Évaluation d’une incapacité et d’un handicap cognitif Dr. Frédéric Blanc Unité de Neuropsychologie et CMRR Service de Neurologie Hôpitaux Universitaires de Strasbourg Item 49 ENC
Évaluation d’une incapacité et d’un handicap cognitif
Dr. Frédéric BlancUnité de Neuropsychologie et CMRR
Service de NeurologieHôpitaux Universitaires de Strasbourg
Item 49 ENC
Définitions
• Une pathologie entraîne:– Une déficience (ou un déficit) = symptômes
(aphasie, apraxie, agnosie…)
• La conséquence fonctionnelle dans une situation précise = incapacité (pour lire, pour utiliser un ordinateur….)
• Le retentissement dans la vie sociale = handicap (emploi, relations familiales, conduite …)
Anamnèse, antécédents, examen neuropsychologique
• L’anamnèse doit être la plus précise possible: interroger aussi les proches.– Quand a débuté le trouble?– Comment a-t-il débuté? Brutalement (encéphalite, AVC…)?
Très progressivement (démence, tumeur…)?– Quelles sont les conséquences sur la vie quotidienne
(conduite automobile, cuisine, activités ménagères, utilisation téléphone, argent, travail, papiers…)?
• Problème: Les patients n’ont pas l’habitude de décrire leurs comportements ou leurs processus mentaux. Il faudra donc faire préciser le ou les troubles mais sans induire les réponses.
Les activités instrumentales de la vie quotidienne
• Test IADLs– Utiliser le téléphone– Utiliser les transports– Prendre des médicaments– Gérer ses finances
4
Anamnèse, antécédents, examen neuropsychologique
• Antécédents (médicaux, chirurgicaux, facteurs de risque…)
• Passé scolaire (troubles de lecture, calcul, écriture…) et professionnel du patient.
• Traitement actuel:– Médicaments responsables de confusions– Médicaments aggravant les troubles cognitifs
Conscience et réaction aux troubles
• Anosognosie: patient ne prenant pas normalement conscience de ses troubles.
• Anosodiaphorie: conscience mais indifférence au trouble.
• Les troubles du langage ou mnésique sont plus faciles à repérer mais des troubles des conduites sociales ou de la personnalité plus difficiles (apathie, perte d’intérêt, impulsivité, agressivité, changement dans les conduites sexuelles…).
• Interrogatoire de l’entourage +++(NeuroPsychiatric Inventory : NPI).
Des troubles faciles à repérer?
• Sur 52 patients atteints de SEP examinés par un neurologue, seuls 13% sont jugés comme ayant des troubles neuropsychologiques alors qu’ils sont 54% après tests neuropsychologiques.
Peyser et al., Cognitive functions in patients with MS. Arch Neurol, 1980.
L’évaluation cognitive
• Évaluer les principales fonctions cognitives:– Mémoires (épisodique verbale et non-verbale, de
travail…)– Attention– Fonctions exécutives– Langage– Praxies– Gnosies– Fonctions visuo-spatiales
• Par des tests neuropsychologiques
Évaluation des mémoires
Mémoire• Selon le type d’enregistrement
- Mémoire à court terme ou mémoire tampon : correspond au stockage labile des données pendant une durée brève (15-20"). Mémoire de travail si sert à manipuler des informations pour réaliser une autre tâche.- Mémoire à long terme : stockage définitif des données dans un système à capacité illimitée pendant une durée illimitée.
• Selon le type d’information à stocker- Mémoire verbale : stockage d’informations verbales, comme pour un texte, sous dominance hémisphérique gauche.- Mémoire visuospatiale : stockage ou encodage préférentiellement non verbal comme pour un visage ou une forme, sous dominance hémisphérique droite.
Mémoire Court Terme Mémoire Long Terme
Mémoire expliciteConsciente
Mémoire impliciteInconsciente
Épisodique Sémantique
Procédurale
ConditionnementSimple
(stimulus-réponse)
Les Mémoires
D’après Squire
Autobiographique
Mémoire à long terme
• Mémoire à long terme : Mise en jeu dès qu’il existe une phase interférentielle entre l’apprentissage et le rappel.
- Mémoire épisodique : stockage et rappel d’évènements ou d’épisodes (si vécus personnellement =mémoire autobiographique).
- Mémoire sémantique : stockage et rappel des connaissances générales acquises (pas de charge émotionnelle : géographie,
calcul…).
• 4 étapes essentielles pour la mémoire à long terme :– Perception.– Codage ou encodage.– Rétention.– Récupération.
Circuit de Papez ou hippocampo-mamillo-thalamique
Hippocampe
Corps mamillaires
Thalamus
Les syndromes amnésiques
• Amnésie rétrograde : incapacité à restituer des informations anciennes acquises quand il n’y
avait pas encore de troubles de mémoire.• Amnésie antérograde : incapacité à acquérir des
informations nouvelles, depuis le début des
troubles de la mémoire.• Amnésie lacunaire : îlot d’amnésie entourant des
souvenirs intacts.
Test de Grober et Buschke (RLRI-16)
• Liste de 16 mots de moyenne fréquence, de catégories sémantiques différentes, appris 4 par 4
Hareng Jonquille
Domino Gilet
• Rappel immédiat après encodage• Interférence de 20s
Test de Grober et Buschke (RLRI-16)
Rappel libreRappel indicé puis correction
Interférence de 20 s2ème rappel libre2ème rappel indicé puis correction
Interférence de 20 s3ème rappel libre3ème rappel indicé
Interférence de 20 sReconnaissance parmi 32 distracteurs
Interférence de 20 mnRappel libre différéRappel indicé différé
En pratique, test des 5 mots
MuséeLimonadeSauterellePassoireCamion
1. Lecture Lisez ces 5 mots à haute voix et essayer deles retenir.2. Encodage indicéRegardez la feuille et dites moi quelle estla boisson, l’ustensile de cuisine, le véhiculele bâtiment,l’insecte.3. Étape d’apprentissagePouvez-vous me redonner les 5 mots?Puis avec indice si nécessaire4. Tâche interférente5. Étape de mémoirePouvez-vous me redonner les 5 mots?Puis avec indice si nécessaire
Test des 5 mots
Profil hippocampique:- Mauvais rappel libre- Mauvais rappel indicé- Intrusions (lors indiçage)
Profil frontal (ou anxieux):- Mauvais rappel libre- Bon rappel indicé
Test des 5 mots
Rappel libre immédiat : 4Rappel indicé immédiat : 1
Rappel libre différé : 1Rappel indicé différé : 11 intrusion
Score 7/10
Profil hippocampique
Test des 5 mots
Rappel libre immédiat : 4Rappel indicé immédiat : 1
Rappel libre différé : 1Rappel indicé différé : 3Pas d’intrusion
Score 9/10
Profil frontal
Étiologies et lésions
Évaluation des fonctions attentionnelles
L’attention
• Fonction de base impliquée dans toute performance intellectuelle ou comportementale.
• Ressource importante pour compenser d’autres déficits : ex: les performances d’un aphasique peuvent varier en fonction de l’importance de l’effort de concentration.
Les fonctions attentionnelles
Axes
Intensité
Sélectivité
Alerte, vitesse de trt de l’information
Attention soutenue
Attention focale
Attention diviséeVan Zomeren et Brouwer, 1994.
L’alerte : état d’éveil permettant d’être réceptif de façon non spécifique à toute information.
Plaintes du patient
• « Quand je regarde la TV, je perds le fil, ça va trop vite »: Diminution vitesse de traitement information.
• « Je me sens fatigué dès le réveil »: Alerte tonique.
• « Quand je mène une activité, je commets des erreurs si on me parle en même temps »: Attention focale.
• « J’ai des difficultés à faire plusieurs activité à la fois »: Attention divisée.
• …
Code
Les tests
• Tests sur ordinateur:– Test d ’évaluation de l’attention (TEA) de
Zimmermann et Fimm (1994).
• Tests papier crayon:– Ex : pour la vitesse de traitement de
l’information: TMT A (Trail Making Test A), Code.
Les fonctions exécutives
Fonctions exécutives
• Fonctions exécutives = capacités à planifier, organiser et réguler un comportement dirigé vers un but.
• Troubles de :– la planification.– La résistance à l’interférence.– La flexibilité cognitive.– La coordination de l’action.
Troubles de la planification
• Test de la tour de Londres
• Épreuves des fluences verbales phonémiques (stratégies de récupération plus importantes) ou sémantiques
Troubles de la résistance à l’interférence
• Test de Stroop
Temps mis = vitesse de traitement de l’information
1 2
1 – 2 = indice d’interférence.
Trouble de la flexibilité cognitive• Test d’assortiment des cartes du Wisconsin
couleur formenombre
En pratique
• Tester avec la batterie rapide d’évaluation frontale (BREF):– Similitudes (épreuve de conceptualisation)– Fluence verbale – Séquence motrice de Luria (programmation)– Consignes conflictuelles (sensibilité à l’interférence).– Go-no-Go (inhibition du comportement)– Comportement de préhension (autonomie
environnementale).
– Chaque item est côté sur 3. La norme est >16.
Les troubles du comportement
• Plusieurs échelles pour évaluer:– Neuropsychiatric Inventory (NPI).– Échelle de dysfonctionnement frontal:
Lebert et al., 1998, ADAD.
Évaluation du handicap cognitif
• Après une anamnèse précise et un bilan neuropsychologique adapté,
• Il est possible d’évaluer les incapacités et les handicaps.
IADL
Barbeger-Gateau et al., 1992, JAGS
Grille AGGIR
Quelles aides?
• Allocation tierce personne, APA (aide personnalisée à l’autonomie…)
• Rééducation ou remédiation (orthophonie, ergothérapie, remédiation cognitive)
• Conseils d’aménagement du domicile (alarme, sanitaires, escalier…)
• Accueil temporaire, hôpital de jour, maison de retraite, hospitalisation en rééducation, long séjour….
En pratique
• Prendre le temps d’interroger le patient et son entourage.
• Ne pas se fier forcément à une impression subjective (attention au vernis social…)
• Ne pas hésiter à demander des tests neuropsychologiques +++
• Faire quelques tests simples soi-même (MMS, test de l’horloge, test des 5 mots, BREF…).