Pierre SERKINE Mémoire de fin d'études pour l'obtention du grade de Master 2 Énergie, Finance, Carbone de l'Université Paris-Dauphine Éviter la maladaptation au Changement Climatique Un moyen de faire de l’adaptation ? Année académique 2011-2012
Pierre SERKINE
Mémoire de fin d'études pour l'obtention du grade de Master 2 Énergie, Finance, Carbone de
l'Université Paris-Dauphine
Éviter la maladaptation au Changement
Climatique
Un moyen de faire de l’adaptation ?
Année académique 2011-2012
2
Ce mémoire fait office de rapport du stage effectué du 10 avril au
10 septembre 2012 au sein de l'Observatoire National sur les
Effets du Réchauffement Climatique (Onerc), dans le cadre de
l'obtention du grade de Master 2 Énergie, Finance, Carbone de
l'Université Paris-Dauphine.
Responsable de stage : Bertrand Reysset (DGEC-Onerc)
Référent académique : Patrice Geoffron (Université Paris-Dauphine)
i
RÉSUMÉ
Alors que le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et que les nations peinent
à trouver un consensus sur un cadre contraignant pour limiter à 2°C le réchauffement, les
négociations internationales sont l’occasion de proposer et de débattre d’adaptation aux
conséquences, lesquelles apparaissent progressivement. Du côté de l’économie, certains
chercheurs avancent que l’adaptation pourrait constituer une alternative plus efficace aux
mesures d’atténuation. Par ailleurs, les institutions qui s’intéressent à l’adaptation au
changement climatique souhaitent généralement que les mesures financées ne soient pas
maladaptées.
Ce mémoire élaboré dans le cadre d’une mesure du Plan National d’Adaptation au
Changement Climatique français, présente dans une première partie les aspects économiques
de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique, et conclut à la nécessité et la
rationalité d’appréhender ces deux stratégies comme complémentaires et non substituables.
Dans une deuxième partie, le cadre théorique de l’adaptation et de la maladaptation est
exposé, et une analyse de la littérature dédiée à l’adaptation au changement climatique permet
de montrer que la résilience est le concept qui doit être adopté pour réduire le risque de
maladaptation. Enfin, la dernière partie de ce mémoire présente un outil qui a été développé
dans le but d’éviter la maladaptation à l’échelle de projets d’investissement.
Cet outil évalue les projets sur quatre thèmes principaux que sont la ressource en eau, la
ressource énergétique, la dépendance structurelle (aux divers réseaux) et la dépendance
fonctionnelle des acteurs de la chaîne de valeur du projet au changement climatique. Il a été
testé sur divers cas d’étude afin de s’assurer de sa praticabilité, et des résultats sont présentés
dans le dernier chapitre.
Il pourrait représenter une première étape vers l’adoption d’une démarche complémentaire de
l’étude d’impact environnemental, au cours de laquelle serait évalué, non pas l’impact des
projets sur leur environnement, mais l’impact possible de l’environnement sur le projet du fait
des changements climatiques futurs.
Mots-clés : Adaptation, maladaptation, résilience, capacité d’adaptation, changement
climatique
iii
REMERCIEMENTS
Ce mémoire représente pour moi la fin d'une période de cinq mois, durant laquelle j'ai eu
l'occasion d'étudier un sujet auquel j'étais étranger, à savoir l'adaptation au changement
climatique. Cette tâche a été simplifiée par le cadre de travail très agréable, ainsi que par les
personnes que j'ai été amené à côtoyer.
Je pense tout d'abord à Bertrand Reysset, qui a toujours su trouver du temps pour m'aiguiller
et m'encadrer quand c'était nécessaire. Je le remercie également pour le temps qu'il a consacré
à la relecture de ce document, et pour m’avoir aidé à recentrer le sujet sur le cœur de l'étude,
sans m'égarer dans des considérations, certes passionnantes, mais qui le sont sans nul doute
davantage pour l'auteur que pour le lecteur, et qui auraient pu nuire à la compréhension du
texte.
D'autres personnes ont contribué au résultat de ce travail en me donnant leur avis sur l'outil
que nous avons développé et sur l'approche adoptée de la maladaptation au changement
climatique. Qu'ils soient de la DGEC, la CDC-Climat, de l'AFD, du CIRED, de l'IDDRI, de
l'ADEME, de la DATAR, du CGDD, de Be Citizen ou bien du Conseil Général du Val-de-
Marne1, je les remercie chaleureusement, car leurs commentaires m'ont permis de faire mûrir
ma réflexion, et de faire tendre cet outil vers la praticabilité.
Je souhaite également remercier Jérôme Duvernoy qui a trouvé le temps de m'apporter ses
commentaires sur ce mémoire, mais aussi Vincent Bourcier, Sylvain Mondon et Nicolas
Bériot pour les divers moments que nous avons partagés, qui n'auront pas manqué de me faire
évoluer. Par ailleurs, je remercie globalement les personnes à côté desquelles j'ai travaillé
pendant ces quelques mois, qui m'auront fait découvrir le quotidien d'un fonctionnaire en
administration centrale.
Enfin, je remercie également mon tuteur académique Patrice Geoffron pour sa disponibilité,
sa sympathie et sa résilience.
1 En particulier Daniel Delalande, Alexia Leseur, Charleyne Lafond, Sabrina Archambault, Vincent Viguié, Ellen Lemaitre-Curri, Thomas Peguy, Frédérique Sobella, Eric Vésine, Céline Phillips et Alexandre Magnan.
v
SOMMAIRE
RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................ I
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ III
SOMMAIRE ...................................................................................................................................................... V
TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................................................................. VI
GLOSSAIRE ..................................................................................................................................................... VII
AVANT-PROPOS ............................................................................................................................................... 1
INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 4
I. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ................................................................ 5
I.1. LES IMPACTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET L’ATTÉNUATION ......................................................... 5
I.2. L’ADAPTATION ............................................................................................................................................ 15
I.3. L’ADAPTATION VERSUS L’ATTÉNUATION ............................................................................................................ 31
II. ADAPTATION ET MALADAPTATION ....................................................................................................... 45
II.1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SES IMPACTS .............................................................................................. 45
II.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ADAPTATION, ET LA MALADAPTATION .................................................................... 61
II.3. L'ADAPTATION EN PRATIQUE ..................................................................................................................... 81
II.4. LA MALADAPTATION DANS LA PRATIQUE ...................................................................................................... 93
III. UN OUTIL POUR LA MALADAPTATION DES PROJETS ........................................................................... 104
III.1. L’APPROCHE GLOBALE ............................................................................................................................ 104
III.2. ÉTUDES DE CAS ..................................................................................................................................... 115
CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 125
ANNEXES A ................................................................................................................................................... 128
ANNEXES B ................................................................................................................................................... 136
RÉFÉRENCES ................................................................................................................................................. 150
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................... 160
vi
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure I-1 Comparaison entre la variation de la production mondiale de pétrole (courbe violette) et de
la variation du PIB par personne en moyenne mondiale (courbe bleue) [3] ....................................7
Figure I-2 Courbe de coût marginal d'abattement des émissions de CO2 (McKinsey) ........................... 12
Figure I-3 Potentiel économique mondial d’atténuation estimé [7]. ....................................................... 14
Figure I-4 Exemples de termes employés pour caractériser des solutions d'adaptation [12] .................. 21
Figure I-5 Classification d'options d'adaptation (d'après Burton, 1996) [12] ......................................... 22
Figure I-6 Comparaison de mesures d'économie d'eau, suivant une courbe de coût sociétal en fonction
du potentiel technique à 2026, dans le Sud Est de l'Angleterre, en Millions de litres par an [16] . 30
Figure II-1 Flux mondiaux d'émissions de GES par secteur et par utilisation finale ou activité [7] ...... 47
Figure II-2 Anomalie de la température moyenne à la surface, selon 3 scénarios différents, sur 3
périodes futures (2011-2030, 2046-2065 et 2080-2099), par rapport à la période de référence 1980-
1999, selon plusieurs modèles climatiques. [39] .............................................................................. 51
Figure II-3 Évolution du schéma de précipitations pour la période 2090-2099 par rapport à 1980-1999,
pour le scénario d'émissions intermédiaire (A1B), pour la période de décembre à février (gauche)
et de juin à août (droite), d'après plusieurs modèles climatiques [39] ........................................... 51
Figure II-4 Évaluation du coût des impacts du changement climatique à l'échelle du globe [40] .......... 60
Figure II-5 Facteurs de vulnérabilité selon les deux dimensions présentées par Füssel [46] ................... 67
Figure II-6 Représentation d'un bassin d'attraction et des indicateurs de résilience (Wikipédia) ......... 75
Figure III-1 Scores donnés par l’outil pour une centrale solaire de production d’électricité, selon deux
technologies de refroidissement sans prise en compte de l’exposition .......................................... 118
Figure III-2 Influence de l’exposition sur les scores donnés par l’outil pour une centrale solaire à
refroidissement à eau .................................................................................................................... 119
Figure III-3 Comparaison de la résilience de trois technologies de production énergétique ................. 119
Figure III-4 Comparaison des solutions de climatisation-rafraichissement en zone urbaine ................. 123
Figure III-5 Comparaison des solutions de rafraîchissement pour certaines grandes villes .................. 124
vii
GLOSSAIRE
ACB Analyse Coût Bénéfice
ACE Analyse Coût Efficacité
ADB Asian Development Banque
AIE Agence Internationale de l’Énergie
AMC Analyse Multi-Critères
CCNUCC Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique
CEDD Conseil Économique pour le Développement Durable
CNRM Centre National de Recherches Météorologiques
CSP Concentrating Solar Power
DEFRA Department for Environment, Food and Rural Affairs
DRIAS Donner accès aux scénarios climatiques Régionalisés français
pour l’Impact et l’Adaptation de nos Sociétés et environnements
EIE Étude d’Impact Environnemental
EnR Énergie Renouvelable
GES Gaz à Effet de Serre
GIEC Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat
GIZ Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit
IPSL Institut Pierre Simon Laplace
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique
viii
OMC Organisation Mondiale du Commerce
ONG Organisation Non Gouvernementale
PIB Produit Intérieur Brut
PNACC Plan National d’Adaptation au Changement Climatique
TIC Technologie de l’Information et de la Communication
UE Union Européenne
UK-CIP United Kingdom Climate Impacts Program
USAID United States Agency for International Development
1
AVANT -PROPOS
Cet avant-propos a pour but d’éclairer le lecteur sur le cadre économique employé dans la suite de ce document. Il n’est donc pas indispensable à la compréhension de la suite.
À l'époque des physiocrates du XVIIIe siècle comme François Quesnay l'Économie et la terre
étaient très liées, puisque seule la terre pouvait créer de la richesse. Puis, au fil du temps, par
l'intermédiaire de la révolution industrielle, les économistes ont montré que l'Industrie, au
même titre que l'Agriculture, était source de création de richesse [1].
Aujourd'hui, la richesse d'un pays ne peut plus être jugée au développement de son
agriculture, comme en témoignent les chiffres de la Banque Mondiale2, puisque l'agriculture
au sens large (élevage, foresterie, pêche, agriculture et chasse) représente moins de 3 % du
PIB (Produit Intérieur Brut) mondial. Néanmoins, si l’agriculture disparaissait du jour au
lendemain, plus de 3 % de la richesse produite disparaîtraient également. Ce raisonnement
très simpliste a le mérite de montrer que l’économie mondiale, par l’intermédiaire du PIB, ne
prend pas en compte le caractère systémique de l’organisation de nos activités.
L’Économie est la discipline permettant d’établir la manière optimale d’allouer des ressources
(et des pénuries). Ainsi, elle doit nous aider à répondre aux questions suivantes : quelles fins
désirons-nous ou quels sont nos objectifs ? Quelles ressources limitées ou épuisables avons-
nous besoin d'utiliser ? Quelles fins sont prioritaires, et dans quelles mesures devons nous leur
attribuer des ressources ? Avant d'être en mesure de répondre à la dernière question, il est
nécessaire d'avoir répondu aux deux premières.
L'économie néo-classique est fondée sur un raisonnement marginaliste ainsi que sur l'emploi
du concept d'utilité. La réponse à la première question est donc que la fin visée est l'utilité (le
profit dans le cas d'une entreprise) ou le bien-être des individus. Or, en économie de marché le
bien-être est révélé à travers les transactions (achat et vente) de biens et de services qui ont
lieu sur le marché. En réalité, même en supposant que le marché est parfaitement efficace,
seules les préférences entre les différents biens présents sur le marché sont révélées à travers
les transactions, et il est implicitement considéré que les biens n'étant pas échangés sur le
marché contribuent peu au bien-être. Par ailleurs, comme l'Homme est considéré comme
insatiable, son utilité ou son bien-être peut toujours augmenter s'il possède davantage de biens
2http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS/countries/1W?display=graph
2
ou services3. Par conséquent, puisqu'il est possible de sommer les utilités individuelles pour
obtenir l'utilité globale de la société, une croissance sans fin est vue comme un proxy
approprié et mesurable de ce que nous souhaitons comme fin, ce qui est la réponse à la
première question.
Ensuite, comme il est considéré en économie néo-classique que les utilités sont révélées par le
marché d'une part, et que d'autre part les ressources épuisables sont également révélées par ce
dernier (par la rente de rareté par exemple), la plupart des économistes néo-classiques
estiment qu'en focalisant l'attention et les efforts sur le fonctionnement du marché, et sur
l'efficacité de ce dernier, une allocation optimale des ressources pourrait être atteinte, en
utilisant notamment le critère d'optimum au sens de Pareto. Néanmoins, il est apparu que le
bien-être ne pouvait totalement être révélé par le marché, celui-ci ne pouvant uniquement
passer par les biens marchands. Ainsi, est apparue l'idée de l'externalité. L'externalité (ou effet
externe) correspond à une situation dans laquelle l'action d'un agent économique influe sur un
second agent économique, sans que ce dernier ne soit partie prenante. Ces externalités
peuvent être positives (la présence d'apiculteurs à proximité de cultures, pour la pollinisation)
ou bien négatives (présence de polluants déversés par l'industrie dans des cours d'eau, pour la
pêche). Il existe plusieurs manières de réintégrer les externalités dans des mécanismes de
marché, telle l'intervention des pouvoirs publics (par la norme par exemple), ou encore la
négociation entre les deux agents (dans le cas où peu d'agents sont concernés), ou bien encore
la fusion des deux acteurs économiques afin d'intégrer les externalités.
Il y a malgré tout des utilités qui ne sont pas intégrées, car elles reposent sur des biens non
marchands, comme les services écosystémiques. C'est par exemple le cas de la pollinisation,
laquelle n'est pas rémunérée mais qui a pourtant une grande valeur. La sous-branche de
l'économie néo-classique qui étudie la manière d'attribuer une valeur aux services
écosystémiques est l'économie de l'environnement. Plusieurs méthodes existent pour
attribuer une valeur à l'environnement, à savoir la méthode des prix hédonistes, la méthode
des coûts de déplacement (ou de transport), la méthode des coûts de protection... Toutes ces
méthodes sont fondées sur le principe que la valeur de ce qui nous entoure est toujours celle
que nous lui accordons. C'est donc un point de vue anthropocentré, qui reste dans le cadre de
'économie néo-classique, et qui cherche à attribuer une valeur à l'environnement selon les
principes habituels de l'économie.
3 Cela signifie que le bien-être est une fonction strictement croissante.
3
Une autre approche ayant pour but de rapprocher économie et environnement utilise le
procédé inverse, à savoir d’intégrer l’économie humaine dans le cadre fixé par
l’environnement, par l’intermédiaire des capacités biophysiques de la planète, et non
l’environnement dans l’économie. En d’autres termes, le but est de répondre à la question :
combien (ou que) puis-je produire de richesses utiles dans notre société grâce à ces richesses
naturelles (ressources épuisables et renouvelables), sans compromettre mon activité future ?
Ce point de vue, qui reste tout de même anthropocentré, est celui qui est défendu par
l'économie écologique. Ceci n'est pas à proprement parler une nouvelle branche ou discipline
de l'économie, mais plutôt une approche transdisciplinaire, faisant appel à l'économie, mais
également à la biologie, la biophysique, la physique...visant à adopter une approche
systémique. Enfin, nous évoquerons simplement le mouvement appelé « Deep Ecology »,
expression employée pour la première fois par l’auteur Arne Næss en 1973 dans un article
intitulé « Le mouvement écologique superficiel et le mouvement profond ». Cette doctrine
part du postulat que toutes les vies sur Terre se valent, humaines ou non, et remet donc par là
même l’anthropocentrisme en question, au profit du biocentrisme. Cette idée peut conduire à
remettre très sérieusement en question la croissance de la population humaine. Cette approche
paraissant plus idéologique qu’économique ne sera pas employée dans ce document.
Une métaphore peut être employée pour comparer l'économie néo-classique et l'économie
écologique4. Prenons l'exemple d'un cargo dont le chargement doit être optimisé. Pour ce
faire, l'économie néo-classique répartirait le chargement de part et d'autre de la quille, à
l'avant et à l'arrière de manière à assurer une stabilité optimale. De son côté, l'économie
écologique souhaiterait également garantir une stabilité optimale, mais accorderait une plus
grande importance à ne pas dépasser le chargement limite du cargo considéré. Si cette mesure
n'était pas contrôlée, il se pourrait que le navire coule, même si le chargement était agencé de
façon optimale. En effet, l'économie néo-classique ne prête pas attention à "combien" mais
seulement à "comment", ce qui nous a conduits à globalement dépasser les capacités
naturelles de la planète5 à absorber et renouveler nos émissions6. Dans la suite de ce
document, nous nous placerons dans le cadre habituel de l'économie néo-classique.
4 Cette métaphore est tirée d’un ouvrage d’économie écologique [84]. 5 Ce phénomène s’appelle communément l’overshooting. 6 Nous ne rentrerons pas dans les détails de l'économie écologique ni dans ceux de l'économie néo-classique, et nous invitons le lecteur à consulter les ouvrages cités dans cette sous-section pour de plus amples informations.
4
INTRODUCTION GÉNÉRALE
D'après certains scientifiques, les activités anthropiques feraient de l'Homme la contrainte
dominante du système terrestre actuel, devant les contraintes géologiques. Ainsi, selon Paul
Crutzen, prix Nobel en 1995 pour ses travaux sur la chimie de l'atmosphère, nous serions
entrés dans une nouvelle ère géologique, nommée l'anthropocène qui aurait débuté en 1784,
avec l'apparition du brevet de la machine à vapeur de James Watt. C'est cette invention qui a
permis la révolution industrielle et le développement économique et marchand que le monde
connait aujourd'hui, caractérisé entre autres par une économie ouverte et globalisée.
Du fait de la mondialisation, la Terre est aujourd’hui un seul et unique navire possédant 194
cabines, plus ou moins grandes et luxueuses, mais qui couleront toutes à la fois, ou ne
couleront pas. En effet, la globalisation des échanges a permis la diffusion du savoir, des
informations, de la technique et des cultures, mais également des crises, qu'elles soient
économiques, naturelles, financières, écologiques ou sociales.
Parmi les contraintes que l'Homme impose au système terrestre, il en est une qui présente un
intérêt particulier, car elle est au carrefour de nombreux enjeux socio-économiques et
politiques, il s'agit du changement climatique. Pour répondre à cette contrainte, les sociétés
ont deux stratégies, que sont l'atténuation de ses causes, et l'adaptation à ses conséquences.
Ce mémoire s'inscrit dans le contexte d'une des mesures du Plan National d'Adaptation au
Changement Climatique (PNACC) adopté par la France en juillet 2011. Dans la pratique,
l'adaptation est confrontée à une problématique qui est la maladaptation. L'objectif de ce
mémoire est de développer une méthode permettant d'éviter ces problèmes dans le cadre de
projets d'investissement privés ou publics.
Le présent document est articulé autour de trois chapitres. Le premier s'intéresse aux aspects
économiques du changement climatique, et compare en particulier l'atténuation et l'adaptation
afin d'évaluer la nécessité ou non de la complémentarité de ces deux stratégies. Le second
chapitre décrit d'abord le cadre théorique général de l'adaptation et de la maladaptation, avant
d'exposer les outils, méthodes et mesures utilisées dans le cas spécifique du changement
climatique. Ce chapitre permet de déterminer les critères et enjeux majeurs de la
maladaptation au changement climatique, qui sont ensuite utilisés dans le troisième chapitre.
Ce dernier chapitre est l'occasion de décrire l'outil développé dans le cadre de la mesure du
PNACC, en présentant les capacités et limites de ce dernier, à travers des cas d'études.
5
I. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE
Dans la lutte contre le changement climatique, il existe deux approches qui sont aujourd’hui
présentées comme complémentaires, à savoir l’atténuation des causes et l’adaptation aux
conséquences. Cependant, ces deux approches n’ont pas toujours été vues comme devant être
menées en parallèle, mais comme pouvant se substituer l’une à l’autre. C’est ainsi qu’il existe
quelques travaux en économie sur le choix entre mettre en place une politique d’atténuation,
et adopter une stratégie d’adaptation, souvent pour magnifier notre potentiel d’adaptation et
minorer par là même notre nécessité d’atténuation.
I.1. LES IMPACTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE ET L’ATTÉNUATION
Dans une première sous-section nous présenterons plus en détails le lien entre le climat et
l’économie et plus spécifiquement l'impact de l'économie sur le climat. Dans une seconde
sous-section quelques indicateurs et outils économiques utilisés dans les politiques
d’atténuation seront exposés.
I.1.1. Économie et climat
La politique d’atténuation du changement climatique correspond à l’ensemble des mesures
prises dans le but de réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), en premier lieu
celles de dioxyde de carbone (CO2), ce dernier étant le premier des GES dans l’activité
économique actuelle7. En effet, le changement climatique est en grande partie lié aux
émissions de GES provenant des diverses activités humaines. Bien entendu, le climat est
naturellement variable, et le changement climatique existe sans la contribution humaine,
néanmoins le changement climatique naturel, qui peut être la conséquence d'une variation
d'activité solaire, de l'activité volcanique, de la modification de l'axe de rotation de notre
planète... présente un pas de temps bien plus grand (ou bien une vitesse bien plus faible) que
celui (celle) du changement climatique observé aujourd'hui8.
7 Pour plus de détails, voir le chapitre 0 8 Nous n'expliquerons pas en détails le fonctionnement du système climatique, mais nous invitons le lecteur à se reporter à l'ouvrage publié récemment par le CNRS traitant de la question [95].
6
I.1.1.1. Les liens énergie-climat et énergie-économie
La raison de cette prédominance du CO2 dans l’activité économique tient au fait que l’énergie
est le cœur de notre économie moderne, et que plus de 80 % de cette énergie est de sources
fossiles [2], à l'origine des émissions de CO2 provenant généralement de la combustion, que
ce soit dans le domaine des transports (moteurs thermiques) ou bien dans l’industrie par
l’intermédiaire de la production d’électricité (centrales thermiques), mais également du fait
même du processus industriel (cimenterie par exemple). Ce lien extrêmement fort entre
énergie et émissions de GES explique qu’il soit très souvent question de la contrainte
énergie-climat.
Il est utile de rappeler que l'énergie est, en physique, l'unité permettant de mesurer la quantité
de modification d'un système, que cette modification soit liée à la température, la forme, la
composition chimique, ou à tout autre caractéristique du système considéré (vitesse,
position,...). Pour ainsi dire, dès que nous souhaitons modifier un système, nous avons besoin
d'employer de l'énergie, et inversement, dès qu'un système est modifié, alors nous avons
utilisé de l'énergie en amont. De ce fait, l'énergie est essentielle dans la plupart des activités
entreprises dans nos sociétés actuelles. À l'époque des physiocrates, la majeure partie de
l'énergie dépensée provenait de l'énergie de l'Homme (ou des animaux), laquelle venait des
aliments consommés et donc de la terre, du soleil et de l'eau, ainsi que du vent. Aujourd'hui la
majeure partie de l'énergie que nous consommons (environ 80 % [2]) provient de ressources
naturelles fossiles (charbon, gaz, pétrole), lesquelles sont issues de la décomposition qui s'est
opérée sur des millions d'années grâce notamment au Soleil, et qui a laissé place à ces
ressources.
Par ailleurs, le lien entre énergie et économie est également majeur. Il peut être observé grâce
aux courbes de la variation de la production annuelle de pétrole, et celle de la variation
annuelle du PIB mondial, représentées sur un même graphe (Figure I-1). Naturellement, le
pétrole n’est pas la seule source d’énergie utilisée dans notre système économique, mais celle-
ci étant à l’origine de 93,5 % du transport[2], et le PIB mondial étant essentiellement le fruit
d’échanges commerciaux (donc incluant du transport), au premier ordre nous pouvons dire
que plus la consommation augmente, plus la production de pétrole augmente (tant que celle-ci
peut couvrir la demande), ce qui est donc la traduction physique de l’augmentation des
échanges commerciaux. Le pétrole est la forme d'énergie privilégiée pour le transport car c'est
une matière liquide, donc commode à transporter et à stocker, contrairement au gaz par
7
exemple9, et que sa densité énergétique est plutôt élevée (entre 30 et 40 MJ/L pour le pétrole,
contre 25 à 30 MJ/L pour le gaz naturel liquéfié).
Figure I-1 Comparaison entre la variation de la production mondiale de pétrole (courbe violette) et de la variation du PIB par personne en moyenne mondiale (courbe bleue) [3]
I.1.1.2. L’équation de Kaya
Afin de connaître l'impact de l'Homme sur l'Environnement et plus particulièrement sur le
climat, il est nécessaire de se référer aux émissions de GES. Pour cela, nous pouvons
employer l'équation I=PAT (I pour Impact, P pour Population, A pour Affluence et T pour
Technology), ou l'équation de Kaya (Equation 1) qui est plus adaptée à la question des
émissions de GES. Elle permet de décomposer ces émissions de l'Humanité toute entière en
un produit de quatre facteurs non nuls. L'intérêt de cette décomposition est de permettre à des
personnes de disciplines différentes de se concentrer sur un facteur sur lequel elles peuvent
travailler séparément, alors qu'elles ne seraient pas capables de travailler sur le produit agrégé
de ces facteurs.
��2 =��2
������
��
���× ���
Equation 1
9 Ceci explique également que le pétrole ait un marché mondial, tandis que le gaz a plusieurs marchés régionaux (Europe, Asie, Amérique), sur lesquels les prix sont différents, malgré la présence de méthaniers assurant les échanges entre ces trois marchés.
8
Dans cette équation, CO2 représente la quantité totale de GES émise (en tonnes par exemple),
TEP représente la quantité d'énergie par unité de GES (en Joules par tonnes), le PIB est le
Produit Intérieur Brut (en Euros par exemple), et POP représente la population (le nombre de
personnes). Ainsi, le premier terme du membre de droite représente le contenu en GES du
système énergétique, le deuxième facteur représente l'efficacité énergétique de l'économie (la
quantité d'énergie nécessaire à la production d’un euro de PIB), le troisième représente la
production par tête, et le dernier terme est la population. Les ingénieurs ont pour rôle
d'améliorer l'efficacité énergétique de l'économie (le deuxième facteur) et de réduire la
quantité de GES par unité d'énergie, grâce à la technologie (premier facteur), tandis que le
démographe s'intéresse au terme POP, et que l'économie s'occupe de répartir le PIB, et
nécessite, comme nous l'avons dit précédemment, que le PIB augmente.
I.1.1.3. L’atténuation
Il a été dit que l'atténuation était l'ensemble des mesures prises pour réduire les émissions de
GES. Ainsi, en réduisant n'importe lequel de ces facteurs, toutes choses égales par ailleurs, les
émissions de GES sont réduites. Donc toutes les mesures visant à réduire l'un de ces facteurs
peuvent être considérées comme des mesures d'atténuation. Nous écarterons les mesures
visant à réduire le terme POP, ou même à le maîtriser, bien que ce soit une voie étudiée dans
la littérature académique [4], notamment en économie écologique, car ces considérations
touchent de trop près, dans notre civilisation actuelle, à la morale et l'éthique. Notons
cependant que certains pays ont décidé depuis longtemps d'utiliser des politiques de contrôle
des naissances, comme la Chine, et qu'il n'est pas impossible que certaines régions du monde
reviennent à ces considérations dans les prochaines décennies, peut-être sous d'autres formes
que celle connue dans l'exemple chinois.
Les mesures d'atténuation considérées dans le présent document sont donc celles qui visent à
diminuer l'un des trois premiers facteurs de l'équation de Kaya. C'est ainsi que les mesures
d'efficacité énergétique par exemple, qui ont pour rôle de faire décroître le terme TEP/PIB, ou
bien celles visant à substituer des énergies fossiles par des énergies renouvelables qui
conduisent à une réduction du facteur CO2/TEP, sont des mesures d'atténuation. Néanmoins,
il est utile de rappeler que la réduction d'un de ces facteurs ne conduit pas nécessairement à la
réduction du membre de gauche de l'équation (CO2), car les quatre facteurs ne sont pas
indépendants. L'exemple emblématique de cette relation entre les facteurs est connu sous le
nom d'effet rebond, qui n'est autre que l'augmentation du terme PIB/POP par suite d'une
réduction du terme TEP/PIB. Ces relations qui existent entre les termes est la raison pour
9
laquelle il est utile que les personnes de disciplines différentes travaillent de façon
collaborative, afin d'atteindre l'objectif visé. Une solution parfois avancée pour pallier l'effet
rebond consiste à augmenter le coût de l'énergie à mesure que l'efficacité énergétique
s'améliore, de façon à ce que le service énergétique ait un coût constant.
En outre, l'atténuation peut aussi être le fruit de la séquestration du carbone, sous forme
naturelle grâce aux forêts, ou bien sous forme artificielle, par l'intermédiaire du procédé
appelé CCS (Carbon Capture and Sequestration). Pour l'heure, il est évident que la
séquestration naturelle est mieux maîtrisée que l'artificielle, mais à terme, il semble nécessaire
et techniquement faisable (selon l'AIE) de recourir à la séquestration artificielle, voire même
de valoriser cette séquestration grâce à des micro-algues. La solution du CCS pose en plus de
ses problèmes techniques, des problèmes d'acceptabilité du stockage par la population.
Maintenant que le lien entre économie et climat a été exposé, en particulier l'impact que peut
avoir l'économie sur le climat, par l'intermédiaire des émissions de GES, il est utile de voir les
différents outils à la disposition de l'économiste afin d'évaluer les mesures d'atténuation
proposées.
I.1.2. Les outils et indicateurs d'atténuation
I.1.2.1. Le marché et la taxe
Il existe plusieurs outils qui accompagnent la politique d’atténuation, l'un des plus connus
étant celui de la création d’un marché d’échange de droits d’émission appelé EU-ETS (pour
European Union – Emission Trading Scheme). Ce marché permet de créer une rareté virtuelle
sur les émissions de GES en fixant à l'échelle communautaire un plafond d'émissions de GES
(certains seulement, et principalement le CO2) pour un ensemble d'acteurs (qui représentent
environ 50 % des émissions de GES de l'UE, et 12000 installations), ce qui conduit à la
détermination d’un prix lié à cette rareté. Schématiquement, cela revient à transformer la
tonne de CO2 en facteur de production [5] puisqu’il devient nécessaire à l’industriel, au même
titre que le travail ou que le capital, de détenir un permis de CO2 afin de produire une unité.
Mais ce n'est pas l'unique outil permettant de réduire les émissions de GES à la disposition de
la force publique. Il est également possible d'avoir recours à une taxe sur les émissions. Cet
outil a l'avantage d'inciter, quoiqu'il advienne, à l'amélioration des technologies employées.
On parle généralement d'efficience dynamique de la taxe. En plus de cette efficience
dynamique, la taxe présente l'intérêt d'être intrinsèquement rentable, puisque les émissions ont
un coût quelque soit la conjoncture, contrairement au marché pour lequel la conjoncture influe
10
sur le coût des émissions, et fait varier les incitations à l'innovation et à l'adoption de
technologies moins polluantes. Cependant, le marché de quotas a l'intérêt d'être relié à
quelque chose de physiquement justifiable, par l'intermédiaire du plafond d'émissions10, et
permet également de révéler les coûts de réduction d'émissions des acteurs du marché, qui
sont très difficilement accessibles, tandis que la taxe ne garantit pas de plafond d'émissions.
En ce qui concerne l'incitation à l'innovation , la principale caractéristique à laquelle les
acteurs économiques sont attentifs est la stabilité réglementaire. La taxe peut être vue comme
un instrument plus facilement supprimable lors d'un changement politique, alors que le
marché est appréhendé comme un instrument économique moins sensible aux évolutions de la
vie politique. Par ailleurs, comme la taxe ne garantit pas de plafond d'émissions, il peut être
nécessaire d'ajuster le taux de la taxe en fonction des engagements pris pour réduire les
émissions, ce qui conduit à dire que la taxe est également un signal-prix incertain pour les
agents économiques. De même, le marché de quotas envoie un signal-prix qui varie selon le
jeu des acteurs, ainsi que selon la conjoncture économique, comme nous avons pu l'observer
sur le marché de l'EU ETS et la chute du cours du quota ces derniers mois. Une solution qui
pourrait être envisagée pour stabiliser le cours du quota serait de fixer un prix plancher à ce
dernier, afin de clarifier quelque peu le signal-prix associé11.
I.1.2.2. Les normes et subventions
Outre la taxe et le marché de permis échangeables, il existe d'autres mesures permettant de
réduire les émissions de GES, comme les instruments contraignants, c'est-à-dire les normes
(techniques ou de performance). C'est le type d'instrument le plus utilisé dans le domaine de
l'environnement. Les normes présentent de nombreux avantages, comme le faible coût pour
l'État, la garantie de l'action (qui est donc plus forte que l'incitation à l'innovation), mais
présente également quelques désavantages, notamment économiques. La norme ne permet pas
de réaliser les réductions au moindre coût global, puisqu'elle ne permet pas de répartir l'effort
selon la capacité à agir. Par ailleurs, même si la norme garantit un résultat, elle ne présente
pas l'effet dynamique comme la taxe et le marché de permis, car il n'y a pas d'incitation pour
les acteurs à faire mieux que ce qui est demandé dans le cadre de la norme. Il faudrait donc
réserver ce type d'instrument pour les cas où les émissions ne pourraient pas être facilement
mesurées ou observées du fait de pouvoirs publics aux moyens limités ou du fait de fuites
10 qui pourrait être fixé à la limite biophysique de la planète à recycler le CO2 par exemple 11 Par ailleurs, d'autres mesures interfèrent avec l'EU ETS, comme la directive européenne efficacité énergétique, qui va réduire la demande de quotas, sans en changer l'offre, puisqu'il n'est pas prévu d'abaisser le plafond suite à l'entrée en vigueur de cette directive (set-aside) [93]
11
physiques d'émissions (fuite de gaz le long des conduites etc.), mais également pour les cas où
il existe un seuil, au-delà duquel les conséquences sont dramatiques.
Enfin, il est également possible de faire appel à des subventions, afin de soutenir la
technologie, sous forme de financement de R&D, ou bien sous forme de subventions pour des
technologies coûteuses mais qui permettent d'atténuer les émissions de GES. C'est par
exemple ce qui a été fait en France avec le bonus-malus pour l'automobile, qui a accéléré le
renouvellement du parc de voitures. Il est important de noter que ce type d'instrument
n'apporte aucune garantie de réduction, ni même d'incitation directe à réduire les émissions.
Par ailleurs, ce type de politique introduit une distorsion économique, et est relativement
coûteuse pour l'État. Il est donc souhaitable d'utiliser une combinaison de plusieurs outils, et
non un seul et unique outil pour couvrir l'ensemble des activités et l'ensemble des acteurs12.
I.1.2.3. La métrique de l’atténuation et la courbe d’abattement
La politique d’atténuation a l’avantage de bénéficier d’une unité permettant de juger et
comparer les différentes mesures en termes économiques. Il s’agit du coût de la tonne de
dioxyde de carbone équivalente (t CO2 éq.13) évitée. Cette unité permet de déterminer le
rapport coût-efficacité d'une mesure de réduction des GES. Nous pouvons dire que plus ce
coût est faible, plus la mesure en question est économiquement efficace. Ce coût varie suivant
les secteurs et les pays concernés. Il est généralement représenté sur une courbe de coût
marginal d’abattement. Cette courbe permet à la puissance publique d’orienter les
subventions, mesures fiscales et autres instruments économiques en fonction des secteurs dans
lesquels ces tonnes évitées sont les moins chères, voire même parfois pourraient
théoriquement rapporter de l’argent. Mais cette courbe permet également de déterminer quel
devrait être le niveau d’une taxe sur les émissions de CO2 afin de diminuer les émissions de
CO2 d’une quantité donnée, et ce de manière économiquement optimale.
La Figure I-2 montre un exemple de ce type de courbe. En abscisses se trouvent les potentiels
de réduction d'émissions (en Gt CO2 éq. par an) et en ordonnées se trouvent les coûts (en
$2005 par t CO2 éq.). Des coûts négatifs signifient qu'il y a en réalité des potentiels de gain, si
des mesures étaient prises pour les secteurs correspondants. Généralement, la raison pour
laquelle ces mesures a priori bénéfiques pour l'acteur ne sont pas prises est attribuée aux
imperfections de marché (coût de transaction, asymétrie d'information...). Cette courbe est une
12 . Le lecteur souhaitant approfondir sa connaissance de ces sujets est invité à consulter le document publié par l'OCDE [10]. 13 Pour une explication de la signification de la tonne équivalente CO2, voir II.1.1 page 45
12
estimation, et ne peut être connue précisément ex ante, sauf en effectuant une étude
approfondie de tous les secteurs et de toutes les solutions technologiques. Par ailleurs, les
coûts d'abattement dépendent également des pays dans lesquels sont effectuées les mesures, et
les potentiels d'abattement dépendent, eux, des régions concernées. À titre d'exemple, dans le
cas du Brésil, comme la forêt occupe une étendue importante du pays, ce secteur représente la
majeure partie du potentiel de réduction d'émissions, en mettant (partiellement ou totalement)
fin à la déforestation.
En Europe, ces courbes peuvent être particulièrement utilisées pour traiter les émissions de
GES qui ne sont pas couvertes par l'EU ETS, et permettre de cibler les secteurs et les actions
ou technologies à inciter. Par ailleurs, cette courbe montre également que les énergies
nouvelles renouvelables (EnR) comme le solaire ou l'éolien ne peuvent pour le moment être
compétitives uniquement grâce à l'instauration d'un signal prix carbone, sauf si ce dernier est
particulièrement élevé. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'utiliser des outils
complémentaires, afin de soutenir le développement des filières comme les EnR, pour
lesquelles le marché seul ne suffit pas. Il s'agit par exemple des tarifs de rachat en France (ou
Feed-In-Tariffs), ou les certificats verts au Royaume-Uni, avec obligation de présenter une
certaine part de Certificats Verts pour les producteurs d'électricité.
Figure I-2 Courbe de coût marginal d'abattement des émissions de CO2 (McKinsey)
13
I.1.2.4. Les fuites de carbone
Enfin, lorsqu'il est question de politique de lutte contre le changement climatique, du fait du
caractère global du changement climatique, il paraît nécessaire que l'ensemble des pays du
monde, à commencer par ceux dont les émissions sont les plus importantes, prennent des
engagements ensemble sur la réduction de ces émissions. C'est le but visé par les
négociations climatiques depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992. Pour le moment, il n'y
a pas eu d'accord légalement contraignant faisant consensus parmi l'ensemble des nations.
L'accord pour l'instant le plus abouti en matière de contrainte mondiale sur les émissions de
CO2 est le protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005, pour lequel les négociations avaient
débuté dès 1992. La question du jeu d'acteurs dans ce type de négociations sera abordée par la
suite, mais il est tout de même intéressant de remarquer que dans le cas de l'engagement
unilatéral de réduction des émissions de l'Union Européenne, à travers le paquet "trois fois
20", et par la mise en place du marché de l'EU ETS, les industriels étant soumis à une
contrainte carbone sur le territoire européen et n'étant pas soumis à cette contrainte hors du
territoire européen, il a été craint d'assister à une "fuite de carbone" (carbon leakage). Cette
fuite de carbone serait le fruit d'un gradient de contrainte carbone entre deux états (l'un dans
l'UE, l'autre en dehors). En effet, l'acteur produisant sur le sol européen subirait une distorsion
de compétitivité vis-à-vis de ses homologues hors d'Europe, du fait de la contrainte carbone
supplémentaire qui pèse dans ses coûts de production.
Les fuites de carbone, bien que difficilement mesurables, sont bien réelles en Europe. Elles ne
sont pas nécessairement liées à la politique de lutte contre le changement climatique
entreprise par l'Union, mais résulterait plutôt d'un écart de compétitivité sur le marché du
travail. En effet, la main d'œuvre est moins coûteuse dans les pays émergents que dans les
pays développés, et les coûts et temps de transports se compressant, il devient plus
économique d'avoir recours à l'importation, du moins à l'échelle micro-économique. C'est
ainsi qu'en se référant, non pas aux émissions liées à la production européenne (production sur
le sol européen), mais liées à la consommation européenne (en tenant compte du contenu
carbone des produits importés), nous observons que le nombre de tonnes équivalent CO2 par
habitant en France a augmenté depuis 1990 et non baissé [6].
Les mécanismes d'ajustement aux frontières, qui permettent de remettre les industriels
européens sur un pied d'égalité avec leurs homologues extracommunautaires, sont des outils
qui sont possibles dans le cadre de l'OMC [7]. Néanmoins, le réel problème est celui de la
faisabilité. Sur le plan environnemental, il serait évidemment souhaitable que la
14
consommation importée des pays hors UE soit soumise aux mêmes règles que la production
locale, mais il n'est pas envisageable de mesurer, produit par produit, la teneur en électricité,
carbone et autre produits taxés au sein de l’UE. Dans le cadre de l'EU-ETS, il est à la rigueur
possible de soumettre les producteurs de matières premières au sens large (acier, ciment,
électricité) au système de quotas, mais il n'est pas possible de remonter la chaîne, et de
soumettre les importations de produits manufacturés (plus de 60 % des émissions par
personne) à un quelconque système de taxe ou de quotas, du fait de l'impossibilité à mesurer
précisément le contenu en carbone du produit final.
I.1.2.5. Les coûts et potentiels d’atténuation
Pour conclure cette première section, la Figure I-3 représente le potentiel économique
mondial d'atténuation pour différentes régions du globe (en Gt CO2 éq. par an), en fonction du
coût de la tonne de CO2 éq., correspondant au prix de la tonne sur le marché ou bien au taux
de la taxe. Pour avoir un ordre d'idée, les émissions totales annuelles mondiales de l'ensemble
des activités humaines étaient d'environ 49 Gt CO2 éq. en 2004[8]. Nous pouvons constater
que les incertitudes relatives au potentiel d'atténuation de l'agriculture sont extrêmement
importantes en comparaison avec le potentiel des bâtiments par exemple. Par ailleurs, nous
pouvons noter que le potentiel d'atténuation est à peu près équivalent dans les pays de l'OCDE
et dans les pays hors OCDE pour l'approvisionnement énergétique et les bâtiments, mais que
pour l'industrie, l'agriculture et la foresterie, le potentiel que présentent les seconds est bien
plus grand. Cela conduirait donc à penser que la majeure partie (en quantité) des réductions
d'émission de GES pourra se faire dans les pays qui n'appartiennent pas à l'OCDE. Enfin,
notons également que le prix de la tonne de CO2 éq. n'a presque pas d’influence sur le
potentiel de réduction dans le bâtiment et dans les transports, contrairement à l'industrie et
l'agriculture.
Figure I-3 Potentiel économique mondial d’atténuation estimé [7].
15
I.2. L’ADAPTATION
Alors que l'atténuation a pour objectif de limiter les causes conduisant au changement
climatique, l'adaptation vise à anticiper les changements futurs. En effet, même si toutes les
émissions de GES liées aux activités humaines disparaissaient du jour au lendemain, il y
aurait tout de même un changement climatique futur. Cela est dû au fait que le système
climatique présente une inertie relativement importante, en partie liée aux océans. Par
exemple il faut environ 1000 ans pour que les océans se stabilisent et s'homogénéisent. Donc,
même si la concentration de GES dans l'atmosphère se stabilisait à son niveau actuel, le
réchauffement se poursuivrait, et des conséquences apparaitraient quand même. C'est la raison
pour laquelle l'adaptation au changement climatique peut être un complément à la politique
d'atténuation. Nous verrons dans la troisième partie dans quelles mesures ces deux approches
ont été présentées comme substituables dans la littérature économique.
Dans un premier temps seront exposés les différents besoins d'adaptation (selon les secteurs,
les catégories...) puis seront ensuite abordés les outils permettant de faire de l'adaptation.
Enfin, les méthodes permettant de juger les solutions d'adaptation seront décrites.
I.2.1. Les besoins d’adaptation
Avant d'aborder les différentes stratégies disponibles dans le cadre de l'adaptation au
changement climatique, il est nécessaire d'exposer les secteurs qui sont et seront
principalement concernés par ces enjeux. Le changement climatique est un phénomène de très
long terme, dynamique, dont la prévision est impossible et pour lequel seules des projections
sous hypothèses (de scénarios socio-économiques en particulier) sont accessibles. Les
activités qui seront concernées en premier lieu sont celles qui seront amenées à côtoyer ce
phénomène, du fait de leur longue durée de vie. Viennent ensuite les activités économiques
dont la pérennité est garantie par une stabilité du climat, donc l'ensemble des activités
reposant sur le vivant ou utilisant des ressources naturelles sensibles au climat (sensible aux
variations climatiques fortes, mais aussi aux variations tendancielles), et enfin les activités se
trouvant implantées dans des zones particulièrement exposées au changement climatique.
D'après ces quelques éléments, il est possible d'identifier des secteurs particulièrement
concernés par le changement climatique. Ce sont les infrastructures de réseau et le bâtiment,
du fait de leur longue durée de vie. Ce sont l'agriculture, la foresterie, l'élevage, la pêche, mais
également toutes les activités pour lesquelles l'eau (sous toutes ses formes) est essentielle
(comme la production hydroélectrique, ou encore le tourisme de sport d'hiver). Enfin, les
16
activités en zone côtière (du fait de l'élévation du niveau de la mer attendue), à proximité
d'une forêt ou en zone inondable sont également concernées. Nous reviendrons dans le
prochain chapitre sur ces questions.
I.2.1.1. Les zones côtières
Selon les secteurs ou les catégories, les solutions d'adaptation peuvent varier. À titre
d'exemple, pour le traitement des zones côtières, il existe trois grandes catégories de
solutions, qui sont : la protection, l'ajustement et le retrait [9]. La protection correspond à la
construction de digue ou au rechargement des plages. L'ajustement présuppose que la zone
concernée continuera d'être habitée, mais que les acteurs s'adapteront. Par exemple, les
agriculteurs qui seraient dans des zones côtières susceptibles d'être inondées par submersion
devraient opter pour des cultures résistantes à l'eau salée, ce qui est une forme d'adaptation.
Enfin le retrait consiste tout simplement à abandonner la zone considérée.
I.2.1.2. L’agriculture
En ce qui concerne l'agriculture , comme l'indique le rapport de l'OCDE datant de 2008 [9],
la question de l'adaptation de ce secteur a été abordée sous deux angles différents dans la
littérature : le premier consiste à s'intéresser à l'impact du climat sur les rendements et la
seconde tend à comparer les zones géographiques pour examiner la relation entre les facteurs
climatiques et les rendements. Il résulte dans la littérature des deux approches que l'adaptation
apporte effectivement des bénéfices, mais que ces derniers ne sont pas répartis de façon égale
sur l'ensemble des territoires, et varient selon le type de culture. En particulier, le document
présente les résultats de la synthèse de 69 études sur les rendements agricoles, tirée du rapport
du GIEC de 2007. Il est à noter que lorsqu'il est question de "bénéfices", il s'agit en fait de
bénéfices par rapport à des rendements sans adaptation, en présence de changement
climatique, ce qui signifie qu'il y aura bénéfices dans le cas où il y aura effectivement un
changement climatique. Sans changement climatique, il n'est pas dit que les rendements
seront meilleurs grâce aux solutions d'adaptation. Les solutions d'adaptation proposées sont
variées : changement de culture (pour des cultures plus résistantes à la chaleur par exemple),
modification de la date de plantation, utilisation accrue d'engrais... Pour conclure sur
l'agriculture, le document de l'OCDE [9] précise que selon certaines études, les pertes de
rendements agricoles en Afrique ne pourront, malgré l'adaptation des dates de plantation, être
compensées, tout du moins sans avoir recours à l'irrigation et aux engrais ([9] p.58). Reste à
déterminer si l'irrigation et les engrais ne sont pas des solutions d'adaptation déjà au climat
actuel, et non au changement climatique.
17
I.2.1.3. L’eau
Ensuite, vient la question de la ressource en eau. Du fait du changement climatique, les
courbes de disponibilité de la ressource vont varier, et du fait de l'augmentation de l'érosion et
des températures, il est probable que la qualité de l'eau dans les fleuves et les cours d'eau
diminue, au même titre que les débits. Néanmoins, cette diminution n'affectera pas toutes les
régions de la même manière. Quoi qu'il en soit, la réponse à cela devra se faire par
l'intermédiaire de l'offre mais aussi de la demande. En d'autres termes selon le rapport de
l’OCDE [10], il faudra augmenter l'offre, en utilisant diverses méthodes telles le dessalement
d'eau de mer, l'extraction d'eau souterraine, la construction de moyens de stockage, la collecte
d'eaux de pluie... mais également faire baisser la demande, en incitant aux économies14, en
réduisant les fuites sur les réseaux, en modifiant les comportements, en recyclant les eaux
usées...
I.2.1.4. L’énergie
De façon similaire, le changement climatique et l'énergie ne sont pas indépendants, comme
nous l'avons précisé précédemment, puisqu'une grande partie du changement climatique
anthropique est attribuable à la consommation d'énergie sous ses diverses formes. Outre ce
lien de cause à effet, il existe également un potentiel impact du changement climatique sur la
demande énergétique. L'exemple le plus couramment employé est celui de la climatisation ou
du chauffage. En effet, du fait du réchauffement, le recours à la climatisation devrait croître,
tandis que le besoin de chauffage devrait diminuer, du fait du radoucissement des périodes
froides. Ainsi, certaines études s'intéressent au résultat net de ces deux effets opposés, pour
plusieurs zones géographiques. Il est à noter que dans la plupart des régions, le chauffage et la
climatisation n'utilisent pas les mêmes sources d'énergie, sauf en France qui est une exception
du fait de la prédominance du chauffage électrique dans les logements. Cela signifie que le
réchauffement pourrait accroître le besoin en électricité pendant la période chaude, et réduire
le besoin des sources fossiles à l'origine du chauffage, pendant la période froide. Le bilan net
de ces modifications de consommation sont non seulement sensibles aux scénarios choisis,
mais également à d'autres paramètres, comme l'évolution du parc immobilier, les économies
d'énergie réalisables, le renchérissement de l'énergie... C'est la raison pour laquelle des études
ayant le même objet, peuvent aboutir à des conclusions opposées. Pour le secteur de l'énergie,
l'adaptation peut être le fait d'adapter les projections de demande énergétique, en fonction des
14 Ce qui peut être fait par la modification de la tarification, au profit d'une tarification progressive et non plus dégressive, comme cela est explicité plus loin.
18
risques climatiques, et en fonction de l'évolution du productible, pour les EnR notamment. En
effet, certains productibles comme la biomasse et l'hydroélectricité sont sensibles au
changement climatique.
I.2.1.5. Le tourisme
Aussi, des secteurs comme le tourisme ou la santé pourront avoir à s'adapter au changement
climatique. Pour le tourisme, du fait du réchauffement et des sécheresses accrues, diverses
régions du globe, aujourd'hui appréciées pour leur climat chaud, seront fuies pour leur climat
« trop » chaud. À l'inverse, des régions aujourd'hui considérées comme peu accueillantes sur
le plan climatique, seront peut-être appréciées d'ici quelques décennies15. Et bien entendu,
lorsqu'il est question d'impact du climat sur le tourisme, il est indispensable de parler du
tourisme de sport d'hiver. En fonction de l'altitude des stations, de l'orientation des pistes par
rapport au soleil, de la région du globe, l'enneigement sera plus ou moins perturbé. Ce
bouleversement de l'enneigement et ce manque de fiabilité sur la couverture neigeuse
pourraient nuire à l'économie de ces régions. C'est pourquoi certaines stations optent pour des
solutions dites d'adaptation. Elles sont de deux types : les technologiques et les
comportementales. Parmi les premières, qui sont aujourd'hui celles qui sont le plus souvent
choisies, il existe quatre grandes catégories : le remodelage du paysage et la création de pistes,
le déplacement (à des altitudes supérieures ou sur des pentes exposées au nord), le ski sur
glacier, la production de neige artificielle (ou canons à neige). Les solutions
comportementales consistent à diversifier les activités, à développer de nouveaux modèles
d'entreprise, de nouveaux secteurs économiques…
I.2.1.6. La santé
En ce qui concerne la santé, le changement climatique pourrait favoriser le développement et
la transmission de certaines maladies. D'après le rapport de l'OCDE [9], il existe de
nombreuses études sur les conséquences sanitaires du changement climatique, mais peu
d'études sur les solutions d'adaptation dans ce secteur, et sur leur chiffrage. Notons cependant
que les solutions d'adaptation en matière de santé sont principalement la vaccination, la
construction de structures d'accueil dans les régions qui connaitront une recrudescence de
maladie, et bien évidemment, toutes les mesures visant en premier lieu à favoriser le
développement des pays les moins avancés. En effet, toutes les mesures visant à augmenter
15 Néanmoins, il est également envisageable que les régions qui seront "trop" chaudes et "trop" sèches trouveront des amateurs, pour lesquels il n'existe pas d'offre aujourd'hui en France, et qui décident de partir dans des pays étrangers pour profiter d'un tel climat.
19
l'hygiène de vie, potabiliser l'eau, administrer des soins, sont des mesures qui réduiront les
conséquences du changement climatique, mais qui seraient tout de même souhaitées en l'état
actuel du climat. En outre, dans le domaine de la santé, la perte de biodiversité qui pourrait
avoir lieu du fait du réchauffement climatique, aurait sans doute des conséquences
significatives pour la Recherche des laboratoires pharmaceutiques, dont la plupart des
molécules sont issues de la faune et de la flore16. C'est d'ailleurs une méthode utilisée parfois
pour valoriser l'environnement, en économie de l'environnement, car la biodiversité représente
une opportunité importante pour ce secteur.
I.2.1.7. L’accès à l’information
Enfin, il y a un besoin global d'accès à l'information, qui semble de toute évidence majeur, et
peut être rattaché au sujet de toutes les solutions d'adaptation nécessaires, qui n'ont pas
directement trait à l'aspect technique ni technologique, mais qui concernent
l'accompagnement de cette adaptation, à savoir la Recherche et le Développement
(notamment en climatologie), la Gouvernance, et la Transdisciplinarité (ou le
Décloisonnement). En effet, l'adaptation nécessite la prise de conscience des risques encourus,
et de la manière dont ces risques pourraient impacter les territoires, les secteurs, les
personnes... Cette information devrait non seulement être fournie aux acteurs économiques
dans leur cadre professionnel, afin que les prises de décision aient lieu dans des conditions
optimales d'information, mais également aux citoyens, afin qu'ils puissent connaître les
risques et les dangers encourus. Par exemple, il pourrait être souhaité de renforcer la
communication relative aux zones inondables, au phénomène de retrait-gonflement des
argiles dans les zones concernées, afin de rétablir (au moins partiellement) la symétrie
d'information. La construction en zone inondable est certes moins importante que celle en
zone non-inondable, il n'empêche qu'elle ne décroit pas, malgré les risques liés au climat
encourus sur ces terrains.
I.2.1.8. Le secteur privé et les assurances
Puisque les pays développés regroupent les actifs dont la valeur est la plus grande, il se peut
que les pertes financières occasionnées par le changement climatique soient plus lourdes dans
ces zones, que dans les pays en développement. C'est la raison pour laquelle le secteur
assurantiel est également confronté au problème du changement climatique. Les assurances
seront vraisemblablement amenées à dédommager davantage de biens du fait de phénomènes
16 Cependant, le changement climatique n’est pas la première cause de l’érosion de la biodiversité.
20
climatiques, d'autant que les phénomènes extrêmes seront amenés à être plus fréquents à
l'avenir [11], et que la densité de population, augmentant les coûts lors d'un évènement
climatique, tend également à croître. Par ailleurs, il est utile de saisir que la situation à
laquelle ce secteur est confronté est inédite, car habituellement les assurances déterminent le
montant de leur prestation en ayant recours à l'observation statistique des évènements (et des
coûts engendrés) passés, or il est vraisemblable que les risques et dommages futurs ne
peuvent se déduire ni par transposition ni même par extrapolation des observations du passé.
En conclusion, nous remarquons que la question de l'adaptation au changement climatique
est parfois très proche de celle du développement (notamment sur la santé), et qu'il serait tout
à fait pertinent de combiner les efforts de développement avec ceux d'adaptation au
changement climatique dans ces régions les moins avancées, et considérées bien souvent
comme les plus impactées par le changement climatique.
I.2.2. Comment favoriser l'adaptation ?
I.2.2.1. Les différentes catégories d’adaptation
Tout d'abord, il existe plusieurs manières de caractériser les solutions d'adaptation.
Généralement, les solutions spontanées (c'est-à-dire sans intervention des pouvoirs publics)
sont opposées aux solutions planifiées. Le recours à la climatisation de manière significative
est une forme d'adaptation spontanée, qui ne nécessite pas l'intervention publique, tandis que
le plan canicule peut être une solution planifiée. De même, les solutions réactives et
proactives (ou anticipatives) sont souvent citées. La notion est très proche de la précédente,
dans le sens où il y a l'idée de l'anticipation (proche de la planification), mais elle est tout de
même un peu différente, puisque dans le cas présent on s'intéresse à la chronologie des
évènements. D'un certain point de vue, le plan canicule mis en place à la suite de la canicule
de 2003 qui avait causé la mort de 14800 personnes en France, est une forme de solution
réactive, alors que la modification de normes de construction du fait des projections
climatiques, afin de prendre en compte les risques futurs serait une solution proactive. Dans
certains domaines, il est clairement indispensable de recourir à des solutions proactives,
lorsque les conséquences des risques même faibles sont bien trop lourdes pour être
supportées. Dans ce cas, il s'agit de la gestion "classique" de risque, notamment industriel,
comme dans le contexte des centrales nucléaires, ou des usines de production, et il est
primordial, afin que ce risque soit considéré au moment de la prise de décision, de faire en
21
sorte que l'information soit la plus complète et la plus parfaite possible, afin que les
investissements réalisés prennent en compte ces "nouveaux" risques17.
Dans le troisième rapport du GIEC paru en 2001 [12], un tableau est fourni (cf. Figure I-4)
permettant de déterminer des manières supplémentaires de caractériser des approches de
l'adaptation. Bien souvent, pour une même problématique, plusieurs mesures, à plusieurs
échelles spatiales et temporelles, peuvent être employées de façon simultanée. Ce tableau
montre parfaitement la diversité des réponses possibles à apporter aux conséquences du
changement climatique. Par ailleurs, dans le même chapitre du rapport du GIEC, un autre
diagramme, tiré d'une publication de Burton de 1996, montre que les solutions d'adaptation à
un problème donné peuvent, selon l'auteur, être réparties en 8 catégories, ordonnées d'après la
chronologie par rapport à un évènement (avant, pendant, après...) climatique auquel elles
doivent répondre (Figure I-5). Il est remarquable de voir que différentes parties prenantes
peuvent apporter des solutions, qu’il s’agisse du secteur privé, des pouvoirs publics, des
institutions nationales ou bien encore des individus eux-mêmes18.
Figure I-4 Exemples de termes employés pour caractériser des solutions d'adaptation [12]
Le rapport de l'OCDE [9] apporte des précisions sur les instruments économiques relevant de
chacune de ces 8 catégories identifiées. L'entrée adoptée a non pas été les 8 catégories, mais
17 C'est notamment le but du nouveau portail internet mis à la disposition de tous, donnant accès aux projections climatiques pour la France à 3 horizons (2035-2085), en utilisant des simulations régionalisées faites avec des maillages dont les mailles descendent jusqu'à 8km de côté. www.drias-climat.fr 18 C'est d'ailleurs pour cette raison que la gouvernance a une place capitale dans la réussite de l'adaptation, ou son échec.
22
les secteurs identifiés comme particulièrement dépendants du climat ou du changement
climatique (agriculture, zone côtière, santé, ressource en eau, écosystème, établissements
humains et activités économiques, phénomènes extrêmes). Pour chacun de ces 7 thèmes, des
outils économiques sont proposés. Ces outils sont : des systèmes assurantiels, un signal-prix
incitatif, des partenariats publics-privés, la micro-finance, des incitations réglementaires et des
incitations à la recherche.
Figure I-5 Classification d'options d'adaptation (d'après Burton, 1996) [12]
I.2.2.2. Les divers systèmes d’assurance
En ce qui concerne les systèmes d'assurances, le risque est de se trouver confronter à l'aléa
moral : comme l'assuré ne risque pas de perte financière, il est enclin à prendre davantage de
risques, et à moins anticiper les conséquences sur son activité. Par exemple, cela peut être le
cas des agriculteurs, qui n'auraient pas nécessairement d'intérêt à faire évoluer leur culture,
afin de mieux l'adapter à l'évolution du climat, ni même de modifier leurs habitudes (date de
semis, irrigation, plusieurs cultures à la place de la monoculture, plantation de haies
arborées...), puisqu'ils peuvent être couverts par leur assurance. De ce fait, les assureurs
commencent à développer de nouveaux contrats pour lesquels les indemnisations sont
indexées sur les paramètres météorologiques, et non plus sur les pertes réelles ou proches de
la réalité. Le défaut de ce type d'assurance indexée sur des paramètres, dans lequel
interviennent des seuils, est justement cette déconnexion de la réalité. En effet, comme il l'a
été dit précédemment, l'assurance se base sur l'observation statistique des évènements passés,
or le climat sera certainement amené à évoluer de manière inédite, ce qui signifie que même
en l'absence d'aléa moral, il se peut que les seuils d'indemnisation soient trop bas. Par ailleurs,
23
il serait sans doute judicieux que les assureurs, par l'intermédiaire d'une prime ou d'une
réduction de cotisation, incitent les particuliers se trouvant en zone inondable à se procurer et
employer des moyens permettant de limiter les dégâts en cas d'inondation (protections
temporaires, surélévation des appareils électroménagers, aménagement et matériaux de
construction...). Néanmoins, il ne faudrait pas que cela crée, à l'inverse, une incitation à
l'installation en zone inondable du fait de ces avantages.
Une forme d'assurance un peu plus proche de la finance de marché est la couverture par
dérivés climatiques. Ce sont des produits financiers dont le cours varie avec les indices
climatiques, comme la température. Ce type de couverture est particulièrement utile pour les
évènements à conséquence faible, mais à occurrence forte19. Les dérivés climatiques vont très
certainement se développer par l'intermédiaire, non seulement des agriculteurs, mais
également du tourisme, des producteurs d'électricité (pour lesquels les écarts à la température
moyenne coûtent en pénalité), l'industrie du bâtiment...
Toujours dans le domaine des produits financiers, il existe des obligations indexées sur les
catastrophes naturelles, appelées "Cat Bonds". Cela correspond en réalité à la titrisation sur
les marchés financiers d'une partie du risque, qui est alors transférée aux investisseurs
(lesquels sont à la recherche de rendements élevés). En cas de catastrophe naturelle, selon
l'ampleur de cette dernière, l'assurance ayant titrisé son risque, touche une indemnité prélevée
sur la perte de l'investisseur (qui est fixe et prédéfinie), ce qui lui permettra de couvrir ses
propres pertes. D'après ce qui vient d'être exposé sur les assurances dans le cadre du
changement climatique, il est clair que leur sollicitation va croître (plus d'évènements
extrêmes), tandis que leur capacité à prévoir les coûts futurs se réduit. C'est pour cela qu'il est
fortement probable que ce secteur s'intéresse davantage à la modélisation climatique, aux
projections et à la scénarisation socio-économique, qu'il finance de plus en plus de recherche
sur ces sujets, et que parallèlement les polices d'assurance augmentent du fait de
l'augmentation des remboursements liés aux dégâts causés par le climat. Du point de vue de la
théorie économique, nous pourrions être amenés à penser que, comme le secteur de
l'assurance est relativement compétitif, les polices d'assurance augmentent effectivement, du
fait du risque climatique, ou tout du moins, que le coût de ces assurances reflète le coût "réel"
du risque climatique, et qu'il envoie ainsi un signal (prix) aux individus, incitant ou pas ces
19 Pour information, de nombreux systèmes d'assurance indexée (sur les précipitations, sur la mortalité du bétail, sur la vitesse du vent, sur les températures, sur l'intensité des séismes...) commencent à apparaitre, afin de permettre aux petits exploitants agricoles des pays en développement de se prémunir du risque climatique (Chine, Inde, Éthiopie, Kenya, Mali, Mexique, Kazakhstan...)
24
derniers à s'installer dans une région. En pratique, il est plus fortement probable que les
assurances, averses au risque et à l'incertain, ne couvrent pas les risques les plus extrêmes, et
surestiment le coût des risques climatiques. De plus, du fait de l'inertie socio-économique, il
est peu probable que la population décide suffisamment rapidement de déménager, du fait du
risque climatique.
I.2.2.3. Les signaux-prix
Viennent ensuite les signaux-prix incitatifs, que ce soit pour l'énergie comme pour l'eau. Du
point de vue économique, en ce qui concerne l'eau, cela revient en quelque sorte à réintégrer
les externalités positives associées à cette ressource. À l'heure actuelle, le consommateur a un
tarif réglementé, puisque la distribution de l'eau est un monopole naturel (du fait des réseaux).
Ainsi, les tensions rencontrées sur l'offre ne peuvent être répercutées par l'intermédiaire des
prix par l'égalisation de l'offre et de la demande. Ainsi, une rareté croissante de cette ressource
ne peut être prise en compte par le système économique présent. Une nouvelle tarification
permettrait de transmettre économiquement le signal d'une rareté, non seulement aux
consommateurs d'eau potable, mais également à tous les secteurs utilisant cette eau.
Aujourd'hui, le prix dégressif de l'eau incite plutôt au gaspillage qu'à l'économie, et la gestion
durable d'un approvisionnement d'eau ne peut être économiquement rentable dans ces
conditions, et les choix de solutions technologiques moins consommatrices d'eau, engendrant
des surcoûts, ne peuvent se révéler économiquement rationnels.
La théorie économique voudrait que soit créé un marché pour l'eau (tout comme a été créé
un marché pour les quotas carbone), mais la crainte justifiée des conséquences sociales l'ont
pour le moment empêché en France, quand d'autres pays y ont recouru (notamment
l'Australie) [9]. Ce marché permettrait d'allouer la ressource à l'agent économique dont le
bénéfice marginal est le plus important, ce qui permet d'accroitre l'efficacité (économique) de
l'eau employée. En outre, il est fréquent que les gros consommateurs d'eau (industrie,
agriculture), du fait des contraintes qui pèsent sur le tarif de l'eau, préfèrent prélever de l'eau
souterraine, non prise en compte dans le système économique, et financièrement gratuite.
Bien entendu, cette solution n'apporte pas de réponse à long terme à la contrainte sur l'eau, et
conduit généralement à du gaspillage du fait de la gratuité. Pour ainsi dire, dès que le tarif de
l'eau excède les coûts d'extraction, les usagers y ont recours. De ce fait, les principaux agents
économiques impactés par une tarification plus élevée de l'eau seraient les particuliers, qui ne
peuvent avoir accès à l'eau souterraine aisément. Cependant, malgré les craintes sociales, du
fait de la dimension vitale de l'eau pour l'usage domestique notamment, il serait envisageable
25
qu'un minimum de ressource soit attribué gratuitement aux usagers, et que les quantités
marginales aient un coût progressif.
Ce principe de création de marché peut également servir à rémunérer, par des accords
bilatéraux notamment, les services écosystémiques qui sont pour le moment gratuits. Cela
s'appelle les Paiements au titre de Services Environnementaux (PSE), et ils sont pour
l'heure principalement employés dans le maintien de la biodiversité par les laboratoires
pharmaceutiques, et à travers les mécanismes de Kyoto (Mécanisme de Développement
Propre ou MDP) pour la séquestration de carbone (afforestation et reforestation). Ces projets
de maintien de la forêt sont donc un exemple de mesure à la fois favorable à l'adaptation et à
l'atténuation, puisque les financeurs de projets MDP sont rémunérés en quotas carbone,
utilisables sur les marchés carbone de la plupart des régions du monde, en particulier l'EU
ETS. Les PSE gagneraient à se développer pour des services encore plus larges, telle la
protection des côtes grâce aux mangroves, grâce au maintien des récifs coralliens...mais il est
très difficile de trouver des investisseurs, prêts à financer des services qui étaient jusqu'à ce
jour gratuits pour tous.
I.2.2.4. Les partenariats publics-privés
Enfin, les partenariats publics-privés (PPP) seraient également une manière d'orienter les
investissements privés, par l'intermédiaire de la puissance (et de la finance) publique, vers des
projets d'adaptation. Il existe plusieurs formes de PPP, telles l'ouverture de marchés publics au
secteur privé pour de nouvelles infrastructures (centrales électriques, transports en
commun...), les concessions (pour lesquelles l'État reste propriétaire des infrastructures, mais
qui délègue la partie opérationnelle au secteur privé), ou les délégations de service public
(pour l'eau, l'énergie, les TIC...). Ces types de contractualisation ne sont pas spécifiquement
dédiés à l'adaptation, mais puisque les PPP ont pour rôle de permettre la construction et
l'entretien d'infrastructures, et que les infrastructures vont justement être clé dans l'adaptation
au changement climatique, il est pertinent d'intégrer, dans ces mécanismes, des contraintes sur
la continuité, la qualité ... des services. En faisant ouvertement référence aux questions du
changement climatique dans ses contrats, l'État peut pousser le secteur privé à opter pour des
solutions d'adaptation. La majeure partie des PPP concerne l'énergie, les TIC, les routes, les
chemins de fer... qui pourront tous être impactés par le changement climatique. Notons
également que les PPP peuvent être une manière de faire de l'incitation à la recherche, en
commandant de la R&D plutôt délaissée par le secteur privé. C'est par exemple le cas du
domaine de la santé : il pourrait être très bénéfique pour les pouvoirs publics d'avoir accès à
26
des traitements améliorés pour des maladies qui seraient amenées à se développer dans le
cadre du changement climatique (la dengue et les autres maladies vectorielles), or les
traitements de ces maladies présentent des rendements plus faibles que d'autres, et sont donc
moins profitables pour les laboratoires pharmaceutiques.
En conclusion, l'adaptation est polymorphe, se décline à diverses échelles spatiales et
temporelles, et requiert l'implication de l'ensemble des parties prenantes : privé, public,
citoyens, institutions... Par ailleurs, contrairement à l'atténuation où les solutions peuvent être
ciblées plutôt précisément (production électrique, efficacité énergétique, transport,
agriculture) il apparait que l'adaptation présente une multitude de points d'entrée, nécessite
une coordination de nombreux acteurs, et du fait de la très grande diversité des impacts,
ressemble plus à une transformation en profondeur, qu'à une modification à la marge. Afin de
choisir entre plusieurs options d'adaptation, il est nécessaire d'utiliser des méthodes
permettant de comparer ces options entre elles. C'est le sujet de la prochaine sous-section.
I.2.3. Les outils d'évaluation des solutions
I.2.3.1. Le problème de l’incertitude et sa prise en compte
Comme le rappelle le Conseil Économique pour le Développement Durable dans son rapport
de février 2010 [13], le problème qui se pose lorsque l'on s'intéresse à l'adaptation, réside en
partie dans l'incertitude vis-à-vis du changement climatique. Cette incertitude est en fait la
somme de plusieurs composantes distinctes à savoir : l'incertitude liée aux modèles de
représentation du système climatique, l'incertitude sur les répercussions régionales des
caractéristiques globales du changement, l'incertitude sur les réponses de la biosphère à ces
changements climatiques et l’incertitude liée aux choix socio-économiques futurs et au
scénario associé. Ainsi, la prise de décision pour l'économiste correspond à une situation de
prise de décision sous (grande) incertitude, ce qui complique significativement sa tâche.
En effet, lorsqu'une décision est prise, une caractérisation économique est souvent employée,
celle-ci permettant généralement d'opter pour la solution la plus efficace économiquement. En
contexte d'incertitude, cette analyse socio-économique peut prendre la forme d'étude de
sensibilité, basée sur des probabilités d'occurrence de divers scénarios socio-économiques. Un
exemple simple est la décision d'investir ou non dans une mine d'or. Pour connaître la
rentabilité dudit investissement, il est préférable d’avoir une idée de l'évolution future du
cours de l'or. De même, les investissements des géants pétroliers pour l'acquisition de
nouveaux puits s'appuient sur des hypothèses d'évolution du prix de l'énergie, et ces
27
industriels emploient généralement plusieurs scénarios (habituellement trois : un pessimiste,
un optimiste et un médian) et modélisent leur bénéfice dans le cas de la réalisation de chacun
de ces scénarios. En attribuant ensuite une probabilité à la réalisation de chacun de ces
scénarios, ils peuvent en déduire une estimation du bénéfice espéré, et prendre leur décision
quant à la rationalité de l'investissement.
Avec le développement des mathématiques économiques, des méthodes plus complexes ont
été mises au point, comme la méthode de Monte-Carlo. Cette méthode permet d'attribuer à
une variable, non pas plusieurs valeurs discrètes que l'on teste à travers des scénarios, mais
une distribution de probabilité, très souvent sous la forme d'une loi normale centrée sur une
valeur qu'on suppose plus probable. Dans le cas qui nous concerne ici, à savoir le changement
climatique, il n'est malheureusement pas possible d'employer cette méthode de Monte-Carlo,
ou du moins ce ne serait pas rigoureux. En effet, il n'est pas évident de déterminer quelle
valeur d'émission future est la plus probable. Dit autrement, personne n'est capable de dire
quel scénario socio-économique a le plus de chance de se produire, il est simplement possible
d'affirmer des convictions.
Martin Weitzman [14] utilise des raisonnements mathématiques assez poussés pour montrer
que le réchauffement climatique, habituellement présenté comme se trouvant dans une
fourchette entre 1,5 et 6°C d'ici 2100, pourrait en réalité être compris entre 10 et 20°C. Pour
cela, au lieu d'utiliser des modèles de couplage économico-climatiques dont les données en
entrée sont des fonctions de distribution à queues fines, il utilise des fonctions à queues
épaisses. En d'autres termes, ce chercheur considère que les scénarios très peu probables (et
présentant des conséquences catastrophiques) sont trop peu pris en compte dans ces
modélisations. Il avance trois arguments en faveur de l'utilisation de fonctions de densité de
probabilité (FDP) à queues épaisses : 1. le rythme auquel la concentration de GES (CO2, mais
aussi CH4) augmente est inédit dans l'histoire de la planète (plusieurs centaines de milliers
d'années) et la concentration elle-même dépasse ce qu'elle a été durant les 800 000 dernières
années20, 2. Parmi les nombreuses études de sensibilité climatique21 utilisées dans le 4ème
rapport du GIEC (2007), 22 (environ 15 % des sensibilités) prévoient un réchauffement bien
au-delà de 4,5°C. En agrégeant leur FDP et en prenant la frange supérieure des probabilités de
20 D'après les analyses des carottes de glace, la concentration en CO2 dans l'atmosphère a quasiment toujours oscillé entre 180 et 300 ppm, dépassant très rarement les 280 ppm. 21 qui permet de connaître l'écart de température à l'équilibre, lié à un doublement de la concentration de GES dans l'atmosphère par rapport à la période pré-industrielle, en supposant que cette concentration restera stable ensuite, durant environ un siècle.
28
5 % moyennée à partir de ces 22 études, le réchauffement moyen est de 7°C. À 1 %, le
réchauffement est supérieur ou égal à 10°C. Ce serait selon lui plutôt la marque d'une queue
longue et épaisse. 3. lorsqu'on ajoute la rétroaction négative liée à un dégagement gazeux
important (méthane piégé sous le permafrost) dû au réchauffement climatique, on obtient une
sensibilité climatique élargie (et non étroite comme la précédente, qui ne prenait pas en
compte cette boucle de rétroaction), et dans ce cas, le réchauffement à 5 % devient de 10°C
(ou plus), et de 20°C (ou plus) à 1 %. Cette sensibilité élargie a une queue encore plus épaisse
que la précédente.
Ces trois arguments méritent, selon Martin Weitzman, que l'on considère les FDP dans les
simulations numériques couplant économie et climat comme des fonctions à queues épaisses.
Si tel était le cas, l'impact en économie du changement climatique pourrait être immense, car
les désutilités devenant tellement grandes en cas de réchauffement climatique, il deviendrait
économiquement rationnel de faire le plus d'effort dès maintenant pour limiter le
réchauffement, alors qu'actuellement, la stratégie est de trouver la feuille de route optimale
pour ne pas trop peser sur les générations actuelles, de façon disproportionnée par rapport à la
perte d'utilité liée au réchauffement. Cela pourrait même selon l'auteur, être un argument pour
accélérer la recherche sur des solutions d'ingénierie géologique (ou géo-ingénierie), afin de
limiter la catastrophe en cas d'extrême urgence.
I.2.3.2. Les outils classiques : ACB, ACE, AMC
Malgré ces incertitudes énoncées, l'analyse coût-bénéfice (ACB) est l'un des outils utilisés
par les économistes pour comparer plusieurs solutions d'adaptation, ainsi que pour décider si
une solution est économiquement rentable. En effet, il n'existe pas, contrairement à
l'atténuation, d'unité universelle permettant de comparer les solutions entre elles, quelque soit
le secteur, le pays, le contexte considérés. Pour l'atténuation, il a été montré précédemment
que la t CO2 éq. évitée était l'unité privilégiée et commode, car elle permettait de fixer un
cadre économique, créer un marché de permis etc. Pour l'adaptation, ce n'est pas le cas, ce qui
pourrait nuire au financement des solutions d'adaptation, car les véhicules financiers
requièrent une allocation optimale des ressources, ce qui passe souvent par la comparaison à
l'aide d'un indicateur. L'ACB est l'outil privilégié lorsque la majeure partie de la valeur est
monétisable et donc quantifiable. Pour illustrer cet outil, la Figure I-6 montre la comparaison
de plusieurs solutions techniques visant les économies d'eau dans le secteur du bâtiment en
Angleterre. La courbe représentée est comparable aux courbes de coût marginal d'abattement
dans le cas de l'atténuation. Ce type d'étude ACB est possible et particulièrement adapté à
29
cette sorte de cas, justement parce que la principale composante du bénéfice est monétisable
(en supposant que le prix de l'eau représente bien sa valeur, c'est-à-dire qu'il intègre bien ses
externalités positives), et est constituée des économies d'eau, et le coût est également
financièrement mesurable.
Un rapport de la CCNUCC [15] expose l'ensemble des principales méthodes d'évaluation des
solutions d'adaptation, à savoir l'ACB déjà mentionnée, l'ACE (Analyse Coût Efficacité) et
l'AMC (Analyse Multi-Critères). Le rapport cite par ailleurs d'autres approches moins
répandues comme l'Évaluation Environnementale Stratégique (Strategic Environmental
Assessment SEA en anglais), le recours au panel d'experts ou encore l'approche basée sur les
risques. En plus de définir ces différentes méthodes, le rapport fournit des études de cas
pratiques les mettant en œuvre. Ce rapport est principalement axé sur l'adaptation pour les
pays en développement, puisqu'au niveau international il est vrai que l'adaptation et le
développement ont beaucoup de causes communes, néanmoins les méthodes proposées sont
utilisables dans la plupart des situations.
L'ACE est à favoriser lorsque l'on a un objectif bien déterminé, et que la solution à plus bas
coût doit être sélectionnée. Cette méthode ne garantit donc pas que le bénéfice quantifié sera
supérieur au coût, mais elle assure de choisir la solution remplissant les critères d'efficacité
désirés au coût le plus faible. Elle est donc utilisable et préférée lorsque les bénéfices ne sont
pas (aisément) monétisables, comme dans le cas des solutions d'adaptation pour la santé
(contrôle de la dengue par exemple). En revanche, il est tout de même nécessaire que les coûts
le soient. En général, cet outil n'est pas utilisé seul pour la prise de décision, mais est
accompagné d'estimation de co-bénéfices, d'acceptabilité, de faisabilité...
Vient ensuite l'AMC , qui permet de gérer les situations où l'efficacité et le bénéfice ne sont
que deux critères parmi d'autres, dont les critères culturels, écologiques, qui sont difficilement
quantifiables. Concrètement, des critères sont identifiés puis pondérés, et les différentes
solutions qui doivent être comparées sont évaluées selon ces critères (sous forme de notes par
exemple), ce qui permet une comparaison. L'avantage de cette méthode réside dans sa
capacité à comparer des solutions de domaines très divers, mais son inconvénient consiste en
son manque de robustesse, notamment du fait de la pondération, qui peut favoriser ou
défavoriser telle ou telle partie prenante. Il y a en effet une forme d'arbitraire dans la
pondération, qui peut être nuancée en ayant recours à une étude de sensibilité, afin d'en limiter
la portée.
30
Figure I-6 Comparaison de mesures d'économie d'eau, suivant une courbe de coût sociétal en fonction du potentiel technique à 2026, dans le Sud Est de l'Angleterre, en Millions de litres par an [16]
Cette méthode n'est pas propre à l'adaptation, et le même type d'instrument est utilisé dans
l'étude de la durabilité d'un investissement ou d'une mesure [17]. De fait, comme la durabilité
repose sur trois piliers que sont l'Économie, le Social et l'Environnement, un outil de
durabilité peut consister en une forme d'AMC dont les trois critères appartiennent aux trois
catégories de la durabilité. Cependant, il existe d'autres formes d'outils permettant d'estimer la
durabilité, certains monétaires, d'autres basés sur des critères biophysiques, le plus connu des
outils étant l'empreinte écologique22.
I.2.3.3. Les autres instruments et les critères d’appréciation
Les autres instruments moins démocratisés cités dans le document sont principalement utilisés
pour des programmes stratégiques de grandes envergures, qui tentent de fixer des orientations
de long terme. Dans ce cadre, les investissements doivent généralement tous œuvrer dans la
direction fixée par le plan, et il est plus rare de voir apparaitre des projets contestables sur le
plan économique, sauf si l'opinion publique a jugé une situation comme insoutenable, et
nécessitant une intervention franche, un volontarisme politique conséquent. Par ailleurs,
parmi les outils sollicitant les experts, il existe la méthode Delphi. Celle-ci consiste à
soumettre un panel d'experts à un questionnaire, de faire la synthèse des réponses, laquelle est
soumise à ce même panel, qui est invité à débattre, et recommencer le même processus,
jusqu'à aboutir à un consensus. Il est généralement admis que la meilleure solution possible
émerge de ce type de processus. Le talon d'Achille de cette méthode réside dans la crédibilité
22 C’est l’unité utilisée pour déterminer l’overshooting.
31
du panel. Une publication utilise justement ce procédé afin de définir ce qu'est une solution
d'adaptation réussie [18]. Les résultats seront présentés dans le prochain chapitre.
Certains chercheurs proposent des systèmes métriques pour pallier le manque d'instrument
équivalent à la tonne de CO2 évitée. Par exemple, dans un récent document de travail [19],
des chercheurs proposent l'utilisation d'une combinaison de deux indicateurs nommés Saved
Health et Saved Wealth. Le premier s'appuie sur le concept du DALYs (Disability-Adjusted
Life-Years Saved), alors que le second est la combinaison de deux valeurs (la première servant
à évaluer la richesse absolue sauvée, et la seconde la richesse relative sauvée). Cette
proposition a le mérite de prendre en compte l'impact du changement climatique sur les vies
humaines, d'une façon moins contestée que par le biais de la valeur statistique de la vie23, qui
pose des problèmes éthiques. Néanmoins en pratique, il reste très complexe d'obtenir les
informations nécessaires et de déterminer quelle part de l'amélioration est attribuable à la
solution concernée, et quelle part du problème est liée au changement climatique.
En conclusion, il est utile de noter que la plupart des documents traitant des différentes
manières d'évaluer des solutions d'adaptation proposent une liste de critères (ou de
dimensions) devant intervenir dans le jugement. Ces critères sont : l'efficacité, l'efficience, la
faisabilité, l'acceptabilité/la légitimité, l'équité et la durabilité [20]. Dans certains cas, cette
liste peut s'allonger avec la flexibilité, la praticité, l'urgence, le coût (social, environnemental
et économique), la cohérence vis-à-vis des autres objectifs visés par la stratégie dans laquelle
s'insère la solution concernée, et la robustesse [21]. Ces critères sont difficilement
manipulables pour certains, et nécessitent une grande quantité de données. Ils ne sont donc
pas faciles à employer, néanmoins certains outils les utilisent, comme la méthodologie du
UK-CIP, ou encore celle de l'agence USAID (United States Agency International
Development) [22]. Cette liste de méthodologies n'est pas exhaustive, et sera davantage
développée au cours du prochain chapitre.
I.3. L’ADAPTATION VERSUS L’ATTÉNUATION
Tout d'abord, comme le rappelle un document de travail qui n’est pas encore publié [23],
l'atténuation comme l'adaptation sont deux approches anthropocentrées, ce qui est la raison
pour laquelle l'auteur de ce document considère qu'elles sont vouées à l'échec, partant du fait
23 D’après la VSL (Value of a Statistical Life), le coût social de la perte d’une vie serait typiquement compris entre 4 et 9 millions de dollars pour les États-Unis (avec une médiane à 7 millions de dollars) [99]
32
que l'environnement dans lequel l'Homme est plongé change, et qu'il faut plutôt tenter
d'adapter l'Homme à ce dernier, et non l'inverse. Ce point n'est pas souvent traité dans les
diverses publications. Parfois, la question du lien entre le changement climatique et les droits
de l'Homme [24] est abordée, en particulier pour constater que sur le plan juridique, il pourrait
être demandé que le financement de l'adaptation soit supporté par les pays responsables, mais
le point de vue reste généralement anthropocentré. Les publications dans lesquelles
l'adaptation est vue comme une absolue nécessité sur le plan de l'éthique, en particulier pour
les populations des pays les plus défavorisés, aboutissent également à la question du respect
des droits de l'Homme fondamentaux [25]. Dans la suite de cette partie, un point de vue
anthropocentré sera conservé, l'article de Thom Brooks n'étant cité que pour remarquer que le
point de vue qui sera adopté ici n'est pas le seul existant dans la littérature, bien qu'étant
globalement le plus fréquent.
La première sous-section de cette partie s'attachera à décrire les différences entre l'atténuation
et l'adaptation, tandis que la deuxième sous-section se focalisera sur les aspects économiques
des deux approches. Dans un dernier temps, les aspects éthiques du débat entre adaptation et
atténuation, notamment dans le cadre des négociations internationales sur le changement
climatique, seront exposés.
I.3.1. Les différences entre adaptation et atténuation
D'après un article de R. Klein datant de 2005[26], l'atténuation et l'adaptation diffèrent sur
trois principaux points, qui sont exposés ci-après.
I.3.1.1. Les échelles spatiales et temporelles
La première différence relevée est que l'atténuation et l'adaptation n'ont pas la même échelle
spatiale, ni la même échelle temporelle. En effet, alors que l'atténuation profite à l'ensemble
de la planète, à l'échelle globale, l'adaptation ne profite qu'à l'échelle locale. Sur le plan
économique, les solutions d'adaptation sont donc plus acceptables, puisqu'elles profitent à
ceux qui en supportent le coût, alors que l'atténuation coûte à des acteurs qui n'en tirent pas,
ou moins directement, les bénéfices. De même sur l'échelle temporelle, l'atténuation apportera
des bénéfices à long terme, tandis que les bénéfices de l'adaptation sont a priori immédiats.
Une fois de plus, économiquement il est plus facile de justifier de l'adaptation que de
l'atténuation, car le court terme est plus facilement pris en charge par l'économie que le long
terme, d'autant plus quand les coûts et bénéfices sont actualisés. Néanmoins, ce second point
est à nuancer, étant donné que l'adaptation n'est pas toujours en mesure d'apporter des
33
bénéfices à court terme. En effet, cela dépend du type d'adaptation considéré : pour
l'adaptation réactive, le bénéfice est effectivement à court terme, mais s'il s'agit d'adaptation
anticipative ou proactive, alors par définition les bénéfices ne se verront qu'à moyen ou long
terme. En outre, pour qu'il y ait bénéfice avec une mesure anticipative, il faut que le climat
change effectivement, sinon cette mesure pourrait être vue comme une erreur (du gaspillage).
I.3.1.2. Un équivalent de la tonne de CO2 évitée ?
La deuxième différence citée a déjà été précédemment explicitée, il s'agit du fait que les
bénéfices de l'atténuation sont assez facilement identifiables, grâce à l'unité métrique utilisée
(tCO2 éq. évitée), tandis que l'adaptation peut avoir des bénéfices plus difficilement
quantifiables et agrégeables : bénéfice économique, mais aussi écologique, social, sociétal,
culturel. Sur le seul aspect économique, même s'il était possible d'estimer les impacts du
climat évités grâce à une mesure d'adaptation, rien ne garantit que ces impacts soient liés au
changement climatique, et non à la variabilité climatique naturelle. En ce qui concerne les
évènements extrêmes, il est difficile de statuer quant à un lien de causalité avec le changement
climatique d'origine anthropique ou non. Pour aller plus loin, dans le cas de l'adaptation, les
inconnues sont nombreuses et très incertaines, et la réussite des mesures dépend de ces
inconnues (en premier lieu du changement climatique) tandis que pour l'atténuation, les
inconnues sont bien moins nombreuses et incertaines. En effet, il n'est pas nécessaire de
connaître avec précision l'évolution future du climat et ses impacts pour l'atténuer, alors qu'il
est utile (voire indispensable dans certaines situations) d'avoir une idée relativement précise
de la façon dont évoluera le climat pour s'y adapter24.
I.3.1.3. La diversité des acteurs de l’adaptation
Enfin la troisième différence a également été précédemment évoquée, et concerne les
personnes impliquées par l'une et l'autre des deux approches. Pour l'atténuation, les mesures
concernent majoritairement le secteur de l'énergie, du transport et de l'industrie. Dans une
moindre mesure, le secteur de l'agriculture. Pour l'adaptation, la chose est tout autre : des
secteurs bien plus variés sont touchés. Le tourisme, la gestion des zones côtières,
l'approvisionnement en eau, l'agriculture, la santé... et les agents responsables de la décision
d'adaptation restent vaguement identifiés. La responsabilité est répartie sur de nombreuses
personnes, ce qui requiert d'accorder une attention toute particulière à la gouvernance. Les
institutions nationales, mais également régionales et locales sont concernées, même si la
24 Cependant, l'atténuation requiert que soit reconnue la responsabilité des activités humaines dans le changement climatique pour être légitime.
34
plupart du temps les bénéfices de l'adaptation restent à l'échelle locale. Ainsi, non seulement
le nombre de personnes impliquées dans l'adaptation d'une part, et l'atténuation d'autre part,
est différent, mais en plus la catégorie des parties prenantes est également variable.
I.3.1.4. Bien privé-bien public
Par ailleurs, l'atténuation est toujours la protection d'un bien commun public, puisqu'il s'agit
de protéger un service écosystémique (la régulation du climat) lequel profite à tous, tandis que
le plus souvent l'adaptation correspond à la protection de biens privés (voire communs ou de
club). En effet, lorsqu'une mesure d'adaptation vise à protéger les zones côtières grâce à des
digues par exemple, ce sont en réalité les propriétés privées se trouvant derrière ces digues qui
sont protégées. Il y a bien entendu des exceptions à cette règle, comme le cas où l'adaptation
viserait à protéger des monuments faisant partie du patrimoine mondial, ou bien dans le cas
où des espèces (faune ou flore) endémiques seraient menacées du fait du changement
climatique (hausse du niveau de la mer pour une île par exemple). Dans ces situations, le bien
protégé est un bien public. Mais plus que la catégorie du bien protégé (public ou privé) elle-
même, cette distinction induit une différence majeure entre les deux approches : les bénéfices
de l’adaptation sont individuels, alors que ceux de l’atténuation sont communs25.
I.3.1.5. Échec ou réussite de la politique engagée
Enfin, la dernière distinction à faire entre atténuation et adaptation est sur le succès ou bien
l’échec de ces approches26. Sur ce point, l'atténuation a clairement l'avantage par rapport à
l'adaptation, étant donné qu'il est toujours techniquement faisable de réduire des émissions de
GES (au pire des cas, il "suffit" d'arrêter l'activité économique correspondante) alors qu'il
n'est pas certain de pouvoir s'adapter à toutes les situations futures sans impacts résiduels, sur
le plan de l'économie (et en particulier de la théorie des jeux) le contraire se produit. En effet,
comme cela a été expliqué précédemment, dans le cas de l'atténuation, les coûts sont couverts
par des agents économiques qui ne sont pas les seuls à bénéficier de leurs actions (positives),
ce qui ne leur crée donc pas d'avantage compétitif, tandis que dans le cas de l'adaptation, les
bénéfices reviennent souvent à ceux qui en ont couvert les coûts. Ainsi, cela peut créer un
avantage compétitif vis-à-vis de ceux qui n'auraient pas pris de mesures en faveur de
l'adaptation.
25 Ce point est plus amplement développé dans la sous-section abordant la théorie des jeux. 26 Cette différence n’est pas mentionnée dans la publication de R. Klein[26].
35
I.3.1.6. Conflits et synergies entre les deux approches
En outre, les politiques d'adaptation et d'atténuation sont distinctes, mais elles ne sont pas
indépendantes. Il existe en effet des synergies et des conflits entre ces deux approches.
Certains exemples sont donnés dans une publication de S. Hallegatte [27]. En adaptant les
normes de construction dans le but de réduire la consommation énergétique, cela permet
également de réduire les émissions de GES (synergie), mais en équipant peu à peu les
logements de climatiseurs, la consommation énergétique et donc les émissions de GES
augmentent (conflit). De même, en mettant en place une politique d'atténuation, le besoin
d'adaptation peut être réduit, ce qui signifie qu'une mesure d'adaptation prise aujourd'hui pour
être adapté au climat de 2050 pourrait avoir été surévaluée si les efforts d'atténuation d'ici là
font que le changement climatique est moins important qu'anticipé. De façon symétrique, le
fait de mettre en place des solutions d'adaptation pourrait en théorie permettre aux systèmes
sociaux d’être en capacité de faire face à un changement climatique plus important, et ainsi
rendre la limitation de ce changement climatique moins nécessaire, ce qui revient à accepter
une concentration de GES dans l'atmosphère plus élevée. Enfin, certaines mesures
d'adaptation comptent sur un prix du carbone élevé pour être économiquement rentable, or les
mesures d'atténuation font chuter le prix du quota carbone sur les marchés, et peuvent ainsi
compromettre la rentabilité de l'adaptation (en supposant que les plafonds d'émissions sont
fixes).
I.3.1.7. Une politique commune d’atténuation & adaptation ?
À vrai dire, certains chercheurs publient des articles dans lesquels ils défendent le fait que non
seulement il ne faudrait pas opposer atténuation et adaptation, mais qu'en plus il serait
pertinent d'employer des politiques climatiques mêlant astucieusement des mesures
d'atténuation et d'adaptation. C'était déjà le cas de l'article de R. Klein de 2005, lorsque
l'auteur s'interroge sur ce que serait l' "optimal mix between mitigation and adaptation". Mais
c'est également le cas par exemple d'une publication parue en 2009 dans la revue Habitat
International [28]. Selon les auteurs, il n'y a pas d'opposition a priori de l'adaptation et de
l'atténuation, cette opposition (appelée dichotomy en anglais) serait en réalité la conséquence
de processus de création de savoir différents dans un cas et dans l'autre. Le problème du
changement climatique soulevé par la communauté scientifique au départ, s'est traduit dans la
sphère politique par des négociations internationales. Une approche top-down, donc
majoritairement sur l'atténuation, étant donné que, comme cela a été mentionné, l'atténuation
s'occupe de l'échelle globale. Ensuite, lorsque peu à peu l'enjeu du changement climatique a
36
atteint le domaine des sciences sociales, et que l'impact sur l'Homme s'est élevé, une approche
bottom-up a fait son apparition. Ceci explique, selon les auteurs, l'opposition dans la
littérature entre ces deux approches. L'explication serait donc plutôt historique, et non
foncièrement pragmatique. De plus, les mesures d'atténuation n’ont pas autant besoin d'être
testées sur le terrain que celles d'adaptation, et sont très mono-disciplinaires, contrairement à
l'adaptation qui demande une grande transversalité, et des allers-retours permanents entre
recherche et terrain. Enfin, d'après cette publication, il aurait été plus facile de développer dès
le départ une approche mêlant adaptation et atténuation, que de mêler celles-ci a posteriori.
Pourtant, bien qu'il apparaisse que les deux approches de la lutte contre le changement
climatique semblent devoir se rejoindre en une seule et même politique, mariant les différents
aspects de cet enjeu, il n'en demeure pas moins qu'économiquement, atténuation et adaptation
peuvent être comparées, voire opposées.
I.3.2. La comparaison économique
Avant d'opposer atténuation et adaptation sur le plan économique, il est pertinent de
remarquer que l'une et l'autre des stratégies peuvent être vues comme des options réelles, et
peuvent être valorisées en tant que telles. Selon la théorie économique néo-classique qui
utilise souvent une approche marginaliste et utilitariste pour atteindre l'optimum
économique27, la stratégie rationnelle serait de commencer par réduire les émissions de GES
jusqu'à égalisation du coût marginal de réduction (ou d'abattement) avec le bénéfice marginal
de réduction du changement climatique, ensuite par égalisation du coût marginal d'adaptation
avec le coût marginal de l'impact résiduel, on en déduit la part d'adaptation28. Cette approche
est exposée dans une publication soutenue par la Banque Mondiale [29].
I.3.2.1. La valeur d’option réelle
Dans le cas de l'adaptation, l'option réelle peut être le fait de retarder un investissement dans
une zone inondable, ce qui représente une perte à court terme (du fait du coût d'opportunité),
mais qui permet d'attendre de nouvelles études avant de choisir une solution irréversible (la
construction par exemple). Par ailleurs, le fait de préparer un territoire à la remontée du
niveau de la mer dès la conception des bâtiments peut engendrer un certain coût
supplémentaire, mais qui représente une option pour le futur, celle de ne pas devoir se
27 dans le cas du changement climatique et en supposant que les coûts et bénéfices de l'atténuation et de l'adaptation sont parfaitement connus 28 Une étude récente publiée dans Economic Papers présente une discussion autour de la valeur d'option réelle dans le cas théorique d'une optimisation à la Hotelling (mêlant adaptation et atténuation)[85]
37
déplacer ou reconstruire. Enfin, dans la comparaison de plusieurs solutions d'adaptation, la
valeur d'option peut également intervenir, généralement en faveur des solutions évolutives
(éducation, formation, recherche) et en défaveur des solutions irréversibles (digue, mur de
plage...). Cette valeur d'option réelle est utilisée dans la littérature sur l'adaptation [30].
Dans le cas de l'atténuation, les mesures en faveur de la réduction des émissions peuvent
également être vues comme des options réelles, puisqu'elles permettent de préserver une
capacité à se maintenir dans la limite acceptable de concentration de GES dans l'atmosphère,
jusqu'à ce que notre connaissance du seuil d'émissions soit améliorée (par la recherche par
exemple). C'est en tout cas le point de vue défendu dans un article écrit par des chercheurs de
la faculté de Singapour [31]. Un élément intéressant de cet article réside dans la comparaison
entre deux types de solutions d'atténuation : les solutions visant à réduire les émissions à la
source (industrie, transport ...) et les émissions réduites grâce à la mise en place de puits de
carbone, grâce à la séquestration après émission. La conclusion à laquelle ils arrivent est que
les premières sont plus efficaces (sur le plan économique) que les secondes. Nonobstant la
valeur d'option réelle relevée par cet article pour l'atténuation, il parait clair que plus les
émissions seront importantes, moins l'adaptation apparaitra comme une option.
I.3.2.2. Pourquoi faudrait-il ne pas mélanger les deux ?
Parmi les économistes certains sont partisans de garder atténuation et adaptation
largement séparées, comme R. Tol. Dans une publication de 2005 [32] traitant du
compromis à trouver entre les mesures d'adaptation et d'atténuation, R. Tol écrit dans
l'introduction : "This paper argues that adaptation and mitigation should be kept largely
separate" et quelques lignes plus loin "we should embrace adaptation in triumph, at least for
some impacts". Il explique dans ce papier que l'atténuation et l'adaptation ont le même objectif
(réduire les impacts du changement climatique), mais qu'il n'est pas facile de trouver des
compromis entre les solutions d'adaptation et celles d'atténuation du fait des différences
d'échelles spatiale et temporelle, et des acteurs auxquels elles s'adressent respectivement. Il
distingue néanmoins le cas particulier des solutions ayant pour objectif d'augmenter les
capacités adaptatives29 (cette distinction entre adaptation et capacité adaptative sera détaillée
29 En première approximation, il est possible de comprendre capacité adaptative comme capacité à faire face au changement climatique quand un évènement se présente. Par exemple, le fait d'avoir un système de soin de bonne qualité est un atout pour faire face aux épidémies qui pourraient croitre du fait du changement climatique, mais il n'en demeure pas moins que même en l'absence de changement climatique, un système de santé performant est souhaitable.
38
dans le prochain chapitre), qui entrent selon lui en concurrence avec les solutions
d'atténuation, non seulement sur les objectifs visés mais également sur l'accès aux ressources.
La question qu'il pose alors est de savoir si, pour favoriser l'amélioration des capacités
adaptatives (système de soin, accès à l'eau, éducation, recherche...) en particulier dans les
pays les moins avancés, pour lesquels l'adaptation est primordiale (mais pour lesquels
adaptation et développement sont en fait très proches), les politiques d'atténuation favorisent
ou entravent cette dynamique. Selon R. Tol, l'atténuation du changement climatique entrave la
dynamique d'amélioration des capacités adaptatives de l'Afrique (son développement), car elle
réduit la croissance des pays de l'OCDE, ce qui réduirait la demande de matières premières en
provenance de l'Afrique. Ainsi, le ralentissement de l'économie dans les pays de l'OCDE se
traduirait par un ralentissement de l'économie en Afrique, et donc à de moindres
investissements pour les capacités adaptatives.
Richard Tol poursuit le raisonnement, en disant qu'un dollar dépensé aujourd'hui en réduction
d'émissions de GES profitera aux petits-enfants des habitants actuels des pays les moins
avancés, et que selon lui, l'utilité marginale de ce dollar pourrait être plus élevée s'il était
dépensé autrement qu'en réduction de GES, en aide au développement par exemple. La
conclusion à laquelle il aboutit est qu'en termes de réduction des maladies infectieuses, il est
plus efficace de faire de l'aide au développement que de dépenser l'argent en réduction
d'émissions, mais pour d'autres objectifs, la conclusion inverse pourrait être vraie. Par
exemple, le développement apporterait davantage de problèmes cardio-vasculaires du fait du
changement de régime alimentaire, de l'urbanisation et de la pollution de l'air accompagnant
ce développement.
La critique que nous pourrions faire de cet article est que l'auteur part de l'hypothèse que
l'adaptation est toujours possible, et que les impacts résiduels sont négligeables. Son
raisonnement semble donc valable dans le cas d'un changement climatique relativement
limité. Il ne prend par exemple pas en compte le fait que l'on puisse atteindre un seuil de
réchauffement, au-delà duquel les raisonnements théoriques économiques ne sont plus
applicables, les impacts importants, et les conséquences imprévisibles. Ce type de scénario
qui semble catastrophiste n'est pas exclu par certains chercheurs, comme en témoigne un
récent article paru dans Nature en juin 201230[33].
30 dans lequel il est écrit qu'un point de non-retour, estimé empiriquement et par la modélisation, pourrait être le moment où plus d'environ 50 % des éco-systèmes auront été modifiés (aujourd'hui, nous en sommes à plus de 43 %) par des actions humaines directes. Une fois ce point dépassé, une extinction massive des espèces type K-T
39
I.3.2.3. La position en théorie des jeux
Pour aller plus loin dans l'opposition, certains économistes ont abordé la question de la
stratégie entre atténuation et adaptation sous l'angle de la théorie des jeux. De manière
évidente, sur le plan de la coopération internationale, étant donné le nombre d'acteurs, la
stratégie du passager clandestin est largement répandue, outre les questions d'éthique, de
justice internationale pour savoir qui est responsable du réchauffement et qui doit en subir les
coûts. En effet, du point de vue de la théorie des jeux, aucun acteur n'a intérêt à réduire ses
propres émissions, qui servirait l'ensemble de la communauté des "joueurs", sans lui conférer
d'avantage (c'est ce que l'on appelle la tragédie des biens communs, de Garrett Hardin [34]).
D'autant plus que sur le plan de la compétition internationale, la réduction d'émissions
unilatérale pourrait créer un désavantage économique. Pourtant, l'Union Européenne s'est
engagée unilatéralement à réduire ses émissions de 20 % d'ici à 2020. À l'inverse, l'adaptation
(en admettant qu'elle soit possible) permet de fournir un avantage compétitif : si l'Union
Européenne est adaptée au changement climatique, alors comparativement aux autres pays,
son territoire va prendre de la valeur, et le coût des impacts sera réduit, elle aura alors un
avantage par rapport à ses concurrents. Ce point de vue pourrait même être renforcé par le fait
que les émissions de l'UE ne représentent plus l'enjeu majeur mondial, ce qui la relègue au
second plan lors des négociations internationales.
Un article publié dans Ecological Economics en 2010 traite de la théorie des jeux dans le
domaine du changement climatique [35], en utilisant des méthodes d'économie
comportementale et expérimentale. La question que se posent les auteurs est de savoir, par
l'expérience sur le comportement d'agents, quel serait le compromis choisi entre atténuation et
adaptation, en ne donnant ni la possibilité de ne rien faire, ni de faire les deux. Au premier
ordre, il semblerait (d'après la revue de littérature préliminaire proposée dans ce document)
que le comportement d'individus serait à peu près équivalent à celui de pays entier lors de
prises de décisions stratégiques31. Dans le modèle créé, plusieurs éléments sont à souligner : il
ne peut pas y avoir de gain espéré, simplement des pertes moins grandes, malgré une décision
de la totalité des joueurs de faire de l'atténuation (cas de coopération totale), des risques
d'impacts négatifs du changement climatique demeurent (modélisés par une variable
stochastique), afin de prendre en compte l'incertitude relative à la capacité d'atténuation totale.
Néanmoins, le risque global de changement climatique décroit avec le nombre de joueurs
pourrait être enclenchée, se produisant en quelques décennies. Au rythme actuel de modification des éco-systèmes, le chiffre de 50 % serait atteint vers 2025. 31 parfois les décisions internationales montrent même plus de coopération que des individus séparés.
40
choisissant l'atténuation. À l'inverse, en cas de coopération nulle, le risque de désastre
climatique est de 1. Enfin, avec ce modèle, seuls des bénéfices liés au changement climatique
(sous forme de réduction des dommages) interviennent pour les solutions d'adaptation (pas de
co-bénéfice). En cas de désastre, le dédommagement (inférieur à la dotation initiale) est
fonction de l'adaptation et de la vulnérabilité.
Les participants ont donc le choix entre plusieurs stratégies usuelles : maxi-min (la meilleure
stratégie pour le pire des scénarios, c'est à dire ici le cas où le désastre se produit), maxi-max
(la stratégie où les retombées peuvent être les plus importantes), ou encore mini-max
(minimisation de la perte maximale). Cette étude illustre plusieurs résultats intéressants : tout
d'abord, 26,5 % des participants ont choisi l'atténuation (sans différence significative entre le
groupe de vulnérabilité élevée et celui de vulnérabilité basse) ce qui est inférieur aux résultats
de coopération habituels pour le dilemme du prisonnier. Ensuite, une différence significative
entre les deux groupes (vulnérabilité élevée et basse) quant à leur attente des réponses des
autres participants de leur groupe (19 % des individus de la faible vulnérabilité s'attendaient à
ce que les autres fassent de l'atténuation, contre 34 % pour les individus de vulnérabilité
élevée). Par ailleurs, environ 60 % des participants se disent prêts à faire de l'atténuation,
dans le cas où tous les autres en font, quelque soit leur niveau de vulnérabilité. Enfin, 47 %
de ceux ayant une faible vulnérabilité se disent prêts à faire de l'atténuation en cas de
coopération nulle, contre seulement 25 % des individus de vulnérabilité élevée. Cet article
donne donc une première explication de la préférence à faire de l'adaptation plutôt que de
faire de l'atténuation dans le cadre de la théorie des jeux.
Par ailleurs, un autre document (de travail) [36] étudiant les stratégies de lutte contre le
changement climatique sur le plan des accords internationaux met en avant le fait que
l'amélioration de l'efficacité des solutions d'adaptation réduit l'incitation à employer la
stratégie du passager clandestin. Au-delà de cela, le succès de l'atténuation pourrait
dépendre du fait que certains pays prennent des mesures d'adaptation pour réduire les
conséquences du changement climatique. Cette étude montrerait donc que non seulement
atténuation et adaptation ne sont pas substituables, mais qu'en plus le fait de trouver des
solutions efficaces d'adaptation et de les mettre en place dans certains pays, augmente
l'incitation à coopérer sur le plan de l'atténuation à l'échelle mondiale.
41
I.3.3. L'émergence du concept d'adaptation sur la scène internationale
Dans de nombreuses publications défendant l'adaptation comme pouvant être utilisée à la
place de l'atténuation, il est écrit que pendant de nombreuses années, parler d'adaptation était
synonyme de défaitisme (voir par exemple [32]). Puis, au fur et à mesure que le changement
climatique a montré ses premiers effets (avancée des vendanges, dérive d'icebergs géants...),
les défenseurs de l'adaptation ont commencé à occuper de plus en plus de place sur la scène
internationale. Pour le chercheur Olivier Godard [37], cette montée en puissance de la
thématique de l'adaptation est le témoin (et peut-être même le vecteur) du basculement de
l'imaginaire vers la résignation, et de façon voilée ou implicite, la thématique de
l'adaptation "habille et disculpe le manque de volonté politique internationale dans la maîtrise
des émissions de GES". Lors de la Conférence des Parties de décembre 2009 à Copenhague,
était attendue une extension du protocole de Kyoto à l'ensemble des pays développés et en
développement basée sur l'atténuation et la maîtrise des émissions de GES. En réalité, les
négociations ont abouti à des engagements non contraignants de la part du groupe des 77
(rassemblement de pays en développement mené par la Chine et l'Inde), et à la mise en place
de véhicules financiers des pays développés vers les pays en développement pour favoriser les
réductions d'émissions, le développement économique et l'adaptation aux impacts. Pour
Olivier Godard, cela a été le signe que la communauté internationale a implicitement consenti
à ne pas respecter l'engagement du non dépassement des 2°C par rapport à l'ère pré-
industrielle, et est prête à "se livrer à l'aventure climatique". Il ajoute que "la place réservée à
l'adaptation est l'expression subliminale de ce renoncement".
Les partisans d'une action relativement faible d'atténuation au profit d'une action plus
prononcée d'adaptation, utilisent des hypothèses de départ qui ne seront pas
nécessairement vérifiées ex post. En effet, ils considèrent généralement que les impacts du
climat resteront suffisamment faibles, que nos sociétés pourront connaître des chocs à court
terme (sécheresse, vague de chaleur...) d'origine climatique, mais que sur le long terme,
l'adaptation annulera ces effets, si bien que l'impact économique à terme n'existera pas. En
d'autres termes, les solutions techniques et les adaptations matérielles permettront d'annuler
les effets du changement climatique.
Ensuite, en opposant sur le plan économique l'adaptation et l'atténuation, comme les coûts de
l'atténuation sont immédiats alors que ceux de l'adaptation sont principalement reportés dans
le futur, en procédant à une actualisation (parfois à des taux plutôt élevés, comme 5,5 % pour
42
Nordhaus), l'avantage est directement accordé à l'adaptation. Il est pourtant légitime de
s'interroger sur la pertinence, à la fois économique et éthique de l'utilisation d'un taux
d'actualisation de plus de 5 % sur plus d'un siècle, d'autant plus si, du fait de la non-
atténuation du changement climatique, les impacts sont en réalité bien plus élevés qu'anticipés
dans le cadre de l'adaptation. Enfin, d'après la théorie économique, il est rationnel de faire
supporter les coûts par ceux qui en auront le plus la capacité, or en anticipant une croissance
économique soutenue sur deux siècles, il est clair que les générations futures sont mieux loties
pour faire face au changement climatique. Cependant, ce raisonnement part encore une fois du
principe que le climat ne pourra pas affecter de façon importante l'économie, ce qui n'est pas
du tout évident, et ce qui l'est de moins en moins.
Enfin, l'article d'Olivier Godard [37] aborde également les aspects éthiques du problème.
Lorsque les coûts (et les bénéfices) sont actualisés sur de longues périodes, apparaît la
question de la justice intertemporelle, et du droit des générations futures de choisir leur
propre conception de la société, ce qui les constitue de façon essentielle et qui doit donc être
préservé. En estimant qu'elles souhaiteront, comme les générations présentes, préserver les
mêmes composantes, on préjuge de leurs choix, ce qui n'a pas de légitimité sur le plan
éthique. Il est donc important de différencier deux catégories de solutions d'adaptation :
dans la première se trouvent les mesures pouvant être mises en balance avec celles
d'atténuation, et pour lesquelles il faudrait donc procéder à une comparaison économique
reposant sur des hypothèses de taux d'actualisation, et dans la seconde catégorie, il y aurait les
mesures à ne considérer qu'en cas d'extrême nécessité, où le changement climatique est déjà
là, et où il faut s'adapter pour limiter les dommages.
Par ailleurs, étant donné la place qu'occupe actuellement l'adaptation sur la scène des
négociations internationales, et les circonstances dans lesquelles ce concept est apparu, il est
nécessaire d'être vigilent quant à la compréhension de cette thématique. Implicitement, parler
d'adaptation au climat futur signifie que cette adaptation, avec un dommage résiduel limité,
est possible, et que c'est à notre capital matériel de s'adapter au climat changeant. Or, il n'est
pas assuré que cette adaptation soit possible. Ainsi, l'atténuation n'est pas une option, et
lorsqu'il s'agit d'adaptation, il faut en réalité distinguer l'adaptation des infrastructures à la
nouvelle donne (très incertaine) climatique, et l'adaptation visant une meilleure capacité à
faire face à des évènements climatiques incertains en fréquence et en intensité. L'adaptation
ne doit donc pas être comprise comme un renoncement à l'atténuation, et il sera primordial
que les sociétés soient capables d'adapter leur mode de vie aux nouvelles conditions qui
43
existeront, tout en conservant les traits caractéristiques de leur organisation collective. Par
exemple, il pourrait sembler pertinent d'estimer que le propre de nos sociétés (du moins en
Europe) est la démocratie32, et que celle-ci est ce qu'il faut conserver, quitte à faire évoluer le
capital matériel, les habitudes, le système économique etc.
Au final , l'adaptation est plus un défi à relever dans le domaine des sciences humaines et de
l'économie, afin de distinguer ce qui est essentiel de ce qui est superflu, qu'un challenge
technique et technologique pour permettre de préserver notre niveau de consommation, de
production, et d'échanges commerciaux, le plus longtemps possible. Quoiqu'il en soit,
l'adaptation et l'atténuation sont bien deux approches complémentaires, d'autant que
l'atténuation réduit les coûts de l'adaptation, lorsque l'adaptation est comprise comme les
modifications permettant aux infrastructures de faire face au climat futur (et à sa variabilité),
et que par ailleurs, l'atténuation réduit l'incertitude liée à l'utilisation des scénarios socio-
économiques.
32 Pour aller plus loin dans l’analyse de la possibilité ou non de maintenir une gouvernance démocratique malgré la rupture du contrat social fondé sur la consommation, dans l’hypothèse d’une transition vers une ère sans énergie fossile, lire la publication de Bruce Jennings d’octobre 2010 [98].
44
Pour résumer, l’économie et le climat sont liés par l’intermédiaire de l’énergie, qui peut être
appréhendée comme le moteur de notre économie, et la source principale du changement
climatique anthropique, du fait des émissions de Gaz à Effet de Serre. Face à ce changement
climatique, deux réponses peuvent être apportées : l’atténuation des causes (réduction des
émissions), et l’adaptation aux conséquences. Chacune de ces deux stratégies dispose
d’instruments économiques : la taxe, le marché de permis, les subventions et les normes pour
l’une, et les signaux-prix les assurances et les partenariats public-privé pour l’autre.
Mais, ce sont deux stratégies qui diffèrent sur plusieurs points. D’abord, les échelles spatiale
et temporelle auxquelles elles sont utilisées, l’adaptation s’occupant du local et pouvant
apporter des bénéfices immédiats (adaptation réactive), tandis que l’atténuation est une
politique globale, dont les bénéfices sont futurs. Ensuite, contrairement à l’atténuation et sa
métrique unique (la tonne de CO2 équivalent évitée), l’adaptation ne dispose pas de cadre
universel de comparaison. De plus, l’atténuation est une stratégie qui implique quelques
acteurs de secteurs spécifiques, alors que l’adaptation concerne une grande diversité d’acteurs
socio-économiques. Enfin, l'atténuation est la protection d'un bien public, tandis que
l'adaptation est la protection de biens privés (ou de clubs).
Mais il existe des liens entre ces deux approches (synergies et conflits). Elles peuvent soit se
renforcer mutuellement (l’atténuation réduisant par exemple la nécessité d’adaptation), soit
s’opposer (l’adaptation pouvant conduire à plus d’émissions, et un renforcement du besoin
d’atténuation).
Ainsi, sur le plan économique une politique d’adaptation se justifie plus facilement qu’une
politique d’atténuation, car ceux qui en assurent les coûts en tirent également les bénéfices
(relatifs), contrairement à l’atténuation où les coûts sont individuels et le bénéfice, global.
Certains économistes souhaitent donc que ces deux approches soient présentées comme
substituables et non comme complémentaires.
Mais il peut sembler que cela soit fondé sur des hypothèses de faible impact du changement
climatique sur les sociétés humaines, lesquelles ne peuvent être vérifiées ex ante. De plus, il
apparait que l'opposition entre l'adaptation et l'atténuation est liée à la façon dont s'est créée la
connaissance, et ne présuppose pas d'une incompatibilité.
Au final, d'autres chercheurs tentent de concilier les deux, que ce soit de manière calculatoire,
ou bien de manière expérimentale, en montrant notamment ce que l'adaptation peut apporter à
l'atténuation. L'atténuation et l'adaptation sont donc complémentaires et non substituables.
45
II. ADAPTATION ET MALADAPTATION
Le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et commence déjà à être observé.
Malgré les incertitudes quant à ce changement à long terme, dont l’amplitude dépendra pour
partie de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (agir sur les causes), le
sens de cette variation ne laisse pas la place au doute. Afin de limiter les conséquences
négatives de ce changement climatique et de saisir les opportunités que ce dernier offre, il est
nécessaire d’anticiper ce changement. C’est ce que l’on appelle l’adaptation au changement
climatique (s’adapter aux conséquences). En effet, bien que les sociétés soient en mesure,
dans certains cas, de s’adapter spontanément en réaction à un changement perçu, le fait
d’adopter une stratégie proactive présente des avantages, à commencer par la réduction du
coût (social et économique) à moyen terme.
Dans cette démarche, la France a adopté en juillet 2011 un Plan National d’Adaptation au
Changement Climatique (PNACC) portant sur la période 2011-2015, composé de 234 actions
réparties à travers 84 mesures phares, afin de traiter cette question à l’échelle nationale. Une
des mesures du PNACC consiste à « identifier et diffuser des critères, méthodes et sources de
données permettant de juger de la maladaptation », dans laquelle une action est d’ « introduire
des critères d’éligibilité, permettant d’éviter les projets maladaptés, dans les dispositifs de
financements publics et privés pertinents ». Elle prévoit donc que, dans une réflexion de
durabilité, les investissements publics évitent d’augmenter la vulnérabilité à l’évolution du
climat : il s’agit donc d’éviter la maladaptation en favorisant la résilience des investissements
au changement climatique.
II.1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SES IMPACTS
II.1.1. Les climats futurs
II.1.1.1. Quelques définitions
Le climat est la distribution statistique des conditions atmosphériques dans une région donnée
pendant une période de temps donnée. Ces conditions observées sont la précipitation, la
température, l'ensoleillement, l'humidité et la vitesse du vent. En statistique, les deux outils les
plus utilisés sont la moyenne et la variance, laquelle décrit la manière dont évolue une
variable par rapport à sa moyenne. Quand il est question de changement climatique, il est
donc question de l'évolution des données statistiques des variables observées. Ce changement
46
peut s'opérer en moyenne, mais également en variance. Dans le premier cas il s'agit de
l'évolution tendancielle, et dans le second, de l'évolution de la variabilité. En effet, la
variabilité naturelle peut augmenter, diminuer, ou bien rester inchangée.
Selon la communauté scientifique, d'une part la réalité du réchauffement climatique n'est plus
discutable, et d'autre part elle est liée aux activités anthropiques, et aux émissions de GES
accompagnant ces activités. L'effet de serre est un phénomène tout à fait naturel et souhaitable
dans une certaine mesure, car c'est ce qui permet de maintenir une température sur Terre de
15°C et non de -18°C comme ce serait le cas en l'absence totale de ces GES33. Leur rôle a
donc été majeur dans le développement de la vie telle que nous la connaissons sur Terre. Le
premier GES en quantité dans l'atmosphère est l'eau. Les GES autres que la vapeur d'eau sont
principalement le CO2 (dioxyde de carbone), le N20 (protoxyde d'azote), les gaz fluorés
(HFC), le CH4 (méthane).
Les raisons pour lesquelles les émissions de vapeur d'eau ne sont pas prises en compte dans
les causes du changement climatique sont que, d'une part sa durée de vie dans l'atmosphère
est très courte (de l'ordre de 7 à 15 jours), et que d'autre part les émissions de vapeur d'eau
liées aux activités humaines sont négligeables en comparaison avec les quantités de vapeur
d'eau impliquées dans le cycle de l'eau, du fait de l'évaporation des océans, et de
l'évapotranspiration des végétaux. Le CO2 existe également naturellement dans l'atmosphère,
néanmoins en des proportions bien moindres que celles connues aujourd'hui. Avant la
révolution industrielle, la concentration atmosphérique de ce gaz était de l'ordre de 280 ppm
(parties par million) et avait toujours oscillée entre 180 et 300 ppm, au cours des 800 milliers
d'années passées (elle est actuellement d'environ 390 ppm). La durée de vie du CO2 dans
l'atmosphère est de l'ordre de 100 ans, ce qui explique les raisons des inquiétudes. En effet,
une fois que ce gaz a été émis, il a un pouvoir réchauffant durant environ un siècle. C'est une
des raisons pour laquelle, même sans émissions supplémentaires, le climat se réchauffera au
cours des prochaines décennies.
II.1.1.2. L’origine des GES
Les émissions de CO2 sont principalement liées à la combustion des énergies fossiles, à
savoir gaz naturel, pétrole et charbon, qui sont des hydrocarbures, c'est-à-dire des molécules
constituées d'atomes de carbone et d'hydrogène, formant de longues chaînes (des squelettes
33 L’action des GES est purement physique et non chimique, autrement dit leur impact n’est pas dû à leur nocivité chimique, mais au fait qu’ils absorbent une part des rayons infrarouges, or le spectre des ondes réémises par la Terre est principalement dans cette gamme de longueurs d’ondes.
47
carbonés), qui, en brûlant, libèrent de l'énergie sous forme de chaleur, et rejettent du CO2 et de
la vapeur d'eau. Or, les énergies fossiles représentent 80 % de l'énergie consommée dans le
monde aujourd'hui.
Les émissions de CH4 sont principalement le fruit de la décomposition anaérobie de la
matière organique (fermentation), et des fuites de gaz naturel lors de l'exploitation et du
transport par gazoducs.
Concernant les émissions de N2O, elles sont attribuables en grande partie au phénomène de
nitrification/dénitrification des sols cultivés, du fait de l'utilisation d'engrais azotés, mais
elles sont également liées à certains processus industriels, produisant de l'acide nitrique par
exemple. Enfin, de plus en plus d'émissions de N2O sont causées par le transport, du fait de la
généralisation des pots catalytiques, qui ont pour objectif de réduire les particules fines dans
l'atmosphère, mais qui posent des problèmes d'émissions de N2O.
Enfin, les gaz fluorés n'existent pas naturellement dans l'atmosphère, et sont utilisés comme
gaz caloporteurs (réfrigérateurs, climatiseurs…).
Figure II-1 Flux mondiaux d'émissions de GES par secteur et par utilisation finale ou activité [7]
48
Tous les gaz à effet de serre n'ont pas le même pouvoir de réchauffement global, car ils
n'ont pas la même durée de vie dans l'atmosphère notamment, ni les mêmes propriétés
radiatives. Afin de pouvoir les comparer, l'indice de PRG (Potentiel de Réchauffement
Global) est utilisé. Il permet de comparer tous les GES quant à leur contribution au
réchauffement, sur un horizon de temps de 100 ans, car le CO2 est utilisé comme référentiel.
Ainsi, le PRG du CO2 est 1 par définition, celui du CH4 est d'environ 23, celui du N2O est de
310, et celui des CFC varie entre 1300 et 22800 (selon le gaz considéré). De ce fait, une tonne
de CH4 équivaut à environ 23 tonnes de CO2, on parle alors de tonnes équivalent CO2 (t CO2
éq.). La Figure II-1 montre les flux mondiaux d'émissions de GES, et leur répartition par
activité ou catégorie. Les pourcentages donnés sur la droite du schéma sont en équivalent
CO2, en prenant donc en compte les PRG respectifs des gaz considérés.
II.1.1.3. La modélisation du climat
La préoccupation des scientifiques quant à l'influence de la concentration en CO2 de
l'atmosphère n'est pas récente, puisqu'en 1896 le chimiste suédois Svante August Arrhenius a
publié un article dans lequel il estime qu'un doublement de la concentration en CO2 dans
l'atmosphère conduirait à une élévation de la température terrestre moyenne de 5°C [38]. À
l'époque, les moyens de calcul étaient très limités, et les modèles, très simplifiés. Aujourd'hui,
grâce au progrès technologique et au développement des puissances de calcul, les modèles
utilisés pour les simulations sont de plus en plus complets, prennent en compte de plus en plus
de variables et d'interactions, et permettent de simuler l'évolution des variables climatiques
sur de longues périodes, tout en conservant un pas de temps faible pour le calcul, et un
maillage du globe de plus en plus fin.
Un modèle de climat est en réalité la traduction sous forme d'équations de la physique des
phénomènes dont l'atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère sont le siège. Ces
phénomènes physiques ont trait à de très nombreux domaines : la dynamique des fluides (lois
fondamentales de la dynamique, à savoir conservation de la masse, de l'énergie, et du
moment), la thermique (rayonnement, conduction, convection), ou encore la chimie (réactions
chimiques impliquées dans le cycle du carbone, le cycle de l'eau, le cycle du phosphore...).
Ces équations ne sont pas propres à la simulation du système climatique. Par exemple, la
dynamique des fluides est également utilisée dans le domaine de l'aéronautique, et les
modèles de simulation numérique permettant de tester virtuellement le comportement d'une
aile d'avion en condition de vol utilisent les mêmes représentations et équations que ceux
utilisés pour la modélisation du climat. La différence entre l'aéronautique et le climat réside
49
dans la possibilité pour le premier d'avoir recours à des expérimentations en soufflerie, afin de
confronter ces simulations numériques avec le réel34. Dans le cas du climat, l'expérimentation
n'est pas possible, mais il existe un équivalent afin de tester les modèles climatiques. Il s'agit
de vérifier que ces derniers simulent de façon correcte le climat passé, pour lequel des
données sont obtenues par ailleurs (carottes de glace, cernes des arbres, archives écrites) à la
fois pour les températures et pour les concentrations de CO2.
Néanmoins, il existe des incertitudes entourant les modélisations du climat, du fait même de
la discrétisation de l'espace et du temps, nécessaires au calcul numérique. Il est en effet
impossible de simuler un espace-temps continu. Cette incertitude est donc l'incertitude
intrinsèque de n'importe quel type de modélisation, qu'elle soit climatique ou non. Ensuite,
une part importante de l'incertitude provient des scénarios socio-économiques utilisés. En
effet, en entrée de modèle il est nécessaire d'utiliser des données quant à l'évolution future des
émissions de GES vers l'atmosphère, de l'utilisation des sols (pour prendre en compte la
modification de l'albédo de la surface terrestre, et des puits de carbone), et des autres variables
impliquées dans le système climatique modélisé, sur lesquelles l'Homme a une influence.
C'est l'une des raisons pour lesquelles il est question de projections climatiques et non de
prévisions. De plus, il existe une incertitude quant à la façon dont vont se comporter les
grands cycles, les écosystèmes et les sociétés face à l'évolution du climat. Il est possible que
la réponse de ces derniers ne soit pas linéaire, et qu'il existe des effets de seuil ou même que
la vitesse à laquelle le climat évolue ait une influence sur la réponse. Enfin, lorsque l'intérêt
est porté vers les modélisations locales du climat, une incertitude supplémentaire apparaît, du
fait de la descente d'échelle, c'est-à-dire du fait de la relation qui existe entre l'évolution
globale du climat, et sa traduction locale. Ce point est particulièrement intéressant quand il est
question de mesures à prendre localement, autrement dit, lorsqu'il est question de stratégies
d'adaptation, pour lesquelles le changement climatique local est crucial.
II.1.1.4. Les projections climatiques du GIEC
Les projections climatiques à l'échelle de la planète sont regroupées dans les rapports du
GIEC , qui synthétisent la connaissance scientifique et technique sur le changement
climatique disponible à travers le monde.
34 Cependant, l'expérimentation en soufflerie induit également des biais, et il n'est pas possible de reproduire de façon exacte les conditions réelles de vol, et les mesurer. En effet, la mesure perturbe nécessairement les écoulements.
50
Sur la Figure II-2 est représentée la hausse des températures moyennes pour différentes
périodes futures, relativement à 1980-1999, d'après plusieurs modèles climatiques (dont les
résultats ont été agrégés), en fonction de 3 scénarios socio-économiques de référence. Il est
clairement visible que la tendance sera au réchauffement, et que ce réchauffement pourrait
atteindre à la fin du siècle entre 3 et 6°C. Ces valeurs sont moyennées sur de grandes périodes
(20 ans), ce qui permet de rendre les résultats plus robustes, car l'évolution de la moyenne est
plus facile à anticiper que l'évolution de la variance. L'inconvénient est que cette
représentation ne fait donc pas apparaître les températures maximales et minimales, ce à quoi
les biens et les individus sont également sensibles.
Outre la température moyenne, les précipitations moyennes vont également évoluer. La
Figure II-3 représente cette évolution dans le cas du scénario intermédiaire d'émissions, pour
les 20 dernières années du siècle, par rapport aux 20 dernières du siècle précédent, pour deux
saisons de l'année (sèche et humide). En blanc, sont représentées les zones pour lesquelles
moins des 2/3 des modèles étaient en accord sur le signe de la variation, et les zones
recouvertes de points noirs sont celles où plus de 90 % des modèles sont en accord sur ce
signe. Ces dernières zones sont donc celles pour lesquelles les résultats sont les plus robustes.
Une grande disparité apparait sur ces représentations, entre les différentes régions du globe.
Selon la saison et la région, les territoires vont pouvoir connaître plus, ou moins de
précipitations que sur la période de référence, contrairement à la température qui, quelque soit
la zone considérée, ne pourra qu'augmenter.
Outre l'évolution des valeurs moyennes de température et de précipitation, le changement
climatique va être marqué par l'élévation du niveau de la mer, sous l'effet de plusieurs
phénomènes : l'expansion thermique, et la fonte des masses d'eau glacées. D'après le rapport
du GIEC de 2007, cette élévation serait, à horizon 2100, de l'ordre de 60 cm à 1 mètre. Cette
valeur est à prendre avec précaution, car certains chercheurs considèrent que les travaux
synthétisés dans les rapports du GIEC sous-estiment la fonte de l'Arctique, et que la valeur de
l'élévation pourrait plutôt être de l'ordre de 1,60m à horizon 2100. Quoi qu'il en soit, dans un
cas comme dans l'autre, cette élévation du niveau de la mer ne s'arrêtera pas en 2100, mais se
poursuivra jusqu'à un équilibre, et l'élévation finale après stabilisation sera plus importante
que celle prévue à horizon 210035.
35 Certains organismes avancent des valeurs allant de 1,50 m à 70 mètres d'élévation lorsque le système climatique sera stabilisé (d’ici plusieurs siècles), ce qui montre les désaccords et les incertitudes extrêmement importantes qui entourent cette élévation.
51
Figure II-2 Anomalie de la température moyenne à la surface, selon 3 scénarios différents, sur 3 périodes futures (2011-2030, 2046-2065 et 2080-2099), par rapport à la période de référence 1980-1999, selon plusieurs modèles climatiques. [39]
Figure II-3 Évolution du schéma de précipitations pour la période 2090-2099 par rapport à 1980-1999, pour le scénario d'émissions intermédiaire (A1B), pour la période de décembre à février (gauche) et de juin à août (droite), d'après plusieurs modèles climatiques [39]
Enfin, la quatrième grande caractéristique du changement climatique est l'évolution de la
variabilité climatique , qui influe sur la fréquence et l'intensité des phénomènes extrêmes
(températures extrêmes, précipitations extrêmes, vents extrêmes, submersion marine,
inondations…). D'après le rapport spécial du GIEC consacré aux évènements climatiques
extrêmes [11], il est très fortement probable que les extrêmes de températures seront plus
élevés à la fin du XXIe siècle qu'à la fin du XXe siècle (une journée extrêmement chaude qui
survient tous les 20 ans, surviendra statistiquement tous les 2 ans, à l'exception des hautes
latitudes de l'hémisphère Nord, où se serait plutôt tous les 5 ans). Par ailleurs, il est probable
que les précipitations maximales quotidiennes qui reviennent tous les 20 ans se répéteront
tous les 5 à 15 ans d’ici à la fin du XXIe siècle dans de nombreuses régions. En ce qui
52
concerne les cyclones, il est probable que la vitesse moyenne du vent maximal associée aux
cyclones tropicaux augmentera. Enfin, du fait des modifications affectant les vagues de
chaleur et la fonte des glaciers (et du pergélisol) des phénomènes comme l'instabilité des
pentes est à anticiper dans les zones de hautes montagnes.
II.1.1.5. Les projections climatiques pour la France
Les projections climatiques globales ont donc l'avantage d'être relativement robustes, et
l’inconvénient de ne pas apporter suffisamment de détails sur les changements à des échelles
plus réduites, comme à l'échelle de la France. Il existe cependant des projections régionalisées
pour le territoire de métropole française, fondées sur les modèles de climat du CNRM (Centre
National de Recherches Météorologiques de Météo-France), de l'IPSL (Institut Pierre Simon
Laplace) et du LGGE (Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement). Ces
simulations ont abouti à la publication d'un rapport en trois volumes36, dans lesquels est
présentée l'évolution de nombreux indices climatiques selon la zone du territoire français
considérée (la France est découpée en 5 zones pour ce qui est de la métropole). Par ailleurs,
ces simulations ont également abouti à l'ouverture d'un portail internet 37 (DRIAS les futurs
du climat) sur lequel sont rassemblées les projections des indices climatiques pour la France
métropolitaine, à trois horizons de temps (2035, 2055 et 2085), selon trois scénarios
d'émissions de GES, et pour plusieurs modèles climatiques issus de différents laboratoires
(CNRM, IPSL et CERFACS). Contrairement aux simulations régionalisées évoquées
précédemment qui ne présentent que 5 grandes zones, le portail en question présente les
régions françaises administratives, et il est possible de consulter les résultats non seulement
par saison (printemps-été-automne-hiver), mais également par mois. Naturellement, plus on
s'intéresse à des périodes de l'année précises, moins les résultats sont robustes, ce qui signifie
qu'il ne faut pas prendre ces projections pour des certitudes, mais pour des climats futurs
possibles. Le portail permet donc d'avoir un accès simplifié à l'information pour l'ensemble
des individus, quelque soit le niveau initial de connaissance technique et scientifique. En
outre, il offre l'opportunité de savoir à quel type de climat futur la population d'une région
précise doit se préparer. Les différents modèles utilisés dont les résultats sont exposés sur le
portail ne sont pas toujours en accord parfait, étant donnée la grande incertitude qui existe,
néanmoins les aspects des projections sur lesquels les modèles concordent ont une forte
probabilité d'être corrects.
36 disponibles en ligne sur le site de l'Onerc : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Le-climat-de-la-France-au-XXIe-.html 37 http://www.drias-climat.fr ouvert le 24 juillet 2012
53
Les indices auxquels donne accès le portail en ligne relèvent de deux grandes catégories : la
température et les précipitations. Contrairement aux figures exposées précédemment
provenant du rapport du GIEC de 2007, les indices utilisés sur le portail DRIAS les futurs du
climat sont moins agrégés38, ce qui est plus utile pour les systèmes socio-économiques
notamment, qui peuvent être sensibles aux évènements ponctuels, et non à l'évolution
tendanciels, comme cela a déjà été mentionné. Par exemple, une vague de chaleur, qui
correspond à une anomalie de plus de 5 jours et nuits consécutifs pendant lesquels la
température est supérieure de 5°C au moins à la normale de saison, peut avoir des
conséquences dramatiques, notamment en termes de vies humaines perdues, comme l'a
montré la canicule de 2003 en Europe, qui a fait 14800 morts en France.
Nous n'entrerons pas dans les détails de ces projections climatiques, du fait de la grande
quantité d'informations et de cartes nécessaires à l'exhaustivité, et invitons le lecteur à se
reporter au portail. Néanmoins la France métropolitaine doit s'attendre globalement à une
hausse moyenne des températures de l'ordre de 3°C si le monde connaît globalement un
réchauffement de 2°C. Ces valeurs deviennent respectivement 8°C et 6°C dans le cas le plus
pessimiste des scénarios d'émissions. Par ailleurs, une augmentation du nombre de jours
anormalement chauds (température maximale supérieure de 5°C à la normale de saison),
passant d'environ 20 à 40 jours par an en 1970, à 30 à 70 à horizon 2055, à 70 à 120 à horizon
2085 (avec le scénario intermédiaire d'émissions) est à anticiper. Pour ce qui est des
précipitations, une diminution globale est à prévoir sur l'ensemble du territoire, avec un effet
plus marquée dans certaines régions comme le sud-ouest ou les Alpes. Par ailleurs, malgré la
relative sécheresse à prévoir, il n'est pas identifié de diminution du risque d'inondation. En
outre, une élévation du niveau de la mer est à anticiper (dont l'ampleur reste très incertaine),
ainsi qu'une augmentation de la fréquence des feux de forêt, liée à la combinaison d'une
élévation de la température et d'une diminution des précipitations.
II.1.2. Les impacts sur l'économie et la société en France
II.1.2.1. Quelques généralités
Lorsqu'il s'agit de l'impact du changement climatique sur l'économie, il est nécessaire de
comprendre dans quelles mesures le changement climatique pourrait avoir une influence sur
les activités économiques. Lorsqu'il est question de changement climatique, il est en réalité
question de deux choses : l'évolution des valeurs moyennes du climat, et l'évolution de la
38comme le nombre de jours de gel, le nombre de jours de vague de froid ou de vague de chaleur.
54
variabilité du climat. En renforçant les écarts à la moyenne, les évènements extrêmes sont
plus fréquents, ou bien plus "extrêmes". Or, nos activités économiques peuvent être
influencées par ces deux aspects du changement climatique. Une infrastructure telle une route
peut par exemple très bien se comporter face à l'évolution tendancielle de la température
moyenne, mais être très peu encline à se comporter aussi bien en présence d'une variabilité
plus grande. C'est l'une des raisons pour lesquelles les incertitudes concernant les coûts des
impacts sont assez importantes.
Par ailleurs, une autre difficulté de l'évaluation du coût des impacts réside dans la valeur que
nous accordons à la perte de vie humaine, qui peut être une conséquence du changement
climatique. Plusieurs méthodes différentes permettent d'attribuer une valeur à une vie
humaine39, mais la manière d'attribuer cette valeur ne sera pas discutée. Néanmoins, de
nombreux chercheurs s'intéressent à cette question, et ont à faire face à différentes
problématiques, comme le fait d'attribuer la valeur d'une vie d'après la seule volonté à payer
de la personne considérée, sans prendre en compte la valeur que représente cette vie pour les
autres personnes (de sa famille par exemple), ou encore des problématiques d'éthique (savoir
si la valeur d'une vie est la même dans tous les pays, à tout âge...)40.
Les impacts du changement climatique peuvent être positifs comme négatifs, et se manifester
directement comme indirectement, selon l'agent économique considéré. Cependant, tous les
acteurs devraient prendre en compte le changement climatique dans leur gestion des risques,
car ce dernier impactera la majeure partie de l'économie, de façon plus ou moins significative
cependant, selon les régions et les caractéristiques des agents. Des exemples d'impacts positifs
et négatifs sont donnés plus loin. Les impacts peuvent être directs sur les acteurs, en
particulier pour ceux dont l'activité économique est dépendante du climat : l'agriculture, la
foresterie, le tourisme saisonnier... Mais le changement climatique peut également avoir des
répercussions, indirectement, sur des acteurs qui ne sont pas dépendants des variables
climatiques. A l'instar du e-commerce, une société dont l'activité dépendrait des réseaux
pourrait être perturbée par le changement climatique. En effet, les infrastructures de réseau
peuvent être impactées par des aléas climatiques.
Les impacts du changement climatique sont très variés, et ont fait l'objet de nombreuses
publications, généralement en traitant l'impact sur un secteur en particulier. En France, un
39 Voir note de bas de page numéro 23 à la page 32 40 Le coût social de la perte d’une vie humaine peut être par exemple utilisé dans l’estimation du coût associé à l’augmentation de la criminalité liée au changement climatique [100].
55
groupe interministériel à rédigé en 2009 un rapport présentant une évaluation du coût des
impacts pour le pays [40]41. Les résultats de cette étude sont présentés dans cette sous-section.
Les estimations de coût ont été faites à économie constante, afin d'isoler l'impact climatique.
II.1.2.2. L’eau
Sur la ressource en eau, si l'hypothèse de la stabilité de la demande est faite (pour les besoins
actuels de l'industrie, de l'agriculture et de l'alimentation en eau potable), un déficit d'environ
2 milliards de m3 par an à horizon 2050 serait observé. À titre de comparaison, la France
prélevait 33,4 milliards de m3 d'eau en 2009, dont 21,5 pour la production d'électricité, 5,5
pour l'eau potable et 3,1 pour l'irrigation [41]. Cependant, les taux de consommation moyens
ne sont pas les mêmes dans les différentes situations : il est de 0,7% pour l’électricité, 24%
pour l’eau potable et 100% pour l’irrigation. Outre l'aspect quantitatif, la problématique revêt
également un aspect qualitatif, dépendant du premier. Par exemple, à horizon 2100, la
concentration en nitrates en moyenne sur les nappes libres pourrait augmenter de 0 à 33 %.
Cette augmentation pourrait également toucher les cours d'eau, de façon moins significative
néanmoins.
II.1.2.3. Les risques naturels
En matière de risques naturels, c'est-à-dire les inondations, les risques côtiers (liés à
l'élévation du niveau de la mer et à l'érosion), le retrait-gonflement des argiles et les aléas
gravitaires (coulées de boues, chutes de roches, avalanches...), en considérant un rythme
d'urbanisation constant, les dommages liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles
pourraient représenter 1 milliard d'euros par an à horizon 2100. Par ailleurs, si l'urbanisation
dans les zones à risque n'est pas significativement limitée, ce chiffre pourrait être multiplié
par 4 ou 5. En ce qui concerne les zones soumises à la submersion marine, l'estimation n'a pas
été réalisée pour l'ensemble du territoire français, néanmoins pour la seule région du
Languedoc Roussillon, ce phénomène représenterait plusieurs dizaines de milliards d'euros
sur l'ensemble du siècle. Enfin, en matière d'aléas gravitaires, la connaissance est pour le
moment trop limitée pour permettre une estimation correcte. Cependant, la seule inondation
du Gard en 2002 a coûté 234 k€ pour la prise en charge psychologique (effets directs) des 953
victimes.
41 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/partie_1_rapport_de_synthese.pdf
56
II.1.2.4. La biodiversité
En ce qui concerne la perte de biodiversité, et la disparition des services écosystémiques, les
coûts correspondants ont été chiffrés à environ 6,3 milliards de dollars par an pour la
protection côtière, et 140 millions de dollars par an pour l'épuration de l'eau, uniquement pour
les récifs coralliens. Pour la forêt de France métropolitaine, la valeur de la forêt représente
environ 8 fois la valeur moyenne de la seule production de bois, du fait de la fixation du
carbone, et de l'épuration de l'eau. En termes purement économiques, en faisant une
comparaison entre la productivité actuelle des forêts méditerranéennes et celles du reste de la
France, et en considérant que, du fait du changement climatique, les forêts méditerranéennes
gagneront du terrain en France, la perte de productivité sera de 6 % à 16 % (selon le scénario
choisi) à horizon 2100, ce qui représente une perte économique de 304 à 589 millions d'euros
par an. Il est cependant important de préciser que seuls les effets directs de la perte de
biodiversité ont été considérés, et que les effets indirects des secteurs d'activités sur cette
biodiversité n'ont pas été pris en compte.
II.1.2.5. La santé
En termes d'impact du climat sur la santé, les estimations n'ont pas été quantifiées
précisément, à l'exception de la canicule de 2003 qui a été très bien documentée. La canicule
aurait donc causée la mort de 14 800 personnes, à 82 % âgées de 75 ans ou plus. Ensuite, reste
à savoir comment intégrer économiquement la perte d'une vie humaine, et la dégradation de la
santé des autres personnes impactées par cette canicule. En termes absolus, aucun sursaut de
dépenses ni même de déclin soudain n'a été enregistré à l'occasion de cette canicule, ce qui
signifierait que les coûts directs d'une canicule sont négligeables, car les bénéfices relatifs liés
aux décès des personnes âgées auxquelles étaient administrés des soins, sont compensés par
les coûts supplémentaires engendrés par la prise en charge des patients pendant la période.
Néanmoins, ce point de vue reste purement économique, et néglige tous les effets indirects
des décès des personnes sur les autres individus de la société, en particulier les impacts
psychologiques, pouvant nécessiter des soins, et également engendrer une baisse de la
productivité économique.
II.1.2.6. L’agriculture
Le secteur agricole est directement dépendant des conditions climatiques, et pourrait voir ses
rendements augmenter du fait de l'augmentation des températures. De même, une
concentration plus élevée de CO2 dans l'atmosphère s'accompagne généralement d'une hausse
57
des rendements (du blé par exemple), du moins jusqu'à un certain point, au-delà duquel les
rendements chutent. Par ailleurs, cette première approximation d'augmentation de la
productivité agricole accompagnant le réchauffement ne tient pas compte des problèmes de
disponibilité en eau, ni même des canicules, qui peuvent au final réduire ces rendements. Par
exemple, à horizon 2100, la perte liée à la culture du blé pourrait être de l'ordre de 300
millions d'euros par an, celle du maïs, de 113 millions. Dans le secteur particulier de la
viticulture, majeur en France, les rendements devraient croître en Bourgogne de l'ordre de
35 % à 42 % selon le scénario considéré, mais une perte de l'ordre de 26 % pour le
Languedoc-Roussillon. En outre, ces rendements ne seraient pas compatibles avec un
maintien de la qualité des vins produits. Mais une fois de plus, ces résultats sont obtenus sans
tenir compte de la contrainte sur la ressource en eau.
II.1.2.7. La foresterie
Le secteur forestier dépend également directement du climat, au même titre que le secteur
agricole. Du fait du changement climatique, une augmentation de la productivité des forêts
(volume de bois) est à anticiper jusqu'à la moitié du siècle, du fait de l'augmentation des
températures et de la diminution des jours de gel, en particulier dans la partie nord du
territoire français. Cela pourrait représenter jusqu'à 150 millions d'euros par an de gains
supplémentaires pour cette filière. Mais ces gains peuvent être compensés par des
phénomènes de plus en plus fréquents engendrant des pertes, tels les canicules, les
sécheresses et les feux de forêts. En 2003, lors de la canicule européenne, les feux de forêts
ont été 4 fois plus importants qu'habituellement, entraînant une perte de l'ordre de 200
millions d'euros. Selon le scénario d'émissions considéré, il pourrait y avoir environ 3
canicules (de type 2003) d'ici à 2030 (scénario A2, pessimiste), et entre 0 et 4 d'ici à 2050
pour le scénario B2 (scénario optimiste). Ainsi, les pertes compenseraient les hausses liées à
la productivité. Sur le plus long terme (2100), l'impact est nettement négatif du fait des
canicules, sécheresses et feux de forêts, et du fait également de la remontée des forêts
méditerranéennes, cependant cela n'a pas été chiffré dans le rapport de 2009.
II.1.2.8. L’énergie
Dans le secteur de l'énergie, le changement climatique aura à la fois des impacts positifs et
négatifs. En effet, du fait de la hausse des températures d'hiver, la demande de chauffage
diminuera, ce qui réduira la demande d'électricité, de gaz naturel et de fioul, de façon
graduelle tout au long du siècle. Néanmoins, cette diminution de demande pourrait être
compensée, au moins partiellement, par une utilisation de la climatisation accrue. Cette
58
demande de fraicheur durant les journées chaudes augmentera également graduellement
durant le XXIe siècle, et concernera non seulement le secteur de l'électricité, mais également
celui des transports, pour la climatisation dans les véhicules, qui entraîne une augmentation de
la consommation d'énergie, actuellement de carburant. Si le mix énergétique des transports
reste à peu près constant, la hausse des températures pourrait en réalité se traduire par un
report d'une consommation de gaz naturel, fioul et électricité (chauffage) vers une
consommation d'électricité et d'essence (climatisation). Enfin, le changement climatique aura
également un impact négatif sur la production d'électricité elle-même, que ce soit la baisse du
productible hydroélectrique, la baisse de l'efficience des centrales (du fait de la hausse des
températures), ou encore l'augmentation des pertes de réseau (car la conductivité électrique
est inversement proportionnelle à la température), ou la réduction de l'intensité dans les câbles
électriques enterrés, du fait de la sécheresse et de la limitation nécessaire de la température
sous terre.
II.1.2.9. Le tourisme
Pour le tourisme, l'attractivité des territoires pourrait chuter. Elle est estimée à l'aide de
l'indice de Mieczkowski (Indice Climato-Touristique ICT), qui utilise la température
maximale, la température moyenne, l'humidité maximale, l'humidité moyenne, les
précipitations, le nombre d'heures d'ensoleillement et la vitesse du vent (pour le
rafraîchissement), pour en déduire un indice d'attractivité climatique. D'après les simulations
climatiques, pour le scénario d'émissions intermédiaire, les départements où l'ICT chute de
plus de 25 % (à horizon 2100) représentent environ 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires
pour juillet-août, et ceux dont l'ICT chuterait de 10 à 25 % représentent 18 milliards d'euros.
Cependant, cette dégradation est à attendre dès 2030-2050. Elle ne touchera pas de manière
égale tout le territoire, et sera moins marquée au nord ainsi que dans les Alpes. Par ailleurs, si
les territoires français connaitront une perte d'attractivité climatique théorique durant les mois
de juillet et août, ils connaitront un gain d'attractivité durant les inter-saisons (avril à juin). En
ce qui concerne le cas spécifique du tourisme d'hiver, l'évolution du climat va compromettre
l'activité des stations de sports d'hiver de basse et moyenne altitude. Ainsi, pour les 143
stations des Alpes bénéficiant actuellement d'un enneigement fiable, si le réchauffement
atteint 2°C, ce chiffre passera à 96, et à 55 si le réchauffement atteint 4°C (à horizon 2100).
Cela signifie que beaucoup de stations devront préparer leur reconversion vers d'autres
activités.
59
II.1.2.10. Le transport
Enfin, le secteur des infrastructures de transports sera également impacté par le
changement climatique. Les estimations sont assez imprécises, mais il apparait que les
canicules engendrent un surcoût d'entretien, qui serait (selon des études britanniques)
d'environ 15 % du coût normal annuel d'entretien, soit en France d'environ 64 à 70 millions
d'euros par épisode. Cependant, cette estimation ne tient pas compte d'un possible effet
cumulatif des épisodes caniculaires, qui conduirait à une augmentation de ce surcoût (fatigue
climatique), ni d'un possible effet de seuil thermique, ni même de l'impact des sécheresses,
aléa géologique, variation du niveau des nappes phréatiques... sur les assises et les fondations.
En ce qui concerne la submersion marine, en prenant comme hypothèse une remontée du
niveau de la mer de 1 mètre d'ici à 2100, et une valeur patrimoniale des routes de 10 millions
d'euros le kilomètre, la perte pourrait représenter environ 2 milliards d'euros, hors perte
d'usage et autoroutes, pour les seules routes nationales.
II.1.2.11. Les coûts des impacts
En ce qui concerne les coûts des impacts globaux du changement climatique, les estimations
sont très variables, comme le montre la Figure II-4, car dans le cas du scénario pessimiste les
coûts varient de 2400 à 6000 milliards de dollars par an, selon le rapport considéré. Dans le
rapport Stern, ce dernier présente le coût de l'inaction en pourcentage de PIB mondial, et
avance qu'elle pourrait coûter entre 5 à 20 % du PIB (quand l'action pour réduire les
émissions et « s’adapter » coûterait de l'ordre d'1 % du PIB). En réalité, toutes ces estimations
ne sont que des ordres de grandeur, puisqu'il n'est pas possible de savoir, en cas de
déséquilibre du système, à quel niveau et dans quelles conditions nous pourrions retrouver
une économie semblable à l'économie actuelle. Ces approximations en pourcents de PIB sont
valables pour de petits écarts de la position d'équilibre, mais ne le sont peut-être pas pour de
grands bouleversements. Par ailleurs, une fois de plus se pose la question de la valeur
attribuée à une vie humaine, indispensable à une estimation économique du coût du
changement climatique. En outre, le tableau exposé en Figure II-4 montre que dans l'étude de
Parry et al. de 2009, l'adaptation permettait, quelque soit le scénario choisi, de réduire les
coûts annuels des impacts du changement climatique (de 700 à 900 milliards de dollars). Cela
montre donc que l'adaptation paraît constituer une manière de réduire les impacts du
changement climatique sur notre société et notre système économique, sans pour autant les
annuler.
60
Figure II-4 Évaluation du coût des impacts du changement climatique à l'échelle du globe [40]
Pour les coûts relatifs aux impacts possibles évoqués dans le cadre de la France, à travers le
rapport interministériel, un tableau tiré de ce dernier est donné en Annexe A-1 et Annexe A-2.
En conclusion, il paraît clair que, malgré les incertitudes, il est bénéfique d'anticiper les
changements possibles, et ainsi de tenter d'en réduire les impacts négatifs, tout en essayant de
saisir les opportunités créées par ce changement de climat. Ceci est communément désigné
comme de l'adaptation au changement climatique.
Pour résumer, ce qu’on nomme climat est la distribution statistique des données
météorologiques sur plusieurs décennies. Lorsqu’il est question de changement climatique, il
est en fait question de deux phénomènes distincts que sont l’évolution de la moyenne et
l’évolution de la variance. Le fait que ces deux grandeurs varient dans le temps n’est pas
nouveau, il existe effectivement une variabilité naturelle du climat. Ce qui est nouveau
aujourd’hui est à rattacher à la rapidité de ces changements, et à leur origine (anthropique).
Grâce à la mise en équation des phénomènes physiques et à la puissance de calcul, nous
pouvons désormais modéliser les futurs possibles du climat, mais une incertitude importante
encadre ces projections. Cette incertitude a plusieurs origines à savoir la modélisation elle-
même (discrétisation, régionalisation des projections), mais également à notre manque de
connaissance sur les phénomènes physiques non-linéaires (réaction des grands cycles et des
écosystèmes) et enfin à notre incapacité à prédire les réponses socio-économiques.
Néanmoins, de grandes tendances d’évolution future sont connues et robustes. Ces tendances
sont : la hausse des températures, la modification du schéma de précipitations, un
renforcement des évènements extrêmes et la remontée du niveau de la mer. Ces modifications
vont avoir des impacts sur divers secteurs comme l’énergie, la forêt, la santé ou encore le
transport, et il est donc nécessaire d’anticiper ces changements, afin d’en réduire les impacts
négatifs tout en bénéficiant des impacts positifs qu’ils auront sur nos systèmes socio-
économiques.
61
II.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ADAPTATION, ET LA
MALADAPTATION
II.2.1. La polysémie de l’adaptation et sa dimension culturelle42
Avant de parler de l'adaptation au changement climatique, il est intéressant de se pencher sur
le concept de l'adaptation et ses origines. Une publication datant de 2009 parue dans Natures,
Sciences, Sociétés aborde l'adaptation sous l'angle de la polysémie interdisciplinaire [42].
Aujourd'hui cette notion est utilisée dans divers domaines allant de la biologie à la sociologie,
en passant par la psychologie ou la géographie.
D'un point de vue étymologique, "adapter" provient du latin apere (lier, attacher), avec la
préposition ad (à, vers). Son sens initial au Moyen Âge en France était "ajuster". C'est au
XIX e siècle que ce concept devient populaire, par l'intermédiaire de la biologie et de la théorie
de l'évolution, ainsi que les théories transformistes de Lamarck (1809). Selon ce dernier, les
êtres vivants développeraient des fonctions selon les besoins, et l'adaptation correspondrait
donc à un état. C'est ensuite que vint l'explication darwinienne de l'évolution, qui abordait la
question sous l'angle du processus, et non pas simplement de l'état. Ainsi, l'adaptation devient
duale, puisque cela correspond à la fois à un état et à un processus.
En biologie, Morin affirme que l'adaptation est la condition première de toute existence. En
effet, si notre système immunitaire ne s'adapte pas aux attaques qu'il perçoit de l'extérieur, la
vie ne peut pas être. Dans la même discipline, Laborit avance l'idée que si un être vit et se
reproduit, alors cela montre qu'il a ajusté ses fonctions biologiques avec les conditions
extérieures, donc qu'il s'adapte de façon continue. Ainsi, l'adaptation biologique est ce qui
permet à un organisme, dans un habitat donné, de perpétuer l'espèce à laquelle il appartient.
Ensuite, ce concept d'adaptation a été utilisé en psychologie, et il existe même des maladies
de l'adaptation, telles l'asthme, les ulcères ou l'hypertension. En effet, dans cette discipline le
stress est perçu comme la réaction d'adaptation aux contraintes de l'environnement, c'est le
processus de transaction entre l'individu et le milieu, lui permettant de rétablir son équilibre
interne face aux évènements tels qu'il les perçoit. Les maladies d'adaptation apparaissent
justement lorsque les contraintes perdurent, et que le système s'épuise.
Ensuite, l'adaptation est également utilisée en sociologie, mais relativement peu. Ce concept
est utilisé dans l'adaptation sociale pour aborder la question de l'intégration sociale, c'est-à-
42 Une grande partie des informations de cette sous-section est tirée des publications [42],[37],[43]
62
dire le fait qu'un individu intériorise et intègre les modèles, symboles et valeurs (la culture)
structurant le milieu dans lequel il est, afin de pouvoir communiquer et y évoluer facilement.
L'adaptation est donc un processus de complexification d'un système en vue d'en réduire les
contraintes.
Mais l'adaptation a aussi été introduite en anthropologie, domaine dans lequel Bates donne
pour ce concept la définition suivante : "processus par lequel les organismes ou populations
d'organismes effectuent des ajustements biologiques ou comportementaux qui facilitent ou
assurent leur succès reproducteur, et donc leur survie, dans leur environnement. Le succès ou
l'échec des réponses adaptatives peuvent uniquement se mesurer sur le long terme et les
conséquences évolutives des comportements observés ne sont pas prédictibles."
Enfin, l'adaptation apparait aussi en géographie, qui définit le concept comme le fruit de
choix délibérés afin d'échapper aux contraintes du milieu. En particulier, la géographie (de
l'école de Chicago) met l'accent sur l'ajustement de l'homme à l'environnement, et non à
l'influence de cet environnement. Après cela, cette notion d'ajustement est laissée de côté dans
le concept d'adaptation, qui est vu comme un processus long dont la capacité (capacité
d’adaptation) permet de réduire la vulnérabilité des systèmes sociaux face aux crises. Dans le
cadre de l'adaptation au changement climatique, le sens pris par ce concept se rapproche
beaucoup de celui-ci, qui date des années 1960, mais peut parfois se rapprocher également de
celui de l’anthropologue.
Enfin, l'adaptation peut être appréhendée comme une conception nouvelle de l'interaction
entre l'Homme et son Environnement [37]. Aujourd'hui, en se défaisant des dépendances à la
Nature grâce à la technique et à l'utilisation des ressources naturelles et des espèces, l'Homme
s'est en réalité rendu plus dépendant de celle-ci, car cela lui a entre autres permis de profiter
d'une croissance exponentielle, y compris démographique. Ainsi, d'après Antal et Hukkinen
[43], il serait nécessaire de créer des raccourcis cognitifs forts entre la sécurité personnelle
(qui passe par la réussite individuelle et qui fait référence aux travaux de Maslow) et l'impact
de l'homme sur son environnement, qui n'existent plus aujourd'hui (contrairement aux
civilisations anciennes [44]). Le raccourci proposé par ces auteurs est la phrase "We have to
save our civilization", qui est déjà instinctif chez l'Homme, ce qui permet de bénéficier des
canaux neuronaux et des représentations mentales dédiés, et qui est défendable sur le plan
scientifique, d'après les travaux du GIEC et des chercheurs sur les points de basculement des
écosystèmes.
63
La dernière dimension est celle de la culture, désignant ici l'ensemble des modes de vie
incluant le système de valeurs, de croyances, les pratiques et les biens qui conditionnent la
satisfaction des besoins et envies (matériels ou non) des individus en tant que groupe. Cette
notion de culture est donc à rapprocher de la dimension cognitive de la relation homme-nature
présentée précédemment. Thomas Heyd et Nick Brooks abordent cette question dans un
chapitre d'un ouvrage datant de 2009 et s'intéressant à l'adaptation au changement climatique
[45]. Le rôle de la culture est primordial dans l'adaptation au changement climatique, en
particulier la façon dont les diverses sociétés se considèrent séparées ou au contraire liées à la
Nature (c'est-à-dire aux processus biogéochimiques et biogéophysiques). Une culture n'est pas
quelque chose de statique, mais au contraire de dynamique, en perpétuelle transformation du
fait des interactions avec les autres cultures et communautés, de plus en plus nombreuses dans
le contexte de mondialisation. Dans certaines cultures, la terre n'est pas considérée comme
quelque chose d'inerte, mais comme quelque chose de vivant, capable de percevoir et d'agir,
en particulier capable de réagir aux actions de l'Homme. C'est le concept de "paysage
sensible" (ou sentient landscape en anglais), dans lequel l'Homme et la Nature sont d'égal à
égal, contrairement aux cultures des sociétés occidentales, dans lesquelles l'Humanité et la
Nature sont essentiellement séparées.
Cette approche dominante des sociétés occidentales traitant la nature et la culture comme
deux sphères séparées constitue un obstacle extrêmement important à l'adaptation et au
développement durable, puisqu'il empêche d'internaliser les relations avec tout ce qui n'est pas
humain dans le quotidien des individus. La culture occidentale présente néanmoins deux
atouts qui peuvent permettre de surmonter cet obstacle : d'une part, des descriptions
scientifiques de plus en plus précises sur les systèmes naturels, et les manières de les contrôler
dans une certaine mesure, ce qui peut permettre de calibrer les politiques et actions sur les
capacités seuils de ces systèmes, et d'autre part des systèmes de gouvernance très centralisés
qui donnent l'opportunité de mettre en place des politiques fortes (d'atténuation). Cependant,
dans cette conception il est également nécessaire d'opérer une forme de décentralisation, afin
de gérer les questions d'adaptation, qui sont d'ordre local.
64
Pour résumer, l'adaptation est un concept dual emprunté à l'origine à la biologie, pouvant
être vu à la fois comme un état, mais également comme un processus dynamique. Dans le
cadre de la géographie (domaine auquel est emprunté le sens de ce concept pour le
changement climatique), l'adaptation est à comprendre comme l’évolution de la relation entre
l'homme et son environnement, qui est une relation de hiérarchie enchevêtrée, où le
changement climatique ne peut pas être vu comme un problème en soi, mais comme un
problème relationnel de l'Homme à son environnement (la remontée du niveau de la mer ne
pose de problème que parce que les sociétés construisent au bord).
Ainsi, alors que certaines civilisations anciennes avaient un lien direct cognitif entre le respect
de l'environnement et leur sécurité personnelle grâce notamment à la spiritualité, et à la
croyance en des phénomènes irrationnels, nos sociétés actuelles n'ont pas d'équivalent. De ce
fait, la sécurité personnelle (qui peut être vu comme la performance individuelle dans les
sociétés modernes) est déconnectée du respect de l'environnement et peut, de fait, aller à son
encontre.
Il n'y a pas aujourd'hui de dilemme entre la sécurité personnelle (premier besoin d'après
Maslow) et le respect de l'environnement, puisqu'il n'y a pas de lien cognitif entre les deux. Il
serait donc envisageable d'y remédier en utilisant la notion cognitive de perpétuation de
l'espèce humaine qui a déjà des canaux dédiés dans notre structure neuronale, et en reliant
cette notion à la nécessité de respecter l'environnement. La création de ce lien cognitif ne
serait pas fondée sur des croyances religieuses, mais sur des arguments scientifiques, qui sont
à notre disposition, et qu'il suffit de simplifier et rendre intelligible par tous. Cela ne
conduirait pas à supprimer le dilemme, mais à permettre à tout un chacun de faire ses choix en
fonction du chemin de moindre tension, grâce notamment au processus d'apprentissage.
Enfin, la culture (vue comme le système de valeurs, de croyances etc.) joue un rôle essentiel
dans l'adaptation, puisqu'elle conditionne ce lien entre Homme et Nature. L'histoire a montré
qu'en partant du principe que les sphères nature et culture étaient indépendantes, les sociétés
pouvaient se rendre plus vulnérables au climat, du fait justement de cette incapacité à
percevoir, à travers le système de valeurs, la dépendance du système économique et social à la
Nature.
65
II.2.2. Les concepts de l'adaptation au changement climatique43
D'après les rapports du GIEC (Glossaire du Troisième rapport, Groupe de Travail II, Annexe
B, 2001), l'adaptation au changement climatique est définie ainsi :
on appelle « adaptation » l'ajustement des systèmes naturels ou des
systèmes humains face à un nouvel environnement ou un
environnement changeant. L'adaptation aux changements climatiques
indique l'ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des
stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d'atténuer
les effets néfastes ou d'exploiter des opportunités bénéfiques.
En outre, la définition de la vulnérabilité par le GIEC est la suivante :
La vulnérabilité est le degré de capacité d’un système de faire face ou
non aux effets néfastes du changement climatique (y compris la
variabilité climatique et les extrêmes). La vulnérabilité dépend du
caractère, de l’ampleur et du rythme de l’évolution climatique, des
variations auxquelles le système est exposé, de sa sensibilité et de sa
capacité d’adaptation.
Et le sens que prend la capacité d'adaptation est :
La capacité d’un système [humain ou naturel] à s’adapter au
changement climatique (y compris la variabilité climatique et les
phénomènes extrêmes) pour atténuer les dégâts potentiels, profiter des
opportunités, ou faire face aux conséquences.
Ainsi, l'adaptation au changement climatique s'appuie sur le concept de vulnérabilité , et
l'adaptation a pour objectif de réduire la vulnérabilité des systèmes sociaux face aux crises, et
la capacité d'adaptation est vue comme permettant d’y faire face, de se remettre de ces crises.
Il y a donc bien dualité entre le processus et l'état, le processus étant l'adaptation, et l'état étant
la capacité d'adaptation. Néanmoins, "état" n'implique pas nécessairement "statique", cet
état évolue par les interactions et c'est donc par un processus dynamique dans lequel la cible
visée se déplace, que doit se comprendre la notion d'adaptation.
43 Une grande partie des informations de cette sous-section est tirée des publications [46]
66
II.2.2.1. La vulnérabilité
Tout comme l'adaptation, la notion de vulnérabilité a été employée dans de nombreux
contextes, ce qui l'a conduite à perdre de son sens et de sa clarté. C'est pourquoi Hans-Martin
Füssel a souhaité développer une méthode permettant de classer les différents concepts de
vulnérabilité [46]. Le sens commun de vulnérabilité pour un système correspond à la capacité
à être blessé, c'est à dire le risque (probabilisé) de subir des dommages lié à l'exposition à un
aléa. Pour le domaine du changement climatique, il n'y a pas de définition unique de cette
conceptualisation. Cette diversité peut poser quelques soucis à la recherche, car le
changement climatique est au carrefour de nombreuses disciplines (climat, économie,
politique, social...) pour lesquelles le terme vulnérabilité a des sens différents.
Les aléas peuvent être vus comme l'ensemble des évènements, phénomènes ou activités
humaines pouvant tuer ou blesser, ou encore conduire à la dégradation du capital économique
(biens et propriétés), social ou environnemental. Ils peuvent être de deux sortes : ponctuel ou
continu. S'ils sont continus, il est plutôt question de tension.
Tous les domaines n'accordent pas la même importance à tous les facteurs de vulnérabilité,
qui peuvent être répartis dans quatre catégories à savoir les facteurs économiques, les facteurs
sociaux (sécurité, éducation, respect des droits de l'homme...), les facteurs physiques (relatifs
à la région dont il est question : zone côtière, forêt, zone inondable...) et enfin les facteurs
environnementaux (décrivant l'état de la nature dans la région) [47]. Ceci est la classification
proposée par les Nations Unies, qui n'est pas non plus commune à tous les chercheurs et
praticiens du domaine, et celle-ci n'est pas compatible avec toutes les autres, c'est la raison
pour laquelle Füssel propose une nouvelle classification, qui aurait la caractéristique d'être
universellement compatible.
Cette caractérisation repose sur deux grandes dimensions qui présentent l'avantage de ne pas
se chevaucher : la sphère (interne ou externe au système d'étude) et le domaine de
connaissance. La Figure II-5 montre quelques exemples de facteurs de vulnérabilité, répartis
selon ces deux dimensions bien distinctes, et l'auteur montre dans son article que cette
manière de classer les facteurs de vulnérabilité est compatible avec toutes les approches
différentes qui existent dans la communauté des chercheurs, à savoir l'approche par les
risques, l'approche par les aspects sociaux [48] (utilisée dans certaines publications [49]),
l'approche nommée PAR (Pressure-And-Release) ou encore les approches intégrées qui
combinent les facteurs sociaux, physiques, internes et externes.
67
Figure II-5 Facteurs de vulnérabilité selon les deux dimensions présentées par Füssel [46]
Avec cette classification, la sensibilité correspond aux facteurs de vulnérabilité internes,
tandis que l'exposition correspond aux facteurs de vulnérabilité biophysique externe. Ainsi, la
vulnérabilité est définie comme une fonction de l'exposition, de la sensibilité et de la capacité
d'adaptation (laquelle est parfois confondue ou rapprochée de la résilience). Cela signifie
que si l'exposition ou la sensibilité augmente, toutes choses égales par ailleurs, la vulnérabilité
augmente également. En revanche, si la capacité d'adaptation augmente, la vulnérabilité
diminue. Pour illustrer la différence entre exposition et sensibilité, l'exemple du palmier est
parfois donné. Le palmier est sensible au froid, mais il n'y est pas exposé, ce qui fait qu'il n'est
donc pas vulnérable.
La vulnérabilité est donc généralement résumée à travers l'expression suivante :
�� �é���� ��é =������ ��é × ����������
�������é�′����������
Il est donc nécessaire d'expliciter ce qu'est la capacité d'adaptation, car d'une part c'est ce
que peut viser l'adaptation au changement climatique, et que d'autre part, elle est utilisée dans
l'approche de la vulnérabilité au changement climatique.
II.2.2.2. La capacité d’adaptation
Smit et Wandel, dans un article de 2006 [50] discutent des notions d'adaptation, de capacité
d'adaptation et de vulnérabilité dans le cadre de l'implémentation de programmes visant à
adapter une communauté au changement climatique. Notamment, les auteurs relient la
capacité d'adaptation à d'autres concepts telles l'adaptabilité, la capacité à faire face ou à se
remettre de (coping ability en anglais), la stabilité, la robustesse, la flexibilité et la résilience.
Selon l'échelle d'étude, la capacité d'adaptation varie, car elle est dépendante du contexte. Par
ailleurs, c'est une notion qui n'est pas statique, mais dynamique comme cela a été précisé,
pour laquelle il n'y a pas consensus parmi la communauté des chercheurs, comme le montre la
68
revue de littérature proposée par les auteurs de cet article [50], néanmoins dans tous les cas, la
capacité d'adaptation n'est pas uniquement une caractéristique intrinsèque d'un système, mais
peut également dépendre de l'extérieur44. Par exemple, si l'État met en place un système
d'assurance en cas d'aléa majeur (inondation, tempête, séisme...), alors cela va augmenter
probablement la capacité d'adaptation de la communauté considérée, alors qu'elle ne sera pas
à l'origine de cela. À l'inverse, les facteurs externes peuvent nuire à la capacité d'adaptation
d'une communauté, par exemple du fait de la mondialisation, des crises peuvent se propager
plus facilement à travers le monde et limiter la flexibilité des communautés.
Une autre revue de littérature focalisée uniquement sur la capacité d'adaptation [51] met en
exergue qu'il existe deux approches en réalité du concept de capacité d'adaptation : l'une dans
la littérature sur la vulnérabilité , l'autre dans la littérature sur la résilience. Le concept
partagé par la littérature sur la vulnérabilité et celle sur la résilience est justement la capacité
d'adaptation. Dans la littérature sur la vulnérabilité, la capacité d'adaptation est une propriété
désirée, car elle réduit la vulnérabilité. Dans la littérature sur la résilience, la capacité
d'adaptation, alors appelée adaptabilité, est la capacité des acteurs à gérer et influencer la
résilience, notamment en facilitant les interactions entre les individus et l'environnement.
Ainsi, c'est également une propriété positive, souhaitée. Par ailleurs, l'adaptabilité (ou capacité
d'adaptation pour la résilience) est également en mesure de faciliter les transitions et
transformations vers un nouvel état d'équilibre du système étudié, pour les cas où le système
est dans un état non-désiré. La notion de désirabilité est un concept social, qui ne sera pas
discuté ici45.
Bien que la capacité d'adaptation soit utilisée dans les domaines de la vulnérabilité et de la
résilience, il reste des divisions, à commencer par le fait que la vulnérabilité accorde trop peu
d'importance aux aspects écologiques et environnementaux, tandis que la résilience accorde
trop peu d'attention aux aspects socio-économiques. Ainsi, la vulnérabilité est une approche
centrée sur l'acteur, ce qui la rend plus facile à traduire en politiques et mesures sur le terrain.
Néanmoins cette approche souffre du fait qu'elle ne détecte pas nécessairement très bien les
aspects systémiques du problème, contrairement à la résilience qui est focalisée sur les
interactions et processus du système socio-écologique. Cependant, la résilience devient
difficile à appliquer dans la réalité, entre autres parce que le périmètre d'étude est large,
44 Une fois de plus, la référence à l’extérieur ou l’intérieur du système dépend du périmètre d’étude. 45 Pour plus de détails sur ce concept, consulter [88]
69
puisqu'il couvre les interactions avec l'écologie, alors que le périmètre d'action possible est
plus restreint. En effet, les limites des systèmes écologiques et humains ne concordent pas.
La seconde difficulté à laquelle doit faire face la résilience sur le terrain provient des légères
différences de signification du mot résilience entre les chercheurs et les praticiens. Pour
l'ingénieur, la résilience correspond à la capacité d'un système à retourner à son état initial
d'équilibre, tandis que pour la socio-écologie, la résilience correspond à la capacité d'un
système à retrouver un état d'équilibre, qui peut être différent de celui antérieur. Cette notion
fait alors appel à l'apprentissage, la transition , la transformation du système. Par ailleurs,
il arrive que la résilience soit perçue comme une propriété pouvant ne pas être bénéfique.
L'exemple le plus couramment utilisé est celui d'un gouvernement oppressif, qui parviendrait
toujours à évoluer, à s'adapter, pour se maintenir au pouvoir. Dans le domaine de
l'environnement, il existe des cas de résilience non souhaitable, à savoir les subventions à
des produits polluants, qui freinent le développement d'autres produits par exemple. Dans une
certaine mesure, les assurances dans des zones très exposées au changement climatique
n'incitent pas à s'adapter, à transformer, ou à se déplacer, et maintient des populations
vulnérables.
Ainsi, la capacité d'adaptation peut être vue comme la partie positive (souhaitable) de la
résilience, et est considérée universellement comme une propriété positive [51]. À l'inverse,
la vulnérabilité est généralement considérée comme négative. Ainsi, il est préférable de
comparer les acteurs, communautés, territoires, pays, sur leur capacité d'adaptation, plutôt que
sur leur vulnérabilité, car il vaut mieux employer la propriété positive pour caractériser, que la
propriété négative46. Or, réduire la vulnérabilité ou bien augmenter la capacité d'adaptation a
les mêmes implications.
II.2.2.3. Les déterminants de la capacité d’adaptation
Il faut ensuite s'intéresser aux déterminants de la capacité d'adaptation, afin de définir ce
que l'adaptation (processus par lequel on peut influencer la capacité d'adaptation) doit
considérer comme secteurs, thèmes, catégories. Dans le troisième rapport du GIEC, le
chapitre 18 du groupe de travail II aborde cette question [12]. L'intérêt d'étudier la capacité
d'adaptation est que c'est un sujet relativement bien traité par la recherche académique, même
si le contexte spécifique du changement climatique n'a pas été abordé de façon significative.
Les déterminants de la capacité d'adaptation sont au nombre de six. Il s'agit des ressources
46 Cette remarque sera employée dans le chapitre III.
70
économiques, de la technologie, de l'information et des compétences, des infrastructures, des
institutions et enfin de la justice (ou équité).
En ce qui concerne les ressources économiques, il parait clair qu'elles jouent un rôle non
négligeable dans la capacité d'une communauté à faire face à des aléas, qu'ils soient
climatiques ou non. Cela est vrai au niveau d'un pays, mais ça l'est également à l'échelle d'un
foyer. Par exemple, un foyer dont le revenu serait très faible aurait plus de difficultés à faire
face à un imprévu. A l'échelle du monde, les pays les plus pauvres paraissent plus enclins à
subir des crises alimentaires, ou du moins ces crises ont des conséquences sanitaires plus
importantes que dans les pays développés.
Concernant la technologie, un manque de technologie peut paraître également comme un
déficit de capacité d'adaptation, que ce soit au niveau des systèmes d'alerte pouvant utiliser les
TIC, ou encore les systèmes d'irrigation, ou bien d'un point de vue plus large, des espèces
génétiques résistant mieux aux stress hydriques, à l'eau salée, à de fortes températures... De ce
fait, les régions capables de développer des technologies pouvant faire face au climat futur
présentent donc une capacité d'adaptation plus élevée.
La connaissance et les compétences scientifiques, ainsi qu'un système d'information
efficace sont des atouts pour la capacité d'adaptation. En pouvant suivre les variables
climatiques grâce à de l'appareillage météorologique dédié, les régions peuvent anticiper les
aléas, et une bonne préparation permet généralement de réduire les dommages causés par
l'aléa. Le système d'information semble également jouer un rôle crucial, puisque nous
sommes dans des sociétés où le lien avec la nature (et ses changements) n'est plus perçu
directement, ce qui peut être pallié par une communication, une sensibilisation et une
information claires et une meilleure adhésion de la population.
Ensuite, les infrastructures sont également un point important de la capacité d'adaptation,
notamment les routes, les hôpitaux, les réseaux de télécommunications (notamment pour
transmettre les alertes, et pouvoir avertir les populations) et les infrastructures transportant,
distribuant et traitant l'eau. Cependant, des infrastructures peuvent également conduire à une
forme de rigidité et de dépendance, conduisant à une moindre flexibilité, et pouvant ainsi
réduire la capacité d'adaptation sur le long terme. Néanmoins, sur le court terme, les réseaux
servent à rétablir rapidement des conditions de vie acceptables après un choc. Une manière de
ne pas nuire à la flexibilité est d'opter pour la diversité (dans l'énergie, on appelle cela le mix-
énergétique, mais cela peut être appliqué à tous les secteurs, et toutes les activités).
71
Les institutions jouent également un rôle important dans la capacité d'adaptation, car ce sont
elles qui créent la cohésion sociale notamment. En outre, elles doivent garantir la non-
corruption, et l'accès aux ressources à la population. Par ailleurs, il est nécessaire que ces
institutions stimulent la capacité d'adaptation des populations, par l'intermédiaire du cadre
réglementaire (en favorisant l'innovation par exemple), mais également par la recherche,
l'éducation, le système de soins...Huit chercheurs hollandais se sont penchés sur la question de
la capacité d'adaptation, et du rôle des institutions dans ce domaine [52]. Dans cet article, les
institutions sont en fait les règles sociales instituées, qui fixent le cadre dans lequel évoluent
les acteurs.
Enfin, l'équité est un élément essentiel car une allocation des ressources et un accès à celles-ci
équitables améliorent la capacité d’adaptation. Par exemple, les individus vivant en marge de
la société sont généralement considérés comme plus vulnérables aux changements
climatiques. En effet, puisque les ressources économiques jouent un rôle dans la capacité
d'adaptation, de même que les infrastructures, les personnes n'ayant pas accès à ces
infrastructures, ou n'ayant pas suffisamment de ressources, présentent une capacité
d'adaptation moindre, d'où le fait que l'équité soit encouragée.
Bien que ces six dimensions de la capacité d'adaptation puissent avoir un intérêt dans la mise
en place d'une stratégie d'adaptation, il est également nécessaire de déterminer les limites à
l'adaptation . Le quatrième rapport du GIEC, en particulier le chapitre 17 du Groupe de
Travail II synthétise les barrières qui existent à l'adaptation [53]. Ces barrières ont déjà, pour
certaines, été évoquées auparavant. Il s'agit des limites physiques liées à l'existence d'un point
de non-retour, au delà duquel les changements seront irréversibles, et où le réchauffement
climatique pourrait "s'amplifier". Ensuite, il existe des barrières technologiques. Bien que des
solutions soient technologiquement possibles, elles n'en sont pas pour autant souhaitables, et
peuvent être tellement coûteuses que seule une petite fraction de la population y accède. Par
ailleurs les limites financières sont également un frein à l'adaptation, et plus largement les
limites de ressources, qu'elles soient financières, ou non. Enfin, les dernières barrières sont
cognitives et socio-culturelles, et ont déjà été largement exposées puis discutées dans la
première sous-section.
Enfin, avant d'aborder la résilience, une dernière approche de la capacité d'adaptation peut
être mentionnée. Il s'agit de l'approche consistant à s'intéresser au déficit de capacité
d'adaptation, plutôt qu'à la capacité d'adaptation directement.
72
II.2.2.4. Le déficit de capacité d’adaptation
Un article récent [54] traite cette question, en particulier du point de vue de la théorie
économique. L'auteur de cette publication considère que le cadre de l'Économie peut servir
comme cadre d'étude des déficits de capacité d'adaptation d'un système, et rééquilibrer les
analyses de capacité d'adaptation, qui sont généralement très axées sur les aspects sociaux de
l'adaptation, et trop peu sur les aspects économiques. La méthode proposée est fondée sur une
approche comportementale, prêtant donc attention aux motivations que les individus ont à
posséder ou développer des capacités d'adaptation. En considérant que les capacités
d'adaptation forment un marché (de services ou de biens) comme les autres, si le marché était
parfait et que les agents étaient rationnels, il y aurait un niveau (inconnu) optimal de capacité
d'adaptation pour chacun (individu ou entreprise), mais qui serait différent pour tous. Cette
capacité d'adaptation est l'agrégation de plusieurs propriétés, comme la liquidité des actifs, la
mobilité, la diversité, la flexibilité, l'efficacité ou encore la substituabilité, ainsi que les
niveaux des déterminants opérationnels (éducation, richesse, accès à la technologie...)47.
Dans ce cadre emprunté à l'économie, l'analyse de vulnérabilité a pour rôle de détecter
lorsqu'il y a des écarts anormaux de capacité d'adaptation, c'est-à-dire lorsqu'il y a des
imperfections conduisant à un investissement sous-optimal dans la capacité d'adaptation.
D'après ce chercheur, il existe quatre catégories de facteurs conduisant à cela : les
imperfections et distorsions du marché (aléa moral, subvention, barrière douanière...) les
imperfections de gouvernance et institutionnelles (corruption, manque de transparence,
offre publique de biens privés...), les défauts du système social (régime non démocratique,
communautarisme, conflit social, inégalité devant l'accès à l'eau, la nourriture...) et les
comportements irrationnels couplés à une information imparfaite (biais cognitif, manque
de connaissance scientifique, asymétrie d'information...).
Enfin, l'auteur présente dans une dernière partie de son article la manière dont les
caractéristiques de la capacité d'adaptation (comme la flexibilité, la diversité, la
substituabilité, la mobilité, l'isolement ou encore l'éloignement) peuvent être utilisées pour
évaluer les systèmes économiques. Par exemple, la diversité est un atout pour la capacité
d'adaptation, et si une région ne présente qu'une activité industrielle, elle aura plus de
difficulté à s'adapter. De même, si une région est de petite taille, et qu'elle est isolée, elle
pourra rencontrer plus de problèmes pour attirer des capitaux, et faire des investissements, ce
47 Pour plus de précisions sur ces déterminants opérationnels, lire [90]
73
qui ralentira son adaptation. Par ailleurs, le marché purement concurrentiel a une bonne
capacité à s'adapter à des nouvelles situations (flexibilité, et réactivité) contrairement à un
marché très régulé, ou à une économie planifiée. Cela signifie qu'il pourrait y avoir des
secteurs dans lesquels une moindre régulation serait souhaitable, mais ce n'est pas le cas de
tous les secteurs, notamment ceux où les biens publics sont menacés.
Autrement dit, sur le plan économique, la capacité d'adaptation peut être considérée comme
une fonction dont les facteurs sont les déterminants de celle-ci, où les relations entre la
fonction et les facteurs sont déterminées par certaines fonctions de production sous-jacentes.
Certains facteurs peuvent être substituables (élasticité) ou non. Sur le court terme, les
décisions d'investissement des entreprises sont limitées par certains facteurs, comme le capital
disponible, ce qui se traduit par des limites d'adaptation à court terme. A long terme, tous les
facteurs peuvent varier, et des choix d'options d'adaptation différents peuvent conduire à une
capacité d'adaptation différente (l'équivalent de l'optimisation du profit).
II.2.2.5. La résilience
Dans la littérature sur le fonctionnement des systèmes socio-écologiques, la capacité
d'adaptation est étudiée à travers la notion de résilience. L'intérêt de cette approche réside
dans la capacité à étudier des systèmes d'un point de vue dynamique, ce qui est
particulièrement utile dans le cas du changement climatique. À l'origine, le concept de
résilience vient de la physique, et plus précisément de la science des matériaux, pour laquelle
la résilience est la capacité d'un matériau à absorber un choc sans rompre. C'est donc une
mesure de l'énergie qu'un matériau est capable d'emmagasiner, et de restituer (selon son
élasticité) ou non (s'il est fragile). Ce concept a ensuite été introduit en sciences sociales,
notamment en psychologie grâce aux travaux de l'éthologue français Boris Cyrulnik.
En géographie, le concept de résilience est rattaché à C.S. Holling, qui a débuté des travaux
sur la résilience des systèmes écologiques dans les années 1960, notamment par
l'intermédiaire de l'étude des interactions du type proie-prédateur. Avant les études de
Holling, l'écologie ne s'intéressait qu'à la stabilité autour d'un point (ou bassin) d'équilibre
unique, et ne s'intéressait donc qu'aux variations de faible amplitude. Ensuite, l'étude des
systèmes à multiples bassins d'équilibre stable a ouvert la voie des variations de grande
amplitude. Néanmoins, les écologues restent encore majoritairement sur le paradigme de
l'équilibre unique. Pourtant dans une publication de 1973, Holling montre que contrairement à
ce qui était imaginé jusqu'alors, il existe plusieurs domaines d'équilibre stable [55].
74
D'après une revue de littérature sur la résilience de Carl Folke [56], la résilience dans un
paradigme d'équilibre unique est à rapprocher de la notion de résilience de l'ingénieur.
Dans cette perspective, l'intérêt est porté sur la vitesse à laquelle le système retourne à son
point d'équilibre, et seules les petites variations sont étudiées. Cette vision a été
principalement utilisée dans la gestion des ressources naturelles, en essayant de contrôler les
flux de façon optimale. Ainsi, dans ce contexte, la résilience s'apparente à un retour à l'état
initial, une sorte de force de rappel. Cela peut servir dans le cas des systèmes simples, fermés,
sans relation avec d'autres échelles de temps et d'espace, ou bien pour les petites
perturbations.
En écologie, l'intérêt de la biodiversité dans la résilience, et la manière dont la biodiversité
favorise l'absorption des chocs a été étudiée. Il s’est avéré que ce n'est pas le nombre
d'espèces en lui-même qui est important, mais le fait qu'il y ait des espèces de chaque groupe
fonctionnel (prédateurs, herbivores, transporteurs de nutriments, pollinisateurs...), et bien qu'il
y ait des espèces semblant inutiles car redondantes sur le plan fonctionnel par exemple, cette
redondance est cruciale au moment de la réorganisation, de la régénération, ainsi que pour
le lien entre les différentes échelles (temporelles et spatiales). En effet, des espèces
endossant la même fonction mais à des échelles spatiales différentes, semblent redondantes et
pourtant permettent d'accroitre la résilience du système, en mettant en relation plusieurs
habitats et par conséquent plusieurs échelles (voir le concept du cycle de renouvellement
adaptatif et le modèle de la panarchie [57]).
II.2.2.6. La résilience dans la pratique
Sur le plan pratique, afin d'évaluer la résilience d'un système, les caractéristiques qui
semblent le plus souvent citées dans la littérature dédiée sont [58] : une grande diversité
(d'acteurs, de solutions, écologique...), une gouvernance efficace (qui implique plusieurs
échelles spatiales, et comportant des mécanismes de contrôle), l'acceptation des incertitudes et
du changement (passer d'un fonctionnement centré sur le contrôle des équilibres, à une
gestion des incertitudes et des changements), l'implication locale (pour la gestion des
ressources par exemple), l'anticipation des changements (en se préparant à vivre avec, et non à
les affronter), l'équité (la résilience s'apparentant à un partage des risques), des valeurs et
structures sociales (ce qui renforce la confiance, la coopération et la coordination). À cela, il
est possible d'ajouter la capacité d'apprentissage et la capacité d'auto-organisation. Par
ailleurs, si le plan de phase du bassin d'attraction (représenté sur la Figure II-6) est connu, des
indicateurs de résilience existent. Il s'agit de la taille du bassin d'attraction (appelée latitude,
notée L sur la Figure II-6), de la
d'attraction), et la précarité Pr, qui est la distance qui sépare la position du sy
t de la frontière du bassin dans lequel le système se trouve.
phase du système sont rarement connus.
Figure II-6 Représentation d'un bassin d'attraction e
Ce concept de résilience, couplant les différentes échelles, permettant d'évaluer la
perturbation maximale sans changer de bassin d'attraction, et
particulièrement bien adapté à la gestion des risques. Un exemple de
est donné dans un article traitant de la gestion des risques par la résilience
Bas, dont les constructions sont en grande partie sous le niveau de la mer, une stratégie de
défense et de production, basée sur la robustesse donc, s'est développée dans la deuxième
moitié du XXe siècle. Des digues ont été construites pour protéger les infrastructu
inondations, maritimes comme fluviales. Mais cette stratégie est coûteuse, et du fait du
réchauffement climatique qui va induire une remontée du niveau de la mer, allié à une perte
de volume de sable, il semble que cela devienne trop compliqué de r
C'est dans ce contexte que le concept de résilience a été proposé pour résoudre cette
problématique. Au lieu de refuser les inondations, les inondations sont acceptées sur une
partie des terres les plus basses. De plus, la constructio
que la dynamique de sédimentation naturelle reprenne, ce qui permettra d'avoir des barrières
naturelles contre la mer.
Outre son utilisation sur le plan stratégique
métaphorique dans le but d'ouvrir l'esprit
opérationnel. Un article propose d'opérationnaliser ce concept
d'un delta urbanisé à basse altitude, à savoir Rotterdam, dans une zone sujette aux
inondations, mais hors des zones protégées par les digues
de résilience pour le cas considéré à décliner à l'échelle de la ville, mais également du
75
), de la profondeur R (qui permet d'estimer la puissance
Pr, qui est la distance qui sépare la position du sy
t de la frontière du bassin dans lequel le système se trouve. Malheureusement, les portraits de
phase du système sont rarement connus.
Représentation d'un bassin d'attraction et des indicateurs de résilience (Wikipédia)
Ce concept de résilience, couplant les différentes échelles, permettant d'évaluer la
perturbation maximale sans changer de bassin d'attraction, et mêlant l'écologie et le social, est
particulièrement bien adapté à la gestion des risques. Un exemple de stratégie de résilience
est donné dans un article traitant de la gestion des risques par la résilience
les constructions sont en grande partie sous le niveau de la mer, une stratégie de
défense et de production, basée sur la robustesse donc, s'est développée dans la deuxième
siècle. Des digues ont été construites pour protéger les infrastructu
inondations, maritimes comme fluviales. Mais cette stratégie est coûteuse, et du fait du
réchauffement climatique qui va induire une remontée du niveau de la mer, allié à une perte
de volume de sable, il semble que cela devienne trop compliqué de résister aux tempêtes.
C'est dans ce contexte que le concept de résilience a été proposé pour résoudre cette
problématique. Au lieu de refuser les inondations, les inondations sont acceptées sur une
partie des terres les plus basses. De plus, la construction sur le littoral est abandonnée, pour
que la dynamique de sédimentation naturelle reprenne, ce qui permettra d'avoir des barrières
Outre son utilisation sur le plan stratégique et l'intérêt qu'elle présente sur le plan
ue dans le but d'ouvrir l'esprit, la résilience est donc util
cle propose d'opérationnaliser ce concept dans le cadre de la gestion
d'un delta urbanisé à basse altitude, à savoir Rotterdam, dans une zone sujette aux
nondations, mais hors des zones protégées par les digues [60]. Il résulte six
de résilience pour le cas considéré à décliner à l'échelle de la ville, mais également du
R (qui permet d'estimer la puissance
Pr, qui est la distance qui sépare la position du système à l'instant
Malheureusement, les portraits de
t des indicateurs de résilience (Wikipédia)
Ce concept de résilience, couplant les différentes échelles, permettant d'évaluer la
l'écologie et le social, est
stratégie de résilience
est donné dans un article traitant de la gestion des risques par la résilience [59]. Aux Pays-
les constructions sont en grande partie sous le niveau de la mer, une stratégie de
défense et de production, basée sur la robustesse donc, s'est développée dans la deuxième
siècle. Des digues ont été construites pour protéger les infrastructures des
inondations, maritimes comme fluviales. Mais cette stratégie est coûteuse, et du fait du
réchauffement climatique qui va induire une remontée du niveau de la mer, allié à une perte
ésister aux tempêtes.
C'est dans ce contexte que le concept de résilience a été proposé pour résoudre cette
problématique. Au lieu de refuser les inondations, les inondations sont acceptées sur une
n sur le littoral est abandonnée, pour
que la dynamique de sédimentation naturelle reprenne, ce qui permettra d'avoir des barrières
et l'intérêt qu'elle présente sur le plan
utilisable sur le plan
dans le cadre de la gestion
d'un delta urbanisé à basse altitude, à savoir Rotterdam, dans une zone sujette aux
Il résulte six grands principes
de résilience pour le cas considéré à décliner à l'échelle de la ville, mais également du
76
quartier, du foyer voire de l'individu. Il s’agit de l'homéostasie, c'est-à-dire d’incorporer des
boucles de rétroaction pour améliorer la connaissance des risques et de la situation, par des
systèmes d'alerte rapide, des capteurs sur les digues pour détecter la rupture, une information
des populations du risque d'inondation, des structures flexibles comme des maisons
flottantes... Puis de la diversification des approches grâce à plusieurs sources d'énergie,
plusieurs moyens de transport différents, des bâtiments pouvant endosser plusieurs
fonctions… Ensuite, des flux élevés, que ce soit d'information par exemple, ou bien des
constructions pour une durée moins longue avec des éléments modulaires pour pouvoir
déconstruire et reconstruire ailleurs rapidement... La planéité des chaînes de prise de décision
est également l’un de ces 6 grands principes, car le processus de prise de décision nécessite
l'intervention de nombreux intermédiaires, ralentit la réactivité et réduit la flexibilité. Cela
passe également par une meilleure auto-organisation de la population, une meilleure
formation pour une meilleure autonomie dans la prise de décision. Des espaces tampons sont
également favorables à la résilience, à grande échelle, comme les espaces souterrains tels les
parkings pour l'eau, mais également dans les habitations en faisant en sorte que les pièces
vitales soient à l'étage. Enfin la redondance est utile à la résilience, comme dans le cas de la
résilience des systèmes écologiques (de multiples routes, de multiples centres de crise, de
multiples sorties de secours à différentes altitudes des bâtiments...)48.
48 Voir également l'article paru dans Journal of Cleaner Production en 2011 [94] dans lequel l'auteur s'est intéressé à la résilience de l'industrie alimentaire (viande, poisson, volaille, fruits et légumes) allemande.
77
Pour résumer, l’adaptation au changement climatique peut être définie comme le processus
visant à réduire la vulnérabilité, et permettant d’acquérir de la capacité d’adaptation. Elle
revêt diverses dimensions, en particulier sociale, économique, et environnementale. Il existe
donc des vulnérabilités plutôt qu’une vulnérabilité. Par ailleurs, la capacité d’adaptation est
proche de la notion de résilience. En réalité, dans la littérature sur la résilience, la capacité
d’adaptation est vue comme la dimension positive (désirée) de celle-ci, puisqu’elle n’est pas
nécessairement positive.
En écologie, le concept de résilience est la capacité d’un système à supporter une perturbation
sans s’effondrer vers un état qualitativement différent, qui serait contrôlé par un ensemble
nouveau de processus. Dans la littérature traitant du changement climatique, la résilience est
parfois comprise comme la capacité d’un système à retourner à son état initial après un choc
(approche de l’ingénieur), tandis qu’elle est parfois entendue comme la capacité à se
réorganiser, se renouveler, se transformer du fait d’un choc (approche socio-écologique).
Dans le premier cas, il n’y a qu’un état stable, tandis que dans le second, il est possible
d’atteindre un état différent de l’état initial. Ainsi, la résilience peut être définie par trois
caractéristiques à savoir : le choc maximal que peut subir le système sans changer
fondamentalement de structure, le degré d’auto-organisation dont fait preuve le système, la
capacité à construire et améliorer le processus d’apprentissage.
La dynamique des systèmes peut être représentée sous la forme du cycle de renouvellement
adaptatif, constitué de quatre phases (deux correspondant à des changements brutaux, et deux
correspondant à des changements graduelles) séparées par des évènements créant la
discontinuité (effondrement et expansion exponentielle). Les différentes échelles spatiales et
temporelles sont reliées entre elles par l’intermédiaire de connexions, telles la mémoire
(indispensable à la réorganisation) ou la révolte, qui transmet la perturbation aux autres
échelles (du tronc, à l’arbre, puis à la forêt). Cette dynamique comprend donc à la fois les
phases d’expansion et de conservation, mais également d’effondrement et de réorganisation.
Dans cette approche, la robustesse est importante (comme dans le cadre de l’approche de la
résilience par l’ingénieur), mais également la capacité d’apprentissage, et l’auto-organisation.
La diversité, l’homéostasie, la redondance, la capacité d’amortir (stockage par exemple), le
recours à des flux (de données notamment) élevés sont également des caractéristiques
favorisant la résilience.
78
II.2.3. La maladaptation
L'une des premières publications dédiées à la maladaptation est de Roy Rappaport
(anthropologue spécialisé en ethnobiologie) et date de 1977 [61]. Dans cette section d'ouvrage
Rappaport définit l'adaptation comme l'ensemble des processus (adaptive processes) par
lesquels les systèmes vivants (des organismes simples aux écosystèmes, en passant par les
espèces et les sociétés) parviennent à maintenir l'homéostasie (pour faire face aux
fluctuations de court terme de l'Environnement) et à se transformer plus en profondeur (en
transformant leur structure, face à des changements non-réversibles de l'Environnement, sur le
long terme). Pour les perturbations sur le long terme pour lesquelles l'incertitude est grande, il
est préférable de conserver une flexibilité en évoluant de manière graduelle et non par
l'intermédiaire de transformations de la structure. Ainsi, l'adaptation serait constituée de deux
composantes fondamentales, que sont l'auto-organisation et l'auto-régulation, ce qui
correspond à la conclusion de la précédente sous-section.
Selon l’ethnobiologiste Roy Rappaport, la maladaptation serait à relier aux facteurs internes
au système étudié, qui entraveraient les processus d’homéostasie, et de transformation plus en
profondeur de la structure dudit système. Ces facteurs pourraient correspondre à des
anomalies au sein de la hiérarchie de la structure adaptative, autrement dit des anomalies dans
les boucles de rétroaction censées assurer l’auto-régulation et l’auto-organisation du système,
ces deux fonctions formant le processus adaptatif. L’auto-régulation permet de conserver une
flexibilité, tandis que la réorganisation réduit la flexibilité, mais accroit l’efficacité. Elle est à
réserver aux cas dans lesquels l’incertitude est réduite, et la contrainte claire et permanente.
Les anomalies correspondent à de la maladaptation puisqu’elles réduisent la flexibilité du
système ainsi que sa capacité à détecter des éléments pouvant lui nuire (anomalie dans
l’information). Mais ces anomalies peuvent également prendre la forme d’une confusion entre
les intérêts d’un sous-système et ceux du système tout entier, lesquels ne doivent pas être
spécifiques, mais uniquement correspondre à la survie (biologique et culturelle dans le cas des
systèmes sociaux), tandis que les sous-systèmes assurant des tâches spécifiques (par exemple
militaire, économique, financière, commerciale, politique…) servant au système dans son
ensemble, requièrent des intérêts précis.
Il semble donc que la flexibilité soit une caractéristique essentielle de l’adaptation réussie, et
que la centralisation de la régulation, éloignant le niveau décisionnel du niveau de détection
des variables vitales, serait un élément pouvant conduire à la maladaptation. Enfin, à la
79
différence des systèmes vivants, les systèmes sociaux peuvent être victime de leur capacité
d’anticipation et de leur pro-activité, grâce à la capacité humaine à imaginer et à se projeter.
En outre, le fait que l’Homme doive faire face à des changements dans son environnement
n’est pas nouveau, comme le montrent l’étude d’anciennes civilisations, et dans l’ensemble,
les systèmes sociaux ont démontré une certaine aptitude à s’adapter à des modifications de
leur environnement, en améliorant les techniques de production agricole, en migrant, en
adoptant des rites permettant de créer un lien entre leurs actions sur l’environnement et leur
survie… En revanche, la situation est inédite dans le sens où le changement auquel l’Homme
doit aujourd’hui faire face peut être anticipé (du moins tendanciellement, puisqu’une grande
incertitude persiste) et que ce changement affectera la planète entière en relativement peu de
temps. De l’étude du passé, il apparait que les civilisations ont su apprendre (parfois) de leurs
expériences, mais que cet enseignement avait pu se perdre en une génération, voire moins. Le
défi actuel pourrait donc être de parvenir à apprendre des civilisations passées, de leurs
erreurs ainsi que de leurs succès, et de conserver cette connaissance pour les générations
futures.
Pour conclure, le cadre conceptuel de l’adaptation au changement climatique permet de
comprendre en profondeur les raisonnements théoriques qui accompagnent ces enjeux, mais
ne suffit pas à prendre des décisions, et ne permet parfois que d’en rester à l’énonciation
d’intentions tout à fait pertinentes, à l’image de la création d’un lien cognitif entre notre
sécurité personnelle et la protection du climat (et plus largement de notre environnement), et
n’apporte pas de solutions concrètes, pourtant nécessaires, à cette problématique. De même,
savoir que les problèmes de maladaptation sont à rattacher à la culture (au sens large, c'est-à-
dire à l'ensemble de valeurs et de symboles qui définit une société) et à l'organisation du
processus adaptatif n'est qu'un premier pas dans la compréhension du phénomène, mais ne
donne pas l'opportunité d'agir de manière effective (du moins à court et moyen termes), étant
donné qu'il n'est pas envisageable de simplement prôner une modification des cultures. C’est
pourquoi il paraît indispensable d’analyser les outils, méthodes et instruments concrets qui
sont apparus pour répondre au changement climatique par l’adaptation.
Pour résumer, d'après les travaux de Roy Rappaport [61], et les exemples d'effondrement de
civilisations anciennes (Mayas, Vikings du Groenland, Île de Pâques [62] et [44]), il
semblerait que la maladaptation soit liée à la culture de la société considérée, ou du moins que
la culture soit un élément pouvant expliquer la réussite ou bien l’échec de l’adaptation, et en
particulier de l’adaptation à des changements dans l’environnement, y compris climatiques.
80
Ainsi, d'après le troisième rapport du GIEC (Glossary of Terms, Third Assessment Report,
Working Group II, Annex B, 2001), la définition de la maladaptation au changement
climatique est la suivante :
Tout changement dans les systèmes humains ou naturels conduisant à
augmenter par inadvertance la vulnérabilité aux stimuli climatiques :
une adaptation qui ne parvient pas à réduire la vulnérabilité mais qui
l’augmente au contraire49.
La maladaptation correspondrait donc aux mesures d'adaptation qui conduiraient, non pas à
réduire la vulnérabilité comme c'est l'objectif, mais à l'augmenter. Dans les outils, méthodes
et instruments dédiés à l'adaptation, il est fréquemment fait référence à la maladaptation
comme quelque chose à éviter, mais la manière de l'éviter n'est pas précisée. La section des
guides et méthodologies abordant le thème de la maladaptation est généralement très court. Si
la définition de la maladaptation utilisée dans ces outils faisait référence à son cadre
conceptuel, et au fait qu'elle est reliée à la culture de l'acteur étudié, il semblerait pertinent
qu'aucune méthode générique permettant d'éviter la maladaptation ne soit donnée, la culture
étant un élément spécifique, difficilement généralisable. Or, la littérature prend communément
comme définition celle du GIEC donnée ici. Il semblerait donc possible d'en déduire une
méthode permettant d'éviter l'augmentation de la vulnérabilité liée aux solutions d'adaptation,
puisqu'il existe de nombreux instruments servant à évaluer la vulnérabilité.
Dans le cadre des activités poursuivies par l'OCDE, la maladaptation désigne [63] (p.55) :
des activités de développement correspondant à la poursuite des
politiques actuelles qui, en faisant abstraction des impacts du
changement climatique, augmentent par mégarde l'exposition et/ou la
vulnérabilité au changement climatique. Elle peut aussi englober les
initiatives d'adaptation aux effets climatiques qui accentuent la
vulnérabilité au lieu de la diminuer.
Autrement dit, l'OCDE utilise une définition élargie de la maladaptation par rapport au GIEC,
puisque les projets ne prenant pas en compte les enjeux du changement climatique feraient
également parties de la maladaptation. Cela signifie que la maladaptation pourrait être vue
comme le fait de ne pas faire d'adaptation.
49Any changes in natural or human systems that inadvertently increase vulnerability to climatic stimuli; an adaptation that does not succeed in reducing vulnerability but increases it instead.
81
II.3. L'ADAPTATION EN PRATIQUE
II.3.1. Les manières de faire de l'adaptation
Il existe diverses manières de faire de l'adaptation au changement climatique, mais au
préalable il est nécessaire de préciser qu'il existe également différents niveaux auxquels des
stratégies d'adaptation peuvent être mises en place. En effet, bien que l'adaptation concerne
généralement la protection des biens privés (à l'opposé de l'atténuation qui s'occupe de
protéger un bien public), et que la théorie économique voudrait que les gouvernements
s'occupent des biens publics (et les acteurs privés des biens privés), l'action des pouvoirs
publics dans ce domaine reste légitime pour plusieurs raisons [13]: du fait de l'imperfection
de l'information, si les processus de décision concernent plusieurs échelles spatiales
(commune, région,...), pour prendre en compte les effets externes (comme dans le cas d'une
installation en zone inondable, qui est avantageuse pour le promoteur car c'est la collectivité
qui supportera une partie des coûts de protection et de reconstruction en cas d'aléa), du fait de
la nécessaire protection des services d'intérêt général (eau, énergie, transport,
communication), et enfin si l'adaptation spontanée des acteurs va à l'encontre des intérêts de la
collectivité toute entière.
Ainsi, l'adaptation est non seulement une question privée (individu, entreprise), mais
également publique (commune, région, état). De ce fait, l'adaptation peut donner lieu à des
politiques publiques spécifiques (comme en France, qui a vu le Plan National d'Adaptation au
Changement Climatique apparaître en 2011), à des programmes stratégiques et projets
d'institutions internationales (OCDE, PNUD...), mais également à des projets à l'échelle
communautaire, ou encore être intégrée à la stratégie d'une entreprise. Nous nous
restreindrons ici principalement à l'adaptation à l'échelle du projet d'investissement.
En ce qui concerne les stratégies d'adaptation à proprement parler, elles ont la particularité
de devoir être prises en situation d'incertitude, et sont d'autant plus importantes qu'elles
concernent des activités économiques dont la durée de vie est longue. Stéphane Hallegatte
présente cinq méthodes permettant d'adapter un investissement à un changement climatique
incertain dans un article de Global Environmental Change déjà mentionné [27]. Ces stratégies
sont : le sans-regret, les options réversibles et flexibles, les marges de sécurité, les solutions
d'adaptation douces, la réduction de l'horizon temporel de l'investissement étudié.
82
II.3.1.1. Le sans-regret
Les solutions sans regret correspondent aux investissements qui, même en l'absence de
changement climatique, présentent un bénéfice. Ce sont les options qui devraient
rationnellement être prises, sans même faire appel à la question du changement climatique.
L'exemple le plus parlant est celui des fuites sur les réseaux d'eau, qui représentent une part
importante (de l'ordre de 30 à 50 % selon les pays) de l'eau prélevée. Le cas de l'isolation des
bâtiments peut également être perçu comme une option sans-regret, puisque les économies
d'énergie pourront permettre de rembourser les coûts initiaux. Néanmoins, étant donné que la
rénovation représente des investissements substantifs, il est probable que l'isolation et la
rénovation dans l'optique de faire face au changement climatique ne soit pas sans-regret, et
que seule la modification des normes pour les nouveaux bâtiments soit effectivement sans-
regret.
II.3.1.2. Les options réversibles
Ensuite vient le cas des options réversibles et flexibles, ce qui correspond à ce qui a été
précédemment appelé les valeurs d'options réelles. Le fait de conserver le choix pour plus tard
permet de ne pas se diriger vers des solutions irréversibles. Une illustration triviale de cette
valeur d'option réelle correspond au fait de ne pas construire dans une zone qui pourrait être
particulièrement exposée aux aléas climatiques. À court terme cela représente un coût
(d'opportunité) mais à plus long terme une valeur d'option est associée à ce non-
investissement. Il en est de même pour les surcoûts initiaux visant à pouvoir faire évoluer les
infrastructures par la suite. Dans le cas de digues par exemple, les fondations peuvent être
dimensionnées dans l'optique que les digues seront renforcées par la suite, dans le cas où le
niveau de la mer montera plus (ou plus vite) qu'anticipé.
II.3.1.3. La marge de sécurité
Dans le même ordre d'idée, une marge de sécurité peut être employée lors de la conception
des infrastructures, comme cela a été le cas au Danemark avec les systèmes d'évacuation d'eau
qui ont été surdimensionnés. Le sur-dimensionnement peut être arbitraire, c'est-à-dire décider
d'un facteur de sécurité qui n'a pas de justification physique, par rapport à la situation actuelle,
ou bien utiliser les projections économico-climatiques les plus pessimistes, dont l'horizon
temporel est choisi en fonction de la durée de vie de l'infrastructure en question, auxquelles
est ajoutée la marge de sécurité. Dans le cas des infrastructures de protection (comme les
digues), le coût marginal de construction pour que cette protection soit plus importante est
83
bien plus faible que le coût total, ce qui justifie économiquement de prendre une marge de
sécurité lors de la phase de conception. L'incorporation d'une marge de sécurité lors de la
conception, et le fait de prendre en compte le changement climatique (par l'intermédiaire des
projections) durant cette conception est ce qui est souvent appelé le climate proofing dans la
littérature dédiée.
II.3.1.4. L’adaptation douce
Viennent ensuite les stratégies dites d'adaptation douce (soft strategies par opposition à hard
strategies), qui sont celles qui s'occupent non pas de l'aspect technique ou technologique de
l'adaptation, mais des aspects financiers et institutionnels. Cela peut se présenter sous la forme
d'une prospection obligatoire de la part des acteurs sensibles au climat (distribution d'eau,
agroforesterie, tourisme...) de leur activité à long-terme, de façon à prendre en compte le
changement climatique dans la stratégie, et à créer des liens entre les acteurs académiques, et
les acteurs économiques. D'un certain point de vue, cela pourrait être une manière d'aborder
l'homéostasie mentionnée dans la résilience. Les outils financiers sont également une
manière de prendre en compte le risque climatique, lorsqu'il est adossé à des évènements
extrêmes (sécheresse, inondation, tempête, canicule...). Ils permettent de transformer une
perte significative et incertaine, en une perte gérable. Les solutions de stockage sont une
autre façon de transformer un risque de perte significative, en un investissement et un coût de
long terme, comme dans le cas du stockage d'eau. Mais dans le cas du stockage, la flexibilité
est plus réduite, malgré une possible marge de sécurité, tandis que les assurances peuvent
évoluer. Néanmoins, ces solutions sont utilisables dans le cas des pays développés, car elles
nécessitent soit des capitaux initiaux significatifs, soit un système financier fiable et
développé. Enfin, les systèmes d'alerte rapide, qui sont des options d'homéostasie d'après le
vocabulaire de la résilience, permettent de limiter les dommages en cas d'évènements
extrêmes, et la reconstruction peut parfois être moins coûteuse que la protection, d'autant plus
si l'intensité des évènements est si incertaine, que cette protection (malgré la marge de
sécurité) se révèle trop faible pour assurer sa fonction, et que les dégâts sont tout de même
importants. Les mesures faisant partie de la stratégie douce, non dédiée et transversale, sont
généralement regroupées sous le terme de capacity building.
II.3.1.5. Les solutions techniques et technologiques
Les solutions dites hard strategies (qui sera traduit par solutions concrètes), qui ne sont pas
mentionnées dans l'article de Stéphane Hallegatte, sont les mesures prises dont les coûts sont
importants, qui créent une irréversibilité , et qui sont destinées à remplir une fonction bien
84
spécifique. Ce sont généralement des solutions techniques et technologiques. C'est par
exemple le cas des digues, ou bien des usines de dessalement d'eau de mer. Ces mesures
pourraient être vues comme des manières d'améliorer la résistance au changement. Elles
requièrent parfois une connaissance assez précise du changement afin d'être efficientes. À
l'inverse, les solutions douces ne sont pas spécifiquement dédiées à un risque (ce sont des
mesures génériques), et permettent d'être bénéfiques même en l'absence de certitude. Ces
solutions favorisent donc la résilience et non la résistance. Au sens de l'adaptation comme
processus par lequel la relation Système-Environnement évolue, nous pourrions dire que ce ne
sont pas à proprement parler de l'adaptation, puisque la relation n'est pas modifiée, mais que
les sous-systèmes sensibles au climat sont renforcés pour réduire cette sensibilité, ou bien
augmenter l'intensité maximale des évènements admissibles tout en maintenant le
fonctionnement du système.
D'après un document de travail de Samuel Fankhauser et Ian Burton [64], les solutions
concrètes (techniques ou technologiques) sont préférées par les bailleurs de fonds, car elles
sont visibles, leur coût de transaction est plus faible que les solutions d'adaptation
communautaires, leur identification est plus facile, et leur efficacité économique est plus
facilement démontrable que dans le cas des approches bottom-up. Néanmoins, il parait
nécessaire que des mesures d'adaptation douces soient mises en place à l'occasion des grands
projets d'infrastructure, ne serait-ce que pour limiter l'aléa moral et les effets pervers, faisant
par exemple que la population vienne s'installer derrière une digue du fait de sa fonction
protectrice50.
II.3.1.6. La réduction de l’horizon temporel
Enfin, une dernière façon de conserver de la flexibilité correspond au fait de réduire la
portée d'une décision d'investissement, c'est à dire de prendre des décisions pour des
périodes de 5 ans et non des périodes de 30 ans. Cette solution est pertinente dans les cas où
les marges de sécurité ne peuvent pas être employées, et où la réversibilité n'est pas non plus
une option. Par exemple, dans le cas de la foresterie, faire le choix de planter des espèces à
rotation courte permet de réduire cette portée, et de ne pas s'enfermer dans une dépendance
"technologique" pour une longue durée. Un autre exemple cité dans l'article est celui de la
50 Une analogie pourrait être faite entre cet effet pervers, et l'effet rebond en économie qui, au lieu de conduire à une réduction de la consommation globale liée à une réduction de la consommation par unité de service, provoque en réalité une augmentation de la consommation d'unités de service, et une augmentation de la consommation globale. Comme cela a été précédemment mentionné, pour éviter l'effet rebond, il est nécessaire que la politique d'efficacité s'accompagne d'un renchérissement de la ressource, pour maintenir un coût par unité de service constant.
85
construction dans des régions qui pourront être plus exposées au changement climatique, mais
pour lesquelles l'incertitude demeure. Dans ce cas, une solution pour réduire la durée de vie
de l'investissement est de construire des bâtiments moins chers, ou bien de construire des
bâtiments déconstructibles, évolutifs, et déplaçables. Dans l'absolu, la construction modulaire
et déplaçable (voire flottante, comme à Amsterdam) est une manière de conserver, en
urbanisme, une flexibilité et une capacité d'action pour des évènements graduels comme la
remontée du niveau de la mer, ou plus globalement dans le cadre de l'évolution de l'exposition
aux divers aléas climatiques.
II.3.1.7. Transformation en profondeur du système
Enfin, une dernière façon de faire de l'adaptation au changement climatique est de
transformer plus en profondeur le système, que ce soit en matière de fonction assurée par
ce dernier (transformer une zone de culture en une zone de pâturage, diversification de
l'activité...), ou bien en termes de localisation du système (migration, repli stratégique). Cette
transformation peut être vue comme une forme de hard adaptation puisque c'est un processus
irréversible, probablement à coûts irrécupérables. Néanmoins, la différence peut se faire au
niveau de l'objectif de cette irréversibilité : en effet, l'objectif de cette irréversibilité n'est pas
d'améliorer la résistance du système étudié, mais de modifier son fonctionnement, ce qui
correspondrait plutôt à l'étape de renouvellement du système51 dans le concept de la
résilience écologique. C'est ce que le CEDD nomme "bifurcations" dans son rapport sur les
coûts de l'adaptation au changement climatique de 2010 [13] (p. 25).
II.3.1.8. Comparaison avec le cadre conceptuel
Ces différentes stratégies font en réalité appel à certaines des qualités exposées dans le cadre
de la résilience, à savoir la flexibilité , un flux plus élevé (ce qui correspond à la réduction de
la durée des investissements), la redondance, les "amortisseurs" (stockage, outils
financiers), l'homéostasie (système d'alerte rapide), et correspondent à une manière
d'opérationnaliser le concept de résilience. Ces stratégies sont de nouvelles façons
d'aborder le processus de prise de décision, dans lequel il devient essentiel de prendre en
compte de l'incertitude, et de fonder ses projections, non pas sur une extrapolation (ou
transposition) du passé, mais sur des hypothèses socio-économiques (scénarios) couplées à
des modèles basés sur le fonctionnement physique du système climatique (et plus globalement
de l'environnement du système en question). Sous un certain angle, cette modification du
51 Par l'intermédiaire de la transformation, le système peut être amené à changer de bassin d'attraction.
86
processus de prise de décisions peut ressembler à une transformation de la culture de
l'Entreprise.
II.3.1.9. Approfondissement sur le sans-regret
La stratégie appelée sans-regret est très souvent citée, notamment dans la littérature
académique. Comme cela correspond à des investissements qui sont bénéfiques même en
l'absence de changement climatique, si ces investissements ne sont pas déjà entrepris, cela
signifie qu'il existe des barrières à ces derniers, tel un coût de transaction élevé ou bien des
barrières institutionnelles, un manque d'information. Ces barrières sont, pour certaines, des
problèmes au niveau de la fonction homéostatique du système (pour faire référence à la notion
de résilience), et peuvent être franchies grâce à de la sensibilisation de la population, à
l'éducation, etc. Généralement, les solutions sans-regret sont des mesures à prendre pour
améliorer les aspects sociaux du système étudié, que ce soit le système de soin dans les pays
en développement, ou bien une meilleure information et une moindre corruption (qui peut
constituer une barrière au changement et engendrer un renforcement de la vulnérabilité). Une
parution académique de 2009, écrite par des chercheurs de la Banque Mondiale, aborde les
bénéfices (sociaux) des solutions sans-regret [65], dans le cadre des pays en développement
principalement. Dans ce cas précis des populations pauvres, même un faible changement
climatique peut avoir, indirectement, des conséquences dramatiques, comme des crises
alimentaires, des épidémies (liées à un problème d'hygiène), un manque d'éducation (du fait
de la nécessité de faire travailler les enfants). Dans ces circonstances, la vulnérabilité,
comprise dans un sens social, est fortement corrélée à la capacité à se remettre d'un aléa, ou
bien à y faire face, et donc fortement dépendante des revenus des foyers. Autrement dit, les
plus pauvres sont également les plus vulnérables.
Cette publication adopte une méthodologie de gestion du risque social (lié au risque
climatique) basée sur la valorisation des ressources, empruntée à la valorisation économique
des entreprises (asset-based approach), dans laquelle les catégories de ressources sont :
productives (humaine, naturelle, physique, financière), sociales et politiques (réseaux,
système social et politique), et géographiques (accès au marché, accès aux infrastructures,
agro-écologie). D'après les auteurs, le contexte politique et institutionnel influence la stratégie
adoptée par les foyers pour allouer ces ressources, et le risque affecte les rendements de ces
allocations (en valeur et en variance). Dans cette conception de la vulnérabilité, le risque se
propage le long de la chaîne, par l'intermédiaire de la sensibilité et de l'exposition, et des
risques pouvant engendrer des pertes, ainsi que de la gestion des risques du foyer considéré
87
(ce qui a été précédemment nommé la capacité d'adaptation pour un système quelconque). Les
ressources interviennent par l'intermédiaire de la sensibilité et de l'exposition (possibilité de
diversifier les sources de revenus, sensibilité climatique des sources de revenus,...). Pour ce
qui est de la gestion des risques, elle peut être à la fois anticipative (avant le choc) et réactive
(après le choc). D'après les auteurs, une gestion des risques réussie aboutit à de la
résilience systémique. Enfin, dans cette approche de la vulnérabilité (et donc de l'adaptation
comme réduction de celle-ci), il convient de prendre en compte les risques directs et
indirects, l'évolution de la fréquence des évènements extrêmes, l'incertitude, l'irréversibilité
des pertes (y compris en terme d'éducation et de malnutrition, et non seulement en termes
financiers et patrimoniaux), et les interactions entre les divers risques des différents secteurs
économiques (eau, agriculture, énergie, tourisme).
Au final, les mesures proposées dans l'article entrant dans le cadre de la stratégie sans-regret
sont multiples : création de fonds sociaux (locaux) semi-autonomes basés sur la communauté
(approche bottom-up) en fonction de la perception locale des risques et garantissant un
transfert de fonds du global au local, des programmes de sécurité (pour éviter les
conséquences des aléas, comme les famines, les épidémies...) ou d'assurance en cas de
catastrophe (permettant aux foyers d'allouer plus de ressources au long-terme), les
programmes de développement (donnant accès aux infrastructures, ce qui améliore
également la résilience aux aléas climatiques), la micro-finance (ce qui permet de diversifier
des sources de revenus et les ressources), les assurances et instruments financiers basés sur
des indicateurs climatiques (vus précédemment, I.2.2). Ces mesures sont effectivement sans-
regret, dans le sens où elles ne sont pas uniquement pertinentes dans le cas du changement
climatique, mais dans le cas d'évènements climatiques extrêmes dans le climat actuel, et dans
le cadre encore plus général du développement. Du fait du caractère sans-regret, il est difficile
de déterminer si justement ces mesures sont réellement des mesures d'adaptation car la
dimension anticipative du changement climatique ne fait que renforcer la nécessité de
développer socialement les territoires, mais cela permet au moins de prioriser l'aide
internationale, et d'intégrer la dimension climatique à la gestion des risques usuels. Cela
correspond donc à une première étape nécessaire de l'adaptation, puisqu'il semble inopportun
d'envisager la protection de la population avant de lui garantir les infrastructures lui
permettant d'affronter plus sereinement les chocs, qu'ils soient climatiques ou non.
88
Pour résumer, il existe diverses classifications des stratégies d'adaptation, selon qu'elles sont
mises en place de façon spontanée (climatisation dans les bâtiments ou les véhicules) ou bien
de façon planifiée, et selon qu'elles ont lieu avant (proactives) ou après un choc (réactives).
Par ailleurs, l'adaptation peut être abordée de façon sectorielle, ou bien de manière transverse.
Comme cela a été mentionné, les approches transverses, en étudiant les activités dans leur
dimension systémique, sont généralement plus efficaces, mais sans doute plus complexes à
mettre en œuvre, du fait même de la spécialisation des activités et du cloisonnement.
Néanmoins, au-delà de cette classification relativement théorique, qui permet d'affirmer qu'il
serait nécessaire d'adopter une stratégie proactive, ne serait-ce que pour faire de l'éducation,
de la sensibilisation et de la recherche, et certaines mesures réactives, entre autres car cela
favorise l'acceptabilité, il est intéressant de discuter des solutions concrètes permettant aux
activités économiques de s'adapter au changement climatique, qui est un phénomène de long
terme et incertain (en intensité et en fréquence, notamment pour les désastres climatiques).
Ces stratégies sont le sans-regret, les options réversibles et flexibles, les marges de sécurité,
les solutions d'adaptation douces, les solutions irréversibles (hard strategies), la réduction de
l'horizon temporel de l'investissement.
Ces stratégies mettent en avant les qualités soutenues par le concept de résilience, à savoir la
flexibilité (à travers la marge de sécurité notamment), le stockage, les boucles de rétroaction
pour faire remonter l'information et ainsi informer la chaîne décisionnelle (fonction
homéostatique), la diversification, ou encore l'augmentation des flux (à travers la réduction de
l'horizon temporel de l'investissement).
Seules les solutions irréversibles (lorsqu'elles ne sont pas l'expression de la transformation de
sous-systèmes du système) ne font pas partie de la résilience (au sens écologique du moins),
mais plutôt de la résistance, et de la robustesse. Cette résistance peut être un moyen de réduire
les pertes en cas d'aléa, en réduisant l'exposition du système, mais par définition réduit la
flexibilité à court et long terme. Ce type de solution peut représenter la meilleure stratégie,
dans le cas où le risque est connu de façon très précise à la fois en intensité et en temporalité
(vitesse du changement par exemple), et qu'il n'existe pas d'alternative réversible.
Enfin, les solutions sans-regret sont proches du développement, et sont bénéfiques même en
l'absence de changement climatique, ce ne sont donc pas stricto sensu des solutions
d'adaptation au changement climatique, mais également de correction du déficit d'adaptation
au climat actuel.
89
II.3.2. Les outils dédiés à l'adaptation
Il existe de nombreux outils servant à l'adaptation au changement climatique, parmi lesquels
des méthodologies permettant d'intégrer le changement climatique à une décision
d'investissement (du type climate proofing du GIZ [66], du UK-CIP52 ou de la Banque
Asiatique de Développement [67] par exemple), d'autres visant à identifier la vulnérabilité
climatique des populations ou bien des différents secteurs économiques (ce qui se présente
sous la forme d'études d'impact climatique, comme celles du DEFRA [68]53 (voir l'Annexe A-
8) qui sont sectorielles et thématiques), ou encore des outils dédiés à l'évaluation et au suivi
de solutions d'adaptation. Comme le montre le document d'orientation de l'OCDE datant de
janvier 2012 (dans sa version révisée) [63], l'adaptation peut être abordée à différents
niveaux, du national à l'échelle "projet", en passant par le niveau sectoriel. Quelque soit le
niveau considéré, les étapes du processus (générique) sont les mêmes, à savoir :
détermination de la vulnérabilité climatique actuelle puis future (en utilisant par exemple des
projections climatiques), identification des mesures d'adaptation envisageables, évaluation et
comparaison de ces mesures, puis évaluation de la réussite de l'adaptation. Ces quatre étapes
font appel aux différents types d'outils cités ci-dessus.
Pour ce qui est des outils dédiés à l'évaluation des risques ou de la vulnérabilité, un
document de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement
Climatique) intitulé "Compendium on methods and tools to evaluate impacts of, vulnerability
and adaptation to, climate change" regroupe l'ensemble des outils existants, qu'il s'agisse des
méthodes usuelles d'évaluation déjà présentées (ACB, ACE, AMC), ou bien d'outils dédiés
(Tool for Environmental Assessment Management (TEAM), Adaptation Decision Matrix
(ADM), Business Area Climate Impacts Assessment Tool (BACLIAT)...) (voir Annexe A-3 à
Annexe A-7). Étant donné la quantité d'outils existants, il n'y aura pas de comparaison ni
même de liste exhaustive qui sera donnée dans ce document, et le lecteur est invité à se référer
au compendium de la CCNUCC [69], ou bien à un document de travail de l'OCDE sur
l'harmonisation des outils, dans lequel ces derniers sont comparés [70]. D'autres documents
inventorient également les méthodes utiles à l'évaluation d'impact climatique, et à la définition
d'une stratégie d'adaptation, comme le guide du PNUE [71], ou bien encore un document de
travail de l'Agence de Coopération Internationale Japonaise (JICA) qui regroupe non
seulement les stratégies d'adaptation mais également les outils existants (portails web,
52 http://www.ukcip.org.uk/tools/portfolio/ 53 http://www.defra.gov.uk/environment/climate/government/
90
comparaison des scénarios, modèles...) [72]. Cette étape est cruciale puisqu'elle détermine les
risques qui seront pris en compte dans l'évaluation, et d'une certaine manière, oriente les
points sur lesquels l'accent sera mis en termes de vulnérabilité : élévation du niveau de la mer,
hausse des températures, sécheresse, inondation, évènements climatiques extrêmes... Afin de
déterminer la vulnérabilité du projet étudié à chacun de ces risques présélectionnés, il est
nécessaire d'estimer d'une part la sensibilité, et d'autre part l'exposition (laquelle est fonction
de l'implantation géographique). Sur la manière d'estimer la sensibilité, il n'y a pas de
méthode qui fait consensus au sein de la communauté des praticiens de l'adaptation au
changement climatique, comme en témoigne le document de travail de l'OCDE datant de
2011 [70].
Vient ensuite l'étape servant à identifier les solutions d'adaptation (généralement
technologiques) possibles pour réduire la vulnérabilité estimée lors de la première étape. Il
existe plusieurs portails d'échanges de connaissances autour du changement climatique,
comme l'Adaptation Learning Mechanism (ALM)54, Climate Adaptation Knowledge Exchange
(CAKEX)55, weADAPT56, ou encore la plateforme de l'Union Européenne CLIMATE-
ADAPT57. Par ailleurs, un autre outil informatique permet plus précisément d'identifier des
solutions technologiques d'adaptation pour faire face à un risque précis (érosion côtière,
submersion marine, adaptation des semences, irrigation...), le Climate Tech Wiki58. En plus
de fournir une fiche pour chacune des options technologiques sur laquelle figurent les
avantages et inconvénients et les références dans la littérature académique abordant l'option
en question, cet outil référence les projets utilisant ces solutions d'adaptation à travers le
monde. En outre, un document de travail rédigé dans le cadre du plan national hollandais de
planification à 2050 référence de nombreuses mesures d'adaptation à travers de nombreux
secteurs. Ce rapport peut être une première approche d'une liste non-exhaustive mais
relativement fournie des options d'adaptation [73]. Enfin, le portail de la Banque Mondiale
dédié au changement climatique référence la plupart des outils cités ici, ainsi que des outils
d'atténuation, des cartographies du changement climatique (actuel et futur selon les scénarios
54 http://www.adaptationlearning.net/ 55 http://www.cakex.org/ 56 http://weadapt.org/ 57 http://climate-adapt.eea.europa.eu/web/guest/home 58 http://climatetechwiki.org/
91
et les différents modèles), et d'autres portails de données utiles dans le cadre du changement
climatique59.
Une fois que les solutions d'adaptation sont listées, il faut comparer ces solutions afin de
choisir celle qui sera adoptée. C'est à cette étape que les outils comme l'ACB, l'ACE ou
l'AMC peuvent être employés. Selon les acteurs, la méthode utilisée sera différente, mais très
souvent dans le cadre de l'adaptation l'AMC est utilisée, car elle permet de prendre en compte
des critères non-économiques, voire non quantifiables. Cette Analyse Multi-Critères se
présente souvent sous la forme d'une matrice de décision, faisant intervenir autant de
dimensions que de critères pertinents, et permettant, à travers une pondération de ces critères,
d'aboutir à un score final. Ce score final permet de hiérarchiser les solutions et ainsi de
prioriser l'action, mais a l'inconvénient d'introduire une part d'arbitraire par la pondération.
L'USAID utilise une matrice de décision pour comparer les options d'adaptation, dont les
critères sont : efficacité, coût, faisabilité technique, faisabilité sociale et culturelle, besoins en
assistance, adéquation au climat actuel, rapidité de mise en œuvre, cohérence avec la politique
du gouvernement [22].
Enfin, la dernière étape correspond au suivi et à l'évaluation de la réussite du projet. De
manière générale, les critères permettant d'évaluer un projet d'adaptation sont [20] : la
faisabilité, l'efficacité, l'effectivité, l'acceptabilité (la légitimité), l'équité et enfin la durabilité
de la mesure. Ces critères sont proches de ceux utilisés dans la matrice de décision de
l'USAID. En entrant dans les détails des outils d'évaluation et de suivi, on remarque que de
nombreux outils différents existent, comme en témoigne un document du GIZ qui traite
spécifiquement cette question [74]. Suivant l'objectif de la mesure (réduction de la
vulnérabilité sociale, économique, physique...) les critères appartiendront à des domaines
différents, et il n'existe pas d'outil d'évaluation universel, chaque institution mettant en place
sa propre grille d'appréciation, selon les éléments qu'elle souhaite favoriser dans les projets
qu'elle soutient.
Il y a une autre manière d'aborder les différents instruments qui existent, qui correspond à
la caractérisation qui a été employée par l'OCDE [70], à savoir que ces instruments peuvent
être répartis en trois grandes catégories : les outils d'accompagnement au cours du
processus (évaluation des risques, identification des solutions, comparaison des solutions,
implémentation), les outils fournissant des données climatiques, et les outils permettant
59 Climate Change Knowledge Portal : http://sdwebx.worldbank.org/climateportal/index.cfm
92
d'échanger des connaissances. Ce document compare les différents outils qui existent, et les
classe selon ces trois catégories, en mentionnant les particularités de chacun d'eux. Par
exemple, pour la première catégorie, plusieurs fonctions peuvent être assurées par ces
instruments, à savoir la communication/sensibilisation des acteurs, l'identification des risques
(ou de la vulnérabilité), l'évaluation des risques (ou de la vulnérabilité), la mise en œuvre et le
suivi/l'évaluation. Tous les instruments n'assurent pas toutes ces fonctions, certains sont
dédiés à l'estimation de la vulnérabilité (comme le document de climate proofing du GIZ),
tandis que d'autres traitent plutôt l'étape de mise en œuvre (à l'image du UK-CIP Wizard).
Enfin, il est important de signaler que ces trois catégories d'instruments ont leur rôle à jouer
dans l'adaptation, même si on ne pense pas souvent à la partie dédiée à l'échange de
connaissance (à travers des plateformes). En effet, le retour d'expérience dans l'adaptation
ne doit pas être négligé, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Union Européenne dispose
désormais d'un tel outil.
Pour résumer, les outils et méthodes utiles dans le cadre de l'adaptation au changement
climatique sont très nombreux. Ils peuvent être répartis en trois types : ceux qui traitent
l'accompagnement au cours de l'adaptation (dans lesquels on retrouve les instruments
d'identification des risques pertinents à considérer, l'évaluation de la vulnérabilité, la
détermination des mesures d'adaptation possibles, le choix de la mesure d'adaptation, et le
suivi et l'évaluation de la réussite du projet), ceux qui fournissent des données climatiques
permettant de connaitre les aléas climatiques auxquels sera exposé le projet (hausse des
températures, modification des précipitations, remontée du niveau de la mer...) et ceux qui
permettent aux praticiens d'échanger leurs connaissances afin de gagner en expérience. Une
grande partie des outils sont développés par des acteurs du développement (ADB, OCDE,
USAID...) et d'autres sont le fruit d'ONG. Ces outils peuvent être sectoriels (la forêt, la pêche,
les transports...) ou bien thématiques (la gestion du trait de côte, la santé,...), et être utilisables
dans le cadre de l'évaluation de programmes stratégiques entiers, ou bien d'un projet unique,
et concerner un territoire très vaste (global) ou plus restreint (local). Une harmonisation des
outils pourrait être une idée a priori pertinente, néanmoins la grande diversité résulte du fait
que chaque institution a créé son propre outil qui lui était parfaitement adapté, ce qui signifie
que chacune d'elles a pu s'approprier la problématique du changement climatique et de
l'adaptation, et développer une méthodologie que les acteurs (et futurs utilisateurs)
approuvent, ce qui en facilite le déploiement.
93
II.4. LA MALADAPTATION DANS LA PRATIQUE
Tout comme pour l'adaptation, avant d'aborder la question de la maladaptation dans la
pratique, il est utile de présenter une définition utilisable de la maladaptation, le cadre
conceptuel de celle-ci n'étant pas tout à fait opérationnel.
II.4.1. Les critères de jugement de la réussite de l’adaptation
Si la question de la maladaptation peut se poser, cela signifie que l'adaptation peut être un
échec. Dans la littérature académique, il est parfois mentionné que l'adaptation peut ne pas
être réussie, du fait des différentes échelles temporelles et spatiales impliquées dans le
processus d'adaptation [75].
Par exemple, si la réussite de l'adaptation est jugée d'après les critères identifiés
précédemment (efficacité, effectivité, légitimité, coût, équité) le périmètre d'étude a un rôle
capital : un projet peut paraître totalement légitime et équitable à une échelle, et perdre de sa
justice lorsque ce périmètre est élargi. Il en est de même lorsque l'horizon temporel est
allongé. À court-terme une solution peut sembler bénéfique, mais ne plus l'être à long-terme,
notamment si celle-ci conduit à renforcer le changement climatique.
Dans le même ordre d'idée, certains types d'acteurs ont plutôt intérêt à se préoccuper du court
et du moyen terme (dans le cadre de changement de type de culture par exemple) que du long
terme, car ce dernier ne paraît pas pertinent, tandis que certains acteurs doivent
nécessairement prendre en compte le court, le moyen mais également le long terme. C'est le
cas des acteurs dont les investissements ont une longue durée de vie (infrastructure de
transport, d'énergie, bâtiments...).
Par ailleurs, suivant le type d'acteur menant l'étude, les critères choisis pour juger l'adaptation
pourront varier : un acteur économique du secteur privé prendra en compte l'efficacité
économique, tandis qu'une ONG active dans le domaine social prendra plus en compte
l'efficacité sociale. C'est pourquoi le fait qu'une solution soit jugée bonne ou mauvaise dépend
fortement du contexte.
D'après l'article de Neil Adger et al. de 2005 [75], les mesures visant à réduire l'exposition
ou bien la sensibilité à un aléa climatique sont celles qui ont le plus de chances d'avoir des
impacts sur d'autres éléments de l'environnement physique ou écologique, tandis que celles
visant à augmenter la résilience seraient moins susceptibles d'avoir des conséquences
négatives imprévues sur d'autres éléments.
94
De plus, une mesure mise en place dans l'optique de réduire la sensibilité à un aléa climatique
a une effectivité qui dépend du changement climatique lui-même, comme dans le cas d'une
digue dont l'effectivité dépend de la remontée du niveau de la mer, or ce changement à long-
terme présente de grandes incertitudes en amplitude. En outre, une mesure ayant pour objectif
de réduire l'impact climatique, comme les remblais contre les inondations, ont généralement
pour conséquence d'augmenter les risques d'inondation ailleurs. Ce n'est donc qu'un transfert
de vulnérabilité. D'autre part, les mesures d'adaptation dont l'efficacité est estimée en ne
prenant en considération que les biens valorisables sur le marché, risquent de très nettement
sous-estimer à la fois les coûts et les bénéfices associés.
Lorsqu'il est question de l'équité de la mesure d'adaptation, il semblerait que les stratégies
d'adaptation anticipatives (ou proactives) qui visent à amortir les effets du climat sur les
populations exposées et à faciliter le retour à la situation initiale à la suite d'un choc, peuvent
permettre de rétablir les équilibres entre les différents acteurs. À l'inverse, il semblerait que
les mesures réactives visant à reconstruire après un évènement climatique extrême tendent à
exacerber les inégalités.
Pour conclure sur l'article de Neil Adger et al. de 2005 [75], la réussite de l'adaptation et par
là-même l'évitement de la maladaptation doit se juger sur quatre critères, que sont l'efficacité,
l'effectivité, la légitimité et l'équité, et ce à différentes échelles, à la fois de temps et
d'espace, ce qui peut nécessiter une modification des processus de prise de décision, comme
cela avait été mentionné par ailleurs.
II.4.2. La définition de Successful Adaptation
Mais les auteurs de cet article sont ensuite allés plus loin dans la définition d'une adaptation
réussie (successful adaptation), en employant la méthode Delphi60 et en présentant les
résultats dans une publication de 2009 [18]. La définition qui a émergé de ce processus est la
suivante : "Successful adaptation is any adjustment that reduces the risks associated with
climate change, or vulnerability to climate change impacts, to a predetermined level, without
compromising economic, social, and environmental sustainability." Au delà de la définition
elle-même, ce processus a permis de faire apparaître les points de discorde au sein de la
communauté traitant la question de l'adaptation. Les principaux points de désaccords au cours
du processus ont été la détermination du cadre le plus approprié pour traiter l'adaptation
60 Cette méthode consiste à soumettre un panel d'experts à un questionnaire, de faire la synthèse des réponses, laquelle est soumise à ce même panel, qui est invité à débattre, et recommencer le même processus, jusqu'à aboutir à un consensus.
95
(approche par les risques, ou bien approche par la vulnérabilité, ou alors bien-être
économique), le fait d'intégrer ou non l'atténuation dans la définition de l'adaptation, et le
troisième désaccord reposait sur la manière d'inclure la durabilité dans la définition. Par
ailleurs, la question de l'horizon temporel auquel l'adaptation devait être évaluée n'a pas
trouvé de consensus, restant donc sans réponse. Enfin, les auteurs ont également conclu de
leur étude que l'évaluation de la réussite ou non d'une mesure d'adaptation devait être faite par
les premiers concernés par celle-ci (ceux la mettant en place, ou bien ceux étant affectés par
celle-ci), et non par des experts, dont le rôle devait être limité à de l'accompagnement.
II.4.3. Les cinq types de maladaptation
Plus récemment encore, la maladaptation a été le sujet de l'éditorial de la revue Global
Environmental Change, rédigé par Jon Barnett et Saffron O'Neill [76]. Dans celui-ci, les
auteurs définissent la maladaptation comme une mesure visant à réduire la vulnérabilité au
changement climatique, mais qui conduit en réalité à des impacts négatifs ou à une
augmentation de la vulnérabilité d'autres systèmes secteurs ou groupes sociaux. Il y a selon
eux cinq types différents de maladaptation. Ainsi, une solution est considérée comme étant
de la maladaptation si, comparativement aux alternatives, elle : augmente les émissions de
GES, pèse de façon disproportionnée sur les plus vulnérables, présente un coût (économique,
social ou environnemental) d'opportunité élevé, réduit les incitations à l'adaptation ou bien
présente une dépendance au chemin technologique pour les générations futures. Ces cinq
types sont illustrés dans l'article par le cas de la gestion de l'eau à Melbourne. En effet, cette
ville connait des déficits de précipitation régulièrement depuis plusieurs années, et pour faire
face à cette situation qui est vouée à s'aggraver du fait du changement climatique, les pouvoirs
publics ont pris deux mesures : l'installation d'une usine de dessalement d'eau de mer, et la
construction d'un pipeline pour transporter l'eau de la région du Nord de Victoria vers la ville
de Melbourne.
D'après cet article, ces deux projets sont des exemples de maladaptation, par rapport à une
solution alternative qui pourrait consister à réduire la demande d'eau (et non à augmenter
l'offre) en agissant sur les fuites du réseau, sur le comportement des utilisateurs, ou bien
même en faisant appel au recyclage des eaux usées ou à la récupération des eaux de pluie.
Pour ce qui est de l'augmentation des émissions de GES, les deux projets consomment de
l'énergie, et créent ainsi une boucle de rétroaction positive en renforçant le changement
climatique futur (répondre à la cause en augmentant les effets l'ayant engendrée).
96
En ce qui concerne le fait de peser sur les plus vulnérables, comme les deux projets vont
entraîner une augmentation du coût de l'eau, cela va impacter de façon plus importante les
foyers dont les revenus sont faibles que les autres foyers, et qui n'ont pas la possibilité de
réduire leur consommation d'eau, celle-ci étant majoritairement liée à des besoins de base.
Ensuite, le coût économique des deux projets sélectionnés par les pouvoirs publics est plus
élevé que leur alternative, qui est de récupérer les eaux usées et de les traiter avant de les
réutiliser et de récupérer les eaux de pluie. Par ailleurs, le coût environnemental de l'usine de
dessalement est également plus élevé, du fait des rejets de sel qui entraîne une augmentation
de la salinité, et a des conséquences sur la vie des organismes aquatiques.
Vient ensuite la réduction de l'incitation à l'adaptation. En effet, de nombreux foyers de
Melbourne avaient réduit leur consommation (en réduisant la durée des douches, en
récupérant les eaux de pluie...) pour être en mesure de faire face à une pénurie d'eau, or cette
tendance pourrait être remise en question avec le projet d'usine de dessalement, qui élimine
(du moins à court-terme) le risque de pénurie, en créant une dépendance inutile à l'énergie,
nécessaire au fonctionnement de cette usine.
Enfin, les deux projets choisis sont irréversibles et créent une dépendance à une trajectoire
technologique, puisque ces projets nécessitent la vérification d'hypothèses sur la
consommation future d'eau pour être amortis.
Dans la conclusion de cet article, les auteurs mentionnent que la maladaptation a des chances
de se produire du fait du retard entre les changements institutionnels et les changements
du climat. Une fois de plus il est question de modifier le processus de prise de décision, qui
corrobore ce qui a été précédemment exposé.
II.4.4. Le risque de maladaptation en fonction de la stratégie
Dans une section d'ouvrage actuellement sous presse, les deux mêmes auteurs poursuivent
leur réflexion sur la maladaptation [77], et défendent l'idée que le risque de maladaptation
varie selon la manière dont la mesure d'adaptation tente de réduire la vulnérabilité. En
particulier, les mesures ayant pour objectif de réduire l'exposition au changement climatique
ont de très fortes chances d'être de la maladaptation, celles visant la réduction de la sensibilité
ont un risque modéré de maladaptation, et celles ayant pour but d'augmenter la capacité
d'adaptation ont un risque faible d'être de la maladaptation, en prenant comme critères de
maladaptation, les cinq décrits au dessus. Pour expliquer cela, les auteurs utilisent l'exemple
des mesures d'adaptation à la remontée du niveau de la mer dans les îles du Pacifique.
97
Les mesures conduisant à l'augmentation de la capacité d'adaptation sont en réalité les
mesures sans-regret : éducation, assurances, sensibilisation de la population des côtes,
renforcement des infrastructures de soin... Ces mesures ont un risque faible d'être
maladaptées, car elles ne sont pas intensives en émissions de GES, elles sont équitables à
partir du moment où elles ne sont pas dédiées à une partie de la population, elles ne présentent
pas de coût d'opportunité élevé puisqu'elles ont un coût relativement faible et de multiples
bénéfices, elles ne créent pas de nouvelles dépendances ni découragent les premiers acteurs
qui ajustent leur mode de vie, et elles ne limitent pas la flexibilité future puisqu'au contraire
elles l'augmentent.
Dans le cas de la remontée du niveau de la mer dans les îles du Pacifique, les mesures visant
la réduction de la sensibilité comprennent les systèmes de construction portable,
l'amélioration des normes de construction pour prendre en compte la remontée, le repli
stratégique. Ces mesures présentent un risque de maladaptation modéré, car elles peuvent
engendrer une augmentation (au moins temporaire) des émissions de GES liées par exemple à
la construction, elles peuvent ne pas être équitables et peser plus lourdement sur les plus
vulnérables (cela dépend des endroits où se trouvent les protections des côtes, et de la manière
dont les coûts sont couverts), et elles peuvent présenter un coût élevé (en particulier
lorsqu'elles comprennent de la construction, comme les digues), et un coût d'opportunité
élevé, du moins si ces mesures sont prises immédiatement, puisqu'elles nécessitent, pour être
sans-regret, que le climat change comme cela avait été anticipé. Enfin, ces mesures peuvent
créer un aléa moral comme cela a été dit précédemment, qui va conduire la population à
s'installer en zone à risque, et qui va réduire l'incitation à se déplacer.
Enfin, les mesures qui ont pour but de réduire l'exposition aux aléas ont un risque de
maladaptation élevé. Dans le cas de la remontée de la mer, ces mesures correspondent aux
modifications significatives de l'environnement (développement de polders, drainage des sols,
élévation du sol...) et au déplacement massif de la population. Ces mesures entraînent des
émissions de GES élevées, présentent un coût élevé (pour la construction ainsi que pour la
maintenance), la migration forcée comporte un coût social très élevé (perte de la culture,
destruction de la valeur d'agrément...), et elles créent une dépendance extrêmement forte tout
en réduisant les adaptations futures possibles.
Pour conclure sur cet article, il semblerait donc que les approches top-down, qui sont
généralement des solutions mettant en œuvre la construction d'infrastructures (pour la
réduction de la sensibilité ou bien de l'exposition) ont plus de chances d'être maladaptées
98
que les approches bottom-up, provenant de la communauté et s'intéressant à augmenter la
capacité d'adaptation (à travers des mesures sans-regret voire des stratégies d'adaptation
douces).
II.4.5. Les solutions techniques et technologiques
Pour aller plus loin, il semblerait que les solutions technologiques soient de plus en plus
étudiées et débattues dans le cadre du changement climatique. D’après la revue de littérature
sur le risque et les dangers dans nos sociétés, présentée dans un article du Global
Environmental Change [78], trois approches théoriques semblent utiles dans ce cadre.
II.4.5.1. La confiance accordée à la technique
Tout d’abord, d’après les travaux de l’anthropologue Mary Douglas, le discours fondé sur la
technologie provient d’une confiance culturellement ancrée que notre société accorde à la
science et la technique, et du fait que l’Homme est vu comme capable et en droit de contrôler
la Nature (son Environnement). Cette vision du monde est associée à une recherche
perpétuelle de la croissance, paradigme dans lequel la science et la technique sont vues
comme le moyen de toujours parvenir à cette croissance, qui serait donc sans limite. Cela
permet donc de comprendre la raison pour laquelle la société se dirigerait spontanément vers
des solutions technologiques.
II.4.5.2. La théorie de la société du risque
Ensuite, la théorie de la société du risque du sociologue allemand Ulrich Beck permet
d’approfondir la question de la modernisation de la société. Selon cette théorie, il existerait
une tension entre une dépendance accrue à l’expertise pour la gestion des systèmes complexes
(liée à une sur-spécialisation mentionnée précédemment) et une méfiance grandissante à
l’égard des experts venant de l’opinion publique. Or, selon Beck les sociétés traditionnelles
des pays occidentaux sont devenues des sociétés modernes, fondées sur la science et la
confiance accordée aux experts. En retour, cette modernité s’est accompagnée de nouveaux
risques et dangers, créant par là ce qui est appelé la société du risque, et qui se caractérise par
une importance toujours plus grande des effets secondaires (« the age of side effects »), par
lesquels des évènements inattendus et imprévisibles surviennent, rompant ainsi avec l’idée du
progrès linéaire. Par ailleurs, Beck fait une distinction importante entre la modernité simple
(celle du début, caractérisée par un progrès linéaire) et la modernité réflexive (celle de « la
société du risque »). Pour la première, la société accorde sa confiance à la science et la
technique qui lui apportent des bienfaits, et qui est caractérisée par la connaissance, tandis que
99
le second cas est caractérisé par une incertitude croissante, y compris de la part de la science
et de la technique. Cette seconde modernité est ce que Beck nomme la société de « la non-
connaissance » (non-knowledge).
II.4.5.3. Les systèmes complexes
Cette vision peut être complétée par l’analyse des systèmes complexes du sociologue
américain Charles Perrow. D’après les travaux de ce chercheur, un système complexe
comporte plusieurs sous-systèmes qui peuvent être proches, et qui peuvent présenter des
connexions communes, avec certains composants du système. À l’inverse, un système simple
(linéaire) présente une séparation spatiale et temporelle entre ses divers processus et unités.
Ainsi, les systèmes complexes sont plus efficaces, mais les systèmes simples sont moins
risqués. Par ailleurs, un second point remarquable de l’analyse de Perrow est que les
systèmes complexes dont les sous-systèmes sont fortement interdépendants ne comportent pas
de moyen d’absorber les chocs entre les divers éléments, ce qui s’apparente à une cohérence
élevée (d’après la dénomination de Roy Rappaport) et qui conduit à une rigidité structurelle.
D’après Charles Perrow, les solutions technologiques tendent à accroître la complexité du
système et à resserrer le couplage des différents sous-systèmes, autrement dit à augmenter la
cohérence dudit système, et donc à rigidifier la structure du système, le rendant ainsi moins
capable de s’adapter et d’absorber les chocs.
II.4.5.4. La théorie des risques appliquée au dessalement
La question du dessalement de l'eau de mer dans le cadre de l'adaptation et de la
maladaptation est donc particulièrement intéressante, car elle soulève de nombreux débats sur
ce qu'on entend par maladaptation. La publication dont est tirée la revue de littérature sur les
risques, présente le dessalement de l'eau de mer comme "the advent of maladaptive climate
responses"61 [78]. Alors que selon les auteurs la « crise climatique » aurait pu fournir
l’impulsion nécessaire à la transformation en profondeur de notre économie non soutenable
basée sur la consommation de produits et services dont la production est énergivore et conduit
à d’importantes émissions de GES, dans la pratique le discours encadrant l’adaptation au
changement climatique est bien plus timoré, et est de plus en plus focalisé sur les solutions
techniques et technologiques permettant de maintenir un développement dans les conditions
(non-soutenables et inéquitables) actuelles.
61 L'avènement des réponses climatiques maladaptées.
100
Dans cet article, les réponses au changement climatique qui sont inflexibles, statiques vis-à-
vis des évolutions des conditions climatiques, non participatives (donc dirigées par des
experts), peuvent être considérées comme maladaptatives, si en définitive elles
augmentent la vulnérabilité existante, en créent une nouvelle, ou bien la transfèrent d’un
système à un autre.
Pour illustrer leur propos, les deux chercheurs présentent un projet de dessalement à la
frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans le golfe de Californie. Ce projet binational
entre le Sonora (état du Nord du Mexique) et l’Arizona a pour objectif d’augmenter l’offre
en eau pour ces deux états. L’usine à proprement parler doit être installée du côté mexicain, à
Puerto Peñasco qui est une station balnéaire récente, très prisée de la population d’Arizona.
L’eau est un élément clé dans le développement économique de cette région, du fait
notamment du tourisme, or les nappes phréatiques appauvries ne permettent plus de maintenir
cette croissance. De l’autre côté de la frontière, l’eau dessalée serait le moyen de garantir
l’approvisionnement en eau des villes de l’Arizona et du Nevada que sont Phoenix, Tucson
et Las Vegas, tout en alimentant les infrastructures agricoles de Yuma. Ainsi, les autorités
municipales de Puerto Peñasco d’une part, et les représentants des gestionnaires de la
ressource en eau du Nevada et d’Arizona d’autre part, voient dans ce projet d’usine de
dessalement l’unique solution au problème actuel d’approvisionnement en eau. Ce projet
aurait donc la faveur des pouvoirs publics locaux, mais également celle de la banque
participant au financement de ce projet, la NADB (North American Development Bank)62.
Pourtant, en effectuant une analyse du risque s’appuyant sur les théories du risque exposées
précédemment, les auteurs montrent que le projet de dessalement n’est pas le meilleur.
Sur le plan de la production de risques, il faut garder à l’esprit que l’augmentation de la
consommation d’eau nécessitant selon certains, une augmentation de la distribution d’eau, est
consécutive de l’urbanisation et de l’industrialisation de la frontière en question, associées à
un mode de vie dans lequel la consommation d’eau est importante, ce qui a conduit à rendre
cette région aride très vulnérable à la pénurie d’eau. Il semblerait donc que cette vulnérabilité
soit le fruit de l’idée (culturellement ancrée) selon laquelle la Nature est robuste, et l’Homme
est capable et en droit de la contrôler, reposant sur une confiance en la science et la technique,
poussée à son paroxysme.
62 Jorge Garcés, Directeur Général de la NADB a dit lors d’une conférence que : « Desalination will be an important part of meeting future water needs »
101
En ce qui concerne le deuxième point relatif à l’anticipation des risques, bien que peu de
littérature s’intéresse de près aux impacts des projets de dessalement sur l’ensemble du
système social, il est possible d’anticiper au moins partiellement les conséquences d’un tel
projet. En utilisant l’analyse des systèmes complexes proposée par Beck et Perrow, il
semblerait qu’une usine de dessalement soit susceptible de comporter des effets secondaires,
en plus de ses effets directs négatifs, comme les rejets de produits ayant servi au procédé
d’osmose inverse, ou la dispersion du sel dans la mer entraînant une augmentation de la
salinité, laquelle pourrait avoir des répercussions sur les organismes aquatiques. Ces effets
indirects sont majoritairement une consommation énergétique importante63, qui
s’accompagne généralement d’émissions de GES (si l’énergie utilisée pour alimenter le
processus d’osmose inverse est renouvelable, alors c’est autant d’énergie qui ne substituera
pas de sources fossiles, et qui ne réduira donc pas les émissions de GES). Par ailleurs, en
créant un lien fort entre eau et énergie, le coût de la ressource en eau devient plus volatil, du
fait de la volatilité du coût de l’énergie, et du fait qu’une part plus faible du coût est composée
des coûts fixes pour le cas du dessalement.
D’après la théorie de Perrow, le dessalement augmente la cohérence et la complexité du
système, en rapprochant l’énergie et l’eau, sur le plan fonctionnel mais parfois également
structurel (quand l’usine de dessalement et la centrale électrique sont installées à proximité
l’une de l’autre pour profiter de la génération de chaleur par exemple). En outre, cette
situation pourrait créer une vulnérabilité géopolitique nouvelle, l’usine de dessalement ne se
trouvant plus sur un territoire sous la juridiction de ceux profitant de la ressource en eau.
Enfin, un autre impact indirect majeur de ce projet est l’incitation à la croissance de
l’urbanisation , rendue possible par le détachement de la contrainte sur la ressource en eau
qui avait limité cette urbanisation. Celle-ci a généralement des conséquences
environnementales significatives, comme la pollution de l’air, de l’eau, la fragmentation des
habitats, la salinisation de l’agriculture, la perte de biodiversité… qui n’ont pas
nécessairement d’impact sur le changement climatique, mais qui peuvent limiter la flexibilité
du système, en particulier dans le cas de l’érosion de la biodiversité, qui nuit à la résilience
écologique.
Concernant l’identification des gagnants et des perdants, comme dans le cas de Melbourne,
il semblerait que ce projet permette principalement le développement des complexes
63 environ 20 fois plus que le pompage de l’eau souterraine stockée à 60 mètres, 10 fois plus que le traitement des eaux de surface, et 4 fois plus que le traitement et la réutilisation de l’eau.
102
touristiques, au détriment de la population locale qui verrait le coût de l’eau augmenter, ce
qui aurait un impact social non négligeable. En effet, les foyers ayant les revenus les plus
faibles seraient plus sévèrement touchés que les foyers plus aisés, l’élasticité prix des
premiers étant d’environ -0.53 alors que celle des seconds serait de -0.1164. Cependant, en
termes environnementaux, le bilan net n’est pas évident, puisque les impacts directs et
indirects sont certes nombreux, mais les bénéfices peuvent l’être également (comme la
reconstitution des aquifères souterrains).
II.4.5.5. Conclusion
Ainsi, il semblerait que les solutions d’adaptation technologiques (ou concrètes), qui
viseraient à répondre aux problèmes en se basant sur la même logique (technique) que celle
qui a mené à cette situation dans laquelle le système est cohérent et donc rigide, conduirait
notre système à précipiter cette crise climatique, ou du moins, réduirait d’autant la capacité du
système à se transformer et évoluer du fait de son interaction avec son Environnement. C’est
cette même logique qui, catalysée par le discours scientifique présentant le changement
climatique comme un phénomène abrupt, irréversible et catastrophique, donne lieu à des
propositions de géo-ingénierie, visant par exemple à contrôler le rayonnement solaire arrivant
sur Terre ou encore à réfléchir ce rayonnement grâce à la pulvérisation massive d’aérosols
dans l’atmosphère. Les solutions technologiques auraient donc, en un sens, de fortes
chances d’être de la maladaptation.
Une autre publication plus ancienne (datant de 2001) s’attachant à exposer les options
d’adaptation dans le secteur de l’eau pour le court-terme (10 ans) dans un contexte de
changement climatique au Canada [79], présente également les mesures de conservation de la
ressource comme appropriées, tandis que les grands projets nécessitant des capitaux
importants (à l’image des pipelines ou des réservoirs de stockage) augmentent la vulnérabilité
« en promouvant les comportements maladaptatifs »65 et sont donc inappropriés.
Pour conclure cette sous-section, comme les deux auteurs de l’article de 2012 du Global
Environmental Change [78] le suggèrent, il semble nécessaire d’aborder l’adaptation comme
un processus dynamique fondé sur l’apprentissage social entre, ainsi qu’au sein, des
institutions. En outre, du fait des contradictions inhérentes entre d’une part les moteurs du
64 pour une augmentation du coût de l’eau de 10 %, une réduction respective de 5.3 % et 1.1 % de la consommation. 65 « In contrast, major capital projects such as pipelines or new storage reservoirs are expensive, increase vulnerability (by promoting maladaptive behaviours), have the potential for significant environmental impacts, and represent a form of subsidy. Therefore, […] such measures are inappropriate.” [79] p.242
103
capitalisme que sont la croissance et l’expansion, et d’autre part la conservation de la
ressource en eau et la protection de l’environnement, il semblerait que toute intervention ne
prenant pas en compte cette contradiction serait un échec, comme le suggère l’analyse des
risques. Par conséquent le changement climatique est une opportunité pour modifier en
profondeur l’orientation des institutions de nos sociétés, dans une direction plus soutenable, et
plus équitable. Cette transformation ne pouvant se faire de façon abrupte, un processus
transitionnel au cours duquel des mesures coercitives de limitation de l’expansion et de la
consommation d’eau (notamment) ainsi qu’une tarification plus équitable des ressources
seraient mises en place, afin de garantir la sécurité sociale et environnementale de la
population.
Pour résumer, selon Jon Barnett et Saffron O’Neill qui utilisent la définition du GIEC pour
la maladaptation, il y aurait cinq manières de se trouver dans une situation de maladaptation
au changement climatique. À savoir si la politique va à l’encontre de l’atténuation (notion
d’efficacité), si elle pèse sur les plus vulnérables (notion d’équité), si elle présente un coût
(social, économique ou environnemental) trop élevé (notion d’efficacité), si elle crée une
dépendance technologique (notion d’irréversibilité) ou bien si elle réduit l’incitation à
l’adaptation des modes de vie.
Une autre catégorisation des voies vers la maladaptation est rattachée à la manière dont
l’adaptation tente de réduire la vulnérabilité. Il semble que les stratégies qui cherchent à
augmenter la capacité d’adaptation ont un risque faible d’être de la maladaptation, tandis que
celles dont l’objectif est de réduire la sensibilité et l’exposition ont respectivement un risque
modéré et élevé d’être de la maladaptation au changement climatique.
Ainsi, il apparait que pour limiter les risques de maladaptation il soit pertinent de mettre en
place des mesures favorisant la résilience des systèmes socio-économiques, ce qui passe par la
flexibilité, la redondance, l’homéostasie, la planéité (ou décentralisation de certaines prises de
décision), la diversification et des espaces tampons pour amortir les chocs.
Enfin, en ce qui concerne le cas spécifique des solutions techniques ou technologiques mises
en place pour l’adaptation au changement climatique, il y aurait de fortes chances pour que ce
soit de la maladaptation, car elles créent de l’irréversibilité, de la cohérence et qu’elles sont
non-participatives. Ce point de vue est également la conclusion de l'application de la théorie
des risques, selon laquelle les solutions techniques ou technologiques augmentent la
vulnérabilité, en créent de nouvelles, ou bien la transfèrent juste d'un système à un autre.
104
III. UN OUTIL POUR LA MALADAPTATION DES PROJETS
Bien que l’identification de la maladaptation paraisse relativement claire, il apparait qu’il
n’existe pas d’outil permettant de juger de la maladaptation à l’échelle d’un projet. Or dans le
contexte du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, une mesure a émergé de
la concertation grenelle préliminaire, visant à limiter cette maladaptation dans les
investissements publics (et privés). Ce chapitre aborde spécifiquement cette mesure.
Dans une première section sera exposée l’approche globale qui a été retenue pour la
conception de l’outil66 en précisant notamment les critères employés et les justifications de
l’utilisation de ceux-ci. La deuxième section est consacrée à la présentation d’études de cas
qui permettent de juger des capacités de cet outil sur diverses catégories de projets (eau,
énergie, d’adaptation), et d’en montrer les limites.
III.1. L’APPROCHE GLOBALE
Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique qui faisait suite à la Stratégie
Nationale d’Adaptation, a été adopté par la France en 2011. Bien que l’adaptation soit
majoritairement une question de protection des biens privés et non des biens publics comme
l’est l’atténuation, l’action de l’État dans ce domaine est justifiée pour plusieurs raisons,
explicitées au début du II.3.1 (p.81). Outre ces justifications, il semble cohérent que l’État
prenne en compte les projections climatiques dans les investissements auxquels il participe,
notamment si les projets financés ne sont pas en mesure de faire face au futur climat. Si tel est
le cas, l’investissement en question pourrait être considéré comme maladapté, voire
simplement comme du gaspillage d’argent public.
Certaines libertés ont été prises dans le cadre de la réflexion sur la conception de l’outil
demandé par le PNACC quant à la définition retenue de la maladaptation. En effet, la
maladaptation telle qu’elle est usuellement comprise, notamment dans les synthèses du GIEC,
correspond à des stratégies d’adaptation qui rendent le système auquel elles sont destinées,
plus vulnérable au changement climatique et non moins vulnérable. Or, il semblerait plus
intéressant qu’aucun projet, destiné ou non à l’adaptation, n’augmente la vulnérabilité du
système socio-économique à la contrainte climatique.
66 L’outil a été conçu pour fonctionner avec Microsoft Excel 2003 ou 2007.
105
En un sens, l’approche adoptée par l’OCDE, selon laquelle la non-prise en compte du besoin
d’adaptation dans la conception d’un projet quel qu’il soit correspondrait à de la
maladaptation, parait plus pertinente dans le cas présent. Cela peut s’apparenter à la prise en
compte du risque lié au changement climatique dans l’ensemble des processus de décision,
qui permettra peu à peu de prendre également cette contrainte en amont, c'est-à-dire au niveau
de la conception même des projets. Comme l’écrit le géographe Alexandre Magnan, éviter les
maladaptations pourrait consister à « commencer par bien faire ce que l’on fait mal », et
constitue réellement un angle d’entrée privilégié pour mettre en œuvre l’adaptation [80].
Cependant, le fait de considérer, dans le cadre de la maladaptation, la totalité des
investissements et non simplement ceux conçus dans une optique d’adaptation, ne signifie
pas qu’il ne serait pas également nécessaire de compléter cela par une réflexion sur une
possible transformation, du moins partielle, du système socio-économique dans un but
d’adaptation. Cette réflexion plus en profondeur peut s’appuyer sur la conceptualisation
présentée au chapitre précédent, mais n’est pas intégrée à la conception de l’outil.
Cette section s’articule autour de deux sous-sections, la première traitant des objectifs visés
par l’outil, et la seconde exposant les critères employés par cet outil.
III.1.1. Les objectifs de l’outil
Tout d’abord, il convient de préciser que la volonté de prendre en compte la maladaptation (et
donc de l’éviter) à l’échelle des projets et non à celles des grandes stratégies (stratégies
programmatiques notamment) résulte du fait que l’adaptation est principalement un enjeu
local, qui concerne les communautés, et qui ne peut pas facilement être mis en place à
l’échelle d’un territoire étendu. Le rôle de l’État dans le cadre de l’adaptation est
principalement de fournir les outils et les informations permettant de prendre en compte la
contrainte climatique future, d’assurer la recherche, l’éducation et la formation des citoyens,
mais n’est pas d’agir directement à l’échelle des territoires, à l’exception des grandes
infrastructures transrégionales et des grands réseaux d’intérêt général.
Par ailleurs, le fait de traiter la question de la maladaptation à l’échelle projet permet de tendre
vers une meilleure planéité (raccourcissement de la chaîne de décision), une meilleure
homéostasie (du fait de la décentralisation de la régulation) et une amélioration de l’auto-
régulation et de la capacité d’apprentissage, ce qui contribue à éviter la maladaptation et à
favoriser la réorganisation si nécessaire ([55], [61]).
106
D’après le chapitre précédent, il apparait que les critères à renforcer afin d’éviter la
maladaptation sont ceux qui favorisent la résilience du système, la maladaptation
correspondant globalement à une perte de flexibilité (voire une irréversibilité), une sur-
spécialisation, une perte d’autonomie, une perte d’auto-régulation, une complexification du
système (augmentant la cohérence de celui-ci).
Par conséquent, la recherche de la résilience systémique pourrait sembler une manière
convenable d’aborder la question de l’évitement des facteurs de maladaptation. En effet, la
résilience se caractérise par la flexibilité, la diversité, la planéité de la chaîne de décision,
l’homéostasie, la redondance et des capacités d’amortissement des chocs au sein du système
socio-économique. Par ailleurs, dans la dynamique représentée par la panarchie, la capacité
d’apprentissage et d’auto-organisation ainsi que la mémoire sont des caractéristiques
essentielles, notamment à la réorganisation des systèmes lorsque cela paraît nécessaire. Il est
cependant à noter que la réorganisation est généralement un processus considéré comme
irréversible.
En outre, comme cela a été mentionné (voir p.69), il semble plus efficace du point de vue de
la communication et de la transmission de l’information, de parler de résilience que de parler
de maladaptation, la première étant une dimension positive et souhaitable67, tandis que la
seconde est une dimension négative et non souhaitable. Il serait donc plus pertinent de parler
de la résilience climatique des projets, et non de leur maladaptation au changement
climatique, mais les deux notions sont presque similaires. Ceci est d’autant plus vrai que les
références académiques présentées précédemment, en particulier celles de Jon Barnett et
Saffron O’Neill, font un lien direct entre le risque de maladaptation et le type de stratégie
adopté pour réduire la vulnérabilité, la recherche de la capacité d’adaptation ayant peu de
risque d’être de la maladaptation, contrairement à la réduction de la sensibilité et la réduction
de l’exposition qui ont respectivement un risque modéré et élevé d’être maladaptées.
Dans le même ordre d’idée, l’objectif de cet outil est d’accompagner les acteurs
économiques dans la prise de conscience de la vulnérabilité de leur projet au climat
(variabilité naturelle et changement climatique). Cela pourrait être perçu comme l’approche
complémentaire de l’étude d’impact environnemental (EIE) prévue pour certains projets dans
le code de l’Environnement : au lieu d’analyser l’impact du projet sur l’environnement et le
climat (ce qui fait partie de l’EIE), l’analyse faite serait celle de l’impact potentiel du climat
67 Tant que la résilience est en réalité ce que nous devrions nommer capacité d’adaptation, c'est-à-dire la dimension positive de celle-ci.
107
sur le projet. Cela permet de replacer le projet au cœur des enjeux, contrairement à l’EIE dans
laquelle le cœur est l’environnement et le climat. Cette approche offre donc l’avantage de
probablement davantage intéresser les acteurs économiques qui pourront utiliser cet outil dans
leur propre intérêt et non dans l’intérêt de la protection de l’environnement et du climat,
autrement dit du bien public.
Cet outil doit donc être en mesure de favoriser la résilience dans les projets dans le but
d’éviter la maladaptation, mais représente aussi le moyen d’améliorer la capacité
d’apprentissage. En d’autres termes, l’instrument et les critères doivent être l’occasion de
sensibiliser les porteurs de projets au changement climatique, très incertain quant à son
amplitude et à sa vitesse. C’est la raison pour laquelle un guide dédié aux porteurs a
également été rédigé dans le cadre de cette mesure du PNACC, et que l’outil en lui-même doit
être simple d’utilisation.
Ainsi, l’objectif est à la fois de limiter le financement d’investissements maladaptés, et de
sensibiliser à la contrainte climatique qui pourrait affecter le fonctionnement des projets, voire
même remettre en question la pertinence de certaines infrastructures, technologies, stratégies
économiques… En un sens, cela correspond à ce que l’on nomme généralement l’approche
mainstreaming de l’adaptation, qui vise à intégrer la contrainte climatique dans tous les
secteurs et toutes les prises de décision, au même titre que tous les autres types de risques.
Néanmoins, la prise en compte du risque climatique est particulière du fait des incertitudes
comme cela a été abordé au cours des deux chapitres précédents, et les méthodes usuelles de
gestion du risque (type Monte-Carlo) ne sont pas tout à fait pertinentes, du fait de la non-
probabilisation des scénarios et des modèles. C’est un argument de plus en faveur de la
résilience par rapport aux solutions irréversibles (hard strategies).
Aussi, une publication de 2012 de Journal of Environmental Management montre qu’il est
bénéfique d’employer une approche par la résilience, ne serait-ce qu’en complément de
stratégies d’adaptation faisant appel à de grands projets d’infrastructures [81]68. Par
conséquent, les projets même non-dédiés à l’adaptation, en favorisant la résilience, sont utiles
à cette adaptation du système socio-économique, ce qui justifie l’idée selon laquelle éviter la
maladaptation revient à commencer l’adaptation.
68 Au travers de cet article, les auteurs abordent la question de la résilience infrastructurelle (grâce à des technologies flexibles, fiables et robustes), mais également de la résilience institutionnelle et de la résilience communautaire, dans le cadre de projets d’adaptation mis en place dans les pays les moins développés d’Asie.
108
Enfin, il est nécessaire de préciser que dans le cadre de ce travail, il a été décidé de ne pas
avoir d’ a priori sur certaines technologies, notamment le dessalement d’eau de mer, qui
peut, dans certaines conditions spécifiques ne pas être maladapté. Il est en de même pour les
canons à neige par exemple. Ainsi, bien que le chapitre deux conclut que les solutions
technologiques cherchant à faire de l’adaptation ont des risques élevés d’être de la
maladaptation, l’outil reste tout à fait neutre à ce sujet. L’outil doit en revanche permettre de
discriminer un projet selon le département dans lequel il est implanté, du fait des différences
attendues dans le changement climatique, selon les projections du portail DRIAS, les futurs du
climat. Par conséquent, cet outil doit permettre de faire de la hiérarchisation de projets selon
la dimension « maladaptation », et doit également fournir quelques informations donnant
l’opportunité d’améliorer la conception des projets qui seraient les plus maladaptés.
III.1.2. Les critères utilisés
Tout d’abord, les éléments climatiques qui sont pris en compte dans cette étude sont des
paramètres liés aux précipitations (anomalie du cumul des précipitations annuelles, anomalie
de précipitations estivales), aux températures (anomalie de température moyenne annuelle,
anomalie de température maximale annuelle, anomalie du nombre de jours de vague de
chaleur par an)69, aux débits des cours d’eau (variation moyenne des débits annuels [82]) et
le coefficient de sensibilité des forêts au feu [83].
D’après les principaux impacts du changement climatique en France métropolitaine et la
revue de littérature présentée à travers les chapitres I et II de ce document, cinq thèmes sont
apparus majeurs dans la détermination de la maladaptation d’un projet. Ces cinq thèmes sont :
l’eau, l’énergie, la dépendance fonctionnelle, la dépendance structurelle et
l’implantation géographique.
III.1.2.1. La durée de vie du projet
Tous les projets à proprement parler ne seront pas soumis à cet outil de maladaptation (ou de
résilience), car les projets dont la durée de vie est faible (de l’ordre de 5 ans) ne sont pas un
réel enjeu car ils n’auront pas l’occasion de devoir faire face au changement climatique, qui
est un phénomène des temps longs. Néanmoins, d’après les critères de maladaptation de Jon
Barnett et Saffron O’Neill, le fait d’aller à l’encontre des incitations à l’adaptation étant une
manière d’être maladapté, il pourrait être estimé que tous les projets quelque soit leur durée de
69 Pour les données liées aux précipitations et aux températures, les projections du portail DRIAS les futurs du climat ont été utilisées, plusieurs modèles sont disponibles dans l’outil, et le scénario d’émissions employé est le scénario du GIEC A1B.
109
vie, soient soumis à cette étude. En effet, les projets n’étant financés que pour quelques
années peuvent tout de même retarder les incitations à l’adaptation, de manière moins
problématique que les grands projets (d’infrastructures notamment) qui créent une
dépendance à la trajectoire technique, une irréversibilité plus importante.
III.1.2.2. L’eau
En ce qui concerne l’eau, une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en
été est attendue, tandis qu’il n’y a pas de signal évident de changements significatifs pour la
période humide. Par ailleurs, une augmentation des évènements caniculaires ou même plus
simplement des jours de forte chaleur, est à prévoir. Ainsi, un projet qui serait amené, du fait
du changement climatique, à voir sa consommation d’eau augmenter, qui plus est durant la
période sèche, ou bien qui est fortement sensible aux évènements caniculaires serait
davantage enclin à être maladapté, notamment s’il est censé s’implanter dans une région où
cette diminution de la ressource en eau est particulièrement marquée.
III.1.2.3. L’énergie
L’ énergie est également un point d’intérêt. Du fait du changement climatique, la ressource
énergétique pourra être amenée à diminuer, en particulier pour la ressource hydroélectrique
(dans certaines régions), la biomasse, et le nucléaire lors de certains évènements très
spécifiques de forte chaleur pendant lesquels le refroidissement ne pourrait plus être assuré
sans enfreindre la réglementation sur les températures de rejet. En outre, du fait de l’impact de
la chaleur sur le rendement du réseau électrique, plus la température augmente, plus les pertes
en ligne sont importantes. Enfin, la particularité du thème de l’énergie par rapport à celui de
l’eau est qu’il permet un couplage avec la problématique de l’atténuation, et que le critère de
maladaptation concernant les émissions de GES peut être employé. En effet, une question
sur le type d’approvisionnement énergétique est incluse, afin de considérer ce critère de
maladaptation.
III.1.2.4. La dépendance fonctionnelle
La dépendance fonctionnelle est une manière de prendre en compte les impacts indirects du
changement climatique sur une activité. En effet, bien que le changement climatique
n’impacte peut-être pas directement la filière dans laquelle s’inscrit le projet, il se peut qu’un
élément de la chaîne de valeur de ce qui est produit ou proposé comme service soit plus
contraint par le climat, que cet élément se trouve en amont ou bien en aval de l’activité. En
effet, si le climat pèse sur l’amont de cette activité, il se peut que des difficultés à maintenir le
110
service soient rencontrées. De même, si c’est l’aval de l’activité qui se trouve impacté, des
difficultés à vendre ou délivrer le service ou produit pourront être rencontrées. C’est par
exemple le cas du tourisme, qui peut se trouver bouleversé par les nouvelles conditions
climatiques, et réduire les activités économiques qui en dépendent. Le changement climatique
va particulièrement impacter l’agriculture, la pêche, la sylviculture, l’eau, la biodiversité, ce
qui peut avoir des effets négatifs dans divers secteurs outre le tourisme déjà cité, tels
l’innovation pharmaceutique, la confection bois… Ainsi, il est nécessaire de s’interroger sur
la sensibilité aux stimuli climatiques, non seulement de l’activité du projet considéré, mais
également de l’amont et de l’aval de celle-ci. Enfin, une question concernant les rejets
néfastes est également posée dans cette section, qu’il s’agisse de GES, mais également de sel,
de chaleur, polluants… Par exemple, si un projet urbain est amené à accroître ses rejets de
chaleur lors des épisodes caniculaires (comme dans le cas de la climatisation), ce dernier va
amplifier le phénomène d’Îlot de Chaleur Urbaine (ICU), ce qui n’est pas souhaité car cela
crée une boucle de rétroaction positive (le projet amplifie le phénomène qui participe à la
cause qui l’a rendu nécessaire).
III.1.2.5. La dépendance structurelle
Ensuite, la dépendance structurelle correspond à la dépendance du projet aux divers
réseaux, tels le transport, l’énergie, l’eau, les TIC. Cette catégorie est l’occasion d’intégrer des
aspects de résilience, notamment la question de la flexibilité, de la diversification et de la
redondance. Il est intéressant de savoir si le projet étudié serait capable, en cas de défaillance
d’un réseau, de faire du report sur d’autres (par exemple de la route vers les voies ferrées, ou
bien de l’électricité vers le gaz) afin de garantir la délivrance du service, ou bien présente une
capacité de stockage dans le cas du réseau d’eau notamment. En effet, les réseaux sont
susceptibles d’être impactés par des évènements climatiques, et la flexibilité, la diversification
et la redondance sont des manières d’absorber les chocs provoqués par ces évènements.
III.1.2.6. L’exposition
Enfin, l’exposition est le dernier thème pris en considération par l’outil. L’objectif est de
savoir si le projet se trouve dans une zone particulièrement exposée à des risques climatiques.
Cette catégorie doit prendre en compte les forêts (recrudescence du risque de feu de forêt lié
au changement climatique), les zones littorales à basse altitude (remontée du niveau de la
mer et modification du trait de côte), les zones inondables (qui resteront inondables malgré la
baisse globale des précipitations). Par ailleurs, la possibilité d’être affecté par le retrait-
gonflement des argiles (bien que ce phénomène ne soit pas une conséquence directe du
111
changement climatique, il risque d’y avoir une augmentation des projets affectés par cela), et
l’augmentation des cycles gel-dégel peuvent engendrer une augmentation des coûts de
maintenance, des routes notamment, mais plus généralement de tous les revêtements et bétons
ainsi que des bâtiments suivant la profondeur des fondations, et la qualité (argileuse ou non)
des sols.
III.1.3. L’approche en elle-même
III.1.3.1. L’aspect qualitatif
Plus que la dimension quantitative des consommations en eau et énergie, ce sont les aspects
qualitatifs par rapport à la ressource qui sont essentiels pour l’appréciation de la
résilience/maladaptation. Autrement dit, il est plus important de savoir si la consommation
d’eau et d’énergie seront amenées à croître du fait du changement climatique, et si la tendance
locale est à la baisse ou non, que de savoir si ces consommations sont importantes ou non.
Ainsi, à travers le questionnaire, la tendance future de ces consommations et donc de ces
dépendances présente plus d’intérêt que les valeurs elles-mêmes. En effet, en anticipant un
changement du climat, si un projet a une consommation d’eau ou d’énergie corrélée avec la
hausse des températures ou la réduction des précipitations, et que la région d’implantation du
projet connait effectivement un de ces deux cas (d’après les projections), il peut être estimé
que le projet tend vers la maladaptation. Il n’y a donc pas d’a priori, les projets peuvent être
plus ou moins maladaptés selon la zone (département) dans laquelle ils sont installés. Par
exemple, financer un projet qui consommera plus d’eau à l’avenir dans une région dans
laquelle les débits des cours d’eau vont augmenter n’est pas de la maladaptation par rapport
au même projet qui serait installé dans une région qui connaitra une réduction des débits.
III.1.3.2. La détermination de la sensibilité-résilience
La vulnérabilité telle qu’elle est comprise dans le cas présent dépend non seulement de
l’exposition aux aléas, mais également de la sensibilité et de la capacité d’adaptation (partie
positive de la résilience systémique). L’approche adoptée est inspirée librement des diverses
approches basées sur les risques et des approches intégrées. Les aspects sociaux ne seront pas
pris en considération puisque l’échelle projet ne s’y prête pas. En ce qui concerne la
sensibilité, elle sera déterminée par l’intermédiaire d’une série de questions qualitatives, à
laquelle devra répondre la personne souhaitant déterminer la maladaptation d’un projet.
L’ exposition sera quant à elle évaluée grâce aux projections climatiques du portail DRIAS les
futurs du climat, pour le département d’implantation du projet. Enfin, la capacité
d’adaptation du projet sera approchée par l’intermédiaire de la résilience systémique, c’est-
112
à-dire à travers la dépendance structurelle et la dépendance fonctionnelle du projet, grâce au
questionnaire.
Ainsi, les réponses aux diverses questions sur chacun des cinq thèmes permettent d’évaluer
une sorte de sensibilité-résilience climatique, laquelle nécessite d’être croisée avec les
données d’exposition liées à l’emplacement du projet (grâce à la connaissance du
département d’implantation). Ainsi, il n’y a pas de catégorie spécifique regroupant les
questions de capacité d’adaptation, mais plutôt une approche transverse de cette notion, à
travers les cinq thèmes.
Sur le plan pratique, il convient de préciser que les questions doivent être suffisamment
simples pour que la plupart des acteurs soient capables d’y répondre sans être experts du
changement climatique. Par ailleurs, comme le même outil doit être en mesure d’analyser tous
les types de projets (infrastructures, énergie, eau, transport, industrie…), il est nécessaire que
les questions composant ce dernier soient très générales. Enfin, dans le but de ne pas instaurer
de biais lié à une pondération favorisant et désavantageant un thème par rapport aux autres, il
a été décidé de pondérer les quatre thèmes majeurs (à savoir eau, énergie, dépendance
structurelle et dépendance fonctionnelle, l’exposition ayant été rattachée à la dépendance
structurelle) de la même manière quelque soit le nombre de questions posées pour chaque
catégorie. Chaque thème est noté sur 5 points (à l’étape de la sensibilité), ce qui fait un total
de 20 points. Par ailleurs, plus le projet est maladapté, plus le score est élevé. À l’inverse,
plus le score s’approche de zéro, plus le projet est résilient.
III.1.3.3. Le calcul de la vulnérabilité
Le score avant croisement (pour les questions concernées par le croisement avec les
projections) est multiplié par un nombre représentatif de ce qu’on anticipe comme
évolution du paramètre (précipitation, température…) à l’avenir. Si ce paramètre est censé
s’améliorer (par exemple, si les débits dans une région sont susceptibles d’augmenter d’après
les projections), ce nombre sera inférieur à 1 (et le score après croisement sera plus petit que
celui avant croisement), et si la situation est censée se dégrader, ce nombre sera supérieur à 1
(et le score après croisement sera supérieur à celui avant croisement). Enfin, s’il n’y a pas de
modification du paramètre, le nombre est 1.
De fait, certains départements de France métropolitaine connaîtront une augmentation des
précipitations, et le nombre correspondant pourra être inférieur à 1, mais pour des paramètres
comme la hausse des températures, aucun département de France ne verra la température
113
moyenne diminuer ou même rester stable, ce qui signifie que le nombre sera toujours
supérieur à 1 pour les questions croisées avec ce paramètre. Il a été choisi de prendre une
règle linéaire pour déterminer ce nombre, 1 étant la situation actuelle, et le nombre le plus
élevé (que l’utilisateur peut modifier, et qui n’a une influence que sur le poids relatif de
l’exposition dans le score final) étant attribué aux départements ayant le score le plus
défavorable.
III.1.3.4. Que faire du résultat ?
L’outil permet de faire de la hiérarchisation et de la comparaison de projets sur les aspects
liés à la maladaptation et à la dépendance au changement climatique. Il n’a pas été jugé
pertinent de fixer un seuil à partir duquel les projets sont catégorisés maladaptés, mais plutôt
d’accompagner les porteurs de projet et les décideurs afin d’améliorer la résilience de leurs
investissements, d’abord dans leur propre intérêt. C’est une des raisons pour lesquelles le
score agrégé (la somme des quatre thèmes, pondérée par l’exposition) peut servir à estimer la
maladaptation, mais qu’il est tout de même nécessaire de conserver les scores de chacun des
quatre thèmes, afin d’être en mesure d’identifier les aspects perfectibles de l’investissement
étudié.
Une manière de fixer un critère de décision sur l’investissement est de comparer le score du
projet dans la région considérée avec le score de ce même projet dans la meilleure région
hypothétique de France (c’est-à-dire celle qui aurait chaque paramètre de croisement égal au
meilleur résultat) et dans la plus mauvaise région hypothétique de France (celle qui aurait
chaque paramètre de croisement égal au moins bon résultat). La décision d’investissement
pourrait être prise selon la position entre ces deux scores de régions hypothétiques.
Néanmoins, ce critère n’est utile qu’à un investisseur qui a le choix entre plusieurs régions. Le
porteur ne peut utiliser ce critère pour améliorer les caractéristiques de son projet lors de la
conception, puisque ce paramètre permet simplement de comparer le score agrégé du projet
par rapport à un projet identique mais dans des départements différents. Ainsi, il convient
également de conserver les scores des quatre thèmes (eau, énergie, dépendance fonctionnelle,
dépendance structurelle) avant croisement, car c’est en fonction de cela que le concepteur
peut apporter des modifications pour améliorer le score.
Par conséquent, les indicateurs importants dans l’évaluation de la maladaptation d’un projet
sont non seulement les scores croisés de chaque thème, mais aussi les scores avant la prise en
compte de l’exposition, les premiers servant plutôt à l’investisseur, et les seconds au porteur.
Cependant, le critère de décision d’investissement est propre à chaque utilisateur de l’outil et
114
le présent document ne fait que proposer certaines pistes70 parmi d’autres, et n’a pas pour
vocation d’imposer un point de vue.
III.1.4. Déroulement de l’utilisation de l’outil
Avant toute chose, cet outil peut être utilisé par tout type d’investisseur, institutionnel ou
privé, souhaitant prendre en compte la question du changement climatique dans l’analyse de
risques en amont de la décision d’investissement. Le porteur de projet sollicitant un
financement n’aura pas à répondre au questionnaire utilisé par l’outil (voir Annexe B-1), mais
le financeur devra au préalable lui avoir fourni le guide d’accompagnement, lui permettant
de prendre en compte le changement climatique dans la conception de son projet. Par ailleurs,
ce guide doit permettre au porteur, non seulement d’être sensibilisé à la contrainte climatique,
mais également d’inclure dans son dossier de candidature les éléments qui permettront au
financeur de remplir le questionnaire71. Par exemple, il peut être décidé d’intégrer de
nouvelles sections au dossier de candidature, dans lesquelles le porteur doit décrire la façon
dont il conçoit l’évolution du climat dans la zone d’implantation du projet, la sensibilité de
sont projet au climat etc.
L’utilisation de l’outil se décompose en plusieurs étapes : il convient en premier lieu de
décider si le projet sera soumis ou non à l’étude de la maladaptation, et ce, en fonction de la
durée de vie de l’investissement. Trois classes de durée de vie sont à considérer :
-inférieure à 5 ans (le projet n’a pas besoin d’être étudié)
-entre 5 et 20 ans (le projet devrait être étudié)
-supérieure à 20 ans (le projet doit être étudié)
Remarquons qu’une manière de trancher dans le cas de la catégorie intermédiaire est de
s’intéresser aux hypothèses prises (croissance économique, évolution du coût de l’énergie…)
lors de l’analyse de risques. Si un porteur de projet a pris comme hypothèse une stagnation du
coût de l’énergie, ou bien une croissance économique élevée, alors il pourrait paraitre
pertinent de soumettre le projet à l’étude de la maladaptation, car il est possible que ces
hypothèses ne soient pas vérifiées.
70 Il en est de même pour la pondération des différents thèmes. Un acteur souhaitant mettre l’accent sur un thème (l’eau par exemple) pourra modifier la pondération afin de rendre ce thème plus important dans la notation. 71 Il n’est pas recommandé que le porteur de projet remplisse directement le questionnaire lui-même, afin de ne pas induire de biais.
115
La deuxième étape correspond au remplissage du questionnaire (voir Annexe B-1) par
l’institution souhaitant tester le projet d’investissement, à partir des informations qu’elle
détient sur celui-ci, grâce notamment à l’hypothétique dossier de candidature.
Une fois que les quatre thèmes (eau, énergie, dépendance fonctionnelle, dépendance
structurelle) ont été renseignés et que les vingt-et-une questions ont une réponse, l’utilisateur
de l’outil doit permettre le croisement, en indiquant le département dans lequel se trouve le
projet.
Le croisement se fait à l’aide des informations concernant les précipitations, les températures,
les débits d’eau et les forêts. Toutes les réponses ne sont pas croisées, et seules celles faisant
référence aux consommations d’eau et d’énergie, à la forêt et à la sensibilité directe au climat
sont employées dans le croisement avec l’exposition.
Ensuite, les résultats sont disponibles, et permettent non seulement de voir comment se
positionne le projet dans le département considéré par rapport aux départements
hypothétiques, mais aussi d’identifier les thèmes sur lesquels le projet n’est pas sensible (ou
résilient), et ceux sur lesquels le projet pourrait être amélioré. Cependant, l’outil ne fournit
pas de solutions d’amélioration, et permet simplement d’identifier les dimensions sur
lesquelles des progrès peuvent être faits.
Cet outil a d’abord été conçu à partir de la théorie et en particulier des caractéristiques
favorisant la résilience (redondance, flexibilité, diversification, planéité, homéostasie,
stockage), mais il a ensuite évolué par processus itératif au fur et à mesure de son utilisation
sur des cas concrets. Cela lui garantit donc un minimum de praticabilité.
La section suivante présente quelques études de cas pour illustrer l’utilisation de cet outil et
mettre en exergue certaines limites.
III.2. ÉTUDES DE CAS
Le questionnaire sur lequel est fondé l’outil est donné en Annexe B-1 et le guide servant à
accompagner le porteur de projet est donné en Annexe B-2.
Cette section s’articule en deux sous-sections, chacune correspondant à une étude de cas sur
un type de projet particulier. Les projets utilisés sont librement inspirés de projets réels, mais
ne correspondent pas exactement à des projets qui ont été, sont ou seront financés.
116
III.2.1. Les projets liés à l’énergie
Cette sous-section présente l’étude de maladaptation d’un projet hypothétique de production
d’énergie dans une ville de France. Cette production peut s’appuyer sur des ressources
fossiles comme le gaz naturel, ou bien utiliser des ressources renouvelables comme la
géothermie ou encore la biomasse. Chaque technologie présente ses propres avantages et
inconvénients.
Sur l’aspect sensibilité-résilience tout d’abord (c’est-à-dire avant de faire intervenir
l’exposition à travers le croisement des données), il est nécessaire de s’intéresser au
prélèvement d’eau nécessaire au fonctionnement de l’installation. Dans le cas d’une centrale
thermique produisant de l’électricité, l’eau est utilisée pour la production de la vapeur servant
à faire tourner la turbine et au refroidissement, laquelle permet la production d’électricité.
Pour l’hydroélectricité, l’électricité d’origine éolienne et solaire (photovoltaïque ou à
concentration), l’eau n’intervient pas dans le processus, ou bien de manière plus réduite dans
le cas du refroidissement des panneaux photovoltaïques72 ou bien des dispositifs de
concentration. Néanmoins, il est clair que l’hydroélectricité est sensible à la ressource en eau,
par la variation des débits. En ce qui concerne les centrales géothermiques produisant de
l’électricité, la plupart du temps l’alternateur tourne sous l’effet de la vapeur qui remonte
naturellement de la terre, grâce aux forages73. Mais le projet peut également être celui de la
production d’énergie sous forme de chaleur (d’origine renouvelable ou non).
En prenant comme exemple une centrale solaire à concentration (CSP) de production
d’électricité, les résultats fournis par l’outil peuvent varier selon les caractéristiques
intrinsèques du projet. En particulier, selon que le refroidissement est assuré grâce au réseau
d’eau classique, ou bien par l’intermédiaire d’un forage, ou encore si le projet a prévu une
capacité de stockage en cas de rupture de l’approvisionnement en eau, le score final va
pouvoir varier. Par ailleurs, si le refroidissement n’est pas assuré par l’eau mais par l’air, il
n’y a plus de dépendance à cette ressource, et le score devrait être amélioré.
En ce qui concerne les allures de consommation, si le refroidissement se fait par eau, il est
probable que la consommation d’eau soit plus élevée durant la saison sèche que durant la
saison humide, et que les consommations d’eau et d’énergie auront tendance à augmenter
dans un climat plus chaud et plus sec.
72 Les rendements des panneaux décroissent avec la température. 73 Néanmoins d’autres technologies existent. Pour plus de détails sur ces autres technologies, consulter : www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/geothermie-haute-temperature
117
Pour les questions relatives à la dépendance fonctionnelle, il est nécessaire de savoir à quel
type de clients la centrale délivre de l’électricité, afin d’identifier s’ils sont sensibles au
climat. Par exemple, si la centrale solaire est censée fournir de l’électricité à une usine de
dessalement d’eau de mer, il est possible que cette usine ait besoin de fournir plus d’eau
durant la saison sèche que durant la saison humide, auquel cas l’aval pourrait être considéré
comme sensible au climat. Par ailleurs, pour déterminer la réponse à apporter à la sensibilité
de l’amont du projet au climat, il est nécessaire de savoir d’où provient l’eau utilisée au
refroidissement, car elle peut venir d’un cours d’eau affecté par le changement climatique par
exemple. Enfin, la réponse à la question sur l’augmentation des rejets dans l’environnement
(sel, chaleur, GES…) en cas d’augmentation de la température, dépend également de la
technologie (pour le stockage de l’énergie par exemple, sous forme de sels fondus, des
huiles…), mais quoi qu’il arrive la chaleur rejetée augmentera avec la température.
Pour les questions sur la dépendance structurelle, du point de vue résilience au réseau
énergétique, les systèmes de production sont peu résilients : en cas de défaillance, ils ne
peuvent plus assurer la délivrance de leur service. En revanche, comme ils ne sont pas
sensibles aux réseaux de transport, le score reflète une bonne résilience de ce point de vue. Il
n’en est pas de même pour les réseaux de télécommunication, qui sont généralement
indispensables à la délivrance du service, ce qui dégrade le score final. Enfin, selon la
technologie employée pour le refroidissement, une défaillance du réseau d’eau peut engendrer
ou non une rupture dans la délivrance du service.
La Figure III-1 compare les résultats donnés par l’outil pour la sensibilité-résilience d’une
centrale solaire à concentration dans le cas d’une technologie de refroidissement à l’air, et
dans le cas d’une technologie de refroidissement à l’eau (en supposant que la source d’où
provient cette eau est susceptible d’être affectée par le changement climatique), avant le
croisement avec des données de projection climatique. Dans les deux cas, il a été fait comme
hypothèse que l’aval de la centrale n’était pas du tout sensible à l’évolution du climat74.
74 Si nous avions au contraire fait l’hypothèse d’une grande sensibilité de l’aval à l’évolution du climat, l’écart entre les deux technologies n’aurait pas évolué, mais les deux scores auraient augmenté.
118
Figure III-1 Scores donnés par l’outil pour une centrale solaire de production d’électricité, selon deux technologies de refroidissement sans prise en compte de l’exposition
Nous pouvons donc remarquer que les scores de tous les thèmes à l’exception de celui de
l’énergie sont modifiés par le type de technologie employée. Le thème de l’eau est
logiquement celui qui montre le plus d’écart entre les deux technologies (plus de 50 % de
l’écart total). En effet, un projet de centrale nécessitant le refroidissement par eau est de fait
moins résilient qu’un projet de refroidissement par air, à cause de cette dépendance à la
ressource en eau. Cette dépendance combinée au fait que le besoin de refroidissement sera le
plus élevé pendant les périodes où la ressource est la plus rare (période sèche) dégrade le
score. Par ailleurs, cette dépendance impacte également le thème de la dépendance
structurelle, puisque le projet peut être perturbé par une défaillance du réseau d’eau,
contrairement à la technologie basée sur le refroidissement par air. La technologie de
refroidissement sans eau (par exemple, la technologie de solaire à concentration parabole-
Stirling) est donc meilleure sur le plan de la maladaptation, mais le problème qu’elle pose est
d’ordre économique.
Ainsi, l’outil peut être utilisé pour identifier les points sur lesquels un projet peut améliorer sa
résilience.
Si nous supposons que, malgré les résultats présentés, la solution du refroidissement utilisant
de l’eau soit choisie, le score final après croisement avec l’exposition varie selon les
caractéristiques du département.
D’après la Figure III-2, tous les thèmes se dégradent quelque soit l’emplacement, à
l’exception de l’eau, dont le score s’améliore dans le cas du « meilleur » département (qui
119
reste un département hypothétique), grâce à l’augmentation des débits qui est attendue dans
certains départements français (néanmoins rares)75.
Figure III-2 Influence de l’exposition sur les scores donnés par l’outil pour une centrale solaire à refroidissement à eau
Ainsi, l’outil peut aider à la détermination de l’implantation d’un projet.
Une autre comparaison qui pourrait être intéressante est celle de différentes technologies de
production énergétique (chaleur pour la chaudière biomasse, électricité pour CSP et éolien)
(voir la Figure III-3) pour un projet proche d’une zone boisée en ce qui concerne la chaudière.
Figure III-3 Comparaison de la résilience de trois technologies de production énergétique
La première particularité du cas de la chaudière biomasse est que dans le cadre d’un climat
plus chaud et plus sec, les consommations diminuent, puisque le projet est fait pour
alimenter en chaleur. Le deuxième élément remarquable est la grande dépendance du projet à
l’amont de la chaîne pour l’approvisionnement en bois. Les projets de biomasse sont
généralement implantés à proximité de massifs boisés, c’est la raison pour laquelle cette
caractéristique a été prise en compte pour le cas de la chaudière et non pour les autres.
75 Les scores obtenus dépendent du choix que fait l’utilisateur pour le paramètre représentant le poids relatif de l’exposition dans le score final. Pour le cas présent, il a été choisi de prendre un paramètre de 2.
120
Si on compare les mêmes résultats, mais en tenant compte de l’exposition (Tableau 1), on
constate que l’écart entre le pire et le meilleur département, du fait de la proximité de la forêt,
est relativement important pour la chaudière biomasse. Par ailleurs, l’éolien ne présente pas
de grande différence entre les deux départements hypothétiques (ou virtuels), ce qui signifie
que cette source d’énergie serait peu influencée par le changement climatique d’après les
changements que nous sommes en mesure d’anticiper à ce jour.
Tableau 1 Scores des différentes technologies de production énergétique avec prise en compte de l’exposition
Ainsi, nous pouvons conclure de ce que nous venons d’exposer que l’outil permet de
comparer des projets relativement différents sur la base de leur sensibilité et capacité à faire
face à un climat différent. Nous constatons que les résultats ne reflètent pas les
composantes quantitatives mais bien les composantes qualitatives qui sont celles qui nous
intéressent en premier lieu. Ainsi, le score pour le CSP à refroidissement à eau paraît
relativement élevé, ce qui est justifié par la dépendance à la ressource en eau créée par le
recours à cette technologie, ce qui n’est pas le cas de l’éolien par exemple. En outre, la
chaudière biomasse est dépendante du vivant (bois) et un score comparable à celui du CSP
refroidi à l’eau aurait pu être attendu, mais ce n’est pas le cas, principalement parce que la
chaudière est utilisée pour produire de la chaleur, et que plus le climat sera chaud, moins elle
produira (et donc moins elle consommera). Le résultat n’aurait probablement pas été le même
dans le cas de la production d’électricité à partir de biomasse.
III.2.2. Le dessalement d’eau de mer
Le cas du dessalement d’eau de mer est intéressant à étudier, car c’est une technologie très
souvent citée comme exemple de maladaptation dans la littérature académique tel que cela a
été exposé dans le chapitre II de ce document. Néanmoins, le choix de la neutralité
technologique ayant été fait, il convient de s’intéresser au résultat d’une technologie
contestée. Plusieurs situations hypothétiques seront considérées : le cas d’une usine installée
pour soutenir le développement économique d’une zone de tourisme, le cas d’une usine
Départements P M P M P M
EAU 5,78 2,9 0,63 0,39 0,63 0,39
ENERGIE 6,4 4,39 1,24 1,07 2,34 2,18
FONCTIONNELLE 3,09 2,8 1,18 0,89 2,22 1,93
STRUCTURELLE 4,76 3,36 4,26 2,86 8,95 5,2
TOTAL 20,03 13,45 7,31 5,21 14,14 9,70
CSP (à l’eau) ÉolienChaudière Biomasse
121
installée pour répondre aux besoins vitaux de la population (ce qui peut être le cas dans
certaines régions du monde), le cas du dessalement pour l’irrigation de l’agriculture . La
différence entre ces différents cas sera traduite à travers le thème de la dépendance
fonctionnelle du questionnaire, lorsqu’il s’agit d’évaluer la sensibilité climatique de l’aval (en
l’occurrence, tourisme, population ou agriculture notés respectivement T, P, A dans les
tableaux).
Par ailleurs, plusieurs technologies peuvent être comparées, non seulement pour
l’approvisionnement énergétique (renouvelable solaire électrique ou thermique, réseau
électrique, centrale thermique fossile) mais également pour le procédé technique utilisé pour
dessaler l’eau, qui peut conduire à plus ou moins de rejet de sel et de chaleur dans la mer, et
d’autres produits utilisés (produits de la corrosion comme le cuivre, le nickel, le fer, le
chrome… mais également des agents désinfectants, anti-mousse, anti-salissures, antitartre…).
Par ailleurs, suivant la technologie utilisée, la température de fonctionnement varie, ce qui
signifie que la consommation énergétique varie également, mais puisque l’outil ne prend en
compte que les aspects qualitatifs, cela ne pourra être considéré ici.
Enfin, les hypothèses communes à l’ensemble des cas sont la situation en zone littorale de
basse altitude, des rejets néfastes corrélés à l’augmentation de la consommation (une nuance
peut être prise en compte selon les technologies, en choisissant « plutôt d’accord » ou bien
« tout à fait d’accord » comme réponse à la question faisant référence aux rejets), un besoin
des TIC pour fonctionner, et aucune dépendance aux réseaux de transports76 si ce n’est pour
l’approvisionnement en combustible dans le cas de la centrale thermique.
Le Tableau 2 regroupe les résultats pour les trois grandes technologies énergétiques et pour
les trois motivations qui conduisent à l’installation d’une usine de dessalement. Ces résultats
reflètent la sensibilité et la résilience, car ils correspondent aux résultats avant croisement
avec l’exposition. À ce niveau, il n’a pas été introduit de nuance concernant la quantité de
rejets en fonction de la technologie de dessalement choisie.
À la lecture de ce tableau, il apparait que l’aval du projet joue un rôle majeur dans le
résultat. De façon triviale, l’agriculture est le débouché qui semble conduire à la plus
mauvaise appréciation, quelque soit la source d’énergie, mais le recours à une source
renouvelable ne dépendant pas du climat (CSP par exemple) peut tout de même permettre une
amélioration du résultat (passant de 12,92 à 11,08). Par ailleurs, le tourisme est un débouché
76 En ce qui concerne la structure de coût, l’hypothèse de 15 à 40 % du coût liés à l’énergie a été faite.
122
seulement légèrement mieux apprécié par l’outil puisque l’écart entre le tourisme et
l’agriculture est de l’ordre de 1,8. En revanche, lorsque le dessalement d’eau de mer est utilisé
pour subvenir aux besoins de la population (c’est-à-dire lorsque le projet est employé comme
soutien au réseau d’eau potable), il semble que le projet ait une appréciation significativement
meilleure. Cela tient au fait qu’il a été considéré que la consommation d’eau (et par
conséquent d’énergie) n’est pas sensible à l’évolution du climat pour ce qui est des besoins de
base. Pour aller plus loin, il est possible de considérer une usine de dessalement dont le
procédé industriel permet de réduire les rejets néfastes, ce qui permettrait encore d’améliorer
ce score.
Tableau 2 Comparaison des résultats pour les usines de dessalement selon l’énergie employée et l’aval de la chaîne de valeur (P pour Population, T pour Tourisme, A pour Agriculture)
III.2.3. Les solutions de rafraîchissement dans les villes
Dans le même ordre d’idée que le dessalement d’eau de mer, il serait envisageable d’aborder
les diverses solutions technologiques dans le cadre de la climatisation qui, du fait du
réchauffement, vont se développer. Pour le moment, les solutions les plus courantes font
intervenir l’énergie électrique du réseau dans leur fonctionnement, mais des alternatives
existent, comme des climatisations à absorption ou adsorption (liquide ou solide à sorption)
utilisant l’énergie thermique solaire, ou encore les systèmes à dessiccation. Ces technologies
ont l’avantage de ne pas faire appel au réseau d’électricité, de ne pas entraîner l’utilisation de
fluides caloporteurs (autres que l’eau) et d’autant mieux fonctionner qu’il fait chaud77.
Cette section compare en particulier plusieurs solutions de rafraîchissement ou climatisation
disponibles en ville, à savoir la toiture végétalisée78, la climatisation classique, et la
climatisation solaire. Ces diverses solutions présentent l’avantage de rafraichir les habitations
durant les périodes de pics de chaleur, mais ont également des inconvénients qui impactent
77 Pour plus de détails sur les technologies, consulter : www.raee.org/climatisationsolaire/doc/clim_solaire.pdf 78 Il existe en réalité trois grandes catégories de toitures végétalisées : extensive, semi-intensive et intensive, qui diffèrent par l’épaisseur de substrat et le type de plantes. La toiture extensive ne requiert généralement pas d’arrosage, sauf durant les sécheresses, tandis que les deux autres nécessitent un arrosage régulier.
P T A P T A P T A
EAU 0,63 2,97 3,91 0,63 2,97 3,91 0,63 2,97 3,91
ENERGIE 3,27 3,71 3,71 2,17 3,27 3,71 1,43 2,54 2,98
FONCTIONNELLE 1,53 2,36 3,06 1,6 2,29 3,06 0,49 2,36 2,64
STRUCTURELLE 2,24 2,24 2,24 2,05 2,05 2,05 1,55 1,55 1,55
TOTAL 7,67 11,28 12,92 6,45 10,58 12,73 4,1 9,42 11,08
thermique fossile électricité renouvelable
123
leur résultat d’après l’outil. Les principales divergences reposent sur la consommation d’eau
et la consommation d’énergie. La toiture végétalisée consomme de l’eau, particulièrement en
période chaude, et les solutions de climatisation consomment de l’énergie à ces mêmes
périodes. Néanmoins, les périodes de chaleur coïncident relativement bien avec les périodes
de fort rayonnement solaire, ce qui signifie que les périodes durant lesquelles la climatisation
sera sollicitée seront celles durant lesquelles la climatisation solaire bénéficiera d’une énergie
abondante. Enfin, comme le projet est en zone urbaine, la question relative à la proximité d’un
massif boisé n’a pas de pertinence79.
Figure III-4 Comparaison des solutions de climatisation-rafraichissement en zone urbaine
D’après la Figure III-4 il semblerait que la meilleure solution est celle de la climatisation
solaire, qui présente une très bonne résilience sur chacun des quatre thèmes, alors que la
moins bonne solution reste celle de la climatisation classique. Par ailleurs, la toiture
végétalisée présente un manque de résilience du fait de la consommation d’eau durant les
périodes les plus critiques. Il est cependant nécessaire de voir comment évolue ce score après
croisement, car certains départements ne connaitront qu’une faible diminution de la ressource
en eau. De plus, les toitures végétalisées présentent d’autres avantages qui ne sont pas pris en
compte à travers cet outil, mais qu’il convient de considérer, comme la capacité de rétention
des eaux de pluies (permettant de lisser les débits à travers les évacuations d’eau) ou bien la
séquestration du carbone.
Les résultats après croisement pour certaines grandes villes de France (selon leur
département) sont représentés par la Figure III-580. Il est clairement remarquable que la
climatisation solaire est la solution la plus résiliente quelque soit la ville de France considérée.
79 La réponse est donc « Ne s’applique pas ». 80 Le M et le P sur le diagramme désignent respectivement les résultats du Meilleur et du Pire département hypothétique.
124
Cela nous amène donc à constater que cet outil ne peut pas remplacer une étude de faisabilité
technique, mais plutôt la compléter. En effet, comme attendu, il apparaît que même des villes
qui ne bénéficient pas d’un ensoleillement annuel particulièrement bon pour une technologie
solaire montrent un bon score de résilience.
Par ailleurs, lorsque l’on focalise son attention sur la comparaison de la toiture végétalisée et
de la climatisation classique, il apparait que dans la plupart des villes de France, la
climatisation est plus résiliente que la toiture végétalisée, du fait de la dépendance de cette
dernière à la ressource en eau. Les exceptions à cette règle sont Strasbourg et Marseille.
Figure III-5 Comparaison des solutions de rafraîchissement pour certaines grandes villes
En conclusion, l’outil semble remplir correctement les fonctions prévues, à savoir la
comparaison de projets d’après leur résilience, la neutralité technologique, l’identification des
thèmes sur lesquels il pourrait y avoir des améliorations, l’aide dans la détermination d’une
région d’implantation. De plus, grâce au guide de l’utilisateur, l’outil permet de sensibiliser
les divers agents économiques à leur possible vulnérabilité au changement climatique, qu’elle
soit directe ou indirecte, ce qui participe à la prise de décision décentralisée.
Néanmoins, ayant été conçu pour être capable de traiter des projets de tous les secteurs, il ne
permet pas d’entrer dans les détails de ceux-ci. En outre, une amélioration de cet outil pourrait
consister à trouver une manière de prendre en compte les aspects quantitatifs des projets, et
non les seuls aspects qualitatifs. Enfin, la non-valorisation des aspects positifs (comme la
capacité de rétention des toitures végétalisées) pourrait être regrettée.
125
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le climat, qui est la distribution statistique des données météorologiques (vent, précipitation,
température…) n’est pas statique, mais bien dynamique. Plus précisément, le climat varie en
moyenne ainsi qu’en variance, sous l’effet de phénomènes naturels, mais également depuis
peu de temps, sous l’effet des activités humaines, par l’intermédiaire notamment des
émissions de gaz à effet de serre, fruit de ces activités. Ces gaz à effet de serre entraînent le
réchauffement climatique.
Tout comme la variabilité naturelle du climat a des conséquences (positives et négatives) sur
l’économie, le changement climatique va avoir des conséquences sur les différents secteurs de
l’économie, de manière directe pour les activités dépendant des variables météorologiques
(agriculture, foresterie, hydroélectricité…), et de manière indirecte sur le reste du système
socio-économique. Ainsi, la limitation du phénomène menant à ces conséquences est
nécessaire, mais non suffisante. Il est également important de modifier le système socio-
économique, afin de limiter les conséquences, il s’agit de l’adaptation.
Ce concept a traversé de nombreux domaines avant d’être employé dans le cadre du
changement climatique, dans lequel le sens du concept a été emprunté à la géographie, qui
étudie la place de l’Homme dans le milieu naturel. L’adaptation peut être vue comme le
processus dynamique d’évolution de la relation Homme-Environnement, qui est une relation
de hiérarchie enchevêtrée (pour reprendre les propos d’Olivier Godard).
Dans cette relation, la culture (l’ensemble des symboles et des valeurs) joue un rôle crucial,
puisqu’elle conditionne le lien entre l’Homme et la Nature, qui est une partie de son
Environnement. Les cultures dans lesquelles les sphères de la nature et de la culture sont
largement séparées, les sociétés peuvent éventuellement se rendre plus vulnérables,
notamment au climat.
La vulnérabilité est un concept qui recouvre plusieurs domaines (économie, social, physique,
culturel), et peut se comprendre ici comme une fonction de la sensibilité (ce qui relie un aléa à
ses conséquences sur le système), de l’exposition aux aléas (qui dépend de la localisation du
système), et de la capacité d’adaptation.
La capacité d’adaptation est une notion proche du concept de résilience, et peut être vue
comme la partie positive de ce concept en ce qui concerne les systèmes sociaux. En écologie,
la résilience est la capacité du système à supporter une perturbation sans s’effondrer vers un
126
état qualitativement différent. Il peut être considéré qu’elle repose sur deux composantes :
l’auto-organisation et l’auto-régulation, la capacité d’absorber les chocs de faibles amplitudes,
mais également de transformer la structure sur le plus long terme, ou pour les chocs plus
importants.
La maladaptation d’un système correspondrait aux facteurs internes de ce dernier qui
entravent la réponse à une tension ou contrainte, et qui perturbent ses capacités
homéostatiques. Ces facteurs peuvent être structurels (sur-spécialisation, perte de flexibilité,
manque d’autonomie, perte de régulation par la centralisation) ou culturels. Dans l’histoire de
l’humanité, il y a eu des exemples de maladaptation extrême de certaines civilisations
anciennes à leur environnement, qui a participé à leur effondrement (Mayas, vikings du
Groenland, Pascuans…), mais ces civilisations ont également démontré une certaine capacité
à s’adapter, dans certaines limites néanmoins.
En ce qui concerne la maladaptation au changement climatique, on la définit souvent comme
une mesure visant l’adaptation, c’est-à-dire la réduction de la vulnérabilité, mais qui, au lieu
d’aboutir à une réduction, aboutit à une augmentation de la vulnérabilité du système concerné.
Dans le cadre de ce travail, cette définition a été élargie à l’ensemble des mesures conduisant
à l’augmentation de la vulnérabilité, qu’elles aient pour objectif sa réduction ou non. Ainsi,
viser la résilience est une manière de réduire le risque de maladaptation au maximum.
Dans la pratique, plusieurs stratégies existent pour favoriser la résilience des systèmes socio-
économiques, laquelle peut être caractérisée par la flexibilité, l’homéostasie (qui requiert
l’information et le rapprochement entre la décision et l’action), la diversification, la
redondance et des éléments d’absorption des chocs (stockage, amortisseurs sociaux…). À
l’inverse, les solutions qui sont inflexibles ou irréversibles, inéquitables, qui accroissent le
changement climatique ou qui réduise l’incitation à l’adaptation (par la modification
culturelle) seraient maladaptées. En particulier, les solutions technologiques ont un risque
important de se retrouver dans cette catégorie.
L’outil qui a été conçu dans le cadre de ce travail cherche donc à promouvoir la résilience au
changement climatique des projets d’investissement, quelque soit les secteurs auxquels ils
appartiennent. Cela passe tout d’abord par la sensibilisation que cet outil permet auprès des
porteurs projets (par l’intermédiaire d’un guide de l’utilisateur), et par le fait que l’outil soit
dédié à l’échelle projet d’investissement, ce qui favorise l’auto-régulation et l’auto-
organisation.
127
Les paramètres climatiques pris en compte sont liés à la hausse des températures, la
modification des précipitations, l’augmentation des vagues de chaleur, la variation des débits
des cours d’eau et la modification de la sensibilité des forêts au feu. L’évaluation se fait par
l’intermédiaire d’un questionnaire articulé autour de quatre thèmes principaux, à savoir la
dépendance à l’eau, la dépendance à l’énergie, la dépendance fonctionnelle (à la chaîne de
valeur) et la dépendance structurelle (aux réseaux d’eau, de transport, de
télécommunication...). Cette dernière catégorie couvre également les questions nécessaires à
la détermination de l’exposition du projet à des risques climatiques (feu de forêt, inondation,
submersion marine…).
Ces questions sont qualitatives et évaluent les tendances de consommation et de dépendance,
dans le cas d’un climat plus chaud et plus sec. Les réponses permettent d’estimer la résilience-
sensibilité du projet d’investissement au changement climatique, et par l’intermédiaire du
croisement de certains de ces questions avec les projections climatiques départementales du
portail DRIAS les futurs du climat, un score final est attribué au projet.
Ainsi, l’outil permet d’identifier, grâce à la ventilation du score de résilience, les thèmes (eau,
énergie, dépendances structurelle ou fonctionnelle) sur lesquels des améliorations peuvent être
apportées. Par ailleurs, le score après croisement avec l’exposition permet de juger si le projet
est adapté ou non à la région dans laquelle il est implanté. Si ce n’est pas le cas, il peut être
envisagé, soit de modifier les caractéristiques du projet (pour améliorer la résilience), soit de
changer la zone d’implantation.
Cet outil pourrait représenter la première étape vers un instrument qui serait complémentaire
des études d’impact environnemental, ces dernières s’attachant à déterminer l’impact des
projets sur l’environnement, quand cet instrument viserait à qualifier les impacts de
l’environnement sur le projet, et la possible remise en question de la rationalité de celui-ci.
128
ANNEXES A
Annexe A-1 Coûts des différents impacts élémentaires identifiés, à Court, Moyen et Long Termes pour le scénario pessimiste (A2) et le scénario optimiste (B2), en termes économiques et physiques PARTIE 1 [40]
129
Annexe A-2 Coûts des différents impacts élémentaires identifiés, à Court, Moyen et Long Termes pour le scénario pessimiste (A2) et le scénario optimiste (B2), en termes économiques et physiques PARTIE 2 [40]
135 Annexe A-8 Résumé des principales opportunités et menaces climatiques pour le Royaume-Uni [97] (http://randd.defra.gov.uk/Document.aspx?Document=Summary_of_Key_Findings.pdf)
136
ANNEXES B
QUESTIONNAIRE
La série de questions qui suit a pour objectif d’évaluer la sensibilité directe ainsi que la résilience au climat d’un projet d’investissement. Pour ce faire, nous aborderons la dépendance à la ressource en eau, à l’énergie (deux ressources qui seront plus rares dans le futur), ainsi que la dépendance fonctionnelle et enfin structurelle, c’est-à-dire respectivement à la filière en question et aux réseaux (télécommunication, transport,…).
PREAMBULE
Le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et commence déjà à être observé. Malgré les incertitudes quant à ce changement à long terme, dont l’amplitude dépendra de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (agir sur les causes), le sens de cette variation ne laisse pas la place au doute. Afin de limiter les conséquences négatives de ce changement climatique et de saisir les opportunités que ce dernier offre, il est nécessaire d’anticiper ce changement. C’est ce que l’on appelle l’adaptation au changement climatique (s’adapter aux conséquences). En effet, bien que les sociétés soient en mesure, dans certains cas, de s’adapter spontanément en réaction à un changement perçu, le fait d’adopter une stratégie proactive présente des avantages, à commencer par la réduction du coût (social et économique) à moyen terme.
Dans cette démarche, la France a adopté en juillet 2011 un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) portant sur la période 2011-2015, composé de 234 actions réparties à travers 84 mesures phares, afin de traiter cette question à l’échelle nationale. Une des mesures du PNACC consiste à «identifier et diffuser des critères, méthodes et sources de données permettant de juger de la mal-adaptation », dans laquelle une action est d’ « introduire des critères d’éligibilité, permettant d’éviter les projets mal adaptés, dans les dispositifs de financements publics et privés pertinents ». Elle prévoit donc que dans une réflexion de durabilité, les investissements publics évitent d’augmenter la vulnérabilité à l’évolution du climat : il s’agit donc d’éviter la mal-adaptation en favorisant la résilience des investissements au changement climatique.
Pour gérer l’incertitude sur le degré exact de changement climatique, on peut agir pour conserver ou créer de la flexibilité, d’éviter les dépendances technologiques et plus généralement d’éviter toutes les décisions irréversibles.
Afin d’agir en amont de ces changements, la résilience climatique doit être renforcée, de manière à minimiser l’augmentation de la vulnérabilité, et donc la mal-adaptation.
Lorsqu’il est question de changement climatique en France, cela comprend :
• un climat globalement plus chaud
• un climat globalement plus sec
• un renforcement des évènements extrêmes (feux de forêts, sécheresses, canicules voire intensité des tempêtes en Outre-mer)
• la remontée du niveau de la mer et une augmentation des risques d’inondations en zones côtières
• une baisse des débits des cours d’eau
Cet outil est en phase de test. Il a vocation à identifier les forces et faiblesses d’un projet d’investissement en contexte de changement climatique, et non à porter un jugement sur ce dernier. Ce test peut permettre de vérifier la résilience d’un projet au climat, comme d’identifier les points à renforcer pour qu’il soit mieux adapté à l’évolution du climat.
137
QUESTIONS
ESTIMATION DE LA PERTINENCE DE L ’ÉTUDE
1. Quelle est la durée de vie/d’utilisation du proj et considéré
Il s’agit ici de savoir si le projet connaîtra le changement climatique
<5 ans 5-20 ans >20 ans
ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE DIRECTE DU PROJET AU CHA NGEMENT CLIMATIQUE
DÉPENDANCE À L’EAU
Du fait du réchauffement climatique, une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en été est attendue. Pour l’automne et l’hiver, on n’anticipe pas de changements significatifs. En ce qui concerne les jours très chauds, une très nette tendance à l’augmentation est attendue sur l’ensemble de la France. Par ailleurs, on s’attend à l’allongement des périodes de sécheresse estivale. La survenue de très fortes précipitations ne devrait pas changer comparativement à la situation actuelle mais une baisse des débits des cours d’eau est anticipée.
Dans cette section, nous cherchons à estimer la dépendance directe actuelle à l’eau à travers une série de questions. Si le projet est un projet industriel, veillez à bien considérer l’ensemble du processus lorsque vous répondrez aux questions. Si l’eau n’intervient pas dans le fonctionnement du projet (par exemple s’il s’agit d’un projet d’infrastructure de transport), vous n’avez pas besoin de répondre à ces questions, et vous pouvez directement passer à la section suivante.
2. Dans un climat plus chaud et plus sec, la consom mation directe d’eau ou le prélèvement d’eau augmentera
Par exemple, si le projet comporte un dispositif de refroidissement alimenté par de l’eau.
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
3. Dans la structure de coût du service ou du produ it proposé par le projet, la consommation d’eau représente
Cette question a pour but d’identifier l’impact d’une augmentation potentielle du prix de l’eau sur le coût du service ou produit.
<5% 5-15% 15-40% 40-75% >75%
4. Le service/projet utilise plus d’eau l’été et le printemps (ou saison sèche) que l’hiver et l’automne (ou saison humide)
Si la consommation d’eau est globalement plus importante pendant la saison chaude que pendant la saison froide, ce qui est le cas notamment de l’irrigation, du refroidissement… alors la réponse devrait être « tout à fait vrai ». En revanche, il se peut que le service/projet consomme plus d’eau l’hiver que l’été, par exemple si l’activité dépend des sports d’hiver, telle la production de neige artificielle.
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
138
DÉPENDANCE À L’ÉNERGIE
De par le lien extrêmement fort entre l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier de CO2, l’énergie est au cœur des enjeux climatiques. Ainsi, l’atténuation a pour objectif de réduire ces émissions de GES liées aux activités économiques. Or, adaptation et atténuation sont les deux aspects complémentaires de la politique climatique. C’est pourquoi il faut s’attacher à ce que les mesures d’adaptation n’entravent pas celles d’atténuation et inversement, voire même que nous profitions des synergies possibles.
La raison pour laquelle l’énergie participe aux émissions de GES provient du fait que les sources employées sont principalement les hydrocarbures –gaz charbon pétrole- qui produisent du CO2 lors de la réaction de combustion de laquelle nous tirons de l’énergie (thermique). Cela est à nuancer dans le cas de la production d’énergie (électricité ou chaleur), lorsque les sources sont nucléaire ou renouvelables.
Sur l’électricité, la consommation devrait croître en période estivale du fait des besoins de refroidissement, mais elle devrait diminuer en hiver, la période de froid étant globalement moins rigoureuse. Néanmoins, le changement climatique aura également un effet sur la production énergétique, à travers notamment le système de refroidissement des centrales, et la modification de la ressource renouvelable. Par ailleurs, l’accès aux hydrocarbures va devenir de plus en plus difficile, du fait de la raréfaction, en particulier du pétrole et du gaz.
Dans cette section, nous cherchons à estimer la dépendance directe actuelle à l’énergie à travers une série de questions. S’il s’agit d’un projet industriel, veillez à bien considérer l’ensemble du processus lorsque vous répondrez aux questions. Si l’énergie n’intervient pas dans le fonctionnement du projet (par exemple s’il s’agit d’un projet d’infrastructure de transport), vous n’avez pas besoin de répondre à ces questions, et vous pouvez directement passer à la section suivante. Par ailleurs, l’énergie peut être sous plusieurs formes (thermique, électrique, mécanique…) et toutes doivent être considérées lorsque vous répondrez à ces questions. L’électricité sera considérée comme une source d’énergie.
5. Dans un climat plus chaud et plus sec, la consom mation directe d’énergie augmentera
Le climat futur attendu est plus sec et plus chaud que le climat actuel. Il s’agit d’estimer la dépendance à la variabilité climatique. Si le projet comporte des besoins en refroidissement, il est probable que la consommation d’énergie pour alimenter ce processus augmente à l’avenir.
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
6. Dans la structure de coût, la consommation d’éne rgie représente
Cette question a pour but d’identifier l’impact d’une augmentation potentielle du prix de l’énergie sur le coût du service ou produit. Cela comprend le prix de l’électricité, mais également du gaz, du charbon, du pétrole, du bois (dans le cas d’une chaudière biomasse)…
<5% 5-15% 15-40% 40-75% >75%
7. La source principale d’approvisionnement de l’én ergie pour la mise en œuvre et durant l’utilisation du projet est
Il s’agit ici de déterminer la dépendance aux énergies fossiles. Pour les projets n’utilisant pas (ou marginalement) l’énergie pour leur fonctionnement, la question concerne principalement la phase de construction/mise en œuvre.
� D’origine fossile (charbon gaz, pétrole) OUI NON
� D’origine renouvelable OUI NON
� Autre OUI NON
139
ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE INDIRECTE DU PROJET AU C HANGEMENT CLIMATIQUE
DÉPENDANCE À LA CHAÎNE DE VALEUR (DÉPENDANCE FONCTIONNELLE)
Bien que le changement climatique n’impacte peut-être pas directement la filière dans laquelle s’inscrit le projet, il se peut qu’un élément de la chaîne de valeur de ce qui est produit ou proposé comme service soit plus contraint par le climat, que cet élément se trouve en amont ou bien en aval de l’activité. En effet, si le climat pèse sur l’amont de cette activité, il se peut que des difficultés à maintenir le service soient rencontrées. De même, si c’est l’aval de l’activité qui se trouve impacté, des difficultés à vendre ou délivrer le service ou produit pourront être rencontrées. C’est par exemple le cas du tourisme, qui peut se trouver bouleversé par les nouvelles conditions climatiques, et réduire les activités économiques qui en dépendent. Le changement climatique va particulièrement impacter l’agriculture, la pêche, la sylviculture, l’eau, la biodiversité, ce qui peut avoir des effets négatifs dans divers secteurs outre le tourisme déjà cité, tels l’innovation pharmaceutique, la confection bois…
Dans cette section, nous cherchons à estimer la dépendance indirecte au climat , par l’intermédiaire de la dépendance fonctionnelle . Si le projet est un projet industriel, veillez à bien considérer l’ensemble du processus et des intrants lorsque vous répondrez aux questions. Si le projet a pour objectif global de sécuriser la filière (réduction de la dépendance à un acteur, un pays, une zone… par la diversification, réduction/diversification des intrants…) vous n’avez pas besoin de répondre à la question 8, et vous pouvez directement passer à la question 9.
Avant de répondre à cette série de questions, il est conseillé de dresser un panorama des acteurs (clients et fournisseurs) composant la chaîne de valeur du projet. Nous parlons d’amont lorsqu’il s’agit des fournisseurs, et d’aval lorsqu’il s’agit des clients (du produit ou service).
8. Dans la chaîne de valeur du service/projet (serv ice/projet lui-même mais également fournisseurs-clients ou Amont-Aval), il existe au m oins un maillon particulièrement sensible à l’évolution du climat, et cela pourrait avoir des répercussions sur le coût voire même sur la pertinence économique du projet
Pour traiter la répercussion sur le coût, il faut s’intéresser à la sensibilité de l’amont au prix de l’eau et de l’énergie. Par exemple, la métallurgie est un secteur fortement dépendant du prix de l’énergie, l’agriculture ou certains secteurs industriels sont sensibles au coût de l’eau, l’élevage est sensible au coût des matières premières agricoles… Outre les coûts en eau et énergie, la question de la validité des objectifs dans le cadre du changement climatique se pose.
� L’Amont (c’est-à-dire les fournisseurs) est particulièrement sensible à l’évolution du climat
C’est par exemple le cas si le service/projet nécessite un approvisionnement en bois, en matières premières agricoles,… mais également si les acteurs en amont dépendent des saisons, des précipitations, des températures, sont particulièrement exposés aux aléas extrêmes…
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
� L’Aval (c’est-à-dire les clients) est particulièrement sensible à l’évolution du climat
Si le service/projet se trouve en amont d’un acteur faisant appel au bois, aux matières premières agricoles,… mais également si ce client est dépendant des saisons, des précipitations, des températures, est particulièrement exposé aux aléas extrêmes… la réponse doit être « tout à fait vrai ». Par ailleurs, il est nécessaire de s’interroger sur la validité du service rendu par le projet dans le climat futur. L’aval peut ainsi être compris comme les objectifs visés par le projet, par exemple le stockage d’eau est un des objectifs visés par un barrage. Enfin, pour les projets d’infrastructures, l’aval est constitué des usagers du service. Pour une infrastructure de transport, il s’agit d’évaluer si les zones desservies sont SENSIBLES au climat (agriculture, forêt, côte, complexe hôtelier…).
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
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� Le service/projet lui-même est particulièrement sensible au climat et/ou à son évolution
Dans cette question, il est nécessaire de considérer les activités dépendant de la biomasse (foresterie, agriculture…), mais également celles dépendant de la ressource en eau, comme l’hydroélectricité. Par ailleurs, les activités industrielles sont également concernées lorsqu’elles nécessitent un refroidissement lié à un cours d’eau, ou qu’un processus industriel impliqué dans le service/projet est impacté par la température, les précipitations, comme des procédés dépendant de la viscosité d’un matériau…Enfin, le projet ou service peut être impacté par des phénomènes du type canicule (par l’intermédiaire du comportement des matériaux par exemple).
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
9. Si la température augmente, les rejets dans l’en vironnement (sel, Gaz à Effet de Serre, chaleurs…) vont croître
Cette question permet de faire le lien avec la politique d’atténuation. Il se peut que, dans le cas d’un processus industriel, l’évolution attendue du climat entraîne une augmentation de rejets tels les engrais azotés, les Gaz à Effet de Serre ou simplement de la chaleur pour alimenter un procédé de refroidissement… Par exemple, dans le cas d’un bâtiment climatisé, une hausse des températures entraîne une augmentation de l’utilisation du système de climatisation, augmentant ainsi les rejets de chaleur à l’extérieur, et renforçant le phénomène d’Îlot de Chaleur Urbain (ICU).
tout à fait vrai plutôt vrai plutôt pas vrai pas du tout vrai
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DÉPENDANCE AUX RÉSEAUX (DÉPENDANCE STRUCTURELLE)
Les réseaux deviennent de plus en plus importants dans l’activité économique, notamment du fait de la mondialisation des échanges commerciaux et le recours au transport (terrestres, maritimes, aériens), et de la place importante qu’occupent les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans l’économie. Ces réseaux sont un moyen d’accélérer les échanges, que ce soient les échanges physiques (commerciaux) ou bien les échanges de données. Malgré tout, ces échanges requièrent des infrastructures, comme les routes, les chemins de fer, les lignes téléphoniques…, lesquelles sont exposées aux aléas climatiques.
Par ailleurs, l’implantation géographique des investissements joue un rôle majeur, car elle détermine l’exposition au changement climatique. La proximité d’une forêt, d’une rivière, du littoral, sont des éléments à considérer lorsque l’on étudie la vulnérabilité climatique.
Dans cette section, nous cherchons dans un premier temps à estimer la dépendance indirecte au climat , par l’intermédiaire de la dépendance structurelle . Veillez à prendre en compte l’intégralité de l’activité. Dans un second temps, nous nous intéressons à l’exposition directe au changement climatique, du fait de l’implantation géographique du projet.
10. En cas de défaillance d’un réseau (d’eau, d’éne rgie ou de transport), le projet présente une flexibilité permettant de garantir une continuité dans la délivrance du service
Cette question permet d’évaluer la capacité de report que présente le projet/service.
� Pour le réseau d’eau
Pour le réseau d’eau, il est possible que le projet/service soit en capacité de subvenir à ses besoins en eau grâce à un accès direct à la ressource (forage, puit, stockage d’eau, récupération des eaux de pluies…)
OUI NON NE S’APPLIQUE PAS
� Pour les réseaux énergétiques
Par exemple, les lignes électriques peuvent subir des dommages causés par des aléas climatiques. Par ailleurs, en période de forte consommation électrique de pointe, le régulateur peut procéder à des délestages, afin de ne pas endommager le réseau. Une coupure d’électricité peut être liée à un aléa climatique qui serait survenu à distance du lieu d’implantation du projet. Pour les réseaux énergétiques (électricité, gaz, pétrole, charbon), une diversification des sources énergétiques permet donc d’améliorer la résilience climatique.
OUI NON NE S’APPLIQUE PAS
� Pour les réseaux de transport
Le réseau routier peut subir des dommages liés aux aléas climatiques et à l’évolution tendancielle des précipitations. Par exemple, si l’ activité nécessite l’acheminement de marchandises en flux tendus ou quasi tendus, le projet/service est fortement dépendant des réseaux de transport. De même pour les entrepôts de stockage logistique. Ainsi, si le projet est capable de faire du report modal (voies ferrées, routes, voies fluviales, voies aériennes), cela améliore donc sa résilience climatique.
OUI NON NE S’APPLIQUE PAS
11. En cas de défaillance de plus de 12 heures d’un des réseaux de Technologie de l’Information et de la Communication (TIC), le serv ice n’est plus assuré :
Tout comme le réseau électrique, des aléas climatiques peuvent endommager les réseaux de TIC. Par exemple, s’il s’agit de e-commerce, il est fort probable que la réponse soit «VRAI».
VRAI FAUX NE S’APPLIQUE PAS
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12. Le service/projet se trouve dans une zone parti culièrement sensible aux risques naturels liés au changement climatique, en particul ier :
� Le projet/service se trouve à proximité d’un massif boisé
Cette question permet de prendre en compte l’augmentation du risque de feu de forêt liée à l’évolution attendue du climat. La réponse doit être « Ne s’applique pas » uniquement pour les projets en zone urbaine.
OUI NON NE S’APPLIQUE PAS
� Le projet/service se trouve en zone littorale à basse altitude
Cette question permet de prendre en compte la remontée du niveau de la mer liée au changement climatique, ainsi que l’évolution du trait de côte.
OUI NON
� Le projet/service se trouve en zone inondable
Cette question permet de prendre en compte les risques d’inondation qui, en dépit d’un climat plus sec, vont rester inchangés.
OUI NON
� Le projet/service est susceptible d’être affecté par le Retrait-Gonflement des argiles
Dans les sols, le volume des matériaux argileux tend à augmenter avec leur teneur en eau (phénomène de gonflement) et, inversement, à diminuer en période de déficit pluviométrique (phénomène de retrait). Ces phénomènes de « retrait-gonflement des argiles » peuvent provoquer des dégâts au niveau des constructions localisées dans des zones où les sols contiennent des argiles. Ces dégâts sont fonction des possibilités de déformation des bâtiments et particulièrement de la profondeur de leurs fondations. Ce phénomène affecte donc essentiellement les bâtiments résidentiels individuels. Si le projet/service ne comporte pas de bâtiments, la réponse doit être « Ne s’applique pas ».
OUI NON NE S’APPLIQUE PAS
� Le projet/service est susceptible d’être affecté par une augmentation de la fréquence des cycles gel-dégel
Du fait du changement climatique, la fréquence des cycles de gel-dégel connaîtra une augmentation. Ce phénomène peut endommager les revêtements et les bétons. Les projets comprenant des infrastructures de transport sont donc particulièrement exposées à ce risque. Pour les projets/services qui ne comprennent pas ce type d’investissement, la réponse doit être « Ne s’applique pas ».
OUI NON NE S’APPLIQUE PAS
Annexe B-1 Questionnaire utilisé pour l’estimation de la sensibilité et de la résilience des projets
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GUIDE D’ACCOMPAGNEMENT DE L’UTILISATEUR
PRÉAMBULE
Le changement climatique est aujourd’hui sans équivoque et commence déjà à être observé. Malgré les incertitudes quant à ce changement à long terme, dont l’amplitude dépendra de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (agir sur les causes), le sens de cette variation ne laisse pas la place au doute. Afin de limiter les conséquences négatives de ce changement climatique et de saisir les opportunités que ce dernier offre, il est nécessaire d’anticiper ce changement. C’est ce que l’on appelle l’adaptation au changement climatique (s’adapter aux conséquences). En effet, bien que les sociétés soient en mesure, dans certains cas, de s’adapter spontanément en réaction à un changement perçu, le fait d’adopter une stratégie proactive présente des avantages, à commencer par la réduction du coût (social et économique) à moyen terme.
Dans cette démarche, la France a adopté en juillet 2011 un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) portant sur la période 2011-2015, composé de 234 actions réparties à travers 84 mesures phares, afin de traiter cette question à l’échelle nationale. Une des mesures du PNACC consiste à «identifier et diffuser des critères, méthodes et sources de données permettant de juger de la maladaptation », dans laquelle une action est d’ « introduire des critères d’éligibilité, permettant d’éviter les projets mal adaptés, dans les dispositifs de financements publics et privés pertinents ». Elle prévoit donc que dans une réflexion de durabilité, les investissements publics évitent d’augmenter la vulnérabilité à l’évolution du climat : il s’agit donc d’éviter la maladaptation en favorisant la résilience des investissements au changement climatique.
Pour gérer l’incertitude sur le degré exact de changement climatique, on peut agir pour conserver ou créer de la flexibilité, d’éviter les dépendances technologiques et plus généralement d’éviter toutes les décisions irréversibles.
Afin d’agir en amont de ces changements, la résilience au changement climatique doit être renforcée, de manière à minimiser l’augmentation de la vulnérabilité, et donc la maladaptation.
On attend principalement du changement climatique en France :
• un climat globalement plus chaud
• un climat globalement plus sec
• un renforcement des évènements extrêmes (canicules, feux de forêts, sécheresses, voire intensité des tempêtes en Outre-mer)
• la remontée du niveau de la mer et une augmentation des risques d’inondations en zones côtières
• une baisse des débits des cours d'eau notamment durant les périodes estivales
L’évolution du climat aura des conséquences sur la pertinence et la rentabilité économiques de diverses activités et projets d’investissement. C’est pour cette raison que les projets faisant appel au financement public seront à terme évalués sur leurs capacités à faire face au changement climatique qu’ils connaîtront tout au long de leur utilisation.
Le présent document a pour objectif de vous apporter des éléments vous permettant d’estimer la sensibilité de votre projet ou service au changement climatique et au climat, en exposant les répercussions possibles (directes et indirectes) de l’évolution attendue du climat sur votre activité.
En amont d’un investissement, ce document peut permettre d’accompagner l’intégration du risque climatique dans la prise de décision.
Ce document vise ainsi à identifier les forces et faiblesses d'un projet d'investissement face à l’évolution du climat et à identifier où agir pour améliorer la pérennité de l'investissement.
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ESTIMATION DE LA PERTINENCE DE L ’ÉTUDE
Tout d’abord, le changement climatique est un phénomène dont le pas de temps est long, dont les conséquences seront visibles non seulement à long terme (de l’ordre du siècle) mais également à moyen terme (quart de siècle) et court terme (décennie). Dans certaines régions du globe, le changement climatique est une préoccupation actuelle, pour d’autres régions, c’est principalement un enjeu pour le futur. Il est donc nécessaire d’anticiper ces bouleversements afin d’en atténuer les effets sur nos sociétés. Ainsi, quelque soit l’horizon temporel de votre projet, l’intégration du changement climatique en amont est bénéfique, mais c’est une absolue nécessité pour les projets qui seront confrontés à un climat différent, autrement dit pour les projets dont la durée de vie est longue (supérieure à 15-20 ans). Néanmoins, même à court terme, il est préférable de prendre en compte les problématiques climatiques, qui permettent d'anticiper le coup d'après ou bien de se prémunir contre des évènements climatiques déjà connus aujourd'hui
Comme cela a été évoqué dans le préambule, le changement climatique en France se manifestera par une hausse des températures moyennes, et un climat globalement plus sec, mais également par une remontée du niveau de la mer et un renforcement des évènements extrêmes et une baisse des débits des cours d'eau. Par ailleurs, même s’il est attendu plus de sécheresse, les zones inondables aujourd'hui le resteront. Enfin, d’autres conséquences non identifiées pourraient néanmoins se produire, mais globalement on n'attend pas d'évènements climatiques « nouveaux » mais en revanche des problèmes climatiques plus fréquents ou apparaissant dans des zones alors épargnées jusqu'à présent.
A l’heure actuelle, les modèles climatiques n’identifient pas d’augmentation des tempêtes du fait du changement climatique pour le territoire français métropolitain, mais projettent des canicules et des feux de forêts plus fréquents. . Ces canicules, dans un pays tel que la France où les plus fragiles tendent à représenter une part croissante de la population totale, peuvent avoir des conséquences significatives en termes de mortalité. En 2003, la canicule que la France a connue a causé la mort de 14800 personnes.
Enfin, il est à noter que le changement climatique peut également avoir certains aspects positifs. Pour la France, une augmentation moyenne de la température entraînera une baisse de la consommation d’énergie pour le chauffage l’hiver. Cette situation est à contraster selon les régions. En effet, pour les régions méridionales, le changement climatique pourrait, du fait de la climatisation d’été, engendrer une augmentation et non une diminution de la facture annuelle. Pour l’agriculture, les modèles de croissance anticipent une hausse des rendements en réponse au changement climatique. Cependant, ces modèles ne prennent pas en compte les effets de sécheresses plus fréquentes.
ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE DIRECTE DU PROJET AU CHA NGEMENT CLIMATIQUE
DÉPENDANCE À L’EAU
Du fait du réchauffement climatique, une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en été est attendue. Pour l’automne et l’hiver, on n’anticipe pas de changements significatifs. En ce qui concerne les jours très chauds, une très nette tendance à l’augmentation est attendue sur l’ensemble de la France. Par ailleurs, on s’attend à l’allongement des périodes de sécheresse estivale. La survenue de très fortes précipitations ne devrait pas changer comparativement à la situation actuelle. Une baisse des débits des cours d'eau en période estivale est attendue sur la plupart des cours d'eau métropolitaine.
Par ailleurs, si nous considérons une stabilité de la demande en eau, la baisse de la disponibilité de la ressource à horizon 2050 pourrait aboutir à un déficit de 2 milliards de m3 par an pour la satisfaction des besoins de l’industrie, de l’agriculture et de l’alimentation en eau potable. Ces déficits devront être compensés par une meilleure gestion de la demande, voire selon les régions par une augmentation de l’offre. Il est à noter que les conflits d’usage seront amenés à progresser, ce qui renforce la nécessité de gérer mieux et différemment la demande.
Si votre projet dépend directement de la ressource en eau, il serait profitable que vous mettiez en place des mesures permettant d’anticiper une réduction du prélèvement et consommation, et qu’en cas de forte restriction, vous soyez tout de même capable de délivrer votre service. S’il s’agit d’un
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projet industriel, l’eau peut intervenir à plusieurs étapes, pour le refroidissement notamment, mais aussi pour le nettoyage... Outre les projets industriels, l’agriculture est particulièrement sensible à l’évolution des précipitations et à la sécheresse.
Suivant les saisons, la consommation d’eau ne pose pas les mêmes problèmes, du fait de la disponibilité de la ressource en hiver (saison humide) par rapport à l’été (saison sèche). Ainsi, les activités qui consomment plus d’eau l’hiver que l’été sont a priori plus résilientes au changement climatique. Par exemple, la production de neige artificielle a lieu l’hiver et pose moins de difficulté a priori que l’irrigation des cultures estivales. Plus largement, les activités dépendant du tourisme d’hiver (hôtellerie, production de neige artificielle…) auront moins de problèmes en matière d’approvisionnement en eau que les activités dépendant du tourisme d’été (hôtels des stations balnéaires,…).
Parmi les solutions pour compenser le déficit de la ressource en eau, nous avons évoqué deux grandes catégories : les solutions intervenant sur la demande, et les solutions intervenant sur l’offre. Pour le côté demande, cela revient à mettre en place des procédés moins consommateurs d’eau dans l’industrie, utiliser des cultures plus tolérantes à la sécheresse, mais également intervenir sur le comportement du consommateur. Pour ce qui est de l’offre, plusieurs pistes existent. Des barrages de rétention peuvent permettre de stocker l’eau de la saison humide pour la consommer à la saison sèche, la récupération de l’eau de pluie peut compenser le déficit, des puits de pompage de l’eau souterraine peuvent être mis en œuvre,, le réseau d’eau peut réduire ses fuites (qui représentent environ 30% de l’eau pompée ou acheminée), de l’eau de mer peut être dessalée… Parmi toutes ces solutions, certaines sont plus respectueuses de l’environnement, et plus durables. Par exemple, le pompage de ressource hydrique dans la nappe phréatique peut ne pas être durable s’il s’agit d’eau fossile, mais également être tout à fait pertinent (économiquement et écologiquement) dans le cas d’une eau souterraine abondante et renouvelable. Il n’y a donc pas de réponse unique à un problème unique.
DÉPENDANCE À L’ÉNERGIE
De même que pour la ressource en eau, une diminution de la disponibilité de l’énergie est à attendre, même si cette tendance est à nuancer selon les périodes de l’année (réduction de la consommation d’énergie l’hiver du fait du réchauffement, mais augmentation du besoin de climatisation pour le résidentiel et les transports l’été) et les secteurs. Cette diminution de la disponibilité pour la France, qui n’est pas uniquement liée au changement climatique, mais également à la raréfaction des ressources épuisables et à la croissance de la consommation des pays en développement, va s’accompagner d’une augmentation de son coût sur les marchés.
Pour l’électricité, la consommation devrait croître en période estivale pour les besoins de refroidissement, mais elle devrait diminuer en hiver, la période de froid étant globalement moins froide. Néanmoins, le changement climatique aura également un effet sur la production énergétique, à travers notamment le système de refroidissement des centrales, et la modification de la ressource renouvelable. Notamment pour la production hydraulique Par ailleurs, l’accès aux hydrocarbures va devenir de plus en plus difficile, du fait de la raréfaction, en particulier du pétrole et du gaz.
D'autre part, à cause dulien extrêmement fort entre l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier de CO2, l’énergie est au cœur des enjeux climatiques. Ainsi, l’atténuation a pour objectif de réduire ces émissions de GES liées aux activités économiques. Or, adaptation et atténuation sont les deux aspects complémentaires de la politique climatique. C’est pourquoi il faut s’attacher à ce que les mesures d’adaptation n’entravent pas celles d’atténuation et inversement, voire même que nous profitions des synergies possibles.
La raison pour laquelle l’énergie participe aux émissions de GES provient du fait que les sources employées sont principalement les hydrocarbures –gaz charbon pétrole- qui produisent du CO2 lors de la réaction de combustion de laquelle nous tirons de l’énergie (thermique). Cela est à nuancer dans le cas de la production d’énergie (électricité ou chaleur), lorsque les sources sont nucléaire ou renouvelables.
Ainsi, une activité qui tendrait à avoir une consommation d’énergie croissante du fait du réchauffement climatique devrait mettre en place des mesures permettant de limiter voire de supprimer cette corrélation positive entre réchauffement et consommation d’énergie. Cette corrélation est parfois intrinsèque à l’activité (c’est par exemple le cas du transport d’électricité, dont le rendement diminue
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lorsque la température augmente) et ne peut pas être facilement compensée (pour le transport d’électricité, cela pourrait être compensé par une réduction de la longueur du réseau), mais peut parfois être évitée en anticipant l’évolution du climat futur. Par exemple, en anticipant le réchauffement lors de la construction des bâtiments résidentiels, il est possible dès la conception d’intégrer des solutions de climatisation naturelle, permettant d’éviter le recours à la climatisation « artificielle », laquelle consomme d’autant plus d’énergie qu’il fait chaud, et qui peut renforcer les phénomènes d’Îlot de Chaleur Urbain (ICU) du fait des rejets de chaleur en zone urbaine. L’anticipation du changement climatique dès la conception des bâtiments peut permettre de réduire la nécessité d’apport énergétique l’hiver, en optimisant l’orientation et la taille des surfaces vitrées sur les façades, permettant ainsi de profiter du rayonnement solaire naturel.
Enfin, le tourisme sera impacté sur l’ensemble du territoire métropolitain par le changement climatique, du fait d’une dégradation du confort climatique d’été. La région du Nord et la façade atlantique serait impactées de manière moins significative. Ainsi, on pourrait anticiper davantage de flux migratoires estivaux en direction de ces régions, conduisant à une augmentation de la consommation d’énergie l’été du fait des transports. Par ailleurs, certaines stations de sports d’hiver (de basse-moyenne altitude) ne présenteront plus d’enneigement suffisant pour assurer un domaine skiable fiable à horizon 2030-2050, et la production de neige artificielle ne représente donc pas une solution durable pour toutes les stations, et consomme de l’énergie à une période particulièrement critique (période froide). Cependant, le changement climatique peut représenter une opportunité non négligeable pour le développement du tourisme d’intersaison, qui nécessite une planification anticipative.
Dans le cas d’une activité dont la consommation d’énergie ne pourrait pas être découplée du réchauffement climatique, il pourrait être envisagé de faire appel aux énergies renouvelables, telles le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse,… ou même de compenser cette consommation d’énergie par des solutions passives (l’isolation pour l’habitat), voire des aménagements différents (réduction de l’énergie consommée par les transports grâce au développement des filières courtes, développement des zones d’activités en cohérence avec les transports en commun,…). Le recours aux énergies renouvelables permet de s’affranchir de la dépendance aux ressources épuisables, tout en ayant une répercussion en termes d’émissions de GES maîtrisée.
ESTIMATION DE LA DÉPENDANCE INDIRECTE DU PROJET AU C HANGEMENT CLIMATIQUE
DÉPENDANCE À LA CHAÎNE DE VALEUR (DÉPENDANCE FONCTIONNELLE)
Les activités économiques et les projets peuvent être directement impactés par une augmentation du coût de l’énergie et de celui de l’eau, du fait de la raréfaction de ces ressources, mais il est également possible que votre projet dépende d’autres facteurs qui seront modifiés du fait du changement climatique sans que cela apparaisse à travers les coûts de l’eau et de l’énergie, mais que cela remette en question la rentabilité économique attendue (pour un projet industriel), ou bien la délivrance du service.
S’il s’agit d’un projet industriel, les procédés employés sous-jacents peuvent être perturbés par des modifications des conditions climatiques, par la hausse des températures notamment. À titre d’exemple, des températures maximales plus élevées peuvent avoir des conséquences pour des procédés sensibles à la viscosité des matériaux, et ainsi bouleverser, interrompre ou simplement dégrader la production pendant certaines périodes. Les températures maximales (canicules) sont également un problème pour le comportement de certains matériaux, comme l’acier des rails de chemin de fer. Ainsi, l’entreposage des matériaux doit prendre en considération cette problématique.
Outre les maxima, l’évolution tendancielle de la température est également un facteur pouvant altérer les rendements, comme c’est le cas pour les réseaux de transport d’électricité, dont le rendement décroît avec la température. De même, dans le cas d’un barrage et d’une unité de production hydroélectrique, le changement climatique va conduire, selon les régions, à une réduction des débits d’eau, et donc à une réduction du productible.
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Bien que le changement climatique n’impacte peut-être pas directement la filière dans laquelle s’inscrit votre projet, il se peut qu’un élément de la chaîne de valeur de ce qui est produit ou proposé comme service soit plus contraint par le climat, que cet élément se trouve en amont ou bien en aval de votre activité (nous parlons d’amont lorsqu’il s’agit des fournisseurs, et d’aval lorsqu’il s’agit des clients du produit ou service). En effet, si le climat pèse sur l’amont de cette activité, il se peut que des difficultés à maintenir le service soient rencontrées. De même, si c’est l’aval de l’activité qui se trouve impacté, des difficultés à vendre ou délivrer le service ou produit pourront être rencontrées. Si votre projet est un projet industriel, il peut être utile de dresser un panorama des acteurs (clients et fournisseurs) composant la chaîne de valeur du projet.
Si votre service ou projet a recours à la une filière sensible au climat, vous présentez certainement une dépendance indirecte au changement climatique relativement importante. C’est par exemple le cas du tourisme (hiver-été), qui peut se trouver bouleversé par les nouvelles conditions climatiques, et réduire les activités économiques qui en dépendent. Le changement climatique va particulièrement impacter l’agriculture, la pêche, la sylviculture, l’eau, la biodiversité, ce qui peut avoir des effets négatifs dans divers secteurs outre le tourisme déjà cité, tels l’innovation pharmaceutique, la confection bois…
À titre d’exemple, la métallurgie est un secteur fortement dépendant du prix de l’énergie, de même que l’agriculture ou certains secteurs industriels sont sensibles au coût de l’eau, ou encore que l’élevage est impacté par le renchérissement des matières premières agricoles. Globalement, la plupart des activités économiques nécessitant le transport de marchandises est impactée par l’augmentation du coût de l’énergie. Ainsi, si l’eau ou l’énergie représente une part importante du coût du bien ou service qui vous est délivré par l’amont de votre chaîne, le changement climatique renchérissant ces ressources, cela se traduira certainement par une augmentation de vos coûts et peut-être par une perte de compétitivité, même si vous n'êtes directement pas un gros consommateur d'eau ou d'énergie
Nous pouvons penser que l’aval a moins de conséquence sur une activité que la partie amont de sa chaîne, il n’en demeure pas moins que la pertinence d’un investissement peut être discutée au regard des débouchés, et de l’évolution attendue du besoin de bien ou service auquel le projet compte répondre. Outre l’amont de votre activité, il est donc également pertinent et nécessaire de s’intéresser à l’aval de votre activité.
Lorsqu’il s’agit d’aval, la notion doit être élargie à « l’ensemble des objectifs visés par le projet ». Par exemple, dans le cas d’un barrage, le stockage de l’eau est l’un des objectifs, et il peut être compromis par une évolution de la demande en eau, bien que le projet de barrage en lui-même ne soit pas directement sensible (dans son fonctionnement) à l’évolution du climat. Dans l’exemple présent, le climat perturbe donc les débouchés du projet (demande plus forte des clients au delà des capacités du barrage voire disparition de clients dans la zone du projet). De même, dans le cadre d’un projet d’infrastructures (transport, énergie, TIC), l’aval est constitué des usagers du service en question. Ainsi, une route pourrait ne pas être directement sensible à l’évolution du climat, mais ne plus présenter de pertinence économique si la majorité de ses usagers était impactée par le changement climatique. Cela dépend donc des zones que dessert ladite route (agriculture, forêt, côte, complexe hôtelier…).
Afin d’améliorer la résilience au climat d’un projet, plusieurs solutions existent, à savoir la diversification des sources d’approvisionnement, la formation de stocks disponibles sur place, l’amélioration de l’efficacité afin de consommer une moindre quantité de ressource par unité de bien ou de service délivrée… Toutes ces solutions peuvent entraîner un coût, notamment la formation et l’entretien de stock, et nécessitent des ressources, mais peuvent s’avérer rentables à long terme.
DÉPENDANCE AUX RÉSEAUX (DÉPENDANCE STRUCTURELLE)
Les réseaux deviennent de plus en plus importants dans l’activité économique, notamment du fait de la mondialisation des échanges commerciaux et le recours au transport (terrestres, maritimes, aériens), et de la place importante qu’occupent les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans l’économie. Ces réseaux sont un moyen d’accélérer les échanges, que ce soient les échanges physiques (commerciaux) ou bien les échanges de données. Malgré tout, ces échanges requièrent des infrastructures, comme les routes, les chemins de fer, les lignes téléphoniques…, lesquelles sont exposées aux aléas climatiques.
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Par exemple, les lignes électriques peuvent subir des dommages causés par des aléas climatiques, et en période de forte consommation électrique de pointe, le régulateur peut procéder à des délestages, afin de ne pas endommager le réseau de transport d’électricité. Par ailleurs, une coupure d’électricité peut être liée à un aléa climatique qui serait survenu à distance du lieu d’implantation du projet, et dont les répercussions atteignent l’implantation de votre projet.
Le réseau routier peut également subir des dommages liés aux aléas climatiques et à l’évolution tendancielle des précipitations. Il en est de même pour les voies ferrées, dont les rails peuvent subir les effets des canicules, et ne plus être en capacité d’assurer leur fonction, du fait de la déformation subie. Lors de la canicule de 2003, certains segments du réseau ferré français ont ainsi souffert de ce phénomène.
Par ailleurs, les transports sont eux-mêmes impactés par l’élévation du coût de l’énergie (électricité et pétrole principalement) et peuvent ainsi impacter le coût final d’un service ou produit. Pour aller plus loin, le coût du transport aérien est plus impacté par l’élévation du coût de l’énergie que le coût du transport fluvial, puisque l’énergie représente une plus grande part du coût dans l’aviation que dans le transport maritime.
Ainsi, la dépendance indirecte au climat et au changement climatique peut également venir de la dépendance aux divers réseaux pour assurer son fonctionnement. En effet, même les activités dites de service dépendent du climat, car elles se servent des TIC et des réseaux de transport et d’énergie pour fonctionner. Par exemple, les activités économiques de e-commerce qui peuvent parfois paraître comme dématérialisées et donc comme moins sensibles au changement climatique, sont en fait dépendantes des réseaux de TIC et de transport dans leur activité quotidienne, et donc indirectement sensibles au climat. De même, une activité nécessitant l’acheminement de marchandises en flux tendus ou quasi-tendus pour son fonctionnement pourrait subir indirectement les conséquences du changement climatique (à travers l’augmentation de la fréquence de certains évènements extrêmes notamment), qui rendront certains réseaux inopérants.
Afin de gérer votre sensibilité et votre résilience au risque climatique, il est donc nécessaire de savoir si votre projet ou service est en capacité d’être maintenu en cas de défaillance d’un voire de plusieurs réseaux (eau, énergie, transport, TIC). Pour les réseaux énergétiques (électricité, gaz, pétrole, charbon), une diversification des sources permet d’améliorer la résilience climatique. De même, le report modal (route-rail par exemple) permet d’intégrer de la flexibilité dans le fonctionnement, et ainsi de la résilience au changement climatique.
La flexibilité par rapport à la défaillance du réseau d’eau peut être atteinte grâce à la réalisation de forage pour puiser de l’eau dans les réserves souterraines, à la formation d’un stock d’eau dans lequel puiser en cas de besoin, mais également en utilisant des eaux de surface. En ce qui concerne les eaux souterraines, il est à noter que la loi cadre sur l’eau requiert que les masses d’eau souterraines retrouvent leur bon état de référence à horizon 2015, ce qui signifie qu’il est nécessaire de puiser moins que ce qui retourne dans la nappe.
Enfin, l’implantation géographique des investissements joue un rôle majeur, car elle détermine l’exposition au changement climatique.
Le changement climatique va conduire à une augmentation du risque de feu de forêt dans certaines régions, ce qui pourra perturber les activités et services se trouvant à proximité de la forêt en question, y compris les infrastructures de réseau. Étant attendue une remontée globale du niveau de la mer liée au changement climatique, une implantation en zone littorale de basse altitude expose à la submersion marine. Par ailleurs, ce phénomène peut également rendre obsolète certaines infrastructures de transport de manière tendancielle lorsqu’elles sont situées dans ces régions. À titre indicatif, la remontée du niveau de la mer extrême avant la fin du siècle est estimée à 1 mètre en France métropolitaine ce qui aggravera les risques de submersion côtière.
En dépit d’un climat futur probablement plus sec, les risques d’inondation vont rester inchangés. Ainsi, les investissements qui se trouvent actuellement dans une zone inondable resteront exposés à ce risque, malgré l’évolution du climat.
Les phénomènes liés à la nature des sols sont également à prendre en considération dans la gestion des risques lors d’un investissement. Dans les sols, le volume des matériaux argileux tend à augmenter avec leur teneur en eau (phénomène de gonflement) et, inversement, à diminuer en
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période de déficit pluviométrique (phénomène de retrait). Ces phénomènes de « retrait-gonflement des argiles » peuvent provoquer des dégâts au niveau des constructions localisées dans des zones où les sols contiennent des argiles. Ces dégâts sont fonction des possibilités de déformation des bâtiments et particulièrement de la profondeur de leurs fondations. Ce phénomène affecte donc essentiellement les bâtiments résidentiels individuels et peut être anticipé en ayant recours à des techniques de construction adaptée à ce dernier. Enfin, du fait de l’élévation de la température moyenne, la fréquence des cycles de gel-dégel connaîtra une augmentation. Ce phénomène peut endommager les revêtements et les bétons, ce qui touche particulièrement les infrastructures de transport.
Ce sont autant de risques d’interruption et de perturbation de l’activité, voire de surcoût de maintenance, à considérer lors de la prise de décision d’investissement.
Annexe B-2 Guide d’accompagnement de l’utilisateur rédigé dans le cadre de l’outil dédié à la maladaptation
150
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160
TABLE DES M ATIÈRES
RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................ I
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ III
SOMMAIRE ...................................................................................................................................................... V
TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................................................................. VI
GLOSSAIRE ..................................................................................................................................................... VII
AVANT-PROPOS ............................................................................................................................................... 1
INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 4
I. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ................................................................ 5
I.1. LES IMPACTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET L’ATTÉNUATION ......................................................... 5
I.1.1. Économie et climat .......................................................................................................................... 5
I.1.1.1. Les liens énergie-climat et énergie-économie ....................................................................................... 6
I.1.1.2. L’équation de Kaya ................................................................................................................................ 7
I.1.1.3. L’atténuation ......................................................................................................................................... 8
I.1.2. Les outils et indicateurs d'atténuation ............................................................................................ 9
I.1.2.1. Le marché et la taxe .............................................................................................................................. 9
I.1.2.2. Les normes et subventions .................................................................................................................. 10
I.1.2.3. La métrique de l’atténuation et la courbe d’abattement .................................................................... 11
I.1.2.4. Les fuites de carbone........................................................................................................................... 13
I.1.2.5. Les coûts et potentiels d’atténuation .................................................................................................. 14
I.2. L’ADAPTATION ............................................................................................................................................ 15
I.2.1. Les besoins d’adaptation ............................................................................................................... 15
I.2.1.1. Les zones côtières ................................................................................................................................ 16
I.2.1.2. L’agriculture......................................................................................................................................... 16
I.2.1.3. L’eau .................................................................................................................................................... 17
I.2.1.4. L’énergie .............................................................................................................................................. 17
I.2.1.5. Le tourisme .......................................................................................................................................... 18
I.2.1.6. La santé ............................................................................................................................................... 18
I.2.1.7. L’accès à l’information ......................................................................................................................... 19
161
I.2.1.8. Le secteur privé et les assurances ....................................................................................................... 19
I.2.2. Comment favoriser l'adaptation ? ................................................................................................. 20
I.2.2.1. Les différentes catégories d’adaptation .............................................................................................. 20
I.2.2.2. Les divers systèmes d’assurance ......................................................................................................... 22
I.2.2.3. Les signaux-prix ................................................................................................................................... 24
I.2.2.4. Les partenariats publics-privés ............................................................................................................ 25
I.2.3. Les outils d'évaluation des solutions ............................................................................................. 26
I.2.3.1. Le problème de l’incertitude et sa prise en compte ............................................................................ 26
I.2.3.2. Les outils classiques : ACB, ACE, AMC ................................................................................................. 28
I.2.3.3. Les autres instruments et les critères d’appréciation ......................................................................... 30
I.3. L’ADAPTATION VERSUS L’ATTÉNUATION ............................................................................................................ 31
I.3.1. Les différences entre adaptation et atténuation ........................................................................... 32
I.3.1.1. Les échelles spatiales et temporelles .................................................................................................. 32
I.3.1.2. Un équivalent de la tonne de CO2 évitée ? .......................................................................................... 33
I.3.1.3. La diversité des acteurs de l’adaptation .............................................................................................. 33
I.3.1.4. Bien privé-bien public .......................................................................................................................... 34
I.3.1.5. Échec ou réussite de la politique engagée .......................................................................................... 34
I.3.1.6. Conflits et synergies entre les deux approches ................................................................................... 35
I.3.1.7. Une politique commune d’atténuation & adaptation ? ...................................................................... 35
I.3.2. La comparaison économique......................................................................................................... 36
I.3.2.1. La valeur d’option réelle ...................................................................................................................... 36
I.3.2.2. Pourquoi faudrait-il ne pas mélanger les deux ? ................................................................................. 37
I.3.2.3. La position en théorie des jeux ............................................................................................................ 39
I.3.3. L'émergence du concept d'adaptation sur la scène internationale ............................................... 41
II. ADAPTATION ET MALADAPTATION ....................................................................................................... 45
II.1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SES IMPACTS .............................................................................................. 45
II.1.1. Les climats futurs ........................................................................................................................... 45
II.1.1.1. Quelques définitions ........................................................................................................................... 45
II.1.1.2. L’origine des GES ................................................................................................................................. 46
II.1.1.3. La modélisation du climat ................................................................................................................... 48
162
II.1.1.4. Les projections climatiques du GIEC .................................................................................................... 49
II.1.1.5. Les projections climatiques pour la France ......................................................................................... 52
II.1.2. Les impacts sur l'économie et la société en France ....................................................................... 53
II.1.2.1. Quelques généralités ........................................................................................................................... 53
II.1.2.2. L’eau .................................................................................................................................................... 55
II.1.2.3. Les risques naturels ............................................................................................................................. 55
II.1.2.4. La biodiversité ..................................................................................................................................... 56
II.1.2.5. La santé ............................................................................................................................................... 56
II.1.2.6. L’agriculture......................................................................................................................................... 56
II.1.2.7. La foresterie ........................................................................................................................................ 57
II.1.2.8. L’énergie .............................................................................................................................................. 57
II.1.2.9. Le tourisme .......................................................................................................................................... 58
II.1.2.10. Le transport ......................................................................................................................................... 59
II.1.2.11. Les coûts des impacts .......................................................................................................................... 59
II.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ADAPTATION, ET LA MALADAPTATION .................................................................... 61
II.2.1. La polysémie de l’adaptation et sa dimension culturelle .............................................................. 61
II.2.2. Les concepts de l'adaptation au changement climatique ............................................................. 65
II.2.2.1. La vulnérabilité .................................................................................................................................... 66
II.2.2.2. La capacité d’adaptation ..................................................................................................................... 67
II.2.2.3. Les déterminants de la capacité d’adaptation .................................................................................... 69
II.2.2.4. Le déficit de capacité d’adaptation ..................................................................................................... 72
II.2.2.5. La résilience ......................................................................................................................................... 73
II.2.2.6. La résilience dans la pratique .............................................................................................................. 74
II.2.3. La maladaptation .......................................................................................................................... 78
II.3. L'ADAPTATION EN PRATIQUE ..................................................................................................................... 81
II.3.1. Les manières de faire de l'adaptation ........................................................................................... 81
II.3.1.1. Le sans-regret ...................................................................................................................................... 82
II.3.1.2. Les options réversibles ........................................................................................................................ 82
II.3.1.3. La marge de sécurité ........................................................................................................................... 82
II.3.1.4. L’adaptation douce .............................................................................................................................. 83
II.3.1.5. Les solutions techniques et technologiques ........................................................................................ 83
163
II.3.1.6. La réduction de l’horizon temporel ..................................................................................................... 84
II.3.1.7. Transformation en profondeur du système ........................................................................................ 85
II.3.1.8. Comparaison avec le cadre conceptuel ............................................................................................... 85
II.3.1.9. Approfondissement sur le sans-regret ................................................................................................ 86
II.3.2. Les outils dédiés à l'adaptation ..................................................................................................... 89
II.4. LA MALADAPTATION DANS LA PRATIQUE ...................................................................................................... 93
II.4.1. Les critères de jugement de la réussite de l’adaptation ................................................................ 93
II.4.2. La définition de Successful Adaptation .......................................................................................... 94
II.4.3. Les cinq types de maladaptation ................................................................................................... 95
II.4.4. Le risque de maladaptation en fonction de la stratégie ................................................................ 96
II.4.5. Les solutions techniques et technologiques .................................................................................. 98
II.4.5.1. La confiance accordée à la technique.................................................................................................. 98
II.4.5.2. La théorie de la société du risque ........................................................................................................ 98
II.4.5.3. Les systèmes complexes ...................................................................................................................... 99
II.4.5.4. La théorie des risques appliquée au dessalement ............................................................................... 99
II.4.5.5. Conclusion ......................................................................................................................................... 102
III. UN OUTIL POUR LA MALADAPTATION DES PROJETS ........................................................................... 104
III.1. L’APPROCHE GLOBALE ............................................................................................................................ 104
III.1.1. Les objectifs de l’outil ............................................................................................................. 105
III.1.2. Les critères utilisés .................................................................................................................. 108
III.1.2.1. La durée de vie du projet................................................................................................................... 108
III.1.2.2. L’eau .................................................................................................................................................. 109
III.1.2.3. L’énergie ............................................................................................................................................ 109
III.1.2.4. La dépendance fonctionnelle ............................................................................................................ 109
III.1.2.5. La dépendance structurelle ............................................................................................................... 110
III.1.2.6. L’exposition ....................................................................................................................................... 110
III.1.3. L’approche en elle-même ....................................................................................................... 111
III.1.3.1. L’aspect qualitatif .............................................................................................................................. 111
III.1.3.2. La détermination de la sensibilité-résilience ..................................................................................... 111
III.1.3.3. Le calcul de la vulnérabilité ............................................................................................................... 112
164
III.1.3.4. Que faire du résultat ? ....................................................................................................................... 113
III.1.4. Déroulement de l’utilisation de l’outil .................................................................................... 114
III.2. ÉTUDES DE CAS ..................................................................................................................................... 115
III.2.1. Les projets liés à l’énergie ....................................................................................................... 116
III.2.2. Le dessalement d’eau de mer ................................................................................................. 120
III.2.3. Les solutions de rafraîchissement dans les villes .................................................................... 122
CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................................................. 125
ANNEXES A ................................................................................................................................................... 128
ANNEXES B ................................................................................................................................................... 136
RÉFÉRENCES ................................................................................................................................................. 150
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................... 160