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Mémoire de master 1 / Juin 2017 Diplôme national de master Domaine - sciences humaines et sociales Mention - histoire civilisations patrimoine Parcours - cultures de l’écrit et de l’image Lectures et interprétations du Rosaire en France (XVI e – XVIII e siècle) Agathe Aymard Sous la direction de Philippe Martin Professeur d’histoire moderne – Lyon II
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en France (XVIe XVIII siècle) - enssib.fr · que le Rosaire est d’abord une prière orale, appelée Psautier de la Vierge, à l'image des cent-cinquante psaumes du Psautier du

Sep 15, 2018

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    Juin

    2017

    Diplme national de master

    Domaine - sciences humaines et sociales

    Mention - histoire civilisations patrimoine

    Parcours - cultures de lcrit et de limage

    Lectures et interprtations du Rosaire

    en France (XVIe XVIIIe sicle)

    Agathe Aymard

    Sous la direction de Philippe Martin

    Professeur dhistoire moderne Lyon II

  • Remerciements

    AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 2 - Droits dauteur rservs.

    Remerciements

    Je tiens tout dabord remercier mon directeur de mmoire, M. Philippe

    Martin, pour ses conseils et sa disponibilit.

    Je souhaite galement remercier le personnel du fonds ancien de la

    Bibliothque municipale de Lyon pour son accueil et son implication.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 3 - Droits dauteur rservs.

    Rsum :

    Par la rcitation de ses 150 Ave Maria, le Rosaire est une incarnation de la pit

    mariale. Etablie sous la forme de confrrie ds la fin du XVe sicle, la dvotion connat

    rapidement un grand succs. Largement propage aprs le concile de Trente, grce

    notamment laction des Dominicains, elle constitue, au dpart, une simple communaut

    de prires. Avec le dveloppement de limprimerie, la littrature sur le Rosaire sintgre

    dans le commerce du livre de manire gnrale et tmoigne de la pratique dvotionnelle

    des fidles sous lAncien Rgime.

    Descripteurs : Rosaire - Vierge Marie Confrrie Monde du livre Livre de dvotion

    France - Ancien Rgime.

    Abstract :

    The Rosary consists of praying 150 Ave Maria. Its one of the most notable Marian

    devotion. The Rosary Confraternity appear at the end of the fifteenth century. Thanks to

    the Order of Saint Dominic, the devotion was propagated quickly, particulary since the

    Council of Trent. It was initially a community of prayers. Thanks to the development of

    printing, the Rosary literature is incorporated into the book trade. This devotion

    demontrastes the devotional practice of the faithful during the modern period in France.

    Keywords : Rosary - Virgin Mary Fraternity Book industry Devotionnal book

    France Modern period.

    Droits dauteurs

    Droits dauteur rservs.

    Toute reproduction sans accord exprs de lauteur des fins autres que

    strictement personnelles est prohibe.

  • Sommaire

    AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 4 - Droits dauteur rservs.

    Sommaire

    SIGLES ET ABREVIATIONS .......................................................................... 6

    INTRODUCTION .............................................................................................. 7

    PARTIE I : RAPPELS HISTORIQUES SUR LE ROSAIRE ......................... 11

    I. Le contexte religieux de la priode .............................................. 11

    A. Les Frres Prcheurs et les confrries du Rosaire ....................... 11

    B. Succs et dveloppement des confrries ...................................... 13

    C. Le renouvellement de la vie spirituelle ........................................ 15

    II. Le Rosaire : un livre de dvotion ................................................. 20

    A. Publications de la confrrie ........................................................ 20

    B. Limage du Rosaire .................................................................... 21

    III. Une gographie des confrries du Rosaire ............................... 22

    A. Lapport des tudes antrieures .................................................. 23

    B. Etat des lieux synthtique des confrries du Rosaire.................... 24

    PARTIE II : METHODOLOGIE DENQUETE ............................................. 28

    I. Le recensement gnral des ouvrages : outils et dmarche ........ 28

    A. Prsentation des outils ............................................................... 28

    B. Recensement par occurrence ...................................................... 29

    C. Une approche thmatique des titres ............................................ 33

    D. Difficults rencontres ................................................................ 36

    II. Le corpus de la Bibliothque municipale de Lyon : prsentation et justification .................................................................................................. 38

    A. Un fonds pertinent pour les ouvrages sur le Rosaire.................... 38

    B. Mthode danalyse systmatique ................................................. 38

    III. Le Rosaire au sein du march du livre de dvotion ................. 39

    A. Apprhender la production du livre sur le Rosaire : diffrences chronologiques ........................................................................................... 39

    B. Le march du livre sur le Rosaire : ses acteurs et ses caractristiques .......................................................................................... 45

    PARTIE III : ETUDE DES LIVRES SUR LE ROSAIRE DAPRES LE

    CORPUS DE LA BML .................................................................................... 63

    I. Le contenu des livres .................................................................... 63

    A. Des livres peu illustrs ............................................................... 63

    B. Lenseignement dispens par les livres........................................ 71

    C. Particularits dans la mise en page et la typographie.................. 82

    D. Le contenu des pices liminaires et pices de fin ......................... 82

    E. Un lectorat vis ? ....................................................................... 84

  • NOM Prnom | Diplme | Type de rapport | mois anne - 5 - Droits dauteur rservs.

    II. Le Rosaire sur la forme : prsentation matrielle ....................... 85

    A. Des livres de petit format ............................................................ 85

    B. Leur volume ............................................................................... 85

    C. Particularits dexemplaires ....................................................... 86

    CONCLUSION ................................................................................................ 89

    BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................... 92

    ANNEXES........................................................................................................ 95

    Annexe 1 : Recensement des tudes rgionales sur le Rosaire ............ 96

    Annexe 2 : Villes ddition daprs les catalogues en ligne ................ 100

    Villes ddition daprs le catalogue de la BnF ................................. 100

    Villes d'dition d'aprs le catalogue du CCFr .................................... 101

    Villes d'dition d'aprs le catalogue WorldCat .................................. 102

    Annexe 3 : Notice des ouvrages consults daprs le fonds de la BmL

    ..................................................................................................................... 103

    Table des graphiques et tableaux ....................................................... 132

  • Sigles et abrviations

    AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 6 - Droits dauteur rservs.

    Sigles et abrviations

    Bibliothque municipale de Lyon : BmL

    Catalogue collectif de France : CCFr

    Online Computer Library Center : OCLC

    Bibliothque nationale de France : BnF

    Ordre des Prcheurs : O. P.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 7 - Droits dauteur rservs.

    INTRODUCTION

    Dans son ouvrage rdig en forme de catchisme, intitul Le Pasteur

    Apostolique enseignant aux Fidles, par des instructions familires dresses en

    forme de catchisme..., le Rvrend Pre Jean-Charles Ducos prsente le Rosaire

    comme le plus excellent de tous les cultes 1. Si la Vierge du Rosaire constitue

    l'un des phnomnes marquants de la religiosit l'poque moderne, cest grce aux

    incomparables privilges quelle procure et son importance dans luvre de la

    Rdemption, rsumant la fois les joies, les souffrances et les gloires de Marie.

    Apparu ds lpoque mdivale, le Rosaire est initialement reli lensemble

    des dvotions mariales populaires. Driv du symbole ancien de la rose, il dsigne,

    au dpart, la couronne de roses matrialisant les quinze mystres du Rosaire. Dans

    son article Le Rosaire : parole et image, Marie-Hlne Froeschl-Chopard rappelle

    que le Rosaire est dabord une prire orale, appele Psautier de la Vierge, l'image

    des cent-cinquante psaumes du Psautier du roi David2, fonde sur lenchanement

    dune suite de quinze dizaines dAve Maria, chacune prcde dun Pater Noster.

    La prire invite le fidle une vritable mditation sur les quinze mystres,

    correspondant aux grands moments de la vie de Jsus et de Marie. Ces quinze

    mystres se divisent de la manire suivante : la mditation porte dabord sur les cinq

    mystres joyeux (lAnnonciation, la Visitation, la Nativit, la Prsentation au temple

    et Jsus parmi les docteurs), qui sont suivis des cinq mystres douloureux (lAgonie

    au jardin des oliviers, la Flagellation, le Couronnement dpines, le Portement de

    croix, la Crucifixion) et se termine par les cinq mystres glorieux (la Rsurrection,

    lAscension, la Pentecte, lAssomption, le Couronnement de la Vierge). Si la

    rptition de lAve Maria est atteste selon diverses modalits depuis le XIe sicle,

    elle est rcite de faon massive quatre sicles plus tard, avant de simposer comme

    la principale prire catholique. Pour raliser ce dcompte prcis, les fidles utilisent

    les grains dun chapelet form de cinq dizaines quils font couler entre les doigts.

    Cette pratique, atteste ds lpoque mdivale chez les cisterciens, les frres

    mineurs, les chartreux, les bguinages et autres fraternits3, sest

    dveloppe rapidement : au milieu du XIIIe sicle, le mot paternostrier a perdu

    son sens premier de fabricant dobjets de pit pour dsigner un artisan faonnant

    grains et boules de toutes sortes4.

    1 J.-C. Ducos, Le Pasteur Apostolique enseignant aux Fidles, par des instructions familires dresses en forme

    de catchisme, pour l'usage des prdicateurs apostoliques, des missionnairs, et particulirement des pasteurs et de leurs

    brebis... Tome second. Bruxelles : Josse de Grieck, 1704, p. 338.

    2 M.-H. Froeschl-Chopard, Le Rosaire : parole et image . In : Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest .

    Tome 98, numro 2, 1991. p. 147-160, [En ligne], disponible sur : http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-

    0826_1991_num_98_2_3386

    3 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , dans Hubert du Manoir (dir.), Maria. Etudes sur

    la sainte Vierge, Tome II, Paris : Beauchesne et ses fils, 1952, p. 772.

    4 A. Duval, Rosaire , Dictionnaire de spiritualit asctique et mystique. Doctrine et histoire , Paris : Beauchesne,

    1937-1995, t. XIII, col. 940.

    http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1991_num_98_2_3386http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1991_num_98_2_3386

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 8 - Droits dauteur rservs.

    Le terme chapelet est un driv du mot chapel , qui renvoie aux

    chapeaux ou couronnes de fleurs ports traditionnellement dans des ftes religieuses

    ou poss sur les statues de la Vierge. Dj dans lAntiquit, la fleur sduisait les

    potes pour exprimer des langages symboliques plus ou moins complexes. Trs vite,

    la rose a t associe au symbolisme de la joie et sadaptait parfaitement aux

    volutions de la pratique des fidles. Ces volutions sont visibles dans

    liconographie, notamment partir du XIIIe sicle, lorsque la dvotion au Christ

    devient de plus en plus sanguinolente. Les roses de couleur rouge rappellent ainsi

    aux fidles les pisodes douloureux de sa vie ainsi que ceux de la Vierge.

    Proche de son Fils en tout point, Marie lest aussi du cur des fidles.

    Regarde comme la porte du Ciel5 , elle ne pouvait tre ignore par les confrries

    de dvotion. Ce rle dintercession et de protection trouve ses origines dans la

    deuxime moiti de lpoque mdivale. Traditionnellement appele Notre-

    Dame , cette dnomination met bien en avant son rle protecteur avant celui de

    Mre de Dieu . Avocate de toute lhumanit et intercesseur privilgi qui peut

    flchir Dieu, cest elle qui attribue toutes les grces, en raison des mrites de Jsus -

    Christ. Dans liconographie des derniers sicles mdivaux, cest une Vierge de

    Misricorde qui abrite lhumanit tout entire sous son manteau6. Les Ordres

    religieux ont plus particulirement contribu au dveloppement de son recours par

    le biais de proses, pomes, et hymnes crits en son honneur. Le dveloppement dun

    recours la Vierge peut sexpliquer en partie par le dsir pour lhomme davoir,

    entre la majest redoutable de Dieu et lui, des intermdiaires. La Vierge simpose

    donc comme la meilleure des mdiatrices : les pouvoirs pars chez les saints sont

    tous runis en elle. A cela sajoutent de nouveaux besoins exprims par les fidles

    vivant dans des milieux urbains, notamment celui de sorganiser en rseau

    dentraide fraternelle, leur permettant de vivre des exercices religieux pour atteindre

    un salut individuel.

    Au tournant des XVe et XVIe sicles, la dvotion du Rosaire sorganise sous

    la forme confraternelle. La confrrie, apparue ds les dbuts du christianisme, peut

    tre dfinie de diffrentes manires, selon les aspects que lon souhaite mettre en

    avant. Le Dictionnaire de Spiritualit la dfinit de faon assez large comme une

    association de prires7 . Maurice Agulhon, dans La sociabilit mridionale.

    Confrries et Associations dans la vie collective en Provence orientale la fin du

    XVIIIe sicle, dfinit la confrrie dAncien Rgime comme un groupement

    organis de laques caractre religieux 8. Il ne serait sans doute pas suffisant de

    limiter les confrries des associations pieuses, puisque leur principe fondamental

    est la mutualit spirituelle , comme la dgag Georges Le Bras dans Les

    5 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450 1830), Villeneuve-d'Ascq : Presses

    universitaires du Septentrion, 2001, p. 48.

    6 J. Delumeau, Rassurer et protger, le sentiment de scurit dans lOccident dautrefois , Paris : Fayard, 1989, p.

    261-289.

    7 M. Viller, Alain de la Roche , Dictionnaire de Spiritualit, op. cit ., T. I, col. 270.

    8 M. Agulhon, La sociabilit mridionale, Confrries et Associations dans la vie collective en Provence orientale

    la fin du XVIIIe sicle, Aix en Provence : La pense universitaire, 1966, Tome 1, p.75.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 9 - Droits dauteur rservs.

    confrries chrtiennes9. Dans leur article intitul De nouvelles approches pour

    lhistoire des confrries , Bernard Dompnier et Paola Vismara insistent sur le

    perfectionnement moral, la dvotion, lassistance rciproque, la charit 10. Si ces

    dfinitions ne sont pas propres au Rosaire, il conviendra de dgager les aspects plus

    spcifiques de la confrrie dans la prsente tude.

    En se rfrant aux dfinitions prcdemment cites, les confrries

    apparaissent comme des corps intermdiaires entre lEglise et les fidles , rvlateurs

    des courants de spiritualit ou des mouvements dvotionnels lintrieur du monde

    catholique. La littrature sur le Rosaire est une source de grand intrt pour aborder

    la pratique religieuse, quil est par dfinition difficile apprhender. Cependant,

    Philippe Martin rappelle dans son ouvrage Une religion des livres (1640 1850)

    laspect trompeur du livre, puisquil ny a pas de certitude absolue sur sa lecture, et

    le vcu religieux des lecteurs est difficile dfinir11.

    Dans limpossibilit dtudier lensemble de la production imprime sur le

    Rosaire, il est ncessaire de placer des bornes chronologiques et gographiques. Le

    sujet tant assez prcis, ltude portera sur la longue dure, allant du dbut du XVI e

    sicle la fin du XVIIIe sicle. Le XVIe sicle prsente un double intrt : les annes

    1450 jusquau dbut du XVIIe sicle voient la naissance et la propagation du livre

    imprim, ainsi que de profonds bouleversements religieux avec la remise en cause

    du dogme catholique. Les deux phnomnes ne sexcluent nullement lun de lautre :

    le dveloppement de limprimerie servira de support la propagation des ides

    rformes. Pour contrecarrer aux attaques, le concile de Trente doit raffirmer les

    grands principes du catholicisme et condamner les dviances. Ce contexte troubl

    entraine une intriorisation de la pit qui se poursuit tout au long du sicle suivant.

    La culture religieuse du XVIIe sicle prsente des changements dans la spiritualit

    et dans la pratique de dvotion des fidles avec, en parallle, une forte augmentation

    de la production ditoriale. Le dveloppement de limprim permet une plus large

    diffusion du livre de pit. Cette tude sarrte la fin du XVIIIe sicle, moment de

    rupture plus ou moins important selon les aspects tudis, mais qui constitue une

    priode de transition dans le domaine religieux et notamment sous son aspect

    confraternel ds le milieu du sicle. Les volutions gnrales de lhistoire religieuse

    et de lhistoire du livre peuvent donc se reflter dans ltude des ouvrages sur le

    Rosaire.

    Les bornes gographiques de cette recherche se limitent au territoire de

    lactuelle France, puisque de nombreuses tudes sur le Rosaire ont t ralises un

    niveau rgional, voire local. Une tude sur lensemble du territoire franais doit

    9 Cit par L. Chtellier, Tradition chrtienne et renouveau catholique dans lancien diocse de Strasbourg , Paris

    : Editions de Nesle, p. 186.

    10 B. Dompnier, P. Vismara (dir.), De nouvelles approches pour lhistoire des confrries , Confrries et dvotions

    dans la catholicit moderne (mi XVe dbut XIXe sicle), Rome : Ecole franaise de Rome, 2008, p. 405.

    11 P. Martin, Une religion des livres (1640 1850), Paris : Editions du Cerf, 2003, p. 523.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 10 - Droits dauteur rservs.

    permettre une approche comparative et volutive la fois dans le temps et dans

    lespace.

    Trois axes de rflexion orienteront cette recherche. Il sagit tout dabord de

    sinterroger sur les caractristiques du livre sur le Rosaire en France sous lAncien

    Rgime, et de voir comment la dvotion est largement explicite dans les livres,

    notamment travers ltude du corpus constitu au fonds ancien de la Bibliothque

    municipale de Lyon (BmL). Il sagit galement de sintresser aux liens entre la

    pratique de la dvotion sous sa forme confraternelle et la production des ouvrages

    sur la question.

    Pour aborder tous ces axes, une tude en trois temps a t envisage. Pour

    comprendre lvolution de la dvotion, il conviendra dabord de rappeler

    lhistorique du Rosaire et de sa confrrie. La deuxime partie de ltude traitera plus

    prcisment de la mise en place dune mthodologie denqute, qui se basera sur

    deux types de corpus : un recensement global, constitu partir de catalogues en

    ligne, et un corpus issu de la collection de la BmL. La dfinition des corpus

    saccompagnera de ltablissement dune fiche denqute. La troisime partie sera

    consacre au contenu des livres sur le Rosaire conservs au fonds ancien de la BmL.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 11 - Droits dauteur rservs.

    PARTIE I : RAPPELS HISTORIQUES SUR LE

    ROSAIRE

    Dans les pays rhno-flamands, la rcitation du Psautier de la Vierge est

    atteste ds le XIIIe sicle. Lexpression de psalterium beatae Mariae se rencontre

    pour la premire fois dans un manuscrit de 124312. Elle dsignerait explicitement la

    rcitation de trois cinquantaines dAve Maria. Mais cest avec la Rforme catholique

    que la dvotion se propage massivement. Ce phnomne saccentue davantage avec

    le dveloppement de limprimerie, permettant au livre sur le Rosaire de devenir le

    support indispensable la pratique de la dvotion. Le livre devient aussi un moyen

    de promouvoir les confrries, bien que ces dernires ne soient pas toutes implantes

    de manire homogne sur le territoire.

    I. LE CONTEXTE RELIGIEUX DE LA PERIODE

    Les confrries du Rosaire sont rares en France avant la seconde moiti du XVIe

    sicle. Lorsquelles apparaissent, elles sont troitement lies aux couvents

    dominicains.

    A. Les Frres Prcheurs et les confrries du Rosaire

    La prdication dAlain de la Roche

    la fin du XVe sicle, un nouvel lan est donn la dvotion du Rosaire avec

    le moine Alain de la Roche. N en Bretagne vers 1428, il entre au couvent des

    Prcheurs Dinan vers 145013. Aprs des tudes de thologie et de philosophie

    Paris, il passe la congrgation de Hollande en 1464. Il devient lecteur Douai,

    Gand puis Rostock o il est reu docteur en thologie en 1473 ou 1474, avant de

    mourir en 1475. Son rle est considrable dans la propagation du Rosaire : on peut

    lui attribuer la paternit de la rcitation des cent cinquante Ave Maria. Auparavant,

    et notamment dans les pays rhnans, il tait dusage de rciter le tiers du Psautier de

    la Vierge, compos de cinquante Ave Maria, appel chapelet. En 1470, il rapporte

    sa vision dans laquelle la Vierge le charge de prcher la rcitation du Rosaire et lui

    donne pour mission de fonder des confrries pour la rpandre. Il fonde alors la

    Confrrie de la Vierge et de Saint Dominique, dont la principale obligation est la

    rcitation quotidienne du Psautier de Marie, attribuant la cration de cette nouvelle

    12 A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 942.

    13 Ibid. col. 669.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 12 - Droits dauteur rservs.

    confrrie saint Dominique. Dailleurs, aucune chronique dominicaine ne parle de

    la vision du fondateur de lOrdre des prcheurs avant 147514.

    Quelques mois aprs la mort du moine, ses crits sont rassembls par le

    Chapitre de la Congrgation de Hollande. Le document le plus ancien que lon

    possde sur sa prdication est le Quodlibet de veritate fraternitatis Rosarii seu

    Psalterii beate Maria Virginis rdig par Michel Franois, publi en 1479. On

    possde galement un recueil publi Cologne par Coppenstein, intitul Beatus

    Alanus redivivus , qui a connu de nombreuses modifications et rditions au XVIIe

    sicle. Mais lessentiel de son propos est contenu dans Le Livre et Ordonnance de

    la devote confrarie du psautier de la glorieuse vierge Marie, transcrit par un auditeur

    lors de son dernier sjour Douai. Ce document prcise lobligation pour un membre

    de sinscrire sur un registre, ainsi que lextension de la communion spirituelle

    quiconque sinscrit dans une confrrie de mme type, en quelque lieu quelle se

    situe. Il est galement mentionn quune mditation sur les mystres de la vie de

    Jsus et de Marie doit accompagner la rcitation. Le livre se diffuse juste aprs la

    mort du moine et atteint rapidement un large public. Lapport dAlain de la Roche

    est original, puisque la confrrie quil a institue permet linsertion dindividus au

    sein dun rseau de solidarit spirituelle. Si le moine dominicain nest pas

    linventeur de cette dvotion, il la rnove et organise en lui donnant une

    dimension associative. La forme confraternelle du Rosaire est dsormais

    indissociable de la dvotion. Malgr les nombreuses controverses au sujet de sa

    vracit historique, la vision du moine permet dsormais lOrdre des prcheurs

    dexercer un vritable monopole sur la dvotion.

    La fondation de la confrrie Cologne en 1475

    Au lendemain de la mort dAlain de la Roche, une association nomme

    fraternitas de Rosario est rige au couvent dominicain de Cologne sur linitiative

    du prieur Jacques Sprenger. Ce dernier est n Rheinfelden prs de Ble. Dans les

    annes 1460, il tudie Paris au couvent Saint Jacques et devient llve du Frre

    Alain de la Roche, alors lecteur conventuel. Docteur en thologie, il est prieur au

    couvent dominicain de Cologne de 1472 1488 et institue la premire confrrie du

    Rosaire dans cette ville. Mort au monastre des moniales de Strasbourg en 1496, il

    est le fondateur et lauteur des statuts de la confrrie de Cologne.

    Les conditions historiques qui ont vu natre la confrrie de Cologne

    expliquent son succs et son importance puisque sa fondation a concern une grande

    partie des souverains de lpoque. Elle sest tablie en plusieurs tapes quil sagit

    de rappeler brivement ici15. Le nouveau prince lecteur Ruprecht monte sur le sige

    de larchevch de Cologne en 1463. Son exercice du pouvoir entraine de fortes

    contestations dans la ville de Neuss. Ne parvenant pas rprimer la rvolte, il quitte

    Cologne pour se rfugier chez le duc de Bourgogne, Charles le Tmraire, qui dcide

    14 J. Delumeau, op. cit. p.391.

    15 Daprs H-D. Saffrey, La fondation de la confrrie du Rosaire Cologne en 1475 , Humanisme et imagerie

    aux XVe et XVIe sicles, Etudes iconologiques et bibliographiques , Paris : J. Vrin, 2003, p.125.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 13 - Droits dauteur rservs.

    denvahir le territoire. Aprs avoir mobilis une arme qui se prsente Neuss en

    mai 1475, cest finalement lEmpereur Frdric qui sort victorieux de cette guerre.

    Malgr la victoire de lEmpereur, le sige de Neuss a t ressenti comme une menace

    sur la ville et sur larchevch de Cologne. Pour remercier la Vierge de la retraite

    des armes de Charles le Tmraire, Jacques Sprenger dcide driger une confrrie

    du Rosaire le 8 septembre 1475. La dvotion est officiellement consacre lorsque la

    confrrie obtient une reconnaissance ecclsiastique par la bulle Ea quae fidelium

    mise par le pape Sixte IV, le 8 mai 1479.

    La prsentation des vnements historiques de la confrrie de Cologne

    permet de mettre en vidence le rle prpondrant des Dominicains dans sa

    fondation. La diffusion de la dvotion et des confrries apparait comme

    lexploitation dun bien de famille, bien que dautres ordres religieux se soient fait

    les propagateurs de cette pratique de pit16.

    B. Succs et dveloppement des confrries

    Une propagation rapide

    La prdication dAlain de la Roche connait trs rapidement un gros succs.

    titre dexemple, la confrrie de Cologne comptait cinq mille adhrents en 1476, elle

    en compte dix fois plus lanne suivante17. La deuxime confrrie a t rige Lille

    le 30 novembre 1478, avant de stendre en Italie dans les couvents de Venise,

    Florence et Rome ds 1481, puis Colmar en 1484. Toutefois, Andr Duval

    relativise cet enchainement rapide : linsistance de la confrrie prsenter de faon

    systmatique les avantages de la dvotion lorsquelle est pratique en communaut

    laisserait penser quelle ne faisait pas lunanimit18. Lappui de Sixte IV et des papes

    suivants permet nanmoins lOrdre des prcheurs dorganiser la prdication du

    Rosaire : des pouvoirs spciaux sont accords en Italie et en Allemagne, et une

    action littraire est mene sur le terrain. Cette organisation entraine une propagation

    du mouvement. Par exemple, la confrrie de Colmar fonde en 1484 sest tendue

    toute lAlsace, puis jusqu Berne, Fribourg-en-Brisgau et Wiesbaden19. Au XVIe

    sicle, les confrries du Rosaire sont attestes en Sude, en France, en Espagne, au

    Portugal, avant de gagner le Nouveau Monde et lAsie20. En France, ce mouvement

    ne semble pas faiblir puisque Marie-Hlne Froeschl-Chopard note une invasion

    16 M. Derwich, B. Dompnier, Les religieux, les saints et les dvotions. Entre pastorale et identit des ordres ,

    dans Bernard Dompnier (dir.), Religieux, saints et dvotions : France et Pologne, XIII e-XVIIIe sicles, Clermont-Ferrand :

    Presses universitaires Blaise Pascal, 2003, p. 3.

    17 M.-H. Froeschl-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi, Histoire des confrries et de leurs images lpoque

    moderne, Paris : LHarmattan, 2006, p.67.

    18 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art. cit., p. 775.

    19 P. Perdrizet, La vierge de Misricorde : tude d'un thme iconographique , Paris : A. Fontemoing, 1908, p. 95.

    20 A. Duval, La dvotion mariale dans lOrdre des Prcheurs , art. cit., p. 776.

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    progressive du Rosaire au sein des confrries mariales aux XVIIe et XVIIIe sicles

    dans le sud-est de la France21.

    Le succs des indulgences

    Le succs du systme confraternel, et notamment celui de la confrrie du

    Rosaire, sexplique par une obsession de la mort et du Jugement Dernier, qui prend

    une place de plus en plus importante partir de la seconde moiti du XIIIe sicle22.

    Cette inquitude eschatologique se diffuse dans les couches de plus en plus larges

    de la population, accentuant la fonction scurisante du Rosaire qui apparat comme

    le moyen le plus simple de prier la Vierge.

    Pour lutter contre lapprhension grandissante du purgatoire, des parades sont

    inventes, comme en tmoigne la mise en place des indulgences. Ces rmissions

    totales ou partielles des peines temporelles encourues en raison dun pch

    mobilisent lintercession de la Vierge, puisque la rcitation de son chapelet ou du

    psautier permet de sortir de lenfer provisoire, voire dy chapper totalement. La

    confrrie savre donc tre la structure idale pour gagner les indulgences, ces

    dernires devenant une composante essentielle de la pit confraternelle23. Le succs

    des confrries sexplique galement par la diffusion de la part des Ordres religieux

    de craintes salutaires, et de leurs remdes pour les apaiser. Dautant que lenjeu est

    de taille : il sagit dclairer les fidles propos du bon usage des pardons.

    Dailleurs, ce sont bien les indulgences qui les intressent plus particulirement,

    elles sont systmatiquement prsentes dans les manuels de confrrie, o elles

    tiennent une place considrable24. Situes dans les premires pages entre lhistorique

    de la confrrie ou de la dvotion et les rglements, elles savrent dincontournables

    supports de leur mise en valeur25.

    Face la multiplication des confrries, le pape dominicain Pie V confirme le

    monopole des Frres prcheurs dans leur fondation et leur direction en 156926.

    cela sajoute leurs privilges pour concder des indulgences, accentuant ainsi le

    maintien du Rosaire lOrdre. Ce maintien est renforc par lpisode de la bataille

    navale de Lpante, le 7 octobre 1571, qui sest solde par la victoire des armes

    chrtiennes de la Sainte Ligue contre les armes turques. Dominicain avant tout, le

    pape Pie V est ptri dune profonde dvotion Marie. sa demande, un rosaire avait

    t rcit avant la bataille. La victoire de la Chrtient sur les Ottomans incite Pie

    V fonder la fte du Rosaire pour commmorer chaque anniversaire du combat. Cet

    pisode entraine un dveloppement considrable de la prire. Surtout, la dvotion

    21 M.-H. Froeschl-Chopard (dir.), Les confrries, lEglise et la cit. Cartographie des confrries du Sud -Est. Acte

    du colloque de Marseille. Grenoble : Centre alpin et rhodanien dethnologie, 1988, p. 21. Lauteur en dnombre 85 sur 88

    Gap, 31 sur 36 Embrun, 56 sur 60 en Tarentaise, 367 sur 373 Genve, 19 sur 20 Nmes et 28 sur 28 Montpellier.

    22 J. Delumeau, op. cit. p. 274.

    23 S. Simiz, op. cit., p. 222.

    24 J. Delumeau, op. cit. p. 274.

    25 S. Simiz, Les confrries face lindulgence. Tradition, qute, accueil et effets dans la France de lEst (XVe

    XVIIIe sicle) , dans Confrries et dvotions dans la catholicit moderne (mi XVe dbut XIXe sicle), op. cit., p. 116.

    26 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art. cit., p.776.

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    devient commune tous les fidles, et sort du cadre exclusif de la confrrie.

    Luniversalisme du Rosaire a considrablement contribu son succs.

    Le profil des membres de la confrrie

    Si la confrrie est ouverte tous, certains profils sont plus frquents que

    dautres, bien que lensemble de ses membres soit assez htrogne. Marie -Hlne

    Froeschl-Chopard note une majorit de prtres sculiers, de grandes familles

    nobles, de membres des ordres religieux, mais aussi petites gens de lartisanat et des

    lpreux27. Lhistorienne note galement une fminisation croissante dans les

    confrries du sud-est de la France, quelle explique par les aspects conciliables de

    la dvotion avec la vie domestique. En effet, la seule obligation des confrres tant

    la rcitation personnelle et individuelle du psautier, il ny a pas dobligation

    apparatre dans le domaine public. Cette proportion dominante de femmes est

    releve par plusieurs tudes. Dans son article Evolution des confrries en

    Tarentaise du XVIIe au XVIIIe sicle , Michle Brocard fait le mme constat28. La

    surreprsentation fminine au sein des confrries a galement t note dans les

    paroisses de Haute-Bretagne par ltude de Bruno Restif, dans La Rvolution des

    paroisses. Culture paroissiale et Rforme catholique en Haute-Bretagne aux XVIe

    et XVIIe sicles29. Lauteur note une proportion croissante de femmes tout au long

    du XVIe sicle, puisquelles reprsentaient environ 55% des membres pendant

    plusieurs dcennies du sicle, avant den constituer les deux tiers30. Cette tendance

    a t confirme par les tudes portant sur la Champagne et lAlsace31. Dailleurs, la

    part importante de femmes au sein de la confrrie semble avoir suscit critiques et

    moqueries de la part des contemporains, puisque lauteur de lAbrg de la dvotion

    du Saint Rosaire sadresse directement aux dtracteurs de la dvotion :

    Confondez-vous icy libertins qui traitez le Rosaire de dvotion de femmelette, &

    qui en faites le sujet de vos railleries32 .

    C. Le renouvellement de la vie spirituelle

    Pour comprendre le succs et la diffusion des confrries du Rosaire, il faut se

    replacer dans un cadre plus large, celui de la Rforme catholique (1545 1563).

    Violemment critiqu par les ides rformes, le catholicisme est amen se modifier

    en profondeur.

    27 M.-H. Froeschl-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi , op. cit., p. 67.

    28 M. Brocard, Evolution des confrries en Tarentaise du XVIIe au XVIIIe sicle , dans Les confrries, lEglise

    et la cit, op.cit., p. 76.

    29 B. Restif, La Rvolution des paroisses. Culture paroissiale et Rforme ca tholique en Haute-Bretagne aux XVIe

    et XVIIe sicles, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 284.

    30 Ibid. Tableau 46, p. 284.

    31 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotions en Champagne , op. cit. p.183. ; L. Chtellier, Tradition chrtienne et

    renouveau catholique dans le cadre de lancien diocse de Strasbourg , Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg,

    p. 187-188.

    32 Abrg de la dvotion du Saint Rosaire qui renferme l'origine, l'exercice, l'excellence, l'utilit & les indulgences

    accordes cette confrrie Grenoble : Andr Faure, XVIIIe sicle, p. 19.

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    Rosaire et Rforme catholique

    Les grands principes du catholicisme sont raffirms dans la bulle Laetare

    Jerusalem du 13 dcembre 1544, dans laquelle est demande louverture officielle

    du Concile de Trente. Cette bulle prsente diffrents objectifs : la suppression des

    dissentiments religieux, la rforme des murs du peuple chrtien, ltablissement

    de la paix universelle, le secours des chrtiens soumis aux infidles ainsi que la

    promotion de lunion de la chrtient par la raffirmation de la croisade contre les

    Turcs33. Les dvotions aux Saints et la Vierge sont raffirmes, ainsi que la

    ncessit de faire pnitence et de communier.

    Avec les ides de Luther et de Calvin, les prires pour les morts, lies la

    croyance en lexistence dun Purgatoire, devenaient inutiles. Ce troisime lieu entre

    Paradis et Enfer o sont purifies les mes bnficiant des prires des vivants a donc

    t raffirme par le Concile de Trente, grce notamment la concession

    dindulgences. Le Purgatoire ne se diffrencie de lEnfer que par la dure limite de

    la peine, mais les fidles le redoutent tout autant. Il apparait donc dautant plus

    important pour les confrries de pouvoir offrir chaque nouveau confrre un trsor

    dindulgences qui le prservera dune partie des peines de lau-del. Dans ce

    contexte, les prires dintercession, notamment celles destination de la Vierge,

    trouvent un cho considrable.

    Les confrries de dvotion connaissent un essor peu aprs la diffusion des

    principes du Concile de Trente. Elles constituent un moyen efficace de

    christianisation de la socit. Pour le clerg, elles permettent de poursuivre sur le

    terrain laction du Concile. Dailleurs, Stefano Simiz prsente le Rosaire comme un

    rempart contre lhrsie34 . Si, la fin du XVIe sicle, elles apparaissent multiples

    et varies, les plus nombreuses sont celles du Saint-Sacrement et du Rosaire.

    Lorganisation de la dvotion

    Lorganisation de la confrrie du Rosaire ressemble toutes les confrries de

    dvotion existante. Linscription est volontaire. L'admission est , en principe,

    subordonne l'acceptation du recteur et des officiers selon des critres moraux.

    Tout le monde peut tre admis sans distinction de rang social ni de fortune, pourvu

    que la conduite morale de lindividu soit irrprochable. La confrrie possde sa

    propre hirarchie interne. Le recteur, charg du spirituel, est en gnral le cur de la

    paroisse35. En labsence dun couvent de Prcheurs, cest le clerg paroissial qui est

    charg de tenir le livre des inscrits, de prsider les crmonies et dinstruire les

    fidles.

    La fonction dune confrrie de dvotion comme celle du Rosaire est

    essentiellement de soccuper dun autel, o lon fait dire des messes et rciter des

    offices spcifiques comme le chapelet. Son culte populaire sorganise sur p lusieurs

    33 G. Bedouelle, La rforme du catholicisme (1480-1620), Paris : Editions du Cerf, 2002, p. 75.

    34 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450 1830), op. cit., p. 138.

    35 R. Devos, Confrries et communauts d'habitants en Savoie , Revue Provence historique, Fascicule 136, 1984,

    disponible sur : http://provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1984-34-136_09.pdf, consult le 20/03/2017.

    http://provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1984-34-136_09.pdf

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 17 - Droits dauteur rservs.

    moments dans lanne, pendant les dimanches du mois et les cinq grandes ftes de

    la Vierge (la Purification, lAnnonciation, lAssomption, la Nativit, et la fte du

    Rosaire). Les premier et troisime dimanches du mois sont consacrs notamment

    aux messes, processions et bndictions, et quelquefois au transport dune statue de

    la Vierge36.

    Le rglement de la confrrie est contenu dans les statuts qui dpendent

    directement des Prcheurs. Inspirs de ceux de Cologne, ils sont imprims pour la

    premire fois en deux ditions : la premire Ble pendant lt 1476, la deuxime

    Augsbourg la fin de la mme anne ou au dbut de lanne suivante. Parmi les

    points abords dans le rglement de la confrrie de Cologne, il est prcis que

    lindividu dsirant entrer dans la confrrie doit se faire inscrire en donnant son nom

    et son prnom, son statut social, clerc ou lac37. Ensuite, des prcisions sont

    apportes sur les conditions de rcitation du psautier. Le membre de la confrrie

    sengage prier trois rosaires par semaine, soit cent cinquante Ave Maria et quinze

    Pater Noster, mais un oubli nentraine pas pour autant le recours au sacrement de

    pnitence.

    A titre de comparaison, les statuts de la confrrie de Florence, datant de

    1481, sont tout aussi peu explicites sur le contenu de la dvotion38. Il est bien prcis

    que les membres de la confrrie doivent dire au moins une fois par semaine cent

    cinquante Ave Maria et quinze Pater dans un ordre bien spcifique, puisquun Pater

    doit prcder dix Ave et ainsi de suite jusqu la fin du psautier. Il est possible de

    diviser le psautier en trois parties. Comme pour les statuts de Cologne, aucune

    obligation nest mentionne, ni sur la faon dont le psautier doit tre rcit, ni en

    cas doubli. Un oubli entraine simplement la privation des biens spirituels acquis

    par les autres membres de la confrrie. Les statuts laissent donc apparaitre une

    certaine souplesse et une libert daction dans la pratique de la dvotion.

    Il est difficile de savoir si les statuts des livrets de confrrie constituent des

    reflets fidles de la dvotion rellement vcue, puisque les confrres sont souvent

    muets sur leur pratique quotidienne. Nanmoins, les statuts permettent de cerner les

    aspects fondamentaux inhrents la dvotion, dont lun des plus importants est la

    jouissance rciproque des mrites spirituels 39.

    Solidarit spirituelle et mditation individuelle

    La confrrie du Rosaire telle quelle a t dfinie par Jacques Sprenger est un

    type nouveau de fraternit qui met laccent sur la solidarit entre ses membres dont

    dcoule lefficacit de la dvotion. Elle cre donc un lien spirituel entre les

    confrres, quils soient vivants ou morts. La puissance de linvocation est collective,

    laide est rciproque et permanente entre les membres. Andr Duval souligne quau

    36 M.-H. Froeschl-Chopard, La religion populaire en Provence orientale au XVIIIe sicle, Paris : Ed. Beauchesne,

    1980, p. 289.

    37 H.-D. Saffrey, La fondation de la confrrie du Rosaire Cologne en 1475 , op. cit., p. 140.

    38 M.-H. Froeschl-Chopard, Espace et sacr en Provence. Cultes, Images, Confrries (XVI e XXe sicle), Paris :

    Editions du Cerf, 1994, p. 419.

    39 M-H. Froeschl-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi , op. cit., p. 66.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 18 - Droits dauteur rservs.

    moment o les auteurs spirituels rivalisent proposer mthodes et manuels, les

    Prcheurs travaillent faire de leurs confrries de vritables coles de formation

    spirituelle40 . Les exercices de cette formation spirituelle sont relativement

    simples effectuer. Le fidle est surtout invit rflchir sur le droulement

    terrestre des mystres du salut.

    Les messes sont lune des expressions de la pratique collective. Lors de la

    messe du premier dimanche du mois, les confrres doivent rciter en commun, avant

    les vpres, le rosaire devant leur autel et mditer sur chaque mystre marial. Les

    processions sont une autre pratique en communaut, qui ont lieu pendant les jours

    de fte et se droulent selon un ordre bien spcifique. Les femmes sont divises en

    trois groupes : les jeunes filles ouvrent la marche, vtues dun voile blanc

    reprsentant les mystres joyeux. Elles sont suivies par les veuves au voile rouge

    rappelant les mystres douloureux, enfin les femmes maries portent un voile jaune

    pour voquer les mystres glorieux. Hommes et enfants veillent au bon ordre et la

    rcitation du chapelet41.

    Pourtant, ds la fin du Moyen ge, les croyants aspirent une rforme en

    profondeur de la religion. Pour rpondre aux angoisses eschatologiques voques

    prcdemment, une forme de rponse a t mise en place avec le mouvement de la

    Devotio moderna qui se diffuse depuis les Pays-Bas partir de la fin du XIVe sicle

    et qui prne un retour une spiritualit pure et une mditation intriorise.

    Accentu par limpact de la Rforme catholique, le Rosaire sinsre parfaitement

    dans cette logique. Selon la pratique dAlain de la Roche, hrite de celle des

    chartreux du XVe sicle dans les pays flamands, le Rosaire est un exercice que

    chacun doit pratiquer par lui-mme, une prire solitaire et individuelle, une mthode

    dintriorisation des paroles rcites. La mditation des mystres introduit une

    dimension dvotionnelle qui tait jusqualors exceptionnelle, vitant ainsi une

    rcitation mcanique et vide de sens. Le cadre communautaire de la confrrie

    nexclut donc pas pour autant une individualisation des formes de pit et conduit

    le fidle vers dautres types de pratique.

    Des volutions jusqu la veille de la Rvolution ?

    En trois sicles de pratique, le Rosaire semble avoir connu quelques

    volutions, que lon pourrait plutt qualifier de renouvellement.

    La premire volution est linstitution du Rosaire perptuel. Cette manire

    neuve de pratiquer le Rosaire est attribue Timoteo Ricci. Surnomm lAlain de

    la Roche du XVIIe sicle42 , ce dominicain bolonais est le crateur dun Rosaire

    simplifi destin tre rcit dans lespace public. Cest en 1629, dans un contexte

    dpidmie de peste, quil met en place une Bussola del ora perpetua del Rosario au

    couvent des Dominicains de Bologne. Plus de huit mille billets, reprsentant autant

    dheures dans une anne, sont proposs par tirage au sort quiconque accepte de

    40 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art. cit., p. 778.

    41 M. Hudry, Les confrries religieuses dans l'archidiocse de Tarentaise aux XVII e et XVIIIe sicles , Actes du

    100 Congrs national des socits savantes, Paris, 1973. Section d'histoire moderne et contemporaine , Paris, 1977, p. 354.

    42 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art. cit. p. 779.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 19 - Droits dauteur rservs.

    consacrer une heure de son temps la rcitation du Rosaire et la mditation des

    quinze mystres. Le succs est immdiat et se dveloppe hors dItalie.

    En France, le Rosaire perptuel sest propag par lintermdiaire de Jean de

    Giffre de Rehac, qui publie en 1641 le Rosaire perptuel de la Vierge Marie pour

    obtenir par son entremise la paix dsire dans toute le chrestient . Dans sa Vie du

    glorieux patriarche Saint Dominique quil rdige quelques annes plus tard, il

    souligne combien linstitution du Rosaire perptuel a acclr le rythme des

    inscriptions dans la confrrie au couvent de lAnnonciation Saint-Honor : en trente

    ans, de 1614 1644, 50 665 noms seraient consigns dans un premier registre, alors

    quen lespace de seulement trois ans, de 1644 1647, le deuxime registre

    prsenterait dj 12 866 noms43.

    La proportion des confrries du Rosaire semble avoir connue, au cours du

    XVIIIe sicle, des variations selon le temps et lespace. Par rapport la fin du XVIIe

    sicle, le nombre de confrries a augment dans les diocses dEmbrun et de Gap

    ainsi que dans dautres diocses du sud-est de la France (Grenoble et Die par

    exemple)44. Pour le diocse de Gap, 21% des confrries du Rosaire ont t crs au

    XVIIIe sicle, soit 37 en plus45. Cette progression nest pas constate partout : dans

    la rgion champenoise, Stefano Simiz note un essoufflement des confrries aprs

    1750 ainsi que des remises en cause gnrales du systme confraternel46. Des clercs

    reprochent la gestion financire de la confrrie, des catholiques sinterrogent sur

    lutilit de cette dernire, les exercices de pit tant de plus en plus vus comme des

    fardeaux. En parallle, un affaiblissement progressif de lOrdre dominicain en

    Europe est constat tout au long du XVIIIe sicle.

    La Rvolution a-t-elle affaibli les confrries religieuses ? Il semble bien

    difficile de laffirmer, en tous cas un niveau national. Michel Vovelle a not un

    flchissement de la pratique religieuse collective ds le dbut du XVIIIe sicle, d

    au caractre trop ostentatoire des confrries tridentines47. Le systme confraternel

    semble de plus en plus en dcalage avec le rapport plus personnel des fidles leur

    foi, bien que la dvotion du Rosaire combine ces deux aspects. Mais les exercices

    proposs peuvent se pratiquer sans tre membre dune confrrie. La voie associative

    montre alors des signes de faiblesse. Le dcret du 18 aot 1792 qui ordonne la

    suppression de toutes les confrries na fait, dans bien des cas, que confirmer un tat

    de fait. En Champagne, aucune liste de disparition na t tenue, mais il semblerait

    que le dcret ait bien t appliqu48. Dans dautres cas, cet arrt brutal a t suivi,

    ds 1795, de tentatives de restauration plus ou moins durables. Les catalogues en

    ligne qui ont servi doutils de travail pour raliser cette recherche, et qui seront

    prsents dans la partie suivante, indiquent tous une diminution assez nette de la

    43 A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 967.

    44 M.-H. Froeschl-Chopard (dir.), Confrries et dvotions l'preuve de la Rvolution. Actes du colloque de

    Marseille (18-19 mai 1988), Marseille : Fdration historique de Provence, 1989, p. 174.

    45 Ibid.

    46 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450 1830), op. cit. p. 250.

    47 M. Vovelle, Pit baroque et dchristianisation en Provence au XVIII e sicle. Les attitudes devant la mort

    d'aprs les clauses des testaments, Paris : Plon, 1973, p. 9-37.

    48 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450 1830), op. cit. p. 276.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 20 - Droits dauteur rservs.

    production des livres sur le Rosaire partir des annes 1750. Ainsi, sans affi rmer

    que la dernire dcennie du XVIIIe sicle constitue un moment de fracture dans la

    pratique de la dvotion, il semblerait plutt quun dplacement des sensibilits

    religieuses se manifeste tout au long du sicle des Lumires.

    II. LE ROSAIRE : UN LIVRE DE DEVOTION Au dbut du XVIe sicle, lindustrie du livre devient florissante et connait son

    ge dor49. A la fin du sicle, la Contre-Rforme commence marquer ses effets et

    ldition catholique connat alors un renouveau, impulse par le Concile de Trente,

    modifiant la carte des grands centres ddition. Pour lutter contre lignorance des

    fidles, une pastorale fonde sur lcrit se dveloppe, atteignant progressivement

    toutes les couches de la socit. Comme le souligne Philippe Martin dans son tude

    Des confrries face au livre, 1750 - 1850 , il sagit de faire du confrre un

    homme du livre50 . Dans ce contexte de renouveau de la pit tridentine, une

    littrature sur le Rosaire prend place dans cette abondante product ion.

    A. Publications de la confrrie

    Outil indispensable aux exercices confraternels, le livret de confrrie tmoigne du

    succs grandissant de la littrature de dvotion destine aux lacs et de la place de plus en

    plus importante accorde la prire individuelle. Les premiers livres dits sur les

    confrries du Rosaire par les Frres prcheurs ont une importance particulire.

    Aprs la fondation des premires confrries Douai et Cologne, ainsi que celles

    riges par les couvents de la pninsule italienne, les Dominicains diffusent les textes

    fondamentaux de la dvotion, action indispensable pour assurer leur monopole. Les textes

    rdigs par Michel Franois tiennent une place considrable au sein de la littrature sur

    le Rosaire. N vers 1435, il entre au couvent de Lille une vingtaine dannes plus tard. Il

    devient llve dAlain de la Roche au couvent Saint Jacques Paris avant dtre assign

    au couvent de Douai. Lecteur conventuel de luniversit de Cologne partir de 1468, il

    est ensuite vicaire gnral de la Congrgation de Hollande, institution dominicaine

    imprgne des ides de la Devotio moderna qui cherche rformer lOrdre. Il devient

    prieur du couvent de Lille avant de mourir en 1502.

    Le 20 dcembre 1475, un peu plus de trois mois aprs la fondation de la confrrie

    dans lglise des Prcheurs, Michel Franois tient une dispute lUniversit de Cologne,

    appele determinatio quodlibetalis51. Il sagit dune question dispute consacre la

    fondation de la confrrie. Ce texte se dcompose en trois questions traitant de laspect

    thologique de la confrrie : la premire interroge sur la ncessit des confrries de

    manire gnrale, et plus particulirement sur celle du Rosaire. Le deuxime quodlibet

    concerne linscription des noms des dfunts pour les faire bnficier de lintercession des

    membres vivants. Le troisime est plus spcifiquement ax sur lexercice de la prire. Par

    49 L. Febvre, H-J. Martin, Lapparition du livre, Paris : Albin Michel, 1999, p. 265.

    50 P. Martin, Des confrries face au livre, 1750 - 1850 , dans Confrries et dvotions dans la catholicit moderne,

    op. cit., p. 40.

    51 Dictionnaire de Spiritualit , op. cit . Tome V, col. 1111.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 21 - Droits dauteur rservs.

    sa longue justification sur sa fondation, le quodlibet de Michel Franois participe la

    reconnaissance universitaire de la confrrie de Cologne.

    Cest en Italie que le lien entre lorganisation des confrries et la propagande

    imprime52 est le plus visible. la suite des publications de Michel Franois, Stefano

    da Piovera, dominicain de Bologne, traduit en italien ses textes en ajoutant son nom sur

    la publication de 1500, dont il largit linfluence par une traduction de deux opuscules

    intituls Libro del Rosario della gloriosa Vergine Maria, dits Bologne en 1505. Mais

    la production littraire sur le Rosaire du XVe sicle ne fait pas allusion la manire dont

    il faut rciter les Ave, sinon pour en fixer le nombre. Ces ouvrages sont essentiellement

    centrs sur les conditions, la porte et la communication des indulgences53.

    Lun des premiers ouvrages qui va permettre dinstitutionnaliser plus prcisment

    la dvotion est le Rosario della gloriosa Vergine Maria dAlberto da Castello, crivain

    important de lOrdre des prcheurs du dbut du XVIe sicle. Le Rosario, publi pour la

    premire fois Venise en 1521, a connu un succs assez exceptionnel puisquil a t

    rdit dix-huit fois au cours de ce mme sicle54. Il sagit dun manuel de petit format,

    pratique transporter, destin un grand nombre de confrres. Il contient la base de ce

    que sera la littrature sur le Rosaire tout au long de lAncien Rgime, cest--dire les

    quinze mystres du Rosaire, suivis dune exposition du Pater et de lAve Maria avant de

    se conclure par les miracles survenus grce la vertu de la dvotion. Sil a t soulign

    prcdemment que les statuts des confrries ne prcisent pas la mditation qui doit

    accompagner les prires, cet aspect est largement dvelopp dans cet ouvrage. Lauteur

    prsente galement le rle jou par saint Dominique dans lorigine de la dvotion,

    affirmant que ce dernier aurait appris de la Vierge une mthode bien spcifique pour prier,

    appele Psautier de la Vierge. Le succs de louvrage a considrablement renforc la

    nouvelle dvotion : il a contribu dfinir et fixer la mthode de la prire, il est

    galement devenu un instrument glorifiant lOrdre des prcheurs et un outil de promotion

    de la confrrie elle-mme.

    La multiplication des textes sur le Rosaire a pour effet dencourager la prire pour

    chaque occasion et pour chaque moment de la vie confraternelle. Certains livres

    accompagnent cet enseignement par limage.

    B. Limage du Rosaire

    Liconographie du Rosaire est rvlatrice de lemprise que peuvent exercer des

    ordres religieux sur une dvotion : si celle du Rosaire est essentiellement

    dominicaine, liconographie ne manque pas de le rappeler.

    Lors de la fondation dune confrrie, les dominicains exigent que soient

    raliss une bannire et un tableau comportant un programme iconographique prcis,

    illustrant la remise du Rosaire saint Dominique. Cette scne prdominante rappelle

    jusque dans les paroisses les plus loignes lorigine dominicaine de la dvotion. Le

    fondateur de lOrdre est parfois accompagn de Catherine de Sienne. Ce monopole

    52 Ibid., Tome XIII, col. 953.

    53 Ibid., col. 952.

    54A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 937-980.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 22 - Droits dauteur rservs.

    dominicain entraine une organisation unifie et, pour reprendre le terme de Bernard

    Montagnes55, une iconographie fortement standardise .

    Liconographie de cette dvotion est en connexion troite avec le thme de

    la Vierge au manteau protecteur. Sur de nombreux supports de la fin du XV e sicle

    et du dbut des XVIe et XVIIe sicles, la Vierge de Misricorde abrite les confrres

    du Rosaire sous son manteau. Elle peut galement distribuer un chapelet. Parmi les

    plus anciennes reprsentations de ce thme iconographique, il en existe une qui

    montre lOrdre de saint Dominique sous le manteau de la Vierge. Il sagit dune

    gravure enlumine de la Bibliothque de Bamberg, dcrite dans louvrage de Paul

    Perdrizet, La Vierge de Misricorde : tude dun thme iconographique56. La Vierge

    est couronne par la Trinit, debout, entoure dun rosaire compos de cinquante

    roses jaunes, certaines entrecoupes par des formes circulaires reprsentant cinq des

    sept joies de la Vierge. la droite de la Vierge se tient saint Dominique, genoux,

    et aux quatre coins de la gravure sont reprsents les principaux personnages de

    lOrdre, qui nont pas t identifis avec certitude57. Gnralement, lorsque la Vierge

    de Misricorde est reprsente en Vierge du Rosaire, elle abrite sous son manteau,

    non pas les membres de la confrrie, mais toute la chrtient. Ce choix

    iconographique reflte luniversalit de la dvotion mais aussi le rve ambitieux des

    Dominicains : en offrant aux fidles tous les avantages de la confrrie, le Rosaire,

    ouvert tous, devait sduire la chrtient tout entire58.

    Limage ne sert pas seulement maintenir lemprise des Prcheurs sur la

    dvotion, elle est aussi un outil de sduction. Le grand nombre dimages contenu

    dans Le Rosario della gloriosa Vergine Maria dAlberto da Castello a largement

    contribu son succs et sa diffusion. Louvrage, qui rassemble 189 gravures sur

    202 folios59, prsente sur la page de droite un texte de courte mditation, auquel fait

    face lillustration de cette mditation. En ce sens, lillustration sert de point de dpart

    de la mditation, qui a pour but dmouvoir le fidle et ainsi de le porter la prire.

    III. UNE GEOGRAPHIE DES CONFRERIES DU ROSAIRE Aprs avoir prsent la confrrie du Rosaire et les supports la pratique de la

    dvotion, il sagit prsent de sinterroger sur leur tendue gographique et leur

    expansion. Comme cela a t soulign en introduction, le territoire correspondant

    lactuelle France a t choisi comme cadre gographique pour cette recherche. De

    nombreuses tudes ont t ralises au sujet de la gographie du Rosaire, que cette

    confrrie en soit le sujet principal ou un parmi dautres, et des rsultats significatifs

    55 B. Montagnes, Les confrries du diocse dAix au dbut du XVIIIe sicle , dans Les confrries, lEglise et la

    cit, op. cit., p. 173.

    56 P. Perdrizet, La Vierge de Misricorde, op. cit., p. 96.

    57 Ibid.

    58 Ibid. p. 95.

    59 M-H. Froeschl-Chopard, Image et enseignement dans le Rosario della Gloriosa Vergine Maria dAlberto da

    Castello , dans Les dominicains et limage..., op. cit., p. 168.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 23 - Droits dauteur rservs.

    ont t obtenus lchelle rgionale. Lobjectif ici est den raliser une synthse et

    de croiser les donnes recueillies.

    A. Lapport des tudes antrieures

    La carte des confrries du Rosaire dans le diocse de La Rochelle, ralise par

    Louis Prouas, a inspir un projet dtude des confrries en France, jamais abouti

    lensemble du territoire60. En fait, de nombreuses tudes se sont intresses

    limplantation du Rosaire au niveau local ou rgional. Mais les inventaires

    gographiques sont assez peu nombreux, difficilement reprables (surtout pour une

    dvotion bien prcise), et parfois difficilement accessibles. Pour tenter un

    rcapitulatif sur ce thme, la liste des rfrences bibliographiques extraite du

    Dictionnaire de Spiritualit asctique et mystique. Doctrine et histoire 61 a servi de

    base au recensement. A ces rfrences bibliographiques se sont ajoutes toutes les

    tudes portant sur un lieu prcis et dans une dure limite, notamment celles runies

    dans louvrage Les confrries, lEglise et la cit. Cartographie des confrries du

    Sud-Est62, dirig par Marie-Hlne Froeschl-Chopard. Sont donc exclues

    volontairement les tudes qui illustrent un aspect trop gnral sur la vie religieuse

    des lacs ou celles qui thorisent la dvotion. Les tudes retenues dans le tableau

    suivant ne sintressent pas ncessairement au Rosaire dune manire trs

    dveloppe, les informations recueillies sont parfois trs brves mais suffisamment

    prcises pour tablir un tat des lieux dans le temps et dans lespace. Les thses ou

    ouvrages qui se sont intresss une ou plusieurs localits prcises pendant une

    priode dfinie ne sont comptabiliss quune seule fois, mme si ces travaux ont

    contribu plus ou moins partiellement la rdaction dautres publications.

    Au terme de ce recensement par rgion, il apparait que sur les quarante-trois

    rfrences bibliographiques recenses et indiques en annexe, le sud-est semble la

    rgion la plus tudie. Cette prdominance rgionale sexplique par ltude

    individuelle de chaque contribution runie dans Les confrries, lEglise et la cit.

    Cartographie des confrries du Sud-Est. Au sein des rgions du sud-est, la Provence

    a t plus particulirement tudie.

    Tableau 1 - Rpartition gographique des rfrences bibliographiques

    Rgions N-O N-E S-O S-E Total

    TOTAL 8 11 6 18 43

    Ce dpouillement ne peut donc pas se prtendre exhaustif, pour deux raisons

    principales : la premire est la prise en compte des titres, la seconde est

    laccessibilit aux documents. Si le terme Rosaire est mentionn dans le titre,

    60 L. Prouas, Le diocse de La Rochelle de 1648 1724. Sociologie et pastorale , Paris : Ecole Pratique des Hautes

    Etudes, 1964, p. 501.

    61 A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 962-963.

    62 M-H. Froeschl-Chopard (dir.), Les confrries, lEglise et la cit. op. cit.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 24 - Droits dauteur rservs.

    ltude a t comptabilise dans le tableau, sans avoir forcment pu tre consulte.

    A linverse, des tudes ne contenant pas le mot Rosaire dans le titre, et

    sintressant aux dvotions de manire gnrale, ont t comptabilises dans ce

    tableau lorsque louvrage a pu tre consult pour vrifier son contenu. Un peu plus

    de la moiti des rfrences bibliographiques ayant permis de raliser le tableau ci-

    dessus ont pu tre consultes (24 rfrences consultes sur 43) et ont pu servir

    llaboration dun tat des lieux synthtique sur limplantation des confrries du

    Rosaire en France.

    B. Etat des lieux synthtique des confrries du Rosaire

    Cette partie doit comparer limplantation des confrries du Rosaire travers

    les tudes rpertories ci-dessus et permettre den dgager les grandes tendances.

    Le Rosaire face aux autres confrries

    Les visites pastorales du XVIIIe sicle, qui ont servi de sources louvrage

    dirig par Marie-Hlne Froeschl-Chopard, montrent un fort contraste entre les

    rgions du sud-est de la France. Bien que le nombre de confrries soit plus important

    en Provence (au minimum quatre confrries par paroisse) par rapport au Dauphin

    (qui nen compte quune seule) ou la Savoie (entre deux et trois), le Rosaire semble

    plus prsent dans ces deux dernires rgions63. Dans le diocse de Grenoble par

    exemple, 37% des confrries appartiennent au Rosaire64.

    En Provence, le Rosaire semble moins prdominant par rapport aux autres

    confrries. Dans larchidiocse dEmbrun, les Pnitents, le Saint-Sacrement et le

    Rosaire reprsentent 73% de lensemble, soit dans leurs proportions respectives

    38%, 17% et 18%65. Sur un total de 175 confrries, 31 appartiennent au Rosaire. Ce

    mme trio est observ dans le diocse dAix-en-Provence, avec toutefois des

    positions diffrentes, puisque sur un total de 646 confrries repres, 12%

    appartiennent au Saint-Sacrement (soit 76), 8% au Rosaire (soit 52), et 8%

    galement pour les Pnitents (soit 56)66. Dans les diocses dOrange et de Saint-

    Paul-Trois-Chteaux, Saint Sacrement et Rosaire semblent aller de pair67. Plus

    louest, dans le diocse de Montpellier, la perce du Rosaire es t moins spectaculaire

    que celle du Saint-Sacrement. Les confrries du Rosaire concernent 30 paroisses sur

    les 115 visites la fin du XVIIe sicle (soit environ 28%). Un sicle plus tard, leur

    nombre a peu augment, concernant 38 paroisses sur 114 (soit environ 33%)68. En

    63 M-H. Froeschl-Chopard (dir.), Les confrries dans le temps et dans lespace , dans Les confrries, lEglise

    et la cit , op. cit., p. 21.

    64 B. Dompnier, Les confrries du diocse de Grenoble daprs les visites pastorales (1665 1757) dans Les

    confrries, lEglise et la cit, op. cit., p.48.

    65 R. Brs, Le rseau des confrries dans larchidiocse dEmbrun la fin du XVII e sicle , dans Les confrries,

    lEglise et la cit, op. cit. p. 60.

    66 B. Montagnes, Les confrries du diocse dAix au dbut du XVIIIe sicle , op. cit. p. 176.

    67 F. Hernandez, Les confrries des diocses dOrange et de St Paul-Trois-Chteaux la fin du XVIIe sicle ,

    dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit. p.100.

    68 X. Azema, Les confrries du diocse de Montpellier la fin du XVIII e sicle , dans Les confrries, lEglise

    et la cit, op. cit. p. 221.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 25 - Droits dauteur rservs.

    Tarentaise, limplantation des confrries du Rosaire et du Saint-Sacrement laisse

    apparatre une volution nette au cours des deux derniers sicles de lAncien

    Rgime. Si en 1633-1636, la confrrie du Rosaire est largement la plus rpandue, en

    1790-1792, elle a perdu sa suprmatie face au Saint-Sacrement presque aussi

    frquent : Michel Brocard dnombre 60 confrries pour la premire contre 55 pour

    la seconde69. Lorsque la confrrie du Saint-Sacrement simplante au sein dune

    paroisse, celle du Rosaire semble avoir plus de difficults exister70. Dailleurs,

    dans certaines rgions comme la Creuse, le Rosaire commence disparatre lorsque

    le Saint-Sacrement se dveloppe71. Dans la rgion dAutun, Andr Lanfrey sest

    appuy sur les procs-verbaux de visites pastorales dbutant en 1667, et a relev

    cent soixante-huit confrries pour deux cent quarante-quatre paroisses visites, dont

    une vingtaine est consacre au Rosaire, contre 70 pour le Saint-Sacrement72. Cette

    tendance nest cependant pas confirme par ltude du diocse de Saint-Papoul dans

    lAude qui montre quau XVIIIe sicle, lextension des confrries du Rosaire

    apparat lgrement plus importante que celles du Saint-Sacrement (18 contre 14) 73.

    Dans le diocse de La Rochelle, limplantation du Rosaire et du Saint-Sacrement se

    distingue plutt sur le modle ville et campagne : La Rochelle, le Saint-Sacrement

    est prdominant, alors que le Rosaire est plus prsent dans les campagnes

    alentours74. Ainsi, si Saint-Sacrement et Rosaire apparaissent souvent en

    concurrence, ces deux confrries ne sont pas rparties de manire homogne sur le

    territoire : on note par exemple Montpellier une forte concentration pour la

    premire ; Gap une forte concentration pour la seconde. Cela dpend galement de

    la priode de la fondation, puisque dans de nombreuses localits, le Rosaire a

    prcd limplantation du Saint-Sacrement. Orlans en revanche, la faiblesse du

    Rosaire pose question et semble marquer une absence relle. Il est toutefois possible

    que le vocable pratique de Sainte-Vierge , constituant le socle de la ralit

    confraternelle de la ville dOrlans et dont la prsence est atteste quasiment partout,

    recouvre diffrentes associations mariales comme celle du Rosaire75.

    Dans certaines localits provenales, le succs du Rosaire est indiscutable :

    dans la valle du Verdon, le Rosaire est recens dans 79% des paroisses ds le dbut

    du XVIIIe sicle avec 30 confrries et 34 autels, et reprsente la seule association

    mariale dans dix des douze paroisses ddies la Vierge76. En Bretagne, le Rosaire

    est lune des confrries les plus importantes : il a t repr dans au moins 40% des

    69 M. Brocard, Evolution des confrries en Tarentaise du XVIIe au XVIIIe sicle dans Les confrries, lEglise

    et la cit , op. cit., p.71.

    70 M.-H. Froeschl-Chopard, La dvotion du Rosaire travers quelques livres de pit . In : Histoire, conomie

    et socit, 1991, 10 anne, n3. Prires et charit sous l'Ancien Rgime., p. 306.

    71 Ibid.

    72 A. Lanfrey, Les confrries du nord de lvch dAutun , dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit, p. 239.

    73 C.-M. Robion, A lpreuve de la Rvolution : confrries et pnitents en pays dAude (XVIII e-XIXe sicle) ,

    dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit., p. 285-300.

    74 L. Prouas, Le diocse de La Rochelle de 1648 1724 , op. cit. p.501.

    75 G. Rideau, De la religion de tous la religion de chacun. Croire et pratiquer Orlans au XVIII e sicle, Rennes :

    Presses Universitaires de Rennes, p. 105-106.

    76 R. Bertrand, Dvotions et confrries dans le diocse de Senez au temps de Mgr Soanen , dans Les confrries,

    lEglise et la cit, op. cit., p. 121.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 26 - Droits dauteur rservs.

    paroisses du diocse de Vannes et une bonne moiti de celles des diocses de Rennes

    et de Saint Malo, et dans prs des deux tiers des diocses de Saint Brieuc77. La

    popularit du Rosaire ne se manifeste pas seulement sous la forme de confrrie,

    puisqu Rennes, au XVIIIe sicle, sur 201 autels consacrs la Vierge, 12% des

    autels sont consacrs plus spcifiquement au Rosaire78.

    Lanciennet des confrries et lvolution de la pratique

    Lanciennet des confrries varie sensiblement dune rgion une autre. Prs

    de Troyes, dans le prieur de Foicy, la confrrie du Rosaire est installe entre 1577

    et 158079. Dans le diocse de Strasbourg, sur les quarante-et-une confrries

    rpertories en 1680, trente-deux ont t riges entre 1550 et 1680 (soit prs de

    80%) et parmi ces crations, on dnombre sept confrries du Rosaire, juste derrire

    les congrgations mariales jsuites80. Dans le diocse dOrange, Franoise

    Hernandez recense quatorze confrries connues entre 1665 et 1675, dont neuf sont

    antrieures 1644, et seulement deux sont apparues aprs 167581.

    Le nombre de confrres peut augmenter considrablement. Strasbourg,

    lrection de la confrrie du Rosaire de Boersch date du 2 juillet 1656, et si ses

    dbuts sont modestes (32 membres au moment de la cration, puis 17 les annes

    suivantes), de 1670 1675, la confrrie connat des adhsions massives. En cinq

    ans, cent quarante nouveaux membres sont enregistrs dans un village qui ne compte

    que sept cent habitants82. Ce succs ne doit masquer la baisse des pratiques

    associatives et confraternelles des confrries tridentines la fin de lAncien Rgime,

    qui peut tmoigner dune dvotion suffisamment intriorise. Cest ce qui est

    observ dans la rgion creusoise. Si les premires confrries du Rosaire apparaissent

    vers 1620 et sont attestes dans 60% des paroisses de la rgion au XVIIe sicle, une

    baisse progressive est nanmoins remarque puisqu la veille de la Rvolution,

    trente-et-une associations sont recenses pour cent trente-huit paroisses83. Notons

    que le mouvement est analogue pour le Saint-Sacrement.

    Limplantation dominicaine

    Le processus drection de la confrrie est souvent li limplantation

    dominicaine : dans le diocse de Saint Paul-Trois-Chteaux, si toutes les paroisses

    77 J. Quienart, Le rseau des confrries pieuses , dans Alain Croix (dir), Les Bretons et Dieu. Atlas d'histoire

    religieuse 1300 1800, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1985, carte 25.

    78 B. Restif, La Rvolution des paroisses op. cit., p. 283.

    79 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450 1830), op. cit. p. 142.

    80 L. Chtellier, Tradition chrtienne et renouveau catholique dans lancien diocse de Strasbourg , Paris : Editions

    de Nesle, p. 187.

    81 F. Hernandez, Les confrries des diocses dOrange et de St Paul-Trois-Chteaux la fin du XVIIe sicle ,

    dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit., p.102.

    82 L. Chtellier, Tradition chrtienne op. cit. p. 189.

    83 L. Prouas, Les confrries dans le pays creusois la veille de la Rvolution , dans Les confrries, lEglise et

    la cit, op. cit., p. 236.

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 27 - Droits dauteur rservs.

    ont leurs confrries du Rosaire, cest parce quelles rsultent de linstallation des

    Dominicains en 1663. En Rouergue, ltude mene par Pierre Lanon a montr que,

    ds 1610, sous limpulsion des Frres prcheurs, les confrries du Rosaire se sont

    dveloppes durant toute lpoque moderne jusqu atteindre les zones rurales et

    centres villageois de moindre importance84. En Savoie du Sud, la dvotion est mise

    en uvre sous linfluence des Dominicains de Montmlian85.

    Les variantes entre les rsultats obtenus permettent dviter de penser quun

    phnomne observ localement soit trop rapidement tenu pour universel. Cela est

    parfaitement visible pour les tudes consacres aux rgions du sud-est, qui ont

    montr une forte disparit dans limplantation des confrries du Rosaire. Ces

    disparits se constatent au niveau de leur dveloppement et des diffrents degrs de

    concurrence avec dautres confrries, et notamment avec celles du Saint-Sacrement.

    Enfin, le Rosaire nest pas implant partout : son absence dans larchidiacon

    dOrlans atteste sans doute de lingale progression de la Rforme catholique et de

    formes de rsistance anciennes du culte mariale86.

    Ainsi, entre la fin du XVe sicle et la fin du XVIIIe sicle, la dvotion du

    Rosaire sinsre parfaitement dans les bouleversements religieux et les

    dveloppements techniques de limprim. Outil au service de la Rforme catholique,

    la dvotion sest organise sous la forme de confrrie, formalise par la littrature

    dominicaine. Le livre sur le Rosaire reflte parfaitement les deux formes de vie

    religieuse des lacs qui ne sont pas contradictoires : dun ct laspect collectif de la

    dvotion, propre la vie de chaque confrrie, de lautre, une individualisation et une

    intriorisation de la prire, axe sur la mditation et dveloppe par la Devotio

    moderna. Lexemple du nombre de rditions du Rosario della gloriosa Vergine

    Maria dAlberto da Castello est rvlateur du succs de la dvotion. Il reste

    dsormais prciser les critres de slection retenir pour fonder une tude plus

    dtaille sur les caractristiques des livres sur le Rosaire entre le XVI e et la fin du

    XVIIIe sicle.

    84 Pierre Lanon, Les confrries du Rosaire en Rouergue aux XVIe et XVIIe sicles . In : Annales du Midi :

    revue archologique, historique et philologique de la France mridionale , Tome 96, N166, 1984. En Rouergue :

    population et socit. p. 121-133, 1984, disponible sur : http://www.persee.fr/doc/anami_0003-

    4398_1984_num_96_166_2039, consult le 24/03/17.

    85 M. Brocard, art. cit., p. 75.

    86 G. Rideau, op. cit., p. 107.

    http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1984_num_96_166_2039http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1984_num_96_166_2039

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 28 - Droits dauteur rservs.

    PARTIE II : METHODOLOGIE DENQUETE

    Afin de mieux apprhender la production et la diffusion des ouvrages sur le

    Rosaire entre le dbut du XVIe et la fin du XVIIIe sicle, une tude quantitative a

    t ralise en deux temps : dabord par lanalyse du recensement global constitu

    partir de catalogues en ligne, puis par une tude plus approfondie dun corpus de

    trente ouvrages conservs au fonds ancien de la BmL.

    I. LE RECENSEMENT GENERAL DES OUVRAGES :

    OUTILS ET DEMARCHE

    A. Prsentation des outils

    Pour avoir une vue densemble assez gnrale sur la littrature du Rosaire, la

    recherche sest effectue partir de trois catalogues en ligne : celui de la

    Bibliothque nationale de France (BnF), le Catalogue Collectif de France (CCFr) et

    WorldCat.

    Les catalogues en ligne du CCFr et de la BnF

    Les catalogues du CCFr et de la BnF sont spcifiques aux fonds franais. Le

    premier localise environ trente millions de documents conservs dans les

    bibliothques franaises. Les recherches ont t effectues partir de la Base

    patrimoine. Cette base permet de localiser plus de six millions de documents

    patrimoniaux conservs au sein de bibliothques municipales, d'archives, de muses

    ou encore des grands corps de l'Etat. Outre sa Base patrimoine, le catalogue donne

    accs plusieurs grands catalogues franais : le Catalogue gnral de la BnF, le

    catalogue des bibliothques de l'enseignement suprieur (Sudoc), les Bases

    Manuscrits et Archives (un catalogue de quatre bases ddi aux manuscrits),

    plusieurs catalogues intgraux de bibliothques municipales, le catalogue collectif

    du Rseau europen des bibliothques spcialises dans le domaine de la culture

    juive (RACHEL), et le catalogue du rseau europen de bibliothques d'institutions

    protestantes ou associes (Rseau Valdo) 87. Le projet du CCFr a dbut en juillet

    1997 et sest achev en dcembre 2000. Depuis 2001, il est confi la BnF.

    Le Catalogue gnral de la BnF contient la majorit des rfrences de

    documents conservs sur tous les sites de la BnF. Il simplifie laccs aux collections

    en sintgrant aux usages de recherche sur le web et valorise les informations

    contenues dans les notices. Ce catalogue comprenait, pour lanne 2016, plus de

    87 Catalogue collectif de France, Quest-ce que le CCFr ? [En ligne], mis jour le 22/12/2016, disponible sur :

    http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp?action=public_a_propos , consult le 01/04/17.

    http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp?action=public_a_propos

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 29 - Droits dauteur rservs.

    treize millions de notices bibliographiques, et prs de cinq millions de notices

    d'auteurs, de titres d'uvres et de sujets88.

    WorldCat

    Plus grand rseau de donnes au monde sur les collections et les services de

    bibliothques, WorldCat est la base de donnes bibliographiques en ligne de

    lOnline Computer Library Center (OCLC). LOCLC est une cooprative mondiale

    de bibliothques qui fournit des services technologiques partags, des tudes et

    travaux de recherche originaux, ainsi que des programmes collectifs pour ses

    membres et la communaut des bibliothques89. Les bibliothques ajoutent,

    enrichissent et partagent la base de donnes qui intgre ces informations dans des

    processus de recherche afin que les utilisateurs puissent trouver des ressources de

    tout format dans des bibliothques du monde entier.

    La prsentation de ces outils permet de comprendre les carts obtenus entre

    les tableaux et graphiques qui vont suivre. Par son nombre de rfrences plus limit,

    le catalogue en ligne de la BnF a une porte moindre que les deux autres outils. Si

    les bases interroges de la BnF et du CCFr se regroupent du fait de leur strate

    commune, le corpus constitu partir du catalogue WorldCat ne confirme pas

    toujours les tendances observes partir des deux premiers catalogues. Ainsi, pour

    avoir une analyse la plus prcise possible, les rsultats des trois catalogues sont

    prsents dans trois tableaux distincts et sont interprts par trois graphiques

    diffrents.

    B. Recensement par occurrence

    Pour apprhender le nombre de publications sur le Rosaire, la recherche a t

    effectue partir de mots-cls. Une tude partir du titre sest avre la plus

    pertinente, les auteurs tant pour une part importante des anonymes. Lapproche

    nest pas quantitative dans la diffusion mais quantitative dans la production : sont

    recenss les ouvrages contenant le mot-cl dans leur titre, rditions comprises, et

    sont donc exclus les diffrents exemplaires dun mme ouvrage. Seulement deux

    mots-cls ont t utiliss. Il sagit en effet dun type de littrature bien spcifique

    qui noffre pas une grande diversit de thmes.

    Rosaire

    Loccurrence la plus vidente est celle du mot Rosaire . Les tableaux ci-

    dessous offrent une vision globale de la rpartition des rsultats obtenus. De grandes

    similitudes entre les catalogues apparaissent : les titres varient peu, le lexique utilis

    est souvent le mme. Loccurrence chapelet a t intgre au tableau, puisque la

    rcitation du tiers du rosaire tait aussi pratique, surtout au XVIe sicle.

    88 Bibliothque nationale de France, Les contenus du catalogue, [En ligne], [s.d.], disponible sur :

    http://catalogue.bnf.fr/contenu-catalogue.do, consult le 01/04/17.

    89 OCLC, WorldCat, [En ligne], [s.d.], disponible sur : https://www.oclc.org/fr/worldcat.html, consult le 01/04/17.

    http://catalogue.bnf.fr/contenu-catalogue.dohttps://www.oclc.org/fr/worldcat.html

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 30 - Droits dauteur rservs.

    Tableau 2 - L'occurrence Rosaire d'aprs le catalogue du CCFr

    Rosaire

    Saint / Sacr

    Rosaire

    Trs saint

    Rosaire

    Rosaire /

    Rosier

    mystique

    Rosaire

    perptuel

    Rosaire

    spirituel

    Mystres

    du

    Rosaire

    Chapelet Total

    XVIe s 3 2 5

    XVIIe s 58 3 6 1 68

    XVIIIe s 37 1 5 43

    Total 98 3 7 6 2 116

    Tableau 3 - L'occurrence Rosaire d'aprs le catalogue de la BnF

    Rosaire

    Saint / Sacr

    Rosaire

    Trs saint

    Rosaire

    Rosaire /

    Rosier

    mystique

    Rosaire

    perptuel

    Rosaire

    spirituel

    Mystres

    du Rosaire

    Chapelet Total

    XVIe s 2 1 3

    XVIIe s 29 3 5 2 3 42

    XVIIIe s 15 3 18

    Total 46 3 5 5 4 63

    Tableau 4 - L'occurrence Rosaire d'aprs le catalogue WorldCat

    Rosaire

    Saint / Sacr

    Rosaire

    Trs saint

    Rosaire

    Rosaire

    mystique

    Rosier

    mystique

    Rosaire

    perptuel

    Rosaire

    spirituel /

    Mystres du

    Rosaire

    Chapelet Total

    XVIe s 1 1 3 2 7

    XVIIe s 66 5 7 5 8 91

    XVIIIe s 51 1 8 1 61

    Total 118 6 8 16 11 159

  • AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 31 - Droits dauteur rservs.

    Le catalogue du CCFr a recens environ 206 rsultats, 203 rsultats ont t

    obtenus avec celui de Worldcat, alors que les mmes recherches ont abouti une

    centaine de rsultats pour la BnF. Un tri sest avr ncessaire : ont t exclus les

    doublons, les ouvrages qui ne possdaient pas les occurrences dsires dans le titre

    et les diffrents exemplaires dun mme ouvrage. En revanche, plusieurs

    occurrences diffrencies dans le tableau peuvent se regrouper en un seul titre. Par

    exemple L'Histoire du sacr-rosaire et chapplet ["sic"] de la S. Vierge... par F. N.

    Le Febure ["sic"]..., publi Angers en 1624, contient les occurrences sacr

    rosaire et chapelet . Elles ont donc t comptabilises toutes les deux.

    Si lon compare les rsultats obtenus, les trois tableaux montrent un grand

    nombre de similitudes mais aussi quelques divergences, qui sexpliquent en partie

    par la diffrence du nombre de rsultats obtenus dun catalogue un autre. En toute

    logique, les occurrences Rosaire et les adjectifs qui laccompagnent ont donn

    le plus de rsultats. Le recensement des titres montre assez clairement une hausse

    de la production littraire sur le Rosaire au XVIIe sicle, suivie dune baisse le sicle

    suivant. Cette approche chronologique sera dtaille plus prcisment dans les

    parties suivantes. Le Rosaire perptuel , appel aussi spirituel , est employ

    principalement au XVIIe sicle, ce qui semble tout fait cohrant puisque le Rosaire

    perptuel sest propag en France dans les annes 1640, comme cela a t soulign

    en premire partie. Mais son succs semble limit dans le temps puisquau sicle

    suivant, les trois catalogues saccordent sur son dclin, ce qui laisse penser quil a

    surtout t pratiqu son arrive en France, et se serait essouffl par la suite.

    Cependant, linstitution du Rosaire perptuel a connu un succs immdiat et

    explique peut-tre en partie, non seulement la multiplication des inscriptions dans

    la confrrie, mais la multiplication