Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette 87 Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguettes Dans ce chapitre, nous utilisons le même bois que celui caractérisé au chapitre précédant, le peuplier. Nous commençons par décrire les éprouvettes et leur fabrication. On détaille ensuite les aspects théoriques de l’essai mécanique et la mise en œuvre de cet essai. À chaque étape nous décrivons les résultats obtenus et nous les discutons. III.1. Procédure expérimentale L’ajout de fibres dans une matrice fragile comme le ciment ou le béton augmente fortement les caractéristiques mécaniques et en particulier la résistance à la fissuration. Dans un composite réel où la matrice fragile est renforcée par des fibres courtes aléatoires, une fissure matricielle est pontée par les renforts dont l’angle par rapport au plan de la fissure est aléatoirement compris entre 0 et 90°. Pour rendre compte de l’efficacité du pontage par un renfort oblique, nous avons développé un essai d’extraction où les fibres sont orientées d’un angle θ et -θ par rapport au sens de la traction qui est perpendiculaire au plan de la fissure. Les angles symétriques ±θ permettent d’équilibrer les efforts et d’avoir un déplacement dans l’axe.
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Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
87
Chapitre III :
Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguettes
Dans ce chapitre, nous utilisons le même bois que celui caractérisé au chapitre
précédant, le peuplier. Nous commençons par décrire les éprouvettes et leur fabrication. On
détaille ensuite les aspects théoriques de l’essai mécanique et la mise en œuvre de cet essai. À
chaque étape nous décrivons les résultats obtenus et nous les discutons.
III.1. Procédure expérimentale
L’ajout de fibres dans une matrice fragile comme le ciment ou le béton augmente
fortement les caractéristiques mécaniques et en particulier la résistance à la fissuration. Dans
un composite réel où la matrice fragile est renforcée par des fibres courtes aléatoires, une
fissure matricielle est pontée par les renforts dont l’angle par rapport au plan de la fissure est
aléatoirement compris entre 0 et 90°.
Pour rendre compte de l’efficacité du pontage par un renfort oblique, nous avons
développé un essai d’extraction où les fibres sont orientées d’un angle θ et -θ par rapport au
sens de la traction qui est perpendiculaire au plan de la fissure. Les angles symétriques ±θ
permettent d’équilibrer les efforts et d’avoir un déplacement dans l’axe.
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III.1.1. Fabrication des échantillons
L’élaboration des éprouvettes modèles avec des baguettes de bois (naturel, rétifié à
200, 230 et 260°C) de 2×2×48 mm3 et du ciment de type Portland (CPA 52.5 HTS PMES) est
un peu compliquée. L'angle d'orientation, positif et négatif, des baguettes est le même pour
toutes les baguettes d'une éprouvette, mais il doit pouvoir être modifié facilement. Chaque
échantillon se compose de deux blocs et la procédure de la fabrication de chaque bloc suit
plusieurs étapes. La Fig. III.1 schématise la procédure de fabrication des éprouvettes et
montre les différentes étapes :
1- premier bloc :
(a) : Gâchage : dans cette étape, nous avons mélangé du ciment à sec pendant 2 minutes à
vitesse lente. Ensuite, ajouté de l’eau au ciment (E/C = 0,35) et mélangé pendant 2
minutes aussi à la même vitesse. Enfin, nous avons continué à mélanger, pour une minute
encore à vitesse rapide, jusqu’à ce que le gâchage soit homogénéisé,
(b) : Moulage du premier bloc : nous avons versé le gâchage dans un moule de
dimension 48×40×80 (mm) avec vibration, en laissant libre un alésage pour la goupille de
traction.
(c) : Mise en place des renforts : nous avons mis en place 20 baguettes de bois, centrées
sur l’interface et positionnés à ±θ à l’aide d’un gabarit support (lors du contact avec la
pâte, le bois est sec), puis maintien de l’ensemble jusqu’à prise du ciment.
(d) : Stockage : nous avons stocké le premier bloc dans un milieu à 100% d’humidité
relative et à 21°C pour 24 heures.
B- deuxième bloc :
(e) : Démoulage et dépôt d’une couche mince d’huile : après 24h, nous avons démoulé
le premier bloc, mis le moule à l’envers pour mouler la deuxième partie, et déposé en
même temps une couche mince d’huile dans le but d’éviter l’accrochage du ciment avec
celui du second bloc,
Remarque : dans un premier temps, nous avons directement coulé le deuxième bloc sur le
premier sans la couche d’huile et pratiqué des entailles afin que le ciment se rompe
facilement dans le plan voulu. Comme la rupture du ciment masquait, le début de
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
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l’extraction, nous avons préféré ensuite utiliser une couche d’huile permettant de séparer
les deux blocs de ciment.
(f, g) : Refaire les étapes a et b du premier bloc pour obtenir l’éprouvette finale,
(h) : Stockage de l’éprouvette, dans les mêmes conditions du premier bloc, pendant 14
jours avant de la tester.
Fig III.1 : Les étapes de la procédure de fabrication des éprouvettes d’extraction oblique.
La méthode utilisée pour fabriquer des éprouvettes a besoin de beaucoup de temps
pour arriver à l’échantillon final. La figure III.2 montre, en photos, cette procédure.
Fig. III.2 : Photos des étapes de la procédure de fabrication des éprouvettes
cb d
(1) Premier bloc
(2) deuxième bloc
a
e f g h
ccbb dd
(1) Premier bloc
(2) deuxième bloc
a
e f g h
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III.1.2. Essai d’extraction des renforts
L’essai est réalisé à température ambiante à l’aide du bâti INSTRON 1195 équipé
d’une cellule de force de 100 kN. (Fig. III.3 a) sur les éprouvettes fabriquées précédemment.
Cette machine de traction est constituée d'un bâti rigide qui comprend une traverse fixe à
laquelle est fixée l'une des têtes de l'éprouvette, l'autre extrémité est fixée à la traverse mobile.
Un dispositif spécifique a été réalisé dans l’atelier de GEMPPM (Fig. III.3.b), ce
dispositif permet de réaliser des essais de traction plane sur des éprouvettes de composite
ciment/bois de longueur 160 mm et de section rectangulaire de dimension 40×48 mm.
L’éprouvette est maintenue dans des chapes de traction à l’aide de goupilles. Un effort
de traction progressif est exercé suivant l’axe de l’éprouvette jusqu’à l’extraction finale. La
vitesse de la traverse utilisée dans notre essai est de 2mm/min. L'essai de traction est effectué
à température ambiante. Les paramètres mesurés sont la force d’arrachement en fonction du
déplacement de la traverse à l’aide de deux capteurs reliés à un ordinateur pour
l’enregistrement des données.
Fig. III.3 : Photos de la machine INSTRON 1195 avec le dispositif de traction (a) vue générale ; (b, c) le dispositif avec l’éprouvette
a b c
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
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Selon l’éprouvette testée dans ce travail, nous avons trouvé deux types de courbes
d’extraction, une courbe d’extraction typique dans le cas où le ciment doit se rompre, pour
une éprouvette sans couche d’huile entre les deux parties (Fig. III.4) et l’autre, dans le cas où
la couche d’huile a supprimé la nécessité de rompre le ciment au début de l’extraction, qui est
illustré par la Figure. III.5.
Fig. III.4 : Courbe d’extraction avec rupture préalable du ciment (bois naturel sec, θ = 30°, 20 baguettes, H = 24 mm, 4 fibres rompues après l’extraction)
Fig. III.5 : Courbe d’extraction (R200°C, θ = 45°, 20 baguettes, H = 24 mm, 10 fibres
rompues pendant l’extraction)
La Fig. III.4 montre une courbe d’extraction obtenue pour un angle de désorientation
de θ = ± 30° (bois naturel sec) pour une éprouvette sans couche d’huile entre les deux partis et
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 5 10 15 20 25 30
Déplacement en (mm)
Forc
e de
pon
tage
(kN
)
Fextraction=0.84 kN
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
0 5 10 15 20 25 30
Déplacement (mm)
Forc
e de
pon
tage
(kN
)
F rupture du ciment
Fextraction = 0,9 kN
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
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dans ce cas le ciment doit rompu. On constate que le début de l’extraction correspond à la fin
du crochet de force dû à la rupture du ciment. Donc, la force maximale de pontage dans ce cas
est de 0,9 kN pour 20 fibres, sachant qu’il y 4 fibres rompues pendant l’extraction. Cependant
le début d’extraction est difficile à déterminer dans le cas où le ciment doit se rompre. Mais
par contre, la Fig. III.5 montre que si les deux blocs de ciment sont désolidarisés au départ, le
début de l’extraction est très facile à déterminer.
III.2. Etude du pontage d’une fissure par une fibre
Dans ce paragraphe, tout d’abord, nous commençons par un étude théorique d’un cas
élémentaire des fibres droites où θ = 0, en comparant avec les résultats expérimentaux que
nous avons les obtenus. Ensuite, nous montrons les résultats expérimentaux dans le cas des
fibres obliques. Enfin, nous étudions théoriquement ces cas en mettant en oeuvre une
simulation basée sur un modèle analytique.
III.2.1. Étude des fibres perpendiculaires à la fissure (cas élémentaire θ = 0)
III.2.1.1. Étude théorique :
On distingue les deux cas suivants, selon qu’il y a décohésion ou non :
III.2.1.1.a. Cas θ = 0 et Gd = 0 (énergie de décohésion entre renfort et matrice nulle).
La contrainte de cisaillement est constante et l’extraction est contrôlée par frottement
simple. Le transfert de charge opère entre les deux constituants (ciment et bois), en faisant
intervenir un cisaillement à l’interface associé à du frottement qui s’amorce à l’entrée de
l’encastrement.
La Figure III.6 montre un schéma de la zone de transfert de charge d’une éprouvette
spéciale où la fibre est enchâssée dans un bloc de matrice des deux côtés de façon inégale.
Normalement, la fibre va glisser dans sa totalité là où l’enchâssement est le plus court
(extraction). Mais avant, chaque partie subit un glissement partiel, dont l’analyse est faite
pour une section rectangulaire (a×b) comme suit :
La moitié de déplacement U/2 de la section de la fibre est proportionnelle à l’aire du
triangle ABC, (Fig. III.6).
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
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Si on considère un élément dx de fibre dans la zone de transfert de charge (Fig.III.6.a),
le déséquilibre longitudinal pour une section rectangulaire est balancé par un cisaillement à
l’interface τ*.
Fig. III.6.a : Transfert de charge sur un élément dx de fibre
Fig. III.6 : Extraction de fibre, profils des contraintes sous charge (Annexe B).
On a donc :
2 τ* (a+b) dx = dF = dσf .a.b
b.aτ*b)(a2
dxdσ f +=
dFdFτ*
dx
∫=l
f (x).dxε2U
(III.1) (x).lσ2E
12U
ff
=
σ
σf
b.aFmax
B A
C
D
E
U
D
U Plus grand
FixeGlisse
H >H
Bloc de ciment
FF
σ
F F
U
I
E
JK
MN
Avant glissement total du renfort
Pendant l’extraction
A
σ
σf
b.aFmax
B A
C
D
E
U
D
U Plus grand
FixeGlisse
H >H
Bloc de ciment
FF
U Plus grand
FixeGlisse
H >H
Bloc de ciment
FFFFF
σ
F FFF FFF
U
I
E
JK
MN
Avant glissement total du renfort
Pendant l’extraction
A
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
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Où a et b sont la largueur et la hauteur de la fibre respectivement.
Après l’intégration sur H (longueur enchâssée la plus petite) on arrive à :
En introduisant l’équation (III.2) dans l’équation (III.1) on arrive à :
Avant glissement total, la courbe F- U est parabolique. Au maximum de la force, nous avons
Umax et Fmax, lorsque l = H :
Où : Fmax valeur de la force de pontage à U/2. (Fmax = σf (max) a.b)
Si on mesure F et U, il est possible d’accéder au cisaillement interfacial τ*.
Á la charge maximale, toute la fibre peut glisser. On a alors :
Fmax = 2 (a+b) H τ* (III.4)
La force diminue ensuite quasi-linéairement à mesure que la fibre est extraite. (Fig.III.6.b)
Fmax = 2 (a+b) (H-U) τ*
Fig. III.6.b : Courbe F- U lors de l’extraction
III.2.1.2.b. Cas θ = 0 et Gd ≠ 0
Dans ce cas, le cisaillement interfacial est aussi lié au frottement, mais, il doit y avoir
décohésion entre le renfort et la matrice. La condition de décohésion est contrôlée par
l’énergie unitaire de propagation de la fissure interfaciale Gd
On suppose que la matrice ne subit pas de contrainte (≈ vf très petit). Pour la
démonstration, on considère le cas où τ* est nul. Si τ* ≠ 0, le bilan énergétique doit prendre
(III.2) b)(a*τ2
a.b(x)σlb.a
b)(aτ*2l(x)σ
ff
+×=⇒
+=
bab)(aτE4F
2U
b)(a2τa.b(x)σ
2E1
2U
*f
2
*2f
f +=⇒
+=
(III.3) b.ab)(aτ*E4
F2
U
f
2maxmax
+=
U
F
<<H H
Fmax
U
F
<<H H
Fmax
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
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en compte l’énergie dissipée par le frottement. Mais la condition critique de décohésion
obtenue pour τ* = 0 est la même que si τ* ≠ 0 [Ouw et al, 70].
On analyse les conditions de propagation d’une fissure à l’interface, de la taille C à la
taille c + dc.
Il y a donc création d’une nouvelle surface, l’énergie nécessaire pour cela s’écrit : dWsurf = 2(a+b) dc Gd (III.5) Gd : énergie unitaire de propagation de la fissure à l’interface. La fibre subit maintenant la contrainte σf sur une plus grande longueur, elle stocke donc une
énergie élastique supplémentaire qui s’écrit :
De ce fait, la fibre s’allonge, il y a donc un travail de la force F appliquée extérieure, celui- ci s’écrit : dWext = F ∆u avec ∆u = (σf/Ef) dc D’où
Le bilan énergétique conduit à la propagation de la fissure si l’énergie injectée dans le
système (dWext) est plus grande ou égale à l’énergie stockée dans le système (dWel+ dWsurf).
Dans ce cas, la contrainte σf est alors la contrainte critique de décohésion σfD
⇒ b.a
GEb)(a4b.a
F df
2D +=⎟
⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛
III.6) ( dc Eσ
21badW
f
2f
el =
(III.7) dcE
b)(aσdWf
2f
ext =
a.bGEb)4(a
)(σ
dc2E
)(σbaGdcb)2(adcE
)(σba
df2Df
f
2Df
df
2Df
+=
++=
F
CdC
F/a×bx
σf
F
CdC
F/a×bx
σf
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
96
On obtient finalement :
Dans le cas d’un cisaillement interfacial associé au frottement, le profil de contrainte
dans la fibre est donné par la Fig. III.7. Tant que σf appliqué est inférieur à σfD, il n’y a pas
décohésion. Si σf est supérieur de σfD, le glissement, contrôlé par τ*, a lieu sur une distance u.
Fig. III.7 : Profils des contraintes dans la fibre sous charge.
Lorsque le glissement se fait sur toute la zone de longueur H, le profil est donné par A
(Fig. III.7). Mais, la contrainte de décohésion n’ayant plus lieu d’être, le profil passe
brutalement à celui donné par B (qui correspond au cas où σfD = 0). Le saut de force
correspond est donc :
FD = σfD a.b
La Figure III.8 montre la courbe F- U correspondante.
Fig. III.8 : Courbe F- U en cas de décohésion.
La force de pontage maximale sera calculée par l’expression suivante :
Fmax = FD+2 (a+b) H τ*
(III.8) a.bF σet
Eb)(a(a.b)4)(F
GD
Df
f
2D
d =+
=
F
UH
Fmax
FD
Fa
Fb
F0 = FD
F
UH
Fmax
FD
Fa
Fb
F0 = FD
x
σfD
σ
Hu
σfmax
A
B
x
σfD
σ
Hu
σfmax
x
σfD
σ
Hu
σfmax
x
σfD
σ
Hu
σfmax
A
B
A
B
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
97
L’ordonnée à l’origine, F0, permet d’estimer la contrainte critique dans le renfort de
En fait, la Fig. III.9 montre quelques exemples de courbes d’extraction expérimentales
obtenues pour un angle de θ = 0° pour différentes longueurs enchâssés. Les courbes montrent
deux parties distinctes :
- la partie A, qui correspond à la phase de décohésion progressive fibre- matrice (cf. Fig.
III.8).
- la partie B, qui correspond à l’extraction et donc au frottement de la fibre dans la gaine de
la matrice (cf. Fig.III.6).
Les grandeurs qui sont généralement déduites de cette courbe sont :
0
0,5
1
1,5
2
0 5 10 15 20 25Déplacement (mm)
Forc
e d'
arra
chem
ent (
KN
)
H=8mm H=16mm H=24mm
A B
Fa
Fb
b)(a2Bτ*
+=
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
98
• la décrochement au pic (Fa- Fb) = FD caractéristique de la cohésion fibre- matrice.
• la force de frottement maximale Fb caractéristique de la résistance à l’arrachement de la
fibre (cisaillement interfacial τ*).
La force décroît ensuite presque linéairement, la pente était également caractéristique de τ*.
Remarque : dans le cas des éprouvettes entaillées (sans la couche d’huile intermédiaire), la
rupture du ciment masquait totalement le problème de décohésion.
Dans le cas de l’extraction classique (θ = 0), on observe une évolution linéaire de la
force avec la profondeur d’enchâssement, H, conformément à l’expression suivante :
Où τ* est le cisaillement interfacial lié au frottement
Le Tableau III.1 présente les valeurs de Fmax pour le cas du bois naturel sec (a = b = 2
mm) avec différentes profondeur enchâssement, (H = 8, 16, 24 mm) qui nous permettent
l’évaluation de la contrainte de cisaillement interfacial et FD.
Tab. III.1. Valeurs de Fmax pour 1 fibre en fonction de la profondeur enchâssée pour
chaque éprouvette de A à E (cas du bois naturel sec)
Fig. III.10 : Bois naturel sec. Force d’arrachement pour une fibre en fonction de la profondeur enchâssée (X : moyenne des 5 essais sur 20 baguettes à la fois).
*τb)(a2dHdF
+=
H (mm) A B C D E moyenne8 17,3 18,4 19,2 16,8 18,1 18,016 24,5 22,3 26,7 19,8 20,8 22,824 27,5 25,0 24,2 36,6 31,4 28,9
Fmax en N
y = 0,6858x + 12,265
0
10
20
30
40
0 8 16 24 32longueur enchâssée, H (mm)
Forc
e d'
arra
chem
ent,
F (N
)
H=8 H=16 H=24
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
99
Si on considère les valeurs moyennes, la valeur de l’ordonnée à l’origine dans ce cas,
F0 = 12,265 N, nous permet d’estimer la contrainte critique de décohésion entre renfort et
matrice σfD.
Soit : σfD = 12,265/(2×2) = 3,1MPa
Et, à partir de la pente, le cisaillement interfacial est de τ* = 0,6858/(4×2) = 0,09 MPa
De la même façon, nous avons fait des essais sur du bois traité (cas rétifié à 200°C),
dans le but d’estimer les deux paramètres précédents (σfD, τ*).
Le Tableau III.2. montre aussi les valeurs de la force maximale d’extraction pour cas d’une
fibre de bois rétifié à 200°C (a = b = 2 mm) avec différentes profondeurs d’enchâssement, (H
= 8, 16, 24 mm)
Tab. III.2. Valeurs de Fmax pour 1 fibre en fonction de la profondeur enchâssée pour chaque éprouvette de A à E (cas bois rétifié à 200°C)
Fig. III.10a : Bois rétifié à 200°C. Force d’arrachement pour une fibre en fonction de la profondeur enchâssée (croix : moyenne des 5 essais sur 20 baguettes à la fois).
H (mm) A B C D E moyenne8 17,1 15,4 17,1 18,2 13,7 16,316 22,7 20,4 20,0 21,0 18,9 20,624 25,3 29,0 27,5 26,5 23,2 26,3
Fmax en N
y = 0,625x + 11,067
0
10
20
30
40
0 8 16 24 32Longueur enchassée, H (mm)
Forc
e d'
arra
chem
ent,
F (N
)
H = 8mm H = 16 mm H = 24 mm
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
100
Les résultats typiques de la Fig.III.10, relatifs au bois traité (R200°C) conduisent à un
cisaillement interfacial de 0,08 MPa et à la contrainte critique de décohésion de 2,8 MPa.
Les valeurs de σfD et de τ* sont très voisines pour les cas du bois naturel et rétifié à
200°C (cf. Tab. III.3). Les résultats relatifs aux bois rétifiés à 230° et à 260°C sont différents,
en particulier le seuil de décohésion σfD est sensiblement réduit de moitié et le cisaillement
interfacial τ* est aussi légèrement plus faible (Fig. III.12).
Fig. III.10b : Force d’arrachement pour une fibre en fonction de la profondeur enchâssée pour tous les cas de traitement.
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
106
Fig. III.16 : Image d’une demi- éprouvette de traction présentant les baguettes pliées de bois (rétifié à 200°C). θ = 60° (à gauche) ; θ = 75° (à droite).
Dans ce cas, l'extraction est analogue à ce qui se passe pour θ = 0, hormis un certain
freinage supplémentaire car la force appliquée a tendance à augmenter la pression au contact
entre le renfort glissant et la "poulie fixe" que constitue le ciment. Si τ f est supposé constant
pendant l'extraction, la force, F, décroît linéairement en fonction du déplacement, U, comme
suit :
F = 2 (a + b) N τf (H -U) (III.11)
Où :
a, b sont la largeur et la hauteur de baguette du bois respectivement,
H est la longueur enchâssée initiale,
N est le nombre de renforts qui travaillent à l’extraction.
On voit bien sur la Fig. III.15 que la pente diminue à mesure que les fibres se rompent et donc
que N diminue.
L'accroissement de la force maximale entre 0 et 45° provient de la réaction à la flexion
des baguettes qui restent pour la plupart dans le domaine élastique. Pour ce qui concerne la
diminution de la force maximale de pontage après 45°, on considère qu’une proportion,
croissante avec l’angle, de baguettes sont rompues aux premiers stades de l’extraction, soit
avant Fmax. Nous n’avons cependant pas d’observations directes de ce phénomène.
(III.10) ba
F43 τ rupture la àet
baF
43τ max
max ==
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
107
III.2.3. Mécanismes d’arrachement d’une fibre inclinée
La Figure III.17 synthétise les mécanismes d’arrachement d’une fibre inclinée, elle
montre notamment l’apparition d’un frottement supplémentaire au niveau du point de sortie
de la fibre dans la matrice. Les essais d’arrachement réalisés sur des fibres de bois inclinées
ont montré qu’une orientation de la fibre provoquait une augmentation significative de la
charge d’arrachement. Cet accroissement de la charge varie en fonction de l’angle imposé.
L’observation d’une éprouvette en coupe permet de confirmer les mécanismes
d’arrachement des fibres. La rupture d’éléments du ciment au niveau de l’entrée de la fibre
dans la matrice a ainsi pu être observée. L’effet géométrique de la diminution de la longueur
réelle de fibre arrachée avec l’augmentation de l’angle d’inclinaison a également pu être mise
en évidence.
Fig. III.17 : Schéma des différents mécanismes associés à l’arrachement d’une baguette inclinée. N est la charge d'arrachement axiale à la baguette, P est la force de flexion et F
est la force mesurée lors de l'essai.
Donc, l’arrachement d’une fibre inclinée fait intervenir des mécanismes identiques à
ceux d’une fibre alignée : la traction de la fibre, la décohésion fibre/matrice et le glissement
de la fibre. Il engendre également des mécanismes spécifiques : la déformation en flexion de
Décohésion et arrachement de la fibre
Partie fixe de la fibre
d
θ
Déformation de la fibre
Rupture du coin de matrice
Frottement supplémentaire
Partie déchausséde la fibre
F
N
F
P
1er Bloc du ciment
Décohésion et arrachement de la fibre
Partie fixe de la fibre
d
θ
Déformation de la fibre
Rupture du coin de matrice
Frottement supplémentaire
Partie déchausséde la fibre
F
N
F
P
1er Bloc du ciment
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
108
la fibre, le frottement supplémentaire et la rupture de la matrice. Ce dernier phénomène
apparaît comme limitatif à l’augmentation de la charge d’arrachement avec l’angle
d’inclinaison.
A partir de l’ensemble des données expérimentales, un processus d’arrachement d’une fibre
inclinée peut être proposé sur la Figure III.18, en quatre étapes :
• Etape 1 : c’est l’étape de départ, une fibre inclinée se trouve à cheval sur les deux blocs
de matrice indépendants qui sont sollicités en traction. La composante F de traction se
décompose en deux composantes : un chargement N axial à la fibre et une force
perpendiculaire P qui engendre la flexion.
• Etape 2 : c'est la la décohésion de la fibre. La fissure entre les deux blocs s’ouvre en
provoquant la déformation de la fibre et l’apparition de la composante de frottement
supplémentaire (effet de freinage).
Fig. III.18 : Processus d’arrachement d’une fibre inclinée.
• Etape 3 : l’arrachement de la fibre , la fibre peut glisser mais peut aussi être bloquée dans
la matrice et peut donc soit être rompue, soit conduire à la rupture de la matrice à cause
l’augmentation de la pression de contact qui vient de la flexion P. La charge
d’arrachement enregistrée est plus importante que pour une fibre alignée car elle englobe
en plus de la résistance au glissement, les composantes nécessaires à la déformation en
flexion de la fibre et à un frottement fibre-matrice supplémentaire.
P
(a) Etape 1
N
F
F
F
cimentFrottementsupplémentaire
F
F
ciment
(b) Etape 2
Fibredéformée
F
F
ciment
Rupture de la matrice
(c) Etape 3
F
ciment
F
Fibre déformée au niveau de l’éclat du ciment
(d) Etape 4
P
(a) Etape 1
N
F
FF
F
cimentFrottementsupplémentaire
FF
FF
ciment
(b) Etape 2
Fibredéformée
FF
FF
ciment
Rupture de la matrice
(c) Etape 3
FF
ciment
FF
Fibre déformée au niveau de l’éclat du ciment
(d) Etape 4
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
109
• Etape 4 : l'écartement des deux blocs se poursuit, la déformation en flexion de la fibre
devient plus facile, grâce aussi éventuellement à la rupture du coin de matrice en sortie
d'encastrement. Le processus d’arrachement reboucle sur l’étape 2 jusqu’à l’arrachement
complet de la fibre ou jusqu’à sa rupture.
Pour rendre compte de ce comportement complexe de façon quantitative, une
simulation basée sur un modèle d'encastrement oblique proposé par Zhang et Li [Zhang, et Li
02], sera présentée au paragraphe suivant.
Les observations des échantillons en Microscope Optique ZEISS (Fig. III.19) et au
microscope électronique à balayage (MEB) (Fig. III.20, III.21) ont confirmé la pliure et le fait
que les baguettes de bois se fendent.
(a) (b) (c)
Fig. III.19 : Observation au microscope optique d’une baguette du bois R200°C pliée au
point de départ du bloc du ciment.
La photo (III.19 a) a été obtenue après découpe de la matrice de ciment. On voit que la
baguette du bois qui est restée en place (c’est l’autre partie de la baguette qui est extraite) est
pliée à la sortie de l’encastrement. La photo (b) montre la rupture du coint de ciment en sortie
d'encastrement. On voit la pliure "aigue" de la baguette sur la photo (c).
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
110
Fig. III.20 : Observation MEB du bois rétifié à 200°C au droit de la pliure (Fig.III.19c)
(à gauche : ×100) ; (à droite : ×200) La rupture a eu lieu par pliage et compression
Fig. III.21 : Observation MEB du bois naturel sec (à gauche : ×30) ; (à droit : ×100) La baguette est fendue longitudinalement
Le Fig.III.20 et 21 montrent des coupes longitudinales des baguettes ayant subi
l’extraction. D’une manière générale, on obtenue du flambement de parois de cellules par
compression et des fissures longitudinales.
III.2.2.3. Étude théorique des fibres obliques (cas θ ≠ 0)
Dans ce paragraphe, nous allons essayer de modéliser le pontage par une fibre oblique.
Ensuite, nous comparons la théorie aux résultats expérimentaux. Enfin, nous validons ces
résultats sur des éprouvettes réelles et faisons une estimation de l’énergie de rupture.
[Zhan et al, 02] ont proposé un modèle de simulation pour analyser l’influence de
l’inclinaison de l'angle d’une fibre de section ronde sur la charge à la rupture dans un
100µm 100µm
100µm 100µm
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
111
composite cimentaire renforcée par des fibres de verre ou de carbone. Ils ont réalisé une étude
paramétrique, comprenant l'influence du module élastique de la fibre et de la matrice, la
contrainte de liaison interfaciale entre fibre et matrice, l'orientation de la fibre sur la résistance
apparente à la rupture de la fibre, donc sur l’efficacité du pontage.
Le modèle résultant indique qu'avec l'augmentation de l’angle d'inclinaison de la fibre,
la résistance apparente à la rupture des fibres diminue. En plus, le degré de dégradation de la
résistance à la rupture apparente de la fibre est influencé par le module élastique de la fibre et
de la matrice (avec l'augmentation du module de la fibre ou matrice, la résistance apparente de
la fibre augmente) et par la résistance de frottement de l'interface fibre / matrice
(l’augmentation de la résistance au frottement de l'interface fibre/matrice mène à une
diminution de la résistance à la rupture apparente).
Ce modèle analytique est basé sur le comportement d'une poutre en cantilever
encastrée obliquement dans un massif (Fig. III.23). Trois aspects doivent être pris en compte :
Premièrement, l’extraction d’une fibre orientée obliquement entraîne une pression de
contact entre le bois et le ciment plus importante du coté concave. La résistance au frottement
est donc augmentée. Selon [Li et al, 02], cet effet (effet de freinage ou snubbing effect) peut
être pris en compte en appliquant à la force d’extraction N un facteur multiplicatif, selon la
relation suivante :
Où, f est le coefficient du freinage qui rend compte de cet effet.
Deuxièmement, l’extraction d’une fibre oblique entraîne géométriquement la nécessité
d’une flexion de la fibre, ce qui donne une composante supplémentaire P à la force
d’extraction globale.
Troisièmement, la flexion de la fibre induit dans la fibre des contraintes
supplémentaires qui s’ajoutent à celle due à la simple force d’extraction. Il s’agit de
contraintes longitudinales en traction et compression induites par les moments fléchissant et
d’une contrainte de cisaillement produite par l’effort tranchant.
fθe0)θN(w,θ)N(w, ==
Chapitre III : Étude du pontage d’une fissure par du bois en baguette
112
Les résultats expérimentaux semblent indiquer que les fibres subissent essentiellement un
« pliage », sans rupture. Celui-ci est induit par la contrainte de cisaillement, car la baguette
fendue longitudinalement est alors plus flexible.
Dans ce qui suit, nous avons adapté cette approche analytique à notre cas où les
baguettes du bois sont de section carrée et où elles sont susceptibles de se fendre sous l’effet
des efforts tranchants.
III.2.2.3.1. Dérivation du modèle pour une baguette du bois de section carrée (a×a)
A partir du modèle précédant, nous avons développé un modèle identique sur une
baguette de bois inclinée de coté a, dans un deux blocs de matrice du ciment (Fig.III.22).