Introduction Alors que pendant des décennies, les entrepreneurs ont pu créer et développer des produits sur un marché essentiellement domestique, dans un rayon d’action certes variable (du service de proximité à l’ensemble d’un territoire national), le phénomène de mondialisation (ou plutôt de globalisation) est en train de transformer l’environnement des entreprises. Les enjeux ne concernent pas que les grandes firmes diversifiées ou, selon certains modèles d’évolution, les entreprises ayant atteint un certain stade de développement. On constate une part croissante d’entreprises en émergence s’adressant d’emblée aux marchés internationaux (McDougall, Shane, Oviatt, 1994). Si l’on semble s’accorder aujourd’hui pour reconnaître la singularité des contextes des processus entrepreneuriaux et la nécessité de les modéliser pour apporter des connaissances à la fois théoriques et pratiques (Verstraete, 2002), on peut se questionner sur la spécificité de l’entrepreneuriat s’adressant à un marché international, voire global. L’objectif de notre communication est de contribuer à cerner le champ de l’entrepreneuriat international, en nous questionnant sur la singularité du processus correspondant. La question, issue de notre « terrain de recherche », est la suivante : dans quel processus s’inscrit un entrepreneur qui s’oriente assez rapidement vers un marché international et quelles conditions favorisent ce choix ? Cette question constitue le point central d’une problématique construite dans le cadre d’une thèse en 1
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Introduction
Alors que pendant des décennies, les entrepreneurs ont pu créer et développer des produits sur
un marché essentiellement domestique, dans un rayon d’action certes variable (du service de
proximité à l’ensemble d’un territoire national), le phénomène de mondialisation (ou plutôt de
globalisation) est en train de transformer l’environnement des entreprises. Les enjeux ne
concernent pas que les grandes firmes diversifiées ou, selon certains modèles d’évolution, les
entreprises ayant atteint un certain stade de développement. On constate une part croissante
d’entreprises en émergence s’adressant d’emblée aux marchés internationaux (McDougall,
Shane, Oviatt, 1994).
Si l’on semble s’accorder aujourd’hui pour reconnaître la singularité des contextes des
processus entrepreneuriaux et la nécessité de les modéliser pour apporter des connaissances à
la fois théoriques et pratiques (Verstraete, 2002), on peut se questionner sur la spécificité de
l’entrepreneuriat s’adressant à un marché international, voire global.
L’objectif de notre communication est de contribuer à cerner le champ de l’entrepreneuriat
international, en nous questionnant sur la singularité du processus correspondant. La question,
issue de notre « terrain de recherche », est la suivante : dans quel processus s’inscrit un
entrepreneur qui s’oriente assez rapidement vers un marché international et quelles conditions
favorisent ce choix ? Cette question constitue le point central d’une problématique construite
dans le cadre d’une thèse en cours et l’état d’avancement que nous livrons ici comporte trois
parties.
La première partie de ce texte présente notre acception de l’entrepreneuriat et des
modélisations de types processuelles qui lui correspondent pour, ensuite, exposer le contexte
au sein duquel nous l’étudions : l’international. Enfin, nous évoquerons l’avènement d’un
nouveau champ de recherche : L’entrepreneuriat international. La seconde traite de la notion
de processus d’internationalisation dans ce cadre théorique. Nous verrons que le contexte
entrepreneurial remet au moins partiellement en cause la théorie processuelle
d’internationalisation dite d’Uppsala (Johanson & Vahlne, 1977, 1990). Enfin, dans une
troisième et dernière partie, nous évoquerons les résultats issus de notre travail empirique qui
permettent d’éclairer ce phénomène et d’apporter un certain nombre de réponses à notre
question de recherche.
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1. Le processus entrepreneurial dans un contexte international
L’entrepreneuriat est vue tantôt comme un phénomène, tantôt comme un processus.
L’apprécier comme phénomène permet d’en avoir une connaissance partagée, comme un
processus d’en offrir des modélisations adaptées au contexte au sein desquels il se manifeste.
Dans nos travaux, ce contexte est d’une couverture relativement large puisqu’il concerne
l’international. Ce qui nous conduira à évoquer le champ de recherche, relativement récent de
l’entrepreneuriat international.
1.1. L’entrepreneuriat : Du phénomène au processus
L’entrepreneuriat est un phénomène relevant, selon les auteurs, de la détection d’une
opportunité (Shane, Venkataraman, 2000), de la création de valeur nouvelle (Bruyat, 1993) ou
encore de la création d’une organisation (Gartner, 1985, 1995 ; Verstraete, 1997, 2003). C’est
à cette dernière conception que nous adhérons, plus particulièrement à la proposition faite par
Verstraete considérant le phénomène comme unissant dans une relation de symbiose un
entrepreneur à l’organisation impulsée par celui-ci : « l’entrepreneur impulse le phénomène
en agissant au sein de la structure dans laquelle il évolue, pour tenter de concrétiser la vision
qu’il se fait de l’organisation ». Ainsi, un niveau cognitif, un niveau praxéologique et un
niveau structural servent la compréhension du phénomène et l’auteur en offre la
représentation théorique suivante :
PhE = f [( C x P x S ) (E x O)]⊂
« L’apport des recherches sur le phénomène s’appuie : sur la compréhension des
connaissances de l’entrepreneur le conduisant à entreprendre (C) ; la singularité des actions
appelées par l’acte (P) ; la structure des contextes au sein desquels le phénomène émerge (S) ;
l’entrepreneur (E) en tant qu’individu, notamment son histoire de vie et autres aspects
généraux (dispositions, affectivité, émotions…) permettant de mieux le connaître ;
l’organisation impulsée (O). Autrement dit, un programme de recherche en entrepreneuriat
vise à apporter des connaissances sur chacune des dimensions (C, P, S), sur leurs interactions,
et sur la relation à laquelle elles s’appliquent, à savoir l’entrepreneur et l’organisation
impulsée (E et O). » (Verstraete, 2003, p.16). L’auteur insiste également sur le besoin de
modéliser les processus correspondant aux différentes manifestations de ce phénomène,
rejoignant ainsi les autres auteurs francophones dont les travaux sont des efforts de
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modélisation de type processuel (Bruyat, 1993 ; Hernandez, 1999 ; Deschamps, 2000 ;
Fayolle, 2000).
Qui dit processus, dit temps. Même si ce temps n’est pas strictement balisé, on peut
considérer qu’il y a un début, une fin et entre les deux, une série d’étapes séquentielles ou
cycliques. Le modèle d’un processus de gestion considère les variables qui s’intègrent à
chaque étape du processus (ex. construction du réseau, dimension du marché…).
L’observation d’un processus présente l’avantage de considérer le caractère dynamique et
l’interaction des variables entre elles (Verstraete, 1999 ; Fayolle, 2000). Plusieurs variables
entrent ainsi en jeu, chacune pouvant relever du profil de l’entrepreneur, du secteur d’activité
ou du contexte d’action. L’interaction de ces variables se cristallise dans des étapes que des
travaux ont tenté de mettre à jour.
Stevenson et Gumpert (1985) décrivent le processus entrepreneurial sous forme de 5 étapes.
Les auteurs se réfèrent à une approche par les ressources (ressource-based view) :
- L’identification d’une opportunité d’affaires,
- la mise en place d’une stratégie et d’un plan d’affaire (business model) pour capitaliser
sur cette opportunité,
- l’acquisition et le développement de ressources pour exécuter cette stratégie,
- le contrôle de ces ressources,
- le choix de la meilleure structure organisationnelle.
Hernandez (1999) décrit quatre stades (initiation et maturation d’une idée, décision et
finalisation stratégiques). Le modèle de processus de gestion entrepreneurial de Filion (1997)
comporte 5 éléments pas nécessairement séquentiels : Apprendre, vérifier, animer,
architecturer et visionner. Celui de Bruyat (1993) se décline en plusieurs étapes : Prise de
conscience, intention, engagement et action de créer avec une certaine irréversibilité. L’auteur
introduit la notion de configuration stratégique instantanée perçu par le créateur pour illustrer
la modélisation du processus d’engagement dans un projet de création d’entreprise. Sammut
(1998) s’intéresse plus particulièrement à une des phases du processus entrepreneurial qu’elle
nomme phase de démarrage, laquelle se poursuit par la phase de croissance. L’auteur délimite
ce démarrage entre le moment où l’entreprise réalise ses premières commandes et celui, plus
flou, où le créateur adopte une gestion systémique, et atteint le seuil de rentabilité (Sammut,
1995). Dans un article plus récent, elle revient sur cette notion de démarrage dans un contexte
international (Sammut et Torrès, 1997).
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Après avoir précisé notre acception de l’entrepreneuriat et du processus qui lui est lié, nous
nous penchons, dans la partie suivante, sur le contexte dans lequel nous plaçons notre objet :
la mondialisation.
1.2. L’entrepreneuriat dans la mondialisation
Dans le langage courant, le terme de mondialisation n’est que la traduction française de
globalization. Pourtant, Urban (2000) nous rappelle que dans la langue française, deux
vocables sont utilisés pour évoquer le même processus : Mondialisation et globalisation. Alors
que le premier, plus ancien, renvoie à la notion d’espace, de frontière et de références
nationales, il ne touche qu’une partie minoritaire de la population. Le second prend un sens
plus radical. Par nature et en profondeur, la globalisation concerne tous les aspects de la vie et
touche un très grand nombre de personnes dans le monde. Il s’agirait en quelque sorte d’une
intensification du phénomène de mondialisation, lui-même initié par les désirs coloniaux des
états souverains au XIXème siècle. On parle alors de mondialisation globalisée. « Avec la
globalisation, une nouvelle architecture organisationnelle de la société mondiale se construit
». (Urban, 2000, p. 4).
Le phénomène de mondialisation fait désormais partie de notre quotidien. Il n’est pas un jour
où les médias n’évoquent telle ou telle conséquence liée à ce phénomène. Il n’est pourtant pas
perçu de façon uniforme. Pour les uns, le terme n’a pas de résonance et le profit qu’ils tirent
des offres satisfaisant leurs attentes sans cesse renouvelées les conduit à ne pas se poser de
questions à ce propos (Verstraete 2002). C’est devenu « naturel ». Pour d’autres, ce
phénomène perturbe leurs activités économiques puisque localement, ils se voient envahis par
ces offres qu’ils étaient auparavant les seuls à fournir à leurs proches clients. Enfin, il y a ceux
qui y perçoivent des opportunités d’élargir leur espace d’action ou de construire une offre
s’adressant d’emblée à l’international. Les décisions politiques internationales induisent de
plus en plus de possibilités d’échanges et de communications transfrontalières. A ce propos, si
la notion de frontière reste cohérente d’un point de vue géographique pour la plupart des
régions du monde, elle est moins perceptible à des niveaux économiques, politiques, voire
culturels (entreprises multinationales, zones de libre échange, marchés communs, accès à
l’information via le réseau Internet, etc.), comme le montre les manuels de géopolitique ou de
management international.
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Deux facteurs essentiels sont à l’origine de cette évolution : D’une part, les barrières
protectionnistes et les contraintes structurelles liées aux politiques nationales tombent petit à
petit. Nous assistons globalement à un phénomène qui facilite l’accès aux marchés, et
corrélativement à de nouveaux fournisseurs potentiels.
D’autre part, mais les deux phénomènes sont liés, les avancées technologiques de production,
de transport et surtout de communication permettent un accès plus facile, meilleur marché,
plus rapide ou tout simplement possible à une grande variété d’informations, de biens et de
compétences inédits (Wright, 1999, Verstraete et Filion, 2001). Torrès (2000), dans un
chapitre qu’il consacre à l’entrepreneuriat face à la globalisation, parle d’horizon temporel
court et d’horizon spatial long pour caractériser la société de l’information dans laquelle nous
sommes entrés.
La combinaison de ces deux facteurs permet désormais aux plus petites structures d’avoir
accès à des informations et des marchés autrefois réservés à des structures d’une certaine
taille, capables de mobiliser une logistique ou une infrastructure lourdes. La mobilisation d’un
réseau participe de cette nouvelle opportunité offerte aux petites structures (Cooper, 2002), ou
aux entrepreneurs individuels qui peuvent ainsi créer d’emblée, dans un contexte global.
Alors que les grandes multinationales et les firmes entrepreneuriales fonctionnaient dans des
contextes voire des espaces de marchés différents, même si des relations d’affaires unissaient
souvent les premières aux secondes, la mondialisation permet aujourd’hui aux plus petites
structures de faire partie intégrante d’un marché global, jusqu’à exercer une véritable activité
concurrentielle, ou tout au moins une nouvelle forme de collaboration.
« Sans évacuer la forte présence de puissants groupes, les jeunes et les petites entreprises
disposent des outils permettant d'élargir les frontières de leur espace d'affaires, qu'il s'agisse
d'exporter ou de s'implanter en différentes régions du monde. Ainsi, on s'accorde à reconnaître
que l'international offre des occasions d'entreprendre qui ne sont pas réservées à la grande
entreprise ayant atteint une hypothétique taille adéquate, réalisé une baisse substantielle de ses
coûts et acquis une bonne maîtrise des technologies. […] Les volontés politiques, la
suppression graduelle des barrières protectionnistes ainsi que le développement et le transfert
des technologies facilitent les communications et donnent une plus grande accessibilité aux
marchés internationaux » (Verstraete, Filion, 2001, p. X).
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Dans ce nouveau contexte, les entrepreneurs doivent acquérir une meilleure connaissance du
marché international. Parallèlement, les plus grosses structures s’intéressent désormais aux
stratégies et aux processus entrepreneuriaux (Wright, 1999, p. IX).
Certains auteurs n’hésitent plus à inclure dans le champ de l’entrepreneuriat, certaines
activités, indépendamment de la taille ou de l’âge de l’entreprise, dès lors que celles-ci
présentent un caractère innovant, proactif et générateur de risque. (Mc Dougall & Oviatt,
2000). Les études dont il est ici question parlent généralement de Corporate Entrepreneurship,
ou d’Intrapreneuriat. Cette posture, très présente dans la littérature anglo-saxonne nous pose
la question de l’acception du terme intrapreneuriat.
Il nous semble que parfois la confusion est faite entre un comportement entrepreneurial
l’entrepreneuriat stricto sensu.
L’entrepreneur est, par nature, quelqu’un qui s’adapte au contexte ou qui le crée pour
développer de nouvelles opportunités d’affaires. Filion (1997) nous en propose une définition
descriptive : « Un entrepreneur est une personne imaginative, caractérisée par une capacité à
se fixer et à atteindre des buts. Cette personne maintient un niveau élevé de sensibilité en vue
de déceler des occasions d’affaires […]. »
Lorsque la donne environnementale change, il s’adapte aux nouvelles variables de son
environnement (marché, normes, contraintes ou levées de contraintes…). Ainsi, quand bien
même un entrepreneur se serait essentiellement intéressé à un marché local au tout début du
processus, la perception qu’il a de ses affaires peut changer d’une part parce que l’existence
de l’organisation peut révéler de nouvelles opportunités et d’autre part parce que l’interaction
qu’il a avec son environnement une fois les affaires engagées lui permet de sentir les
mouvances du marché. Le phénomène peut alors devenir international, évidemment à des
degrés différents de couverture géographique, mais il apparaît pertinent de considérer que la
mondialisation de marchés devrait avoir une incidence sur la fréquence, pour les jeunes
entreprises, d’une ouverture à l’international plus précoce qu’auparavant.
Comme le clame Wright (1999), l’entrepreneuriat international devient nouveau champ de
recherche.
1.3. L’entrepreneuriat international comme champ de
recherche
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La littérature traitant de l’entrepreneuriat international est relativement floue concernant sa
délimitation et certains auteurs semblent même faire preuve d’opportunisme plutôt que de
rigueur scientifique. Cet effort de délimitation est pourtant nécessaire pour que nous puissions
davantage cerner notre objet de recherche.
Un certain nombre de chercheurs se sont intéressés au rôle croissant de jeunes entreprises
dans un environnement international. Ils soutiennent que celles-ci deviennent des acteurs
décisifs de cette économie globale, dès les premières années de leur création.
En 1989, McDougall décrit l’entrepreneuriat international comme le développement de
nouvelles entreprises (international new ventures) qui d’emblée, s’engagent dans des affaires
internationales et dont la vision opérationnelle est, dès les phases initiales, orientée vers
l’international. En 1994, Oviatt et McDougall suggèrent que des entreprises naissent «
globales » et diffèrent d’entreprises devenues internationales, au gré du temps et de
l’acquisition de nouvelles compétences. Ils soutiennent que le contexte singulier de ces
organisations « nées globales » est un facteur suffisamment déterminant pour qu’un champ
théorique leur soit spécifiquement dédié. Nous verrons que ces auteurs reviennent sur ces
propos dans de plus récents travaux, pour élargir la notion d’entrepreneuriat international
(initialement réservé à ces entreprises « born global ») à toute entreprise faisant montre de
certains critères habituellement associés aux organisations en phase de création.
Zahra (1993) propose une autre acception : l’entrepreneuriat international est l’étude de la
nature et des conséquences de la prise de risque par des firmes qui se lancent sur des marchés
internationaux. Cette définition est plus large mais s’avère relativement vague, alors que le
champ appelle une délimitation non pas stricte, mais au moins suffisamment rigoureuse. Peu
ou prou des textes consultés dans la littérature anglo-saxonne, à propos de l’entrepreneuriat
international, ne proposent clairement et préalablement, une définition de chacun des deux
termes pris individuellement.
Deux champs de recherche sont régulièrement convoqués pour délimiter l’entrepreneuriat
international : le management international et l’entrepreneuriat (Dana, Etemad, Wright, 1999).
Zahra et George (2002) détaillent encore davantage les domaines dont elle est issue. Outre le
management international et l’entrepreneuriat, le management stratégique et la stratégie
internationale participent de l’étude de ce champ de recherche. Ce qui apparaît dans
Verstraete (2002), où l’entrepreneuriat international est présenté comme un des thèmes à la
jonction du management stratégique et de l’entrepreneuriat, donc comme une dimension clé
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dans la stratégie entrepreneuriale. Il convient néanmoins, avant de revenir sur ces différentes
contributions théoriques, de définir et de circonscrire un peu plus le terme d’entrepreneuriat
international.
Pour illustrer, certes de façon générique mais ce n’est qu’un premier temps, ce que pourrait
être un modèle de l’entrepreneuriat global, nous avons choisi l’adaptation de Torrès (2000) du
modèle de Verstraete (1997). Partant de la constatation que l’avantage de cette modélisation
réside dans son aspect dynamique et amendable.
Figure 1 : Modélisation de l’entrepreneuriat global (adapté de T. Verstraete, 1999)
Cette précision nous permet de prendre quelques distances avec l’acception de Zahra,
Jennings et Kuratko (1999) qui se contentent de définir l’entrepreneuriat comme un
phénomène organisationnel proactif, innovant et de prise de risque. Nous émettons également
certaines réserves vis à vis de la tendance à ne pas dissocier les notions d’entrepreneuriat et de
management des PME (Dana, Etemad & Wright, 1999). Enfin, nous ne sommes pas tout à fait
convaincus de l’approche plus récente de Mc Dougall et Oviatt (2000). Ces derniers appellent
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à une définition plus large de l’entrepreneuriat international, incluant l’analyse d’activités de
type entrepreneurial au sein d’entreprises établies. Ils suivent ainsi les recommandations de
Giamartino, McDougall et Bird (1993) qui défendaient déjà l’idée d’un élargissement de cette
définition.
Nous sommes en droit de nous interroger sur les raisons qui ont conduit notamment
McDougall à tenir des raisonnements parfois contradictoires en si peu de temps d’intervalle. Il
nous semble qu’il s’agit ici d’une question d’opportunisme empirique. Si cet argument est,
après tout, recevable, il eut été plus simple de l’annoncer sans équivoque. Il est vrai qu’il est
plus facile d’analyser ce que les entreprises font effectivement, plutôt que d’essayer de
déchiffrer les éventuelles intentions d’entrepreneurs individuels.
Cette remarque nous conduit à nous poser la question suivante : Est-il utile de définir un
nouveau champ de recherche tel que l’entrepreneuriat international, pour analyser des
comportements de prise de risque ou d’innovation à l’international par des organisations déjà
établies ?
Zahra et George (2002) insistent le fait qu’inclure l’analyse d’entreprises préexistantes au sein
du champ de l’entrepreneuriat international permet d’évacuer la présomption selon laquelle
les organisations pérennisées ne sont pas capables d’innover ou de prendre des risques.
Encore une fois, cette posture présente l’inconvénient de limiter la notion d’entrepreneuriat
aux seules variables de prises de risque et d’innovation. Cette mise au point nous paraissait
utile.
Nous avons vu que notre acception de l’entrepreneuriat diffère quelque peu de la définition
largement répandue dans la littérature anglo-saxonne. Il en est de même de la notion
d’entrepreneuriat international. Comme le soulignent d’ailleurs Zahra et George (2002), le
développement du champ de l’entrepreneuriat international repose essentiellement sur des
travaux américains. Ainsi, Mc Dougall et Oviatt (1997) dressent un inventaire détaillé de la
littérature anglo-saxonne et proposent un certain nombre de pistes de futures recherches dans
ce champ. Les études concernant d’autres régions (Autio et al., 2000 ; Holmlund and Kock,
1998) ne permettent pas d’établir une corrélation objective entre ces différents travaux.
Pourtant, certains chercheurs n’hésitent plus à remettre en cause le modèle d’entrepreneuriat
américain, qui règne tant sur le monde académique (la très grande majorité des revues étant
anglo-saxonne) que sur le monde économique (Kamdem, 2001, Valéau, 2001, Torrès, 2001).
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Ces auteurs, notamment, relèvent l’existence d’autres formes d’entrepreneuriat, moins ancrées
dans une idéologie individualiste et avide de profit, mettant en avant des valeurs davantage
sociales.
A travers une revue de littérature très détaillée, Etrillard (2004), démontre la distance entre le
courant de l’international entrepreneurship anglo-saxon et la vision des chercheurs français
s’intéressant aux itinéraires d’entrepreneurs à l’international. L’auteur propose de considérer «
l’activité internationale » comme une des modalités de décision stratégique de l’entrepreneur.
Ses conclusions corroborent l’analyse de Verstraete et Fillion (2001), même si ces auteurs
remarquent que la notion de strategic entrepreneurship semble se substituer à celle de
corporate entrepreneurship, dans les revues anglo-saxonnes.
Après la description de notre cadre de recherche, la prochaine partie s’intéresse plus
particulièrement à la théorie des processus d’internationalisation dans ce contexte. Puis, nous
verrons que ces théories d’internationalisation ne répondent pas forcément au contexte de
l’entrepreneuriat international.
2. Le processus d’internationalisation dans le contexte de
l’entrepreneuriat
Au cours de ces dernières années, et probablement en écho au contexte de mondialisation
dans lequel nous sommes entrés, il apparaît qu’un grand nombre d’articles scientifiques ont eu
trait aux différentes théories d’internationalisation.
La plus représentative d’entre elles, dite théorie d’internationalisation processuelle, a été
remise en cause à maintes reprises, en particulier au regard du contexte entrepreneurial.
2.1. La théorie processuelle d’internationalisation
Appelée aussi théorie d’Uppsala, du nom de l’Université dont sont issus ses principaux
chercheurs (Johanson & Vahlne, 1977, 1990), cette vision souligne le caractère incrémental
des processus de changement que subissent les entreprises. Une fois engagé, le processus
avance lentement et par étapes successives. De cette vision, les auteurs en ont déduit un
certain nombre de recommandations. Ils préconisent notamment que l’initialisation d’une
expansion internationale ne doit pas intervenir trop tôt dans le développement de l’entreprise.
(Eriksson, Johansson, Majkgråd & Sharma, 1997).
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Les modèles dit processuels s’inscrivent clairement dans la lignée de la théorie de Penrose
(1959). Ils utilisent son cadre théorique (accumulation de ressources / développement
commercial) comme base de travail à partir de laquelle ils analysent la croissance
internationale (Johanson & Vahlne, 1977, 1990 ; Eriksson et al., 1997). Ces modèles
décrivent le processus d’internationalisation comme un processus d’apprentissage. Les
opportunités d’affaires disponibles sont fonctions des ressources de l’entreprise et de sa
capacité à les exploiter. Et puisque la plupart des ressources sont cumulatives (à l’instar de la
connaissance par l’expérience), l’internationalisation est essentiellement présentée comme un
processus incrémental.
Ce cycle incrémental est régulé par deux facteurs principaux qui interagissent entre eux.
Lorsqu’une ressource est engagée sur un marché international, cela déclenche un processus
d’apprentissage par le truchement de la confrontation de l’entreprise aux conditions du
marché étranger. Ainsi, ce processus d’apprentissage résulte de l’accumulation de
connaissances sur l’organisation des marchés étrangers (Johanson & Vahlne, 1990). Au fur et
à mesure que cette expérience croît par accumulation des connaissances, l’entreprise peut
augmenter la taille et la vitesse de son engagement international. Lequel intensifie le
phénomène d’apprentissage de l’organisation des marchés étrangers, perpétuant ainsi la
boucle entre ces deux facteurs. Cependant, l’apprentissage par l’expérience est un phénomène
relativement lent. Il faut un certain temps avant que cette boucle rétroactive accélère
véritablement le processus.
Ce modèle s’inspire profondément de la théorie béhavioriste de Cyert & March (1963). La
notion de perception du management de la firme quant aux décisions de développement
international est donc un élément clé de la théorie processuelle d’internationalisation.
Eriksson et al. (1997) suggèrent que plusieurs petites méprises commises au cours d’un
développement international graduel permettent au management d’avoir une perception plus
réaliste, donc une action plus efficace, qu’une seule grave erreur perpétrée dans le cadre d’une
approche précipitée qui brûlerait les étapes préconisées. Ces auteurs insistent toutefois sur la
nécessité de valider empiriquement ces propositions. Mais ils soulignent que les structures et
les routines adoptées pour soutenir la croissance internationale doivent être adaptées
graduellement pour permettre un apprentissage des besoins des marchés étrangers, mais aussi
des capacités potentielles de l’entreprise.
Si cette théorie se concentre sur l’explication du processus d’internationalisation, elle ne
décrit pas vraiment comment ce processus est effectivement initié. On apprend juste que
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celui-ci n’intervient que lorsque la firme réagit à des demandes d’exportation non sollicitées.
Cette vision reflète un mode de fonctionnement relativement passif, axé sur le principe de
réactivité (Johanson & Vahlne, 1990). Ce qui contraste singulièrement avec le contexte
entrepreneurial, délibérément proactif. Ceci explique probablement pourquoi un certain
nombre d’auteurs du champ de l’entrepreneuriat remettent en cause cette théorie (McDougall,
Shane & Oviatt, 1994 ; McDougall & Oviatt, 1997).
Parmi les questions soulevées, on trouve notamment les interrogations suivantes :
- Le processus d’internationalisation de la firme doit-il impérativement débuter tardivement et
se dérouler de façon « incrémentale » comme le suggère cette théorie ?
- Un démarrage rapide (voire immédiat dans le cas des « born global » firms) est-il une
stratégie sinon recommandable, tout au moins possible et dans quelles conditions ?
- Et dans l’affirmative, quelles sont les ressources initiales qui influencent les éventuels
modèles d’internationalisation des firmes entrepreneuriales, contredisant ainsi la théorie
processuelle d’internationalisation ?
C’est dans cette perspective que certains auteurs définissent un nouveau champ de recherche :
L’entrepreneuriat international.
2.2. L’entrepreneuriat international, vers un nouveau
modèle d’internationalisation ?
Il existe désormais un certain nombre d’entreprises qui se lancent à l’international dès leur
création, particulièrement dans le secteur de la haute technologie. Cette réalité contredit les
conclusions de la théorie processuelle d’internationalisation. Nous verrons que, dans le détail,
divers facteurs contingents doivent être pris en considération et qu’il serait un peu hâtif de
rejeter cette théorie à la seule lumière de contres exemples, même significatifs.
Oviatt et McDougall figurent parmi les auteurs les plus prolifiques du champ de
l’entrepreneuriat international. Leurs travaux se penchent sur l’entrepreneur et son rôle de
décideur central de sa propre structure. Ce que Verstraete (1999) décrit comme une relation de
symbiose entre l’entrepreneur et son organisation. Nous l’avons vu, Oviatt et McDougall
(1997) soutiennent que les théories d’internationalisation existantes ne suffisent pas à
expliquer le phénomène d’internationalisation entrepreneuriale. Plusieurs constatations
militent, en effet, en faveur d’un développement international de plus en plus rapide. Il s’agit
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de l’accélération des moyens de transport et de la diffusion de l’information, de la suppression
graduelle des barrières protectionnistes qui conduisent à une certaine homogénéisation des
marchés, du développement et du transfert des technologies, mais aussi de l’accélération du
phénomène de mobilité internationale du capital humain et financier.
La notion de mondialisation y prend un sens particulièrement prégnant en offrant aux jeunes
et petites entreprises une plus grande accessibilité aux marchés internationaux, autrefois «
réservée à la grande entreprise ayant atteint une hypothétique taille adéquate, réalisé une
baisse substantielle de ses coûts et acquis une bonne maîtrise des technologies. […] »
(Verstraete & Filion, 2001).
Dans certains secteurs d’activité, l’idée d’entreprendre rapidement, voire dés l’origine, à
l’international devient une solution de plus en plus séduisante et concevable (Oviatt &
McDougall, 1997). Plus le niveau d’expertise et du savoir est élevé, plus le choix de
l’international paraît judicieux. Les entreprises dont l’activité correspond à ces critères de
niveaux de connaissance (knowledge-intensive firms) profitent des avantages d’une position
internationale en combinant des ressources intellectuelles, par essence très mobiles à d’autres
ressources, moins mobiles, mais économiquement avantageuses, pour saisir des opportunités
sur des marchés étrangers.
Pourtant, il existe des similitudes entre la théorie d’Uppsala et les concepts développés en
entrepreneuriat international. L’internationalisation précoce s’accompagne également d’un
processus d’apprentissage. Ce qui permet une accumulation (elle aussi précoce) de
connaissances reposant sur l’expérience, et subséquemment la mise en place de structures et
de routines au sein de la firme, lesquelles à leur tour soutiennent la croissance internationale.
On retrouve ici la même boucle rétroactive décrite par Johanson et Vahlne (1977).
La principale différence concerne le développement ultérieur de la firme et les conséquences
induites par le choix d’une internationalisation plus ou moins rapide sur ce développement
(Autio, Sapienza & Almeida, 2000).
McDougall & al. (1994) prétendent que les PME qui démarrent leur processus
d’internationalisation tardivement prennent le risque qu’un changement de direction de la
firme soit très consommateur de temps, en raison du phénomène d’inertie structurelle.
A la lumière de cette réflexion, ils préconisent qu’en amont de son projet
d’internationalisation, l’entrepreneur se pose la question suivante :
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« D’un point de vue stratégique, est-il plus opportun de créer une entreprise sur le marché
intérieur avec le projet d’une internationalisation ultérieure ou de créer une entreprise
internationale, dès son origine ? ».
D’un point de vue plus fondamental, les deux courants de recherche admettent que le
développement de la firme est dépendant de l’apprentissage, par le biais de l’accumulation
d’expériences.
Enfin, il ne faut peut être pas perdre de vue le fait que la théorie processuelle
d’internationalisation s’est développée dans un environnement international beaucoup plus
régulé qu’il ne l’est aujourd’hui. Les opérations internationales étaient plus limitées et les
compétences en management international, plus rares. D’autre part, les travaux empiriques
menés par Oviatt et McDougall (1997) s’intéressent à des entreprises à haut niveau
d’expertise (knowledge-intensive firms), au management probablement plus sophistiqué.
Alors que Johanson & Vahlne (1977) ont développé leur modèle à partir de PME suédoise
manufacturières. Le champ de recherche de l’entrepreneuriat international et l’élaboration
d’un modèle d’internationalisation adhoc est donc intimement lié au contexte de
mondialisation récent.
Mais quelles sont les variables qui permettent aux structures entrepreneuriales de justifier une
internationalisation rapide ?
A partir d’un travail empirique réalisé auprès d’entrepreneurs français s’inscrivant d’emblée
dans une démarche internationale, nous avons essayé de relever les spécificités liées à la
particularité de ce contexte.
Dans une approche de type constructiviste et dans un premier temps, nous avons cherché à
comprendre, à partir d’entretiens avec ces entrepreneurs, ce qui les avait conduit à adopter
cette posture d’emblée internationale, et dans un second temps, de souligner un certain
nombre de spécificités liées au processus « d’internationalisation entrepreneuriale » dans
lequel ces entrepreneurs étaient engagés.
L’objectif de ce travail exploratoire est d’essayer de déterminer les causes et les conséquences
d’un processus d’internationalisation entrepris par une organisation entrepreneuriale.
Plus précisément, nous verrons quelles sont les conditions déterminantes pour entreprendre
sur un marché d’emblée international et surmonter les écueils de cette démarche.
Dans un premier temps, nous évoquerons les contraintes spécifiques de ce processus. Puis
nous explorerons les différentes variables qui permettent de surmonter ces obstacles.
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3. Contraintes et solutions du processus
d’internationalisation entrepreneuriale. Quelques pistes
de réflexions empiriques.
Les jeunes organisations ont peu d’expérience opérationnelle. En entreprenant ou élargissant
leurs activités à l’étranger, elles doivent également faire face à des contraintes liées à ces
environnements moins familiers, donc plus incertains.
On le voit, les jeunes firmes entrepreneuriales qui s’internationalisent sont confrontées à la
conjonction de deux facteurs contraignants que sont l’inexpérience de toute nouvelle activité
associé au manque de maîtrise d’un milieu étranger. Ces deux variables avec lesquelles
l’entrepreneur doit composer constituent des sources de vulnérabilité pour la jeune entreprise.
3.1. La double contrainte de l’entrepreneuriat international
Contrairement à d’autres études concernant des entreprises récentes, ayant déjà par le passé
traversé avec succès des situations difficiles, nous nous sommes intéressés exclusivement à
des entreprises en phase de création ou dans les premiers stades de leur existence.
A l’opposé des PME et des Multinationales qui bénéficient déjà d’une longue expérience de
gestion et d’actions, que l’on pourrait appeler historique opérationnel, les firmes
entrepreneuriales sont confrontées à des contraintes internes et externes liées au phénomène
de nouveauté. Ce que les auteurs anglo-saxons désignent sous le terme de « liability of
newness » (Rhee, 2002).
En interne, le ou les membres d’une firme entrepreneuriale doivent remplir un rôle encore
largement inconnu. L’apprentissage organisationnel n’existe pas comme dans les entreprises
déjà établies. Autrement dit, puisque dans la plupart des cas, on se trouve face à une structure
créée ex-nihilo, il n’est pas possible de profiter de l’acquis antérieur de membres
expérimentés. Pour palier à cet inconvénient l’entrepreneur peut investir dans la formation.
Mais cette solution a un coût et engendre surtout une certaine inefficacité temporaire.
En externe, un des problèmes spécifiques à la jeune entreprise concerne les relations sociales
mises en oeuvre. Ces relations s’établissent sur la notion de confiance, laquelle demande en
général du temps pour s’établir. De ce fait, les firmes entrepreneuriales sont contraintes à
établir des contacts avec des étrangers (terme entendu dans le sens d’inconnus). Alors que les
entreprises établies entretiennent des liens tissés de longue date avec les personnes qu’elles
servent ou avec lesquelles elles échangent.
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Bien évidemment, le stade de développement de l’entreprise est un facteur important à cet
égard. Terpstra & Olson (1993) distinguent différents niveaux de problèmes liés au concept
de nouveauté, selon le stade de croissance de la jeune entreprise. Dans le contexte plus
particulier des nouvelles entreprises technologiques, Kazanjian (1988) montre que les 3
problèmes majeurs relevés dans la phase de croissance sont différents qualitativement et
quantitativement de ceux rencontrés dans les stades qu’il qualifie de conception et de
commercialisation.
Ces 3 problèmes majeurs concernent les activités de vente et de marketing, les systèmes
organisationnels et les relations humaines (les individus). Ces différences sont corroborées
dans l’étude menée par Terpstra & Olson (1993), sur des entreprises à croissance rapide, selon
qu’elles se trouvaient à un stade de démarrage (start-up) ou de croissance (growth).
Le deuxième facteur de contrainte est relatif à l’engagement de la firme sur des marchés
internationaux. Ce que la littérature anglo-saxonne désigne par le terme (sans équivalent en
langue française) de « foreignness » (Johanson & Vahlne, 1977 ; Zaheer, 1995) lorsqu’une
entreprise décide d’étendre ses opérations au-delà de son marché national.
Plusieurs variables interviennent autour de ce concept :
Il s’agit des différences culturelles, légales, institutionnelles et linguistiques, mais également
du manque de connaissances des conditions de marché local, et enfin du coût engendré par la
communication et les erreurs liées aux opérations à distance.
Bien entendu, ces éléments et leur degré de contrainte varient en fonction du type de région
ou de pays vers lequel s’oriente l’entreprise.
Ces inconvénients sont inhérents à toute firme opérant sur des marchés internationaux,
comme le montre certaines théories sur les Multinationales (Zaheer, 1995).
Pour palier à ces inconvénients, ces Multinationales doivent posséder un certain nombre
d’avantages concurrentiels face à leurs rivaux locaux.
Encore une fois, l’impact du facteur de « foreignness » est bien plus prégnant, lorsqu’il s’agit
d’organisations de petite taille, qui plus est lorsqu’il est question de firmes entrepreneuriales.
Dès lors, il convient de s’interroger sur les conditions qui permettent aux structures
entrepreneuriales de surmonter cette double contrainte ?
En d’autres termes, quels sont les avantages concurrentiels que ces jeunes firmes peuvent
mettre en avant pour leur permettre d’entreprendre une activité d’emblée internationale ou se
développer rapidement sur des marchés extérieurs ?
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3.2. Les variables favorables à l’internationalisation
entrepreneuriale
A partir d’un travail empirique, réalisé sur 11 entreprises en cours de création, sur des
marchés internationaux, nous avons identifié 3 sources d’avantages compétitifs : Le produit
(quoi), la stratégie (comment) et l’équipe entrepreneuriale (qui). Après une rapide justification
de la méthode choisie, nous présentons une synthèse des résultats obtenus sur le terrain.
3.2.1 Méthodologie et collecte de données
En sciences de gestion, comme en toute science sociale, chaque recherche s’appuie sur des
fondements épistémologiques et des méthodes de collecte de données, lesquelles dépendent
partiellement des conditions de production et de réception des discours scientifiques (Pailot,
2003).
Le premier principe du choix de la méthode est que celle-ci soit adaptée à la problématique de
recherche. Nous n’entrerons pas dans le débat scientifique sur la subjectivité relative des
méthodes qualitatives ou quantitatives. Remarquons simplement que ce critère de subjectivité
est inhérent à la recherche en sciences sociales. Si la collecte de données par entretiens ne
peut être exempte de biais subjectifs, dont il faut être conscient pour les relativiser, le choix
des échantillons dans l’élaboration d’un protocole de type quantitatif, est également sujet à
une certaine subjectivité.
Notre objectif de recherche est de comprendre un processus entrepreneurial spécifique. Or,
comme le souligne Eisenhardt (1989), les méthodes qualitatives permettent justement de
comprendre un phénomène, un objet, une situation. Par ailleurs, notre objet de recherche est
de par sa nature inadapté à un traitement méthodologique quantitatif. Les entreprises qui
créent leur activité sur un marché d’emblée international ne sont pas nombreuses et
difficilement identifiables, puisqu’elles n’ont pas encore de bilan, ne sont pas répertoriées
institutionnellement, voire n’ont pas encore déposé leur statut. Il ne s’agit pas ici de justifier
notre méthode de recherche par défaut. Mais de montrer que le choix n’a pas lieu d’être
puisqu’il est matériellement impossible d’envisager une méthodologie quantitative, en
l’occurrence.
Nous aurons donc recours à l’étude de cas, que l’on peut présenter comme l’archétype des
méthodes qualitatives. Selon Yin (1988), il s’agit d’une stratégie de recherche destinée à
observer un phénomène donné dans un certain environnement. Eisenhardt (1989) ajoute que
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cette méthode est particulièrement adaptée à l’étude de la dynamique d’un phénomène. Or,
notre objet de recherche s’intéresse au processus conjoint d’internationalisation et
d’entrepreneuriat. Nous avons vu que le processus impliquait la notion de temps. Le caractère
dynamique est bien une variable associée à la notion de processus. Plus précisément, l’étude
de cas permet une analyse d’un phénomène contemporain (par opposition à une reconstitution
historique, par exemple) dans un contexte réel (Yin, 1988). Encore une fois, notre objet de
recherche s’intègre parfaitement à cette proposition. Nous étudions des entreprises en cours de
création dans un contexte de marché international. Les critères de contemporanéité et de
réalité y sont très présents.
L’accès au terrain via l’entretien non directif : L’entretien permet l’étude des faits
dont la parole est le vecteur principal.
A la fois irremplaçable pour accéder à certaines connaissances dont l’intérêt est
manifeste pour la recherche, l’entretien est, paradoxalement, souvent remis en cause
d’un point de vue scientifique.
Pourtant, il permet d’éviter certains biais liés à l’anonymat des questionnaires, de
vérifier l’authenticité du discours et du locuteur ès qualités, de contrôler son intérêt
pour le sujet et de le mettre dans une situation de concentration mentale plus propice à
l’expression de ses schèmes de pensée. L’entretien permet au locuteur d’apporter sa
propre vision de la compréhension du sujet.
Parmi les différentes formes d’entretien, l’approche non directive facilite l’expression
du locuteur en favorisant sa propre prise en charge du problème. L’objectif est
d’obtenir un matériel discursif fiable (représentatif de la pensée du locuteur) et valide
(conforme aux objectifs de la recherche). L’entretien non directif de recherche est
défini par Blanchet et Gotman (1992) comme l’ensemble des conduites d’un
interviewer qui vise la production par un interviewé d’un discours continu et structuré
sur un problème donné.
A contrario, l’entretien focalisé, ou semi-directif, correspond davantage à une
démarche hypothético-déductive, où la grille d’entretien détermine par avance les
questions et les thème à aborder. Dans un entretien non directif, le rôle du chercheur se
borne à aider le locuteur à s’exprimer. Il intervient au début de la rencontre pour
présenter sa démarche, introduire son sujet et poser la ou les questions principales,
circonstanciées. Il n’intervient ensuite que pour recentrer, reformuler et accepter le
discours de l’acteur.
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L’entretien non directif est bien adapté à notre sujet, dans la mesure où, à priori,
l’objet de la recherche et l’implication personnelle du locuteur ne constituent pas des
facteurs particuliers d’inhibition ou de réserves.
L’Analyse de contenu des matériaux récoltés : L’analyse de contenu recherche les
informations qui se trouvent dans un texte ou un discours afin de dégager des sens
exploitables dans le cadre de la recherche menée.
Elle consiste à réduire les informations pour les catégoriser et les mettre en relation
avant d’aboutir à une description, une explication ou une configuration. Wacheux
(1996).
D’un point de vue technique, il s’agit, de retranscrire un ou plusieurs discours, de
définir les catégories de classement ou unités de significations émergeant du discours,
de réduire les données en des catégories analytiques pertinentes par rapport à l’objet
de recherche et d’en dresser une vision synoptique, sujette à une pratique
interprétative inéluctable.
Dans l’absolu, l’analyse de contenu est une méthode formalisée, standardisée et
objective d’analyse de discours.
Alors qu’à l’origine, l’analyse de contenu est née d’une volonté de quantification, il
est désormais admis de mener une analyse plus qualitative, dont l’objectif est
d’apprécier l’importance des thèmes dans le discours plutôt que de la mesurer, in
Thiétart (1999). Cette acception convient particulièrement à l’objet de notre étude.
Il existe deux grands types d’analyses de contenu en fonction des unités d’analyse
retenues : les analyses lexicales (s’intéresse à la nature des mots) et les analyses
thématiques (la phrase est l’unité d’analyse). D’après L Bardin (1993, cité par
Thiétart, 1999). Nous adopterons cette deuxième option. L’unité de codage des
catégories choisie se présente sous la forme de thèmes en concordance avec notre
unité d’analyse retenue.
3.2.2 Résultats
Première variable : Le produit.
Etant donné qu’une des particularités de la contrainte liée au concept de nouveauté réside
dans l’absence de connaissance du produit que l’entreprise souhaite proposer, l’avantage
concurrentiel attaché à cette variable dépend de la capacité de la nouvelle organisation à gérer
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sa relation avec le client potentiel. En effet, le consommateur est souvent réticent à passer à
un autre produit ou une autre marque. Cette méfiance est encore plus exacerbée lorsqu’elle
émane d’une nouvelle entreprise (Porter, 1982).
Lorsqu’il est lancé, le nouveau produit doit vaincre la résistance liée aux habitudes d’achat.
L’entreprise doit prendre des mesures capables de stimuler la prise de conscience, l’intérêt,
l’essai et l’achat. Une des solutions pour parvenir à surmonter cet obstacle de la « loyauté »
du client à un bien ou une marque réside dans la création d’un produit unique.
Ainsi, plus le produit ou le service est unique, moins la loyauté du client pèse sur celui-ci.
Ce caractère d’unicité aide les nouvelles entreprises à éviter une concurrence directe avec des
PME ou de plus grandes structures, sur un marché dont elles n’ont pas l’expérience et
l’avantage de la reconnaissance immédiate du client potentiel.
Le caractère unique du produit est très souvent lié à la nature du marché envisagé par
l’entrepreneur. La plupart du temps, un produit unique est associé à un marché de niche. Si
cette remarque semble pertinente dans le cadre de notre étude, il serait pour le moins un peu
hâtif d’établir une relation de causalité entre ces 2 éléments, de façon généralisée. Etablir une
corrélation entre l’unicité d’un produit et la notion de niche marketing ne fait pas partie de nos
intentions de recherches. Cependant, nous avons pu relever des expressions telles que : « En
terme de produit et de marketing, notre société est clairement sur un marché de niche ».
Locuteur 2. L’association entre ces deux éléments revient fréquemment. Ce constat s’inscrit
dans la logique développée par certains auteurs selon laquelle un produit unique ou un produit
potentiellement adapté à un marché de niche est un facteur important pour la croissance et la