections au dossier de candidature, dans lesquelles le porteur doit décrire la façon

dont il conçoit l’évolution du climat dans la zone d’implantation du projet, la sensibilité de

sont projet au climat etc.

L’utilisation de l’outil se décompose en plusieurs étapes : il convient en premier lieu de

décider si le projet sera soumis ou non à l’étude de la maladaptation, et ce, en fonction de la

durée de vie de l’investissement. Trois classes de durée de vie sont à considérer :

-inférieure à 5 ans (le projet n’a pas besoin d’être étudié)

-entre 5 et 20 ans (le projet devrait être étudié)

-supérieure à 20 ans (le projet doit être étudié)

Remarquons qu’une manière de trancher dans le cas de la catégorie intermédiaire est de

s’intéresser aux hypothèses prises (croissance économique, évolution du coût de l’énergie…)

lors de l’analyse de risques. Si un porteur de projet a pris comme hypothèse une stagnation du

coût de l’énergie, ou bien une croissance économique élevée, alors il pourrait paraitre

pertinent de soumettre le projet à l’étude de la maladaptation, car il est possible que ces

hypothèses ne soient pas vérifiées.

70 Il en est de même pour la pondération des différents thèmes. Un acteur souhaitant mettre l’accent sur un thème (l’eau par exemple) pourra modifier la pondération afin de rendre ce thème plus important dans la notation. 71 Il n’est pas recommandé que le porteur de projet remplisse directement le questionnaire lui-même, afin de ne pas induire de biais.

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La deuxième étape correspond au remplissage du questionnaire (voir Annexe B-1) par

l’institution souhaitant tester le projet d’investissement, à partir des informations qu’elle

détient sur celui-ci, grâce notamment à l’hypothétique dossier de candidature.

Une fois que les quatre thèmes (eau, énergie, dépendance fonctionnelle, dépendance

structurelle) ont été renseignés et que les vingt-et-une questions ont une réponse, l’utilisateur

de l’outil doit permettre le croisement, en indiquant le département dans lequel se trouve le

projet.

Le croisement se fait à l’aide des informations concernant les précipitations, les températures,

les débits d’eau et les forêts. Toutes les réponses ne sont pas croisées, et seules celles faisant

référence aux consommations d’eau et d’énergie, à la forêt et à la sensibilité directe au climat

sont employées dans le croisement avec l’exposition.

Ensuite, les résultats sont disponibles, et permettent non seulement de voir comment se

positionne le projet dans le département considéré par rapport aux départements

hypothétiques, mais aussi d’identifier les thèmes sur lesquels le projet n’est pas sensible (ou

résilient), et ceux sur lesquels le projet pourrait être amélioré. Cependant, l’outil ne fournit

pas de solutions d’amélioration, et permet simplement d’identifier les dimensions sur

lesquelles des progrès peuvent être faits.

Cet outil a d’abord été conçu à partir de la théorie et en particulier des caractéristiques

favorisant la résilience (redondance, flexibilité, diversification, planéité, homéostasie,

stockage), mais il a ensuite évolué par processus itératif au fur et à mesure de son utilisation

sur des cas concrets. Cela lui garantit donc un minimum de praticabilité.

La section suivante présente quelques études de cas pour illustrer l’utilisation de cet outil et

mettre en exergue certaines limites.

III.2. ÉTUDES DE CAS

Le questionnaire sur lequel est fondé l’outil est donné en Annexe B-1 et le guide servant à

accompagner le porteur de projet est donné en Annexe B-2.

Cette section s’articule en deux sous-sections, chacune correspondant à une étude de cas sur

un type de projet particulier. Les projets utilisés sont librement inspirés de projets réels, mais

ne correspondent pas exactement à des projets qui ont été, sont ou seront financés.

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III.2.1. Les projets liés à l’énergie

Cette sous-section présente l’étude de maladaptation d’un projet hypothétique de production

d’énergie dans une ville de France. Cette production peut s’appuyer sur des ressources

fossiles comme le gaz naturel, ou bien utiliser des ressources renouvelables comme la

géothermie ou encore la biomasse. Chaque technologie présente ses propres avantages et

inconvénients.

Sur l’aspect sensibilité-résilience tout d’abord (c’est-à-dire avant de faire intervenir

l’exposition à travers le croisement des données), il est nécessaire de s’intéresser au

prélèvement d’eau nécessaire au fonctionnement de l’installation. Dans le cas d’une centrale

thermique produisant de l’électricité, l’eau est utilisée pour la production de la vapeur servant

à faire tourner la turbine et au refroidissement, laquelle permet la production d’électricité.

Pour l’hydroélectricité, l’électricité d’origine éolienne et solaire (photovoltaïque ou à

concentration), l’eau n’intervient pas dans le processus, ou bien de manière plus réduite dans

le cas du refroidissement des panneaux photovoltaïques72 ou bien des dispositifs de

concentration. Néanmoins, il est clair que l’hydroélectricité est sensible à la ressource en eau,

par la variation des débits. En ce qui concerne les centrales géothermiques produisant de

l’électricité, la plupart du temps l’alternateur tourne sous l’effet de la vapeur qui remonte

naturellement de la terre, grâce aux forages73. Mais le projet peut également être celui de la

production d’énergie sous forme de chaleur (d’origine renouvelable ou non).

En prenant comme exemple une centrale solaire à concentration (CSP) de production

d’électricité, les résultats fournis par l’outil peuvent varier selon les caractéristiques

intrinsèques du projet. En particulier, selon que le refroidissement est assuré grâce au réseau

d’eau classique, ou bien par l’intermédiaire d’un forage, ou encore si le projet a prévu une

capacité de stockage en cas de rupture de l’approvisionnement en eau, le score final va

pouvoir varier. Par ailleurs, si le refroidissement n’est pas assuré par l’eau mais par l’air, il

n’y a plus de dépendance à cette ressource, et le score devrait être amélioré.

En ce qui concerne les allures de consommation, si le refroidissement se fait par eau, il est

probable que la consommation d’eau soit plus élevée durant la saison sèche que durant la

saison humide, et que les consommations d’eau et d’énergie auront tendance à augmenter

dans un climat plus chaud et plus sec.

72 Les rendements des panneaux décroissent avec la température. 73 Néanmoins d’autres technologies existent. Pour plus de détails sur ces autres technologies, consulter : www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/geothermie-haute-temperature

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Pour les questions relatives à la dépendance fonctionnelle, il est nécessaire de savoir à quel

type de clients la centrale délivre de l’électricité, afin d’identifier s’ils sont sensibles au

climat. Par exemple, si la centrale solaire est censée fournir de l’électricité à une usine de

dessalement d’eau de mer, il est possible que cette usine ait besoin de fournir plus d’eau

durant la saison sèche que durant la saison humide, auquel cas l’aval pourrait être considéré

comme sensible au climat. Par ailleurs, pour déterminer la réponse à apporter à la sensibilité

de l’amont du projet au climat, il est nécessaire de savoir d’où provient l’eau utilisée au

refroidissement, car elle peut venir d’un cours d’eau affecté par le changement climatique par

exemple. Enfin, la réponse à la question sur l’augmentation des rejets dans l’environnement

(sel, chaleur, GES…) en cas d’augmentation de la température, dépend également de la

technologie (pour le stockage de l’énergie par exemple, sous forme de sels fondus, des

huiles…), mais quoi qu’il arrive la chaleur rejetée augmentera avec la température.

Pour les questions sur la dépendance structurelle, du point de vue résilience au réseau

énergétique, les systèmes de production sont peu résilients : en cas de défaillance, ils ne

peuvent plus assurer la délivrance de leur service. En revanche, comme ils ne sont pas

sensibles aux réseaux de transport, le score reflète une bonne résilience de ce point de vue. Il

n’en est pas de même pour les réseaux de télécommunication, qui sont généralement

indispensables à la délivrance du service, ce qui dégrade le score final. Enfin, selon la

technologie employée pour le refroidissement, une défaillance du réseau d’eau peut engendrer

ou non une rupture dans la délivrance du service.

La Figure III-1 compare les résultats donnés par l’outil pour la sensibilité-résilience d’une

centrale solaire à concentration dans le cas d’une technologie de refroidissement à l’air, et

dans le cas d’une technologie de refroidissement à l’eau (en supposant que la source d’où

provient cette eau est susceptible d’être affectée par le changement climatique), avant le

croisement avec des données de projection climatique. Dans les deux cas, il a été fait comme

hypothèse que l’aval de la centrale n’était pas du tout sensible à l’évolution du climat74.

74 Si nous avions au contraire fait l’hypothèse d’une grande sensibilité de l’aval à l’évolution du climat, l’écart entre les deux technologies n’aurait pas évolué, mais les deux scores auraient augmenté.

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Figure III-1 Scores donnés par l’outil pour une centrale solaire de production d’électricité, selon deux technologies de refroidissement sans prise en compte de l’exposition

Nous pouvons donc remarquer que les scores de tous les thèmes à l’exception de celui de

l’énergie sont modifiés par le type de technologie employée. Le thème de l’eau est

logiquement celui qui montre le plus d’écart entre les deux technologies (plus de 50 % de

l’écart total). En effet, un projet de centrale nécessitant le refroidissement par eau est de fait

moins résilient qu’un projet de refroidissement par air, à cause de cette dépendance à la

ressource en eau. Cette dépendance combinée au fait que le besoin de refroidissement sera le

plus élevé pendant les périodes où la ressource est la plus rare (période sèche) dégrade le

score. Par ailleurs, cette dépendance impacte également le thème de la dépendance

structurelle, puisque le projet peut être perturbé par une défaillance du réseau d’eau,

contrairement à la technologie basée sur le refroidissement par air. La technologie de

refroidissement sans eau (par exemple, la technologie de solaire à concentration parabole-

Stirling) est donc meilleure sur le plan de la maladaptation, mais le problème qu’elle pose est

d’ordre économique.

Ainsi, l’outil peut être utilisé pour identifier les points sur lesquels un projet peut améliorer sa

résilience.

Si nous supposons que, malgré les résultats présentés, la solution du refroidissement utilisant

de l’eau soit choisie, le score final après croisement avec l’exposition varie selon les

caractéristiques du département.

D’après la Figure III-2, tous les thèmes se dégradent quelque soit l’emplacement, à

l’exception de l’eau, dont le score s’améliore dans le cas du « meilleur » département (qui

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reste un département hypothétique), grâce à l’augmentation des débits qui est attendue dans

certains départements français (néanmoins rares)75.

Figure III-2 Influence de l’exposition sur les scores donnés par l’outil pour une centrale solaire à refroidissement à eau

Ainsi, l’outil peut aider à la détermination de l’implantation d’un projet.

Une autre comparaison qui pourrait être intéressante est celle de différentes technologies de

production énergétique (chaleur pour la chaudière biomasse, électricité pour CSP et éolien)

(voir la Figure III-3) pour un projet proche d’une zone boisée en ce qui concerne la chaudière.

Figure III-3 Comparaison de la résilience de trois technologies de production énergétique

La première particularité du cas de la chaudière biomasse est que dans le cadre d’un climat

plus chaud et plus sec, les consommations diminuent, puisque le projet est fait pour

alimenter en chaleur. Le deuxième élément remarquable est la grande dépendance du projet à

l’amont de la chaîne pour l’approvisionnement en bois. Les projets de biomasse sont

généralement implantés à proximité de massifs boisés, c’est la raison pour laquelle cette

caractéristique a été prise en compte pour le cas de la chaudière et non pour les autres.

75 Les scores obtenus dépendent du choix que fait l’utilisateur pour le paramètre représentant le poids relatif de l’exposition dans le score final. Pour le cas présent, il a été choisi de prendre un paramètre de 2.

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Si on compare les mêmes résultats, mais en tenant compte de l’exposition (Tableau 1), on

constate que l’écart entre le pire et le meilleur département, du fait de la proximité de la forêt,

est relativement important pour la chaudière biomasse. Par ailleurs, l’éolien ne présente pas

de grande différence entre les deux départements hypothétiques (ou virtuels), ce qui signifie

que cette source d’énergie serait peu influencée par le changement climatique d’après les

changements que nous sommes en mesure d’anticiper à ce jour.

Tableau 1 Scores des différentes technologies de production énergétique avec prise en compte de l’exposition

Ainsi, nous pouvons conclure de ce que nous venons d’exposer que l’outil permet de

comparer des projets relativement différents sur la base de leur sensibilité et capacité à faire

face à un climat différent. Nous constatons que les résultats ne reflètent pas les

composantes quantitatives mais bien les composantes qualitatives qui sont celles qui nous

intéressent en premier lieu. Ainsi, le score pour le CSP à refroidissement à eau paraît

relativement élevé, ce qui est justifié par la dépendance à la ressource en eau créée par le

recours à cette technologie, ce qui n’est pas le cas de l’éolien par exemple. En outre, la

chaudière biomasse est dépendante du vivant (bois) et un score comparable à celui du CSP

refroidi à l’eau aurait pu être attendu, mais ce n’est pas le cas, principalement parce que la

chaudière est utilisée pour produire de la chaleur, et que plus le climat sera chaud, moins elle

produira (et donc moins elle consommera). Le résultat n’aurait probablement pas été le même

dans le cas de la production d’électricité à partir de biomasse.

III.2.2. Le dessalement d’eau de mer

Le cas du dessalement d’eau de mer est intéressant à étudier, car c’est une technologie très

souvent citée comme exemple de maladaptation dans la littérature académique tel que cela a

été exposé dans le chapitre II de ce document. Néanmoins, le choix de la neutralité

technologique ayant été fait, il convient de s’intéresser au résultat d’une technologie

contestée. Plusieurs situations hypothétiques seront considérées : le cas d’une usine installée

pour soutenir le développement économique d’une zone de tourisme, le cas d’une usine

Départements P M P M P M

EAU 5,78 2,9 0,63 0,39 0,63 0,39

ENERGIE 6,4 4,39 1,24 1,07 2,34 2,18

FONCTIONNELLE 3,09 2,8 1,18 0,89 2,22 1,93

STRUCTURELLE 4,76 3,36 4,26 2,86 8,95 5,2

TOTAL 20,03 13,45 7,31 5,21 14,14 9,70

CSP (à l’eau) ÉolienChaudière Biomasse

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121

installée pour répondre aux besoins vitaux de la population (ce qui peut être le cas dans

certaines régions du monde), le cas du dessalement pour l’irrigation de l’agriculture . La

différence entre ces différents cas sera traduite à travers le thème de la dépendance

fonctionnelle du questionnaire, lorsqu’il s’agit d’évaluer la sensibilité climatique de l’aval (en

l’occurrence, tourisme, population ou agriculture notés respectivement T, P, A dans les

tableaux).

Par ailleurs, plusieurs technologies peuvent être comparées, non seulement pour

l’approvisionnement énergétique (renouvelable solaire électrique ou thermique, réseau

électrique, centrale thermique fossile) mais également pour le procédé technique utilisé pour

dessaler l’eau, qui peut conduire à plus ou moins de rejet de sel et de chaleur dans la mer, et

d’autres produits utilisés (produits de la corrosion comme le cuivre, le nickel, le fer, le

chrome… mais également des agents désinfectants, anti-mousse, anti-salissures, antitartre…).

Par ailleurs, suivant la technologie utilisée, la température de fonctionnement varie, ce qui

signifie que la consommation énergétique varie également, mais puisque l’outil ne prend en

compte que les aspects qualitatifs, cela ne pourra être considéré ici.

Enfin, les hypothèses communes à l’ensemble des cas sont la situation en zone littorale de

basse altitude, des rejets néfastes corrélés à l’augmentation de la consommation (une nuance

peut être prise en compte selon les technologies, en choisissant « plutôt d’accord » ou bien

« tout à fait d’accord » comme réponse à la question faisant référence aux rejets), un besoin

des TIC pour fonctionner, et aucune dépendance aux réseaux de transports76 si ce n’est pour

l’approvisionnement en combustible dans le cas de la centrale thermique.

Le Tableau 2 regroupe les résultats pour les trois grandes technologies énergétiques et pour

les trois motivations qui conduisent à l’installation d’une usine de dessalement. Ces résultats

reflètent la sensibilité et la résilience, car ils correspondent aux résultats avant croisement

avec l’exposition. À ce niveau, il n’a pas été introduit de nuance concernant la quantité de

rejets en fonction de la technologie de dessalement choisie.

À la lecture de ce tableau, il apparait que l’aval du projet joue un rôle majeur dans le

résultat. De façon triviale, l’agriculture est le débouché qui semble conduire à la plus

mauvaise appréciation, quelque soit la source d’énergie, mais le recours à une source

renouvelable ne dépendant pas du climat (CSP par exemple) peut tout de même permettre une

amélioration du résultat (passant de 12,92 à 11,08). Par ailleurs, le tourisme est un débouché

76 En ce qui concerne la structure de coût, l’hypothèse de 15 à 40 % du coût liés à l’énergie a été faite.

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seulement légèrement mieux apprécié par l’outil puisque l’écart entre le tourisme et

l’agriculture est de l’ordre de 1,8. En revanche, lorsque le dessalement d’eau de mer est utilisé

pour subvenir aux besoins de la population (c’est-à-dire lorsque le projet est employé comme

soutien au réseau d’eau potable), il semble que le projet ait une appréciation significativement

meilleure. Cela tient au fait qu’il a été considéré que la consommation d’eau (et par

conséquent d’énergie) n’est pas sensible à l’évolution du climat pour ce qui est des besoins de

base. Pour aller plus loin, il est possible de considérer une usine de dessalement dont le

procédé industriel permet de réduire les rejets néfastes, ce qui permettrait encore d’améliorer

ce score.

Tableau 2 Comparaison des résultats pour les usines de dessalement selon l’énergie employée et l’aval de la chaîne de valeur (P pour Population, T pour Tourisme, A pour Agriculture)

III.2.3. Les solutions de rafraîchissement dans les villes

Dans le même ordre d’idée que le dessalement d’eau de mer, il serait envisageable d’aborder

les diverses solutions technologiques dans le cadre de la climatisation qui, du fait du

réchauffement, vont se développer. Pour le moment, les solutions les plus courantes font

intervenir l’énergie électrique du réseau dans leur fonctionnement, mais des alternatives

existent, comme des climatisations à absorption ou adsorption (liquide ou solide à sorption)

utilisant l’énergie thermique solaire, ou encore les systèmes à dessiccation. Ces technologies

ont l’avantage de ne pas faire appel au réseau d’électricité, de ne pas entraîner l’utilisation de

fluides caloporteurs (autres que l’eau) et d’autant mieux fonctionner qu’il fait chaud77.

Cette section compare en particulier plusieurs solutions de rafraîchissement ou climatisation

disponibles en ville, à savoir la toiture végétalisée78, la climatisation classique, et la

climatisation solaire. Ces diverses solutions présentent l’avantage de rafraichir les habitations

durant les périodes de pics de chaleur, mais ont également des inconvénients qui impactent

77 Pour plus de détails sur les technologies, consulter : www.raee.org/climatisationsolaire/doc/clim_solaire.pdf 78 Il existe en réalité trois grandes catégories de toitures végétalisées : extensive, semi-intensive et intensive, qui diffèrent par l’épaisseur de substrat et le type de plantes. La toiture extensive ne requiert généralement pas d’arrosage, sauf durant les sécheresses, tandis que les deux autres nécessitent un arrosage régulier.

P T A P T A P T A

EAU 0,63 2,97 3,91 0,63 2,97 3,91 0,63 2,97 3,91

ENERGIE 3,27 3,71 3,71 2,17 3,27 3,71 1,43 2,54 2,98

FONCTIONNELLE 1,53 2,36 3,06 1,6 2,29 3,06 0,49 2,36 2,64

STRUCTURELLE 2,24 2,24 2,24 2,05 2,05 2,05 1,55 1,55 1,55

TOTAL 7,67 11,28 12,92 6,45 10,58 12,73 4,1 9,42 11,08

thermique fossile électricité renouvelable

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123

leur résultat d’après l’outil. Les principales divergences reposent sur la consommation d’eau

et la consommation d’énergie. La toiture végétalisée consomme de l’eau, particulièrement en

période chaude, et les solutions de climatisation consomment de l’énergie à ces mêmes

périodes. Néanmoins, les périodes de chaleur coïncident relativement bien avec les périodes

de fort rayonnement solaire, ce qui signifie que les périodes durant lesquelles la climatisation

sera sollicitée seront celles durant lesquelles la climatisation solaire bénéficiera d’une énergie

abondante. Enfin, comme le projet est en zone urbaine, la question relative à la proximité d’un

massif boisé n’a pas de pertinence79.

Figure III-4 Comparaison des solutions de climatisation-rafraichissement en zone urbaine

D’après la Figure III-4 il semblerait que la meilleure solution est celle de la climatisation

solaire, qui présente une très bonne résilience sur chacun des quatre thèmes, alors que la

moins bonne solution reste celle de la climatisation classique. Par ailleurs, la toiture

végétalisée présente un manque de résilience du fait de la consommation d’eau durant les

périodes les plus critiques. Il est cependant nécessaire de voir comment évolue ce score après

croisement, car certains départements ne connaitront qu’une faible diminution de la ressource

en eau. De plus, les toitures végétalisées présentent d’autres avantages qui ne sont pas pris en

compte à travers cet outil, mais qu’il convient de considérer, comme la capacité de rétention

des eaux de pluies (permettant de lisser les débits à travers les évacuations d’eau) ou bien la

séquestration du carbone.

Les résultats après croisement pour certaines grandes villes de France (selon leur

département) sont représentés par la Figure III-580. Il est clairement remarquable que la

climatisation solaire est la solution la plus résiliente quelque soit la ville de France considérée.

79 La réponse est donc « Ne s’applique pas ». 80 Le M et le P sur le diagramme désignent respectivement les résultats du Meilleur et du Pire département hypothétique.

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Cela nous amène donc à constater que cet outil ne peut pas remplacer une étude de faisabilité

technique, mais plutôt la compléter. En effet, comme attendu, il apparaît que même des villes

qui ne bénéficient pas d’un ensoleillement annuel particulièrement bon pour une technologie

solaire montrent un bon score de résilience.

Par ailleurs, lorsque l’on focalise son attention sur la comparaison de la toiture végétalisée et

de la climatisation classique, il apparait que dans la plupart des villes de France, la

climatisation est plus résiliente que la toiture végétalisée, du fait de la dépendance de cette

dernière à la ressource en eau. Les exceptions à cette règle sont Strasbourg et Marseille.

Figure III-5 Comparaison des solutions de rafraîchissement pour certaines grandes villes

En conclusion, l’outil semble remplir correctement les fonctions prévues, à savoir la

comparaison de projets d’après leur résilience, la neutralité technologique, l’identification des

thèmes sur lesquels il pourrait y avoir des améliorations, l’aide dans la détermination d’une

région d’implantation. De plus, grâce au guide de l’utilisateur, l’outil permet de sensibiliser

les divers agents économiques à leur possible vulnérabilité au changement climatique, qu’elle

soit directe ou indirecte, ce qui participe à la prise de décision décentralisée.

Néanmoins, ayant été conçu pour être capable de traiter des projets de tous les secteurs, il ne

permet pas d’entrer dans les détails de ceux-ci. En outre, une amélioration de cet outil pourrait

consister à trouver une manière de prendre en compte les aspects quantitatifs des projets, et

non les seuls aspects qualitatifs. Enfin, la non-valorisation des aspects positifs (comme la

capacité de rétention des toitures végétalisées) pourrait être regrettée.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Le climat, qui est la distribution statistique des données météorologiques (vent, précipitation,

température…) n’est pas statique, mais bien dynamique. Plus précisément, le climat varie en

moyenne ainsi qu’en variance, sous l’effet de phénomènes naturels, mais également depuis

peu de temps, sous l’effet des activités humaines, par l’intermédiaire notamment des

émissions de gaz à effet de serre, fruit de ces activités. Ces gaz à effet de serre entraînent le

réchauffement climatique.

Tout comme la variabilité naturelle du climat a des conséquences (positives et négatives) sur

l’économie, le changement climatique va avoir des conséquences sur les différents secteurs de

l’économie, de manière directe pour les activités dépendant des variables météorologiques

(agriculture, foresterie, hydroélectricité…), et de manière indirecte sur le reste du système

socio-économique. Ainsi, la limitation du phénomène menant à ces conséquences est

nécessaire, mais non suffisante. Il est également important de modifier le système socio-

économique, afin de limiter les conséquences, il s’agit de l’adaptation.

Ce concept a traversé de nombreux domaines avant d’être employé dans le cadre du

changement climatique, dans lequel le sens du concept a été emprunté à la géographie, qui

étudie la place de l’Homme dans le milieu naturel. L’adaptation peut être vue comme le

processus dynamique d’évolution de la relation Homme-Environnement, qui est une relation

de hiérarchie enchevêtrée (pour reprendre les propos d’Olivier Godard).

Dans cette relation, la culture (l’ensemble des symboles et des valeurs) joue un rôle crucial,

puisqu’elle conditionne le lien entre l’Homme et la Nature, qui est une partie de son

Environnement. Les cultures dans lesquelles les sphères de la nature et de la culture sont

largement séparées, les sociétés peuvent éventuellement se rendre plus vulnérables,

notamment au climat.

La vulnérabilité est un concept qui recouvre plusieurs domaines (économie, social, physique,

culturel), et peut se comprendre ici comme une fonction de la sensibilité (ce qui relie un aléa à

ses conséquences sur le système), de l’exposition aux aléas (qui dépend de la localisation du

système), et de la capacité d’adaptation.

La capacité d’adaptation est une notion proche du concept de résilience, et peut être vue

comme la partie positive de ce concept en ce qui concerne les systèmes sociaux. En écologie,

la résilience est la capacité du système à supporter une perturbation sans s’effondrer vers un

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état qualitativement différent. Il peut être considéré qu’elle repose sur deux composantes :

l’auto-organisation et l’auto-régulation, la capacité d’absorber les chocs de faibles amplitudes,

mais également de transformer la structure sur le plus long terme, ou pour les chocs plus

importants.

La maladaptation d’un système correspondrait aux facteurs internes de ce dernier qui

entravent la réponse à une tension ou contrainte, et qui perturbent ses capacités

homéostatiques. Ces facteurs peuvent être structurels (sur-spécialisation, perte de flexibilité,

manque d’autonomie, perte de régulation par la centralisation) ou culturels. Dans l’histoire de

l’humanité, il y a eu des exemples de maladaptation extrême de certaines civilisations

anciennes à leur environnement, qui a participé à leur effondrement (Mayas, vikings du

Groenland, Pascuans…), mais ces civilisations ont également démontré une certaine capacité

à s’adapter, dans certaines limites néanmoins.

En ce qui concerne la maladaptation au changement climatique, on la définit souvent comme

une mesure visant l’adaptation, c’est-à-dire la réduction de la vulnérabilité, mais qui, au lieu

d’aboutir à une réduction, aboutit à une augmentation de la vulnérabilité du système concerné.

Dans le cadre de ce travail, cette définition a été élargie à l’ensemble des mesures conduisant

à l’augmentation de la vulnérabilité, qu’elles aient pour objectif sa réduction ou non. Ainsi,

viser la résilience est une manière de réduire le risque de maladaptation au maximum.

Dans la pratique, plusieurs stratégies existent pour favoriser la résilience des systèmes socio-

économiques, laquelle peut être caractérisée par la flexibilité, l’homéostasie (qui requiert

l’information et le rapprochement entre la décision et l’action), la diversification, la

redondance et des éléments d’absorption des chocs (stockage, amortisseurs sociaux…). À

l’inverse, les solutions qui sont inflexibles ou irréversibles, inéquitables, qui accroissent le

changement climatique ou qui réduise l’incitation à l’adaptation (par la modification

culturelle) seraient maladaptées. En particulier, les solutions technologiques ont un risque

important de se retrouver dans cette catégorie.

L’outil qui a été conçu dans le cadre de ce travail cherche donc à promouvoir la résilience au

changement climatique des projets d’investissement, quelque soit les secteurs auxquels ils

appartiennent. Cela passe tout d’abord par la sensibilisation que cet outil permet auprès des

porteurs projets (par l’intermédiaire d’un guide de l’utilisateur), et par le fait que l’outil soit

dédié à l’échelle projet d’investissement, ce qui favorise l’auto-régulation et l’auto-

organisation.

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Les paramètres climatiques pris en compte sont liés à la hausse des températures, la

modification des précipitations, l’augmentation des vagues de chaleur, la variation des débits

des cours d’eau et la modification de la sensibilité des forêts au feu. L’évaluation se fait par

l’intermédiaire d’un questionnaire articulé autour de quatre thèmes principaux, à savoir la

dépendance à l’eau, la dépendance à l’énergie, la dépendance fonctionnelle (à la chaîne de

valeur) et la dépendance structurelle (aux réseaux d’eau, de transport, de

télécommunication...). Cette dernière catégorie couvre également les questions nécessaires à

la détermination de l’exposition du projet à des risques climatiques (feu de forêt, inondation,

submersion marine…).

Ces questions sont qualitatives et évaluent les tendances de consommation et de dépendance,

dans le cas d’un climat plus chaud et plus sec. Les réponses permettent d’estimer la résilience-

sensibilité du projet d’investissement au changement climatique, et par l’intermédiaire du

croisement de certains de ces questions avec les projections climatiques départementales du

portail DRIAS les futurs du climat, un score final est attribué au projet.

Ainsi, l’outil permet d’identifier, grâce à la ventilation du score de résilience, les thèmes (eau,

énergie, dépendances structurelle ou fonctionnelle) sur lesquels des améliorations peuvent être

apportées. Par ailleurs, le score après croisement avec l’exposition permet de juger si le projet

est adapté ou non à la région dans laquelle il est implanté. Si ce n’est pas le cas, il peut être

envisagé, soit de modifier les caractéristiques du projet (pour améliorer la résilience), soit de

changer la zone d’implantation.

Cet outil pourrait représenter la première étape vers un instrument qui serait complémentaire

des études d’impact environnemental, ces dernières s’attachant à déterminer l’impact des

projets sur l’environnement, quand cet instrument viserait à qualifier les impacts de

l’environnement sur le projet, et la possible remise en question de la rationalité de celui-ci.

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128

ANNEXES A

Annexe A-1 Coûts des différents impacts élémentaires identifiés, à Court, Moyen et Long Termes pour le scénario pessimiste (A2) et le scénario optimiste (B2), en termes économiques et physiques PARTIE 1 [40]

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Annexe A-2 Coûts des différents impacts élémentaires identifiés, à Court, Moyen et Long Termes pour le scénario pessimiste (A2) et le scénario optimiste (B2), en termes économiques et physiques PARTIE 2 [40]

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130

Annexe A-3 Tableau récapitulatif des outils présents dans le compendium de la CCNUCC -partie 1

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131

Annexe A-4 Tableau récapitulatif des outils présents dans le compendium de la CCNUCC-partie 2

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132

Annexe A-5 Tableau récapitulatif des outils présents dans le compendium de la CCNUCC-partie 3

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133

Annexe A-6 Tableau récapitulatif des outils présents dans le compendium de la CCNUCC-partie 4

Page 145: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

134

Annexe A-7 Tableau récapitulatif des outils présents dans le compendium de la CCNUCC-partie 5

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135 Annexe A-8 Résumé des principales opportunités et menaces climatiques pour le Royaume-Uni [97] (http://randd.defra.gov.uk/Document.aspx?Document=Summary_of_Key_Findings.pdf)

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ANNEXES B

QUESTIONNAIRE

La série de questions qui suit a pour objectif d’évaluer la sensibilité directe ainsi que la résilience au climat d’un projet d’investissement. Pour ce faire, nous aborderons la dépendance à la ressource en eau, à l’énergie (deux ressources qui seront plus rares dans le futur), ainsi que la dépendance fonctionnelle et enfin structurelle, c’est-à-dire respectivement à la filière en question et aux réseaux (télécommunication, transport,…).

PREAMBULE

Le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et commence déjà à être observé. Malgré les incertitudes quant à ce changement à long terme, dont l’amplitude dépendra de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (agir sur les causes), le sens de cette variation ne laisse pas la place au doute. Afin de limiter les conséquences négatives de ce changement climatique et de saisir les opportunités que ce dernier offre, il est nécessaire d’anticiper ce changement. C’est ce que l’on appelle l’adaptation au changement climatique (s’adapter aux conséquences). En effet, bien que les sociétés soient en mesure, dans certains cas, de s’adapter spontanément en réaction à un changement perçu, le fait d’adopter une stratégie proactive présente des avantages, à commencer par la réduction du coût (social et économique) à moyen terme.

Dans cette démarche, la France a adopté en juillet 2011 un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) portant sur la période 2011-2015, composé de 234 actions réparties à travers 84 mesures phares, afin de traiter cette question à l’échelle nationale. Une des mesures du PNACC consiste à «identifier et diffuser des critères, méthodes et sources de données permettant de juger de la mal-adaptation », dans laquelle une action est d’ « introduire des critères d’éligibilité, permettant d’éviter les projets mal adaptés, dans les dispositifs de financements publics et privés pertinents ». Elle prévoit donc que dans une réflexion de durabilité, les investissements publics évitent d’augmenter la vulnérabilité à l’évolution du climat : il s’agit donc d’éviter la mal-adaptation en favorisant la résilience des investissements au changement climatique.

Pour gérer l’incertitude sur le degré exact de changement climatique, on peut agir pour conserver ou créer de la flexibilité, d’éviter les dépendances technologiques et plus généralement d’éviter toutes les décisions irréversibles.

Afin d’agir en amont de ces changements, la résilience climatique doit être renforcée, de manière à minimiser l’augmentation de la vulnérabilité, et donc la mal-adaptation.

Lorsqu’il est question de changement climatique en France, cela comprend :

• un climat globalement plus chaud

• un climat globalement plus sec

• un renforcement des évènements extrêmes (feux de forêts, sécheresses, canicules voire intensité des tempêtes en Outre-mer)

• la remontée du niveau de la mer et une augmentation des risques d’inondations en zones côtières

• une baisse des débits des cours d’eau

Cet outil est en phase de test. Il a vocation à identifier les forces et faiblesses d’un projet d’investissement en contexte de changement climatique, et non à porter un jugement sur ce dernier. Ce test peut permettre de vérifier la résilience d’un projet au climat, comme d’identifier les points à renforcer pour qu’il soit mieux adapté à l’évolution du climat.

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QUESTIONS

ESTIMATION DE LA PERTINENCE DE L ’ÉTUDE

1. Quelle est la durée de vie/d’utilisation du proj et considéré

Il s’agit ici de savoir si le projet connaîtra le changement climatique

<5 ans 5-20 ans >20 ans

ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE DIRECTE DU PROJET AU CHA NGEMENT CLIMATIQUE

DÉPENDANCE À L’EAU

Du fait du réchauffement climatique, une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en été est attendue. Pour l’automne et l’hiver, on n’anticipe pas de changements significatifs. En ce qui concerne les jours très chauds, une très nette tendance à l’augmentation est attendue sur l’ensemble de la France. Par ailleurs, on s’attend à l’allongement des périodes de sécheresse estivale. La survenue de très fortes précipitations ne devrait pas changer comparativement à la situation actuelle mais une baisse des débits des cours d’eau est anticipée.

Dans cette section, nous cherchons à estimer la dépendance directe actuelle à l’eau à travers une série de questions. Si le projet est un projet industriel, veillez à bien considérer l’ensemble du processus lorsque vous répondrez aux questions. Si l’eau n’intervient pas dans le fonctionnement du projet (par exemple s’il s’agit d’un projet d’infrastructure de transport), vous n’avez pas besoin de répondre à ces questions, et vous pouvez directement passer à la section suivante.

2. Dans un climat plus chaud et plus sec, la consom mation directe d’eau ou le prélèvement d’eau augmentera

Par exemple, si le projet comporte un dispositif de refroidissement alimenté par de l’eau.

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

3. Dans la structure de coût du service ou du produ it proposé par le projet, la consommation d’eau représente

Cette question a pour but d’identifier l’impact d’une augmentation potentielle du prix de l’eau sur le coût du service ou produit.

<5% 5-15% 15-40% 40-75% >75%

4. Le service/projet utilise plus d’eau l’été et le printemps (ou saison sèche) que l’hiver et l’automne (ou saison humide)

Si la consommation d’eau est globalement plus importante pendant la saison chaude que pendant la saison froide, ce qui est le cas notamment de l’irrigation, du refroidissement… alors la réponse devrait être « tout à fait vrai ». En revanche, il se peut que le service/projet consomme plus d’eau l’hiver que l’été, par exemple si l’activité dépend des sports d’hiver, telle la production de neige artificielle.

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

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DÉPENDANCE À L’ÉNERGIE

De par le lien extrêmement fort entre l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier de CO2, l’énergie est au cœur des enjeux climatiques. Ainsi, l’atténuation a pour objectif de réduire ces émissions de GES liées aux activités économiques. Or, adaptation et atténuation sont les deux aspects complémentaires de la politique climatique. C’est pourquoi il faut s’attacher à ce que les mesures d’adaptation n’entravent pas celles d’atténuation et inversement, voire même que nous profitions des synergies possibles.

La raison pour laquelle l’énergie participe aux émissions de GES provient du fait que les sources employées sont principalement les hydrocarbures –gaz charbon pétrole- qui produisent du CO2 lors de la réaction de combustion de laquelle nous tirons de l’énergie (thermique). Cela est à nuancer dans le cas de la production d’énergie (électricité ou chaleur), lorsque les sources sont nucléaire ou renouvelables.

Sur l’électricité, la consommation devrait croître en période estivale du fait des besoins de refroidissement, mais elle devrait diminuer en hiver, la période de froid étant globalement moins rigoureuse. Néanmoins, le changement climatique aura également un effet sur la production énergétique, à travers notamment le système de refroidissement des centrales, et la modification de la ressource renouvelable. Par ailleurs, l’accès aux hydrocarbures va devenir de plus en plus difficile, du fait de la raréfaction, en particulier du pétrole et du gaz.

Dans cette section, nous cherchons à estimer la dépendance directe actuelle à l’énergie à travers une série de questions. S’il s’agit d’un projet industriel, veillez à bien considérer l’ensemble du processus lorsque vous répondrez aux questions. Si l’énergie n’intervient pas dans le fonctionnement du projet (par exemple s’il s’agit d’un projet d’infrastructure de transport), vous n’avez pas besoin de répondre à ces questions, et vous pouvez directement passer à la section suivante. Par ailleurs, l’énergie peut être sous plusieurs formes (thermique, électrique, mécanique…) et toutes doivent être considérées lorsque vous répondrez à ces questions. L’électricité sera considérée comme une source d’énergie.

5. Dans un climat plus chaud et plus sec, la consom mation directe d’énergie augmentera

Le climat futur attendu est plus sec et plus chaud que le climat actuel. Il s’agit d’estimer la dépendance à la variabilité climatique. Si le projet comporte des besoins en refroidissement, il est probable que la consommation d’énergie pour alimenter ce processus augmente à l’avenir.

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

6. Dans la structure de coût, la consommation d’éne rgie représente

Cette question a pour but d’identifier l’impact d’une augmentation potentielle du prix de l’énergie sur le coût du service ou produit. Cela comprend le prix de l’électricité, mais également du gaz, du charbon, du pétrole, du bois (dans le cas d’une chaudière biomasse)…

<5% 5-15% 15-40% 40-75% >75%

7. La source principale d’approvisionnement de l’én ergie pour la mise en œuvre et durant l’utilisation du projet est

Il s’agit ici de déterminer la dépendance aux énergies fossiles. Pour les projets n’utilisant pas (ou marginalement) l’énergie pour leur fonctionnement, la question concerne principalement la phase de construction/mise en œuvre.

� D’origine fossile (charbon gaz, pétrole) OUI NON

� D’origine renouvelable OUI NON

� Autre OUI NON

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ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE INDIRECTE DU PROJET AU C HANGEMENT CLIMATIQUE

DÉPENDANCE À LA CHAÎNE DE VALEUR (DÉPENDANCE FONCTIONNELLE)

Bien que le changement climatique n’impacte peut-être pas directement la filière dans laquelle s’inscrit le projet, il se peut qu’un élément de la chaîne de valeur de ce qui est produit ou proposé comme service soit plus contraint par le climat, que cet élément se trouve en amont ou bien en aval de l’activité. En effet, si le climat pèse sur l’amont de cette activité, il se peut que des difficultés à maintenir le service soient rencontrées. De même, si c’est l’aval de l’activité qui se trouve impacté, des difficultés à vendre ou délivrer le service ou produit pourront être rencontrées. C’est par exemple le cas du tourisme, qui peut se trouver bouleversé par les nouvelles conditions climatiques, et réduire les activités économiques qui en dépendent. Le changement climatique va particulièrement impacter l’agriculture, la pêche, la sylviculture, l’eau, la biodiversité, ce qui peut avoir des effets négatifs dans divers secteurs outre le tourisme déjà cité, tels l’innovation pharmaceutique, la confection bois…

Dans cette section, nous cherchons à estimer la dépendance indirecte au climat , par l’intermédiaire de la dépendance fonctionnelle . Si le projet est un projet industriel, veillez à bien considérer l’ensemble du processus et des intrants lorsque vous répondrez aux questions. Si le projet a pour objectif global de sécuriser la filière (réduction de la dépendance à un acteur, un pays, une zone… par la diversification, réduction/diversification des intrants…) vous n’avez pas besoin de répondre à la question 8, et vous pouvez directement passer à la question 9.

Avant de répondre à cette série de questions, il est conseillé de dresser un panorama des acteurs (clients et fournisseurs) composant la chaîne de valeur du projet. Nous parlons d’amont lorsqu’il s’agit des fournisseurs, et d’aval lorsqu’il s’agit des clients (du produit ou service).

8. Dans la chaîne de valeur du service/projet (serv ice/projet lui-même mais également fournisseurs-clients ou Amont-Aval), il existe au m oins un maillon particulièrement sensible à l’évolution du climat, et cela pourrait avoir des répercussions sur le coût voire même sur la pertinence économique du projet

Pour traiter la répercussion sur le coût, il faut s’intéresser à la sensibilité de l’amont au prix de l’eau et de l’énergie. Par exemple, la métallurgie est un secteur fortement dépendant du prix de l’énergie, l’agriculture ou certains secteurs industriels sont sensibles au coût de l’eau, l’élevage est sensible au coût des matières premières agricoles… Outre les coûts en eau et énergie, la question de la validité des objectifs dans le cadre du changement climatique se pose.

� L’Amont (c’est-à-dire les fournisseurs) est particulièrement sensible à l’évolution du climat

C’est par exemple le cas si le service/projet nécessite un approvisionnement en bois, en matières premières agricoles,… mais également si les acteurs en amont dépendent des saisons, des précipitations, des températures, sont particulièrement exposés aux aléas extrêmes…

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

� L’Aval (c’est-à-dire les clients) est particulièrement sensible à l’évolution du climat

Si le service/projet se trouve en amont d’un acteur faisant appel au bois, aux matières premières agricoles,… mais également si ce client est dépendant des saisons, des précipitations, des températures, est particulièrement exposé aux aléas extrêmes… la réponse doit être « tout à fait vrai ». Par ailleurs, il est nécessaire de s’interroger sur la validité du service rendu par le projet dans le climat futur. L’aval peut ainsi être compris comme les objectifs visés par le projet, par exemple le stockage d’eau est un des objectifs visés par un barrage. Enfin, pour les projets d’infrastructures, l’aval est constitué des usagers du service. Pour une infrastructure de transport, il s’agit d’évaluer si les zones desservies sont SENSIBLES au climat (agriculture, forêt, côte, complexe hôtelier…).

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

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� Le service/projet lui-même est particulièrement sensible au climat et/ou à son évolution

Dans cette question, il est nécessaire de considérer les activités dépendant de la biomasse (foresterie, agriculture…), mais également celles dépendant de la ressource en eau, comme l’hydroélectricité. Par ailleurs, les activités industrielles sont également concernées lorsqu’elles nécessitent un refroidissement lié à un cours d’eau, ou qu’un processus industriel impliqué dans le service/projet est impacté par la température, les précipitations, comme des procédés dépendant de la viscosité d’un matériau…Enfin, le projet ou service peut être impacté par des phénomènes du type canicule (par l’intermédiaire du comportement des matériaux par exemple).

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

9. Si la température augmente, les rejets dans l’en vironnement (sel, Gaz à Effet de Serre, chaleurs…) vont croître

Cette question permet de faire le lien avec la politique d’atténuation. Il se peut que, dans le cas d’un processus industriel, l’évolution attendue du climat entraîne une augmentation de rejets tels les engrais azotés, les Gaz à Effet de Serre ou simplement de la chaleur pour alimenter un procédé de refroidissement… Par exemple, dans le cas d’un bâtiment climatisé, une hausse des températures entraîne une augmentation de l’utilisation du système de climatisation, augmentant ainsi les rejets de chaleur à l’extérieur, et renforçant le phénomène d’Îlot de Chaleur Urbain (ICU).

tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai

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DÉPENDANCE AUX RÉSEAUX (DÉPENDANCE STRUCTURELLE)

Les réseaux deviennent de plus en plus importants dans l’activité économique, notamment du fait de la mondialisation des échanges commerciaux et le recours au transport (terrestres, maritimes, aériens), et de la place importante qu’occupent les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans l’économie. Ces réseaux sont un moyen d’accélérer les échanges, que ce soient les échanges physiques (commerciaux) ou bien les échanges de données. Malgré tout, ces échanges requièrent des infrastructures, comme les routes, les chemins de fer, les lignes téléphoniques…, lesquelles sont exposées aux aléas climatiques.

Par ailleurs, l’implantation géographique des investissements joue un rôle majeur, car elle détermine l’exposition au changement climatique. La proximité d’une forêt, d’une rivière, du littoral, sont des éléments à considérer lorsque l’on étudie la vulnérabilité climatique.

Dans cette section, nous cherchons dans un premier temps à estimer la dépendance indirecte au climat , par l’intermédiaire de la dépendance structurelle . Veillez à prendre en compte l’intégralité de l’activité. Dans un second temps, nous nous intéressons à l’exposition directe au changement climatique, du fait de l’implantation géographique du projet.

10. En cas de défaillance d’un réseau (d’eau, d’éne rgie ou de transport), le projet présente une flexibilité permettant de garantir une continuité dans la délivrance du service

Cette question permet d’évaluer la capacité de report que présente le projet/service.

� Pour le réseau d’eau

Pour le réseau d’eau, il est possible que le projet/service soit en capacité de subvenir à ses besoins en eau grâce à un accès direct à la ressource (forage, puit, stockage d’eau, récupération des eaux de pluies…)

OUI NON NE S’APPLIQUE PAS

� Pour les réseaux énergétiques

Par exemple, les lignes électriques peuvent subir des dommages causés par des aléas climatiques. Par ailleurs, en période de forte consommation électrique de pointe, le régulateur peut procéder à des délestages, afin de ne pas endommager le réseau. Une coupure d’électricité peut être liée à un aléa climatique qui serait survenu à distance du lieu d’implantation du projet. Pour les réseaux énergétiques (électricité, gaz, pétrole, charbon), une diversification des sources énergétiques permet donc d’améliorer la résilience climatique.

OUI NON NE S’APPLIQUE PAS

� Pour les réseaux de transport

Le réseau routier peut subir des dommages liés aux aléas climatiques et à l’évolution tendancielle des précipitations. Par exemple, si l’ activité nécessite l’acheminement de marchandises en flux tendus ou quasi tendus, le projet/service est fortement dépendant des réseaux de transport. De même pour les entrepôts de stockage logistique. Ainsi, si le projet est capable de faire du report modal (voies ferrées, routes, voies fluviales, voies aériennes), cela améliore donc sa résilience climatique.

OUI NON NE S’APPLIQUE PAS

11. En cas de défaillance de plus de 12 heures d’un des réseaux de Technologie de l’Information et de la Communication (TIC), le serv ice n’est plus assuré :

Tout comme le réseau électrique, des aléas climatiques peuvent endommager les réseaux de TIC. Par exemple, s’il s’agit de e-commerce, il est fort probable que la réponse soit «VRAI».

VRAI FAUX NE S’APPLIQUE PAS

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12. Le service/projet se trouve dans une zone parti culièrement sensible aux risques naturels liés au changement climatique, en particul ier :

� Le projet/service se trouve à proximité d’un massif boisé

Cette question permet de prendre en compte l’augmentation du risque de feu de forêt liée à l’évolution attendue du climat. La réponse doit être « Ne s’applique pas » uniquement pour les projets en zone urbaine.

OUI NON NE S’APPLIQUE PAS

� Le projet/service se trouve en zone littorale à basse altitude

Cette question permet de prendre en compte la remontée du niveau de la mer liée au changement climatique, ainsi que l’évolution du trait de côte.

OUI NON

� Le projet/service se trouve en zone inondable

Cette question permet de prendre en compte les risques d’inondation qui, en dépit d’un climat plus sec, vont rester inchangés.

OUI NON

� Le projet/service est susceptible d’être affecté par le Retrait-Gonflement des argiles

Dans les sols, le volume des matériaux argileux tend à augmenter avec leur teneur en eau (phénomène de gonflement) et, inversement, à diminuer en période de déficit pluviométrique (phénomène de retrait). Ces phénomènes de « retrait-gonflement des argiles » peuvent provoquer des dégâts au niveau des constructions localisées dans des zones où les sols contiennent des argiles. Ces dégâts sont fonction des possibilités de déformation des bâtiments et particulièrement de la profondeur de leurs fondations. Ce phénomène affecte donc essentiellement les bâtiments résidentiels individuels. Si le projet/service ne comporte pas de bâtiments, la réponse doit être « Ne s’applique pas ».

OUI NON NE S’APPLIQUE PAS

� Le projet/service est susceptible d’être affecté par une augmentation de la fréquence des cycles gel-dégel

Du fait du changement climatique, la fréquence des cycles de gel-dégel connaîtra une augmentation. Ce phénomène peut endommager les revêtements et les bétons. Les projets comprenant des infrastructures de transport sont donc particulièrement exposées à ce risque. Pour les projets/services qui ne comprennent pas ce type d’investissement, la réponse doit être « Ne s’applique pas ».

OUI NON NE S’APPLIQUE PAS

Annexe B-1 Questionnaire utilisé pour l’estimation de la sensibilité et de la résilience des projets

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GUIDE D’ACCOMPAGNEMENT DE L’UTILISATEUR

PRÉAMBULE

Le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et commence déjà à être observé. Malgré les incertitudes quant à ce changement à long terme, dont l’amplitude dépendra de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (agir sur les causes), le sens de cette variation ne laisse pas la place au doute. Afin de limiter les conséquences négatives de ce changement climatique et de saisir les opportunités que ce dernier offre, il est nécessaire d’anticiper ce changement. C’est ce que l’on appelle l’adaptation au changement climatique (s’adapter aux conséquences). En effet, bien que les sociétés soient en mesure, dans certains cas, de s’adapter spontanément en réaction à un changement perçu, le fait d’adopter une stratégie proactive présente des avantages, à commencer par la réduction du coût (social et économique) à moyen terme.

Dans cette démarche, la France a adopté en juillet 2011 un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) portant sur la période 2011-2015, composé de 234 actions réparties à travers 84 mesures phares, afin de traiter cette question à l’échelle nationale. Une des mesures du PNACC consiste à «identifier et diffuser des critères, méthodes et sources de données permettant de juger de la maladaptation », dans laquelle une action est d’ « introduire des critères d’éligibilité, permettant d’éviter les projets mal adaptés, dans les dispositifs de financements publics et privés pertinents ». Elle prévoit donc que dans une réflexion de durabilité, les investissements publics évitent d’augmenter la vulnérabilité à l’évolution du climat : il s’agit donc d’éviter la maladaptation en favorisant la résilience des investissements au changement climatique.

Pour gérer l’incertitude sur le degré exact de changement climatique, on peut agir pour conserver ou créer de la flexibilité, d’éviter les dépendances technologiques et plus généralement d’éviter toutes les décisions irréversibles.

Afin d’agir en amont de ces changements, la résilience au changement climatique doit être renforcée, de manière à minimiser l’augmentation de la vulnérabilité, et donc la maladaptation.

On attend principalement du changement climatique en France :

• un climat globalement plus chaud

• un climat globalement plus sec

• un renforcement des évènements extrêmes (canicules, feux de forêts, sécheresses, voire intensité des tempêtes en Outre-mer)

• la remontée du niveau de la mer et une augmentation des risques d’inondations en zones côtières

• une baisse des débits des cours d'eau notamment durant les périodes estivales

L’évolution du climat aura des conséquences sur la pertinence et la rentabilité économiques de diverses activités et projets d’investissement. C’est pour cette raison que les projets faisant appel au financement public seront à terme évalués sur leurs capacités à faire face au changement climatique qu’ils connaîtront tout au long de leur utilisation.

Le présent document a pour objectif de vous apporter des éléments vous permettant d’estimer la sensibilité de votre projet ou service au changement climatique et au climat, en exposant les répercussions possibles (directes et indirectes) de l’évolution attendue du climat sur votre activité.

En amont d’un investissement, ce document peut permettre d’accompagner l’intégration du risque climatique dans la prise de décision.

Ce document vise ainsi à identifier les forces et faiblesses d'un projet d'investissement face à l’évolution du climat et à identifier où agir pour améliorer la pérennité de l'investissement.

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ESTIMATION DE LA PERTINENCE DE L ’ÉTUDE

Tout d’abord, le changement climatique est un phénomène dont le pas de temps est long, dont les conséquences seront visibles non seulement à long terme (de l’ordre du siècle) mais également à moyen terme (quart de siècle) et court terme (décennie). Dans certaines régions du globe, le changement climatique est une préoccupation actuelle, pour d’autres régions, c’est principalement un enjeu pour le futur. Il est donc nécessaire d’anticiper ces bouleversements afin d’en atténuer les effets sur nos sociétés. Ainsi, quelque soit l’horizon temporel de votre projet, l’intégration du changement climatique en amont est bénéfique, mais c’est une absolue nécessité pour les projets qui seront confrontés à un climat différent, autrement dit pour les projets dont la durée de vie est longue (supérieure à 15-20 ans). Néanmoins, même à court terme, il est préférable de prendre en compte les problématiques climatiques, qui permettent d'anticiper le coup d'après ou bien de se prémunir contre des évènements climatiques déjà connus aujourd'hui

Comme cela a été évoqué dans le préambule, le changement climatique en France se manifestera par une hausse des températures moyennes, et un climat globalement plus sec, mais également par une remontée du niveau de la mer et un renforcement des évènements extrêmes et une baisse des débits des cours d'eau. Par ailleurs, même s’il est attendu plus de sécheresse, les zones inondables aujourd'hui le resteront. Enfin, d’autres conséquences non identifiées pourraient néanmoins se produire, mais globalement on n'attend pas d'évènements climatiques « nouveaux » mais en revanche des problèmes climatiques plus fréquents ou apparaissant dans des zones alors épargnées jusqu'à présent.

A l’heure actuelle, les modèles climatiques n’identifient pas d’augmentation des tempêtes du fait du changement climatique pour le territoire français métropolitain, mais projettent des canicules et des feux de forêts plus fréquents. . Ces canicules, dans un pays tel que la France où les plus fragiles tendent à représenter une part croissante de la population totale, peuvent avoir des conséquences significatives en termes de mortalité. En 2003, la canicule que la France a connue a causé la mort de 14800 personnes.

Enfin, il est à noter que le changement climatique peut également avoir certains aspects positifs. Pour la France, une augmentation moyenne de la température entraînera une baisse de la consommation d’énergie pour le chauffage l’hiver. Cette situation est à contraster selon les régions. En effet, pour les régions méridionales, le changement climatique pourrait, du fait de la climatisation d’été, engendrer une augmentation et non une diminution de la facture annuelle. Pour l’agriculture, les modèles de croissance anticipent une hausse des rendements en réponse au changement climatique. Cependant, ces modèles ne prennent pas en compte les effets de sécheresses plus fréquentes.

ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE DIRECTE DU PROJET AU CHA NGEMENT CLIMATIQUE

DÉPENDANCE À L’EAU

Du fait du réchauffement climatique, une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en été est attendue. Pour l’automne et l’hiver, on n’anticipe pas de changements significatifs. En ce qui concerne les jours très chauds, une très nette tendance à l’augmentation est attendue sur l’ensemble de la France. Par ailleurs, on s’attend à l’allongement des périodes de sécheresse estivale. La survenue de très fortes précipitations ne devrait pas changer comparativement à la situation actuelle. Une baisse des débits des cours d'eau en période estivale est attendue sur la plupart des cours d'eau métropolitaine.

Par ailleurs, si nous considérons une stabilité de la demande en eau, la baisse de la disponibilité de la ressource à horizon 2050 pourrait aboutir à un déficit de 2 milliards de m3 par an pour la satisfaction des besoins de l’industrie, de l’agriculture et de l’alimentation en eau potable. Ces déficits devront être compensés par une meilleure gestion de la demande, voire selon les régions par une augmentation de l’offre. Il est à noter que les conflits d’usage seront amenés à progresser, ce qui renforce la nécessité de gérer mieux et différemment la demande.

Si votre projet dépend directement de la ressource en eau, il serait profitable que vous mettiez en place des mesures permettant d’anticiper une réduction du prélèvement et consommation, et qu’en cas de forte restriction, vous soyez tout de même capable de délivrer votre service. S’il s’agit d’un

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projet industriel, l’eau peut intervenir à plusieurs étapes, pour le refroidissement notamment, mais aussi pour le nettoyage... Outre les projets industriels, l’agriculture est particulièrement sensible à l’évolution des précipitations et à la sécheresse.

Suivant les saisons, la consommation d’eau ne pose pas les mêmes problèmes, du fait de la disponibilité de la ressource en hiver (saison humide) par rapport à l’été (saison sèche). Ainsi, les activités qui consomment plus d’eau l’hiver que l’été sont a priori plus résilientes au changement climatique. Par exemple, la production de neige artificielle a lieu l’hiver et pose moins de difficulté a priori que l’irrigation des cultures estivales. Plus largement, les activités dépendant du tourisme d’hiver (hôtellerie, production de neige artificielle…) auront moins de problèmes en matière d’approvisionnement en eau que les activités dépendant du tourisme d’été (hôtels des stations balnéaires,…).

Parmi les solutions pour compenser le déficit de la ressource en eau, nous avons évoqué deux grandes catégories : les solutions intervenant sur la demande, et les solutions intervenant sur l’offre. Pour le côté demande, cela revient à mettre en place des procédés moins consommateurs d’eau dans l’industrie, utiliser des cultures plus tolérantes à la sécheresse, mais également intervenir sur le comportement du consommateur. Pour ce qui est de l’offre, plusieurs pistes existent. Des barrages de rétention peuvent permettre de stocker l’eau de la saison humide pour la consommer à la saison sèche, la récupération de l’eau de pluie peut compenser le déficit, des puits de pompage de l’eau souterraine peuvent être mis en œuvre,, le réseau d’eau peut réduire ses fuites (qui représentent environ 30% de l’eau pompée ou acheminée), de l’eau de mer peut être dessalée… Parmi toutes ces solutions, certaines sont plus respectueuses de l’environnement, et plus durables. Par exemple, le pompage de ressource hydrique dans la nappe phréatique peut ne pas être durable s’il s’agit d’eau fossile, mais également être tout à fait pertinent (économiquement et écologiquement) dans le cas d’une eau souterraine abondante et renouvelable. Il n’y a donc pas de réponse unique à un problème unique.

DÉPENDANCE À L’ÉNERGIE

De même que pour la ressource en eau, une diminution de la disponibilité de l’énergie est à attendre, même si cette tendance est à nuancer selon les périodes de l’année (réduction de la consommation d’énergie l’hiver du fait du réchauffement, mais augmentation du besoin de climatisation pour le résidentiel et les transports l’été) et les secteurs. Cette diminution de la disponibilité pour la France, qui n’est pas uniquement liée au changement climatique, mais également à la raréfaction des ressources épuisables et à la croissance de la consommation des pays en développement, va s’accompagner d’une augmentation de son coût sur les marchés.

Pour l’électricité, la consommation devrait croître en période estivale pour les besoins de refroidissement, mais elle devrait diminuer en hiver, la période de froid étant globalement moins froide. Néanmoins, le changement climatique aura également un effet sur la production énergétique, à travers notamment le système de refroidissement des centrales, et la modification de la ressource renouvelable. Notamment pour la production hydraulique Par ailleurs, l’accès aux hydrocarbures va devenir de plus en plus difficile, du fait de la raréfaction, en particulier du pétrole et du gaz.

D'autre part, à cause dulien extrêmement fort entre l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier de CO2, l’énergie est au cœur des enjeux climatiques. Ainsi, l’atténuation a pour objectif de réduire ces émissions de GES liées aux activités économiques. Or, adaptation et atténuation sont les deux aspects complémentaires de la politique climatique. C’est pourquoi il faut s’attacher à ce que les mesures d’adaptation n’entravent pas celles d’atténuation et inversement, voire même que nous profitions des synergies possibles.

La raison pour laquelle l’énergie participe aux émissions de GES provient du fait que les sources employées sont principalement les hydrocarbures –gaz charbon pétrole- qui produisent du CO2 lors de la réaction de combustion de laquelle nous tirons de l’énergie (thermique). Cela est à nuancer dans le cas de la production d’énergie (électricité ou chaleur), lorsque les sources sont nucléaire ou renouvelables.

Ainsi, une activité qui tendrait à avoir une consommation d’énergie croissante du fait du réchauffement climatique devrait mettre en place des mesures permettant de limiter voire de supprimer cette corrélation positive entre réchauffement et consommation d’énergie. Cette corrélation est parfois intrinsèque à l’activité (c’est par exemple le cas du transport d’électricité, dont le rendement diminue

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lorsque la température augmente) et ne peut pas être facilement compensée (pour le transport d’électricité, cela pourrait être compensé par une réduction de la longueur du réseau), mais peut parfois être évitée en anticipant l’évolution du climat futur. Par exemple, en anticipant le réchauffement lors de la construction des bâtiments résidentiels, il est possible dès la conception d’intégrer des solutions de climatisation naturelle, permettant d’éviter le recours à la climatisation « artificielle », laquelle consomme d’autant plus d’énergie qu’il fait chaud, et qui peut renforcer les phénomènes d’Îlot de Chaleur Urbain (ICU) du fait des rejets de chaleur en zone urbaine. L’anticipation du changement climatique dès la conception des bâtiments peut permettre de réduire la nécessité d’apport énergétique l’hiver, en optimisant l’orientation et la taille des surfaces vitrées sur les façades, permettant ainsi de profiter du rayonnement solaire naturel.

Enfin, le tourisme sera impacté sur l’ensemble du territoire métropolitain par le changement climatique, du fait d’une dégradation du confort climatique d’été. La région du Nord et la façade atlantique serait impactées de manière moins significative. Ainsi, on pourrait anticiper davantage de flux migratoires estivaux en direction de ces régions, conduisant à une augmentation de la consommation d’énergie l’été du fait des transports. Par ailleurs, certaines stations de sports d’hiver (de basse-moyenne altitude) ne présenteront plus d’enneigement suffisant pour assurer un domaine skiable fiable à horizon 2030-2050, et la production de neige artificielle ne représente donc pas une solution durable pour toutes les stations, et consomme de l’énergie à une période particulièrement critique (période froide). Cependant, le changement climatique peut représenter une opportunité non négligeable pour le développement du tourisme d’intersaison, qui nécessite une planification anticipative.

Dans le cas d’une activité dont la consommation d’énergie ne pourrait pas être découplée du réchauffement climatique, il pourrait être envisagé de faire appel aux énergies renouvelables, telles le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse,… ou même de compenser cette consommation d’énergie par des solutions passives (l’isolation pour l’habitat), voire des aménagements différents (réduction de l’énergie consommée par les transports grâce au développement des filières courtes, développement des zones d’activités en cohérence avec les transports en commun,…). Le recours aux énergies renouvelables permet de s’affranchir de la dépendance aux ressources épuisables, tout en ayant une répercussion en termes d’émissions de GES maîtrisée.

ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE INDIRECTE DU PROJET AU C HANGEMENT CLIMATIQUE

DÉPENDANCE À LA CHAÎNE DE VALEUR (DÉPENDANCE FONCTIONNELLE)

Les activités économiques et les projets peuvent être directement impactés par une augmentation du coût de l’énergie et de celui de l’eau, du fait de la raréfaction de ces ressources, mais il est également possible que votre projet dépende d’autres facteurs qui seront modifiés du fait du changement climatique sans que cela apparaisse à travers les coûts de l’eau et de l’énergie, mais que cela remette en question la rentabilité économique attendue (pour un projet industriel), ou bien la délivrance du service.

S’il s’agit d’un projet industriel, les procédés employés sous-jacents peuvent être perturbés par des modifications des conditions climatiques, par la hausse des températures notamment. À titre d’exemple, des températures maximales plus élevées peuvent avoir des conséquences pour des procédés sensibles à la viscosité des matériaux, et ainsi bouleverser, interrompre ou simplement dégrader la production pendant certaines périodes. Les températures maximales (canicules) sont également un problème pour le comportement de certains matériaux, comme l’acier des rails de chemin de fer. Ainsi, l’entreposage des matériaux doit prendre en considération cette problématique.

Outre les maxima, l’évolution tendancielle de la température est également un facteur pouvant altérer les rendements, comme c’est le cas pour les réseaux de transport d’électricité, dont le rendement décroît avec la température. De même, dans le cas d’un barrage et d’une unité de production hydroélectrique, le changement climatique va conduire, selon les régions, à une réduction des débits d’eau, et donc à une réduction du productible.

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Bien que le changement climatique n’impacte peut-être pas directement la filière dans laquelle s’inscrit votre projet, il se peut qu’un élément de la chaîne de valeur de ce qui est produit ou proposé comme service soit plus contraint par le climat, que cet élément se trouve en amont ou bien en aval de votre activité (nous parlons d’amont lorsqu’il s’agit des fournisseurs, et d’aval lorsqu’il s’agit des clients du produit ou service). En effet, si le climat pèse sur l’amont de cette activité, il se peut que des difficultés à maintenir le service soient rencontrées. De même, si c’est l’aval de l’activité qui se trouve impacté, des difficultés à vendre ou délivrer le service ou produit pourront être rencontrées. Si votre projet est un projet industriel, il peut être utile de dresser un panorama des acteurs (clients et fournisseurs) composant la chaîne de valeur du projet.

Si votre service ou projet a recours à la une filière sensible au climat, vous présentez certainement une dépendance indirecte au changement climatique relativement importante. C’est par exemple le cas du tourisme (hiver-été), qui peut se trouver bouleversé par les nouvelles conditions climatiques, et réduire les activités économiques qui en dépendent. Le changement climatique va particulièrement impacter l’agriculture, la pêche, la sylviculture, l’eau, la biodiversité, ce qui peut avoir des effets négatifs dans divers secteurs outre le tourisme déjà cité, tels l’innovation pharmaceutique, la confection bois…

À titre d’exemple, la métallurgie est un secteur fortement dépendant du prix de l’énergie, de même que l’agriculture ou certains secteurs industriels sont sensibles au coût de l’eau, ou encore que l’élevage est impacté par le renchérissement des matières premières agricoles. Globalement, la plupart des activités économiques nécessitant le transport de marchandises est impactée par l’augmentation du coût de l’énergie. Ainsi, si l’eau ou l’énergie représente une part importante du coût du bien ou service qui vous est délivré par l’amont de votre chaîne, le changement climatique renchérissant ces ressources, cela se traduira certainement par une augmentation de vos coûts et peut-être par une perte de compétitivité, même si vous n'êtes directement pas un gros consommateur d'eau ou d'énergie

Nous pouvons penser que l’aval a moins de conséquence sur une activité que la partie amont de sa chaîne, il n’en demeure pas moins que la pertinence d’un investissement peut être discutée au regard des débouchés, et de l’évolution attendue du besoin de bien ou service auquel le projet compte répondre. Outre l’amont de votre activité, il est donc également pertinent et nécessaire de s’intéresser à l’aval de votre activité.

Lorsqu’il s’agit d’aval, la notion doit être élargie à « l’ensemble des objectifs visés par le projet ». Par exemple, dans le cas d’un barrage, le stockage de l’eau est l’un des objectifs, et il peut être compromis par une évolution de la demande en eau, bien que le projet de barrage en lui-même ne soit pas directement sensible (dans son fonctionnement) à l’évolution du climat. Dans l’exemple présent, le climat perturbe donc les débouchés du projet (demande plus forte des clients au delà des capacités du barrage voire disparition de clients dans la zone du projet). De même, dans le cadre d’un projet d’infrastructures (transport, énergie, TIC), l’aval est constitué des usagers du service en question. Ainsi, une route pourrait ne pas être directement sensible à l’évolution du climat, mais ne plus présenter de pertinence économique si la majorité de ses usagers était impactée par le changement climatique. Cela dépend donc des zones que dessert ladite route (agriculture, forêt, côte, complexe hôtelier…).

Afin d’améliorer la résilience au climat d’un projet, plusieurs solutions existent, à savoir la diversification des sources d’approvisionnement, la formation de stocks disponibles sur place, l’amélioration de l’efficacité afin de consommer une moindre quantité de ressource par unité de bien ou de service délivrée… Toutes ces solutions peuvent entraîner un coût, notamment la formation et l’entretien de stock, et nécessitent des ressources, mais peuvent s’avérer rentables à long terme.

DÉPENDANCE AUX RÉSEAUX (DÉPENDANCE STRUCTURELLE)

Les réseaux deviennent de plus en plus importants dans l’activité économique, notamment du fait de la mondialisation des échanges commerciaux et le recours au transport (terrestres, maritimes, aériens), et de la place importante qu’occupent les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans l’économie. Ces réseaux sont un moyen d’accélérer les échanges, que ce soient les échanges physiques (commerciaux) ou bien les échanges de données. Malgré tout, ces échanges requièrent des infrastructures, comme les routes, les chemins de fer, les lignes téléphoniques…, lesquelles sont exposées aux aléas climatiques.

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Par exemple, les lignes électriques peuvent subir des dommages causés par des aléas climatiques, et en période de forte consommation électrique de pointe, le régulateur peut procéder à des délestages, afin de ne pas endommager le réseau de transport d’électricité. Par ailleurs, une coupure d’électricité peut être liée à un aléa climatique qui serait survenu à distance du lieu d’implantation du projet, et dont les répercussions atteignent l’implantation de votre projet.

Le réseau routier peut également subir des dommages liés aux aléas climatiques et à l’évolution tendancielle des précipitations. Il en est de même pour les voies ferrées, dont les rails peuvent subir les effets des canicules, et ne plus être en capacité d’assurer leur fonction, du fait de la déformation subie. Lors de la canicule de 2003, certains segments du réseau ferré français ont ainsi souffert de ce phénomène.

Par ailleurs, les transports sont eux-mêmes impactés par l’élévation du coût de l’énergie (électricité et pétrole principalement) et peuvent ainsi impacter le coût final d’un service ou produit. Pour aller plus loin, le coût du transport aérien est plus impacté par l’élévation du coût de l’énergie que le coût du transport fluvial, puisque l’énergie représente une plus grande part du coût dans l’aviation que dans le transport maritime.

Ainsi, la dépendance indirecte au climat et au changement climatique peut également venir de la dépendance aux divers réseaux pour assurer son fonctionnement. En effet, même les activités dites de service dépendent du climat, car elles se servent des TIC et des réseaux de transport et d’énergie pour fonctionner. Par exemple, les activités économiques de e-commerce qui peuvent parfois paraître comme dématérialisées et donc comme moins sensibles au changement climatique, sont en fait dépendantes des réseaux de TIC et de transport dans leur activité quotidienne, et donc indirectement sensibles au climat. De même, une activité nécessitant l’acheminement de marchandises en flux tendus ou quasi-tendus pour son fonctionnement pourrait subir indirectement les conséquences du changement climatique (à travers l’augmentation de la fréquence de certains évènements extrêmes notamment), qui rendront certains réseaux inopérants.

Afin de gérer votre sensibilité et votre résilience au risque climatique, il est donc nécessaire de savoir si votre projet ou service est en capacité d’être maintenu en cas de défaillance d’un voire de plusieurs réseaux (eau, énergie, transport, TIC). Pour les réseaux énergétiques (électricité, gaz, pétrole, charbon), une diversification des sources permet d’améliorer la résilience climatique. De même, le report modal (route-rail par exemple) permet d’intégrer de la flexibilité dans le fonctionnement, et ainsi de la résilience au changement climatique.

La flexibilité par rapport à la défaillance du réseau d’eau peut être atteinte grâce à la réalisation de forage pour puiser de l’eau dans les réserves souterraines, à la formation d’un stock d’eau dans lequel puiser en cas de besoin, mais également en utilisant des eaux de surface. En ce qui concerne les eaux souterraines, il est à noter que la loi cadre sur l’eau requiert que les masses d’eau souterraines retrouvent leur bon état de référence à horizon 2015, ce qui signifie qu’il est nécessaire de puiser moins que ce qui retourne dans la nappe.

Enfin, l’implantation géographique des investissements joue un rôle majeur, car elle détermine l’exposition au changement climatique.

Le changement climatique va conduire à une augmentation du risque de feu de forêt dans certaines régions, ce qui pourra perturber les activités et services se trouvant à proximité de la forêt en question, y compris les infrastructures de réseau. Étant attendue une remontée globale du niveau de la mer liée au changement climatique, une implantation en zone littorale de basse altitude expose à la submersion marine. Par ailleurs, ce phénomène peut également rendre obsolète certaines infrastructures de transport de manière tendancielle lorsqu’elles sont situées dans ces régions. À titre indicatif, la remontée du niveau de la mer extrême avant la fin du siècle est estimée à 1 mètre en France métropolitaine ce qui aggravera les risques de submersion côtière.

En dépit d’un climat futur probablement plus sec, les risques d’inondation vont rester inchangés. Ainsi, les investissements qui se trouvent actuellement dans une zone inondable resteront exposés à ce risque, malgré l’évolution du climat.

Les phénomènes liés à la nature des sols sont également à prendre en considération dans la gestion des risques lors d’un investissement. Dans les sols, le volume des matériaux argileux tend à augmenter avec leur teneur en eau (phénomène de gonflement) et, inversement, à diminuer en

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période de déficit pluviométrique (phénomène de retrait). Ces phénomènes de « retrait-gonflement des argiles » peuvent provoquer des dégâts au niveau des constructions localisées dans des zones où les sols contiennent des argiles. Ces dégâts sont fonction des possibilités de déformation des bâtiments et particulièrement de la profondeur de leurs fondations. Ce phénomène affecte donc essentiellement les bâtiments résidentiels individuels et peut être anticipé en ayant recours à des techniques de construction adaptée à ce dernier. Enfin, du fait de l’élévation de la température moyenne, la fréquence des cycles de gel-dégel connaîtra une augmentation. Ce phénomène peut endommager les revêtements et les bétons, ce qui touche particulièrement les infrastructures de transport.

Ce sont autant de risques d’interruption et de perturbation de l’activité, voire de surcoût de maintenance, à considérer lors de la prise de décision d’investissement.

Annexe B-2 Guide d’accompagnement de l’utilisateur rédigé dans le cadre de l’outil dédié à la maladaptation

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Page 171: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

160

TABLE DES M ATIÈRES

RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................ I

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ III

SOMMAIRE ...................................................................................................................................................... V

TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................................................................. VI

GLOSSAIRE ..................................................................................................................................................... VII

AVANT-PROPOS ............................................................................................................................................... 1

INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 4

I. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ................................................................ 5

I.1. LES IMPACTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET L’ATTÉNUATION ......................................................... 5

I.1.1. Économie et climat .......................................................................................................................... 5

I.1.1.1. Les liens énergie-climat et énergie-économie ....................................................................................... 6

I.1.1.2. L’équation de Kaya ................................................................................................................................ 7

I.1.1.3. L’atténuation ......................................................................................................................................... 8

I.1.2. Les outils et indicateurs d'atténuation ............................................................................................ 9

I.1.2.1. Le marché et la taxe .............................................................................................................................. 9

I.1.2.2. Les normes et subventions .................................................................................................................. 10

I.1.2.3. La métrique de l’atténuation et la courbe d’abattement .................................................................... 11

I.1.2.4. Les fuites de carbone........................................................................................................................... 13

I.1.2.5. Les coûts et potentiels d’atténuation .................................................................................................. 14

I.2. L’ADAPTATION ............................................................................................................................................ 15

I.2.1. Les besoins d’adaptation ............................................................................................................... 15

I.2.1.1. Les zones côtières ................................................................................................................................ 16

I.2.1.2. L’agriculture......................................................................................................................................... 16

I.2.1.3. L’eau .................................................................................................................................................... 17

I.2.1.4. L’énergie .............................................................................................................................................. 17

I.2.1.5. Le tourisme .......................................................................................................................................... 18

I.2.1.6. La santé ............................................................................................................................................... 18

I.2.1.7. L’accès à l’information ......................................................................................................................... 19

Page 172: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

161

I.2.1.8. Le secteur privé et les assurances ....................................................................................................... 19

I.2.2. Comment favoriser l'adaptation ? ................................................................................................. 20

I.2.2.1. Les différentes catégories d’adaptation .............................................................................................. 20

I.2.2.2. Les divers systèmes d’assurance ......................................................................................................... 22

I.2.2.3. Les signaux-prix ................................................................................................................................... 24

I.2.2.4. Les partenariats publics-privés ............................................................................................................ 25

I.2.3. Les outils d'évaluation des solutions ............................................................................................. 26

I.2.3.1. Le problème de l’incertitude et sa prise en compte ............................................................................ 26

I.2.3.2. Les outils classiques : ACB, ACE, AMC ................................................................................................. 28

I.2.3.3. Les autres instruments et les critères d’appréciation ......................................................................... 30

I.3. L’ADAPTATION VERSUS L’ATTÉNUATION ............................................................................................................ 31

I.3.1. Les différences entre adaptation et atténuation ........................................................................... 32

I.3.1.1. Les échelles spatiales et temporelles .................................................................................................. 32

I.3.1.2. Un équivalent de la tonne de CO2 évitée ? .......................................................................................... 33

I.3.1.3. La diversité des acteurs de l’adaptation .............................................................................................. 33

I.3.1.4. Bien privé-bien public .......................................................................................................................... 34

I.3.1.5. Échec ou réussite de la politique engagée .......................................................................................... 34

I.3.1.6. Conflits et synergies entre les deux approches ................................................................................... 35

I.3.1.7. Une politique commune d’atténuation & adaptation ? ...................................................................... 35

I.3.2. La comparaison économique......................................................................................................... 36

I.3.2.1. La valeur d’option réelle ...................................................................................................................... 36

I.3.2.2. Pourquoi faudrait-il ne pas mélanger les deux ? ................................................................................. 37

I.3.2.3. La position en théorie des jeux ............................................................................................................ 39

I.3.3. L'émergence du concept d'adaptation sur la scène internationale ............................................... 41

II. ADAPTATION ET MALADAPTATION ....................................................................................................... 45

II.1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SES IMPACTS .............................................................................................. 45

II.1.1. Les climats futurs ........................................................................................................................... 45

II.1.1.1. Quelques définitions ........................................................................................................................... 45

II.1.1.2. L’origine des GES ................................................................................................................................. 46

II.1.1.3. La modélisation du climat ................................................................................................................... 48

Page 173: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

162

II.1.1.4. Les projections climatiques du GIEC .................................................................................................... 49

II.1.1.5. Les projections climatiques pour la France ......................................................................................... 52

II.1.2. Les impacts sur l'économie et la société en France ....................................................................... 53

II.1.2.1. Quelques généralités ........................................................................................................................... 53

II.1.2.2. L’eau .................................................................................................................................................... 55

II.1.2.3. Les risques naturels ............................................................................................................................. 55

II.1.2.4. La biodiversité ..................................................................................................................................... 56

II.1.2.5. La santé ............................................................................................................................................... 56

II.1.2.6. L’agriculture......................................................................................................................................... 56

II.1.2.7. La foresterie ........................................................................................................................................ 57

II.1.2.8. L’énergie .............................................................................................................................................. 57

II.1.2.9. Le tourisme .......................................................................................................................................... 58

II.1.2.10. Le transport ......................................................................................................................................... 59

II.1.2.11. Les coûts des impacts .......................................................................................................................... 59

II.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ADAPTATION, ET LA MALADAPTATION .................................................................... 61

II.2.1. La polysémie de l’adaptation et sa dimension culturelle .............................................................. 61

II.2.2. Les concepts de l'adaptation au changement climatique ............................................................. 65

II.2.2.1. La vulnérabilité .................................................................................................................................... 66

II.2.2.2. La capacité d’adaptation ..................................................................................................................... 67

II.2.2.3. Les déterminants de la capacité d’adaptation .................................................................................... 69

II.2.2.4. Le déficit de capacité d’adaptation ..................................................................................................... 72

II.2.2.5. La résilience ......................................................................................................................................... 73

II.2.2.6. La résilience dans la pratique .............................................................................................................. 74

II.2.3. La maladaptation .......................................................................................................................... 78

II.3. L'ADAPTATION EN PRATIQUE ..................................................................................................................... 81

II.3.1. Les manières de faire de l'adaptation ........................................................................................... 81

II.3.1.1. Le sans-regret ...................................................................................................................................... 82

II.3.1.2. Les options réversibles ........................................................................................................................ 82

II.3.1.3. La marge de sécurité ........................................................................................................................... 82

II.3.1.4. L’adaptation douce .............................................................................................................................. 83

II.3.1.5. Les solutions techniques et technologiques ........................................................................................ 83

Page 174: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

163

II.3.1.6. La réduction de l’horizon temporel ..................................................................................................... 84

II.3.1.7. Transformation en profondeur du système ........................................................................................ 85

II.3.1.8. Comparaison avec le cadre conceptuel ............................................................................................... 85

II.3.1.9. Approfondissement sur le sans-regret ................................................................................................ 86

II.3.2. Les outils dédiés à l'adaptation ..................................................................................................... 89

II.4. LA MALADAPTATION DANS LA PRATIQUE ...................................................................................................... 93

II.4.1. Les critères de jugement de la réussite de l’adaptation ................................................................ 93

II.4.2. La définition de Successful Adaptation .......................................................................................... 94

II.4.3. Les cinq types de maladaptation ................................................................................................... 95

II.4.4. Le risque de maladaptation en fonction de la stratégie ................................................................ 96

II.4.5. Les solutions techniques et technologiques .................................................................................. 98

II.4.5.1. La confiance accordée à la technique.................................................................................................. 98

II.4.5.2. La théorie de la société du risque ........................................................................................................ 98

II.4.5.3. Les systèmes complexes ...................................................................................................................... 99

II.4.5.4. La théorie des risques appliquée au dessalement ............................................................................... 99

II.4.5.5. Conclusion ......................................................................................................................................... 102

III. UN OUTIL POUR LA MALADAPTATION DES PROJETS ........................................................................... 104

III.1. L’APPROCHE GLOBALE ............................................................................................................................ 104

III.1.1. Les objectifs de l’outil ............................................................................................................. 105

III.1.2. Les critères utilisés .................................................................................................................. 108

III.1.2.1. La durée de vie du projet................................................................................................................... 108

III.1.2.2. L’eau .................................................................................................................................................. 109

III.1.2.3. L’énergie ............................................................................................................................................ 109

III.1.2.4. La dépendance fonctionnelle ............................................................................................................ 109

III.1.2.5. La dépendance structurelle ............................................................................................................... 110

III.1.2.6. L’exposition ....................................................................................................................................... 110

III.1.3. L’approche en elle-même ....................................................................................................... 111

III.1.3.1. L’aspect qualitatif .............................................................................................................................. 111

III.1.3.2. La détermination de la sensibilité-résilience ..................................................................................... 111

III.1.3.3. Le calcul de la vulnérabilité ............................................................................................................... 112

Page 175: Eviter la maladaptation au Changement Climatique : un moyen de faire de l'adaptation?

164

III.1.3.4. Que faire du résultat ? ....................................................................................................................... 113

III.1.4. Déroulement de l’utilisation de l’outil .................................................................................... 114

III.2. ÉTUDES DE CAS ..................................................................................................................................... 115

III.2.1. Les projets liés à l’énergie ....................................................................................................... 116

III.2.2. Le dessalement d’eau de mer ................................................................................................. 120

III.2.3. Les solutions de rafraîchissement dans les villes .................................................................... 122

CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 125

ANNEXES A ................................................................................................................................................... 128

ANNEXES B ................................................................................................................................................... 136

RÉFÉRENCES ................................................................................................................................................. 150

TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................... 160