Enjeux Politiques dela MondialisationLobjectif du cours est
dclairer des problmes internationaux la lumire des sciences
politiques et sociales.La premire partie vise comprendre les
dynamiques historiques de la vie politique internationale et de la
mondialisation. On sintressera ensuite linstitutionnalisation du
systme politique international.La deuxime partie vise effectuer un
zoom sur des thmatiques, tudier des questions partir dides reues
(risques et dangers/terrorisme, lide que lon vit dans un monde sans
frontires, uniformisation).Les italiennes sont chiantes.Les
libanaises sont folles. Les marocaines sont hystriques. Alors une
fille qui est un mlange des trois .. MON DIEU! Introduction
gnrale.
1. Les mots pour le dire.Dans ce cours, on sintresse des
problmatiques et des dynamiques qui dpassent lEtat comme cadre
principal dapprhension du politique. La mondialisation.Il est
intressant de voir quau dpart, lorsque lon a commenc voir ce mot
dans le dbat public, on lutilisait dans un sens strictement
conomique: cela renvoyait la faon dont les entreprises devenaient
des firmes nationales et avaient de plus en plus des stratgies
plantaires.Aujourdhui, la mondialisation renvoie au dveloppement
des changes entre diffrentes parties, diffrents types dacteurs,
lchelle du monde. Cette question des changes est au cur des
rflexions sur la mondialisation.Quest ce qui est chang? Il y a bien
sr des changes commerciaux, mais aussi des flux migratoires, la
circulation des ides, des modles On peut galement sintresser la
nature de lchange, la question de savoir si lchange est quilibr ou
ingal? Quel est le rythme de ces changes, leur volume?La
mondialisation renvoie galement plus ou moins explicitement au
retrait de lEtat, comme forme dorganisation du politique: il
seffacerait au profit du march, mais aussi au profit dentits,
dorganisations et dinstitutions politiques lchelon
supranational.Lorsque lon parle de mondialisation, il est cependant
clair que lon sintresse des relations au niveau plantaire qui
dpassent les relations entre Etats. On sintresse beaucoup dchanges,
beaucoup de dynamiques qui ne se limitent pas aux relations
internationales. Observer la mondialisation est alors une faon
dinterroger la transformation de lEtat. Globalisation.Assez
souvent, parler de globalisation par rapport la mondialisation met
laccent sur les vecteurs de lchange, par exemple les transports,
les technologies, les NTIC. Cest ce qui peut donner lide que lon
serait dans une priode spcifique, nouvelle: ce point des vecteurs
de lchange est nouveau, il y a aujourdhui une capacit des vecteurs
agir et se coordonner en temps rel.La globalisation ne renvoie pas
qu lchelle plantaire, au monde: global signifie un tout, une
entiret. Il faut donc entendre la globalisation comme quelque chose
qui renvoie une pluralit de secteurs de la vie politique,
conomique, et sociale.On sintresse alors aussi aux tous petits
niveaux. Vie politique internationale.Plutt que de sintresser aux
institutions politiques internationales, on sefforcera ici de
dpasser ces cadres institutionnels. On comprend en effet politique
dans un sens trs large: on sintresse au politique, lEtat, aux
politiques publiques internationales.Dans un sens strict,
international renvoie alors aux relations entre les Etats, mais
aussi ce qui se passe entre dautres acteurs, mais dans le champ
daction et de rgulation de lEtat.1. Regards croiss sur la
mondialisation et la vie politique internationale.Il y a diffrentes
inspirations disciplinaires dans le cours: la science politique,
mais aussi la sociologie, lconomie, la gographie, lanthropologie
Lide est dacqurir une culture gnrale.1. La ncessit dhistoriciser le
regard.On considre souvent, sans doute tort, que la mondialisation
fait partie de lordinaire, du quotidien. Au contraire, on peut
considrer que cest indit. Dans les deux cas, cest une myopie
historique. On arrive assez facilement concevoir quil y a eu une
vie politique internationale avant lONU.En revanche, on oublie
parfois que ce phnomne plus large de mondialisation na pas commenc
avec internet. Il est donc trs important de sintresser cela dun
point de vue historique pour comprendre la mondialisation actuelle,
cad ce qui se passe aujourdhui.Il est donc ncessaire dhistoriciser
le regard. On ne peut comprendre la mondialisation actuelle sans
rintroduire la dimension historique.A. La ncessit et la richesse
dune perspective de sciences sociales et politiques.Dans une
certaine mesure, ce processus de mondialisation est essentiellement
conomique: la vie politique internationale sest construite et est
structure parles flux conomiques.On ne peut alors comprendre les
changes internationaux si lon ne comprend pas les origines et les
enjeux de lconomie de march.Mais ce processus nest pas non plus
essentiellement conomique: la mondialisation nest pas quconomique,
mais aussi politique, sociale, culturelle. Mme lorsquon lapprhende
comme un phnomne conomique, on peut lapprhender du point de vue de
la science politique, en sintressant au pouvoir, lEtat, lidentit
politique des individus.B. La ncessit de faire varier les chelles
danalyse.Il est normal davoir un regard macro lorsque lon sintresse
aux phnomnes internationaux. Mais la globalisation est une
dynamique galement observable un niveau plus petit, un niveau
micro, cad au niveau de lindividu.Saskia Sassen la bien montr: elle
montre comment on peut sintresser la mondialisation avec une
approche sociologique, et que certaines dynamiques sont des parties
prenantes importantes de la mondialisation, et ne sont pas situes
lchelle plantaires.1. Problmatiques transversales.Ces problmatiques
sont importantes car sont autant de thmatiques possibles pour des
sujets dexamen. Et lEtat dans tout a? Retrait, dclin,
dpassement?Comment lEtat sest-il construit, dvelopp sous sa forme
moderne, et en quoi cela est-il en lien avec sa forme
internationale? Quest-ce que la mondialisation actuelle fait
lEtat?Des personnes soutiennent mme lide que lEtat, tel quon ne
connait aujourdhui, est le produit de la globalisation. Cest la
thse de Jean-Franois Bayart. On pourrait dire la mme chose du
pouvoir et de lidentit politique. Qui perd et qui gagne, dans quel
processus de mondialisation?La mondialisation est un processus
structurellement ingalitaire. Il faut se souvenir que les enjeux de
pouvoir sont au centre des relations sociales et conomiques, et
que, dans toute relation sociale, il y a des gagnants et des
perdants. Cela pose la question des ingalits et de leur mesure. La
notion de classe sociale est aussi intressante pour comprendre ce
que les dynamiques internationales font aux classes sociales. Le
lien entre le niveau macro et le niveau individuel, entre les
diffrentes chelles danalyse.Ce questionnement est trs familier, si
lon part des pratiques sociales et culturelles. La globalisation
renvoie lide qui pntre tous les domaines de la vie sociale. Quel
regard sur lactualit?Lide est de dvelopper ce regard sur lactualit,
sur la vie politique internationale.
Partie IMondialisation et vie politique internationale,
histoires et dynamiques.LEtat dpass?
Titre 1: Histoires et historicit de la mondialisation.
Chapitre ILa mondialisation avant la
mondialisation.Economie-monde europenne et mergence du
capitalisme.
Introduction. Pourquoi sintresser lhistoire de la
mondialisation?Il est absolument important de prendre en compte la
dimension historique, pour plusieurs raisons. La mondialisation,
que lon prsente souvent comme un phnomne rcent, ne lest pas en
ralit. Cest un processus que lon ne peut comprendre quen
linscrivant dans le temps long. Pour comprendre le capitalisme,
notre situation actuelle, il faut comprendre ses origines, comment
a-t-il merg, et quel est son rapport avec lEtat.
Une deuxime raison est analytique: comment peut-on comprendre en
quoi quelque chose de nouveau si lon ne peut pas caractriser ce
quil y avait avant? Dans la dynamique actuelle, un certain nombre
de choses sont nouvelles, singulires. Ces caractristiques peuvent
tre expliques que si lon a une connaissance solide du pass.
Lorsque lon prend plus de champ dun point de vue historique, on
est alors capable de dcentrer le regard.
Une histoire ou des histoires?Le terme dhistoire au singulier
renvoie notre histoire, lhistoire europenne et plus largement
occidentale. Parler dhistoires au pluriel envisage le fait quil y a
plusieurs histoires, histoires trs importantes pour comprendre la
mondialisation. Jusquau 15e sicle, la Chine tait par exemple dans
une position centrale au niveau du dveloppement. Cela nest pas sans
intrt lorsque lon regarde la position de la Chine au plan mondial
aujourdhui.Parler dhistoires au pluriel rappelle aussi que
lhistoire est une science, quil y a des dbats, des interprtations
diffrentes, et que cela donne une image composite avec des
controverses. La notion dconomie monde (Fernand Braudel).Fernand
Braudel, historien franais, na pas utilis le terme plus habituel et
spontan dconomie mondiale: la notion dconomie-monde renvoie plutt
lide dune conomie qui est un monde, cad sous-entendu un monde parmi
dautres, une civilisation. Il sagit de dfinir une structure qui ne
couvre pas toute la terre, mais plusieurs conomies monde qui
existent un moment donn.1. Lhistoire conomique nest pas dabord
celle de lOccident (Philippe NOREL).1. Quest-ce que lhistoire
globale?Lhistoire globale est une approche qui nait aux Etats Unis,
et qui a donn lieu aujourdhui un courant extrmement dynamique. Lide
tait de rquilibrer le poids de lhistoire amricaine et europenne
dans les programmes, et de dire quil ne faut pas une histoire
tunnel, mais il faut en sortir, car elle ne prend pas en compte les
histoires des autres parties du monde et considre trop que ce qui
sest pass sest pass en raction aux faits et gestes de ce qui sest
pass en Occident.Cette approche historique se diffuse, notamment en
France, et met particulirement laccent sur les connexions
conomiques, mais aussi politiques, culturelles, entre les rgions du
monde, et cherche faire apparaitre des dynamiques densemble. Ces
interconnexions ont t trs importantes pour faonner lconomie ainsi
que les Etats.Lhistoire conomique globale sintresse alors plus
particulirement aux changes commerciaux, aux origines du march.
Cela renvoie des auteurs classiques: Smith, Marx, WeberLhistoire
globale est intressante pour ce cours car si lon essaye de
comprendre ce qui se passe aujourdhui, on a des institutions du
march trs importantes, et une sorte de saturation de la plante par
les changes. Cest alors trs intressant de voir comment tout cela
est li une conomie interconnecte trs ancienne.Cette approche
dhistoire globale est importante pour trois raisons. Elle permet
lhistoire des peuples discrdits dexister pour elle-mme. Lorsque lon
sintresse la structuration de lconomie internationale, on voit
souvent quil y a eu un apport considrable des socits non
europennes. Cela nous invite raconter cette histoire europenne,
nous interroger nous lide quil y aurait une supriorit intrinsque de
lEurope.
1. Une histoire conomique eurocentre: exemples de la rvolution
industrielle et des grandes dcouvertes.Nous avons une vision de
lhistoire trs imprgne de significations, qui ne font presque pas
dbat. Par exemple, la squence des Grandes Dcouvertes est un
tournant dans lHistoire du monde: cest la priode pendant laquelle
les europens semparent du monde. Nous avons lide quils le font grce
une certaine supriorit technique, notamment dans le domaine de la
navigation.De la mme faon, lorsque lon essaye de comprendrela
Rvolution Industrielle, on considre que cest un tournant qui ne se
passe quen Europe: cest un mouvement de rvolution technique qui
aura des consquences trs importantes sur les modes de vie
occidentaux.Plus largement, au-del de ces exemples, il y a lide que
ces russites, ces moments o lOccident sest impos sur la scne
mondiale, sont associs une autre russite: la dmocratie, dont le
berceau est lEurope, avec notamment la Grce Antique.Dans ces
rfrents de notre culture historique gnrale, on a donc cette ide que
lOccident a t le moteur conomique du monde, mais aussi un modle en
matire de dveloppement politique et dmocratique. On ne remet pas
forcment en doute ces affirmations.Dans cette vision, si lon se
pose la question de lEurope par rapport au reste du monde, on
considre implicitement que le reste du monde a pendant trs
longtemps emptr dans la tradition, et que lorsque lon sintresse
lhistoire des questions internationales, cest pour regarder les
consquences de lessor occidental sur ces socits non-europennes. Ces
choses sont des rfrents de notre culture gnrale.Deux exemples pour
dconstruire ce rcit. Cela a trs bien t fait par les historiens de
lHistoire globale, qui essayent darticuler diffrentes histoires
avec diffrents points de vue, pour comprendre quel a t vraiment
lessor de lOccident.Les Grandes Dcouvertes. On les prsente parfois
comme le rsultat dune sorte de gnie europen. Lorsque lon parle des
grandes dcouvertes, cest par exemple le franchissement du Cap de
Bonne Esprance par Bartolom Oudias en 1487. La plus grande
dcouverte est la dcouverte de lAmrique par Christophe Colomb en
1492.Vasco de Gama rejoindra lInde en contournant lAfrique en
1498.Cabral au Brsil en 1500. Magellan gagne les Philippines en
1518.On peut alors se poser deux questions, que se pose notamment
Philippe Norel. Ces navigateurs sont-ils vraiment les premiers
franchir ces passages?Les historiens de lhistoire globale essayent
de recenser ce qui a t dit dans dautres histoires. On constate
alors quil y a une circulation dans ces points de passages qui sont
antrieures aux grandes dcouvertes.Concernant le contournement de
lAfrique, certains travaux disent que les Phniciens en auraient
fait le contour plusieurs sicles avant JC. Un trs grand navigateur
arabe a galement t trs important sur ce point: Amad Ibm Majid. Des
travaux dhistoriens ont montr quil a eu des interactions avec Vasco
de Gama, et il laurait mme pilot dans son entreprise de dcouvertes,
avec des avances techniques suprieures chez les arabes par rapport
aux europens.Autour du 15e sicle, certains navigateurs chinois
auraient atteint la cte est de lAfrique. Concernant la dcouverte de
lAmrique, des marins Viking ont atteint le nord de lAmrique ds le
11e sicle.Un dbat galement trs contest dit que les chinois auraient
dcouvert lAmrique en 1421. Egalement, des tmoignages difficiles
vrifier dans la littrature arabe mentionnent des dbarquements en
Amrique par des marins arabes partis du Maroc ou dEspagne. Ces
grands navigateurs et cette capacit naviguer nest donc pas
spcifiques aux europens cette poque.
Ces grandes dcouvertes peuvent-elles vraiment tre imputes des
qualits spcifiques, notamment techniques, aux europens?Il y a toute
une mythologie concernant la supriorit europenne, notamment
portugaise. La caravelle aurait notamment t invente par les
portugais, et ils auraient dvelopp une approche logistique
remarquable. On raconte mme quil y aurait une cole de navigation
Sagrs.Or, les historiens ont montr notamment que le monarque,
Enrique, naurait pas toutes les qualits quon lui attribue.
Notamment, linvention de la cartographie a t faite par les arabes.
Ce nest donc pas le rsultat dune supriorit europenne.Lorsque lon
sintresse ces travaux historiques, on voit donc que lon peut
remettre en cause le caractre spcifiquement europen de la
navigation cette priode. LEurope nest donc pas forcment la plus
efficace dans les entreprises de lpoque, contrairement ce que
voudrait lhistoire reue, trs eurocentre. Il ne sagit pas de dire
que les navigateurs europens nauraient eu aucun rle: cest une
tendance naturelle tout groupe social de naccorder dimportance qu
sa propre histoire. Cest ce quon montr des sociologues.La Rvolution
Industrielle. Bien souvent, on considre que la rvolution
industrielle est un phnomne technique dorigine europenne. En gnral,
ce sont dune part des conditions favorables, et dautres part des
innovations techniques.Concernant les conditions favorables, on a
eu une rvolution agricole, avec une trs forte pousse dmographique,
et un phnomne durbanisation trs important, une rvolution des
transports.Mais la rvolution industrielle est souvent explique
comme lapplication la production de certaines inventions trs
importantes, par exemple dans le domaine textile ou de la
mtallurgie.Par exemple, dans le domaine du textile, on trouve la
question de lindustrialisation du tissage, notamment la navette
volante, qui double la productivit du tissage, et stimule la
cration dun appareil industriel, la spinning jenny.La productivit
industrielle du tissage sera multiplie par 16.Si lon prend ces cas,
les historiens, notamment des techniques, ont montr que lon a eu
des dispositifs techniques trs similaires, connus des chinois:
notamment, la navette volante est apparue trs tt en Chine.
Certaines amliorations dans les premires machines sont en fait le
rsultat de la circulation des techniques. Ces techniques ont alors
t perfectionnes et mcanises.Ce nest donc pas rellement le gnie
europen: le concept de base a normment voyag, et vient de la Chine.
Il ne faut donc pas rflchir linnovation technique comme le gnie dun
peuple ou dune personne: cest une dynamique collective, avec
beaucoup de circulation, dhybridation, lchelle mondiale, dans une
conomie dj trs interconnecte.Ce qui changera radicalement aprs 1850
est alors le rythme, la succession rapide des innovations, et
lapplication de certaines innovations plusieurs champs en
parallle.1. Et pourtant: une Europe longtemps marginalise et en
retard sans lconomie interconnecte.Lorsque lon sintresse aux
travaux de lhistoire globale, on constate que lEurope tait plutt
marginalise et en retard dans lconomie interconnecte.Des travaux
dhistoriens montrent par exemple que jusqu la renaissance, la
civilisation chinoise tait beaucoup plus avance que la civilisation
europenne, et lEurope a alors beaucoup emprunt la Chine. Cela est
trs bien document par Joseph Needham.LAsie reprsente en effet une
trs grande part de la production mondiale: environ 80% pour 60% de
la population mondiale. La technique et productivit agricoles sont
bien suprieures celles que lon trouve en Europe. Du point de vue
des changes, lEurope en tant quensemble est commercialement
dficitaire par rapport lAsie.Cela est aussi vrai du point de vue
politique: le Moyen ge se caractrise par un miettement du pouvoir
politique en Europe, mais galement par une certaine violence. Au
contraire, en Asie, les systmes politiques sont beaucoup plus
structurs.Lorsque lon essaye de comprendre la dynamique asiatique
aujourdhui dans la mondialisation, et que lon considre quil sagit
seulement dune conversion au capitalisme moderne, il faut donc
galement situer tout cela dans une certaine histoire.Il ne faut pas
cependant dire quil ny a pas de spcificit europenne: quelque chose
de fondamental se passe en Europe entre le 16e et le 18e sicle, qui
a voir avec un systme dorganisation conomique indit qui nait en
Europe: le capitalisme. Cela a aussi voir avec lmergence de lEtat.
Sur ce modle dorganisation du politique, lEurope assoira sa
domination.Lhistoire globale permet donc de poser une question: il
sagit de questionner cette priode, comment est-on pass de ce retard
cet essor? Cela est assez mystrieux, et na rien dvident,
contrairement ce quon peut le penser. Cela rend cette question de
lessor de lOccident encore plus crucial.Ce passage historique
permet donc de montrer quil y a un certain nombre de dynamiques de
lhistoire europenne quon ne comprend que si on sintresse aux
connexions, aux circulations dans lconomie mondiale
interconnecte.Lhistoire globale permet aussi de poser diffremment
la question de lessor de lOccident, et quil sagit en ralit dun
puzzle, qui doit tre expliqu.
1. LEurope du Moyen ge et les conditions de lessor de
lOccident.LEurope est donc plutt en retard jusquau 15e sicle. Le
capitalisme, n entre le 15e et le 18e sicle, est cependant bien n
en Europe, et permet de comprendre lessor de lOccident.Pour
expliquer cet essor de lOccident, on a parfois recours des mythes.
La notion de mythe renvoie une histoire fondatrice que lon raconte
sur quelque chose, qui a un sens et une fonction.1. Des mythes:
lextension spatiale de la sphre des changes, avancement des
techniques et existence dune classe de marchands comme exceptions
europennes.1. Lextension spatiale de la sphre des changes.Assez
souvent, on raconte que lessor des changes internationaux se serait
fait dans le prolongement de la croissance des conomies locales. Il
y aurait eu un mouvement de lintrieur vers lextrieur: il y aurait
une division du travail, qui se ferait au niveau local puis
international.Dans cette vision, on aurait au dpart des units
conomiques de base, qui vivent plutt replies sur elles-mmes: la
famille, le village. Ces units produisent des choses, mais
consomment essentiellement ce quelles produisent: cest lautarcie.
Mme sil y a cet autarcie, il peut exister un surplus: on cherchera
alors lchanger, faire du troc. Les premiers lieux dchanges de ces
surplus sont alors les marchs.On voit alors apparaitre la monnaie,
qui vient simplifier les changes. Tout le dveloppement de la
monnaie dmultipliera alors les possibilits de lchange. Le
dveloppement dun march montaire fera alors craquer lautarcie: avec
la monnaie, on peut acheter toutes sortes de choses. Cela favorise
alors la spcialisation des activits.Progressivement, la sphre de
ces changes dpassera le niveau local, puis le niveau national, pour
atteindre le niveau international.Ce rcit fait sens, mais est
contredit par dautres historiens, qui proposent dautres
explications. En ralit, cest la petite part de ce commerce qui est
tourne vers lextrieur: il y a dj des voies commerciales par
lesquels il y a dj des changes conomiques trs importants en terme
de richesse accumule. Par exemple, la route des pices, la route de
la soie.1. Lexistence dune classe de marchands.Tout comme il ny a
pas un avancement technique spcifiquement europen, les marchands,
acteurs oprant le long de ces voies de commerce, ne sont pas
seulement des marchands europens. Pendant le Moyen ge, il y a dj
une intense activit marchande, avec au centre beaucoup le monde
musulman. On retrouve galement la mme chose plus tard, au 10e
sicle, avec des changes importants entre la Chine, lIslam, et
lOccident des croisades. Par exemple, Bagdad est une ville trs
importante au cur des changes.Par cette circulation des marchands
circulent alors des ides, des pidmies, des schmas institutionnels.
Vers le 15e sicle, lEmpire Ottoman sera alors au centre de ces
changes. De ce fait, comment peut-on expliquer que le capitalisme
apparaitra en Occident, et non pas en Chine par exemple?La question
nest pas tant de comprendre comment yaurait-il une supriorit
intrinsque de lOccident, mais plutt de comprendre les conditions,
la spcificit, qui permet de comprendre lmergence de ce
capitalisme.1. LEurope du Moyen ge ou les conditions de lessor du
commerce et dune premire forme de capitalisme: le rle des villes.Il
faut distinguer deux phases: Le prcapitalisme (13e 15/16E sicle),
qui apparait dans les cits-tats italiennes, mais ce nest pas encore
le capitalisme: la question des richesses nest pas encore connecte
la production. De plus, il ny a pas encore dEtat: il ne joue pas un
rle dterminant, et cest mme plutt le vide de cet Etat qui permet
ces petites cits de prosprer et au commerce de se dvelopper. Le
capitalisme industriel (17, 18, 19e sicles), avec une unification
des marchs intrieurs: la construction de lEtat viendra alors
soutenir cette accumulation des richesses, lextrieur, grce la
domination coloniale, mais aussi lintrieur, avec le dveloppement
des transports, lunification linguistique, la cration de systmes de
mesure, de systmes ducatifs Pourquoi est-ce les marchands europens
qui inventeront le capitalisme?LEurope du Moyen ge se caractrise
par sa trs grande fragmentation du pouvoir politique, par son
caractre chaotique, avec une multitude de minuscules seigneuries,
qui constituent des entits conomiques autonomes.Sur ces marges,
quelques villes sont dans une situation diffrentes, en particulier
autour du bassin mditerranen: en Italie du Nord, mais aussi en
Allemagne baltique. Ces villes russiront se dvelopper en
saffranchissant du systme fodal, par le fait quelles sont des
ports, et sont trs riches grce au commerce. Pour lItalie du Nord,
cest en particulier le commerce avec Byzance.Comme ces villes se
dveloppent, et sont de plus en plus autonomes, elles rachteront des
droits aux seigneurs, et dvelopperont leur propre administration.
Gographiquement, cela se passe non seulement aux marges de lEurope,
mais aussi dans des pays o ne se forme pas un Etat central fort. En
France par exemple, on trouve dj les prmices de la centralisation
de lEtat: ce nest pas un cadre propice au dveloppement et a
richesse de ces cits-tat.La spcificit de lOccident ce moment est
que ces marchands ont principalement leur activit localise dans ces
villes. On a alors un contraste entre un pouvoir tatique plutt
faible, et ces villes trs dynamiques, o les marchands commercent
librement.Cependant, on peut considrer quil y a des villes trs
importantes ailleurs: pourquoi ne trouve-t-on pas le mme modle
capitaliste qui apparait Byzance par exemple? Pourquoi sagit-il des
cits de lOccident?Si lon prend la diffrence avec les cits romaines,
Rome, on trouve certes des marchands, du commerce important. Mais
si lon regarde le modle social, les activits commerciales ne sont
pas tellement valorises, voire juges indignes. Par exemple, on
limite lexportation de marchandises dalimentation. Ce qui est
prestigieux socialement est plutt lengagement dans la vie publique,
les charges publiques que lon peut obtenir. Laccumulation des
richesses nest alors pas une fin en soi.Dans les cits-Etat, cela
est assez diffrent: la structure sociale est beaucoup plus confuse,
et plus cosmopolite. Laccumulation financire sera alors beaucoup
plus attractive que la vie publique, et notamment, cette vie
publique est ferme aux marchands.Cest dans cette configuration que
laccumulation de richesses deviendra, pour cette classe sociale,
une fin en soi. Cest le cas notamment de Gnes, de Venise, de
Hambourg. Par exemple, Venise, il y a une richesse prodigieuse la
fin du 14e sicle. Elle reprsente alors presque le centre du monde:
le commerce est mondial, entre le monde chrtien, et les empires
byzantin et musulman. On trouve une seconde mditerrane au Nord de
lEurope, avec les cits allemandes comme Hambourg et Lubeck.Ces deux
mditerranes se rejoindront dans lEurope de lintrieur, par exemple,
dans les foires de Champagne: ce sont des marchs continus, des
lieux de rencontre entre les marchands du nord et ceux du sud. Ces
marchs ne sont alors pas les mmes marchs que ceux du village par
exemple. On schange des draperies, du vin, avec des marchandises
provenant dOrient, comme les pices, la soie.Les techniques
financires font alors considrablement saffiner. On change avec de
la monnaie, et petit petit, on changera avec des lettres de change
(anctre du chque), pour viter le transport physique dargent. Ces
lettres de change deviendront des instruments de crdit, mais aussi
de spculation: une activit bancaire, financire se dveloppera petit
petit. Ce sont notamment les banquiers italiens qui la dvelopperont
dans un premier temps.Petit petit, cette activit financire
entrainera le dclin des marchs: les lieux dchange seront de plus en
plus dmatrialiss, avec lapparition des bourses par exemple. Ce qui
compte nest donc pas davoir une classe de marchands en soi, mais
que ces marchands dveloppent une activit dans un contexte, celui de
ces cits mdivales, et qui accumulent des richesses considrables. Ce
commerce prosprera alors sans entrave politique.Mais ce commerce
est encore trs peu li au systme de production: on nest alors que
dans le prcapitalisme. Le systme de production est en effet domin
par les corporations, qui sont des organisations de rgulation par
mtiers.Un secteur est alors assez diffrent et prcurseur du
capitalisme industriel: le secteur du textile. En effet, trs tt, il
y aura un lien entre lactivit marchande et lactivit de production.
Trs vite, les marchands simpliqueront dans le systme de production
car passeront directement commande aux artisans, fourniront les
matires premires.La manufacture est diffrente de la fabrique. La
manufacture sont des ateliers gants. Lorsque lon parle de la
fabrique, on va vers lusine.1. Le dsenclavement plantaire de
lEurope: changement dchelle, dplacement du centre de gravit, et
rivalits europennes.Si lon veut comprendre ce qui se passe au 15e
16e sicle, il faut absolument envisager la dimension plantaire.De
cette part des changes, une grande richesse saccumule, et cest
partir de ces changes que se mettra en place lconomie-monde
europenne, de laquelle sortira le capitalisme. Jacques ADDA donne
des chiffres approximatifssur cette priode: 90% des biens que les
paysans consomment viennent dun cercle de 5km autour de chez eux.
Pour 90% de ce qui ne vient pas de ce premier cercle, cela vient
dunedistance qui est une journe de marche. Et cest alors seulement
dans le 3e cercle cad le 10e du 10e restant, qui vient du commerce
lointain, international. Mais cest sur cette petite part du
commerce, tourne vers le monde, que se construiront des fortunes.Ce
commerce au long cours sarticule aussi avec le vaste processus de
dsenclavement maritime de lEurope. A la fin du 15e sicle, on aura
des marchands explorateurs navigateurs qui prendront le contrle du
commerce, notamment arabo-indien, et aller jusquen Chine et au
Japon. Les marchands semparent alors trs vite de ces voies
maritimes.En revanche, ici, les Etats naissant jouent un rle
important. Les initiateurs sont souvent des monarques de pays, qui
noccupaient pas forcment la premire place sur la scne
internationale, comme le Portugal.Lor est galement trs important
dans les conomies europennes: la monnaie ncessite notamment de lor.
Les gisements dor se trouvent alors en Afrique, et le commerce de
lor en Afrique est contrl par les musulmans: cest ce qui fait que
lEurope est dficitaire dans son commerce avec lOrient. LEurope est
en effet trs pauvre en mtaux prcieux. Lide est alors de ne plus
dpendre du monde musulman pour avoir accs lor.Avec cette motivation
daller chercher des mtaux prcieux, cest alors une priode o, en peu
de temps, saccumulera une trs grande richesse. On verra en trs peu
de temps arriver des produits inconnus, qui rvolutionneront les
processus de fabrication. On voit alors apparaitre avec le
dsenclavement plantaire, avec louverture de ces voies commerciales,
des nouveaux produits, comme le sucre, le cacao, la pomme de terre,
le mas, le riz, le caf Cest la mme chose pour la production: le
dveloppement de lindustrie cotonnire par exemple.Les marchands qui
vendent ces produits feront alors des profils prodigieux: il y aura
une accumulation des richesses absolument indite.Il faut toutefois
mentionner un autre type de commerce: lesclavage, sur lequel repose
tout ce commerce. On parle parfois de traite atlantique ou
occidentale. Ce commerce triangulaire sorganise en trois temps: Des
navires partent dEurope, de grands ports atlantiques (Nantes, la
Rochelle, Lisbonne, Londres, Bristol) et emportent de quoi acheter
des captifs aux puissances africaines: des textiles, de lalcool,
des armes, des outils.. Il y a ensuite un troc de ces marchandises
contre des esclaves. Les endroits les plus importants sont le
Sngal, ou lAngola. Chargs desclaves, les bateaux partent vers leur
destination de livraison, de lautre ct de lAtlantique, notamment au
Brsil et sur la cte sud de lAmrique du nord. La mortalit moyenne de
ces cargaisons est de 20% en moyenne, mais parfois, elles
disparaissent compltement, du fait des conditions dhygine
dplorables. Sur les ctes du nouveau monde, les europens vendent
alors les esclaves pour obtenir les productions locales, comme le
sucre, le coton. On affecte ces populations dportes ces
plantations. Ces bateaux se chargent alors de ces produits.Ce
commerce triangulaire est lun des ressorts de cet essor de
lOccident.Il faut galement voir la faon dont les quilibres se
dplacent en Europe. On voit quatre centres se succder.
Venise, centre trs riche la fin du 14e sicle, pendant un sicle.
Vers les 15e 16e sicles, Anvers sera un centre trs dynamique. En
Italie, Gnes, dans la seconde moiti du 16e. Vers la fin du 16e
sicle, Amsterdam.Ce qui dplace le centre de lconomie-monde
dAmsterdam vers ailleurs est la Rvolution Industrielle, qui donnera
un grand avantage au Royaume Uni, avec un dbut du capitalisme
industriel trs important. Le centre se dplace alors Londres vers la
fin du 18e sicle. Cela bascule alors avec la crise de 1929: le
centre de lconomie-monde se dplace New York.1. Trois analyses
classiques pour comprendre lmergence du capitalisme.Il sagit de
revenir sur trois thses dveloppes pour comprendre cette mergence du
capitalisme. Diffrents regards ont en effet t ports sur cette
mergence.1. Economie-monde europenne et dynamique du capitalisme
(Fernand Braudel) puis notion de systme-monde.Fernand Braudel est
un historien incontournable sur ce point. Il sest intress la gense
du capitalisme et la priode prindustrielle. Il montre que dans un
premier temps, on trouve bien une conomie de march qui existait,
mais qui occupait une place restreinte dans la socit. Elle sera
alors le lieu privilgi de lmergence du capitalisme. Pour lui,
lmergence du capitalisme est alors bien antrieure la rvolution
industrielle.Il retrace ce processus dmergence de lconomie
capitaliste, qui est un phnomne trs lent: on a les premiers prmices
vers le 13e sicle, et il montre ensuite comment cette conomie se
dveloppera, partir de centres qui se dplaceront et regrouperont
tour tour la majorit des activits conomiques.La distinction la plus
importante chez Braudel est celle faite entre conomie de march et
capitalisme: trs souvent, on considre quil sagit de la mme chose.
Or, ce sont deux notions distinctes. Lconomie de march renvoie pour
lui des changes qui peuvent tre des changes de proximit, mais
rglements, transparents. Le capitalisme est une faon de contourner
les rgles du march, un contre-march. Pour dgager des profits
exceptionnels, on cr alors des situations de monopole, de lopacit
sur ces rgles.Diffusion du capitalisme.Lconomie-monde est un espace
gographique, qui a des bornes clairement identifies. Cest un espace
plutt conomique: les frontires ne sont pas forcment politiques.
Cest un espace polaris, cad qui gravite autour dun ple, dune ville
dominante. Ces villes-centres sont trs importantes: cest l que lon
centralise, que lon rpartit les richesses, les marchandises, mais
aussi les informations et les hommes.Il peut exister deux centres
un moment dans une conomie-monde, mais ce quobserve Braudel, cest
quun centre finit toujours par tre dominant.
Enfin, cet espace est hirarchis en zone successives, qui sont
concentriques. On trouve une ville-centre, et autour, des cercles
concentriques, avec des zones de moins en moins participantes
lconomie monde, et de plus en plus dpendantes. On trouve ensuite
des zones intermdiaires, et la priphrie, des marges, plus tendues,
archaques.Dans cette conomie-monde, on trouve une division du
travail: les zones priphriques sont subordonnes au centre dominant,
et dpendantes de celui-ci.Par exemple, concernant lconomie-monde au
moment o Amsterdam est le centre. La premire priphrie sont les
provinces unies. Ensuite, on trouve la baltique, la France,
lEcosse, etc. Aux marges, on trouve la Scandinavie, et le sud de
lEurope. Cette priphrie stend jusque lautre ct de lAtlantique.Dans
une conomie-monde, une poque donne, on a une coexistence de socits
trs diffrentes. Dans les priphries par exemple, on trouve des
esclaves, des serfs. Le centre est alors dj capitaliste au
contraire.Lide de Braudel est alors que lapparition du capitalisme
procde de cette hirarchisation interne de lconomie-monde. Ce
capitalisme qui apparait dans la ville-centre est alors une cration
historique. Pour Braudel, le march est quelque chose de naturel: il
y a du march partir du moment o il y a de lchange. En revanche, le
capitalisme est une cration historique, qui apparait dans ces
conditions. Le capitalisme dsigne donc ce modle dorganisation
conomique. Cest une faon de filouter le march afin den profiter.Le
capitalisme dsigne aussi des choses ayant voir avec les mentalits,
favorables au profit, au calcul et au jeu.Son travail sur la notion
dconomie-monde est majeur, assez consensuel. En revanche, sa
dfinition du capitalisme comme un contre-march nest pas forcment
accepte par tous.1. Invention du march, dsencastrement de lconomie,
et rle du commerce au long cours (Karl Polany).Linstitution du
march pour Polany est quelque chose dancien, mais pendant
longtemps, le march comme institution na jou quun rle secondaire
dans la vie des civilisations: dans les socits prcapitalistes, on a
une conomie qui nest pas autonomise. Lconomie est encastre dans les
relations sociales.Le systme conomique existe, mais est gr selon
une rationalit diffrente de celle du capitalisme: on a des changes
conomiques, mais la rationalit qui gouverne ces changes peut tre
non conomique. Par exemple, les relations de parent peuvent
gouverner ces changes, et non la qute du gain.Que ce soient les
socits primitives ou les empires, ils ont des marchs, mais rguls
par des principes diffrents du march capitaliste.Au Moyen ge, il
faut distinguer les marchs locaux, frquents par les habitants
voisins, qui nont pas tendance sagrandir, et les grandes foires, o
se rencontrent les marchands du sud et du nord, et o sont issus les
produits du commerce au long cours. Lhypothse de Polany est alors
de dire qu partir de ce commerce extrieur, au long cours,
linstitution du march investira progressivement la vie
occidentale.Linstitution de la forme du march capitaliste, qui
repose sur laccumulation, le mode de fixation des prix, est alors
pour Polany luvre de lEtat: cest la formation des Etats en Europe
qui fera la jonction entre cette multitude de marchs locaux et le
commerce extrieur. Auparavant, il y avait plutt une coupure
stricte, entre un march intrieur, rgul par les corporations, et un
march extrieur, rgul par les marchands.Avec lEtat qui abolit les
corporations, fortifie la monnaie, pourra alors se faire cette
jonction et se dvelopper le capitalisme. Pour Polany, le march
comme institution trouve donc plutt son origine dans linstitution
de lEtat et le commerce extrieur.B. Du macro au micro: lesprit du
capitalisme (Max Weber).Max Weber sintresse lui la dimension
culturelle du capitalisme: il sintresse linfluence de lthique
religieuse sur le comportement conomique. Il montrera le lien troit
entre le protestantisme et le capitalisme. Globalement, pour lui,
le capitalisme se dfinit comme le premier systme conomique
entirement organis autour de la qute rationnelle du profit.Lappt du
gain nest pas quelque chose de nouveau: ce qui est nouveau, cest
que cela devient le modle dorganisation de la socit. Il y a
certaines conditions pour que ce modle devienne le principe
dorganisation de la socit: notamment, lexistence dinstitutions, par
exemple, lexistence dun systme de comptabilit.Il montre que le
capitalisme est aussi un ordre social particulier, fond sur des
rfrences culturelles, des valeurs, qui tournent notamment autour de
la valorisation du travail et de lpargne.Si lon essaye de drouler
son raisonnement, Weber part dabord dun constat: en Allemagne, au
dbut du 20e sicle, le pays est en plein dveloppement conomique, et
les leaders de ce systme sont alors beaucoup de protestants, alors
quen Allemagne, cette poque, on trouve autant de catholiques que de
protestants. Cette observation est trs courante cette poque.Weber
prend alors au srieux ce constat, et essaye de lier ces deux faits.
Il dfinit alors le capitalisme: le capitalisme repose sur
lentreprise industrielle avec le but de raliser le maximum de
profits, par une organisation rationnelle du travail et de la
production. Cest donc la jonction entre un dsir de profit et une
discipline rationnelle.Ce dsir de profit est diffrent de celui des
marchands auparavant: il sagit dune accumulation indfinie. Le
capitaliste veut en effet accumuler sans limites: cela a alors une
dimension culturelle. Accumuler sans fin, en soi, pargner,
travailler sans relche, na rien de rationnel pour lui. Que retire
cet entrepreneur, en dehors de la satisfaction de cette
accumulation?
Il fait alors le lien avec lthique protestante. Il sintresse la
morale protestante calviniste. Dans le dogme calviniste, on trouve
la prdestination, qui nexiste ni dans le catholicisme, ni chez les
luthriens. Cette ide de dogme est quil existe un Dieu transcendant,
et il a prdestin chacun au salut ou la damnation. Ce qui ne change
pas est que la mission de chacun est de travailler la gloire de
Dieu.On trouve aussi la notion dascse: les richesses ne doivent pas
tre utilises pour le luxe, on doit mener une vie sobre, sans
superflu, en se concentrant sur lessentiel, cad le spiritualisme,
le lien direct avec Dieu.Le problme pour le croyant, dans ce dogme,
est la mission de lhomme, dans ce monde. Il doit travailler la
gloire de Dieu. Il cherche alors, dans sa vie quotidienne, des
signes de son lection au salut par Dieu. Il peut alors trouver des
signes dans le succs, dans la russite matrielle, qui seront
interprtes comme des indices dune lection divine. Ne pas russir
serait alors ressentir sur soi le fait que lon nest pas lu.Cette
accumulation de richesses, importante car cest un signe de llection
divine, va de pair avec une morale austre, puritaine.Ce qui est
donc condamnable chez les calvinistes, nest pas le fait daccumuler
des richesses, mais le fait de se reposer dessus et den jouir: le
luxe. Le plus grand pch est alors dtre oisif: le travail est une
fin en soi.Dans cette approche, il y a une conjonction, une affinit
lective entre lthique protestante et le capitalisme. Weber dmontre
alors que lthique protestante fournit une motivation
extra-conomique une conduite assez trange, qui est de toujours
accumuler plus, mais pas pour en jouir.Dans cette approchetrs
clbre, Weber fournit une explication de la naissance du capitalisme
industriel. Il ne dit pas cependant que la religion est le seul
dterminant de lmergence du capitaliste: il montre les affinits
lectives, cad que lon na pas seulement deux choses qui
coexistent.Pour Braudel, lesprit du capitalisme est bien antrieur
au dbut du protestantisme: Weber et lui nont donc pas la mme
interprtation.Conclusion.La supriorit de lOccident nest donc pas un
donn. Il faut alors expliquer comment ya-t-il eu cet essor de
lOccident, alors quil tait mme plutt en retard. Il faut donc
sinterroger sur la spcificit de lOccident. On a alors montr comment
ya-t-il un lien trs fort entre lmergence de lOccident, et lmergence
du capitalisme, qui devient un monde dorganisation sociale, et les
liens existants entre la formation du capitalisme et la formation
de lEtat.
Chapitre 2Deux sicles de mondialisationRetour sur la premire
mondialisation.
Introduction. La premire mondialisation a lieu de la seconde
moiti du 19e sicle la premire guerre mondiale. La seconde
mondialisation est celle que lon vit aujourdhui. Ressemblances et
diffrences?Il est intressant de sintresser la premire
mondialisation, et didentifier des ressemblances entre les deux
mondialisations, car dans beaucoup de choses que lon entend sur la
mondialisation, des choses ne sont pas si nouvelles. Sintresser aux
dynamiques de la premire mondialisation permettra galement de
remettre en cause un certain nombre dides reues, sur ces choses qui
seraient nouvelles et caractristiques de notre poque. En effet, la
premire mondialisation est bien moins rgule que celle que lon vit
aujourdhui.Cest alors en faisant ce parallle que lon peut voir ce
quil y a de fondamentalement nouveau entre ces deux priodes. La
mondialisation, un processus irrversible?Aprs la premire
mondialisation, donc aprs la premire guerre mondiale, on a vu
linternationalisation des changes de toute sorte baisser. Pour
retrouver le mme niveau dans les changes internationaux, en
particulier au niveau conomique, il a alors fallu attendre les
annes 1980-1990. Si lon se situe dans une priode historique, cela
permet alors denvisager la question de la rversibilit de cette
dynamique. La premire mondialisation montre alors que ce phnomne
nest pas irrversible: il y a par exemple un retour au
protectionnisme durant les annes 1930. Ces dbats sont aujourdhui
trs prsents avec la crise, notamment sur la question du
protectionnisme.Plus gnralement, lorsque lon sintresse aux grands
dbats, ces dbats sont alors les mmes, on trouve les mmes axes qui
se retrouvent. Par exemple, on parle beaucoup de lacclration de la
conqute coloniale qui sest produite durant la premire
mondialisation: cest la faon dont lEurope sempare du monde et le
partage. Cest donc quelque chose de trs important concernant les
rapports de domination qui stabliront, qui seront trs importants
comprendre, car permettent denvisager notamment les relations
nord-sud. Des dbats qui portent aussi sur la mondialisation
actuelle.On trouve aussi la question du lien entre lconomique et le
politique, et de la place de lEtat dans la mondialisation: ya-t-il
un dclin de lEtat dans la mondialisation, ou au contraire, lEtat
soutient-il la mondialisation? Cette rflexion est un des grands
dbats contemporains.Ce parallle est donc trs intressant faire, pour
ne pas considrer que certaines choses actuelles sont nouvelles, et
notamment car de nombreuses questions se posent sur la
mondialisation.1. La premire mondialisation: points de repre.La
premire mondialisation se caractrise comme un moment o lon voit
disparaitre des cloisonnements entre le march intrieur et le march
international. Ces marchs deviendront de plus en plus articuls:
cest la mise en march de la plus grande part de la production, qui
se fait notamment sur le march international.1.1 - Un formidable
essor du commerce international Progrs technologique et
rtrcissement du monde. Cette priode dessor du commerce
international repose en grande partie sur le progrs technologique,
des transports et des communications. Cela est dabord trs li la
rduction du cot des transports et des communications: les progrs
faits dans ce domaine modifieront beaucoup les relations
commerciales. En effet, on peut faire des changes plus vite, plus
loin, et moins cher.Des avances sont aussi faites avec de nouvelles
routes commerciales, avec notamment le percement de canaux, comme
le Canal de Suez. Les distances sont raccourcies.Il y a un essor de
diffrents types de transports. Le rail, avec des liaisons
intrieures qui se dveloppent, mais aussi transcontinentales. Par
exemple le transsibrien. La navigation, avec lintroduction de
bateaux vapeur.Il y a aussi labaissement du cot des transports
maritimes: de nombreuses marchandises sont transportes par voie
maritime, et le cot du transport va considrablement baisser, pour
atteindre moins de 10% au dbut du 20e sicle.Cette baisse sera
possible grce au dveloppement de la machine vapeur, et grce aux
canaux. Le canal de Suez (1869) rduira par exemple la distance
entre Londres et Bombay de 40%, ce qui favorise les changes entre
des deux pays. Jacques ADDA tablit par exemple que le cot des
transports maritimes baissera de 60%.Les relations commerciales
sont galement modifies avec lapparition des nouveaux moyens de
communication, comme le tlgraphe et le tlphone. Ce progrs
technologique est trs important pour la mondialisation. Notamment,
la baisse du cout des transports permet un rtrcissement du monde.
Comme cela devient moins couteux et que ce commerce est encore
assez peu rgul, les activits de production seront alors de plus en
plus penses en fonction de la demande trangre.Pendant cette priode,
on observe une multiplication par 20 des volumes changs. On a aussi
une augmentation considrable de la production. Il est alors
intressant de regarder la croissance des changes par rapport la
croissance de la production. Le niveau des changes augmente alors
plus vite que le niveau de production.On a alors un niveau des
changes trs important, qui ne sera pas atteint avant trs longtemps.
On estime que ce niveau tait de 7,5% au niveau du 20e sicle, et
entre 15 et 20% la veille de la premire guerre mondiale. Ce taux
est donc trs lev: ce taux est le mme la veille de la premire guerre
mondiale que dans les annes 1970, avant la seconde
mondialisation.
1.2 - Un capitalisme financier.Durant la premire mondialisation,
on trouve galement un change intense de capitaux, essentiellement
europen: ce phnomne nest donc pas nouveau. Il sagit aussi de flux
dconnects de la sphre relle, spculatifs, dans le but de faire des
profits. On voit notamment beaucoup augmenter des investissements
directs ltranger: on ninvestit pas seulement sur des valeurs, mais
aussi sur des infrastructures ltranger.Ce changement est aussi li
un changement de destination des flux financiers: les capitaux se
dirigent de plus en plus vers des destinations lointaines, pour
financer des infrastructures de transports et des usines
sidrurgiques.Si lon regarde les changes internationaux au 19e
sicle, on constate alors que la part relative des capitaux tait
plus importante quaujourdhui: cest lune des caractristiques de la
premire mondialisation.Ces placements se dirigent donc de plus en
plus vers linternational, et cette part importante des produits
financiers est caractristique de la premire mondialisation. Cette
redirection des flux financiers vers les pays de sud ne veut pas
cependant dire que lon a une convergence conomique des pays du nord
vers les pays du sud: cest mme plutt linverse, avec lmergence de la
priphrisation.Via ces investissements financiers, on a alors des
stratgies de mainmise sur les matires premires. Cela peut tre aussi
le moyen davoir une intervention directe de certains Etats europens
ou certaines socits crancires dans les affaires publiques de ces
pays dbiteurs.En revanche, ce qui est diffrent daujourdhui est que
les risques financiers sont moins importants: on a un systme de
change des monnaie qui est toujours index sur lor (talon-or), qui
permet davoir une parit entre les monnaies plus ou moins fix, et
donne une certaine stabilit montaire.Il y a une faon concrte de le
matrialiser: par exemple, dans la vie quotidienne, beaucoup de
choses taient mesures avec la monnaie. Par exemple, deux sous de
farine Cela montre que la monnaie tait assez stable dans le temps,
ainsi que le prix des marchandises.La seconde diffrence est que lon
a aussi moins de contrles: jusquen 1914, il ny a quasiment pas de
contrle de la circulation internationale des capitaux.1.3 - La
soupape dmographique.La France a une position assez diffrente dans
sa faon de sinsrer dans la nouvelle mondialisation: les franais qui
investissaient ltranger investissent assez peu dans leurs colonies.
Beaucoup de capitaux se dirigent par exemple vers la Russie,
lArgentine.De plus, dans son intgration internationale, les flux
migratoires ne joueront pas un rle trs important, du moins pas le
mme que la Grande Bretagne par exemple, o lon trouve des flux de
population massifs.La baisse du cout des transports favorisera
alors les flux migratoires: entre 40 et 50 millions de personnes
quittent lEurope, dont 38 millions sur la priode commenant en
1870.LEurope est alors une terre dmigration beaucoup plus quune
terre dimmigration. Le cas de la France est particulier. On trouve
cependant galement des mouvements migratoires intra-europens. La
circulation en Europe tait lpoque trs peu contrle: en fonction de
lindustrialisation de certains pays, on trouve alors des flux
migratoires lintrieur de lEurope. Par exemple, dans la rgion, on a
des flux importants vers le bassin minier.Il y a aussi dimportantes
migrations internationales. Ce sont principalement les pays
anglo-saxons qui quittent lEurope vers les nouveaux mondes
(Amriques du Nord et du Sud, Australie, Afrique du Sud) Cette
dynamique dmigration est trs fortement soutenue par le gouvernement
britannique, qui veut peupler ses territoires, ses dominions, car
cela cr un march potentiel. Cest galement une faon de se dbarrasser
dune population qui pose des problmes sociaux. LAllemagne et les
pays scandinaves sont galement une terre dmigration. Par exemple,
au dbut du 20e sicle, la Sude et lIrlande perdront 10% de leur
population.Au dbut du 20e sicle, cette migration anglo-saxone
sessoufflera et stendra aux pays mditerranens mais aussi aux pays
slaves. Cela correspond lpoque o le servage a t aboli: les paysans
sont libres, mais se retrouvent sans travail, sans terre, et ne
peuvent tre accueilli par le monde de lindustrie.Ces colonies sont
donc une faon de rsoudre la question sociale, mais sont aussi une
stratgie conomique: cest une faon davoir des dbouchs pour
lindustrie europenne. Ces colonies deviendront en effet les marchs
dexportation les plus importantes. Ces rgions accueilleront aussi
la plupart des placements. Le modle conomique de cette premire
mondialisation repose donc sur la colonisation, et notamment sur
ces vagues de peuplement europennes.II - LEurope de la premire
mondialisation et son rapport au monde.Quels modles ont-ils t
dvelopps pour rendre compte de cette mondialisation, tant du point
de vue historique que du point de vue conomique?Durant cette
priode, les rivalits saccentueront entre les puissances europennes.
Dun point de vue conomique, la rvolution industrielle sest
produite, et les besoins de lappareil productif europen sont trs
importants en deux choses: Les matires premires. Des dbouchs.La
combinaison de ces deux besoins suscitera une relance
exceptionnelle de la course lexpansion coloniale. En 1800, lEurope
contrle environ un tiers de la plante, alors quaprs la premire
mondialisation, on considre que les puissances europennes contrlent
4/5 de la surface du globe. Cela se fait avec une acclration
considrable durant cette premire mondialisation.Cela est li une
logique conomique, mais aussi politique.1. Rappel sur la notion de
systme-monde (Wallerstein): centre, priphrie,
priphrisation.Wallerstein est un disciple de F. Braudel. Il
sintresse lespace mondial et aux rseaux dchanges qui se passent ce
niveau mondial, et la division du travail qui sy opre. Il dit alors
que dans ce systme monde, on trouve deux types diffrents:
lempire-monde et lconomie-monde.La diffrence entre les deux est la
configuration politique: Dans lempire-monde, la division du travail
se fait dans une organisation politique unique. Dans
lconomie-monde, le systme conomie se dploie dans un systme
intertatique.Lide dun systme ne signifie pas juste quil y a des
changes: pour parler de systme-monde, il faut quil y ait une
division internationale du travail. (Un systme est donc un truc
dans lequel les parties ont des effets entre elles).Une logique
sinstaure et correspond une division internationale du travail:
tant que les changes se limitent des produits exotiques ou prcieux,
comme ctait le cas au Moyen ge, cela ne touchait pas lappareil de
production. Cela nest alors pas un systme monde, mais plutt des
changes entre des systmes monde diffrents.Dire quil y a un systme
monde est quil y a un lien entre ces changes et lappareil de
production. En termes du type des biens changs, cela concerne alors
aussi des biens intermdiaires ou des biens de consommation
courante, comme par exemple le coton.On a affaire un espace la fois
polaris et hirarchis. Lopposition centre-priphrie est alors au
centre de ce modle: on parle parfois mme du modle centre-priphrie.
La priphrie, dans lconomie-monde, se conoit en opposition avec le
centre du systme, qui comprend les puissances engages dans la lutte
pour lhgmonie. Tout ce qui entoure le centre nest alors pas
ncessairement la priphrie: la priphrie se dfinit par son rapport au
centre, et est bien dans le systme-monde.Par exemple, si lon prend
le cas de lInde, pendant une trs longue priode, il y a du commerce
avec les Indes: les comptoirs des Indes. A ce moment, ces comptoirs
ne permettent pas de dire que lInde est une priphrie de
lconomie-monde europenne: ce commerce ne vient pas structurer son
modle organisation conomique, ne transforme pas le systme de
production. Les comptoirs sont plutt des lieux ddis au commerce au
long cours.Cela va alors basculer au 19e sicle avec la domination
britannique: ce moment, lInde devient alors une priphrie dune
conomie-monde, qui a pour centre Londres. Ce qui sera produit en
Inde, et le mode dorganisation politique en Inde, se structurera en
fonction de sa relation avec le centre. La priphrie est donc dfinie
par son mode dinsertion dans lconomie monde.Un autre critre est la
division internationale du travail, cad la division internationale
telle que lon dcide les puissances du centre: qui fait quoi, qui se
spcialise dans quoi? Cest le centre qui dcide. Dans ce modle, la
spcialisation ne dpendra alors pas de dterminants naturels, qui
expliqueraient que dans tels pays, comme on a telles ressources, on
ne spcialiserait dans telle production. Dans le modle
centre-priphrie, lide est que la division internationale du travail
sera dfinie par le centre.Dans cette emprise du centre, il y a une
dynamique importante de restructuration des productions locales
selon les besoins du centre.La priphrisationest le processus de
restructuration des productions des rgions tombant sous le contrle
politique ou conomique du centre de lconomie-monde en fonction de
ses besoins de consommation finale ou intermdiaire.Il y a la
question de la production, mais aussi la question du march. Avec la
conqute coloniale, les colonies de peuplement reprsentent notamment
un dbouch trs important pour les industries europennes.Lide est
donc que le modle dorganisation des priphries est dissoci des
besoins locaux. On a plutt une production directement branche sur
la demande du centre et dun march cens tre mondial.Ce rapport
conomique est imbriqu dans un rapport de force militaire et
politique. Le rapport de force est en effet au dpart militaire, et
a permis ces puissances du centre de consolider leur domination
coloniale. Lconomie internationale, dans ce domaine, ne dpend alors
pas de la confrontation entre une offre et une demande, mais de
rapports de force, qui dterminent les termes de lchange entre le
centre et la priphrie. Ce modle repose donc sur des rapports de
domination, et non sur un jeu du march comme dans un modle
noclassique.Le fait que ces rapports articulent lconomique et le
politique permet de comprendre que ces rapports ne sarrtent pas en
un jour. Avec la dcolonisation, ce nest donc pas pour autant que ce
systme scroule du jour au lendemain: on peut avoir des structures
de spcialisation, notamment conomiques, qui perdureront.Ce modle
permet de comprendre la problmatique des rapports nord-sud
aujourdhui. Ce nest donc pas la gographie qui dtermine compltement
les rapports de domination. Par exemple, le Bangladesh est parfois
appel lusine textile du monde. Pourtant, on ne produit pas un seul
m de coton dans ce pays. Ce nest donc pas les dterminants
gographiques qui expliquent les rapports de domination.1. Une
premire mondialisation reposant sur lassujettissement des mondes
extraeuropens.Pendant la premire mondialisation, les puissances au
centre du systme monde sont les villes-capitales des grandes
puissances coloniales.Le premier continent entrer dans la priphrie
de ce systme-monde est lAmrique, notamment lAmrique latine. Assez
rapidement, cette rgion deviendra alors une rgion-centre: aprs la
crise de 1929, on peut considrer que New York est au centre du
systme-monde.Si lon sintresse lAfrique, on voit que les dynamiques
de priphrisation sont diffrencies: la priphrisation se produira
seulement la fin du 19e sicle. Cela ne signifie pas quil ny a pas
dchanges avec lAfrique: il y a les comptoirs, la traite des
esclaves, mais aussi lor. En effet, il ny a pas de restructuration
de la production locale en fonction du centre.Cela est trs
caractristique de la premire mondialisation: la fin du 19e sicle,
les europens prendront conscience des richesses trs importantes du
continent africain. Il y aura alors une course la colonisation.
Cette priphrisation est donc tardive en Afrique. Par exemple, le
dveloppement de la Belgique a cette poque repose beaucoup sur
lexploitation conomique du Congo belge.Concernant les pays du
Proche-Orient et du Maghreb, on trouve des relations conomiques
depuis lAntiquit. Lintgration de certains pays de cette zone
lconomie-monde europenne se fera alors par tapes. Par exemple, la
France colonise lAlgrie ds 1830 pour en faire une colonie de
peuplement: 600000 europens y vivent. Il y a aussi dautres types de
rapports conomiques, avec des traits de commerce ingaux, qui
brisent les monopoles locaux.Si lon dpasse le cas de la France,
lensemble du monde musulman, qui prend aussi en compte lIran, est
intgr de deux faons. La priphrisation, avec un remodelage et une
spcialisation de la production qui se fait pour satisfaire les
besoins europens. Les flux financiers, cad des injections de
capitaux pour financer des grands projets dquipement, et pour
mettre certains de ces pays dans une situation de vulnrabilit
financire.Cela renvoie ce problme rcurrent de la dette, qui nest
pas si diffrent de question que lon se pose aujourdhui, avec les
conditions fixes par les grandes organisations financires
internationales.Enfin, la situation de lAsie est assez diffrente:
on a un niveau de dveloppement conomique comparable au niveau
europen. On peut identifier des exceptions: certaines rgions
asiatiques seront colonises, et deviendront des priphries. Par
exemple, lInde, sous domination britannique partir du 19e sicle,
les Pays Bas colonisent lIndonsie, lEspagne colonise les
Philippines.Pour le reste de lAsie, comme la Chine, la Birmanie,
etc, ces pays ont une phase de prosprit qui se fait totalement hors
de lconomie-monde europenne. La situation change un peu au 19e
sicle: lEurope est en qute de nouveaux marchs, et essaye de les
conqurir avec des rapports de force militaires, qui jouent en sa
faveur. Cela consistera faire des expditions militaires pour ouvrir
au commerce extrieur, et pour utiliser la force pour conclure des
traits commerciaux illgaux, trs favorables aux conomies
europennes.Cela correspond une situation assez inverse avec celle
daujourdhui, concernant le cours de la monnaie chinoise, qui est
trs faible, et rend les produits chinois trs comptitifs. Ces traits
ingaux seront souvent suivis dannexions territoriales: lIndochine
pour la France. On voit cette priode comment sont imbriqus une
dynamique daugmentation des changes, et des rapports de force entre
les puissances europennes ou dautres Etats.Conclusion.Il y a
beaucoup de ressemblances entre la premire mondialisation et la
seconde mondialisation. Par exemple, le facteur technologique comme
ressort de ces deux mondialisations est trs important et essentiel.
Cette mise en march mondial, les flux de population et de capitaux,
sont galement des lments de ressemblance.Il y a cependant des
diffrences. Cependant, les changes sont trs nombreux en capitaux
cette poque, la finance internationale nest pas du tout contrle,
rglemente, et les flux de populations sont galement plus importants
pendant la premire mondialisation.Une diffrence est trs importante,
et pointe par Suzanne Berger: lide que lon a une fragmentation des
systmes de production, ce qui ntait pas le cas au moment de la
premire mondialisation. Le systme de production est aujourdhui
fragment en une multitude de squences, avec une multiplicit de
sous-traitants. Une telle segmentation nest pas observe dans la
premire mondialisation, mais plutt une priprisation.Une question
est dbattue par les historiens sur cette priode: le rle de lEtat.
Ya-t-il une primaut de lconomique sur le politique? Lorsque lon
regarde les travaux conomiques sur cette priode, on se rend compte
que la domination de lconomique sur le politique nest pas sre, et
que lon a trs souvent des accords entre firmes. On observe plutt
des jeux dinfluence rciproques entre la sphre politique et la sphre
conomique.Par exemple, au Royaume-Uni, lEtat est un peu sous
pression, et est alors encourag intensifier sa politique coloniale
pour trouver des dbouchs. Il y a eu par exemple labolition des
corn-laws, qui taient des lois protectionnistes pour les craliers.
Il faut alors trouver des dbouchs pour les capitaux. Il y a alors
un deal entre lEtat britannique et le monde conomique. LEtat a une
vision trs mercantiliste, cad dans laquelle il choisit dinclure
lconomie comme un prolongement de son pouvoir.Pour pouvoir
conserver le contrle sur lempire colonial, lEtat se soucie du
placement des capitaux nationaux. Les deux sont donc
imbriqus.Chapitre 3Acclration de la mondialisation et nouvel ordre
mondial.Repres en quelques grands ouvrages.
1. La fin de lhistoire? La dmocratie librale comme point final
ou le choc des civilisations.La dynamique de globalisation du monde
correspond-elle la fin de lhistoire? Comment arrive-t-on un nouvel
ordre mondial avec la chute du mur de Berlin, la fin de la guerre
froide?La squence des annes 1990 est intressante: le monde a
bascul, le mur de Berlin est tomb, ainsi que lURSS. Il faut alors
trouver comment caractriser ce monde. Cette squence se termine
alors par les attentats du 11 septembre. Cette phase est donc trs
dense en termes dlments majeurs.1. Fin dun monde bipolaire et fin
de lhistoire (Francis Fukuyama). La dmocratie librale comme point
final de lvolution idologique de lhumanit.Francis Fukuyama
affirmera, tout dabord dans un court article, puis dans un livre,
que la dmocratie librale pourrait bien constituer le point final de
lvolution idologique de lhumanit, et la forme finale de tout
gouvernement humain.Cela ne signifie pas que dans certaines
dmocraties stables, il ny aurait pas dinjustice ni de problmes
sociaux: il propose lide que ces problmes viennent de ce que lon a
ralis de faon incomplte, cad les principes dmocratiques. Il ny a
pas eu de ralisation complte des principes de la dmocratie, de
libert et dgalit. Dans lidal, la dmocratie librale est un
aboutissement.Cest lide que dans les principes, le point
daboutissement est ce modle de la dmocratie librale. Avec la fin de
la guerre froide, on a alors seulement ce modle. Louvrage et le
contexte de sa rception.On dfinit cette thse de faon simple et on
essaye de la comprendre. On comprend lcho qua pu avoir cette thse
seulement en la replaant dans son contexte.A lt 1989, on se trouve
encore dans le monde de la guerre froide. Ce politologue publie
alors, dans une revue intellectuelle de la droite conservatrice
amricaine, un article de 15 pages, La fin de lhistoire. Le titre de
larticle a alors un point dinterrogation. Le mur de Berlin nest
alors pas encore tomb, et de nombreux spcialistes considrent que la
fin du communisme est impossible long terme.Le 9 novembre 1989, le
mur de Berlin tombe, et il y a alors un enchainement de
circonstances, avec une radicalisation du rgime chinois, des
revendications dans certains rgimes communistes, des transitions
dmocratiques en Amrique du Sud mais aussi en Europe de lest.Dans
une trs courte priode, toute cette dynamique senclenche, alors que
le monde tait stable pendant longtemps. La thse de Fukuyama sera
alors accueillie favorablement, car tous ces vnements lui donnent
du crdit. Cela marquerait lentre dans ce nouvel ordre mondial.On
aurait alors lextension de la dmocratie librale lensemble de la
plante, avec la fin des deux blocs. En 1992, il dveloppe alors sa
thse dans un ouvrage de 500 pages, sans point dinterrogation la fin
de sa thse. Perspectives critiques: la fin des vnements? La fin de
laction politique?Cette thse a tout dabord t critique avec lide que
la fin de lhistoire voulait en quelque sorte dire la fin des
vnements, ce qui ne voudrait rien dire. Cette critique prend alors
la notion de fin de lhistoire au pied de la lettre. Il ne pourrait
alors plus se passer dvnements importants autres que ceux qui mnent
au progrs social et politique? Cette critique renvoie alors plutt
au titre.Un second dbat est plus intressant: il pose la question de
la valeur absolue, voire de supriorit intrinsque accorde la
modernit occidentale. Ces valeurs, qui renvoient la centralit et la
dmocratie librale, la scularisation, lindividualit, sont prsentes
comme parfaites, indpassables. Ne serait-ce pas plutt une modernit
parmi dautres modernits possibles?Une troisime critique a t faite
par les no-conservateurs amricains et consiste dire que ce livre
suggre trop que cest la fin de la politique de la puissance: cest
ce qui fera dire Robert Khagan quavec le 11 septembre, la politique
internationale est revenue la normale. La priode entre la chute du
mur de Berlin et le 11 septembre serait alors plutt une parenthse
historique.Plus globalement, le problme de cette thse de la fin de
lhistoire est quelle met lcart laction publique. Ce qui a surtout
dintressant dans ce livre est de voir comment cette thse a merg, et
comment a-t-elle t reue dans les annes 1990.1. Le 11 septembre et
le choc des civilisations (Samuel Huntington).Samuel Huntington est
un professeur de Harvard, qui a crit beaucoup de choses sur lordre
international. Il rflchit lordre mondial post-guerre froide.
Vers laffrontement gnralis entre civilisations plutt que vers la
fin de lhistoire.Il cherche comprendre quelles ont t les logiques
daffrontement successives au niveau international dans lhistoire:
guerres entre nations, guerres didologie.Maintenant que la guerre
froide est finie, quels sont les clivages contemporains? Quest-ce
qui gnrera des conflits dans le monde post-guerre froide?Sa rponse
est que les conflits majeurs auxquels on assiste sont avant tout
des conflits identitaires. Dune certaine faon, les conflits entre
nations taient dj identitaires, mais lchelle tait lEtat: ce que
Huntington dfinit comme conflits identitaires sexprime plutt
lchelle des civilisations. Une civilisation est une entit beaucoup
plus englobante que la nation, ce sont des aires culturelles.Pour
lui, cest entre ces entits didentification quon trouvera les
clivages dans le monde post guerre froide. Pour lui, le principal
marqueur civilisationnel est la religion dominante dune rgion
donne.Il recherche notamment contredire Fukuyama et son ouvrage La
fin de lhistoire. Il pense que cette thorie est trs idaliste, et
que le monde ne va pas du tout vers lexpansion de la dmocratie
librale. On va plutt vers un affrontement gnralis entre
civilisations. Selon lui, on entre dans une nouvelle phase, et les
conflits les plus importants nauront pas pour origine lidologie,
lconomie: les conflits verront saffronter des groupes qui ont des
civilisations diffrentes. Cet affrontement dominera alors la
politique mondiale.Lapproche raliste des relations internationales
part de lide que la scne internationale est le chaos, lanarchie.
Les seuls acteurs permettant de mettre de lordre sont alors les
Etats. Se passe alors sur la scne internationale des arrangements
entre Etats, des accords. Les noralistes disent alors que lordre
international vient de la coopration entre les Etats.Huntington est
raliste, mais ne part plus des Etats, mais des civilisations: il
change lunit danalyse, et transpose cette vision du monde au niveau
des civilisations. Il dcoupe le monde en grandes plaques, et ces
plaques sont alors les civilisations: les civilisations
occidentale, latino-amricaine, africaine, islamique, chinoise,
japonaise, hindoue, orthodoxe, et bouddhiste. Il ne nie pas quil
puisse y avoir des conflits entre les pays, ou entre des groupes
qui appartiennent une mme civilisation. Mais le principe de sa thse
est de dire que les conflits, qui seront les plus importants et
auront un potentiel de dstabilisation majeure des relations
internationale, opposeront des Etats ou des groupes qui
appartiennent deux aires civilisationnelles.Ltape suivante de son
raisonnement est que son approche consiste aussi dplorer le dclin
du monde occidental, et identifier des civilisations dangereuses.
Pour lui, ces civilisations sont les civilisations chinoise et
islamique. La civilisation chinoise devient en effet le plus grand
rival de loccident sur le plan conomique. La civilisation islamique
est caractrise par un trs grand essor dmographique, et par un
bellicisme dmographique. Ce serait une civilisation par dfinition
proslyte, cad qui souhaite faire adopter par les autres sa
religion.A lintrieur de cette civilisation, il ny a pas dEtat
phare, dominant (dans la civilisation Occidentale, il considre que
cest les Etats Unis) qui pourrait stabiliser.Pour lui, lislam est
une religion du glaive, qui contient un potentiel de violence tout
fait spcifique. Louvrage et le contexte de sa rception (11
septembre 2001).Au dbut des annes 1990, cest la premire fois quil
parle du choc des civilisations, donc assez tt. Il publie alors un
ouvrage quelques annes plus tard. Cet ouvrage est dj dbattu, plutt
dun point de vue scientifique, avant le 11 septembre. Il devient
alors un paradigme gopolitique.Le 11 septembre 2001 ont alors lieu
les attentats: il deviendra alors un paradigme scientifique, mais
il y aura aussi une irruption de la notion du choc des
civilisations dans le dbat public.Ces thses sont alors reprises par
le courant noconservateur, et serviront de grille de lecture du
monde. Beaucoup de gens font alors un lien direct entre la guerre
globale des Etats Unis et la thse de Huntington.Au lendemain du 11
septembre, il y a une demande fantastique de cet ouvrage. Robert
Khagan dit alors de nombreuses reprises que louvrage est une des
meilleures analyses du monde moderne, et tient mme Huntington pour
prophte. Perspectives critiques: sur la civilisation, sur la
dynamique conomique et politique.La vision du monde que propose
Huntington a t trs critique.Tout dabord, cest une vision du monde
qui laisse de ct toute une srie daspects de la mondialisation qui
ne vont pas dans son sens. Diffrents ouvrages critiques ont t crit
sur le choc des civilisations, notamment Limposture du choc des
civilisations de Marc Crpon, qui fait un certain nombre de rappels
utiles et de critiques. Dans ces identits collectives grande
chelle, il ny a aucune raison de considrer quelles sont exclusives,
ni de considrer quelles sont ultimes et indpassables. Mme si lon
reconnait qutre europen ou occidental est quelque chose dimportant,
cela ne veut pas cependant dire que ces identits sont
conflictuelles voire meurtrires. Cette identit nest donc pas
forcment une identit de combat.Un point est lud par Huntington, et
renvoie un certain nombre dinstitutions internationales, qui montre
quil existe des constructions internationales, qui renvoient un
sentiment de responsabilit. Si lon sintresse par exemple au G20, au
protocole de Kyoto, la Cour pnale internationale, on voit que lon a
des constructions politiques qui renvoient une logique de
coopration internationale, qui transcendent ces conflits
identitaires.Autre critique, larticulation trs troite faite dans
son approche entre civilisation et religion doit tre remise en
cause: elle est non seulement trs caricaturale, mais ne permet pas
non plus de comprendre le religieux dans la mondialisation.Ces
critiques ont notamment t dveloppes par Olivier Roy, spcialiste de
lislam, qui a fortement critiqu le choc des civilisations pour
montrer que ce quil y a de trs intressant dans les mouvements
religieux aujourdhui, dans le revivalisme religieux, est que cela
permet de comprendre le rle des mouvements religieux dans les
dynamiques de mondialisation. Il est donc trs caricatural de
considrer que les groupes religieuses auraient une base culturelle
homogne, et parfaitement positionne au niveau gographique.Par
exemple, si lon sintresse la tradition chrtienne anglicane, dont le
berceau est la Grande Bretagne, aujourdhui, les plus grands
dfenseurs de cette tradition sont au Nigria, en Ouganda, au Kenya.
Si lon sintresse aux pays do proviennent le plus grand nombre de
missionnaires protestants, aprs les Etats Unis cest alors la Core
du Sud.Finalement, le choc des civilisations prtend alors dfinir
les civilisations par le facteur religieux, alors que ce facteur,
qui est trs intressant tudier dans la mondialisation et dans les
enjeux politiques contemporains, ne peut pas tre expliqu par le
choc des civilisations. En effet, aujourdhui, ce facteur nest pas
lexpression de facteurs identitaires traditionnels, mais est aussi
une consquence de la mondialisation: il y a un rle du religieux
dans la mondialisation, mais aussi une mondialisation du religieux,
avec une circulation des problmatiques. Les identits sont donc au
contraire multiples et enchevtres.Il y a un second type de
critiques, par rapport la faon dont louvrage a t reu et ce quoi il
a servi: dans une certaine mesure, il est devenu une prophtie
autoralisatrice. Il ne donne pas seulement des cadres imparfaits,
voir faux pour comprendre le monde, mais peut aussi donner lieu des
comportements qui faonnent le monde en retour. Reconnaitre que
Huntington est comme un prophte ne serait pas faonner le monde
selon cet ouvrage?Ce qui est intressant nest donc pas forcment la
thse en elle-mme, mais plutt le contexte dans lequel cet ouvrage a
t reu, la faon dont il est devenu un paradigme pour comprendre le
11 septembre, et pour le rle quil a jou dans ce contexte.1. La fin
de lEtat? La globalisation de lconomie et le retrait de lEtat.Dans
ce dbat sur la mondialisation dans les annes 2000, on retrouve la
question de la fin de lEtat. Cette question est pose pas tant du
point de vue des relations internationales, mais plutt pour
comprendre la nature de la mondialisation. Il y a lide que lon
assisterait aujourdhui un dclin, un retrait de lEtat.Cest lide de
la globalisation de lconomie et de la finance, lide que lon a des
organisations de plus en plus puissantes au niveau rgional ou
international, comme lUE, et de plus en plus de dlgation de pouvoir
au niveau national (dcentralisation, etc). Cela serait alors des
facteurs du retrait de lEtat par rapport aux dcennies prcdentes:
lintervention de lEtat aurait atteint un pic, son apoge, et lEtat
serait alors en retrait du fait de la globalisation.Ce point de vue
peut tre discut, partir de travaux sociologiques. Lorsque lon
rflchit lide de la fin de lEtat, on ne sintresse pas des ouvrages
aussi dbattus que les prcdents. Les ouvrages sont trs nombreux sur
cette thmatique.1. La globalisation conomique et lEtat en retrait
(Susan Strange).Susan Strange refuse dentrer dans un certain nombre
de dbats sur la globalisation. Elle ne sintresse pas aux
hamburgers, mais des catgories de rflexion fondamentales de la
science politique: le pouvoir et lEtat. Il faut alors faire
attention lide dinterdpendance, qui supposerait que lon ait des
acteurs gaux. On aurait plutt des rapports de pouvoirs. Son
approche est beaucoup plus critique et consiste revenir aux
catgories de pense fondamentales de la science politique.
Linversion du rapport de pouvoir Etats-Marchs.Sur la question du
rapport de pouvoir Etat-march, Susan Strange se situe dans le champ
des relations internationales, et propose une approche plus
originale (aujourdhui rpandue): une perspective dconomie politique
internationale. Cette approche fait alors le lien entre lconomie et
le politique au niveau international.Pour comprendre les enjeux
internationaux, elle se pose alors la question du pouvoir: quel
type de ressources, de pouvoir a chacun, et qui obtient quoi lissue
de cela? Quelles sont les structures basiques de pouvoir dans le
jeu international?Elle dfinit alors quatre structures basiques de
pouvoir, et mesure quel est le pouvoir relatif de lEtat et du march
pour chaque type de pouvoir. Celui qui a du pouvoir est en mesure
de faire quatre choses. tre en position doffrir la scurit, ou de la
menacer. tre en position de proposer du crdit. = finance tre en
position de contrler laccs linformation et la connaissance. Avoir
le pouvoir de dcider ce qui est produit, par qui, o, et dans
quelles conditions.Strange observe alors que pour chacun de ces
points, lautorit politique de lEtat est en retrait dans la
globalisation. Elle reste cependant la plus importante pour la
premire structure de pouvoir, cad offrir la scurit (dfinition
wbrienne de lEtat), mais reste concurrence sur ce point. Pour les
trois autres, les Etats sont non seulement concurrencs, mais aussi
trs largement dpasss par les marchs. Concernant la finance, il y a
une place dominante des marchs de capitaux internationaux. Pour la
connaissance et la production, cela fait trs longtemps que les
Etats ont perdu le contrle sur la production des biens et des
services: ces processus dpassent largement les frontires. Les Etats
ont galement perdu le contrle sur la cration, le stockage, et la
conservation de linformation. En effet, une recherche considrable
est effectue par des acteurs privs, et avec les nouvelles
technologies, un contrle est de plus en plus fait par des acteurs
privs.Cela ne signifie pas que ces processus ne sont pas
politiques: dire quil y a un retrait de lEtat signifie au contraire
quavec la globalisation actuelle, le registre politique nest pas
lapanage des Etats.Ce qui est politique ne renvoie alors pas qu
laction des Etats. En effet, si lon sintresse au rle des marchs,
cela renvoie alors des activits politiques, qui concernent la
fabrication des rgles, la rgulation. Un grand nombre dacteurs
participent alors ces activits politiques et ne sont pas des
acteurs tatiques.Si lon sintresse aux firmes multinationales ou aux
acteurs en marge de la lgalit par exemple les mafias, qui
produisent des rgles, ce sont des organisations trs structures.
Concernant la mafia, ces organisations sont globalises avec des
rgles mondiales produites.La politique internationale est alors
quelque chose de beaucoup plus large que ce que font les hommes
politiques sur la scne internationale. Ce pouvoir politique est
alors exerc par des gouvernements, mais galement, et de plus en
plus, par des autorits tatiques. A lide dune fin de lEtat, elle
rpond donc quil sagit plutt dun retrait de lEtat, et prcise que fin
de lEtat ne signifie pas forcment fin du politique, mais
reconstruction du politique, avec un rle important de certains
acteurs tatiques dans la politique internationale.Cette approche a
donc le mrite de construire un modle. Mais on pourrait alors se
dire que cette approche surestime les organisations non tatiques.
Une observation paradoxale: intervention croissante de lEtat dans
la vie quotidienne, et mobilisation en faveur de la cration et la
reconnaissance de lEtat.Cette approche est cependant paradoxale:
Susan Strange note bien que lon a une pntration croissante de lEtat
jusque dans la vie quotidienne, lEtat produit des rgles et
intervient dans la socit dans peu prs tous les domaines, malgr ce
retrait de lEtat. LEtat rgule tous les domaines de la socit. LEtat
na galement jamais extrait autant de ressources de la socit: la
dpense publique reprsente presque 50% de la richesse nationale.On
peut alors rappeler que la question nest pas celle de la quantit
dEtats, qui reste trs importante, et est plus importante quelle ne
la jamais t. La question que pose Susan Strange est alors celle de
la qualit de lintervention de lEtat sur la scne internationale, et
sa capacit rguler ce qui se pose au niveau international. Cest
alors l quil y a un retrait. LEtat na pas perdu la main au niveau
domestique. Dans sa capacit rguler au niveau international, lEtat
est alors en retrait.De plus, aujourdhui, un grand nombre de
revendications politiques portes au niveau international ont pour
objet la cration dun Etat. LEtat nest donc pas concurrenc comme
mode dorganisation politique.1. Perspectives sociologiques sur la
globalisation et lEtat.On peut ici mentionner deux auteurs, selon
lesquels non seulement la globalisation nentraine pas le dclin de
lauteur, mais au contraire lEtat contemporain est profondment
transform par la globalisation, et tellement profondment transform
que lon peut considrer que lEtat tel quil existe aujourdhui est le
produit de la globalisation. Il sagit alors de voir ce que la
mondialisation fait lEtat.Ces deux auteurs rpondent alors
distinctement la question de la fin de lEtat.JF Bayart lie le
processus de transformation de lEtat contemporain, comme un Etat
qui serait le produit de la globalisation. Cest donc cette
dynamique mondiale, depuis deux sicles, qui a form lEtat. Saskia
Sassan sintresse plutt la transformation et la dnationalisation de
lEtat. Le gouvernement du monde et lEtat comme produit de la
globalisation (JF Bayart).Dans son ouvrage Le gouvernement du
monde, il sattache montrer que la globalisation nest pas le
dlitement de lautorit publique, mais cest linterface, entre ce qui
se joue entre le local et le global, que lEtat sest form. Cela
remonte alors au 19e sicle: il situe lmergence de lEtat
contemporain cette priode. Cette priode est alors trs importante.
On ne peut alors pas comprendre la formation de lEtat si lon ne
comprend pas son rapport au monde: cette formation se joue ds le
dbut dans la globalisation. Ce processus est long et dure deux
sicles. Pendant cette priode, la formation de lEtat se joue entre
le local et le global, en extraversion.Notamment, il sintresse
beaucoup au champ historique transatlantique: il essaye notamment
de montrer comment le commerce triangulaire des esclaves a structur
des choses importantes dans la formation des Etats.Il fait alors
diffrentes analyses de cas, et propose de regarder le cas des Etats
Unis, qui est particulirement intressant: lorsque lon parle de
dclin de lEtat, on ne pense pas aux Etats Unis, du moins sur la
scne internationale. Il raconte alors lhistoire de la formation de
lEtat amricain, en montrant que cette formation est trs imbrique
avec la vie politique internationale de cette poque.Une priode a
donc t le pivot de la formation de lEtat amricain: la guerre de
scession. Cest lissue de ce conflit que lon peut parler dune unit
de lEtat amricain. Il essaye alors de montrer en quoi le conflit a
en grande partie pour cause et pour enjeu linsertion une
confdration dans lconomie transatlantique. La question du
libre-change est trs importante. La question de lesclavage est
galement fondamentale. Se pose notamment alors toute la question de
ltendue de lesclavage.Sur ces deux problmatiques majeures, on voit
que la formation de lEtat amricain obit une logique dextraversion,
cad tourn vers lextrieur. Son argument est alors que cette logique
dextraversion nest pas lexception: cette logique est au contraire
la rgle dans la formation de lEtat, cest quelque chose dassez
constant.Des ides quil dveloppe ne sont pas si nouvelles: par
exemple, lide des frontires, reconnues par les autres Etats sur la
scne internationale. La formation de lEtat se joue donc ces
frontires.De la mme faon, les diaspora, communauts de nationaux
vivant ltranger, renforceront les Etats dont elles sont issues. La
souverainet des Etats, et la consolidation de ces Etats souverains,
procdent donc des relations internationales: ces Etats sont insrs,
reconnus par leurs pairs, ce qui limite leurs prrogatives
respectives sur la scne internationale.JF Bayard tire alors cette
ide jusquau bout: on est toujours dans ce processus dextraversion
dans la construction de lEtat, et lEtat est un produit de ce
processus de globalisation. La globalisation actuelle, lessor du
transnational renforce alors les Etats, au lieu dannoncer leur
fin.Il insiste par exemple beaucoup sur les organisations
internationales, en disant que lon met souvent ces arguments en
avant pour expliquer un dclin de lEtat. Pour lui, au contraire, il
ny a pas dinstitution supranationale sans Etat, et lexistence de
ces institutions est alors plutt un indice qui montre que l'Etat se
renforce avec la globalisation. Il dit la mme chose propos du
dveloppement de la socit civile internationale: des acteurs non
tatiques ont fait irruption sur la scne internationale, par exemple
des ONG. Si lon essaye de synthtiser les revendications de ces ONG,
on voit alors quelles demandent une intervention de lEtat.JF Bayard
sintresse aussi des rseaux criminels transnationaux: il considre
que ces rseaux ont bien souvent particip la formation des Etats, au
lieu daller contre ces Etats. Par exemple, au 19e sicle, la Grande
Bretagne sest attribue le march chinois de lopium, et sera est
alors trs important dans la formation de lEtat en Asie.Enfin, il
construit son argumentation autour dune notion wbrienne: la
dcharge, qui est une procdure par laquelle lEtat peut dlguer une
fonction, non pas une organisation supranationale, mais un organe
priv. Cela renvoie la privatisation de lEtat. Peut-on alors
vraiment parler de dclin de lEtat, lorsque lon assiste cette
dcharge? Par exemple, lorsque lon prend lavion aujourdhui, on est
contrl par toutes sortes dacteurs, qui ne sont pas des agents de
lEtat, mais travaillent pour des socits de scurit prives. Pourtant,
la scurit est par essence une fonction rgalienne.Cela ne
sinscrit-il pas plutt dans une dynamique de contrle de lEtat sur
les flux internationaux, dans un contexte o lon a de plus en plus
dchanges? On conoit bien quil ne sagit pas ici dun dclin de lEtat,
dans cette dlgation de la scurit. Cela peut mme signifier un
renforcement de lEtat. Cela renvoie cependant un changement dans
lEtat. Cest galement le cas dans certaines oprations militaires
internationales: par exemple, suite lintervention amricaine en
Irak, dans certaines situations, des socits prives ont pris le
relais de larme amricaine. Mais cela ne signifie pas un dclin de
lEtat amricain sur le territoire amricain.Dcharge ne signifie d