Etude expérimentale du couplage hydro-chimique dans les bétons en cours de maturation : incidence sur les retraits Experimental study of the hydro-chemical coupling inside maturing concretes : effect on various types of shrinkage Abdelhafid Khelidj 1 , Ahmed Loukili 2 et Guy Bastian 1 Laboratoire de Génie Civil de Nantes Saint-Nazaire (1) Institut Universitaire de Technologie, BP 420, 44606 Saint-Nazaire (2) Ecole Centrale de Nantes, BP 92101, 44321 Nantes cedex 03 Résumé : L’état des couches superficielles constituant l’enrobage d’une structure en béton conditionne sa résistance aux agressions de l’environnement. Cette résistance est liée directement au degré d’hydratation du béton, c’est à dire à la proportion des hydrates formés à partir du ciment et de l’eau de gâchage. Le séchage naturel d’une structure sitôt après décoffrage par exemple, entraîne une évaporation de l’eau libre et adsorbée et altère l’hydratation de ses couches les plus externes. Le gradient de l’hydratation qui en résulte a pu être mis en évidence au laboratoire par analyse thermogravimétrique d’échantillons prélevés sur éprouvettes séchant dans une ambiance contrôlée (20 °C, 50 % d’humidité relative). Parallèlement à cette détermination, nous avons mesuré les effets que la réaction d’hydratation et/ou le séchage induisent : - la dépression capillaire (par mesure de l’humidité relative avec des sondes hygrothermiques à capteur capacitif introduites dans une éprouvette instrumentée au laboratoire ) - les retraits endogène et apparent (avec séchage). Des corrélations entre retrait de dessiccation et perte de masse d’une part et entre retrait endogène et humidité relative sont établies et discutées.
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Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes
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Etude expérimentale du couplage hydro-chimique dans lesbétons en cours de maturation : incidence sur les retraits
Experimental study of the hydro-chemical coupling insidematuring concretes : effect on various types of shrinkage
Abdelhafid Khelidj1, Ahmed Loukili2 et Guy Bastian1
Laboratoire de Génie Civil de Nantes Saint-Nazaire
(1) Institut Universitaire de Technologie, BP 420, 44606 Saint-Nazaire
(2) Ecole Centrale de Nantes, BP 92101, 44321 Nantes cedex 03
Résumé :
L’état des couches superficielles constituant l’enrobage d’une
structure en béton conditionne sa résistance aux agressions de
l’environnement. Cette résistance est liée directement au degré d’hydratation
du béton, c’est à dire à la proportion des hydrates formés à partir du ciment
et de l’eau de gâchage.
Le séchage naturel d’une structure sitôt après décoffrage par
exemple, entraîne une évaporation de l’eau libre et adsorbée et altère
l’hydratation de ses couches les plus externes. Le gradient de l’hydratation
qui en résulte a pu être mis en évidence au laboratoire par analyse
thermogravimétrique d’échantillons prélevés sur éprouvettes séchant dans
une ambiance contrôlée (20 °C, 50 % d’humidité relative).
Parallèlement à cette détermination, nous avons mesuré les effets que
la réaction d’hydratation et/ou le séchage induisent :
- la dépression capillaire (par mesure de l’humidité relative avec des
sondes hygrothermiques à capteur capacitif introduites dans une éprouvette
instrumentée au laboratoire )
- les retraits endogène et apparent (avec séchage).
Des corrélations entre retrait de dessiccation et perte de masse d’une part et
entre retrait endogène et humidité relative sont établies et discutées.
Abstract
The concrete cover has to protect the reinforcement of structures and
therefore must stand to environmental damages. That resistance is clearly
linked to the hydration degree which characterizes the proportion of
hydrates produced from cement and mixing water.
Natural drying of a structure, when forms are stripped, leads to an
evaporation of free and adsorbed water and to the reduction of hydration in
external layers .
The resulting hydration gradient has been made obvious by means of
thermogravimetric analysis of samples taken from drying test bars.
At the same time the hydration and drying effects have been measured :
- evolution of air relative humidity inside the cavities reserved into the test
bars at various distances from their dried surface. Hygrothermal probes were
used for that purpose.
- evolution of autogenous and total shrinkages and consequently of drying
shrinkage.
Drying and autogenous shrinkages have been linked respectively to weight
loss and internal relative humidity. That last correlation can be justified
theoretically.
1 - INTRODUCTION
Contrairement aux apparences, un béton est un matériau qui est tout sauf
inerte. On parlera de matériau vieillissant [1], de maturité du béton [2]....
C’est lors de la prise que se produisent les évolutions les plus marquantes :
passage de l’état pâteux à l’état solide, dégagement de chaleur, etc. Les
évolutions ultérieures sont nettement moins brutales : durcissement, retraits,
etc., et s’étalent sur une durée beaucoup plus longue. Dans les travaux
effectués sur ce sujet [3], [4], [5], [6], les auteurs sont d’accord pour
affirmer l’importance de la teneur en eau et de sa distribution spatiale et
temporelle.
Au bout de plusieurs mois, la réaction d’hydratation du ciment au coeur
d’un gros bloc de béton n’est toujours pas achevée, alors que, en surface de
ce même bloc, lorsque celui-ci n’est pas protégé par un coffrage par
exemple, un séchage plus au moins intense va se développer par interaction
avec l’air ambiant. L’évaporation de l’eau libre présente dans les capillaires
va induire deux phénomènes majeurs :
- un retrait dû aux tensions capillaires [7] ;
- le ralentissement et l’arrêt de la réaction d’hydratation.
Le retrait ne sera donc plus le même en surface et au coeur. En surface, il
sera empêché du fait de la compatibilité des déformations ; cet
empêchement va générer des contraintes de traction qui peuvent elles-
mêmes provoquer des fissures en surface (fissuration de peau). Cette
fissuration se trouve facilitée par l’arrêt de l’hydratation : de ce fait, le béton
a une résistance à la traction plus faible dans cette zone. La modélisation de
telles évolutions ne peut se faire qu’avec des modèles couplés hydro-
chimico-mécaniques [8], [9] et [10]. Dans cette étude expérimentale, on
s'intéresse en définitive à la compétition qui va se dérouler entre
l’hydratation et le séchage du béton. Ces deux phénomènes antagonistes
sont générateurs de retraits et de gradient d’hydratation entre les surfaces
séchées et le coeur. Dans cette étude, le gradient d’hydratation est mis en
évidence par analyse thermogravimétrique d’échantillons prélevés sur
éprouvettes. Les retraits endogène et apparent sont mesurés ainsi que
l’humidité relative à l’intérieur du béton. Des corrélations entre retrait de
dessiccation et perte de masse d’une part, et entre retrait endogène et
humidité relative interne d’autre part, sont établies.
2. - ETUDE EXPERIMENTALE
2.1 - Matériau
Des considérations pratiques nous ont amené à choisir pour cette étude un
mortier de ciment dont la composition est donnée au tableau 1.
2.2 - Eprouvettes et conditions aux limites
Les dimensions des éprouvettes ont été choisies en fonction des paramètres
à mesurer. On a été amené à comparer systématiquement des éprouvettes
isolées hydriquement (Configuration A), séchées sur deux faces
(Configuration B) et séchées sur toute leur surface (Configuration C) (Figure
1). Après le coulage du mortier, toutes les éprouvettes sont conservées dans
une enceinte climatique à 100 % d’humidité relative et 20 °C pendant 48
heures. Après décoffrage, les éprouvettes de configuration A et B reçoivent
leur protection contre la dessiccation par application successive d’une
couche de résine, d'une feuille d’aluminium et enfin d’un papier
d’aluminium autocollant. Cette technique a montré son efficacité pour
empêcher l'évaporation d'eau [11] et [12]. Toutes les éprouvettes sont
disposées dans la salle d'essais dotée d'une climatisation assurant une
température de 20 ± 1 °C et une humidité relative de 50 ± 5 %.
2.3 - Analyse thermogravimétrique
Le principe de l’analyse thermogravimétrique (ATG) consiste à mesurer en
continu la perte de masse d'un échantillon de matériau pendant qu'il subit
une élévation de température. Pour les bétons, cette technique d’observation
permet de suivre les cinétiques d'hydratation et de carbonatation et, d'une
manière générale, de quantifier les masses des différents produits formés
lors de l'hydratation du ciment.
Le résultat brut d'un essai d'ATG donne la perte de masse de
l'échantillon en fonction de la température (courbe TG) (Figure 2). La
dérivée de cette courbe traduit la vitesse des réactions et permet d'identifier
les différents produits d'hydratation par des pics observés sur son graphe
(DTG) [13] et [14] :
- le premier pic (entre 100 et 200 °C) est attribué à la déshydratation des
CSH ;
- le second pic (entre 400 et 500 °C) est la conséquence de la
déshydroxylation de Ca(OH)2 ;
- le troisième pic (entre 600 et 800 °C) est du à la décarbonatation de
CaCO3 : Ca(OH)2 est carbonaté par le CO2.
Des essais préliminaires nous ont conduit à adopter une
méthodologie identique pour l'ensemble des essais d'ATG [15]:
- l'appareil d'ATG utilisé est le TGS 2 Perkin Elmer installé à l'Institut des
Matériaux de Nantes. Les essais ont lieu sous atmosphère d'argon dans une
gamme de températures allant de 20 à 1000 °C avec une vitesse constante de
montée en température de 20 K/min ;
- l'échantillon testé a une masse de l'ordre de 50 mg et ne subit pas de
broyage;
- après prélèvement, les échantillons sont immédiatement analysés afin
d'éviter au maximum la perte en eau ;
- aucun traitement (séchage, mouillage à l'acétone) n'est appliqué à
l'échantillon avant la réalisation de l'essai.
Pour l’analyse thermogravimétrique effectuée en configuration B, 12
éprouvettes prismatiques 6 × 12 × 20 cm ont été fabriquées puis démoulées
48 heures après coulage. Les quatre faces longitudinales sont tout de suite
enrobées afin de n'autoriser qu'un séchage uniaxial par les deux faces
extrêmes. Les éprouvettes sont ensuite placées dans une atmosphère
contrôlée à 20 °C et 50 % H.R.
Les échantillons qui sont soumis à l'ATG sont prélevés à 2, 5, 7, 12 et 29
jours après coulage. Pour les éprouvettes complètement isolées
hydriquement (configuration A), un seul prélèvement au cœur est effectué et
4 prélèvements (à 0, 2, 5 et 10 cm de la face séchée) pour les éprouvettes
subissant le séchage uniaxial (configuration B). La technique utilisée pour le
prélèvement des échantillons consiste à cisailler rapidement l'éprouvette à
l'endroit souhaité. Pour cela, l'éprouvette est placée entre deux couteaux en
acier traité coulissant dans un bâti placé sous une presse d'une portée
maximale de 40 tonnes. Les opérations sont menées très rapidement afin de
minimiser les échanges hydriques avec l'air ambiant. Une technique
consistant à scier les éprouvettes ne peut être employée car il y aurait
échauffement du matériau et donc risque d'évaporation d'eau.
2.4 - Mesure de l'humidité relative
Les mesures d'humidité relative sont effectuées sur une éprouvette
cylindrique de diamètre 9 cm et de hauteur 30 cm qui est placée dans un
local climatisé (20 °C et 50 % H.R) et dont les deux bases sont soumises au
séchage (configuration B). Des sondes thermohygrométriques, de diamètre
5 mm, sont enfoncées dans des réservations pratiquées au moment du
coulage à 1, 3, 5 et 15 cm de la face séchante (Fig.3) et fournissent la
température et l’humidité relative interne qui sont imposées par le mortier
dans les cavités durant tout l'essai. Les sondes thermohygrométriques qu’on
utilise [16], [17], [18], sont constituées de manière générale d’un capteur de
température (thermistance par exemple) et d’un capteur d’humidité relative
de l’air ; le plus souvent ce capteur est de type capacitif (marques VAISALA
ROTRONIC, etc...) ou à tension de vapeur, imbibé de chlorure de lithium
(marque NOVASINA). Les capteurs capacitifs présentent l’avantage de
répondre très rapidement et surtout de ne pas être détériorés par des
projections d’eau. Le capteur ROTRONIC utilisé dans cette étude semble
celui possédant les dimensions les plus réduites du marché. Les résultats
sont représentés sur les figures 4 et 5.
2.5 - Essais de retrait
Les mesures de retrait ont commencé 48 heures après le coulage du mortier
sur des éprouvettes cylindriques 9x30 cm. La technique utilisée est la
mesure de la distance entre deux plots noyés au centre des deux faces
opposées de l'éprouvette. Un capteur de déplacement de type LVDT
possédant une course de ± 0.25 mm est placé au sommet de l'éprouvette qui
repose sur une bille d'acier (fig. 6). L'acquisition des données est rapide au
début de l'essai (toutes les 15 minutes) puis plus lente par la suite (toutes les
2 heures). Il est aujourd’hui admis que le retrait axial apparent mesuré sur
une même éprouvette de béton est fortement influencé par le système de
mesure utilisé (plots en faces opposées, mesure sur trois génératrices par un
système d’anneaux loin des surfaces séchantes [1] [15], etc...) Les travaux
de Wittmann et al. [19] ont mis en évidence l'influence exercée par la
fissuration due au séchage sur le retrait observé expérimentalement. La
technique de mesure axiale du retrait que nous avons adoptée dans cette
étude présente donc des inconvénients en configuration C (séchage par
toutes les faces de l'éprouvette) : les surfaces séchantes opposées ne
demeurent pas planes [20] ; ceci est dû principalement au fort gradient
d’humidité entre le cœur de l’éprouvette et les surfaces latérales séchantes.
Ne disposant pas pour cette étude des anneaux déjà cités [1] [15], nous
avons été amené à utiliser pour les trois configurations et malgré ses
inconvénients, le système de plots décrit plus haut. Les résultats des mesures
sont représentés sur la figure 7. Parallèlement aux essais de retrait, un suivi
de la perte de masse sur deux éprouvettes 9x30 cm en configurations B et C,
est effectuée sur deux éprouvettes 9x30 cm disposées à côté des précédentes
à l’aide d’une balance au centième de gramme.
3 - RESULTATS EXPERIMENTAUX - ANALYSE CRITIQUE
3.1 - Degré d'hydratation et gradient de degré d’hydratation
Rappelons tout d'abord la définition du degré d'hydratation utilisée [21] :
α (%) = Quantité d' eau liée au temps t
Quantité d' eau liée au temps t∞=
Wne( t )
Wne (t∞ )
Wne(t∞) : quantité d'eau nécessaire pour l'hydratation complète de chaque
composant du ciment. Elle est déterminée à partir de la composition
potentielle du ciment d'après Bogue [22] et Czernin [23] . Pour le cimentutilisé dans cette étude, Wne(t∞) est égale à 0,243.
Wne(t) est déterminée à partir de l'essai d'ATG : c’est la masse d’eau totale
∆mt (Fig. 2) perdue à 1000 °C, diminuée de l'eau libre disparue entre 20 et
145 °C et de l'eau résultant de la décarbonatation de la calcite dans le cas
des échantillons prélevés à la surface séchante. Une description détaillée des
procédures de calcul employée, est donnée en [15] et [24]. Les résultats sont
représentés sur les figures 8 et 9. Sur la figure 8 (a et b), on remarque que le
degré d'hydratation des échantillons prélevés sur la face séchée est
sensiblement le même pour tous les âges de prélèvement. Ceci témoigne
d'un arrêt précoce de l'hydratation à cet endroit . Le mortier étudié ici
présente une porosité assez importante due à un rapport E/C de 0,45 ; cette
porosité facilite le déplacement du front de séchage. A l'âge de deux jours,
on constate un faible gradient d'hydratation entre la face séchante et le centre
de l'éprouvette. Ce gradient s'intensifie en fonction du temps. On assiste à
une compétition entre l'extraction de l'eau par séchage (évaporation vers
l'extérieur) et son attraction pour l'hydratation du ciment, ce qui se traduit
par une réduction du degré d’hydratation au voisinage de la surface. Ce
gradient d'hydratation crée une zone vulnérable étant donné que l'hydratation
de celle-ci n'est pas achevée, et notamment celle qui constitue la zone
l’enrobage, et qui doit protéger les aciers contre toute pénétration d'agentagressif (chlorures, CO2,...). Le décoffrage rapide des structures, dans un
climat favorisant un séchage rapide, pourra donc être préjudiciable pour la
durabilité de la structure.
3.2 - Corrélation entre retrait de dessiccation et perte de masse
Dans les configurations B et C, nous avons évalué le retrait de dessiccation
qui peut être défini comme la différence entre le retrait apparent et le retrait
endogène. La figure 10 représente le retrait de dessiccation en fonction de la
perte de masse (configurations B et C). On observe, pour la configuration C,
une succession dans le temps de trois évolutions sensiblement linéaires avec
des pentes différentes. La première évolution (entre 2 et 5 jours) peut être
attribuée au départ d'eau située sur la périphérie de l'éprouvette après
démoulage. La disparition de cette eau n'affecte que peu le retrait apparent.
Une deuxième pente plus raide caractérise l’évolution entre 5 et 50 jours.
On attribue à cette plage le départ d'eau des capillaires : il provoque une
dépression capillaire très grande et par conséquent le retrait est plus
important, certaines des fissures créées auparavant commençant à se
refermer. Dans la troisième partie de la courbe, on assiste à une perte de
masse sans retrait apparent, les différents auteurs expliquent ce phénomène
par une non refermeture complète des microfissures, Nous pouvons aussi
ajouter qu’il y’a apparition probable de microfissures supplémentaires en
surface dues à une relaxation des autocontraintes de dessiccation liées au
gradient hydrique entre la surface séchante et le cœur de l’éprouvette. Les
microfissures ainsi formées s'opposent au retrait et facilitent le séchage par
l'augmentation de la surface spécifique ( Bazant et al. [25]). Cette partie de
la courbe n'est pas mise en évidence sur l'éprouvette en configuration B.
Ceci pourrait être attribué à la non apparition des fissures en surfaces
latérales à cause de l'uniformité radiale du séchage, celui-ci s’effectuant de
façon purement longitudinale puisque l'éprouvette est protégée de la
dessiccation sur toute sa surface latérale, et aussi à la lenteur du phénomène
de séchage pour ce type d’éprouvette (à 90 jours, la perte en masse pour
cette éprouvette n’est que de 0,5 %).
3.3 - Corrélation entre retrait endogène et humidité relative
Sur la figure 11, on présente le retrait endogène en fonction de l’humidité
relative au coeur de l’éprouvette. Nous remarquons que ce retrait apparaît
comme variant de façon sensiblement linéaire avec l’humidité relative dans
une plage allant de 88 à 98 %. La modélisation proposée en [9] et [26] pour
expliquer cette quasi-linéarité, est fondée sur un mécanisme de retrait par
dépression capillaire : au fur et à mesure de l’hydratation du ciment, l’eau
libre se vaporise dans l’espace créé par la contraction Le Chatelier; il y a
formation d’un ménisque séparant les phases liquide et vapeur. La
différence de pression entre phases est donnée par la loi de Kelvin :
Pc =−ρlRT
Mvln (h/100)
avec
ρl :masse volumique de l’eau (1000 kg/m3)
R :constante des gaz parfaits (8,32 J/mol. K)
Mv: masse molaire de l’eau (0,018 kg/mol.)
T : température (K)
h : humidité relative (%)
La mécanique des milieux poreux [27] appliquée au béton permet de
démontrer [26] que le retrait endogène εre s’exprime alors de la façon
suivante :
εre =ΦlρlRT
3Mv (1 − Φ)Ksln (h/100)
avec :
Φ : porosité totale du béton, évaluée ici à 15 %
Φl : " porosité de la phase liquide " [16] (ou saturation en liquide),
fonction de l’humidité relative h (figure 12)
Ks : coefficient de compressibilité du squelette, calculé à partir du module
d’Young E et du coefficient de Poisson ν ,
Ks =E
3(1− 2ν)
(pour ce mortier , on a mesuré E = 40 GPa et ν = 0,24).
La linéarité de εre en fonction de h, souvent observée expérimentalement
[16], provient du fait que le produit Φl ln(h) est sensiblement fonction
linéaire de h sur une plage d’humidité relative allant de 50 % à 100 %
Nous avons obtenu expérimentalement l’isotherme Φl = f(h) par un essai de
désorption du matériau conduit à l'aide de solutions salines [6]. Les points
expérimentaux sont lissés par une fonction du typeΦl = (1 +(a ln(h))b)cutilisée par [9]. La courbe obtenue et les paramètres du
lissage sont donnés sur la figure 12.
Les courbes des retraits endogènes calculé et mesuré sont
représentées sur la figure 11. Nous remarquons que l’écart entre les deux
courbes va en croissant avec l’humidité relative. Cet écart peut être attribué
en particulier au fait que l'étendue de mesure des capteurs hygrothermiques
ne va guère au delà de 95 % d'humidité [28] (En figure 5, à la profondeur
d=15 cm une variation brutale de l’humidité, certainement accidentelle a été
enregistrée durant les sept premiers jours). Cet écart se réduit quand
l’humidité décroît, mais on assiste à nouveau à une divergence
expérimentation - modèle en dessous de 88 % d’humidité relative (à 60
jours). Ceci est attribuable à la stabilité du retrait, le modèle ne prévoit pas
cette stabilisation.
4 - CONCLUSION
Dans cette étude expérimentale menée sur des éprouvettes de mortier
soumises ou non à séchage et suivies durant leurs trois premiers mois de
maturation, ont été effectuées les mesures locales suivantes : degré
d’hydratation et son gradient, humidité relative locale intérieure, ainsi que
les mesures globales suivantes : perte de masse, retraits endogène et total
dont on a déduit le retrait de dessiccation. Il a ainsi été mis en évidence la
présence d’un gradient d’hydratation résultant de la dessiccation ; le retrait
qu’entraîne cette dessiccation a été relié à la perte de masse : le résultat met
en évidence un comportement de structure de l’éprouvette au séchage par
l’apparition probable de microfissures sur la surface de l’éprouvette. Enfin,
il a été observé que la liaison entre retrait endogène et humidité relative était
relativement conforme aux prévisions théoriques récentes [26] qui sont
formulées sur la base de la mécanique des milieux poreux [8] dans une
plage d’humidité relative bien déterminé (ici 88 % à 100 %).
L’incidence de ces couplages est importante quant à la durabilité d’un béton
:
- insuffisance de l’hydratation concurrencée par le séchage ce qui
fragilise les couches externes ;
- effet de structure dû au gradient de retrait imposé par les gradients
d’hydratation et de séchage.
Les grandeurs pertinentes apparaissant ici sont le degré d’hydratation, son
gradient et l’humidité relative interne. Sur ces bases, une étude théorique
approfondie devrait permettre ultérieurement d’unifier des éléments
d’observation expérimentale tels que ceux présentés ici.
BIBLIOGRAPHIE
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réunion annuelle de GEO, Aussois, Décembre 1995 (Aussois, 1995).
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