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Trivium7 (2010)Max Weber et la bureaucratie
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Hubert Treiber
tat moderne et bureaucratie modernechez Max
Weber................................................................................................................................................................................................................................................................................................
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Rfrence lectroniqueHubert Treiber, tat moderne et bureaucratie
moderne chez Max Weber, Trivium [En ligne], 7|2010, mis enligne le
06 dcembre 2010, consult le 21 mai 2015. URL:
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 2
Trivium, 7 | 2010
Hubert Treiber
tat moderne et bureaucratie modernechez Max WeberTraduction de
Olivier Mannoni
I.1 Pour reprsenter les liens rciproques qui unissent ltat et la
bureaucratie modernes, il
semble que nous puissions prendre comme point de dpart cette
dfinition de ltat datantde la dernire priode de lexistence et du
travail de Weber, que lon peut lire dans lesConcepts fondamentaux
de la sociologie: Nous entendons par tat une entreprise politiquede
caractre institutionnel [politischer Anstaltssbetrieb] lorsque et
tant que sa directionadministrative revendique avec succs, dans
lapplication des rglements, le monopole de lacontrainte physique
lgitime1.
2 Plusieurs raisons plaident en faveur du choix de cette
dfinition; la principale est le fait queles caractristiques qui y
sont exposes ne permettent pas seulement dtudier les
principalesdimensions du concept wbrien de ltat2, mais aussi et
simultanment dtablir un lientroit avec la bureaucratie (direction
administrative). Cest surtout la caractristique delentreprise
caractre institutionnel ou de linstitution (auquel Weber accorde
une attentionparticulire dans son texte sur les catgories3, dans sa
sociologie du droit4 et dans les Conceptsfondamentaux de la
sociologie5) qui justifie le choix en faveur de la dfinition de
ltatque nous avons cite6. Dune part, le concept dinstitution, avec
la caractristique des ordresstatutaires octroys7 comme point final
dune volution que Weber a rsume en une phrasedans la Sociologie du
droit8, volution qui, dans le 2 de la Sociologie du droit, est
aussidsigne comme un processus juridique de rationalisation, ce qui
associe la dfinition de ltatcite plus haut au thorme de la
rationalisation chez Weber. Dautre part, en faisant appel un
concept juridique exact pour lexamen sociologique, Weber met en
uvre lannoncequil avait faite dun point de vue mthodologique et
selon laquelle au cours de ltude delactivit relle qui manifeste
partout de constantes transitions entre les cas typiques,
lasociologie doit invitablement trs souvent utiliser les
expressions rigoureuses (parce quefondes sur une interprtation
syllogistique des normes) du droit, quitte leur substituer parla
suite son propre sens, radicalement diffrent du sens juridique9.
Mais cest prcismentl que le concept sociologique dinstitution (dans
les Concepts fondamentaux de la sociologiecomme dans lessai sur les
catgories de ce que lon appelle la Thorie de la science) meten
avant ces caractristiques propres au concept dinstitution dans les
sciences du droit,ce qui pose de singulires difficults un mode
dobservation sociologique orient versltat pour laquelle lexpression
tat ne dsigne que le droulement dune activithumaine dune espce
particulire 10, mme si la notion sociologique dinstitution ausens
de lexistence de rglements rationnels tablis par des hommes et
[d]un appareilde contrainte conu comme un lment contribuant
dterminer lactivit11 ne ngligepas totalement le niveau de laction.
Si cette dimension du niveau de laction avait tintgre la rflexion,
la rception du modle wbrien de la bureaucratie par la sociologiede
lorganisation amricaine (mais aussi par les reprsentants de
lenseignement de la gestionen Allemagne) aurait t diffrente12. Sur
le plan conceptuel et systmatique, cela a tinterprt de manire
convaincante comme un rtrcissement de la vision13 la proximit
duconcept wbrien dinstitution avec la thorie de linstitution de
ltat sur la ligne de lcoleGerber / Laband, comme avec la thorie de
linstitution relevant du droit public chez OttoMayer, avec une
conception de ltat autoritaire et monarchique, centre sur le
pouvoir14,influence de manire non ngligeable la conception que
Weber a de ltat. Cela, se rvledonc avantageux dans la mesure o
cette conception lie au pouvoir fait apparatre
lappareilbureaucratique comme une dimension de la sociologie de
ltat. cette restriction du regard
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 3
Trivium, 7 | 2010
au niveau conceptuel et systmatique, due un emprunt la
terminologie juridique15, on peutcependant opposer un largissement
de la vision lourd de consquences, d la volont deWeber de ramener
des entits collectives comme ltat au niveau de lactivit
dindividus,activit oriente par un sens, en tenant compte du fait
que lon associe ce type de structurescollectives des reprsentations
trs prcises que les individus prennent comme points de repreet
auxquelles ils ragissent, le cas chant, par un comportement adquat.
Si lon suit ce modedobservation de Weber (quil faut toujours
intgrer la rflexion) qui conoit ltat comme un complexe spcifique
dactivit commune accomplie par des hommes16, alors lesconceptions
postmodernes qui voient dans ltat une structure polycentrique ou le
fontdissoudre dans des rseaux politiques se rapprochent de manire
extrmement surprenantede Weber, ce Weber dont les conceptions sur
la bureaucratie moderne sont qualifies dedpasses ou ne
correspondant plus des conditions denvironnement transformes17.
II.3 Nous prsenterons brivement dans ce chapitre les principales
caractristiques de la dfinition
que nous avons expose en introduction, en nous efforant tout
particulirement de faireapparatre les liens qui rattachent ces
grands traits mais aussi darriver une prsentationde la bureaucratie
comme forme de domination spcifiquement moderne, dont la gense
nedcoule pas seulement de certaines conditions dtermines18 mais
constitue aussi pour Weberle germe de ltat occidental
moderne19.
4 (1) Lorsque Weber dcrit ltat comme une entreprise
institutionnelle politique ,lassociation des mots institution et
entreprise vise dans un premier temps la dure et lacontinuit20;
simultanment, le caractre dentreprise de ltat moderne renvoie au
fait quaufond, sa nature est parfaitement identique celle de la
fabrique et, pour ce qui concerne lerapport de domination existant
dans chaque cas au sein de lentreprise, prsente un autrepoint
commun structurel dans la concentration des moyens objectifs de
lentreprise entreles mains de lentrepreneur ou du matre
politique21. Pour caractriser plus prcisment lanotion dinstitution,
dont les caractres, nous lavons dj signal, sont emprunts
lconomieconceptuelle juridique de cette poque, on fait appel aux
lments de dfinition, pas tout faitidentiques, prsents dans lessai
sur les catgories et dans les Concepts fondamentaux de
lasociologie22. Linstitution, en tant que forme de socialisation
constitue sous forme daction,se distingue selon les principes des
Concepts fondamentaux par une cohsion rgule (verslextrieur) de
manire rationnelle, ainsi que par des ordres dots dun statut
rationnel quisont octroys la personne soumise au pouvoir de
linstitution (participants contraints),cest--dire imposs sur la
base de lexpectation que suscite laccord23. Le caractrede
domination et de contrainte est certes dj intgr au concept de
loctroi24, mais ce nestque dans la dfinition de linstitution
dveloppe dans lessai sur les catgories que Weber lefait
expressment. La dfinition a explicitement recours la caractristique
de lappareil decontrainte et il note son propos que celui-ci
codterminerait de fait laction de ceux qui sontsoumis au pouvoir de
loctroi25. Lattribut politique ajout lentreprise
institutionnellerenvoie lui aussi laspect de la violence ou de la
domination, sans laide desquels onne pourrait dfinir le caractre
politique dun groupement26.
5 On a dj attir lattention sur le fait que la caractristique des
rglements statutaires respectantune rationalit (avec finalit)
caractrise aussi le point final dune volution laquelleest soumis le
thorme de rationalisation de Weber. Ainsi, les distinctions
conceptuellesentreprises dans lessai sur les catgories (activit
communautaire, associative et sociales, dunct, action de groupement
et dinstitution de lautre) ne constituent donc pas seulement
unestructure de relation logique, mais renvoient aussi simultanment
une relation qui volue aucours de lhistoire et qui exprime le degr
spcifique du potentiel social de rationalisationquils
reclent27.
6 (2) En nommant explicitement la direction administrative dans
cette dfinition de ltat, Weberse rattache aux dfinitions du
groupement et de la domination28, o il vise explicitementlaspect de
linstauration par la force des ordres de groupement ainsi que le
caractre de
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 4
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domination qui sattache une relation sociale ferme vers
lextrieur. Lorsquil attireprcisment lattention29 sur le fait que
les membres de la direction administrative sedistinguent par une
attitude interne spcifique face la direction du groupement, ce
sontles hypothses fondamentales de la sociologie wbrienne de la
domination qui entrent en jeu.Il est facile de les dcouvrir si lon
considre les rflexions de Weber sur la sociologie de ladomination
comme une rponse la question de Hume: Why are the many governed
bythe few? On voit que la domination du petit nombre sur le grand
nombre repose sur leurcapacit suprieure dorganisation, qui consiste
notamment dans ldification dune directionadministrative et dans la
aptitude en disposer; mais elle tient aussi au fait quils sont
capablesdveiller et de maintenir la foi dans la lgitimit
(Rechtmigkeit) de leur domination enpremier lieu auprs des membres
de la direction administrative, mais aussi chez les domins.Sil
sajoute, au pilier extrieur dune domination (cest--dire une
direction administrative),des motifs de justification internes,
celle-ci se rvle incomparablement plus stable quunedomination qui
nest pas capable dhonorer sa prtention la lgitimit30.
7 (3) Avec la caractristique, particulirement mise en valeur, du
monopole de la contraintephysique lgitime31 pour la mise en uvre
des organisations, Weber souligne une nouvellefois que ltat moderne
(tout comme les groupements politiques ou les communautspolitiques
qui le prcdent historiquement32) est un rapport de domination de
lhomme surlhomme tay sur le moyen de la violence [Gewaltsamkeit]33,
ceux qui sont soumis ladomination considrant lutilisation de la
violence comme lgitime34. Il faut appeler, avecHermes35, que Weber
ramne au charisme militaire le monopole (lgitime) de la violence et
lacomptence (lgitime) dicter des statuts36. Lorsque tous deux
monopole de la violence etcapacit dtablir un statut sont donns, le
groupement politique devient tat, qui garantit lavalidit de ses
organisations statutaires en mettant en uvre la violence lgitime.
Cela renvoiesimultanment la fonction37 cratrice dordre exerce par
la violence, de la mme manireque tout ordre social engendr par la
force a besoin de la force pour limiter sa force. Toutprojet dordre
est soumis ce cercle vicieux de la matrise de la force:
lorganisation sociale estune condition ncessaire de lendiguement de
la force la force est une condition ncessairedu maintien de
lorganisation sociale38. Pour ltat moderne, il est aussi
caractristique,dans le contexte de la question que nous venons de
soulever propos des limites que londoit apporter la force
institutionnalise, quil nexiste de violence lgitime que dans
lamesure o lordre tatique la permet ou la prescrit39. Ltat moderne
est ainsi un tat dedroit, ce que Weber souligne par la formule
selon laquelle aujourdhui, la contrainte juridiquepar la force est
le monopole de linstitution du droit40. Puisque Weber parle de
droitlorsque les ordres statutaires sont garantis de lextrieur par
la force41 (direction contraignante),et quil parle, en cas
dexistence factuelle dune [] force (de commandement), si
lescommandements de celle-ci sont aussi respects dans les faits,
dune domination, qui, poursa part, est en qute de lgitimit42, la
domination et le droit sont, du point de vue catgoriel,lis lun
lautre par le biais de la lgitimit43. Si, en outre, le concept de
domination44
na pas pour seul but le respect effectif dun commandement, mais
exige que les dominsfassent du contenu du commandement, au nom du
commandement lui-mme, la maximede leur activit et lacceptent comme
norme en vigueur , ce nest pas seulement decette manire une
acceptation gnrale du rapport de domination (petite lgitimit),
quiest postule, mais aussi une comprhension45, telle quelle
sexprime en particulier dans lanotion de prsentation de la norme
dans lessai sur Stammler46 et dans le conceptde validit de lessai
ou du fragment de texte Die Wirtschaft und die Ordnungen47 48.Dans
cette optique, les commandements indiquant lexercice de la
domination apparaissentcomme des maximes, dans le sens de rgles
considres comme obligatoires ouexemplaires et qui font office de
motifs de dtermination factuels de lactivit humainerelle. Selon
Weber, conformment au concept de validit, y sont associs un
devoirou lide dune obligation qui agit durablement sur ces motifs
de dtermination etaugmente ainsi la probabilit dorientation sur des
maximes que lon peut expliciter (sur
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 5
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des ordres statutaires ou sur le droit) et, pour finir, sur leur
respect49. On peut doncaffirmer que le groupement politique nest
pas seulement le domaine de validit empiriquede commandements
accepts de manire normative (= domination) mais aussi le
domainedaction empirique de normes garanties par la contrainte (=
droit)50.
8 Comme toute direction administrative, la bureaucratie moderne
se distingue par le fait quuncercle de personnes [] habitu obir aux
ordres de chefs se tient en permanence disposition et se rpartit
lexercice de ces pouvoirs de commandement et de contrainte
quiservent au maintien de la domination (organisation) 51. Ce qui
vaut pour les dominssapplique tout particulirement aux
bureaucrates: sils obissent aux ordres, cest notammentparce que la
validit (de ce) pouvoir de commandement sinspire de lide de
lexistencedun ordre considr comme obligatoire et exemplaire
(lgitime) cest--dire, dans lecas de ltat moderne, dun ordre (de
droit) pos de manire statutaire et rationnelle, et auquelsont aussi
soumis les dominants eux-mmes. Cela apparat aussi dans lactivit
administrativedes bureaucrates qui satisfont au devoir objectif de
leur fonction et sans considration depersonne exercent de manire
rigoureusement formaliste, en fonction de rgles rationnelles et,
lorsque celles-ci font dfaut, en fonction de points de vue lis la
fonctionnalit concrte52
-les affaires lies leurs fonctions. Pour cette raison, dans le
quotidien de ladministration,pour autant que celle-ci se rapproche
du type de la domination lgale53, la violence, commemoyen de
domination, est remplace par le procd juridique, bureaucratique, et
devient parl-mme invisible54.
9 Dans sa critique dune lecture, reprsente par Renate Mayntz55,
du type de bureaucratiewbrien, Tyrell indique que lactivit
bureaucratique en tant que telle, ds lors quelle est,de manire
primaire, programme sous forme conditionnelle, ne procde pas de
maniretypique en fonction de la rationalit de la finalit 56. La
programmation conditionnelle,dans lesprit dune succession de
conditions et de consquences, nest pas seulement le codersumant la
succession de lordre et de lobissance57, mais aussi la succession
prescrite deltat de fait et de la consquence juridique. Cest
pourquoi Weber utilise, et ce nest pas parhasard, limage de
lautomate du droit, qui sapplique certes au juge, mais est
galementutilisable pour le fonctionnaire de ladministration,
automate dans lequel on insre, enhaut, le fait et ses cots, afin
quil recrache en bas le verdict et les motifs58. Limage
dedistributeur de droit ou darticles de lois fait penser aux
juristes de ladministration forms luniversit, tel que les a
notamment produits lAllemagne59. Elle vise aussi le
spcialistehumainement impartial, et donc rigoureusement objectif60
qui dcide selon des rglescalculables universelles et quil faut
ainsi considrer interchangeable par principe, parceque nimporte
quel fonctionnaire form dans sa discipline fonctionne de la mme
manire,dautant plus que le formalisme sinscrit dans lessence de
toute formation juridique, ycompris celle des juges et des
fonctionnaires dadministration, si lon ne veut pas
cultiverlarbitraire61. Limage du distributeur de paraphes, appliqu
la bureaucratie moderne, serapporte toutefois aussi au
fonctionnement prcis, univoque, linaire, toujours li desrgles et
donc prvisible de lexcution bureaucratique des [] affaires
administratives62 ;cest la raison pour laquelle Weber conserve
aussi lancienne mtaphore de la machine63 oude la mcanisation64. La
mcanisation, dans ce contexte, renvoie moins luniformit delactivit
commande65 quau dressage mcanis et linsertion de lindividu dans
unmcanisme auquel il ne peut chapper et qui le force suivre66 la
fois en tant quecause et consquence de la discipline, dont, aux
yeux de Weber, la bureaucratie passe pourlenfant le plus rationnel,
notamment en raison de son objectivit imperturbable, cequi la rend
en mme temps vulnrable la tentation de se mettre la disposition de
toutpouvoir qui rclame son service67. linverse, la machine
bureaucratique, comme nimportequelle autre, engendre galement des
contraintes dadaptation dune nature particulire, aussibien chez les
bureaucrates eux-mmes que chez ceux qui dpendent de leurs
prestations,notamment dans le domaine de la prvoyance. Ceci est
aussi favoris par linclination desfonctionnaires traiter dans un
sens matriel et utilitaire les tches dadministration qui sont
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 6
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les leurs au service du bonheur des administrs68, tches qui
rpondent aux revendicationsdes catgories dfavorises. Dune manire
gnrale, la bureaucratie peut perdre son caractreinstrumental de
servante de la politique et gagner en autonomie, dans la mesure
oelle parvient se soustraire la prtention de la politique diriger,
en sappuyant sur sesconnaissances spcialises et fonctionnelles par
principe suprieures69. Cela dit, la bureaucratiemoderne se
distingue justement par une srie de mesures prventives qui visent
toutes assurer son caractre instrumental: les fonctionnaires sont
ainsi avant tout coups des moyensdadministration et ne peuvent
prtendre tre propritaires de leurs fonctions. Il faut toujoursse
rappeler que Weber adopte une attitude ambivalente lgard de la
bureaucratie moderne.Dune part, il accorde la domination
rationnelle lgale (dont la bureaucratie serait le type leplus pur)
la capacit de principe de transformer et de varier ses rgles. Cette
aptitude placeltat moderne en situation de maintenir lappareil
bureaucratique flexible et adaptable dansdes conditions gnrales en
changement ce qui est du reste aussi lune des conditions pourque
ltat en formation puisse se librer des liens du traditionalisme70.
Dautre part, Weberparle galement des stratgies opposes des
bureaucrates, visant dfendre leurs acquis et refuser dapprendre,
dont de nombreuses tudes empiriques sur la bureaucratie ont
depuisdmontr lexistence dans une prtendue rfutation de Weber 71. La
revalorisation dela rationalit matrielle que lon peut observer en
mme temps est la fois la cause et laconsquence dune autonomisation
de la bureaucratie, qui dans la mesure o sa rationalitformelle
sabsolutise retombe dans des modles pr-rationnels72. Cela ne semble
donc pastre un hasard si la bureaucratie de Kafka, qui prsente ce
type de traits absolutistes ,rpond ne serait-ce que pour cette
raison aux caractristiques traditionnelles de la
bureaucratiepatrimoniale73 ou si des organisations bureaucratiques
(administration des cadres)74 de lancienbloc de lEst ont plutt t
considres la lumire du type de la bureaucratie
traditionnelle75.Limage kafkaenne de la bureaucratie comme appareil
technique ayant tendance intgrertoujours plus largement des aspects
de notre existence autrefois [] grs de manire libre etnaturelle,
les aspirer dans ses chambres, casiers et sous-casiers76 est
facilement compatibleavec les visions quavaient Alfred et Max Weber
dune machine bureaucratique que loncroit capable, dans certaines
conditions, de fabriquer lhabitacle de [la] servitude des
tempsfuturs77. Pareille gyptisation de la socit mene de manire
rationnelle semble pourWeber se situer dans le domaine du possible
dans la mesure o pour les sujets devenushommes dordre78, une
administration aux mains de fonctionnaires, une administrationet
une intendance bonnes du point de vue technique, autrement dit
rationnelles, [sera] luniqueet ultime valeur [qui] dcidera de la
manire dont leurs affaires doivent tre menes79.
10 Outre les consquences de la bureaucratisation que nous venons
brivement daborder, Webertraite avant tout des conditions de sa
gense et de ses tendances la propagation. Labureaucratie comme
phnomne moderne est apparue en Occident en mme temps quuneconomie
montaire et quun capitalisme en formation80, lequel avait intrt
obtenir lascurit du droit et la prvisibilit, deux qualits qui
favorisent leur tour ce capitalisme et quela rationalit formelle de
la bureaucratie et du systme de droit (qui lui correspond) est le
mieux mme de garantir81. La cration darmes permanentes (sur le
continent)82 et ladministrationfiscale ncessaire leur financement83
ont tenu une part considrable dans la constructionet lextension dun
appareil moderne dadministration et de fonctionnaires84, une
techniqueavance dans le domaine de linformation et des transports
et, dune manire gnrale,lextension quantitative et qualitative
considrable des missions de ltat85, notamment dansle domaine de la
prvoyance86. Selon Weber, la bureaucratie moderne doit son triomphe
sa supriorit technique sur des formes pr-modernes de
ladministration, ou des formesdexercice honorifique de celle-ci87.
La bureaucratisation universelle et inluctable88 neconcerne pas
seulement des entits, comme les partis (de masse)89 et les
administrationslocales90, mais aussi des pays comme lAmrique qui,
jusqualors, ne connaissaient pasde corps de fonctionnaires forms et
professionnels91. Dans ce contexte, Weber parlemme dune
europanisation de lAmrique 92 ; il estime que toute dmocratie
dun
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 7
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grand tat , y compris donc la dmocratie amricaine, se dveloppera
pour devenir unedmocratie bureaucratise de la mme manire que le
socialisme rationnel93, en tantqualternative technique au
capitalisme rationnel94, ne reprsente quun surcrot
debureaucratie.
III.11 Le modle de bureaucratie souvent cit de Weber, et pour la
construction duquel il a utilis
des publications sur la bureaucratie prussienne95, prsente les
caractristiques suivantes:
1. Les affaires administratives sont organises la manire dune
entreprise ,elles sont excutes de manire linaire et selon des rgles
fixes. La directionadministrative saccomplit selon des rgles
abstraites ( statutaires ) qui rendentlaction administrative
impersonnelle, mais plus calculable;
2. les affaires administratives sont organises selon le principe
de la division du travail,selon des comptences fixes96 qui
3. sont intgres dans une hirarchie administrative;4. les moyens
de ladministration et du fonctionnement ne sont pas la proprit
personnelle
des bureaucrates,5. et le dtenteur dune fonction ne peut pas se
lapproprier.6. Le principe en vigueur est celui de larchivage des
dossiers [Aktenmigkeit] (rgle de
lcrit).7. Les membres dune direction administrative ainsi
caractrise nobissent quaux
devoirs de leur charge et sont soumis une discipline
administrative et des contrlesrigoureux et homognes. Ils sont
recruts sur la base dune qualification professionnellequi suppose
une formation particulire et qui est atteste par des examens
(diplmes)97.Le fonctionnaire spcialis exerant sa fonction comme
profession principale estnomm, et employ par contrat; il est tenu
une obligation de fidlit envers sa fonction,dont la signification
est souligne par des particularits analogues des privilges: unposte
garanti vie, un ddommagement prenant la forme dun traitement, la
perspectivedune carrire en fonction de lanciennet ainsi que la
perspective dune assurancevieillesse (pension)98.
Les caractristiques numres ici composent une construction
idaltypique. Il sagit doncdune formation de pense de nature
heuristique. On nglige souvent cet aspect, peut-treaussi parce que
les propos de Weber sur la bureaucratie moderne ont, dans la partie
anciennede la sociologie de la domination et dans ses textes
politiques, plutt un caractre descriptif,des analyses historiques
et structurelles sy mlant aux perspectives sociales globaleset
internes lorganisation 99. Si lon accepte que lidaltype est au
service dun intrtheuristique concret100, cette construction devient
un instrument (de connaissance). Cela devientclair si lon se
rappelle que lorganisation rationnelle de ladministration et du
travail sontpour Weber des structures centrales de la civilisation
occidentale moderne. La rationalisationformelle et lexistence dun
type dhomme spcialis101 renvoient une objectivation de ladomination
des hommes sur les hommes, qui reprsente quant elle la spcificit
dune culture centre sur la matrise du monde et non sur ladaptation
au monde 102
(perspective de comparaison historique et perspective sociale
globale)103. En ce sens, il existeun lien manifeste avec la thorie
wbrienne de la rationalisation, laquelle se rapportent, ilest vrai,
aussi bien sa sociologie de la domination que son modle de
bureaucratie. Si lon serfre la problmatique que Weber a formule
dans son Avant-propos:
Quel enchanement de circonstances a conduit ce que lOccident
prcisment, et lui seul,ait vu apparatre sur son sol des phnomnes
culturels qui se sont inscrits dans une direction dedveloppement
qui a revtu [] une signification et une validit
universelles104,
et si lon se rappelle que Weber compte au nombre de ces phnomnes
culturels, entre autres,les fonctionnaires spcialiss,
ladministration moderne (rationnelle) et ltat moderne105,
onpourrait parfaitement comprendre que si lon dsire traiter la
problmatique mentionne plushaut en tenant compte du phnomne de
civilisation quest la bureaucratie moderne, il faut
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 8
Trivium, 7 | 2010
mener entre autres une analyse orientation comparative de la
bureaucratie moderne et desformes pr-modernes de lactivit
administrative, et lon a besoin pour cela dinstrumentsappropris qui
permettent de dmontrer la diffrence postule du niveau de
rationalit. Danscette mesure, le modle de la bureaucratie reprsente
le type de bureaucratie rationnelle auquelon oppose, sous forme
comparative (perspective structurelle), une forme
pr-rationnelle(patrimoniale) de la bureaucratie106 ou des types
alternatifs du point de vue structurel (commeladministration par
les notables), afin de pouvoir classer des formes historiquement
existantesde lactivit rationnelle dans la catgorie du plutt
rationnel ou du plutt non-rationnel107.Comme pour toute
comparaison, on augmente le gain de connaissances, mais les propos
ainsiobtenus ne peuvent pas tre absolutiss, comme cest assez
souvent le cas dans lutilisation dela citation qui suit. La
supriorit de la bureaucratie moderne est en quelque sorte
relativisedelle-mme par la comparaison:
Un mcanisme bureaucratique pleinement dvelopp se comporte leur
gard [cest--dire lgard des autres formes, N.d.l.A.] exactement
comme une machine lgard des typesnon mcaniques de production de
biens. Prcision, rapidit, univocit, principe de larchivage,linarit,
discrtion, homognit, subordination rigoureuse, conomies de
frictions, de cotsobjectifs et personnels sont ports loptimum dans
le cas dune administration rigoureusementbureaucratique, et
spcifiquement: monocratique, exerce par des fonctionnaires
individuels, parrapport toutes les formes dexercice collgial,
honorifique ou comme activit secondaire108.
12 Si le patrimonialisme politique fonctionne comme type
contrastant au niveau de la perspectivestructurelle, il peut aussi
servir de point de dpart pour un mode dobservation
historiquepratiqu la lumire de la thorie de la rationalisation et
qui, de manire analogue laproblmatique formule par Weber dans son
Avant-propos, sinterroge sur lenchanementde circonstances grce
auquel ltat patrimonial a pu bnficier, en Occident,
dopportunitspour devenir un tat rationnel109. Sur la base de la
partie ancienne de la sociologie de ladomination, de celle des
travaux consacrs par Weber lthique conomique des
religionsuniverselleset laide de sries de concepts idaltypiques 110
de types fondamentauxtraditionnels ou de types de formes
particulires (ville, hirocratie), on peut reconstituer desstades
dvolution idaltypiques de la patrimonialisation en Occident, par
contraste avec desstades dvolution dans les empires
moyen-orientaux111, afin de faire comprendre ainsi lavraisemblance
de linvraisemblable: la formation moderne de ltat112. Un double rle
semblechoir aux sries de concepts idaltypiques. Dune part, elles
servent comprendre lematriau historique traiter ; dautre part, on
peut grce elles et des fins heuristiquesconstruire des volutions
sur le plan de lidaltype113. Il sagit dun procd recevable,
selonWeber, pour autant que lon ne mlange pas thorie et histoire,
que lon ne les confondepas et a fortiori que lon ne combine pas la
construction idale dun dveloppementet la classification
conceptuelle didaltypes de certaines structures culturelles [] en
uneclassification gntique et que la srie des types qui en rsulte
napparaisse pas commeune succession historique de types obissant la
ncessit dune loi114.
13 On devrait prsent avoir clairement compris que le modle de
bureaucratie de Weber estconstruit en fonction de la problmatique
qui lintresse particulirement au sein des sciencesde la culture:
celle de la rationalit spcifique lOccident115, qui est caractrise
par une sriede phnomnes culturels propres celui-ci. Ne pas en tenir
compte conduit des malentenduset des erreurs dinterprtation. Il
arrive assez frquemment que le modle bureaucratiquesoit aussi
prsent comme une description exacte de la ralit , parce que
certains deses caractres permettent de dcrire les structures
dorganisation de ladministration publiqueou des principes
traditionnels de la fonction publique professionnelle. Cest
mconnatre lafonction de lidaltype, comme aussi son application
prescriptive dans lesprit dun modle dela manire dont il faudrait
modeler certaines organisations. Ce qui, en revanche, correspond la
fonction de lidaltype, cest la procdure propose pour le travail
historique proprementdit, et que Weber lui-mme a toujours respecte
: dterminer (dans chaque cas particulier)combien la ralit se
rapproche ou scarte de ce tableau idal116. On pourrait citer
commeexemple, en portant son regard vers les tats-Unis dune part,
llection des fonctionnaires par
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Trivium, 7 | 2010
les domins117, dautre part laffirmation selon laquelle, en
Prusse, la noblesse est parvenue affirmer sa position dominante et
dsactiver les rgles dune carrire et dune promotionau mrite118, ce
qui conduit, dans les deux cas, entreprendre des coupes dans le
niveau derationalit pos comme aune par lidaltype. Dune manire
gnrale, il faut accepter lideque des phnomnes tels que la
bureaucratie cooprative, qui ne rgne pas mais ngocie,doivent tre
considrs comme un passage lirrationnel119 dans le cadre de
rfrencefix par Weber, ne serait-ce quen raison de la logique de
construction qui caractrise leprocessus de rationalisation, et mme
si les ngociations satisfont pour leur part aux critresde
rationalit120.
IV.14 Bien que Weber oriente sa typologie de la domination en
fonction de certaines diffrences
de base dans les fondements gnraux de la validit de la
domination (lgitimit),il se concentre, dans ses plus anciennes
tudes de sociologie de la domination, sur lespiliers extrieurs de
celle-ci, cest--dire sur la question de lorganisation et du modede
fonctionnement de la domination121. Cela concerne en premier lieu
le rapport entre leseigneur et la direction administrative,
cest--dire entre la direction politique et lappareilbureaucratique,
une thmatique dans laquelle les domins tiennent un rle marginal. La
placecentrale est tenue par consquent par le secteur de ralit
constitu par les confrontations entrele seigneur et la direction
(lutte) pour lappropriation ou lexpropriation des pouvoirs
dedomination ou des moyens administratifs, ce qui, en raison de
lissue par principe incertaine decette lutte de pouvoir, permet de
tenir compte de la catgorie de la contingence,
hautementsignificative pour la comprhension que Weber a de
lvolution historique.
15 Lorsquil aborde la bureaucratie moderne, Weber discute du
rapport tendu entre la politique(direction politique) et
ladministration suivant trois thmatiques principales. Le cas idal
dela (1) domination par le biais dune direction administrative
bureaucratique dans laquellelappareil a un caractre purement
instrumental, peut, dans le quotidien administratif et
souscertaines conditions, se muter en une (2) domination de la
direction administrative, ou enune domination du corps des
fonctionnaires dans laquelle lappareil bureaucratique a prisson
autonomie lgard de la direction politique. Enfin, il existe (3) une
domination desfonctionnaires dans laquelle la direction politique
nest pas entre les mains de politiciensprofessionnels
traditionnels122 montrant passion, sentiment de responsabilit et
sens de lamesure123, mais entre celles de fonctionnaires qui ne se
proccupent pas de politique ou delutte pour le pouvoir124.
16 Parmi les conditions structurelles qui aident assurer le
primat de la politique, on trouvela sparation, constamment mise en
relief par Weber, entre ladministration et les moyensobjectifs de
fonctionnement et dadministration. Pour ne pas se livrer entirement
lasupriorit des connaissances spcialises et lies au service, le
dilettante au pouvoirinvente la solution de la formation dune
direction (Stabsbildung)125, cest--dire du contrledes experts par
des experts (issus de lorganisation fonctionnelle), ce qui entrane
un conflitpermanent entre spcialistes et gnralistes. Il y a plus
important encore que ce type decontrle: les prcautions et mesures
institutionnelles laide desquelles on peut rduire lasupriorit dont
dispose la bureaucratie sur le parlement en matire de connaissance,
ou dontcelui-ci reoit des possibilits de contrle efficaces sur
ladministration126. Concrtement,Weber pense linstitution de
commissions parlementaires efficientes et lintroduction dudroit
denqute127 ; dune manire tout fait gnrale, il juge ncessaire une
progressionde la parlementarisation et de la dmocratisation (pour
prvenir aussi une domination desfonctionnaires).
17 Mme si, dans la bureaucratie moderne, il y a une sparation
entre les fonctionnaires, dunct, les fonctions et les moyens
dadministration de lautre, mme si les fonctionnaires sontrecruts
selon des critres objectifs (qualification spcialise), une
bureaucratie revendiquantses connaissances sur ses domaines de
spcialisation, son service et ses procdures et secomportant ainsi
en acteur politique, peut se drober au contrle exerc par lexcutif
et
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 10
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le parlement. Weber avait sous les yeux une volution de ce type,
avec lexemple duconstitutionnalisme fictif de la Prusse et de la
Russie. Ce nest pas seulement la suite deson entranement et [de] sa
scolarisation spcialise et rationnelle128 que la bureaucratiea
acquis un caractre inluctable sans prcdent, dautant plus que ses
formesirrationnelles (bureaucraties patrimoniales), une fois
tablies, comptaient au nombre desentits sociales les plus difficile
dtruire129. La question de linfluence quexerce unebureaucratie
moderne forme sa discipline et hautement spcialise sur la politique
a toujourst un thme de la recherche sur la bureaucratie130. Mais ce
nest que tout rcemment que lona men une tentative, aussi
problmatique soit-elle, pour tudier empiriquement le
potentieldinfluence des bureaucraties ministrielles sur la
politique (cabinet, direction de dpartement;parlement)131.
Mentionnons-la malgr tout brivement ici, parce que lon y opre une
tentativeinstructive de distinguer trois possibilits de prise
dinfluence. Dans la phase de dcisionpr-politique, la bureaucratie a
la possibilit ou bien de mettre elle-mme certains thmes lordre du
jour (fixation dagenda ou bureaucratic free enterprise), ou bien
dinfluencerselon ses propres conceptions la mission assigne par la
politique (interaction stratgique); dela mme manire, dans la phase
post-politique de la mise en uvre, la possibilit de prciserles lois
promulgues par des dcrets dapplication dtaills conformes ses
conceptions(drifting bureaucratique). Comme la recherche sur
limplmentation la suffisamment montr,ladministration excutive a la
possibilit dinterprter ou de transformer son gr lavolont du
lgislateur132.
18 Weber a vcu de manire immdiate, sous la forme du Reich
wilhelmien, la domination desfonctionnaires, cest--dire le fait que
les positions politiques dominantes soient occupespar des
fonctionnaires. On pouvait lexpliquer, pour lessentiel, par un
parlementarismeinsuffisamment dvelopp qui ne se prtait pas servir
de plateforme au choix des chefspolitiques, ainsi que par
lexistence dune bourgeoisie qui ne dtenait pas la volont depouvoir
et ne produisait pas une culture politique adapte qui aurait pu tre
utile laprofession de la politique133. Parce que Weber, dune manire
gnrale, appelait de sesvux une parlementarisation et en particulier
un renforcement du parlement, ainsi quuneabrogation de la clause
dincompatibilit de larticle 9 de la Constitution du Reich134,
ildiscernait des facteurs dcisifs dont on peut rendre responsable
la proportion importantede fonctionnaires dans les positions
politiques dirigeantes, et dont on peut aussi dire quilsont t
confirms empiriquement. Comme la montr Lang pour la France et
lAllemagne(1871-2000), cest--dire pour des pays dots dune tradition
tatiste marque, les membresdu gouvernement se recrutaient plutt
dans ladministration lorsque la position du parlementtait faible
dans la structure de pouvoir de ltat135. En dautres termes, avec le
pouvoir duparlement et des partis (monta) aussi la part des hommes
politiques exerant des fonctionsexcutives, qui provenaient de leur
milieu136. Le lien troit entre la proportion leve defonctionnaires
au sein du gouvernement et la clause dincompatibilit137 est en
outre confirmpar des tudes empiriques et comparatives
internationales138 et vaut tout particulirement pourle Reich
wilhelmien139. En Allemagne fdrale, une fonction ministrielle est
compatibleavec un sige au parlement, cest mme pratiquement la rgle,
de la mme manire que lechancelier fdral est lu par le parlement.
Dans cette mesure, le parlement a gagn uneimportance considrable
pour ce qui concerne le recrutement de membres du
gouvernement140,et linverse le passage de positions administratives
dlite vers la politique est extrmementrare141.
19 Cest contre la domination des fonctionnaires et la politique
bureaucratique qutaient orientes les revendications wbriennes142
introduction du suffrage universelgal, parlementarisation mais
aussi sa proposition visant faire lire les chefs politiquespar
plbiscite afin de faire contrepoids une bureaucratie toute
puissante dont il taitconvaincu du caractre inluctable et de la
capacit survivre. Il se trouve cependant quecest justement le
concept wbrien de la domination charismatique des chefs que lon
nacess de critiquer. Des interprtes minents de Weber, comme
WolfgangJ. Mommsen, ontmme jadis affirm quil avait contribu donner
au peuple allemand la volont mentale
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dacclamer un chef, et donc aussi, dans cette mesure, Adolf
Hitler143. On a cependant pulire depuis, chez Mommsen, que derrire
la construction unilatrale et maints gards tropaccaparante de la
dmocratie plbiscitaire du chef [plebiszitre Fhrerdemokratie]
setrouve galement le motif du maintien possible dun ordre libre
dans un monde qui tend la ptrification144. Mommsen sest ainsi
rapproch de la position de Breuer, pour lequel leconcept de la
dmocratie plbiscitaire des chefs ne se situe pas dans une continuit
avec lenational-socialisme, mais reprsente au contraire la
tentative aussi problmatique soit-elle de domestiquer les tendances
charismatiques de la dmocratie de masse moderne145. Alencontre de
la sociologie wbrienne de la domination dans sa formulation
tardive, on peutcependant argumenter avec Mommsen que mme si elle
se donne encore pour neutre dansde vastes domaines, elle prsente
cependant des tonalits politiques qui refltent effectivementles
expriences contemporaines (phase de naissance de la Rpublique de
Weimar), maisqui sont galement issues de la philosophie pessimiste
de lhistoire de Weber. Celle-ci estperceptible dans lide que seule
une figure de chef dote de charisme pourrait retenir, voireempcher
le remplacement ou ltouffement de la politique par des objectifs et
des routinesdirigs par la bureaucratie.
V.20 Si lon jette un regard sur la longue liste des textes
consacrs au New Public Management
(NPM), il semble que lon ait assign au modle wbrien de
bureaucratie le rle de faireressortir, comme un modle contrastant,
la supriorit et la contemporanit du concept deNPM146. Ses
caractristiques sont pourtant aussi trangres la ralit que le modle
debureaucratie idaltypique de Weber, parce quelles restituent les
intentions dune philosophiede la rforme147. Si, en revanche, lon
fait appel des tudes sur la recherche europenne,lon a une opinion
inverse sur la possibilit dy intgrer Weber. Lepsius interprte ainsi
lesrflexions de Weber sur la bonne forme institutionnelle donner la
relation entre parlementet gouvernement, entre bureaucratie et
direction politique, entre efficience et dmocratie la fin de
lempire de Guillaume II, comme un programme danalyse des
institutions et dela politique des institutions148, qui peut aussi
sappliquer la construction et lextensionde lUnion Europenne. Lintrt
que Weber prsente pour nous repose sur lactualit deses
problmatiques et sur la base mthodologique de ses propositions pour
une solutiondu problme149. Le programme de Weber pour une
rorganisation de lAllemagne sur labase dune thorie des institutions
contenait des propositions en vue dun ordre institutionneldans
lequel, dune part, dans la mise en uvre de certaines proprits du
systme unedomination du parlement pouvait fixer des limites une
domination de la bureaucratie eto, dautre part, en cas de conflits
dintrt, on garantissait la capacit de prendre unedcision. Mais si
lon garantissait la pluralit des intrts et lacceptation des
conflits, unepoursuite consistante et long terme de valeurs
spcifiques150 semblait toutefois possible;on devrait ds lors
procder de manire analogue pour le modelage de lUnion Europenneet
se demander quelles comptences devaient tre confies quel organe,
par le biais dequelles possibilits ces comptences devaient tre
contrles et les nouveaux ordres europenslgitims, et quelles
consquences vraisemblables ces ordres devraient sattendre.151
Avecce recours Weber sur le plan de la thorie des institutions,
mais aussi avec cette conception,qui se rfre elle aussi lui, visant
considrer lUnion Europenne sociologiquementcomme un groupement de
domination (europen et en devenir) 152, Lepsius a montrque lon peut
analyser lUnion Europenne en utilisant Weber, mme si son modle
debureaucratie ne correspond pas la forme de direction
administrative existante,laquelle sedistingue par des directions
composes de fonctionnaires multinationaux engags dans unecoopration
internationale durable et disposant en outre de structures de
communication etde coordination informelles particulires153.
Lactualit de Weber tient avant tout la questionquil pose: celle des
conditions structurelles complexes qui tendent encourager une
prisedautonomie de ces groupements de fonctionnaires, augmentant
ainsi considrablement leschances dune politique bureaucratique
(dans le sens dune domination du corps des
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 12
Trivium, 7 | 2010
fonctionnaires) dans le quotidien de ladministration. Pour
simplifier, on peut mentionner lessuivantes conditions
structurelles gnrales dune politique bureaucratique dans le cadrede
lUnion Europenne. Le premier niveau des commissaires (collge des
commissaires),avec leurs cabinets (dots dune fonction de
direction), a en dessous de lui un deuximeniveau de lappareil
dadministration et des fonctionnaires (directions gnrales ;
services)que lon peut dcrire au mieux laide de caractristiques qui
correspondent aux principesstructurels traditionnels des
organisations administratives bureaucratiques154. A un
troisimeniveau sest form, avec le nombre incalculable des
commissions, une bureaucratieparallle155 constitue de rseaux
administratifs et dinstances intertatiques gres par
desfonctionnaires (bureaucratie de fusion)156 qui ne se plient pas
aux structures bureaucratiquestraditionnelles. Dans ces rseaux
horizontaux [], les reprsentants du gouvernementsont au contraire
intgrs, avec la participation de groupements privs et dexperts,
dansun cadre de contact et de communication dlimit sur le plan
institutionnel, continuel etlargement informel, qui dissout la
structure tatique traditionnelle des espaces de comptencechelonns
hirarchiquement et prsentant une imputabilit relativement
transparente dela responsabilit et de la comptence 157. ce troisime
niveau, dans le pass commeaujourdhui, est aussi accumul le savoir
spcialis, de service et de procdure, cest lque lon collecte et
produit le savoir 158, dautant plus que par le biais des
rseauxdadministration intertatiques (Wessels) qui y sont
disponibles, on peut faire appel auxstocks dinformation des acteurs
nationaux159, de telle sorte que cette supriorit [] enmatire de
savoir (Weber) permet une politique bureaucratique mene en bonne
partie lcart du parlement:
chappant peu prs lobservation du public, lombre de tous les
contrles politiques etdmocratiques, traverss par une philosophie
(ou une idologie) managriale et technocratiquede rsolution des
problmes, accessible aux pressions dintrts organiss, notamment
no-corporatistes, ce sont presque exclusivement des fonctionnaires
et des eurocrates, avec laparticipation dexperts scientifiques
discrtement coopts au sein de petits aropages informels etopaques,
qui prennent les dcisions sur des questions sociales et politiques
de grande porte []dans lespace dintgration europen.160
VI.21 Pour terminer cet aperu consacr ltat et la bureaucratie
chez Weber, il faut
rappeler avec Lepsius que la sociologie de Weber associe
lactivit sociale des acteurs la structuration de la coordination de
laction et aux contextes du sens donn par sesorientations161. Selon
Lepsius, on ne doit cependant pas considrer cette
tridimensionnalitcomme une analyse plusieurs niveaux:
lactivit sociale se droule au contraire au niveau des acteurs
[], dans des contextesdactions structurs et se rfrant des valeurs;
le niveau de la coordination de laction pardes rgles, des
organisations, des groupements et des institutions se rfre toujours
aux contextesqui apportent une lgitimit au niveau du sens et
lactivit sociale dacteurs; le niveau desvaleurs culturelles
regroupe des combinaisons multiples dides de valeur dans une
slectionextrmement diverse, en tant quorientations de laction et
lgitimations dorganisations.162
Dans cette mesure, Weber, avec ses concepts, veut apprhender des
processus et non des entitscollectives, raison pour laquelle on lit
aussi dans lessai sur les catgories, en termes concis etramasss:
Pour la sociologie, il ny a, derrire la notion dtat [], que le
droulementdune activit humaine dune espce particulire163. Weber a
expliqu ce quil entend par ldans une lettre Robert Liefmann le
9mars 1920, en linformant par ailleurs de sa volont demettre un
terme lactivit ininterrompue qui travaille avec des concepts
collectifs:
La sociologie ne peut elle non plus tre pratique quen partant de
lactivit du, ou des, quelquesou nombreux individus, cest--dire de
manire strictement individualiste dans la mthode[]. Ltat, dans le
sens o lentend la sociologie, nest que la possibilit que certaines
espcesdactivits spcifiques aient lieu, lactivit dindividus
dtermins. Rien dautre []. Llmentsubjectif, ici, est le suivant:
lactivit est oriente vers des valeurs dtermines. Lobjectifque nous
les observateurs portions ce jugement: il existe une chance que
cette activit, orientesur ces valeurs, existe. Si elle nexiste
plus, ltat nexiste plus164.
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tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 13
Trivium, 7 | 2010
22 Un tel concept processuel de ltat, centr sur des orientations
daction dtermines165, esttaill la mesure de transformations la fois
conscientes et induites par des changementsde signification166, de
telle sorte que mme des transformations radicales qui dnotent
unemodification du rle de ltat167 peuvent ainsi tre apprhendes par
son intermdiaire.La cristallisation presque exclusive de lintrt sur
le modle de bureaucratie wbrien apratiquement empch que lon prte
attention sa conception de ltat, centre sur laction.
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Notes
1 Weber, WuG, p.29 [E&S, p.97]. Dans les commentaires de
cette dfinition, Weber dit explicitementque ce concept de ltat vaut
pour ltat moderne entirement dvelopp (ibid., p. 30). Weber lui-mme
indique (ibid., p. 636 ; MWG I/22-4, p. 411) que le concept moderne
de ltat nest pasapplicable des formes pr-modernes de structures
politiques (par exemple : fodalisme, tat desordres [Stndestaat] ),
mme sil utilise de manire trs libre le concept d tat . Voir
Breuer(1993), p.207. Parmi les autres textes illustrant son concept
de ltat, citons MWGI/17 (Politik alsBeruf), notamment p.157-160,
p.162sqq., p.166sq.: [] que ltat moderne est un groupement
dedomination de type institutionnel (anstaltsmig) qui sest efforc
et a russi monopoliser, lintrieurdun territoire, la violence
physique lgitime comme moyen de domination, et qui a rassembl
cettefin entre les mains de ses dirigeants les moyens matriels de
lentreprise, tandis quil expropriait tous lesfonctionnaires qui, en
vertu des droits propres des tats (Stnde) disposaient jadis de faon
autonomede ces moyens, et quil sest mis leur place au sommet de
ltat. [trad. de C.Colliot-Thlne, SP,p.127sq.]. galement : MWGI/15
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460-467 [trad. fr.: OP, p.307sq.];MWGI/16 (Deutschlands knftige
Staatsform). Parailleurs: WG, p.289sqq., GARSI, p.3sq.
(Vorbemerkung): Dune faon gnrale, ltat au sensdune institution
(Anstalt) politique dote dune constitution tablie rationnellement,
dun droit fixrationnellement et dune administration conduite par
des agents spcialiss conformment des rglestablies et rationnelles,
cest--dire des lois. [SR, p.492sq.]. Cf. ibid. (Einleitung),
p.267sq.,272sq.; MWGI/19, p.119sq., 124sq.; GARSI
(Zwischenbetrachtung), p.547sq. [trad. fr.: SR,p.410-460]; MWGI/19,
p.491sq.2 Anter (1996), p.13.3 WL, p.466sq. [ETS, p.325sq.].4 WuG,
p.429sqq.5 WuG, p.28 [E&S, p.27].6 Sur les difficults qui
rsultent dune application universelle du concept de groupement
politique parle principe territorial intgr la dfinition, voir
Hermes (2003), p.90. Sur la signification du principeterritorial
lgard du concept de politique, voir Tyrell (1999), p.283.7 WuG,
p.28 [E&S, p.27]; WL, p.468sq. [ETS, p.330]. Il faut rappeler,
avec Hermes (2004), p.222sq.,que chez Weber, lordre reprsente un
concept gnrique dont le droit est considr comme une sous-espce.
Voir WL, p.445, note1 [ETS, p.354]. Les institutions statutaires de
ltat (rationnel) sont,de ce point de vue, du droit. Sur la
problmatique associe au concept dordre: Anter (2004), p.86sqq.8
WuG, p.449: Depuis la rvlation charismatique de nouveaux
commandements, le chemin le plusdirect de lvolution mne, via
limperium, la cration de droit par le statut convenu et octroy.9
WL, p.440 [ETS, p.347] ainsi que Gephart (1990).10 WL, p.440 [ETS,
p.347]; WuG, p.6sq. [E&S, p.39sq.].11 WL, p.466 [ETS, p.386].12
Mayntz (1968); Derlien (1989). Ce que lon appelle la thse de
lefficience est rpandu, voirpar exemple Beetham ([1987], p.14sqq.)
qui crit ce propos: Weber believed that the definingcharacteristics
of bureaucracy were also necessary conditions for administrative or
organizationalefficiency. En rgle gnrale, on prsente aussi le modle
de la bureaucratie comme un prototype deschma de la fin et des
moyens. Voir Hoffmann (1981). Kieser (1999) est une exception,
entre autres
-
tat moderne et bureaucratie moderne chez Max Weber 21
Trivium, 7 | 2010
parce quil prsente parfois les unes ct des autres, sans les
lier, des interprtations fort diffrentesmises par des experts de
Weber.13 Hermes (2005); en se rfrant Schnberger (1997).14 Hermes
(2005), p.18-21; Schnberger (1997), p.21-120, ainsi que dj Speer
(1978), p.37-41.galement Mayer (1908), p.53sq., 68-70. Pour les
juristes dont il est question dans le texte, le pouvoirde volont de
ltat est toujours un pouvoir de domination. La conception
monocentrique, focalisesur le pouvoir dtat comme centre de volont
dominatrice concrtisait ltat [] dans lactivitorganique de mise en
ordre et dadministration mene par les organes de ltat incarnant le
pouvoirdtat (Herms [2005], p.19; ainsi que Hanke [2005], p.4sq.)
Voir aussi Stolleis (1992), p.330sq.(Mthode juridique et thorie
constitutionnelle du Reich); galement Ellwein (1990). Lapprochede
Laband suscita des oppositions. Otto von Gierke et Fritz Stoerk,
notamment, critiqurent sa manirede rduire ltat au point de
focalisation juridique dun pouvoir dtat exclusivement exerc du
hautvers le bas (Stolleis [1992], p.345; galement Hanke [2005],
p.9sq.; Boldt [2001]). Sur linfluencede Jellinek sur Weber, cf.
Breuer (2004). Il faut toutefois rappeler que Weber, pour ce qui
concerne sonconcept du pouvoir et de la domination (WuG, p.28,
p.544; MWGI/22-4, p.135) est galement li des classiques que les
ombres du Reich imprial natteignaient pas. Lorsque Gerhardt
([1996], p.18)attire lattention sur le fait que le pouvoir nest
comprhensible que dans des contextes intentionnelset dit ce propos
que de la mme manire quaucun pouvoir ne peut tre reprsent sans une
volontagissant travers lui, la volont se dcompose elle aussi
lorsquelle perd son pouvoir ; elle devientune volont impuissante et
donc un simple souhait. Cette cristallisation conceptuelle sur la
volont,qui caractrise chez Weber le concept de pouvoir tout comme
celui de domination (comme expressionde la volont et par l-mme
comme commandement), montre justement quel point il fait appelaux
classiques. Pour Kant aussi, au bout du compte, la volont est un
commandement (citdaprs Gerhardt (1996), p.222sq.). Laffinit lective
avec Saint Augustin est tonnante (Gerhardt[1996], p.44): Le pouvoir
vritable, on peut comprendre Augustin ainsi, est un pouvoir de
domination(dominandi potestas). Il part dune volont et est orient
sur une autre volont, ne misant sur rien dautre,en loccurrence, que
sur lintelligence du soumis. tonnant aussi, le paralllisme entre la
dfinition dela domination chez Weber (WuG, p.544; MWGI/22-4, p.135)
et lidal dobissance des bndictins:Lacte est accompli en fonction de
lobissance, lorsque la chose commande est excute; selon lavolont,
lorsque celui qui obit dsire la mme chose que celui qui commande;
selon lintelligence,lorsquil ressent la mme chose que celui-ci, en
sorte quil considre lordonn comme tout fait bon.Et lobissance est
imparfaite si, ct de lexcution, nexiste pas aussi luniformit du
dsir et de lasensation entre celui qui commande et celui qui obit
(Balthasar [1961], p.376). Rappelons que Weber,lui aussi, (WuG,
p.544sq., MWG1/22-4, p.135sq.) tient dj compte pour la chane
causale entrelordre et son excution, de lempathie, autant que de
lintuition, ou mme de la persuasionrationnelle. Dans cette mesure,
la dfinition de la domination (WuG, p.544; MWGI/22-4,
p.135)comporte dj une sorte daccord de lgitimit. Sur le concept de
domination chez Weber, cf. aussiTyrell (1980).15 Cette rduction du
champ de vision conditionne par la terminologie (tat
institutionnalis)pourrait galement tre mise en relief dans la
critique de Weber par Knbl ([1988], p.353sq.) dans lecontexte des
analyses comparatives des socits, celles de la Prusse, de
lAngleterre et de lAmrique.Avec lAngleterre et lAmrique, il a
consciemment intgr dans la comparaison des pays qui nont pasproduit
de bureaucratie patrimoniale, mme si les premiers germes en ont
exist en Angleterre (WuG,p.390, [SD, p.192], 560; MWGI/22-4,
p.180).Voir aussi Herms (2003), p.185sq., 191.16 WuG, p.6 [E&S,
p.42, trad. mod.].17 Hesse (1987), p.79; cf. aussi Anter (1996),
p.95; Wilke (1997); Hill (1997), p.65sq.18 Schluchter (1972),
p.74.19 WuG, p.128 [E&S, p.297].20 Dans les commentaires au 15
des Concepts fondamentaux de la sociologie, (WuG, p.28,
alina1[E&S p.94]) Weber parle par exemple de la continuit dune
activit en finalit).21 MWGI/15, p.452sq.; MWGI/17, p.163sq. [OP,
p.323sq.].22 Particulirement instructifs sur ce point, les propos
que lon trouve chez Hermes (2003), notammentp.84-92, 140-151, qui
contrairement Breuer (1993) , ne part pas de deux notions de ltat
conuesdiffremment. La divergence rsulte du fait quHermes refuse une
lecture qui dduit de lessai sur lescatgories une opposition entre
institution et groupement et considre plutt linstitution comme le
casspcifique rationnel du groupement (Hermes [2003], p.84-91). On
peut dautre part opposer Hermeslide que chez Weber, il existe
aussi, ct du concept troit, moderne, de linstit