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D* C. ILIESCO, m6decin ginital inspecteur du Service de santi de I'armde roumaine. Etude prgliminaire sur l'antiseptique de campagne 1 SOMMAIRE Definitions. Limites. Historique. Necessite du traitement cliirurgical dans les plaies de guerre. Necessity de l'asepsie comme adjuvant de la theYapeutique chirur- gicale. La variability de Faction antiseptique ne permet pas une solution simple et unique. Influence de 1'agent microbien: nombre, virulence, nature. Influence de la reaction de l'organisme. Influence de la qualite des substances antiseptiques. Nos re'sultats. La teinture d'iode : la panst&ine, D r Leonte, Eoumanie. Les composes oxydants et chlorurants : Les hypochlorites : de Mag. Duret, de soude = Dakin, ozono- gene. Composes organiques chlorure's: chloramine, sterhydrol, dakinol. Les substances colorantes : le rivanol. Les composes oxydants a action oligodynamique : Le syngasept. Propositions sur la rationalisation et la syst^matisation de la doctrine antiseptique. Traitement prophylactique, Traitement abortif. Traitement sterilisant. Conclusions. Je tiens a exprimer mes meilleurs sentiments de recon- naissance an Comity international de la Croix-Bouge qui, par les soins du colonel Patry, a bien voulu me faire 1 Rapport pre'sente a la Commission international permanente d'6tudes du mat^r'el sanitaire (12' session). Cf. Sevue internationale, octobre 1937, p. 960 et suivantes. 114
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Etude préliminaire sur l'antiseptique de campagnede la guerre, on arrive aux sels d'acridine dont le rivanol semble etre juge le plu actifs . Les derives de quinine furent employes

Mar 30, 2021

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D* C. ILIESCO,m6decin ginital inspecteur du Service de santide I'armde roumaine.

Etude prgliminaire sur l'antiseptique de campagne1

SOMMAIREDefinitions. Limites.Historique.Necessite du traitement cliirurgical dans les plaies de guerre.Necessity de l'asepsie comme adjuvant de la theYapeutique chirur-

gicale.La variability de Faction antiseptique ne permet pas une solution

simple et unique.Influence de 1'agent microbien: nombre, virulence, nature.Influence de la reaction de l'organisme.Influence de la qualite des substances antiseptiques.

Nos re'sultats.La teinture d'iode : la panst&ine, Dr Leonte, Eoumanie.Les composes oxydants et chlorurants :

Les hypochlorites : de Mag. Duret, de soude = Dakin, ozono-gene.

Composes organiques chlorure's: chloramine, sterhydrol,dakinol.

Les substances colorantes : le rivanol.Les composes oxydants a action oligodynamique : Le syngasept.

Propositions sur la rationalisation et la syst^matisation de ladoctrine antiseptique.

Traitement prophylactique,Traitement abortif.Traitement sterilisant.

Conclusions.

Je tiens a exprimer mes meilleurs sentiments de recon-naissance an Comity international de la Croix-Bougequi, par les soins du colonel Patry, a bien voulu me faire

1 Rapport pre'sente a la Commission international permanented'6tudes du mat^r'el sanitaire (12' session). — Cf. Sevue internationale,octobre 1937, p. 960 et suivantes.

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Antiseptiquede campagne.

parvenir, en vue de ce rapport, les donnees qui lui ont etecommuniquees par les Services de sante sur l'antiseptiquede campagne.

J'exprime mes remerciements aux chefs des Servicesde sante de l'Allemagne, de 1'Argentine, de l'Australie, del'Autriche, de la Belgique, de la Bulgarie, de l'Estonie, dela France, de la Finlande, de la Grande-Bretagne, de laHongrie, de la Lettonie, du Portugal, des Pays-Bas, de laSuisse, du Siam et de la Tchecoslovaquie, ainsi qu'a tousles chefs de clinique de Eoumanie, qui m'ont transmistous ces documents.

Les cliniques chirurgicales et les laboratoires del'Hdpital militaire « Begina Elisabeta » de Bucarest nousont prete egalement un concours apprecie dans lesrecherches que nous avons entreprises.

Pour leur aimable et competente collaboration nousleur adressons tous nos sentiments de gratitude.

Combattre l'infection des plaies deguerre comtitue la base de la chirurgiede l'armee.

Elle doit faire appel a l'exp^rienceolinico-cliirurgicale et aux indications delabor atoire.

(Tuffier et Saquepee).

La doctrine antiseptique a ses origines dans les decou-vertes de Pasteur sur les fermentations, ce qui expliquesa denomination impropre (anti: contre, sepsis : putre-faction).

Le cadre initial restreint de cette denomination s'estelargi rapidement avec revolution des idees et des moyensde destruction des microbes, qui se servent actuellementd'agents mecaniques, physiques, chimiques et biotiques.Selon la conclusion de Pozzi, si le sens strict du mot est« antifermentatif » cela ne veut pas dire que, au cours des

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Dr C. Iliesco.

progres de la science, ce mot doive conserver sa significa-tion primitive. Ainsi done la doctrine doit englober tousles agents microbicides.

En campagne, l'e"tude de la me"tliode antiseptiques'e"tend au milieu exte"rieur et doit s'occuper de :

a) L'antisepsie du milieu exte"rieur, — hygiene del'eau, des locaux, etc. ;

b) L'antisepsie des plaies chirurgicales ;c) L'antisepsie des maladies infecto-contagieuses.

Notre rapport se re'fere a la methods des antiseptiquescMmiques, dans les plaies chirurgicales, indiffe'remment deVaction directe ou indirecte qu'elle peut exercer sur lesmicroorganismes.

HISTOBIQUE

L'application de la doctrine antiseptique en chirurgiepre"sente quatre pe"riodes distinetes :

I. — La pe"riode des agents physiques, dans laquellel'eau (Naegele et Terrillon), la glycerine (Miquel) etl'huile (Tripier) en Ebullition, couraient a la surface desplaies d'amputation, sans anesthe'sie, et transformaientles interventions en de v6ritables supplices ;

II. — La pe"riode chimique, liste"rienne, dans laquelleFantiseptique le plus e"nergique est estime" comme e"tantle meilleur ;

III. — La pe"riode aseptique ;IV. — La pe"riode aseptico-antiseptique qui, sous

l'influence de Terrillon et de Terrier, persiste a s'imposerencore aujourd'hui.

La multiplication des substances chimiques, ayant uneapplication clinico-chirurgicale, s'est poursuivie pendanttoutes ces pe"riodes et marque trois stapes importantes :

a) L'introduction de la teinture d'iode ;b) La consecration des hypochlorites ;c) La de"couverte des antiseptiques colorants.

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Antisej tiquede campagne.

a) Dans les anciennes guerres, l'antisepsie des plaiescausees par les armes blanches demandait surtout uneaction en surface ; la chirurgie de guerre employait alorsles antiseptiques economiques, pratiques et peu encom-brants (formol, dermatol, chlorure de zinc 1/00, alcoolet ether).

L'introduction de la teinture dHode comme antiseptiquede base est la caracteristique principale de cette etape.Bien que l'iode ait ete decouvert des 1811, par Courtois ;bien que Boinet, en 1855, ait decrit«la transformation dupus fetide et purulent en pus de bonne nature, pouvantprevenir ou arreter la resorption purulente dans lesplaies anciennes ou nouvelles »; bien que Davaine, en1873, ait affirme que le pouvoir de l'iode est 60 foisplus grand que celui de l'acide phenique, il est interessantde signaler que la me"thode antiseptique de Lister s'ensert tres peu dans le traitement des plaies et de leurscomplications. C'est en 1908 seulement, grace a Grossichde Fiume, que la teinture d'iode est introduite et consa-cree par les recommandations de Quenu, Eeclus, Guibe,Walter, Doederlein et Miekulici. La guerre russo-japonaisel'emploie et selon l'expression de Eeclus : «les mutila-tions les plus cruelles, les plus horribles et les plus perilleu-ses se guerissent rapidement, chose inouiie jusqu'alorsdans aucune guerre, en aucun temps et dans aucun pays. »

b) Durant la guerre des Balkans, le professeurJacobovici de Eoumanie et le professeur Laurent, deBruxelles, attirent l'attention sur les complications septi-ques que l'on observait dans les nouvelles plaies de guerre.Mais ces faits ne sont pas pris en consideration ; onattribue ces complications a une insuffisance d'organisa-tion du service sanitaire. Ainsi la campagne de 1914-1918debute par un desastre therapeutique du a la conceptionconservatrice imposee par Delorme et au defaut d'uneantisepsie adequate. Comme le remarque Mignon, sans

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Dr C. Iliesco.

methode, sans controle scientifique, l'usage des antisepti-ques se fait d'apres la couleur et l'odeur. Deux chirur-giens de la meme formation sanitaire emploient, selonleur caprice, deux antiseptiques differents et changent lematin celui qu'ils vantaient la veille au soir.

Au milieu de la panique generale toutes les methodessont essayees en commencant par les courants gazeuxd'iode ou d'oxygene, puis en passant par la gammehabituelle des lavages, des pansements et de poudragespour finir par l'embaumement des plaies conseille parMercier.

En general, les anciens antiseptiques sont employes sous troisformes (Deguy) :

Solutions aqueuses :1) Solutions iodees 1 °/00, bonnes dans le traitement intermittent,

passager des plaies. Provoquent des irritations et des douleurs.2) Solutions mercurielles (sublimd VMOO, oxyeyanure de mercure

/4-40oo, hermophenyl 1 °/00) qui donnent des intoxications dans lesplaies etendues ou anfractueuses.

3) Formol 1 °/oo> bon dans les suppurations abondantes ou aveobaoille pyoeyanique.

4) Aeide phemque V200.5) Solutions de permanganate de potasse, coaltar, sous-acdtate de

plomb.6) Solutions de sucre (Ehrich, Mayer).7) Solutions de savon avec exeellents r6sultats, pour Dixon, Bates

et Patynscki.8) Eau oxygenee.

Solutions alcooliques, iode'es, oamphrees, au benjoin : tres bonsdesinfectants, mais l'utilisation sp6ciale est temporaire car elle produitdes douleurs et de l'irritation.

Solutions ithirees, iode'es 1 °/oo> iodoformdes Vi«> thymol6es Vio>goudronnees 1/io, qui p^netrent bien dans toutes les plaies, memeanfractueuses, et peuvent rdpandre l'antiseptique en couche mince.Elles lavent bien la plaie toutefois elles ne peuvent etre utilis6e8couramment en raison des douleurs qu'elles provoquent.

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Antiseptiquede campagne.

Les antiseptiques chlor6s sont prefer6s :1. Chlorure de sodium, l'eau de mer, serum physiologique (Locke),

solution Ringer et serum hypertonique.2. Chlorure de magnesium, solution 12,5 °/00 dans la m&thode

cytophylactique de Delbet.3. Chlorure d'ammonium, sol. 10 °/00.4. Chlorure de zinc qui, en solution de 1 °/00 n'est plus caustique

tout en gardant sa valeur antiseptique.5. Liqueur de Labarraque, eau de Javel, Dakin, etc.

Les antiseptiques caracteristiques de cette e"poquene sont pas ceux a action directe puissante mais ceuxa action indirecte marquee par lymphorre"e et phagocytose :solutions hypertonique (Wright), — solution Dakin, —collargol (Fehling), — iodoforme (Manuel, Cornil). On enarrive meme a n^gliger completement Faction directe.Cette tendance extreme de protection des tissus estcependant reduite par les recherches critiques de controlefaites par Policard, Duval, Billet, Eavary, qui concluentqu'en general l'action bactericide de la lymphe, dansces applications, est insuffisante; la persistance dustreptocoque et du staphylocoque indiquant une actioncomplementaire chimio-thirapique.

A la fin de cette avalanche d'antiseptiques, de methodeset de recherches particulieres, la conclusion ge"neraletiree des experiences faites pendant la guerre plaide enfaveur de la superiority de la solution d'hypochlorite desodium (Dalcin) appliquee selon la me'thode Carrel.

c) Dans l'antisepsie g^nerale des infections bacteriennes,Ehrlich, tenant compte du principe fondamental de la« bacte"riotropie », arrive a des preparations synthe"tiquesayant une action d'une impressionnante importance dansla biologie des micro-organismes pathogenes.

Pour l'antisepsie locale, et tenant compte de la physio-logie des tissus, Morgenroth, par des 6tudes minutieuses,nous a ouvert les horizons nouveaux de la «chimio-

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therapie biologique » en cherchant a realiser des produitsayant une action pantherapeutique maxima et une nociviteminima pour les tissus.

En partant des sels de quinine (encupine, vucine opto-quine), employes avec succes par les Allemands au tempsde la guerre, on arrive aux sels d'acridine dont le rivanolsemble etre juge le plus actif.

Les derives de quinine furent employes par lesAllemands deja du temps de la guerre mondiale, sousforme d'optochim et de vusine injecte"s par voie peri-focale dans la gangrene gazeuse. On de"crit de tres bonsre'sultats dans les sutures primitives pratique"es sur lesplaies re'centes (Klapp).

Apres la guerre, de nombreuses recherches signalentcependant de multiples inconve"nients. Klapp lui-memeparvint a la conviction que la vusine n'aurait plus d'effetapres huit jours ; Conrad Brunner (Zurich) affirmequ'elle est plus toxique que les sels d'acridine et que sacausticite est telle que ce n'est que dans la solutionVso.ooo qu'elle ne produirait point de necroses tissulaires.Du point de vue clinique, Hauke contre-indique sonutilisation dans les plaies anfractueuses et la gangrene.

NECESSITE DU TKAITEMENT CHLRTJRfilCAL DANS LES PLAIES

DE GTTEKRE.

Les transformations des moyens de combat dans laguerre mondiale a conduit a une pathologie chirurgicalede guerre inaccoutumee et dont on pourrait dire que, parsa nouveaut^, elle a apporte le desordre dans les concep-tions th^rapeutiques. Les blessures par obus, mines,torpilles, grenades, toutes infecte'es, ont d^truit, des lede"but, la confiance accordee a la teinture d'iode etl'application de la vieille doctrine antiseptique n'a puempecher la production de septice"mies, de gangrenesgazeuses ou de suppurations interminables. Des delabre-

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ments de tissus cachaient l'infection et aucune me'thodede traitement ne pouvait s'opposer a la mort qui faisaitde plus en plus de ravages. Tuffier, dans la statistiquede la Maison Blanche donne, sur 1000 ampute's, 800 indi-cations infectieuses.

II etait naturel que la vieille doctrine antiseptique,appliqu^e pendant la premiere partie de la guerre,conduisit a un insucces. Nous ne pouvons nous etonnerque, dans un chaos de conceptions et surtout de tentativestMrapeutiques, parfois fantaisistes et manquant dedirectives, on ait jete 1'anatheme sur la methode antisep-tique.

D'innombrables travaux de controle ou ay ant lapretention de donner naissance a la veritable doctrinetherapeutique, adequate aux nouvelles conditions cree'espar la guerre, apparaissent.

Pierre Delbet, s 'occupant de Vetude des antiseptiquessur le pus lui-meme conelut que la methode de recherchedu pouvoir bacte'ricide en cultures ne peut avoir aucuncaractere pratique, et qu'elle conduit a des conclusionserrone"es expliquant les resultats paradoxaux rencontre'sdans la pratique de l'antisepsie. En melangeant du pusavec divers antiseptiques (acide phe"nique 2%, ether, eauoxyg6ne"e, Dakin et liqueur de Labarraque) dans despipettes herme'tiquement closes et tenues au thermostatpendant 24 heures, on trouve que le pus est ste'rilise' seule-ment dans 20% des cas. Mieux encore, les tubes, danslesquels on a mis des antiseptiques, 6tant ensemence's,donnent des cultures plus abondantes meme et plusrapides que les tubes te"moins (seulement du pus) tenus24 heures au thermostat. Ce phenomene s'expliquaitselon lui, par l'alte"ration des phagocytes et des humeursbacte"ricides sous l'influence des antiseptiques. L'auteurr^alisait un vitro un milieu albumineux d'osuf cru homo-g4nis4, ce qui est un excellent milieu de culture pour lestaphylocoque et le B. pyocyanique, mais dans lequel le

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streptocoque ne se ddveloppe pas. En y ajoutant la solu-tion Dakin, surtout en grandes dilutions, l'ceuf tout endevenant un mauvais milieu de culture pour le staphy-locoque et le pyocyanique, favorise Faction du strepto-coque si grave dans les plaies de guerre. On comprend quele Dakin en grandes concentrations, comme l'acidephe"nique a 2%, le sublime" a l%o> le cyanure de mercurea l-2%o> rendent un milieu non favorable meme pour lestreptocoque, mais ces concentrations sont loin de pou-voir etre utilisees couramment dans la pratique de l'anti-sepsie. D'autre part, dans la plaie, — bien qu'en majeurepartie les microbes soient de"truits, — on peut observerdes champs miscroscopiques dans lesquels ils deviennenttres abondants, probablement ensuite de la decompositionde l'albumine en substances intermediaires qui sont unebonne nourriture pour les microbes et favorisent leurmultiplication.

fraction favorisante de certaines substances sur l'accrois-sement de virulence de la toxicite" et la puissance fermen-tative microbienne est connue par les travaux deJ. Dumont qui ont de'montre' Faction excitante du sublime"a V2000 sur le staphylocoque apres 24 heures de contact.

L'ide"e de l'« adaptability » des microbes aux antisepti-ques a conduit Pierre Delbet a cultiver le streptocoquejusqu'a 20 passages successifs, sur du bouillon sature"d'6ther et par 15 passages sur du bouillon phe'nique'. Oncre"e ainsi des races antiseptico-r6sistantes ayant cepen-dant une virulence et une puissance de reproductionre"duites.

Le pouvoir cMmique disinfectant est lui-meme contests.Tanner, Hewlet et Flemming e"tudiant la flavine (r^put^edans Farmed anglaise apres les recherches de Browning),concluent a sa faible efficacite" antiseptique : Fiessingeret Pierre Delbet, Policard, Desplats et Thelip, utilisantla solution Dakin, Fether, le nitrate d'argent l%0 et l'eauph^niqu^e 2%, trouvent des pullulations de microbes plus

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abondantes qu'au debut du traitement; leur conclusionest que la sterilisation chimique est illusoire.

Le rapport de G. le Grand sur « Vautoste'rilisation desplaies de guerre » montre que, dans les plaies suturees,sans sphaceles, l'autosterilisation de la plaie se fait plusrapidement sans l'emploi du Dakin. L'antiseptique,bien que diminuant la plaie microbienne empeche ladefense propre de l'organisme, les polynucleaires ayantun aspect deforme, desagrege. C'est a peine si, au boutde 24-48 heures apres avoir supprime le Dakin, la plaiebourgeonne et rougit.

La preuve la plus decisive en faveur de la necessity del'intervention chirurgicale est la suivante : Le 31 juillet1915, Tuffier a Sainte-Menehould, applique sur 20 mala-des le traitement au Dakin sans faire aucune interventionchirurgicale preliminaire. Bien que, le premier jour, Feffetsemble bon, les resultats finaux ont ete : trois morts,quatre amputes, cinq stationnaires et huit satisfaisants,c'est-a-dire un veritable desastre.

Sur l'initiative de Quenu qui mene, a la Societe decMrurgie, une rude campagne en faveur de l'interven-tionnisme, de nombreux chirurgiens,—Abadie a Sainte-Menehould, Proust au Chateau de Salvange et Eeynes aVerdun, — concourent au changement de doctrine.La suture primitive est pratiquee, selon les recomman-dations de Gaudier de Lille, par Lemaitre, Louis Bazy,Gregoire et Mondor.

Les beaux resultats obtenus, verifies sur 768 blessessoignes a l'ambulance de Belleville, dirigee par Sencert,semble donner le coup de grace a la methode antiseptiqueet declanche de violentes discussions au sein de la Societede chirurgie de Paris au cours des annees 1916/17, discus-sions dans lesquelles les plus eminents chirurgiensemploient des termes d'accusation a l'adresse des anti-septiques. Tuffier meme est accuse d'avoir recommandel'emploi courant de la methode Dakin-Carrel.

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Le principe de Sencert que, quel que soit le siege de laplaie, « on fait une exe"rese immediate comme s'il s'agissaitd'une tumeur», est un principe consacre". Les bonsre"sultats obtenus par l'application dela me"thode antisep-tique n'ont plus d'e"cho. Us sont diversement interprets :pour Delbet Faction n'est pas due aux antiseptiques, maisa une vaccination locale et a l'augmentation du pouvoirde defense des tissus contre les microbes ; pour Quenu, a^amelioration des transports et au perfectionnementdes cMrurgiens.

Ainsi, le discredit momentane' de la me"thode antisepti-que mene a l'affirmation de la plus importante verite"fournie par l'experience de la guerre, a promouvoir l'ide"eque I'intervention chirurgicale doit etre Vacte primordialde la tMrapeutique des plaies de guerre.

NECESSITE DE L'ANTISEPSIE COMME ADJUVANTDE LA THERAPETJTIQUE CHIRTJKGICALE

Malgre" toutes ees discussions scientifiques et ces faitscliniques et expe"rimentaux en apparence de"favorables,la m^thode antiseptique, dont l'abandon au d^but de laguerre a conduit au de"sastre, a pour elle une s^rie d'argu-ments favorables, bas^s sur des considerations cliniques,bact^riologiques, tactiques et statistiques, qui, s'ils nela consacrent pas comme arme th6rapeutique exclusivecontre l'infection, decretent qu'elle est un adjuvantindispensable a toute tentative chirurgicale de traitement.Les methodes chirurgicale et antiseptique ainsi nes'excluent pas. Elles se completent.

Arguments cliniques

Si dans les plaies articulaires, des mains, de la peau,de la tete apres un large de"bridement et resection destissus contusionne"s, la suture immediate dans les mains

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de chirurgiens e"prouve"s, a donne" des re"sultats excellents,en g6n£ral elle peut devenir perilleuse (Monprofit-Tuffier) en transformant des plaies sans importance enplaies gravement infecte"es qui peuvent amener descomplications.

La seconde affirmation de Sencert : «Par l'exeresechirurgicale, sans le secours d'aucun antiseptique, nousavons de'sinfecte' la plaie», n'est pas valable pour Quenupuisqu'on ne peut obtenir une aseptisation complete dela plaie ope"ratoire. Beaucoup de cas de germinationlatente dans la plaie ont e"te" de"crits et des individusenvoy^s aux hopitaux de l'int^rieur, au bout de 8 a 15jours, faisaient des inflammations paradoxales qui de'mon-traient nettement l'insuffisance du traitement chirurgicalnon complete par la m^thode de sterilisation antiseptiquede la plaie. D'apres Quenu, seule l'antisepsie est en e"tatde supprimer le microbisme existant apres l'exe"resechirurgicale.

La suture primitive ne peut etre effectue"e dans lesfractures ouvertes si ce n'est partiellement et jamais pourles plaies profondes d'obus, surtout avec le de"chiquete-ment des muscles et de la dilace"ration des paquetsvasculo-nerveux.

Si l'on decrit des cas malheureux de plus en plusnombreux, a la suite des essais de systematisation de lam^thode Gaudier — Lemaitre, en revanche les casheureux dus a l'application de la m^thode antiseptiquechirurgicale abondent (Be'sultats de Wright, cas del'hopital de Compiegne communiques par Pozzi, Eobert,Debeley, Dumas, etc.).

Pour la me"thode Dakin-Carrel, Monprofit conclut quesa supe"riorite consiste dans la disparition des microbes,l'influence favorable de la fievre et de la suppurationainsi que dans la possibility de la suture secondaire qui peutetre executed non seulement dans les plaies des partiesmolles mais aussi pour les fractures ouvertes et les plaies

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Dr C. Iliesco,

articulaires, realisant ainsi un immense progres dans latherapie de l'infection.

En dehors de cela, pour les suppurations anciennes,dans lesquelles le tissu de granulation empeehe les tenta-tives chirurgicales, les antiseptiques lithiques jouent lerole d'un bistouri chimique, nettoyant la plaie. Les vieuxantiseptiques brutaux, comme Cl2zn, employe parDepage et la liqueur de Labarraque, sont aujourd'huiremplaces par l'inoffensif mais efficace antiseptique deDakin comme le remarquent Louis Bazy, Faure etFremet.

Tous ces faits cliniques determinent Sir B. Maynihana conclure que : « si de nombreuses plaies non infecteeset peu de plaies a infection minima permettent le traite-ment purement chirurgical, la majorite des plaies sontsuppurees et pour elles, seule la me"thode antiseptiqueest souveraine».

Arguments bacUriologiques.

Bien qu'aucune methode antiseptique etudiee ne puisseetre estimee sterilisante au sens bacteriologique, l'in-fluence de l'antiseptique est nette sur le chiffre globaldes microbes.

Par rapport aux divers antiseptiques, la disparitiondes microbes, meme dans les produits pathologiquesalbumineux, suit une courbe, laquelle, partant de 50%,s'approche de 100%, bien entendu a condition d'employerdes concentrations convenables. Les recherches de labo-ratoire fournissent une abondance de documents; lesre^ultats etant meilleurs que ceux obtenus par la pra-tique de l'asepsie des plaies dans laquelle Sencert montreque la flore microbienne demeure stationnaire meme aubout de quelques semaines.

Si nous ajoutons la preponderance selective des anti-septiques pour certaines especes microbiennes, nous nous

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imaginerons aisement de quelle importance est l'applica-tion de la methode antiseptique sous le controle bacte-riologique des plaies.

En employant certains procedes techniques, comme lelavage pre"alable (Wright, Flemming et Colebrook) lesre"sultats ont ete" encore meilleurs.

Par ailleurs, Saquepee montre, par des examens bact6-riologiques, que les premiers jours la flore anae"robieest preponderate et que le lendemain elle disparaitpour faire place au streptocoque. Ainsi que le remarqueVeillon, dans le cas de suture primitive, les germesdemeures dans la plaie suturee peuvent causer des com-plications infectieuses. Incontestablement, l'espece micro-bienne de la plaie n'est pas indiff^rente ; au premierjour Vaccident infectieux est ge'ne'ralement grave, puisquele bacte"riologue indique dans ce stade une flore ana6-robie. L'evolution habituelle sera une affection gangre"-neuse, parfois foudroyante, laquelle, si elle n'entrainepas la mort, impose presque surement une mutilation.Dans la suture secondaire, apres traitement antiseptique,la flore etant a^robie, l'accident qui peut survenir est14ger, abstraction faite les trois a cinq premiers joursde la gravite de la blessure.

Arguments cfordre ope'ratif et tactique.

La disinfection doit, en general, pr^venir l'infectionen s'interposant entre la periode de contamination dela plaie (qui dure au maximum 12 heures) et la perioded'infection proprement dite (a partir de 12 heures).Toute methode de disinfection m^canique sans l'aidede l'antisepsie doit etre pratiquee, selon Gosset, dans undelai de huit heures, de sorte que dans la guerre de mou-vement, dans les periodes de grande agglomeration, elleest inapplicable.

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Dr G. Iliesco.

L'hospitalisation d'un minimum de 24 a 48 heuresjusqu'a 10 a 15 jours, re'clame'e par la methode chirur-gicale ne peut etre pratique^ dans les formations sani-taires de l'avant.

Les chirurgiens d'une experience consomme"e ne peu-vent etre pousses trop pres des lignes de feu.

Tous ces inconve"nients tactiques qui se r^sument enl'insuffisance du personnel et des moyens d'installationet d'hospitalisation ont amene" le rapporteur Jacob aconclure que les tentatives op^ratoires en temps utilesont impossibles aux moments de grande activity.

Arguments statistiques.

L'importance des antiseptiques dans le traitementsterilisant, d'apres les statistiques, est hors de discus-sion. En effet, on constate par ces statistiques que lamortality est fortement re"duite apres avoir pratique"la m^thode antiseptique ; ainsi, par exemple, de 80.4%chez les amputes, la mortality a baisse jusqu'a moinsde 15%.

Nous nous refe"rons toutefois aux statistiques compara-tives, entre les re"sultats de la me"thode chirurgicale pure,et ceux de la methode chirurgicale aide"e de la me"thodeantiseptique, statistiques qui mettent en Evidence lasuperiority de cette derniere. Ainsi, tandis que l'exci-sion des plaies avec suture primitive a donne" de bonsr^sultats dans 60 a 82% des cas pour les plaies des par-ties molles (Bowlby, Tuffier, Delbet) et 72% pour lesfractures ouvertes, la sterilisation progressive antisep-tique avec suture secondaire a donne" des re"sultats favo-rables constants pour les plaies de parties molles dans100% des cas et pour les fractures et suppurations pleu-rales meme dans 90 a 100% des cas (Tuffier).

En conclusion, si la suture primitive doit demeurerVide'al chirurgical, sa pratique reclame un controle bio-logique, des conditions spe"ciales d'hospitalisation, un

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personnel adequat, choses souvent impossibles a realiser,qui font que la suture secondaire apres sterilisation anti-septique de la plaie demeure la mdihode habituelle de traite-ment. Apres l'apaisement de l'enthousiasme chirurgicalde 1916, ce fut d'ailleurs la pratique courante de lathe"rapeutique jusqu'a la fin de la guerre.

LA VARIABILITY DE L'ACTION ANTISEPTIQUENE PERMET PAS UNE SOLUTION SIMPLE ET UNIQUE

DU PROBLEME.

L'action des antiseptiques subit l'influence d'une s^riede facteurs de nature biologique, chimique et physiquedue, d'une part, a Involution naturelle de l'infection,comme aussi aux conditions spe"ciales crepes par chaqueguerre.

La variability de l'action antiseptique est si consi-derable que l'on peut dire que chaque plaie devientune entite" dans laquelle le meme antiseptique, dans lesmemes conditions, peut donner des re"sultats totalementdifferents. Toute generalisation est impossible et toutemethode decrete'e absolue et pantherapeutique est des-tin6e a faillir d'autant plus que les conditions de vieet de lutte peuvent changer d'un moment a l'autre.

La variability de l'action due a Vagent-microbien serevere a leur nombre, leur virulence et leur nature.

Sans avoir une importance particulierement grande,le nombre peut faussement orienter la th&rapeutique.Ainsi, dans la periode primitive de revolution des plaiesde guerre le petit nombre des microbes est accompagned'especes non-virulentes de sorte qu'il pourrait donnerdes indications quelconques, l'infection n'existant alorsqu'a la surface. Mais, dans ce stade meme, Wright amontre qu'indifferemment de la surface generale de laplaie, il peut y avoir ce que l'on appelle des «espacesmorts», ilots generateurs de microbes, ordinairement

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autour des corps strangers, d'une virulence particuliere.Dans la pe"riode secondaire ou tardive de Involution,l'infection pe"netrant dans la profondeur, les indicationsnum&riques des microbes de la surface ne peuvent plusapporter aucune s^curite".

L'accroissement de la virulence des microbes, par despassages successifs dans les tissus, fait que les dosesantiseptiques qui, ge"ne"ralement, sont antibiotiques,n'aient plus qu'une valeur antige"nique ou antifermen-tative. De meme, les phe"nomenes d'accoutumance etd'adaptation des microbes experimented in vitro parGilbert, Ch. Bichet, Delbet, s'observent aussi pour lesmicrobes des plaies. Les phe'nomenes apparaissent oudisparaissent brusquement et sans qu'on puisse en etablirles conditions determinantes. De plus, les cas dans les-quels l'antiseptique favorise l'accroissement microbiensont connus (Falcool favorise le streptocoque, le serumLeclanche" et Valle"e favorise le pyocyanique, etc.)

La connaissance des formes de resistance explique ledefaut d'action dans certains cas, sans nous donner cepen-dant la possibility de trouver une solution acceptablepour les concentrations the"rapeutiques habituelles. Lesspores peuvent arriver a une resistance de 40 jours enpresence d'une solution de phenol a 5%, les tetaniquessupportent trois heures une solution de sublime" a 1 %0

et 15 heures une solution de phenol a 5%. L'acidificationdu milieu pourrait conduire, a l'avenir, a une solution,conforme'ment a la methode de Pages, qui par adjonctiond'acide chlorhydrique in vitro aide a l'agglutination eta la p^n^trabilit^ des agents encapsule"s (pneumocoque,pneumobacille et meme spores).

Mais le plus important facteur de variability, du al'agent est la spe'cificite des antiseptiques pour les diffe"-rentes especes microbiennes. Ainsi, les solutions d'hypo-chlorites qui sont actives pour les streptocoques et lesinflammations anae"robies ont une action mediocre sur le

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staphylocoque et sont a peu pres inactives contre lebacille pyocyanique et le bacille aerogene. II se produitdans les plaies une diminution globale numerique, maisavec selection protectionnelle pour l'ente"rocoque, lestaphylocoque et le bacille pseudo-diphterique, pro-tection observed aussi dans les experiences avecla solution Menciere et pour les solutions faibles de ter£-benthine. Des travaux precis et tres nombreux ont cr£6une chimio-therapie specifique des plaies de guerre, maisqui ne peut etre appliquee qu'en tenant compte descas. En campagne l'application de la chimio-therapiesp£cifique se heurte au fait bien connu que la majoritydes plaies possede une flore mixte (Truffier et Saquep^e,sur 233 plaies de guerre on en trouve 163 ayant une floremixte, a peine 58 ayant une flore a^robie et seulement septayant une flore ana6robie simple).

Plus encore, d'une saison a l'autre, d'une p&riode dela campagne a l'autre et d'une region a l'autre, on aobserve des variations generates de la flore microbienne.Nous citons ainsi, comme exemple, que le pneumocoquefrequent dans 50 % des cas dans la region de la Somme aete extremement rare en Champagne. Aldo Castellanni,dans les Balkans, dans un rapport sur les particularitesbacteriologiques des plaies de guerre, signale la frequencedes infections avec des germes de la flore intestinale(aerobies, facultatifs anaerobies) et la rarete des microbesde la gangrene gazeuse. De meme Kennett Coadby,etudiant les variations de la flore dans les plaies de guerre1914-18, signale les changements particulierement mani-festes pour les coques, d'un trimestre a l'autre et la dimi-nution progressive des bacilles sporuMs en 1916 et laseconde moitid de l'annee 1917.

** *L'action des prote'ines dans la plaie semblait etre

non favorable aux antiseptiques. Dufresne montre que

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le phenol actif concentre" a 1/250, en contact avec lese"rum sanguin, doit etre concentre a 1/50 pour devenirsterilisant. De meme, l'iode de Vioo.ooo & 1/ioo > 1°sublime" de 1/] 5.000.000 & V25.000 5 l'hypoehloritede sodiumde Vsoo.ooo a V15.000 e t l e nitrate d'argent de 7i.ooo.oooa V10.000.

Pierre Delbet et Fiessinger, en ce qui concerne le pus,montrent l'influence analogue pour l'acide phe"nique, lesublime, l'eau oxyg^nee, le Dakin et la liqueur Labarraque.Cet effet, selon eux, serait du aussi bien a la neutralisationde l'antiseptique qui entre dans une combinaison pro-teique, qu'a la formation d'une enveloppe protectricedes microbes par la precipitation du milieu et, dans cer-tains cas, par la transformation meme du milieu ensubstances favorables au microbe. Ainsi s'explique que,dans une plaie, bien que l'effet de surface pour les paroisdu trajet ou pour le contenu puisse etre bon, l'effetde profondeur est nul ou variable.

Kcenig et Paul montrent que l'action dlectrolytiquede la plaie peut donner naissance a des variations. Ainsi,si l'antiseptique rencontre des substances qui favorisentla decomposition ionique, il peut agir fortement dilue"(action du nitrate d'argent a V200.000 o u des se^s demercure a 1/30o.ooo — Cazin et Krongold). Si, aucontraire, le milieu diminue la concentration ionique,l'effet antiseptique est nul meme pour des doses puis-santes.

Afin de pouvoir trouver un juste critere d'appre"ciationde la concentration que peut avoir l'antiseptique pourconserver une action phagocytaire maxima dans la plaie,Bernard Cuneo et Le"on Meunier e"tudient le point cryo-scopique du s^rum obtenu par filtrage du pus de diversindividus. II trouve chez ceux pre"sentant une Evolutionmauvaise (fievre et tendance a la generalisation) un pointcryoscopique e'leve' 4 = 94. II baisse a mesure que laplaie a tendance vers la gue"rison, arrivant a J = 0,40.

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Les antiseptiques devraient maintenir les indices cryo-scopiques dans la plaie aux environs de 4 — 0,40.^•essi ce qxii amveraft sveD \ a stinrtitm he EuMte hemagnesium 12%, avec le Dakin dilue a 1/3, avec l'eauoxyg^nee dilute a x/6, avec la liqueur Labarraque % etla solution iodo-ioduree 2 °/00.

Le plus grave probleme, presque impossible a resoudre,consiste dans le fait que l'antiseptique efficace a l'e"garddu microbe doit rester indommageable pour les cellulesvivantes de la plaie, elements complexes, souvent memeplus sensibles. Comment pourrions-nous nous imaginerune action constante antiseptique lorsque les projectilesinhumains employes actuellement, font que l'infectionse greffe sur un tissu traumatise, de vitality reduite,parfois e'crase' et ses barrieres naturelles de combat contreles agents exte"rieurs absentes ? La presence en abon-dance des tissus necroses, mortifies, unie aux condi-tions d^fectueuses de la vie et aux efforts continus impo-ses par les n^cessit^s tactiques, expliquent l'augmentationde la receptivity.

Les circonstances d'ordre tissulaire font que la resis-tance a l'infection des differentes regions soit diff^rentepour le meme antiseptique, la meme plaie et le mememicrobe. La fesse, l'aisselle et la cuisse presentent unepredisposition marquee pour la progression de l'infec-tion. Le tissu musculaire est egalement un excellentmilieu pour les anaerobies tandis que les articulationset les sereuses re"sistent.

Continuer l'enumeration des facteurs dus a l'influencereactionnaire de l'organisme, signifierait passer en revuetoute la pathologie des traumatismes chirurgicaux.

Nous nous contenterons de rappeler que, en general,l'experimentation in vitro est rendue coupable desinsucces observes. De fait, les milieux complexes, richesen sels, albumines, sang et pus, qui fixent, d^composent,diluent et ionisent l'antiseptique, les phagocytes et les

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cellules vivantes tissulaires qui interviennent non seule-ment sur les microbes mais aussi sur l'antiseptique, ladifficulty de penetration dans les tissus sphaceles et lesplaies anfractueuses, voila autant de causes qui font quel'on ne puisse pas determiner, in vivo, Faction desdiverses substances employees.

Aux difficultes dues a l'influence de l'agent qui actionneet du tissu qui reactionne dans revolution de l'infection,viennent s'aj outer celles dues aux proprie'te's physieo-chimiques des antiseptiques.

Meme les differentes substances qui ont comme basele meme antiseptique n'ont pas une action semblable.Ainsi, pour les sels de quinine, tandis que Faction bacte-ricide se manifeste sur le streptocoque a la dilution deVioo.ooo* pour le rivanol elle baisse a Vso.ooo* pour lavuzine, a Vs.ooo? pour FoptocMne et a peine a 1/4.Ooo pourla quinine.

La solubilite et la stability, le volume, avec les possi-bilites de conservation et de stockage, Fabsence deprecipitation, la toxicite et la causticity, le pouvoir defusibilite et de penetration lie a l'influence de la tensionsuperficielle du pouvoir osmotique, la concentrationionique, la possibility de se procurer les matieres premiereset meme le prix, sont autant de facteurs qui ne peuventetre negliges.

A la fin de ces considerations, la conclusion qui sedegage est que l'emploi d?un antiseptique unique, pan-therapeutique et qui reponde a toutes les exigences, estimpossible. C'est pour cela que nous sommes forces depreconiser la rationalisation et la systematisation de ladoctrine antiseptique, selon Faspect clinique de la plaieet les possibilites techniques d'application therapeutiquesur le champ de bataille.

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KESTJLTATS.

Etant donne que l'on n'a pu e"tablir aucune liaisonscientifique entre le pouvoir des differents antiseptiqueset la place qu'occupent les me"taux et les m^talloiidesdans la classification de Mendeleieff, 6tant donnee lacomplexity des facteurs qui coneourent a la variabilityde Faction in vivo, le seul criterium sur lequel nous avonspu nous baser, comme point de depart de nos recherches,est demeure celui de Vexperienee clinico-chirurgicale deguerre.

Dans ce sens nous ne sommes plus occupes de tous lesantiseptiques connus. (Voir le competent article duprofesseur Demolis et du Dr Chausse publie dans laRevue internationale de la Croix-Bouge, aout 1928, p. 690-764).

Pour l'e"tude de chaque categorie d'antiseptiques quise sont imposes jusqu'a ce jour, nous avons choisi ceuxqui ont donne" les resultats les meilleurs en essayant, endehors de 1'appreciation de leur action, de les ame"lioreret de les mettre en etat de correspondre aux besoins dela guerre. C'est ainsi que nous nous sommes occupes :

de la teinture dHode indiquee comme traitement pro-phylactique et d'attaque des plaies de guerre, ainsi quecomme moyen de sterilisation pour les mains et lechamp op^ratoire;

des hypochlorites de sodium, comme traitement de basedes suppurations ae"robies et anae"robies ;

de la gaze «syngasept» a action oxydante et oligo-dynamique qui peut supprimer les regies de l'asepsie sidifficiles a obtenir sur le champ de bataille;

du rivanol parmi les antiseptiques colorants pour nousrendre compte des possibilit^s de son emploi en tempsde guerre.

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La majority des Services de sante" militaire, d'apres lesre"ponses re§ues, inelinent jusqu'a present, vers les memessubstances :

la teinture dHode est pre'conise'e par l'Allemagne, laFrance, l'Angleterre, l'Australie, la Lithuanie, la Finlande,les Pays-Bas et la Eoumanie ;

les hypochlorites de soude sont pre'conise's par la France,l'Argentine, la Lithuanie, la Hongrie, la Eoumanie, etcomme composes organiques chlore"s, par l'Allemagne,la Tche"coslovaquie, la Finlande, la Lithuanie, la marinede l'ltalie sous forme de chloramines et par l'ltalie sousforme de sterhydrol;

le rivanol est pre'conise' par l'Allemagne, l'Estonif* etla Eoumanie. L'Angleterre pre'conise l'acriflavine.

Mentionnons que, dans les r&ponses recues, les anti-septiques suivants sont e"galement pre'conise's :

Le vioforme pre"conise" et utilise par la Suisse et lesPays-Bas sous forme de poudre et pansements vioforme"a 5%, a e"te" experiments pendant 30 ans.

Depuis 1901, une commission d'esperts chimistespharmaciens, me"decins et chirurgiens militaires, apresl'exp^rimentation de l'iodoforme, de l'airol, de l'aristol,du dermatol, du xe"roforme et, apres les essais du profes-seur Tavel, a conclu a la supMoritS du vioforme, due a lapossibility de sterilisation, de l'absence de l'odeur, de sadurability et du manque de la toxicite" tissulaire. Lecolonel Thomann, dans les rapports pr^sentes a laCommission internationale de standardisation du materielsanitaire, publics dans la Revue internationale de la Croix-Bouge (aout 1928, p. 676-689 et de"cembre 1931, p. 1037-1063), conclut a la superiority de la valeur antiseptiquede l'ioforme.

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le sulfate de magnesium a 10% pre"conise" par 1'Ar-gentine ;

l'hypermanganate de potasse, par la Lithuanie, l'An-gleterre, les Pays-Bas ;

l'eau oxyge^e, par l'Bstonie, l'Angleterre, les Pays-Bas ;

l'huile de foie de morue, par l'Estonie ;le thymol, l'alcool, l'acide borique, par la Finlande,

les Pays-Bas ;le creosote et l'iodoforme, par l'Angleterre.

Le sup^rol pre"conis6 par les Pays-Bas a ete experiments«in vitro » par le colonel Thomann, qui lui attribue desre"sultats tres infe"rieurs au vioforme.

Les sels de mercure pre"conise"s par l'Allemagne, l'An-gleterre, la Hongrie, la Finlande, l'Argentine, les Pays-Bas,la Suisse, la Tche"coslovaquie et la Lithuanie comme aussile formol, la cre"oline, le lysol, le chlorure de calcium etl'oxyde de calcium, a cause de leur toxicite" sont indiqu^ssurtout pour la disinfection des locaux et Vasepsie prophy-lactique des maladies infectio-contagieuses.

Pour les Services de sant6 de la marine, les installationsde bord, completes et modernes, permettent de r^alisertoutes les interventions et disinfections voulues a bord.En cas de debarquement, ils utiliseraient les dispositifsdes Services de sante militaire de Farmed de terre (Marinesitalienne, francaise, ne"erlandaise, britannique).

Pour nos re"sultats, nous nous sommes servis desconclusions de tous les auteurs qui se sont attache's,jusqu'a present, a l'Stude des antiseptiques, en cherchant,par des travaux personnels de complement et de controle,a eiucider les divers problemes rencontre's.

(A suivre)

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