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N d'ordre : 2546
THSEprsente
L'UNIVERSIT BORDEAUX ICOLE DOCTORALE DE GEOSCIENCES ET SCIENCES
DE
LENVIRONNEMENT
par Laure DubreuilPOUR OBTENIR LE GRADE DE
DOCTEURSPCIALIT : Prhistoire et Gologie du Quaternaire
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Etude fonctionnelle des outils de broyage
natoufiens : nouvelles perspectives sur lmergence
de lagriculture au Proche-Orient.
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Soutenue le : 30 septembre 2002
Aprs avis de :
Mme. Anna Belfer-Cohen, Professeur, Universit Hbraque de
Jrusalem Rapporteurs
Mme. Katherine Wright, Lecturer, London College
Devant la commission d'examen forme de :
MM. Ofer Bar-Yosef, Professeur
Jean-Michel Geneste, Conservateur du patrimoine
Jacques Jaubert, Professeur
Jean-Philippe Rigaud, Conservateur Gnral du Patrimoine et
Directeur de lUMR 5808
Hugues Plisson, Charg de recherche au CNRS
- 2002 -
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RemerciementsJe remercie mes directeurs de thse, Jean-Philippe
Rigaud et Jean-Michel Geneste, pour avoir
accept de suivre cette recherche. Jean-Philippe Rigaud m'a assur
des conditions de travail,
un soutien logistique et un suivi sans faille. Son appui, les
relectures critiques de mes
diffrents projets et du manuscrit final ont t pour moi
essentiels. Je tiens signifier toute ma
gratitude Jean-Michel Geneste pour son exigence et sa volont
d'amliorer sans cesse. Ses
corrections, nos discussions m'ont permis de retrouver ma
motivation dans les moments les
plus difficiles, de tirer le meilleur de mes recherches.
J'estime lui devoir beaucoup.
Je remercie Mesdames et Messieurs les membres du jury d'avoir
accept de lire et de juger ce
travail.
Certaines personnes ont occup une place particulire dans le
parcours de cette thse. J'ai
rencontr Hugues Plisson lors de mon anne de DEA. Son soutien a
toujours t depuis lors
prcieux pour moi. Je teins le remercier pour son aide, ses
conseils, son regard sans
concession sur l'avancement des travaux. Jaimerai aussi
remercier l'ensemble de l'quipe de
Valbonne qui m'a accueilli de nombreuses fois dans leurs locaux
et m'a toujours fait bnficier
de conditions de travail excellentes. C'est au cours de l'une de
ces visites que j'ai eu
l'occasion de rencontrer Liliane Meignen. Elle est en grande
partie l'origine de mon premier
voyage en Isral et de ma rencontre avec le Natoufien. J'ai
beaucoup appris avec elle sur le
terrain, je la remercie pour son coute et ses conseils. Sur les
fouilles d'Hayonim, Ofer Bar-
Yosef et Anna Belfer-Cohen m'ont offert d'appliquer la
problmatique de recherche que j'avais
dveloppe en DEA au matriel de broyage natoufien. Je les remercie
de m'avoir donner ma
chance.
A cette premire collection s'est ensuite ajoute celles des
fouilles effectues par Jean
Perrot, Franois Valla et Hamudi Khalayli. Je tiens leur exprimer
ma reconnaissance pour
m'avoir confi l'tude du matriel de Mallaha et de la terrasse
d'Hayonim. Une mention
particulire Genevive Dollfus et Bernard Vandermeersch qui ont
toujours t d'une
disponibilit et d'une gentillesse rarement rencontres et dont
laide a t prcieuse.
Ce travail a ncessit de nombreux sjours en Isral, il n'aurait
pas t possible sans
l'obtention de diffrentes bourses. Je tiens en particulier
remercier Naama Goren,
responsable du projet d'change europen TMR, qui m'a t d'une
grande aide. Je remercie
aussi le Ministre des affaires trangres qui a financ un long
sjour (bourse Lavoisier) me
permettant de terminer ma thse ainsi que le Centre de Recherche
Franais de Jrusalem. La
fondation Dina Surdin a financ quant elle les derniers moments
de rdaction, cette bourse
m'a permis de consacrer tout mon temps ma thse, je l'en remercie
vivement.
J'aimerais par ailleurs exprimer ma gratitude diffrentes
personnes et institutions qui ont
permis et facilit mon travail en Isral :
- le Dpartement des Antiquits Israliennes a mis ma disposition
collections, locaux et outils
d'analyse. Un merci tout particulier au personnel du dpt
archologique de Romema et
Zinovi.
-
Hamudi Khalalily m'a donn de prcieux conseils et a facilit bien
des fois les dmarches
administratives et les contacts avec cette institution.
J'aimerais lui signifier toute l'importance
qu'a eu pour moi son soutien discret et efficace, sa
confiance.
- l'Universit Hbraque de Jrusalem, en particulier le dpartement
d'Archologie, m'a
accueilli, ouvert les tiroirs des collections et des
bibliothques. Merci Anna Belfer-Cohen
pour son aide et sa confiance, Nigel Goring-Morris pour m'avoir
montr des boites de
trsors, j'espre trouver le temps de m'y intresser de plus
prs.
- Eitan Tchernov, directeur du dpartement de palontologie de
l'Universit de Givat Ram a mis
ma disposition le systme d'acquisition d'image numrique qui m'a
permis de prendre de
nombreuses photographies du matriel archologique. Je tiens l'en
remercier vivement. Je
voudrais aussi remercier tous les tudiants et le personnel du
laboratoire pour leur accueil
chaleureux.
- mon vritable camp de base lors de mes sjours a toujours t le
Centre de Recherche
Franais de Jrusalem qui m'a offert les meilleures conditions de
travail possibles. Je tiens
remercier tout le personnel du Centre pour leur attention et
leur soutien moral : merci
Dominique Bourel, directeur du centre, Elisabeth Warschawski,
Lise Baer-Zerbit, Marjolaine
Barazani, Eva Telkes, Florence Eiman et Charles Sraphin, les
gardiens de maison ainsi qu'
Sylvana Condemi et Mireille Loubet qui ont pris soin de moi
comme des grandes surs.
Enfin tous mes amis dcouverts aux fils des voyages qui m'ont
fait me sentir chez moi :
Leore, Gonen et toute leur famille, Nira, Agard, Tali, Yaron,
Efrat, Ro, vous me manquez tous.
De retour en France, l'IPGQ a t mon autre camp de base. Je tiens
tout d'abord remercier
vivement Michel Lenoir pour ses relectures du manuscrit et
l'intrt qu'il a port ce travail.
Pour ma recherche bibliographique, l'aide de Genevive Raubert a
t essentielle. J'ai
bnfici des discussions et des conseils de nombre des chercheurs
travaillant l'Institut,
j'aimerais remercier en particulier Francesco d'Errico qui m'a
form la technique des prises
d'empreintes et qui s'est toujours montr d'une grande
disponibilit. Maria Sanchez Goni (du
Dpartement de Gologie et Ocanographie) ma grandement aid en ce
qui concerne les
reconstitutions climatiques. Une mention spciale Michle Charuel
et Eric Pubert pour leur
disponibilit et leur gentillesse. Enfin, merci tous mes
"camarades de classe" et amis qui ont
suivi de prs mes hauts et mes bas et qui m'ont aid chacun leur
faon : Vronique,
Blanche, Arnaud, Marian, Framy, Cdric, Jean-Guillaume, Hlne,
Fanny et Nicolas. C'est
Eugne qui a trouv le titre dfinitif de ma thse, merci pour cela
et aussi pour nous avoir fait
beaucoup rire, j'espre que tous tes rves se raliseront.
Enfin je remercie ceux qui ont toujours t l et que j'ai peu eu
l'occasion de voir ces dernires
annes. J'espre qu'ils seront heureux du dnouement de cette
histoire. Un grand merci donc
ma famille : Franoise, Jean-Claude, Hlne, Anne, Yvan et mon
petit prince Maximilien.
A mes grands-parents, Louis et Andre, Adrien et Edith
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Introduction
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Nous aimerions situer ce travail avant tout comme une recherche
mthodologique visant
dvelopper des outils pour une analyse fonctionnelle d'une
catgorie d'artefacts encore peu
tudie selon cette perspective : le matriel de broyage.
Cet outillage (comprenant notamment les meules, molettes,
mortiers et pilons) est connu pour
des priodes anciennes de la Prhistoire. Son dveloppement semble
nanmoins
correspondre lEpipalolithique, priode de transition entre des
socits de chasseurs-
cueilleurs et dagriculteurs. Cet essor est gnralement compris
comme tant li une
modification des modes dexploitation des ressources vgtales.
Cette hypothse reste
cependant dmontrer. En effet, l'tude des sries archologiques a
le plus souvent t
limite une classification selon des listes types. Contrairement
lindustrie de silex, les
mthodes danalyse fonctionnelle des outils de broyage restent ce
jour peu dveloppes.
Elles apparaissent pourtant essentielles pour comprendre le
dveloppement de cette
technologie ainsi que son lien avec les systmes d'exploitation
des ressources vgtales.
Cette problmatique prend tout son sens dans le contexte de
l'Epipalolithique du Levant. En
effet, la diversification et la multiplication des outils de
broyage au Natoufien ont t
interprtes comme indiquant une augmentation de limportance des
plantes dans lalimentation
des populations laube du Nolithique. Lobjectif de notre
recherche a t de tester et de
prciser cette hypothse. Par ailleurs, les diffrentes tapes du
processus ayant conduit la
production des ressources alimentaires restent mal connues. La
caractrisation des modes
d'exploitation des vgtaux des priodes prcdant l'tablissement
d'un mode de vie
pleinement agricole apportera de nouveaux lments pour la
comprhension de ce
processus. Ce travail s'inscrit donc au sein de la problmatique
plus gnrale de la
nolithisation du Proche-Orient. Nous esprons que nos rsultats
permettront de discuter les
diffrentes thories proposes dans ce domaine.
D'un point de vue technologique, l'outillage de broyage peut tre
dfini comme un dispositif
impliquant deux lments complmentaires, lun tant actif et
transmettant la force motrice,
lautre passif et contenant la matire travaille. La matire
travaille est intercale entre les
surfaces actives des deux lments, elle constitue le troisime
lment du systme technique
conformment aux donnes fondamentales de la tribologie (e.g.
Georges, 2000). Ce dispositif
permet de concasser, broyer, rduire en poudre.
Parmi les outils typiques, deux couples sont gnralement
distingus :
- les meules et molettes correspondent des formes dites "plates"
; les zones des objets en
contact sont lgrement convexes concaves, les gestes
d'utilisation sont inscrits dans un
plan horizontal ;
- les mortiers et pilons : le mortier peut tre considr comme un
rcipient creux de
dimensions variables, le pilon, de forme oblongue, est actionn
selon un mouvement vertical.
Les enqutes ethnologiques attestent de la diversit des matires
transformes l'aide de
ces outils chez diffrents peuples de chasseurs-cueilleurs,
d'horticulteurs ou d'agriculteurs.
Les modes d'utilisation comprennent, entre autres, le travail
des crales et dautres
vgtaux, le broyage de los, de la viande, de toutes sortes de
nourriture, la prparation de
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colle et de colorants, etc. Le broyage est particulirement
appropri pour la transformation de
certaines ressources vgtales. Il permet d'liminer les parties
toxiques, daugmenter la
digestibilit et lapport nutritionnel des plantes.
Les tudes fonctionnelles appliques aux outils de broyage
connaissent un dveloppement
rcent. Diffrents travaux ont mis en vidence la diversit des
approches possibles (tudes
morphologiques, ptrologiques, tracologie et recherche de rsidus)
et leur complmentarit.
Cependant, pour certains de ces domaines de recherche, les
mthodes d'analyse restent
encore tablir ou prciser.
Nous avons choisi de nous intresser l'approche tracologique car
elle peut tre applique
l'tude de collections anciennes et permet d'effectuer une
analyse exhaustive des
assemblages. Une partie importante de notre travail a t consacre
l'tablissement d'un
rfrentiel exprimental visant valuer le potentiel d'une tude
tracologique des outils de
broyage et proposer des critres de diagnose fonctionnelle.
La dmarche d'analyse dfinie exprimentalement a t applique l'tude
de trois
assemblages natoufiens : ceux de la grotte et de la terrasse
d'Hayonim et celui de Mallaha
(Figure 1).
Figure 1 : localisation des sites tudis
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Ce mmoire s'organise en cinq parties :
1. la premire partie est consacre la prsentation dtaille du
contexte archologique
comprenant une synthse des donnes sur le Natoufien qui seront
replaces dans le
cadre du processus de nolithisation au Proche-Orient ainsi qu'un
bilan des tudes
effectues sur le matriel de broyage de l'Epipalolithique
levantin. Nous conclurons
sur la dfinition de notre problmatique de recherche.
2. dans la seconde partie nous tablirons un bilan des recherches
mthodologiques
relatives l'analyse fonctionnelle des outils de broyage ;
3. la troisime partie sera consacre la prsentation du rfrentiel
exprimental
constitu et de son apport pour l'tablissement d'une approche
tracologique des
outils de broyage.
4. dans la quatrime partie, la dmarche d'analyse propose dans
les parties II et III sera
synthtise et applique l'tude des trois assemblages natoufiens
prsents plus
haut.
5. nous proposons dans la dernire partie, une synthse et une
discussion des
rsultats de l'tude des collections archologiques ainsi que de
nos recherches
mthodologiques.
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Partie I.
Contexte archologique et
problmatique
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Cette premire partie a pour objectifs de donner une prsentation
dtaille de notre contexte
de recherche, de dfinir prcisment les problmatiques du Natoufien
ainsi que l'apport d'une
tude du matriel de broyage pour la connaissance de cette priode
et la comprhension du
processus de nolithisation au ProcheOrient.
Dans un premier chapitre, nous replacerons les recherches
effectues sur le Natoufien dans
leur contexte historique et proposerons une dfinition synthtique
de cette culture que nous
situerons dans le cadre chrono - culturel, gographique et
environnemental du Proche-Orient.
Nous nous intresserons ensuite deux dbats qui apparaissent de
premire importance
pour l'tude du dveloppement des socits d'agriculteurs au Levant
: modes d'implantation et
stratgies de subsistance au Natoufien.
Nous dtaillerons dans un troisime chapitre l'apport d'une tude
du matriel de broyage
concernant ces deux axes de recherche. Un bilan des travaux
effectus sur l'outillage
levantin depuis le Palolithique suprieur jusqu'au Nolithique
nous permettra de dfinir notre
problmatique et de justifier l'approche mthodologique adopte
dans ce travail.
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Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
11
Chapitre 1. Une dfinition du Natoufien
1. Cadre historique, environnemental et
chrono-culturel
1.1. Historique des recherches
Le Natoufien, culture de l'Epipalolithique du Levant, a t
identifi et dcrit en premier lieu par
Garrod (1932, 1957) suite aux fouilles de la grotte de Shukbah
situe dans le Wadi en-Natuf et
de Mugharet en Wad dans le mont Carmel. Garrod (op.cit)
caractrise cette culture notamment
par son industrie lithique, qui comporte des microlithes de type
segment de cercle (considrs
comme un fossile directeur) et des lments de faucille, par
l'importance de l'outillage en os,
du matriel de broyage et la prsence de structures construites.
Elle attribue le Natoufien au
Msolithique (dat alors de 4000 5000 BP), et considre que son
origine n'est probablement
pas locale.
Neuville, aprs diffrentes campagnes de fouilles effectues dans
le dsert de Jude,
repousse les dates proposes par Garrod aux Xme - XIIme
millnaires avant notre re (in
Valla, 1987a). Par ailleurs, il situe les dbuts de l'agriculture
au Natoufien. L'hypothse est
reprise par Garrod qui envisage une domestication du chien cette
priode, les datations
restent un point de dsaccord. Les travaux effectus Jricho ainsi
que les premires dates
C14 obtenues pour les niveaux nolithiques pr-cramiques de ce
site (VIIIme millnaire
avant notre re), conduisent considrer le Natoufien comme
antrieur au Nolithique et
reculer considrablement son ge (Valla, 1987a).
L'hypothse d'un dbut de l'agriculture au Natoufien sera remise
en question, en premier lieu
par Braidwood (in Boyd, 1999) puis par Perrot (1966) partir des
rsultats des recherches
effectues sur le site de Mallaha : l'tude de la faune indique
que les animaux ne sont pas
domestiqus et les premiers indices d'une agriculture remontent
alors au PPNB (seconde
priode du Nolithique pr-cramique). Selon Perrot (op.cit), les
vgtaux sont collects
l'tat sauvage Mallaha, leur exploitation devenant probablement
intensive cette priode. Il
propose de rattacher le Natoufien l'Epipalolithique et considre
l'industrie lithique comme un
prolongement des prcdentes, ses origines sont rechercher sur
place. Il situe le Natoufien
la priode de transition entre le Plistocne suprieur et l'Holocne
soit entre 10.000 et 8.000
av J.C (Perrot, 1968).
A la fin des annes 70, les travaux de Valla et Bar-Yosef, O.
ainsi que le dveloppement des
datations, permettent de prciser la chronologie du Natoufien.
Une division en deux phases
(Natoufien ancien et rcent) est retenue sur la base des
variations de la frquence de la
retouche bifaciale oblique parmi les segments de cercle et de la
taille moyenne de ces outils
(Bar-Yosef, O. et Valla, 1979 ; Valla, 1981, 1984, 1987a). Ce
schma est aujourd'hui
largement accept. En 1984, Valla propose de distinguer une
troisime phase, le "Natoufien
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
12
Final". Cette dernire subdivision est cependant controverse
(comme le constate l'auteur in
Valla, 1995a).
Le cadre chronologique du Natoufien est dsormais fix, la culture
couvre une priode situe
entre environ 12.500 et 10.200 BP, elle peut tre considre comme
une phase de transition
entre des modes de vie de chasseurs-cueilleurs et l'tablissement
des premires
communauts agricoles. L'image de la "culture natoufienne" se
prcise par ailleurs par la
publication ou la fouille de sites dans la zone centrale du
Carmel et de la Galile, o cette
culture a t en premier lieu reconnue, ainsi que dans les rgions
"priphriques". Ces
travaux permettent d'apprhender la diversit des adaptations aux
diffrentes zones
environnementales. Ils apportent, en outre, de nouvelles donnes
concernant les modes
d'implantation des populations, d'exploitation des ressources et
leurs expressions
symboliques. En 1989, le colloque "The Natufian Culture in the
Levant" (Bar-Yosef, O. et
Valla, 1991) fait le point sur l'avanc des travaux. Sont
constats des affinements dans la
dfinition du cadre environnemental, une meilleure connaissance
d'une part de l'aire de
diffusion du Natoufien et des diffrents facis rgionaux
contemporains et d'autre part des
pratiques funraires et modes de subsistance (Bar-Yosef, O. et
Valla, 1990). Cependant,
plusieurs points de controverses discuts alors, tels que la
pratique d'une agriculture au
Natoufien ou d'un mode de vie sdentaire, restent aujourd'hui
d'actualit. Les discussions
portent par ailleurs sur les modalits d'exploitation des
ressources vgtales et carnes, la
"gographie culturelle" de cette priode, mais aussi sur
l'organisation sociale des populations
(Delage, 2001a).
1.2. Les donnes environnementales
1.2.1. La rgion
Le Proche-Orient comprend l'Anatolie, les montagnes du Zagros,
la Msopotamie, le Levant, le
dsert Syro-Arabique et la pninsule du Sina. Le Levant (nom donn
aux pays de la cte
orientale de la Mditerrane) est caractris par une grande
variabilit topographique et
climatique. Il recouvre une aire d'environ 250 350 km de large
pour 1.100 km de long, depuis
les flancs Sud des montagnes du Taurus en Turquie jusqu' la
pninsule du Sina. La rgion
est borde l'Ouest par la valle du Moyen-Euphrate, les bassins de
Palmyre, de Gebel ed-
Druz, d'Azraq et d'El-Jafr. Les principaux ensembles
topographiques (Planche 1) sont
organiss grossirement selon un axe nord - sud et comprennent une
frange ctire troite,
deux chanes de montagnes parallles spares par la Valle du Rift
ainsi que le plateau du
dsert syro-arabique, sillonn de nombreux wadi1 et accusant un
pendage vers l'est (Bar-
Yosef, O. et Belfer-Cohen, 1989).
Le Proche-Orient est aujourd'hui domin par deux saisons, un
hiver doux et pluvieux, un t
chaud et sec. Sa localisation au carrefour des trois grandes
masses continentales de
1 afin d'viter des problmes de traduction notamment pour
certains noms de site ou localisations, nousgarderons dans ce
mmoire le terme de wadi pour dsigner les oued, lit de rivire le
plus souvent sec,prsentant un rgime d'coulement spasmodique
(Derruau, 1988, p.237).
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Planche 1
Planche 1 : gographie physique du Levant
Pninsuledu Sina
Valle del'Euphrate
Montagnes du Taurus
DsertSyro -
arabique
Jour
dain
Mer morte
Mer mditerrane
chelle 1 : 25 000 000
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Planche 2
Planche 2 : zones phyto-gographiques du Proche-Orient,
rpartition actuelle desdiffrents types de vgtation, d'aprs Miller
(1997, p.198).
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Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
13
l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique dtermine son systme
atmosphrique. De forts contrastes
topographiques, l'effet des variations de temprature et de
pluviosit dfinissent la rpartition
des biomasses animales et vgtales (Bar-Yosef, O. et Meadow,
1995).
La distribution actuelle de la vgtation permet de diffrencier
trois zones
phytogographiques principales (Planche 2) (Zohary, 1973 ;
Miller, 1997) :
1. la zone mditerranenne caractrise par un climat doux
comprenant les forts duLevant, de la cte et des hauts plateaux
d'Anatolie (il est important de signaler que la valle du
Jourdain doit tre exclue de cet ensemble) ;
2. la zone kurdo-zagrossienne et irano-touranienne prsentant un
climat pluscontinental, une vgtation de type fort, steppique ou
dsertique. Cette aire comprend aussi
les chnaies du Nord du Taurus-Zagros, les formations de
pistachier - amandier du sud du
Zagros et les steppes du Nord de la Msopotamie ;
3. la basse Msopotamie et la rgion ctire du Golfe prsentant un
climat plus tropical.
La reconstitution des zones phytogographiques passes repose sur
plusieurs donnes. Les
modifications gomorphologiques et les reconstitutions
paloclimatiques apparaissent de
premire importance. Ensuite, la rpartition actuelle des
ensembles vgtaux sert de base la
comprhension des aires d'habitat et de rpartition des diffrentes
plantes. Enfin, l'tude des
pollens et des macrorestes vgtaux retrouvs sur les sites
archologiques permet d'tendre
cette image au pass (Miller, 1997).
1.2.2. Reconstitutions paloclimatiques etenvironnementales
L'volution climatique globale peut tre caractrise par des
tendances gnrales long
terme (glaciaires et interglaciaires) interrompues d'accidents
climatiques courts mais intenses
tels que les vnements de Dansgaard Oeschge, de Heinrich, le
Dryas Rcent etc.
(Grousset, 2001). Ces vnements, qui correspondraient, pour les
premiers, des relargages
massifs dicebergs dans lAtlantique Nord (Grousset, op. cit), ont
t reconnus lchelle de
lhmisphre Nord. Ils sont ainsi considrs comme des phnomnes
globaux. Nanmoins,
leur intensit et leur chronologie ont probablement vari selon
les rgions (ceci a t mis en
vidence pour l'Holocne par Rohling et. al, 2002). Qu'en est-il
pour le Proche-Orient ?
1.2.2.1. Les donnes
La carte, prsente sur la planche 3 a., reprise de Sanlaville
(1997), rpertorie l'essentiel des
chantillons palynologiques disponibles pour le Proche-Orient.
Les carottes marines sont une
des sources principales de donnes. Elles prsentent l'avantage
d'tre diversifies et bien
dates, cependant un certain laps de temps est ncessaire avant
que les modifications du
milieu terrestre soient enregistres (Bar-Yosef, O. et Meadow,
1995). Le calage
chronologique des squences palynologiques lacustres levantines
(Ghab au Nord-Ouest de la
Syrie et Houl dans le Nord d'Isral) a pos diffrents problmes
(Salanville, 1996). Un
rchantillonage et une srie de datations de la squence du lac
Houl (van Zeist et Bottema
1991 ; Baruch et Bottema, 1991) ont permis de prciser les
reconstitutions
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
14
paloenvironnementales du dernier maximum glaciaire jusqu'
l'Holocne. Cependant, les
rsultats des datations sont toujours discuts (Rossignol-Strick,
1997 ; Sanlaville, 1997).
Pour la rgion levantine, les reconstitutions proposes souffrent
ainsi du manque de donnes
continentales bien dates. Cependant, les rcentes tudes de
splothmes effectues par
Bar-Matthews, Kaufman et collaborateurs dans la grotte de Nahal
Soreq ont apport dans ce
domaine des informations fondamentales (Bar-Matthews et al.,
1997, 1998, 1999, 2000 ;
Kaufman et al., 1998)
1.2.2.2. Reconstitutions proposes
Entre Europe et Proche-Orient des rapprochements peuvent tre
effectus au niveau des
grandes tendances climatiques : aprs le dernier maximum
glaciaire, le Tardiglaciaire (15.000
10.000 BP, Magny 1995) apparat comme une phase de rchauffement
amorce
probablement avant 15.000 BP pour la zone qui nous intresse.
Mais lidentification dpisodes
de fluctuation climatique courts, tels que lvnement de Heinrich
1 (15.000 13.000 BP, si l'on
prend les dates les plus extrmes publies par Elliot et. al.,
1998), dans la rgion levantine
restent controverse (Planche 4) :
- selon ltude des splothmes de la grotte de Nahal Soreq (proche
de Jrusalem),
dats entre 17.000 et 10.000 BP, l'volution climatique est marque
par la rpercussion
d'vnements globaux tels que ceux de Heinrich (Bar-Matthews et
al., 1997 ; Kaufman
et al., 1998). En particulier, les auteurs constatent vers
14.500 BP, une priode dite
courte de dgradation climatique qui pourrait correspondre au
Heinrich 1. Les travaux
de Frumkin et al. (1999) confirment les possibilits d'identifier
des variations de courte
dure partir de l'tude des splothmes. Sur la base de l'analyse
des foraminifres
d'une carotte provenant du Sud-Est de la mer Ege, Geraga et al.
(2000) identifient
aussi un pisode froid dat autour de 13.700 BP considr comme
correspondant
l'vnement de Heinrich 1.
- selon Sanlaville (1997, Planche 3 b.), la premire phase du
Tardiglaciaire est
caractrise par une amlioration climatique nette, il est probable
que le rapport
prcipitation/vaporation ait alors t plus lev qu'il ne le sera
l'Holocne. Un
pisode trs froid et sec est attest sur diffrents sites et dat
entre 12.700 et 12.100
BP Wadi Judayid (Jordanie). Vient ensuite un pisode chaud et
humide
correspondant l'Allerd qui dure jusqu' environ 10 800 BP. Une
phase d'amlioration
climatique est aussi identifie par Rossignol-Strick (1997).
Cependant, elle correspond
selon l'auteur au Bolling-Allerd et couvre une priode situe
entre 12.500 et 11.000
BP.
- la crise du Dryas Rcent est reconnue par tous mais fait aussi
l'objet de controverses
portant sur la chronologie exacte de cette aridification, son
intensit et son
droulement. Selon Rossignol-Strick (1995), le Dryas Rcent peut
tre globalement
dat, tout comme en Europe, entre 11.000 et 10.000 BP. Il
correspond la priode la
plus froide et aride du Tardiglaciaire. Sanlaville (1997) note
qu'un climat sec et frais est
bien attest dans toute la rgion levantine cette priode. A Abu
Hureyra (moyenne
-
15 000
14 000
13 000
12 000
11 000
10 000
14 500
12 500
12 700
11 500
10 800
10 200
Dates (BP) Cadre europen Entits culturelles
TARD
IGLA
CIA
IRE
HO
LOCE
NE
Zonesmditerranennes
Steppes etdserts
NATOUFIENFINAL
HARIFIEN
NATOUFIENRECENT
NATOUFIENANCIEN
KEBARIEN AGEOMETRIQUES
RAMONIENTERMINAL
NIZZANIEN NIZZANIEN
KEBARIEN AGEOMETRIQUES
ET PROTO-MUSHABIEN
MUSHABIENCLASSIQUE
RAMONIENANCIEN
Dernier MaximumGlaciaire
DRYAS ANCIENou vnement de
HEINRICH 1(phase
de dtriorationclimatique)
DRYAS RECENT(Episode sec
et froid)
BOLLING - ALLEROD(Episode chaud
et humide)
Cadre du Proche - Orient
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San
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NATOUFIENRECENT
Planche 4
Planche 4 : Diffrentes reconstitutions climatiques proposes pour
la priode du Tardiglaciaireau Proche-Orient et squence
culturelle.
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
15
valle de l'Euphrate) par exemple, une phase trs aride aurait
dbut vers 10.600 BP
et continu jusqu' environ 10.000 BP. Les analyses palynologiques
de diffrents sites
de la valle du Jourdain et de Galile montrent que les arbres
auraient presque
totalement disparu cette mme priode (Leroi-Gourhan, Ar. et
Darmon, 1991 ;
Darmon, 1996). Selon Bottema (1995), pour la rgion levantine, un
changement vers
des conditions plus froides est enregistr partir de 11.500 BP.
L'auteur constate
cependant une importante variation de l'volution climatique
cette priode pour l'Est
de la mditerrane. Bar Matthews et al. (1997)2 identifient pour
leur part un pisode
froid et sec vers 11.500 BP qui est considr comme correspondant
au Dryas Rcent.
Geraga et al. (2000) mettent en vidence un refroidissement des
eaux dans la mer
Ege entre 11. 800 et 10. 800 BP qu'ils associent aussi au Dryas
Rcent.
- l'Holocne est reconnu par tous comme une priode d'amlioration
rapide des
conditions climatiques. Dans diffrents sites du Nord du Levant,
la part des crales
dans la vgtation augmente tandis que celle des chnopodiaces,
indiquant un
environnement aride, diminue (Sanlaville, 1997). Selon
Sanlaville (1997), dans le Sud,
les conditions climatiques paraissent instables et auraient t
dfavorables jusque
vers 9500 BP.
Diffrents auteurs considrent que l'volution paloclimatique
aurait t synchrone au Moyen-
Orient, depuis l'Anatolie jusqu'au sud de L'Arabie et l'Egypte
(e.g Rossignol-Strick, 1995 ;
Sanlaville, 1996, 1997). La plupart s'accorde en dfinitive sur
une tendance gnrale
d'amlioration climatique amorce vers 15.000 BP (peut tre mme
avant), un pisode trs
froid et sec au Dryas Rcent (dont les limites chronologiques
varient selon les tudes) suivi
d'une volution rapide vers des conditions climatiques proches de
l'actuel l'Holocne.
L'identification de variations climatiques au cours des phases
du Tardiglaciaire prcdant le
Dryas Rcent apparat plus problmatique (Planche 4).
1.2.2.3. Incidence sur les formations vgtales, concidence
entre
variations climatiques et culturelles
L'enjeu de ces reconstitutions a plus particulirement port sur
la concidence entre
changements culturels et climatiques ainsi que sur l'estimation
des disponibilits en
ressources vgtales comestibles en particulier les crales.
- Sanlaville (1996) considre qu'il est possible d'tablir un lien
entre les variations
climatiques et la distribution gographique des sites ainsi que
leur densit. Par ailleurs,
" il semble bien qu'entre 20 000 et 7 000 ans BP, des
changements socio-
conomiques dcisifs aient concid avec des priodes
climatiquement
dfavorables" (1996, p.25). Si le Natoufien correspond gnralement
une priode
chaude, son dbut se place dans une phase de pjoration climatique
tandis que sa fin
concide avec la phase froide et sche du Dryas Rcent (Sanlaville,
op. cit).
Cependant, l'pisode froid et sec du dbut du Natoufien mentionn
par l'auteur n'est
2 afin deffectuer une comparaison avec les autres
reconstitutions climatiques proposes, nous nous rfrons la
chronologie BP publie par les auteurs en 1997. Celle-ci a t depuis
prcise en adoptant des dates
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
16
apparemment identifi que dans les sites archolgiques. La planche
4 montre qu'il est
difficile, eu gard aux diffrentes reconstitutions proposes,
d'tablir une relation
entre les changements climatiques et culturels. O. Bar-Yosef
(pers. com) suggre
pour sa part un lien entre lamlioration climatique du Bolling
amorce vers 14.500 cal.
BP et le dveloppement du Natoufien, cette hypothse serait
renforce par la
chronologie calibre publie par Aurenche et al. (2001). La prise
en compte de
datations absolues permettra probablement lavenir de prciser les
reconstitutions
proposes.
- l'incidence exacte des fluctuations climatiques sur les
formations vgtales est difficile
estimer. Selon Miller (1997), les donnes palynologiques
indiquent une extension de
la steppe de type irano-touranienne durant la priode glaciaire,
une expansion de la
fort mditerranenne partir de 13.000 BP suivie d'un retrait de
courte dure durant
le Dryas Rcent. Tchernov (1997) considre que la fort aurait
atteint son extension
maximale dans le Sud du Levant vers 12/11. 000 BP. Selon Hillman
(1996), crales
sauvages et herbaces annuelles auraient accompagn cette vague
d'expansion qui
correspond plus gnralement un enrichissement en ressources
vgtales
comestibles. Au Proche-Orient, plutt que les fluctuations de
tempratures, la variation
des prcipitations apparat de premire importance pour la
distribution des biomasses
(e.g Bar-Yosef, O. 1996). L'tude des splothmes de la grotte de
Nahal Soreq
(proche de Jrusalem) a permis de donner une estimation des
tempratures et de la
pluviomtrie pour la priode de 25.000 BP 7000 BP (Bar-Matthews et
Ayalon, 1997) :
entre 17.000 et 10.000 BP, la tendance gnrale est un
rchauffement de 2 3 par
rapport la priode prcdente et une augmentation graduelle des
prcipitations
annuelles qui sont estimes entre 680-850 mm. Une vgtation de
type C3 s'installe et
restera dominante par la suite. La priode comprise entre 12.000
et 10.000 B.P est
considre comme transitionnelle par rapport la suivante. Les
tempratures
moyennes sont situes entre 14.5 et 18. Un changement abrupt vers
des conditions
plus froides est enregistr au Dryas Rcent. Plusieurs donnes
indiquent par ailleurs
une aridification durant cette crise climatique. Entre 10.000 et
7.000 BP, les conditions
s'approchent de l'actuel.
1.3. Cadre chrono - culturel : Epipalolithique et
dbut du Nolithique au Levant
Bar-Yosef, O. (1989) distingue deux approches dans
l'tablissement d'un cadre chrono-
culturel au Levant. Une premire consiste assimiler un
assemblage, des niveaux et des sites
dans de grandes units telles que l'Epipalolithique 1, 2, 3... ou
ancien, moyen, rcent. La
seconde dfinir des entits archologiques sur la base de la
distribution gographique et
chronologique de certains traits typologiques. Ceci rejoint les
remarques de Goring-Morris et
Belfer-Cohen (1997). La prsentation du cadre
chrono-stratigraphique de l'Epipalolithique du
Levant propose par ces auteurs (tableau 1) nous servira de trame
pour dresser un rapide
datations absolues.
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
17
bilan des entits mises en vidence la fin de l'Epipalolithique et
de leurs caractristiques.
Les auteurs adoptent le point de vue des "diviseurs" car il
reflte mieux, selon eux, la
complexit des adaptations dveloppes face aux diffrents
environnements. Les divisions
effectues au sein des grands ensembles chrono-culturels
recoupent en gnral une
dichotomie environnementale opposant la zone mditerranenne et
les zones steppiques au
Sud ainsi que les dserts du Negev et du Sina.
1.3.1.Les diffrentes entits culturelles de l'Epipalolithiqueet
du dbut du Nolithique levantin
Les complexes du Kbarien gomtriques (14.500-12.500) et du
Mushabien prcdentl'apparition du Natoufien. La premire entit drive
directement du Kbarien, les sites sont
distribus dans la zone mditerranenne, dans le Negev, le Sina
ainsi que dans les dserts
syro-jordaniens. Les ensembles lithiques sont caractriss par une
forte frquence de lames
et de lamelles transformes principalement en microlithes de type
trapze-rectangle. Du
matriel de broyage est frquemment dcouvert dans les sites de la
zone mditerranenne.
Les bilans effectus par Byrd (1994) et Henry (1997) pour le
bassin de Jordanie attestent
d'une spcificit des complexes industriels dans cette rgion. Par
ailleurs, ces tudes
remettent en question l'existence d'pisodes de dpeuplement des
zones arides, propose
dans la synthse de Belfer-Cohen et Goring-Morris (1997).
Le complexe Mushabien (14.500-12.500) est localis dans le Nord
du Sina et dans leNegev. Il est contemporain du Kbarien gomtriques
et, dans sa phase finale (le
Ramonien), du Natoufien Ancien. L'industrie lithique montre des
affinits avec les industries
microlithiques du Nord-Est de l'Afrique. L'utilisation intensive
de la technique du micro-burin
ainsi que certaines formes de microlithes apparaissent comme des
phnomnes nouveaux
dans la rgion (Bar-Yosef, O. et Belfer-Cohen, 1992). Kbarien
gomtriques et Mushabien
pourraient reprsenter deux groupes distincts. Si l'origine
nord-africaine du Mushabien se
confirme, cette entit pourrait rsulter d'une expansion de ces
groupes dans la rgion. Pour
les deux complexes, la taille des sites est interprte comme
refltant une occupation par de
petits groupes trs mobiles (Bar-Yosef, O. et Belfer-Cohen,
1992).
Si la priode de la fin de l'Epipalolithique (12.500 - 10.200/100
BP) est souvent assimile au
Natoufien en tant qu'entit gnrale, celle-ci doit tre, en fait,
perue comme trs varie,
comprenant une srie de phases chronologiques distinctes et de
variations rgionales
(Belfer-Cohen et Goring-Morris, 1997). Garrod (1932, 1957) avait
propos une origine Nord
africaine du Natoufien. La thse d'un dveloppement local,
favorise par Neuville, est
aujourd'hui largement accepte (Belfer-Cohen, 1991b). Cependant,
les conditions de ce
dveloppement restent prciser (la planche 5 prsente une carte de
rpartition des sites
natoufiens).
Le Natoufien Ancien (12.50011.500 B.P) a t reconnu en premier
lieu dans la zonemditerranenne du Mont Carmel et de la Galile.
Cette rgion est considre comme un
"centre" dans la mesure o elle livre les sites les plus riches
(Valla, 1995a) et, jusqu'
prsent, les plus anciens (Weinstein-Evron, 1991 ; 1998).
Beaucoup d'entre eux sont
localiss en grotte, souvent dans des zones intermdiaires entre
la plaine ctire et les
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
18
hauteurs (Valla, 1995a). Les plaines ctires elles-mmes semblent
avoir t abandonnes.
Des indices tnus d'une prsence dans le Nord du Levant sont
connus (Cauvin, MC. 1991 ;
Cauvin, J. et al. 1997). Dans le bassin jordanien, la rpartition
des sites indique une
occupation des hauteurs (Erq el-Ahmar) et des fonds de valles
(Fazael VI, Salibiyah XII et
peut tre Jricho). Henry (1982) propose une origine locale du
Natoufien, les datations de
diffrents sites suggrant un dveloppement trs ancien dans cette
rgion. Byrd (1998)
favorise aussi l'ide d'une continuit entre le Natoufien et les
cultures prcdentes. Il
considre cependant que des datations supplmentaires sont
ncessaires afin de valider
l'hypothse d'Henry (Byrd, 1994).
Dates (B.P) et Unitsstratigraphiques Entits culturelles
Zone mditerranenne Steppes et dserts
Epipalolithique
Ancien
20.0 16.0 Masraqan (Ahmarienfinal)
Masraqan
17.5 16.0 Kbarien ancien Kbarien ancien
16.0 14.0 Kbarien rcent Kbarien rcent
16.5 15.5 Nizzanien Nizanien
14.5 12.5 Moyen
14.0 13.0 Kbarien gomtriques
K. G. et Mushabienclassique
13.0 12.5 Kbarien gomtriques
Ramonien ancien
Rcent
12.5 11.5 Natoufien ancien Ramonien Terminal
11.5 10.8 Natoufien rcent Natoufien rcent
10.8 10.2 Natoufien final Harifien
Nolithique ancien
PPNA
10.2 10.0 Khiamien Harifien final
10.0 9.5 Sultanien Abu Madi I
PPNB
9.4 9.0 PPNB ancien PPNB ancien
9.0 8.1 PPNB moyen/final PPNB moyen/final
8.1 7.6 PPNB final (PPNC) PPNB final (PPNC)
tableau 1 : units chrono-stratigraphiques et entits culturelles
au Nord (zone mditerranenne) et au Sud(zone de dsert et de steppe)
du Levant pour l'Epipalolithique et le dbut du Nolithique. D'aprs
Goring-Morris et Belfer-Cohen (1997, p.75).
-
Planche 5
Planche 5 : carte de rpartition des sites natoufiens au sein des
diffrentes zonesenvironnementales, d'aprs F. Valla et M.
Barazani
Mer
Mditerrane
-
Planche 6
Planche 6 : exemples d'outils de silex et d'os, de matriel de
broyage natoufiens(d'aprs Bar-Yosef, 1998a) : 1 et 2. segments de
cercle ; 4 et 5. microburins ; 6.lamelle troncature ; 7. peroir ;
8. burin ; 9 et 10. : lames-faucille ; 11. : pic ; 12 et13. outils
appoints en os ; 14. manche de faucille dcor ; 15 19. parure en os
;20. spatule en os dcore ; 21. pilon ; 22 et 23. mortiers ; 24.
pointe de Harif.
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
19
Au Sud du Mont Hbron jusqu'au Nord du Sina, l'industrie du
Ramonien Terminal n'apparat
pas en rupture avec les adaptations prcdentes. Le Ramonien,
reconnu dans le Negev etle Sina, est caractris par la prsence des
pointes de Ramon, lamelles dos concave et
troncature oblique. Plusieurs lments tels que les segments de
cercle retouche hlouan
attestent d'un certain degr d'interaction avec le Natoufien de
la zone mditerranenne
(Goring-Morris, 1995a).
Au Natoufien Rcent (11.50010.800 B.P), la densit des
implantations se rduit l'exception du Nord du Levant, sur les
flancs Est des monts de l'Anti-Liban et le long de
l'Euphrate. Dans le Sud, la transition entre le Ramonien
Terminal et le Natoufien Rcent est
perue comme abrupte, ce qui traduirait une rupture entre les
deux. Par ailleurs, l'aire de
rpartition des sites s'amenuise bien que l'on constate une
exploitation nouvelle des hauteurs.
Le Natoufien Final (10.800-10.250 BP) reste une priode mal
connue, documente dans unpetit nombre de site (Valla, 1984 ; Valla
et al., 2001). Les fouilles rcentes entreprises
Mallaha par F.R Valla et H. Khalayli attestent de la prsence de
structures construites non
retrouves sur les autres gisements de la zone Carmel-Galile.
Valla et al. (op. cit)
considrent que cette dernire phase du Natoufien connat un recul
de la sdentarit qui est
peut tre mettre en relation avec une intensification de la
chasse.
A cette priode, la culture du Harifien (10.750-10.100 BP) se
dveloppe dans le Sud,probablement en continuit avec celle du
Natoufien Rcent. Les sites de plus grande taille ont
t trouvs sur le plateau d'Har Harif, de plus petits sites sont
localiss dans l'Ouest du Negev
et le Nord du Sina. Les assemblages des premiers apparaissent
plus diversifis, comprenant
notamment du matriel de broyage. De petites structures
gnralement de trois mtres de
diamtre sont aussi signales (Goring-Morris, 1987, 1990 et 1991 ;
Bar-Yosef, O. et Belfer-
Cohen, 1992).
Les priodes suivantes peuvent tre considres, selon Aurenche et
Kozlowski (1999),
comme un "Protonolithique", tous les lments dfinissant les
socits nolithiques n'tant
pas alors attests. Sur la base de la squence de Jricho, deux
phases Pre PotteryNeolithic A et B (PPNA de 10.200 9.500 et PPNB de
9.400 7.600) sont distingues.Elle sont marques par la succession et
la coexistence de diffrentes cultures. Dans la valle
du Jourdain, le Sultanien est caractris par une industrie
lithique comportant des nuclei
lame plan unipolaire, des pointes d'El-Khiam, des lames de
faucille de grande taille, des
tranchets et les premires haches polies en calcaire ou en
basalte. Dans le Sud du Levant, le
Khiamien est dfini comme une culture de transition entre le
Natoufien et le Sultanien. Le
Mureybtien du moyen-Euphrate, l'Aswadien dans le centre du
Levant et le Sultanien dans le
sud constituent trois ensembles rgionaux correspondant aux
horizons PPNA. Selon Belfer-
Cohen (1994), dans la valle du Jourdain, les industries
lithiques attestent d'une continuit
entre le Natoufien et le PPNA. Le PPNB est divis, selon le
systme propos par J. Cauvin, en
quatre priodes (PPNB ancien, moyen, rcent et final) auquel
l'auteur ajoute des facis
rgionaux (in Aurenche et Kozlowski, 1999) ; il est contemporain
dans sa phase finale des
premires productions de cramiques. La limite entre PPNA et B,
les sous-divisions l'intrieur
des deux priodes font cependant l'objet de dbats (e.g Aurenche
et al, 1981 ; Aurenche et
Kozlowski, 1999 ; Belfer-Cohen, 1994). Le PPNB correspond au
dveloppement des
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
20
premires communauts agricoles (e.g Bar-Yosef, O. et
Belfer-Cohen, 1989 ; Cauvin, J. 1994
; Aurenche et Koslowski, 1999).
1.3.2. Considrations chronologiques : l'apport de
lacalibration
Aurenche et al. (2001) ont rcemment publi une chronologie
calibre des cultures dites
Proto-Nolithiques et Nolithiques du Proche-Orient. Il ressort de
ces travaux que la priode 1,
qui selon la chronologie propose comprend le Natoufien, est
comprise entre 12.500 et 9.500
cal BC., elle apparat ainsi plus longue que ce que l'on envisage
gnralement. Par ailleurs, les
auteurs constatent un recouvrement entre cette premire phase et
la priode 2 correspondant
au PPNA. Si diffrents problmes de mthodologie restent rsoudre,
ces recouvrements
sont nanmoins considrs comme significatifs.
2. Particularit et diversit des adaptations
natoufiennesHistoriquement, la dfinition du Natoufien est fonde
sur son industrie lithique ainsi que sur
diffrents caractres marquant une rupture avec les priodes
prcdentes. Ils comprennent
essentiellement le dveloppement de l'outillage lourd, de
l'industrie osseuse, des
manifestations artistiques, des structures d'habitat ainsi
qu'une modification des pratiques
funraires (e.g. Bar-Yosef, O. 1980, 1981, 1998a et 1998b ;
Bar-Yosef, O. et Belfer-Cohen
1989, 1992 ; Belfer-Cohen, 1989, 1991b ; Byrd, 1989b ; Henry,
1981, 1989 ; Valla, 1988a,
1988b, 1995a, 1999).
Si cette dfinition est propose dans de nombreuses synthses, elle
est aussi la plupart du
temps remise en cause. En effet, elle ne permet pas d'apprhender
la variabilit du Natoufien
comprenant des phases chronologiques distinctes et des
variations rgionales.
Nous prsenterons en premier lieu une synthse de cette dfinition.
Nous chercherons
ensuite dcrire cette "diversit natoufienne".
2.1. Dfinition d'une entit culturelle
2.1.1. La culture matrielle
2.1.1.1. L'industrie lithique
Les systmes de production comprennent dbitage lamellaire et
d'clats. L'industrie lithique
est caractrise par l'utilisation exhaustive des nuclei oriente
vers l'obtention de supports de
petite(s) taille(s). Le Natoufien se distingue des autres
priodes de lEpipalolithique par la
prsence constante de peroirs et de poinons. Sa particularit
sexprime par ailleurs dans le
groupe des microlithes, comprenant des segments de cercle
retouche bifaciale oblique
(hlouan) ou dos, des trapzes rectangles et des triangles
(Planche 5). L'industrie se
-
Planche 8
Planche 8 : exemples de spulture et de "maisons"
natoufiennes
Mallaha
L'abri 26 Sol pltr dans l'abri 1
La grotte d'Hayonim
A gauche spulture en cours de fouille, la fosse a t amnage dans
un des locus ( droite,une fois la spulture dgage).
Les sites du dsert du Ngev
Upper Besor 6 Abu Salem
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
21
caractrise aussi par la prsence de lames-faucille et de pics
ainsi que d'un outillage plus
massif, gnralement en calcaire, les "heavy duty tool"
(Bar-Yosef, O. 1998a ; Belfer-Cohen,
1991b).
Lapparition des lames-faucilles, prsentant un lustre prononc
rsultant d'une utilisation pour
la rcolte des gramines3, est considre comme un phnomne
natoufien. Cependant des
manifestations antrieures de lustre sur des lames ont dj t
mentionnes (Bar-Yosef, O.
1981 ; Anderson, 1991). Ces outils semblent en fait plus
abondants partir du Natoufien dans
les sites de la zone mditerranenne alors quils seraient peu
reprsents dans la zone aride.
Des pics, considrs comme les anctres des pics nolithiques, font
leur apparition cette
priode.
La plupart des chercheurs insistent sur le ct "rducteur" d'une
caractrisation du Natoufien
sur la seule base de l'industrie lithique. Cependant, pour
certains sites localiss en marge de
la zone centrale Carmel-Galile, celle-ci reste le principal
"dnominateur commun" (Belfer-
Cohen et Grossman, 1997).
2.1.1.2. Le mobilier de pierre
Le Natoufien est marqu par l'augmentation et la diversification
du mobilier de pierre (chez les
auteurs anglo-saxons : "pecked and ground stone", "ground stone"
ou "ground-stone tool")
(Planche 5). Cette catgorie regroupe tous les artefacts utiliss
et/ou mis en forme par
piquetage et abrasion. Elle rassemble des objets divers tels que
les meules, molettes, vaisselle
en pierre, haches polies, disques perfors, pierres rainure mais
aussi pendentifs et pierres
graves (e.g. Moholy-Nagy, 1983 ; Wright 1992 a et b ; Voigt,
1983). Nous voquerons
quelques unes des catgories mentionnes en commenant par les
pierres rainure dont la
fonction est dbattue.
Les pierres rainure
En effet, l'apparition au Natoufien des pierres rainure est
souvent considre comme un
indice de la prsence de l'arc cette priode. Les donnes
ethnologiques indiquent en effet
que le redressement de fts de flches est une des fonctions
courantes de ce type d'outil
(Bar-Yosef, O. 1998a). Cependant, les modes d'utilisation des
pierres rainure pourraient
tre en dfinitive plus divers (Valla, 1987b ; Christensen et
Valla, 1999).
Le matriel de broyage
Le "matriel de broyage" ou "matriel de mouture et de broyage"
(grinding-stones), comprend
lensemble des outils employs pour des actions de concassage,
pilage, crasement, broyage
autant de termes induisant la fragmentation voire la rduction en
poudre dune matire. Cet
outillage peut tre caractriser comme un systme comprenant un
lment actif avec lequel
3 Gramines (selon Aurenche et Koslowski, 1999, p.120) : famille
de plantes laquelle appartiennent lescrales (bl, orge, seigle et
avoine), et un grand nombre d'autres appeles vulgairement herbes,
dont lesfleurs sont regroupes en pis et en grappes : plantes
fouragres comme le brome, le paturin, la ftuque oules roseaux. Les
gramines sont associes des milieux ouverts (steppe, forts claires
de chnes, vallesintermontagnardes du Zagros).
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
22
on transmet la force motrice et un lment passif. On distingue
deux couples d'outil renvoyant,
pour reprendre la terminologie de Leroi-Gourhan, An. (1971)
(Planche 7), un mode dominant
d'application de la force avec l'lment actif (percussion lance
ou pose) :
- les formes plates, tmoignant dune utilisation principale en
percussion pose sont
dnommes molettes (pour les outils actifs) et meules (pour les
outils passifs), "mano" et
"metate" dans la plupart des tudes portant sur lAmrique du Sud,
"handstone" et "grinding
stone" pour lensemble du monde anglo-saxon ;
- les formes creuses, fonctionnant principalement en percussion
lance sont dnommes
mortiers (outils passifs) et pilons (outils actifs) soit
"pestle" et "mortar".
Au Levant, cet outillage est attest dans des ensembles
archologiques datant du
Palolithique. On constate partir du Natoufien une augmentation
significative des
assemblages et une diversification des types d'outils reprsents.
Ceci est interprt comme
la preuve probable d'une exploitation intensive des ressources
vgtales. Bar-Yosef, O.
(1998a, p.165) signale cependant la mise en vidence d'une
utilisation pour le broyage de
minraux tels que le calcaire et l'ocre. Nous prsenterons plus en
dtail cet outillage et
discuterons des diffrentes interprtations proposes quant son
dveloppement dans le
chapitre 3.
2.1.1.3. L'industrie osseuse
Lindustrie osseuse est, elle aussi, beaucoup mieux reprsente et
plus diversifie au
Natoufien qu'aux priodes prcdentes. Les objets typiques sont les
outils appoints, les
harpons, les hameons (Campana, 1989 ; Stordeur, 1991) (Planche
5). Les ensembles sont
marqus par la prsence de quelques outils pouvant tre interprts
comme des "manches"
de faucille. Les tudes tracologiques effectues par Campana
(1989, 1991) indiquent qu'une
grande proportion de cet outillage a t utilise pour le travail
de la peau ou pour des activits
de vannerie et non comme projectile ou encore pour des oprations
de boucherie.
2.1.2. L'art natoufien
Le dveloppement de l'art dans la rgion levantine est attest
partir du Natoufien (Belfer-
Cohen, 1988a). C'est un art essentiellement mobilier comprenant
des lments de parure
(perles en os, pierres et coquillages), des figurines, des
dalles graves et des objets
fonctionnels dcors (Garrod et Bate 1937 ; Neuville, 1951 ;
Perrot, 1957, 1966 ; Henry, 1976
; Pichon, 1983 ; Belfer-Cohen, 1991a ; Marchal 1991 ; Noy, 1991
; Weinstein-Evron et Belfer-
Cohen, 1993 ; Weinstein-Evron, 1998 ; Valla et al. 1999, 2001).
Selon Valla (1995b), les
tmoins artistiques peuvent tre classs en trois catgories : les
objets simples, les outils et
les lments d'architecture. Les thmes reprsents comprennent des
reprsentations
humaines et animales ainsi que des motifs gomtriques de type
quadrillage, combinaisons de
lignes parallles, motifs en chevron.
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
23
2.1.3. Architecture
En ce qui concerne les modes d'implantation, la priode est
marque par la prsence de
structures construites qui caractrisent les sites dfinis comme
des "camps de base" mais
aussi par loccupation des grottes et abris sous roches, peu
employs au Kbarien et au
Kbarien gomtriques (Bar-Yosef, O. et Belfer-Cohen, 1989). Ces
structures ne sont pas
fondamentalement nouvelles dans le registre archologique mais,
ici encore, on constate une
augmentation notable dans leur frquence ainsi qu'un
investissement plus important dans leur
construction (quelques exemples sont prsents Planche 8). Par
ailleurs, elles ne sont
gnralement plus isoles mais groupes. Ainsi, le site de Mallaha a
t interprt comme un
"village primitif" (Valla, 1981, 1991).
Ces structures sont gnralement ovales circulaires, leur diamtre
variant entre 3 et 6 m
(Bar-Yosef, O. 1998a). Les techniques de construction sont
diverses : elles sont "semi-
enterres" Mallaha, les murs s'appuient sur une leve de terre et
peuvent comporter
plusieurs assises (Perrot, 1960, 1962, 1966, Valla et Khalaily,
1997 ; Valla et al, 1999 et
2001). Des trous de poteaux trouvs dans l'Abri 131 suggrent la
prsence de
superstructures en matriaux prissables (Perrot, 1974 ; Valla,
1988b). Dans la grotte
d'Hayonim, l'espace entre les locus a t combl par l'apport d'une
grande quantit de pierres
servant d'appui aux murs des constructions (Bar-Yosef, O. et
Goren, 1973, Belfer-Cohen,
1988c, p.42-43). A Abu Hureyra, les structures semblent avoir t
creuses dans le substrat
meuble, de nombreux trous de poteaux sont aussi attests (Moore,
1991 ; Moore et al., 2000).
Outre ces structures, souvent considres comme des "maisons", les
activits de
construction comprennent aussi l'amnagement de foyers, de sols
enduits, de fosses
pouvant elles aussi prsenter un enduit. Ces dernires sont peu
nombreuses, elles ont
parfois t interprtes comme des structures de stockage. L'analyse
de leur contenu, la
variabilit de leur forme indiquent nanmoins, plus probablement,
une plurifonctionnalit de ces
fosses (Valla, 1995a, 2000). Lassociation des spultures et de
lhabitat semble tmoigner
dun changement dans la perception de lespace, en particulier du
lieu dhabitat, qui serait
mettre en parallle avec le dveloppement de la sdentarit
(Bar-Yosef, O. 1981 ; Valla,
1991).
2.1.4. Les pratiques funraires
En 1999, lors d'une runion marquant la fin du dernier programme
de fouille Hayonim, B.
Arensburg et A-M. Tillier proposaient un bilan des restes
humains mis au jour au Levant
depuis le Palolithique Moyen. Les estimations sont de : 10
vestiges humains pour le
Palolithique Moyen, 19 pour l'Aurignacien. A ce jour, 450
spultures natoufiennes ont t
mises au jour (A. Belfer-Cohen, com. pers.). Les documents
permettant d'apprhender les
populations et leurs pratiques funraires deviennent donc
nombreux au Natoufien.
L'tude dmographique et biologique de Belfer-Cohen et al. (1991)
ralise sur 370 individus
constate une certaine variabilit morphologique de la population
natoufienne en fonction des
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
24
sites qui tmoignerait d'une adaptation l'environnement local.
Les marqueurs de pathologie
ou de stress alimentaire sont peu nombreux.
Les pratiques funraires peuvent tre caractrises de la faon
suivante : comme nous
l'avons mentionn, dans la zone Carmel-Galile, les spultures sont
associes l'habitat. A
Mallaha, les donnes des fouilles anciennes et rcentes suggrent
que les morts aient t
enterrs dans certains cas sous le sol des maisons (Valla, 1995b
; Valla et al., 2001). Bar-
Yosef, O. (1998a) considre que les tombes sont creuses soit dans
des constructions
abandonnes soit en dehors et proximit des maisons. Leur
emplacement est parfois
marqu par des pierres cupules ou des fragments de mortier comme
Nahal Oren (Stekelis
et Yisraeli, 1963).
Le traitement des morts est gnralement limit l'inhumation. Ds le
Natoufien ancien, le
prlvement des crnes se dveloppe sur certains sites (e.g Valla,
1999). Cette pratique se
gnralisera au PPNA (Belfer-Cohen, 1988b ; Bar-Yosef, O. 1998a ;
Valla 1995b ; Kuijt, 1996).
La plupart du temps, les corps sont dposs dans des fosses
rarement amnages. Des
spultures multiples et individuelles, primaires et secondaires
sont dcrites (Belfer-Cohen,
1991b et 1995). Selon Bar-Yosef, O. (1998a), les spultures
secondaires seraient plus
frquentes au Natoufien rcent. Sur le site de Mallaha, Perrot et
al. (1988) constatent que
l'inhumation primaire individuelle domine au Natoufien ancien et
final, le regroupement de
plusieurs dfunts est plus frquent au Natoufien rcent. Par
ailleurs, cette priode, les
enfants de moins d'un an se retrouvent exclus des fosses
collectives (Bocquentin et al.,
2001). Pour le Natoufien en gnrale, les modes de dpt des corps
sont trs variables,
aucune orientation particulire ne semble prvaloir (Valla,
1995a). Belfer-Cohen (1995, p.16)
note que ".. besides some broad similarities in the treatment of
the dead, every site had its
very own local set of traditions as regards the burials.".
Du mobilier n'est pas systmatiquement associ, le cas chant, il
comporte gnralement de
l'outillage en os, des objets de parure, des pierres, des restes
fauniques. Le statut particulier
de ces derniers empche de les considrer comme des offrandes de
nourriture (Valla, 1995a
et b). Ils comprennent : chiens, bois de gazelle, dent de
cheval, carapace de tortue. Une des
spultures les plus remarquables du Natoufien a t mise au jour
lors des fouilles de la
Terrasse d'Hayonim par Valla (1995b), trois individus ont t
inhums avec deux chiens. Bar-
Yosef, O. et Belfer-Cohen (en prparation ; Belfer-Cohen et
Bar-Yosef, O., 2000) constatent
une absence la fin du Natoufien de spultures dcors et dobjets
associs aux dfunts.
Selon les auteurs, ceci pourrait indiquer le passage d'une socit
non galitaire une socit
galitaire.
2.1.5. Conclusion
Ces caractristiques correspondent donc celles reconnues dans
diffrents "camps de
base" de la zone Carmel-Galile, o le Natoufien a t en premier
lieu identifi. Le
dveloppement des recherches dans diffrentes zones gographiques a
entran une remise
en question de cette dfinition. En mme temps qu'un "fond
culturel" commun, on constatait de
forts particularismes rgionaux. La controverse a en particulier
port sur les sites du Nord du
Levant : devait-on les considrer comme natoufiens ? Plus
gnralement, l'appellation devait-
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
25
elle tre rserve aux implantations prsentant toutes les
caractristiques voques
prcdemment ? Ces dbats ont gnr une rflexion mthodologique et
thorique sur les
moyens de dcrire, d'organiser et de comprendre ces
particularismes rgionaux, ils ont ainsi
permis de prciser l'image de la culture natoufienne.
2.2. La diversit des adaptations "natoufiennes" : les
variations rgionales
2.2.1. Comment dcrire cette diversit ?
Les particularismes rgionaux s'expriment travers plusieurs
lments :
- la prsence ou l'absence de structure construite et de
spultures ;
- la taille des sites ;
- la composition des assemblages notamment en ce qui concerne le
matriel de broyage
(prsence/absence et type d'outils reprsents) ;
- les techniques de production ou attributs stylistiques de
l'outillage lithique.
Cette diversit a t apprhende de diverses manires : travers la
constitution de typologie
de site (Bar-Yosef, O. 1980), de synthses rgionales (e.g.
Goring-Morris 1987 pour le Ngev
et le Sina), de recherches spcialises (par exemple, analyse de
l'industrie osseuse par
Stordeur, 1981 et 1991).
L'tude des variations typologiques et technologiques des
industries lithiques a en particulier
t dveloppe. Une des dmarches a consist effectuer des analyses
multifactorielles des
ensembles visant dfinir des sous-groupes. Ceci peut tre illustr
par les travaux de Henry
(1973, 1989), Olszewski (1986, 1988) et Byrd (1989b). Les
sous-groupes ainsi dfinis
recouvrent, dans les trois tudes, des zones environnementales.
Les variations typologiques
des ensembles lithiques sont gnralement interprtes comme
relevant d'adaptations
fonctionnelles aux conditions locales. Olszewski (op.cit) et
Henry (op.cit) prennent aussi en
considration des attributs technologiques et stylistiques. Selon
Henry (op.cit), les principales
variations technologiques observes peuvent tre relies des
contraintes fonctionnelles ou
sont significatives pour la chronologie relative de la priode.
Olszewski (op.cit) constate de
son ct d'importantes diffrences d'un point de vue technologique
entre le Sud et le Nord du
Levant et propose en consquence de ne pas les regrouper dans le
mme ensemble culturel,
hypothse soutenue par d'autres (en particulier Moore, 1991 ;
Moore et al. 2000).
Les problmes soulevs par l'interprtation des caractristiques
technologiques ou
stylistiques de l'industrie lithique peuvent tre illustrs par le
dbat portant sur la signification
des variations gographiques de l'utilisation de la technique du
micro-burin. Celles-ci sont
considres par certains comme relevant de choix culturels (Valla,
1995a) et par d'autres
comme lies des contraintes fonctionnelles (Henry, 1989 ;
Grossman et al., 1999). Ces
problmes touchent des questions thoriques fondamentales telles
que la signification
culturelle des industries lithiques, les possibilits de dfinir
des "groupes ethniques" partir
des donnes archologiques et plus gnralement, comme le souligne
Cauvin, M-C. (1987),
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
26
la dfinition conceptuelle d'une "culture". Belfer-Cohen (1991b)
insiste sur la ncessit de
considrer en particulier les domaines de l'expression artistique
et des pratiques funraires,
plus significatifs si l'on cherche tablir des divisions
culturelles fines. Une tude globale des
pratiques funraires et des tmoins artistiques n'a pas encore t
entreprise dans ce sens.
Les mthodologies qui permettraient de rpondre de telles
problmatiques restent
prciser. Les diffrentes synthses effectues sur les pratiques
funraires (e.g. Belfer-
Cohen, 1995 ; Byrd et Monahan, 1995 ; Valla 1995a) laissent
entrevoir des variations inter-
sites importantes, donnant l'image d'une gographie sociale trs
morcele.
2.2.2. Quels ensembles sont pressentis et quelles seraientleurs
relations ?
2.2.2.1. Diffrentes hypothses
En 1981, M-C. Cauvin distinguait plusieurs groupes au sein de la
culture natoufienne : celui de
l'Euphrate, du Mont Carmel et de la Valle du Jourdain, du Ngev.
Ces ensembles ont t
depuis prciss en intgrant une perspective chronologique.
Ainsi, Belfer-Cohen et Goring-Morris (1997) identifient un
groupe Natoufien restreint la zone
mditerranenne pour la priode ancienne. Une extension au Sud et
au Nord caractrise le
Natoufien Rcent, les systmes d'changes mis en vidence attestent
de liens importants
entre le Ngev et la zone mditerranenne. Enfin, pour le Natoufien
Final, Goring-Morris
considre que la culture du Harifien, qui s'tend du Mont Hbron
jusqu'au Ngev voir au Nord
du Sina, constitue " a distinctive regional, but nevertheless
integral facies of the Natufian
entity." (Goring-Morris, 1991 p.210). Pour les sites du Ngev, le
systme d'change se tourne
alors vers la Mer rouge et le Sina (Bar-Yosef, D. 1989 ;
Belfer-Cohen et Goring-Morris, 1997).
Les rcentes tudes de Salabiya I et de Fazael IV (basse valle du
Jourdain) attribus la fin
du Natoufien (Belfer-Cohen et Grossman, 1997 ; Grossman et al.
1999) favorisent l'hypothse
de sites spcialiss dans l'exploitation saisonnire de certaines
ressources et lis aux camps
de base de l'aire mditerranenne.
Ceci rejoint en partie les propositions de Valla (1995a, 1998)
qui isole un "centre" culturel (au
sens d'une diffusion limite) dans le Carmel, la Galile et la
moyenne valle du Jourdain, des
sites retrouvs dans le bassin de la Jordanie, dans le Ngev et le
Nord du Sina, dans la valle
du Moyen-Euphrate (Valla, 1998). Au Natoufien ancien, les
diffrences constates entre les
sites ainsi qu' un niveau rgional expriment selon l'auteur
"people's awareness of their social
"belonging" at a village, regional and cultural level." (Valla,
1995a, p.179). Plus l'on s'loigne
du centre, plus l'abondance et la diversit de l'industrie
lithique et osseuse tendent diminuer.
Les spultures sont beaucoup plus nombreuses dans la zone
centrale. Ce centre pourrait
reprsenter le lieu d'adoption d'un nouveau mode de vie diffus
par la suite dans le bassin
jordanien et adapt aux conditions locales. Au Natoufien rcent,
l'influence natoufienne
s'tend au Sud et au Nord mais certaines spcificits rgionales et
locales sont maintenues.
Au Natoufien final, l'influence du centre semble s'affaiblir,
Valla (op.cit) constate pour le
Ngev et l'Euphrate une tendance se dissocier des pratiques du
centre, ces rgions
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
27
dveloppant leurs propres traditions locales. Le centre lui-mme
connatrait alors une
volution vers un mode de vie plus mobile. Par ailleurs, la
majorit des sites est abandonne.
2.2.2.2. Discussions autour de la notion de centre et de
priphrie
L'ide de centre et de priphrie est ainsi dveloppe dans beaucoup
de travaux. Le centre
"Carmel Galile" est conu comme un lieu d'innovation et de
diffusion. Belfer-Cohen (1991b),
reprenant les hypothses avances par Goring-Morris (1987) pour le
Ngev, propose un
mcanisme de diffusion par l'tablissement de groupes originaires
de la zone centrale dans
les rgions priphriques s'adaptant aux conditions locales. Valla
(1998) semble y voir plutt
la diffusion d'un mode de vie ou encore d'une idologie.
Deux variantes importantes ce modle peuvent tre signales :
- Henry (1982) propose la prsence de deux centres de
dveloppement du Natoufien l'un
dans la rgion Carmel-Galile l'autre dans le Bassin de la
Jordanie. L'adoption synchrone dans
diffrents lieux d'un nouveau mode de vie serait lie l'expansion
de la fort
mditerranenne. Cependant O. Bar-Yosef (pers. com) considre que
dun point de vue
dmographique cette sparation en deux centres de dveloppement
nest pas recevable.
- autre variante, celle de Moore (1991 ; Moore et al. 2000) et
Olswesky (1986, 1988) isolant
les sites de l'Euphrate du reste de la culture natoufienne.
Cette hypothse plaiderait en faveur
de l'adoption, dans des lieux diffrents, d'un nouveau mode de
vie ou d'une diffusion des
ides et techniques sans mouvements de population. Sellars (1998)
considre la suite de
Byrd et Colledge (1991) que la dichotomie entre aire centrale et
zones priphriques reflte
plus probablement l'intensit des recherches effectues dans les
diffrentes rgions.
2.3. Conclusion
Si la dfinition du Natoufien ne fait pas aujourd'hui l'objet
d'un rel consensus, il faut souligner
en conclusion la richesse des discussions suscites et leur
apport pour la connaissance de
cette priode. Le problme principal rside dans l'interprtation de
la diversit de la culture
matrielle (types d'outil, techniques de production), des
implantations et des modes
d'occupation des sites durant le Natoufien. Les rponses reposent
sur la dtermination des
stratgies d'exploitation des ressources, des systmes
d'implantation des populations, de leur
organisation sociale et des mcanismes d'change. Diffrentes
mthodologies ont t
dveloppes dans ce sens. Cependant, l'interprtation des donnes se
heurte au problme
rcurrent de diffrencier les variations relevant de contraintes
fonctionnelles ou de choix
culturels ainsi qu' la dfinition d'une gographie culturelle.
Pour ce dernier aspect, l'tude des
pratiques funraires et des tmoins artistiques semble privilgier.
Si l'on adopte ce point de
vue, au sein par exemple de la zone centrale Carmel-Galile, les
donnes anthropologiques
attestent d'une variabilit inter-site donnant l'image d'un
territoire trs morcel. D'abord plus
ais pour le prhistorien, la dtermination des stratgies de
subsistance et des modes
d'implantation des populations ont fait l'objet de nombreuses
tudes. Nous ferons le point sur
ces problmatiques dans la partie suivante en les replaant dans
un contexte plus large, celui
du processus de nolithisation au Proche-Orient.
-
Partie I - Chapitre 1 : Une dfinition du Natoufien
28
A la variabilit rgionale que nous avons pu constater au
Natoufien se surimposent des
modifications diachroniques des modes d'implantations, des
techniques et systmes
symboliques. Le bilan des donnes relatives aux modes de
subsistance nous permettra de
discuter de l'volution des stratgies d'adaptation au cours de
cette priode ainsi que de la
place du Natoufien au sein du processus de Nolithisation.
-
Partie I Chapitre 2 : Un tat de la question concernantles modes
dimplantation et de subsistance au Natoufien
29
Chapitre 2. Un tat de la question sur deux
problmatiques : modes d'implantation et
de subsistance au NatoufienNous nous intresserons dans un
premier temps aux diffrents modles proposs pour
expliquer le processus de nolithisation. Ces modles ont en effet
fortement orient les
travaux relatifs aux deux problmatiques considres ici. Le milieu
de la recherche au
Proche-Orient est international et connat l'influence de
diffrentes coles. La dmarche
amricaine hypothtico-dductive (selon la dfinition donne par
Coudart, 1992) fonde sur la
constitution de modles thoriques confronts aux donnes
archologiques y apparat
particulirement dveloppe.
Une attention plus particulire sera donne dans cette partie la
question des modes
d'exploitation des ressources vgtales car elle apparat
directement lie aux problmatiques
de l'apparition des conomies de production et du dveloppement du
matriel de broyage.
L'objectif de ce chapitre est aussi de complter notre
prsentation du Natoufien. Aprs avoir
tablit un bilan des reconstitutions proposes concernant les
modes de subsistance et
d'implantation, nous ferons le point sur un dernier aspect que
nous avons jusqu'ici
occasionnellement voqu : celui des variations diachroniques des
adaptations natoufiennes.
Nous confronterons en conclusion les donnes du Natoufien au
diffrents modles ou
processus de nolithisation proposs.
1. Processus de Nolithisation au Proche-
Orient : les modles proposs
1.1. Un bref rappel des donnes
Cauvin, J. et al. (1997) dfinissent la nolithisation comme le
processus qui va faire passer
les socits du Proche-Orient et d'ailleurs du stade de prdateurs
au stade de producteurs de
subsistance. Selon Aurenche et Kozlowski (1999, p.132), le
Nolithique, identifi tout d'abord
en Europe, est en premier lieu dfini sur des critres
"technologiques" (pierre polie,
cramique) puis, la suite de Childe (1936, 1952) sur des critres
conomiques (agriculture4
et levage), l'auteur introduisant la notion de "rvolution
nolithique" dont l'origine est situe au
Proche-Orient. Trois centres de dveloppement de ce nouveau mode
de vie sont reconnus
aujourd'hui, le Mexique, la Chine et le Proche-Orient, ce
dernier tant l'origine de sa diffusion
en Europe (Smith, 1995 ; Guilaine, 2000).
4 Selon Aurenche et Kozlowski (1999, p.101), lagriculture se
rfre au fait de semer ou planter (avec ou sansprparation du sol) et
de rcolter des vgtaux.
-
Partie I Chapitre 2 : Un tat de la question concernantles modes
dimplantation et de subsistance au Natoufien
30
La domestication des plantes apparat antrieure celle des
animaux5. Au Proche-Orient, elle
aurait t effectue dans une zone gographique rduite, celle du
croissant fertile6 (les
indices dune pratique de lagriculture sont en effet plus tardifs
dans les rgions arides du Sud
du Levant ainsi quau Nord-Est du corridor levantin : Garrad et
al., 1996 ; Harris, 1996b ;
Harris et Gosden, 1996 ; Meadow, 1996) . Selon Zohary (1996),
elle rsulterait probablement,
au moins en ce qui concerne lengrain, les lentilles et les pois,
d'un "vnement unique", sa
diffusion tant assure par celle des semences. Selon Lev-Yadun et
al. (2000), cet
vnement se serait droul dans une aire encore plus rduite,
proximit des rives droites
du Tigre et de lEuphrates correspondant actuellement au Sud-Est
de la Turquie et au Nord de
la Syrie. Willcox (2000a et b) considre pour sa part que la
variabilit des assemblages de
crales des sites dats du PPNA et du PPNB ancien ainsi que les
rsultats des analyses
ADN indiquent plutt une domestication des plantes effectue en
plusieurs lieux et de faon
indpendante. La domestication des animaux, chvres et moutons
tant les premiers, semble
s'tre droule dans diffrentes zones du Proche-Orient au PPNB
(Bar-Yosef, O. et Meadow,
1995 ; Horwitz et al., 1999 ; Peters et al., 1999 ; Vigne et al,
1999 ; Zeder, 1999 ; Vigne,
2000).
Selon les derniers travaux de Moore et collaborateurs (2000), le
site d'Abu Hureyra (Valle de
l'Euphrate au Nord de la Syrie) livrerait les plus anciens
restes de crales domestiques
trouvs dans des niveaux dats de la fin du Natoufien. Pour cette
priode, ils reprsentent les
seuls indices d'une domestication des plantes mis au jour jusqu'
prsent. Les donnes
viennent ensuite du PPNA, plus particulirement du site de Tel
Aswad, le premier livrer un
assemblage consquent de graines de bl domestique (Triticum
dicoccum), dont les formes
sauvages en sont par ailleurs absentes (Miller, 1991 et 1992 ;
Zohary, 1992 ; Bar-Yosef, O. et
Meadow, 1995). Cependant, Kislev (1989) considre que la mauvaise
conservation des
restes ne permet pas de dterminer si les graines sont
effectivement domestiques. Selon
Willcox (2000a et b), il faut attendre le PPNB moyen pour
attester avec certitude de la
prsence de formes domestiques au sein des assemblages. L'ventail
des premires cultures
couvre plusieurs espces de gramines (engrain, bl amidonnier et
orge) mais aussi
diffrentes lgumineuses (lentilles et pois), l'arboriculture se
dveloppe plus tardivement
(Zohary et Hopf, 1988).
La mise en vidence du dbut de l'agriculture pose diffrents
problmes. Bar-Yosef, O. et
Meadow (1995) constatent que, malgr une meilleure comprhension
des relations entre
morphologie des plantes et domestication, les attributs considrs
comme diagnostiques des
plantes domestiques sont sujets dbat (par exemple, en ce qui
concerne les crales :
Hillman et Davis, 1990 ; Kislev, 1989, 1992 ; Zohary, 1992).
Ceux-ci ont t essentiellement
dvelopps pour les crales. Zohary et Hopf (1988) ainsi que Kislev
(1992) attestent des
5 Ceci si lon exclue le cas des chiens qui selon Tchernov et
Valla (1997) pourraient bien avoir tdomestiqus au Natoufien mais
selon un processus inconscient, ces animaux devant alors tre
considrscomme des commensaux.6 Croissant fertile : selon Aurenche
et Kozlowski (1999), notion introduite par l'orientaliste
amricainBreadsted pour dsigner le territoire englobant le couloir
levantin, les versants et pimonts du Zagros et duTaurus. Pratique
de manire traditionnelle, l'agriculture ncessite un apport d'eau
naturel, on parled'agriculture sche. La ligne de dmarcation entre
une pluviosit infrieure et suprieure 200-250 mm paran,
l'agriculture sche tant possible dans ce dernier cas, suit la carte
du croissant fertile.
-
Partie I Chapitre 2 : Un tat de la question concernantles modes
dimplantation et de subsistance au Natoufien
31
difficults de diffrenciation entre forme cultive et sauvage pour
une grande proportion de
plantes. De plus, comme le souligne Digard (1999), la
domestication est un tat biologique
rsultant d'un processus, de pratiques "proto-domestiques",
cest--dire prcdant le
dveloppement de formes domestiques, priori peu visibles
archologiquement et qu'il est
ncessaire de mettre en vidence. Ceci reprsente un des enjeux des
recherches sur le
Natoufien. Par ailleurs, comme nous le dvelopperons plus loin
(p.39-40), la domestication est
la consquence de techniques prcises de manipulation des plantes.
Au regard des donnes
ethnologiques, les modes dexploitation des vgtaux apparaissent
trs diversifis ainsi la
prsence de formes domestiques de plante indique une gnralisation
de certains dentre eux.
Lorsque lon regarde le pass, il fait envisager la possible
existence dautres modes
dintervention sur le milieu vgtal nentranant pas de
domestication (e.g. Harris, 1996a ;
Ingold, 1996) . Le phnomne de nolithisation implique quant lui
une importance conomique
significative des ressources domestiques imprimant sa marque sur
les organisations sociales
des populations.
Ainsi, outre les critres conomiques voqus (agriculture et
levage), la nolithisation peut
tre caractrise par une rorganisation des modes d'implantation
territoriaux et des
organisations sociales. Elle est fonde selon Cauvin, J. (1994)
sur une mutation des
mentalits. Diffrents traits de la culture natoufienne, tels que
le dveloppement de structures
construites, peuvent tre considrs comme annonciateurs des modes
de vie nolithiques.
1.2. Des modles de Nolithisation
Nous explorerons les principales thories dveloppes pour
expliquer l'origine de la
nolithisation. Ceci nous permettra de cerner les problmatiques
qui vont orienter les
recherches effectues sur le Natoufien, mais aussi de comprendre
les systmes
d'interprtation et prsupposs adopts par diffrents
chercheurs.
Les modles proposs s'intressent plus particulirement deux lignes
de recherche : le
remplacement d'une conomie de chasse et de cueillette par une
conomie de production ; la
modification des systmes d'implantation territoriale et des
organisations sociales.
1.2.1. L'apparition de l'agriculture
Les principaux mcanismes considrs comme pouvant tre l'origine du
dveloppement
d'une conomie de production comprennent : crise climatique (e.g
Childe, 1936 ; pour une
discussion voir Blumer, 1996), pression dmographique (e.g
Binford, 1968 ; Boserup, 1969 in
J. Cauvin & M.C. Cauvin, 1983 ; Flannery, 1969, 1973),
organisations sociales devenant plus
complexes (e.g Bender, 1978 ; Runnels et van Andel, 1988 ;
Hayden, 1990a), volution des
mentalits et des techniques (e.g Braidwood, 1960 ; Braidwood et
Howe, 1960 ; Cauvin, J.
1994, 2000).
Deux concepts dvelopps dans ces thories ont plus particulirement
marqu dans les
recherches effectues sur le ProcheOrient :
- la notion de pression dmographique : les situations de
pression dmographiquesont gnralement comprises comme rsultant d'une
augmentation de la population
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Partie I Chapitre 2 : Un tat de la question concernantles modes
dimplantation et de subsistance au Natoufien
32
entranant un dsquilibre entre taille du groupe et ressources
disponibles (Cohen, 1977).
Cette conception reprend, comme le souligne Rosenberg (1998),
les principes issus du
malthusianisme posant une propension naturelle des populations
s'accrotre. Les
principales critiques faites cette thorie ont port sur la
difficult attester d'une
augmentation de population partir des donnes archologiques et
l'existence de
mcanismes d'autorgulation chez les chasseurs-cueilleurs
(Rosenberg, op.cit).
- la notion de broad spectrum revolution ou d'conomie large
spectre : Flannery(1969, 1973) pose l'adoption d'une base de
subsistance large spectre comme une
condition ncessaire l'apparition de l'agriculture. Plutt qu'une
volution d'une conomie
spcialise diversifie, cette "broad spectrum revolution" reflte
un largissement de la
gamme des espces exploites, certaines constituant toujours une
contribution majeure
de l'alimentation. Elle se dveloppe au Proche-Orient ds 20.000
BP. Cette diversification
des ressources exploites, la prsence de traits dits
"pr-adaptatifs" tels que les
techniques de broyage ont permis, dans des conditions de
pression dmographique, le
dveloppement de l'agriculture. Flannery plaide tout comme
Binford (1968) pour une
premire apparition dans des environnements pauvres en
ressources.
Facteurs conomiques et sociaux apparaissent intrinsquement lis.
Les diffrents modles
proposs mettent parfois en avant l'un ou l'autre mais considrent
gnralement leur
interaction. Cette dmarche est d'autant plus incontournable que
le passage d'une conomie
de prdation une conomie de production s'accompagne du
dveloppement de nouveaux
modes d'implantation des socits dont la tendance gnrale peut tre
caractrise comme
une sdentarisation. L'adoption d'un mode de vie sdentaire est
communment associe un
ensemble de modifications socio-conomiques. Les concepts de
pression dmographique et
d'organisations sociales complexes ont plus particulirement t
mis en relation avec la
sdentarisation des socits. Les modles proposs pour expliquer ce
dveloppement et en
dterminer les consquences socio-conomiques sont intrinsquement
lis ceux relatifs
l'apparition de l'agriculture.
1.2.2. Modification des systmes d'implantation et
desorganisations sociales
La sdentarit est considre par beaucoup comme un pr-requis au
dveloppement de
l'agriculture (Rafferty, 1985), elle est aussi perue comme un
lment moteur de la
nolithisation.
1.2.2.1. Des origines
Dans une perspective volutionniste, deux problmes sont poss
quant l'apparition et au
dveloppement des socits sdentaires :
- celui de ses origines et de son mode de dveloppement (graduel
ou rsultant d'un
changement radical des modes d'implantation) ;
- celui des consquences socio-conomiques de l'adoption d'un mode
de vie
sdentaire.
-
Partie I Chapitre 2 : Un tat de la question concernantles modes
dimplantation et de subsistance au Natoufien
33
Price et Brown (1985) distinguent deux tendances dans les
thories portant sur l'origine de la
sdentarisation :
- les hypothses posant une abondance en ressources comme une
condition
ncessaire et suffisante au dveloppement de la sdentarit ;
- celles qui considrent que les chasseurs-cueilleurs ont adopt
un mode de vie
sdentaire en rponse une crise de subsistance.
Rosenberg (1998) qualifie ces modles "d'adaptatifs", la
sdentarit tant perue comme une
rponse un changement de situation. Selon Rafferty (1985, p.118),
derrire les premires
sries d'hypothses se cache souvent le prsuppos d'une tendance
naturelle s'tablir de
faon sdentaire ds que cela est possible. Par ailleurs, le
facteur crucial ne serait pas
l'abondance des ressources mais leur disponibilit au long de
l'anne. Certains chercheurs
posent la primaut des facteurs sociologiques : pression
dmographique, organisation sociale
devenant plus complexe. On retrouve en dfinitive les mmes schmas
de raisonnement que
ceux mis en uvre pour expliquer l'origine de l'agriculture.
Selon les auteurs, ce passage est conu comme graduel ou comme
une "rvolution" (Kelly,
1992). Dans ce dernier cas, amliorations ou pjorations
climatiques servent gnralement
expliquer l'adoption d'un mode de vie en rupture avec les
adaptations prcdentes. Les
conceptions graduelles envisagent la sdentarit comme un point
dans un continuum de
systme d'implantation plus ou moins sdentaires (e.g Rosenberg,
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