IUFM Gaëlle CALLEWAERT Académie de Bourgogne N°dossier: 0402776A Site d'Auxerre ENSEIGNER LES LANGUES ÉTRANGÈRES DÈS L'ÉCOLE MATERNELLE Concours de recrutement : Directrice de mémoire: Professeur des écoles Mme Sylvie GERMAIN Année 2006
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ENSEIGNER LES LANGUES ÉTRANGÈRES ... - Inspé de Bourgogne · dans quelques départements. Les événements de Mai 1968 suscitent un engouement pour l’apprentissage précoce des
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IUFM Gaëlle CALLEWAERTAcadémie de Bourgogne N°dossier: 0402776A Site d'Auxerre
Depuis 2002, les langues vivantes étrangères représentent une discipline à part
entière: elles ont trouvé leur place dans les emplois du temps de l'école élémentaire, au
même titre que les autres domaines d'apprentissages.
Les nouveaux programmes exposent clairement les compétences (principalement
communicationnelles) que les élèves doivent acquérir au cycle des approfondissements.
Cependant, en ce qui concerne la méthode à utiliser par les enseignants, les réponses ne
sont pas aussi explicites.
Avant ma formation, je m'interrogeais déjà sur la qualité de l'enseignement que
j'avais moi-même reçu: durant ma scolarité, j'avais un bon niveau à l'écrit. Cependant,
lors d'un séjour à l'étranger, j'ai eu de nombreuses difficultés à la fois pour comprendre
et m'exprimer dans la langue.
Je me suis alors demandé quel enseignement permettrait à des élèves de savoir
communiquer dans une langue étrangère.
J'étais convaincue qu'il était inutile, voire pernicieux de proposer cet
enseignement dès l'école maternelle, d'autres apprentissages comme la maîtrise de la
langue française étant prioritaires. Je pensais alors qu'il fallait envisager un changement
dans la manière d'enseigner au collège.
L'expérience vécue au sein d'une classe de CM1 durant mon stage de pratique
accompagnée m'a permis de faire évoluer mon questionnement: quelles sont les raisons
qui poussent à généraliser l'enseignement des langues vivantes étrangères dès la grande
section de la maternelle? Quel type d'enseignement faudrait-il proposer?
Ces questions m'ont progressivement amenée à formuler la problématique
suivante: pourquoi et comment enseigner les langues vivantes étrangères dès
l'école maternelle?
Je parle « d'apprentissage » et non de « sensibilisation »: je pense en effet que
l'acquisition d'une langue ne peut s'effectuer que sur le long terme. Ainsi, l'apprentissage
s'étendrait de l'école maternelle jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire.
De la même manière, je n'évoque pas le « bilinguisme », qui non seulement n'est
pas l'objectif à atteindre, et dont l'apprentissage s'effectue dans le milieu naturel de
l'enfant, comme pour la langue maternelle.
Par ailleurs, je n'emploie pas le terme « précoce »: celui-ci signifie « qui apparaît
avant l'âge normal ». Or, la question est justement de savoir quel est l'âge « normal » de
l'apprentissage d'une seconde langue.
3
Il apparaît évident qu'à l'issue de ma réflexion, je serai dans l'impossibilité de
répondre définitivement à la problématique. Pour cela, il serait nécessaire d'effectuer des
recherches sur plusieurs années. Cependant, je souhaite exposer tout au long de ce
mémoire quelques pistes de réflexion.
Dans une première partie, après un rappel des dispositifs institutionnels, je tente
d'exposer les raisons pour lesquelles l'enseignement des langues vivantes étrangères doit
être introduit dès l'école maternelle. Dans une deuxième partie, je présente mes
différentes expériences professionnelles vécues au cours de ma formation, dont l'analyse
m'a permis d'identifier progressivement les caractéristiques des conditions de cet
apprentissage qui sont présentées dans une troisième partie.
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PREMIERE PARTIE
I. L’enseignement des langues vivantes à l’école primaire
1. Les dispositifs institutionnels
A. Bref historique : alternance entre sensibilisation et apprentissage
La première expérience d’enseignement des langues vivantes à l’école primaire a
lieu en 1954 à Arles.1 Au cours des années suivantes, les expériences se poursuivent
dans quelques départements. Les événements de Mai 1968 suscitent un engouement
pour l’apprentissage précoce des langues lié à une volonté d’ouverture sur le monde,
mais de nombreuses écoles abandonnent par la suite les expériences.
C’est en 1989, dans le cadre de la construction européenne, que l’enseignement
des langues vivantes à l’école primaire est relancé au Cours Moyen (dispositif EILE :
Enseignement d’Initiation aux Langues Etrangères) : les textes de 1989 et 1990
évoquent une initiation qui doit servir le véritable apprentissage au collège, tandis qu’en
1991, un texte précise qu’il s’agit d’un « véritable apprentissage de la langue qui ne
saurait se limiter à une simple sensibilisation à la langue étrangère. »2
En 1995, le ministre de l’Education Nationale parle d’initiation aux langues
vivantes dès le CE1 en utilisant des techniques audiovisuelles ( CE1, CE2, CM1 Sans
frontières) et « à titre expérimental et sur la base du volontariat des maîtres. »3 L’objectif
est de proposer une première sensibilisation en CE1, en prévision d’un véritable
apprentissage au cycle des approfondissements, non systématique en CE2 et CM1.
En 1998, Claude Allègre annonce la généralisation d’un véritable apprentissage
des langues vivantes à l’école primaire, dans toutes les classes de CM2 dès la rentrée de
1998 et de CM1 en 1999.
En 2000, J.Lang annonce un plan qui vise la généralisation progressive de
l’enseignement d’une langue étrangère dont l’apprentissage sera effectif dès la grande
section de maternelle d’ici 2005 : « Tous les CM2 bénéficieront de cet enseignement à la
rentrée 2001 et cette obligation descendra jusqu’à la grande section de maternelle en
2005 ( au CP en 2004). »4
1 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 20022 F.BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, Hachette éducation, 20043 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 20024 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 2002
5
B. Depuis 2002 : un apprentissage obligatoire
Les nouveaux programmes rendent l’apprentissage des langues obligatoire au
cycle des approfondissements et visent la généralisation au cycle des apprentissages
fondamentaux (de la grande section de l’école maternelle jusqu’à la fin du CE1) autour
de trois objectifs d’apprentissage :
- « développer chez l’élève les comportements indispensables pour l’apprentissage
des langues vivantes (curiosité, écoute, mémorisation, confiance en soi dans
l’utilisation d’une autre langue) et faciliter ainsi la maîtrise du langage,
- familiariser son oreille à des réalités phonologiques et accentuelles d’une langue
nouvelle,
- lui faire acquérir les premières connaissances dans cette langue. »5
Au cycle des approfondissements, l’enseignement « vise l’acquisition de
compétences assurées permettant l’usage efficace d’une langue autre que la langue
française dans un nombre limité de situations de communication adaptées à un jeune
enfant. Il contribue à construire des connaissances linguistiques précises (formules
usuelles de communication, lexique, syntaxe et morphosyntaxe), ainsi que des
connaissances sur les modes de vie et la culture du ou des pays où cette langue est
parlée. »6
L’accent est mis sur les activités de communication avec un entraînement régulier
et méthodique autour des compétences suivantes : « écouter et comprendre »,
« s’exprimer à l’oral », « lire et comprendre », « s’exprimer à l’écrit ». L’apprentissage
concerne enfin le renforcement de la maîtrise du langage, la découverte de faits culturels
favorisant une ouverture sur le monde (dimension internationale).
Contrairement à ce qui avait été annoncé, l’apprentissage d’une langue étrangère
dès la grande section de maternelle est par la suite « reculé » : conformément à la loi
d’orientation et de programme pour l’avenir de l’Ecole, le ministère de l’éducation
nationale , de l’enseignement supérieur et de la recherche a lancé en 2005 un plan de
rénovation de l’enseignement des langues étrangères. Celui-ci vise l’amélioration de
l’efficacité de cet enseignement et le renforcement des capacités des élèves, notamment
à l’oral.
Cette volonté se traduit notamment par l’adoption du cadre européen commun de
référence pour les langues (CECRL) publié en 2001 par le Conseil de l’Europe : « la
France est le premier pays à inscrire dans les textes réglementaires cette référence
européenne qui définit six niveaux de compétences en langues : de A1 (première
découverte) à C2 (utilisateur expérimenté s’exprimant couramment sur des sujets
5 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? , CNDP, 20046 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? , CNDP, 2004
6
complexes). » A la fin du cycle des approfondissements, les élèves doivent avoir atteint
le niveau A1.
A la rentrée 2005, tous les élèves de CE2 doivent étudier une langue étrangère, et
à compter de la rentrée 2007, l’apprentissage d’une langue vivante débutera en CE1.
2. Etats des lieux
A. Les langues vivantes en Europe
« Tous les pays sauf l’Irlande imposent qu’une langue étrangère au moins soit
enseignée à tous les enfants. »7 En Irlande, l’anglais et l’irlandais y sont enseignés, mais
ne sont pas considérés comme des langues étrangères.
Dans la majorité des pays européens, l’enseignement de la première langue
étrangère comme matière obligatoire débute entre l’âge de 8 et 11 ans (ce qui
correspond environ à la fin de la scolarité en primaire et le début du secondaire). Seuls
cinq pays s’en écartent : le Luxembourg, la Norvège, l’Autriche, où l’enseignement
obligatoire commence à l’âge de 6 ans, l’Italie (7 ans) et la Belgique (12 ans).
B. Le niveau des Français
Beaucoup d’enfants ont des difficultés à entrer dans le système linguistique. Les
dernières évaluations internationales montrent que le niveau des jeunes Français en
anglais a régressé entre 1996 et 2002.8
« Une étude conduite en 2002 dans sept pays européens révèle les disparités des
compétences des élèves de 15-16 ans en anglais : en 1996 (trois pays participants), les
élèves français avaient un niveau nettement inférieur aux élèves suédois, mais
quasiment équivalent à celui des élèves espagnols. En 2002, leurs performances sont
nettement inférieures à celles des six autres pays participants, quel que soit le domaine
de compétences évalué. Et leurs compétences sont moins bonnes en 2002 qu’en 1996,
quel que soit le domaine. »9
En ce qui concerne l’enseignement primaire, une évaluation-bilan des acquis des
élèves de CM2 effectuée au mois de juin 2004 révèle les résultats suivants :
- en fin d’école primaire, 51.2% des élèves maîtrisent de façon satisfaisante la
compréhension de l’oral, dont 23% de manière très satisfaisante.
- 23.2% maîtrisent de manière très satisfaisante la compréhension de l’écrit et 10%
en production d’écrit.
7 L’enseignement des langues étrangères en milieu scolaire en Europe, Eurydice, 20018 Le monde de l’éducation, n°333, 02/20059 Ministère de la jeunesse de l'éducation et de la recherche, Note Evaluation 04.01 Mars, DEP
7
- A l’opposé, 2.8% d’élèves ont une maîtrise très réduite des compétences en
compréhension de l’oral, 15% en compréhension de l’écrit, 70.4% en production
écrite.
Cette différence s’explique par l’inégale importance accordée aux différentes
compétences dans les programmes, donnant la priorité à l’oral.
Il est important de noter que ces évaluations précisent que « les élèves qui ont
commencé l’anglais en CE1 ou CE2 réussissent nettement mieux que ceux qui n’ont
qu’un an d’enseignement en élémentaire. » « Plus l’apprentissage de l’anglais à l’école
est précoce et plus les élèves appartiennent aux meilleurs groupes de l’échelle de
compréhension de l’oral en anglais. On retrouve les mêmes constats pour la
compréhension de l’écrit et la production écrite. »
« Quant aux effectifs des élèves qui ont commencé un apprentissage de l’anglais à l’école
maternelle (3.7%) et au CP (5.5%), ils sont trop faibles pour en tirer des conclusions. »10
C. Les attentes et craintes des familles
L’apprentissage d’une langue étrangère répond aussi à une demande sociale liée à
la dimension européenne et internationale. Les familles veulent que leurs enfants
s’adaptent au monde actuel.
Néanmoins en ce qui concerne un enseignement des langues dès le plus jeune
âge, les familles craignent un retard dans d’autres disciplines telles que la maîtrise de la
langue française : certaines considèrent qu’il peut être dommageable de commencer
l’apprentissage d’une seconde langue avant que la première ne soit stabilisée, d’autres se
demandent si cet enseignement n’est pas une surcharge inutile pour des enfants si
jeunes.
Suite à ce constat récurrent à travers diverses lectures, j’ai souhaité connaître
précisément l'opinion des familles à ce sujet par le biais d’un questionnaire destiné aux
parents d'élèves de mes deux stages responsabilité (annexe 1).
J’ai donc transmis ce questionnaire en 29 exemplaires dans une classe de Moyenne et
Grande section de maternelle et en 21 exemplaires dans une classe de CP. Afin de ne pas
influencer les réponses des familles, j’ai préféré parfois la formulation de questions
ouvertes.
Après exploitation des données, voici les principales informations qui en
ressortent :
A la question concernant l’importance ou non de connaître une langue étrangère,
toutes les familles répondent favorablement. L’argument le plus souvent évoqué
10 Ministère de la jeunesse de l'éducation nationale, Note Evaluation 05.06 Septembre, DEP
8
est celui de l’intégration professionnelle. Les familles mettent également en avant
le caractère indispensable de la maîtrise d’au moins une langue étrangère_ et plus
particulièrement l’anglais_ à l’heure de la mondialisation et de l’Europe. Enfin
l’aspect culturel (culture personnelle, ouverture aux autres personnes, aux autres
cultures, voyages) est aussi régulièrement cité.
Concernant l’intérêt de proposer un enseignement d’une langue étrangère dès le
CE2, les raisons sont variées ; une majorité considère cet enseignement comme
une préparation au collège où l’apprentissage n’en sera que plus facile. Certains
parents expliquent que plus l’enfant est jeune, plus il dispose de facilités pour
apprendre et mémoriser. Pour d’autres, la notion de temps est importante :
donner du temps à l’enfant pour apprendre une nouvelle langue permet une
acquisition plus naturelle et non plus une traduction systématique. Enfin quelques
parents évoquent la curiosité des enfants de cet âge, la possibilité d’apprendre de
manière ludique, la facilité pour les jeunes enfants de s’exprimer oralement, et de
prononcer un accent différent du leur.
Sur l’échantillon interrogé, environ la moitié des parents estime qu’il serait
judicieux de proposer un enseignement des langues étrangères dès la
maternelle : là encore, la capacité du jeune enfant à acquérir et enregistrer des
connaissances est l’argument le plus fréquent. Certains insistent sur l’aspect
ludique de l’apprentissage à cette période. Environ un quart ne se prononce pas
sur la question. Enfin, parmi ceux qui réfutent l’apprentissage dès la maternelle,
certains considèrent que le programme de CP est suffisamment « chargé » ou
encore que la priorité est de maîtriser la langue française, et donc que
l’apprentissage d’une nouvelle langue pourrait engendrer des confusions dans les
autres processus d’apprentissage.
Voici quelques opinions ou questions exprimées par certains parents :
- « L’enseignement même des langues vivantes est à revoir. A nombre d’années
égales, nous maîtrisons moins bien les langues que nos voisins européens. Peut-
être faudrait-il développer la pratique orale de la langue et l’accentuer, et très
certainement débuter l’apprentissage le plus tôt possible. »
- « La France est en retard par rapport à l’Allemagne et aux pays nordiques. »
- « A l’école maternelle, l’enfant apprend du vocabulaire. Pourquoi ne pas lui
apprendre le mot en français et sa traduction en anglais : un enseignement
comme dans les écoles bretonnes où on apprend le dialecte de la région. »
- « Quelle qualification pour l’enseignant chargé de cet enseignement ? ».
9
Finalement, la majeure partie des familles s’accorde pour dire que la maîtrise d’au
moins une langue étrangère est aujourd’hui indispensable, et considère pour la plupart
qu’elle doit être enseignée à l’école primaire.
Cependant, proposer cet enseignement dès l’école maternelle ne va pas de soi, et
peut être considéré comme un frein à d’autres apprentissages. A ce sujet, C. Hagège
pense que « les craintes souvent exprimées des familles quant à la prétendue surcharge
des disciplines et aux menaces qu’elle ferait peser sur l’équilibre intellectuel et social des
enfants sont dépourvues de fondement. »11
II.Introduire les langues étrangères dès l’école maternelle :
pourquoi ?
1. Un âge propice…
A. Capacités de discrimination et de reproduction des schémas
phonologiques.
L’âge de l’enfant est une variable essentielle à prendre en compte.
Tout d’abord, il apparaît évident que la « durée d’exposition » exerce une
influence sur la maîtrise de la langue étrangère : plus tôt l’enfant est exposé à une
nouvelle langue, plus il aura de temps pour se l’approprier.
Par ailleurs, les capacités d’assimilation du jeune enfant sont immenses. Dès sa
naissance, il possède de puissants « mécanismes acquisitionnels ». Mais faute d’être
sollicités, ceux-ci régressent progressivement. Dès l’âge de 7 mois, on assiste à une
spécialisation de l'oreille à la langue maternelle. Cette régression perdure jusqu’à l’âge de
10-11 ans où la peur de l’erreur apparaît. Cette période (7 mois – 11 ans) correspond à
la « période critique ».
Certes des études montrent que l’adulte et l’adolescent ont de plus grandes
facilités pour se concentrer, développer un raisonnement et une analyse (« leur
expérience linguistique plus riche leur permet de comprendre rapidement certaines règles
de fonctionnement de la langue étrangère »), mais « il semble reconnu que certains
aspects langagiers, tels que ceux touchant à la phonologie, sont mieux et plus facilement
acquis par de jeunes enfants. »12
A l’âge de 3-4 ans, les capacités de reproduction orale et de discrimination
auditive des enfants sont effectivement maximales, et diminuent dès l’âge de 10 ans
(début de la puberté). A l’inverse, un adulte ou un adolescent qui est resté pendant
plusieurs années en contact avec un seul type de sons (ceux de sa langue maternelle),
éprouve beaucoup plus de difficultés à reproduire les sons d’une autre langue.
11 C.HAGEGE, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 199612 F BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, Hachette éducation, 2004
10
Lise Kern, directrice d’une école maternelle rurale à deux classes, explique que la
« réceptivité des jeunes enfants, leur écoute, leur discrimination auditive fine leur
permettent d’ancrer les fondements d’une langue étrangère. »13
Selon C.Hagège : « Au delà de 10 ou 11 ans, la fossilisation des aptitudes non stimulées
n’est guère réversible. En effet, vers cet âge, l’oreille, jusque-là organe normal
d’audition, devient nationale. » Cela signifie que « au lieu de traiter de la même façon la
totalité des sons perçus en leur ouvrant un itinéraire jusqu’à l’enregistrement cérébral,
l’oreille fonctionne en fait comme un filtre, n’ouvrant passage qu’à ceux que la langue
maternelle connaît. […] Le même phénomène existe chez tous les unilingues du monde à
partir de 11 ans et il est une des causes principales de « l’accent étranger ».»14
Ainsi, dès la petite section, un travail sur le rythme, l’intonation, la mélodie, la hauteur
peut se mettre en place: former l’oreille aux réalités sonores du langage, tel serait
l’objectif de l’école maternelle.
B. Capacités d’imitation et de prise de parole
Les capacités d’imitation entre 4 et 8 ans sont au maximum : C. Hagège parle de
« pulsion d’imitation qui joue un rôle considérable dans l’apprentissages des langues,
comme celui de toute vie sociale. »
Lise Kern a observé que les élèves sensibilisés dès la moyenne section de
maternelle à l’anglais, osent facilement prendre la parole lors de l’apprentissage
systématique en classe de 6°, possèdent un meilleur accent, acceptent de comprendre
globalement une phrase sans avoir recours à l’identification de chaque mot et cherchent
à comprendre sans passer par la traduction.
Elle a également remarqué l’apparition de certains blocages à l’oral dès le CE1, qui
n’apparaissent pas chez un enfant de 4 ans.
La curiosité et la spontanéité sont des caractéristiques du jeune enfant : elles sont
sources de motivation et lui donnent donc l'envie d'apprendre.
Le phénomène d’inhibition semble en effet moins présent chez le jeune enfant, et
ce dans tous les domaines d’apprentissage. Plus l’enfant grandit, plus il devient attentif
et sensible à l’image que le milieu lui renvoie.
C. Hagège explique à ce propos : « Au delà de la période critique, on risque de se heurter
à ce que certains ont appelé la butée pubertaire. Il s’agit d’un seuil au-delà duquel les
adolescents, durant quelques années cruciales, deviennent de moins en moins avides
d’apprendre et sont de plus en plus préoccupés par leur état de transition vers l’âge
adulte et par les signes qu’en portent leur corps et leur esprit. A la puissante motivation
[…] succède une inquiète curiosité, qu’alimentent bien d’autres aspects de l’existence.
Dès lors, le goût enfantin par les manipulations verbales se trouve fortement réduit. La
13 Education enfantine, n°4, 04/199714 C. HAGEGE, L’enfant aux deux langues, p.34, Odile Jacob, 1996.
11
faute, au lieu d’être sereinement assumée comme profitable par la correction qu’elle
appelle, est obstinément redoutée comme disqualifiante par le ridicule qu’elle
produirait. »15
De plus, la prononciation de sons différents de sa propre langue oblige l’enfant à
articuler et adopter des mouvements de bouche inhabituels, associés parfois à une
apparence ridicule. Concernant la prononciation des sons d’une langue étrangère, et donc
la difficulté à se distancier de sa propre langue, ce même auteur précise que « les
habitudes articulatoires acquises dès l’enfance dans la langue première sont des gestes
sociaux. Elles appartiennent à la culture d’une communauté tout comme les autres
gestes. L’acquisition des gestes culturels, parfaitement aisée et naturelle chez l’enfant,
devient de plus en plus difficile à partir de 6 ou 7 ans, les situations étant évidemment
fort variables selon les sujets. Dans les premières années de la vie, l’avidité d’apprendre
et la docilité à reproduire ne sont pas, ou sont à peine, inhibées par les pressions
sociales. L’enfant de moins de 6 ans ne redoute pas les railleries qui disqualifient le son
exotique en s’en prenant aux mimiques nécessaires à sa production. Peu lui importe que
les gestes de sa langue, des ses lèvres, de son nez et de ses dents se heurtent au rejet
du groupe, habitué par la culture dominante du lieu à d’autres mouvements du visage,
dans lesquels il reconnaît son identité. »
2. Une meilleure maîtrise de la langue
« Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre
langue. »(Goethe)
A l’école maternelle, l’accent est mis sur le langage oral (« le langage au cœur des
apprentissages »), dans le but de maîtriser la langue française.
Ceci qui suscite quelques interrogations sur l’existence de risques éventuels que
l’enseignement d’une langue étrangère peut engendrer sur ces apprentissages.
Certains auteurs non seulement réfutent cette notion de danger, mais défendent
de surcroît l’idée selon laquelle l’enseignement d’une langue étrangère pourrait améliorer
la maîtrise de la langue française.
Christiane Luc, par exemple, considère que l’apprentissage d’une langue à l’école est
bénéfique pour l’apprentissage de sa langue maternelle, car c’est un moyen de
redécouvrir sa propre langue et de la consolider : « L’analyse du fonctionnement de la
langue étrangère va être un moyen de redécouvrir la langue maternelle et ses
particularités. »16
Line Audin, responsable d’un groupe de recherche de l’INRP, pense même qu’il faut
insister sur l’observation réfléchie de la langue étrangère afin de la comparer avec sa
langue maternelle et de trouver des ressemblances : le but étant de donner à l’enfant
15 C. HAGEGE, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 199616 C.LUC, Les langues vivantes à l’école élémentaire, Actes ce colloque, INRP, Paris, 1991
12
des outils, des repères pour qu’il puisse entrer véritablement dans le nouveau système
de la langue étrangère.17
De manière générale, l’introduction des langues vivantes à l’école présente un
intérêt sur le plan de la réussite scolaire, et ce pour un grand nombre d’élèves. Tout au
long de l’enseignement, ils développent des stratégies d’ apprentissage qu’ils peuvent
transférer à d’autres champs disciplinaires.18
Maîtriser, même manipuler une ou plusieurs langues étrangères permet à l’enfant
de développer une conscience métalinguistique, c’est-à-dire être capable de réfléchir sur
le fonctionnement de la langue. C’est la prise de conscience des fonctionnements
différents des langues, qui amène l’enfant à développer des stratégies d’analyse
comparative.
17 Le monde de l’éducation, n°333, 02/200518 Education enfantine, n° 4, 04/1997
13
DEUXIEME PARTIE
Tout au long de cette deuxième partie, je présente les séances d’apprentissage
d’anglais que j’ai pu mettre en place au cours de mes différents stages. Mes diverses
expériences professionnelles sont exposées dans un ordre chronologique qui suit le
déroulement de ma formation, afin de montrer la progression de ma réflexion.
L’analyse que j’effectue par la suite, en me centrant plus spécifiquement sur les réactions
des élèves et les difficultés auxquelles j’ai été confrontée, me permet progressivement
d’identifier les caractéristiques des conditions d’apprentissages d’une langue étrangère,
que j’énoncerai dans la troisième partie.
I. Le cycle des approfondissements
1. Présentation des séances
Le contexte :
Au cours de mon stage tutelle, j’ai élaboré et mis en place deux séances en
anglais avec une classe de CM1 (20 élèves).
Cette classe avait commencé à apprendre l'anglais depuis une année.
Ce sont ces deux séances qui m’ont amenée à m’interroger sur l’enseignement
des langues étrangères à l’école de manière générale : comme je l’ai expliqué en
introduction, je pensais que les langues étrangères n’avaient pas réellement leur place à
l’école, d’autres apprentissages étant à mon sens plus prioritaires.
Auparavant, j’avais observé une séance sur le lexique du matériel de la classe,
que les élèves commençaient à bien assimiler.
Les objectifs visés :
L’objectif général est d’amener les élèves à parler de leur environnement, et plus
précisément de désigner les objets de la classe.
Pour la première séance, l’objectif est principalement lexical et vise
l’apprentissage du vocabulaire des couleurs : red, green, yellow, blue, pink, white, black,
orange, purple. Parallèlement, l’apprentissage linguistique visé est l’utilisation de
l’expression : « What colour is this ? It’s… » dans une situation de communication.
Pour la deuxième séance, au-delà de l’objectif de réinvestissement du vocabulaire
étudié lors des séances précédentes, l’intérêt est d’amener les élèves à associer l’adjectif
de couleur aux différents objets de la classe : dans ce cas, l’apprentissage est
essentiellement syntaxique, puisqu’il s’agit de placer correctement l’adjectif épithète dans
le groupe de mots.
14
Il est intéressant alors de permettre aux élèves de réfléchir sur le fonctionnement de la
langue et de le comparer avec celui de la langue française.
Les supports utilisés :
Afin de rendre ces séances attractives, j’ai fait le choix de varier les supports.
J’ai utilisé des flashcards : ces représentations illustrées permettent d’introduire le
vocabulaire nouveau, mais elles peuvent également être utilisées au cours d’activités de
réinvestissement. Le fait de présenter aux élèves des images tout en parlant une langue
étrangère les aide à inférer le sens de ce que l’enseignant est en train de dire ; pour cela,
il est indispensable que ces illustrations soient très explicites et ne présentent aucune
ambiguïté, au risque alors d’entraîner des confusions chez les élèves.
Comme support visuel, j’ai également fabriqué des cartes de couleurs (format A5)
qui présentent le même intérêt que les flashcards.
Enfin, j’ai utilisé une cassette audio avec une chanson enregistrée (« What color is
this ?) : les élèves, de manière générale, prennent plaisir à chanter, et ceci est valable à
tout âge. J’ai donc fait le choix de leur proposer une chanson particulièrement rythmée,
simple et assez répétitive afin qu’ils puissent s’approprier et mémoriser le vocabulaire et
les expressions linguistiques.
Le déroulement de la première séance :
Phase 1 : découverte du lexique des couleurs
J’affiche les cartes de couleurs au tableau, et pose la question suivante : « Do you know
what colour this is ? » ; je fais répéter quelques enfants individuellement puis
collectivement.
Phase 2 : appropriation de l’expression linguistique: « What colour is this ? »
Apprentissage de la chanson :
What color is this ?
It’s red.
What color is this?
It’s green.
What color is this?
It’s red and green and black and white and
purple.
What color is this ?
It’s pink.
What color is this?
It’s blue.
What color is this?
It’s pink and blue and black and white and
purple.
15
Phase 3 : utilisation de l’expression « What colour is this? » et du lexique des
couleurs
Je distribue une carte de couleur à chaque enfant : un enfant se lève et pose la question
en montrant sa carte ; un deuxième enfant répond et pose la question à un troisième,
etc…
Phase 4 : trace écrite
Je demande aux élèves coller la feuille de la chanson, puis de colorier les pots de
peinture de la bonne couleur (annexe 2).
Le déroulement de la deuxième séance:
Phase1: « recycling »
Rappel des connaissances lexicales et syntaxiques:
•couleurs et « what colour is this? ».
Je pose la question en montrant la carte de couleur. Un élève répond. Je fais répéter
quelques enfants. L'enfant qui a répondu vient au tableau, choisit une carte et pose la