-
Ernest Pignon Ernest, La Commune ou Les Gisants, 1971,
Paris,Interventions in situ
Ernest Pignon Ernest est un artiste français, né en 1942 à Nice,
qui réalise de nombreux dessins in situ. Une œuvre in situ est une
œuvre qui est créée pour un lieu précis et qui ne fait sens que
dans ce lieu.
L'oeuvre en général :
Ici, Pignon Ernest a réalisé une série de dessins, qu'il a
ensuite reproduits en de nombreux exemplaires grâce à la
sérigraphie. Ces dessins ont été collés sur certains murs de la
ville de Paris, en 1971. Ils représentent des « gisants », allongés
les uns à côté des autres. Leur grand nombre forme une œuvre
monumentale.
La Commune de Paris :
La Commune de Paris est une période insurrectionnelle : les
ouvriers parisiens se sont insurgés contre le gouvernement, pour
assurer, dans un cadre municipal et sans recours à l'État, la
gestion des affaires publiques.Elle a duré 2 mois (du 18 mars 1871
au 28 mai 1871). La dernière semaine (du 21 au 28 mai 1871) est
considérée comme une « semaine sanglante » : les pavés parisiens
ont été jonchés de milliers de cadavres après une violente
répression.
La IIIe République française est née sur les décombres de la
Commune de Paris. L'histoire officielle ne veut pas s'encombrer de
ces milliers d'hommes et de femmes, morts pour des idées. Mais pour
Pignon-Ernest, les fantômes du passé ne doivent pas être oubliés :
selon lui, ils s'immiscent dans les brèches des bâtiments et de
l'espace urbain pour resurgir dans le présent, car certains lieux
sont chargés d'une histoire qui ne demande qu'à être rappelée.
Pour aller plus loin, n'hésite pas à consulter cet article de
l'encyclopédie Larousse sur internet :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_Commune/114248
Une œuvre engagée :
Pignon Ernest prend position dans ce travail : il rappelle les
événements sanglants de la Commune de Paris, qui ont eu lieu en
1871, soit cent ans auparavant. C'est en interpellant les passants,
par l'effet de surprise né de la rencontre avec ces dessins et par
la dimension mortuaire de ces personnages allongés et ensanglantés,
qu'il dénonce la manière dont se sont déroulés ces deux mois de la
Commune.
Par cette intervention, le but de l'artiste n'est pas seulement
de rappeler ou de rendre hommage, mais aussi de créer une prise de
conscience, pour agir sur le temps présent.
Caractéristiques des dessins :
Ces dessins sont en noir et blanc. Pourtant, ils sont très
réalistes : les personnes sont représentées avec beaucoup de
détails, notamment au niveau du modelé (travail de l'ombre et de la
lumière). Ils sont reproduits à échelle humaine et semblent presque
réels. Lorsque l'on passe dans la rue face à eux, on peut donc être
surpris.
Croquis préparatoire
Vue des marches de la Butte Montmarte
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_Commune/114248
-
Une œuvre in situ :
Pignon Ernest considère que chaque lieu est chargé d'une
histoire, d'un vécu. Les murs gardent la mémoire du passé. Il tente
donc, par son travail, d'évoquer à nouveau les événements qui se
sont déroulés dans ces lieux. Il a notamment choisi d'installer des
centaines de dessins sur les marches qui mènent à la Basilique du
Sacré-Coeur, dans le quartier de Montmartre, car c'est un lieu qui
a été au cœur des événements durant la Commune.
Le choix des escaliers n'est pas un hasard : les passants,
ignorant pour la plupart les événements de mai 1871, gravissent les
marches où sont collées les sérigraphies et illustrent ainsi, sans
le vouloir, la répression de la Semaine Sanglante et l'histoire
piétinée de la Commune.
D'autres lieux de Paris ont été investis par l'artiste durant
cette même intervention. Ces lieux ont été choisis pour la part
qu'ils ont pris dans des luttes pour la liberté. Pignon Ernest
explique :
« Pour le centenaire de la Commune en 1971, (…) j'ai collé
plusieurs centaines de sérigraphies à travers la ville dans les
lieux qui conservent le souvenir d'événements historiques tragiques
liés aux luttes pour la liberté : à la Butte-aux-Cailles, autour du
Père Lachaise où ont été dressées les dernières barricades de la
Commune, mais aussi au métro Charonne qui a été pour moi, pour ma
génération marquée par la guerre d'Algérie, une tragédie
essentielle dans notre prise de conscience. Traiter de la Commune,
c'était dire aussi la permanence des espoirs qu'elle portait : de
là le choix de lieux liés à des événements plus contemporains.
»
NB : durant la Commune, la basilique du Sacré-Coeur n'existait
pas encore.
Cette intervention fait aussi référence aux récents événements
de mai 68, une autre sorte de révolution.
Vocabulaire :
In situ : in situ signifie dans le lieu en latin. Les œuvres in
situ prennent en compte le lieu où elles sont installées comme
point de départ et matériau de l’œuvre. L’œuvre n’est alors ni le
lieu en lui-même, ni l’intervention qui y a été effectuée, mais la
relation entre les deux. L’œuvre n’existe que dans et par ce
lieu.
Gisant : statue funéraire représentant un défunt couché (souvent
placée sur un monument funéraire).
Sérigraphie : La sérigraphie est une technique d’imprimerie qui
utilise des pochoirs placés sur un écran de tissu et interposés
entre l’encre et le support d'impression.
Monumental : se dit d'une œuvre immense et très imposante.
Vue de l'installation nocturne des dessins au métro CharonneVue
des marches du métro Charonne (Paris XXème)
-
Quelques autres œuvres d'Ernest Pignon Ernest
Les expulsés , 1979, Paris, Interventions in situ
Ces dessins ont été collés sur certains murs de la ville de
Paris, en 1979. Ils représentent des personnes expulsées de leur
logement. Dans ce travail, Pignon Ernest prend donc position : il
dénonce ces expulsions, il critique la situation inhumaine qui est
imposée à ces gens, qui se retrouvent du jour au lendemain sans
logement.
A leur sujet, Pignon-Ernest affirme :« A l'origine, il y a deux
choses : d'une part, mes parents, qui habitaient Nice, avaient été
expulsés de leur logement (...) où ils avaient probablement
toujours vécu et où j'avais moi-même passé mon enfance. J'en avais
ressenti la douleur que l'on éprouve à être chassé des lieux de son
histoire.D'autre part, durant cette période de 1975 à 1980, il y a
eu beaucoup de rénovations dans Paris. Je trouvais saisissant,
bouleversant, ces immeubles éventrés, cette mise à nu, cette
projection aux yeux de tous des traces de l'intimité de la vie des
gens. (...) Ces espaces déterminés par les traces des planchers et
des cloisons peuvent apparaître aussi comme une organisation de
couleurs, de matières, de lignes : ces murs font irrésistiblement
penser à des recherches plastiques, qui plus est chargées
d'émotions et de souvenirs ».
Les Cabines , 1996-1999 : Les Cabines présentent des silhouettes
réalistes et grandeur nature installées dans des cabines
téléphoniques. Le choix de ce lieu constitue un paradoxe : c'est un
lieu de communication, alors que les personnages dessinés ne
communiquent pas. Soit ils sont endormis, soit leur cri semble
bloqué par l'espace clos. La cabine téléphonique, qui peut être un
abri pour des SDF, devient aussi une sorte de cage en verre.
Par cette intervention, l'artiste cherche à rappeler la
situation précaire de ces personnes sans domicile fixe, et fait
prendre conscience que, sans habitat réel, elles n'ont également
aucune intimité : elles sont livrées aux regards de chaque passant,
lorsque ceux-ci veulent bien leur prêter attention.
L’œuvre d’art n'est pas le dessin : c'est la cabine perturbée
par l’irruption d’un bout de fiction grâce au dessin : ce n’est ni
la sérigraphie ni la cabine à l’état pur. En effet, Pignon-Ernest
définit ainsi sa démarche artistique : « Tout mon travail, c’est un
bout de réalité un peu perturbé par l’inscription d’une fiction
dedans ».
Soweto , Durban, Warwick, Afrique du Sud, 2002 :
Ce travail commémore la révolte des sud-africains noirs,
réprimée par le sang dans l'apartheid, le 16 juin 1976. Il
s'inspire d'une photographie emblématique d'un garçon de 12 ans,
qui est, dans la photographie originale, porté dans les bras d'un
homme. Il transforme cette image de départ : c'est désormais une
femme qui porte un homme, à l'image d'une pièta. (statue
traditionnelle du christianisme, qui représente Marie portant son
fils mort, Jésus).
-
Questionnaire :
Pourquoi peut-on qualifier Ernest Pignon Ernest d'artiste engagé
? /3
............................................................
...................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
Pourquoi ses œuvres sont-elles in situ ? /3
......................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
Selon toi, quel est l'effet créé par son œuvre La Commune sur le
spectateur ? /3 ...........................................
...................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
En quoi ses dessins sont-ils réalistes ? En quoi voit-on que ce
ne sont que des dessins ? /2 ...........................
...................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
Quelles sont les ressemblances entre un gisant et les
sérigraphies de La Commune ? Justifie ta réponse en t'aidant de
cette photographie d'un gisant . /3
....................................................................................................................
....................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
Choisis une autre œuvre de Pignon Ernest et compare-la avec son
intervention La Commune : /3
...................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
Ernest Pignon-Ernest réalise toujours ses sérigraphies sur du
papier très fin et très fragile. Ainsi, ces papiers ne résistent
pas au temps et les œuvres sont éphémères. Pourquoi est-ce
intéressant ? /3
...................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................
Note : /20