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aste
r 1 /
Juin
2017
Diplme national de master
Domaine - sciences humaines et sociales
Mention - histoire civilisations patrimoine
Parcours - cultures de lcrit et de limage
Lectures et interprtations du Rosaire
en France (XVIe XVIIIe sicle)
Agathe Aymard
Sous la direction de Philippe Martin
Professeur dhistoire moderne Lyon II
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Remerciements
AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 2
- Droits dauteur rservs.
Remerciements
Je tiens tout dabord remercier mon directeur de mmoire, M.
Philippe
Martin, pour ses conseils et sa disponibilit.
Je souhaite galement remercier le personnel du fonds ancien de
la
Bibliothque municipale de Lyon pour son accueil et son
implication.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 3
- Droits dauteur rservs.
Rsum :
Par la rcitation de ses 150 Ave Maria, le Rosaire est une
incarnation de la pit
mariale. Etablie sous la forme de confrrie ds la fin du XVe
sicle, la dvotion connat
rapidement un grand succs. Largement propage aprs le concile de
Trente, grce
notamment laction des Dominicains, elle constitue, au dpart, une
simple communaut
de prires. Avec le dveloppement de limprimerie, la littrature
sur le Rosaire sintgre
dans le commerce du livre de manire gnrale et tmoigne de la
pratique dvotionnelle
des fidles sous lAncien Rgime.
Descripteurs : Rosaire - Vierge Marie Confrrie Monde du livre
Livre de dvotion
France - Ancien Rgime.
Abstract :
The Rosary consists of praying 150 Ave Maria. Its one of the
most notable Marian
devotion. The Rosary Confraternity appear at the end of the
fifteenth century. Thanks to
the Order of Saint Dominic, the devotion was propagated quickly,
particulary since the
Council of Trent. It was initially a community of prayers.
Thanks to the development of
printing, the Rosary literature is incorporated into the book
trade. This devotion
demontrastes the devotional practice of the faithful during the
modern period in France.
Keywords : Rosary - Virgin Mary Fraternity Book industry
Devotionnal book
France Modern period.
Droits dauteurs
Droits dauteur rservs.
Toute reproduction sans accord exprs de lauteur des fins autres
que
strictement personnelles est prohibe.
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Sommaire
AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 4
- Droits dauteur rservs.
Sommaire
SIGLES ET ABREVIATIONS
..........................................................................
6
INTRODUCTION
..............................................................................................
7
PARTIE I : RAPPELS HISTORIQUES SUR LE ROSAIRE
......................... 11
I. Le contexte religieux de la priode
.............................................. 11
A. Les Frres Prcheurs et les confrries du Rosaire
....................... 11
B. Succs et dveloppement des confrries
...................................... 13
C. Le renouvellement de la vie spirituelle
........................................ 15
II. Le Rosaire : un livre de dvotion
................................................. 20
A. Publications de la confrrie
........................................................ 20
B. Limage du Rosaire
....................................................................
21
III. Une gographie des confrries du Rosaire
............................... 22
A. Lapport des tudes antrieures
.................................................. 23
B. Etat des lieux synthtique des confrries du
Rosaire.................... 24
PARTIE II : METHODOLOGIE DENQUETE
............................................. 28
I. Le recensement gnral des ouvrages : outils et dmarche
........ 28
A. Prsentation des outils
...............................................................
28
B. Recensement par occurrence
...................................................... 29
C. Une approche thmatique des titres
............................................ 33
D. Difficults rencontres
................................................................
36
II. Le corpus de la Bibliothque municipale de Lyon : prsentation
et justification
..................................................................................................
38
A. Un fonds pertinent pour les ouvrages sur le
Rosaire.................... 38
B. Mthode danalyse systmatique
................................................. 38
III. Le Rosaire au sein du march du livre de dvotion
................. 39
A. Apprhender la production du livre sur le Rosaire : diffrences
chronologiques
...........................................................................................
39
B. Le march du livre sur le Rosaire : ses acteurs et ses
caractristiques
..........................................................................................
45
PARTIE III : ETUDE DES LIVRES SUR LE ROSAIRE DAPRES LE
CORPUS DE LA BML
....................................................................................
63
I. Le contenu des livres
....................................................................
63
A. Des livres peu illustrs
...............................................................
63
B. Lenseignement dispens par les
livres........................................ 71
C. Particularits dans la mise en page et la
typographie.................. 82
D. Le contenu des pices liminaires et pices de fin
......................... 82
E. Un lectorat vis ?
.......................................................................
84
-
NOM Prnom | Diplme | Type de rapport | mois anne - 5 - Droits
dauteur rservs.
II. Le Rosaire sur la forme : prsentation matrielle
....................... 85
A. Des livres de petit format
............................................................ 85
B. Leur volume
...............................................................................
85
C. Particularits dexemplaires
....................................................... 86
CONCLUSION
................................................................................................
89
BIBLIOGRAPHIE
...........................................................................................
92
ANNEXES........................................................................................................
95
Annexe 1 : Recensement des tudes rgionales sur le Rosaire
............ 96
Annexe 2 : Villes ddition daprs les catalogues en ligne
................ 100
Villes ddition daprs le catalogue de la BnF
................................. 100
Villes d'dition d'aprs le catalogue du CCFr
.................................... 101
Villes d'dition d'aprs le catalogue WorldCat
.................................. 102
Annexe 3 : Notice des ouvrages consults daprs le fonds de la
BmL
.....................................................................................................................
103
Table des graphiques et tableaux
....................................................... 132
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Sigles et abrviations
AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 6
- Droits dauteur rservs.
Sigles et abrviations
Bibliothque municipale de Lyon : BmL
Catalogue collectif de France : CCFr
Online Computer Library Center : OCLC
Bibliothque nationale de France : BnF
Ordre des Prcheurs : O. P.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 7
- Droits dauteur rservs.
INTRODUCTION
Dans son ouvrage rdig en forme de catchisme, intitul Le
Pasteur
Apostolique enseignant aux Fidles, par des instructions
familires dresses en
forme de catchisme..., le Rvrend Pre Jean-Charles Ducos prsente
le Rosaire
comme le plus excellent de tous les cultes 1. Si la Vierge du
Rosaire constitue
l'un des phnomnes marquants de la religiosit l'poque moderne,
cest grce aux
incomparables privilges quelle procure et son importance dans
luvre de la
Rdemption, rsumant la fois les joies, les souffrances et les
gloires de Marie.
Apparu ds lpoque mdivale, le Rosaire est initialement reli
lensemble
des dvotions mariales populaires. Driv du symbole ancien de la
rose, il dsigne,
au dpart, la couronne de roses matrialisant les quinze mystres
du Rosaire. Dans
son article Le Rosaire : parole et image, Marie-Hlne
Froeschl-Chopard rappelle
que le Rosaire est dabord une prire orale, appele Psautier de la
Vierge, l'image
des cent-cinquante psaumes du Psautier du roi David2, fonde sur
lenchanement
dune suite de quinze dizaines dAve Maria, chacune prcde dun
Pater Noster.
La prire invite le fidle une vritable mditation sur les quinze
mystres,
correspondant aux grands moments de la vie de Jsus et de Marie.
Ces quinze
mystres se divisent de la manire suivante : la mditation porte
dabord sur les cinq
mystres joyeux (lAnnonciation, la Visitation, la Nativit, la
Prsentation au temple
et Jsus parmi les docteurs), qui sont suivis des cinq mystres
douloureux (lAgonie
au jardin des oliviers, la Flagellation, le Couronnement dpines,
le Portement de
croix, la Crucifixion) et se termine par les cinq mystres
glorieux (la Rsurrection,
lAscension, la Pentecte, lAssomption, le Couronnement de la
Vierge). Si la
rptition de lAve Maria est atteste selon diverses modalits
depuis le XIe sicle,
elle est rcite de faon massive quatre sicles plus tard, avant de
simposer comme
la principale prire catholique. Pour raliser ce dcompte prcis,
les fidles utilisent
les grains dun chapelet form de cinq dizaines quils font couler
entre les doigts.
Cette pratique, atteste ds lpoque mdivale chez les cisterciens,
les frres
mineurs, les chartreux, les bguinages et autres fraternits3,
sest
dveloppe rapidement : au milieu du XIIIe sicle, le mot
paternostrier a perdu
son sens premier de fabricant dobjets de pit pour dsigner un
artisan faonnant
grains et boules de toutes sortes4.
1 J.-C. Ducos, Le Pasteur Apostolique enseignant aux Fidles, par
des instructions familires dresses en forme
de catchisme, pour l'usage des prdicateurs apostoliques, des
missionnairs, et particulirement des pasteurs et de leurs
brebis... Tome second. Bruxelles : Josse de Grieck, 1704, p.
338.
2 M.-H. Froeschl-Chopard, Le Rosaire : parole et image . In :
Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest .
Tome 98, numro 2, 1991. p. 147-160, [En ligne], disponible sur :
http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-
0826_1991_num_98_2_3386
3 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , dans
Hubert du Manoir (dir.), Maria. Etudes sur
la sainte Vierge, Tome II, Paris : Beauchesne et ses fils, 1952,
p. 772.
4 A. Duval, Rosaire , Dictionnaire de spiritualit asctique et
mystique. Doctrine et histoire , Paris : Beauchesne,
1937-1995, t. XIII, col. 940.
http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1991_num_98_2_3386http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1991_num_98_2_3386
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 8
- Droits dauteur rservs.
Le terme chapelet est un driv du mot chapel , qui renvoie
aux
chapeaux ou couronnes de fleurs ports traditionnellement dans
des ftes religieuses
ou poss sur les statues de la Vierge. Dj dans lAntiquit, la
fleur sduisait les
potes pour exprimer des langages symboliques plus ou moins
complexes. Trs vite,
la rose a t associe au symbolisme de la joie et sadaptait
parfaitement aux
volutions de la pratique des fidles. Ces volutions sont visibles
dans
liconographie, notamment partir du XIIIe sicle, lorsque la
dvotion au Christ
devient de plus en plus sanguinolente. Les roses de couleur
rouge rappellent ainsi
aux fidles les pisodes douloureux de sa vie ainsi que ceux de la
Vierge.
Proche de son Fils en tout point, Marie lest aussi du cur des
fidles.
Regarde comme la porte du Ciel5 , elle ne pouvait tre ignore par
les confrries
de dvotion. Ce rle dintercession et de protection trouve ses
origines dans la
deuxime moiti de lpoque mdivale. Traditionnellement appele
Notre-
Dame , cette dnomination met bien en avant son rle protecteur
avant celui de
Mre de Dieu . Avocate de toute lhumanit et intercesseur privilgi
qui peut
flchir Dieu, cest elle qui attribue toutes les grces, en raison
des mrites de Jsus -
Christ. Dans liconographie des derniers sicles mdivaux, cest une
Vierge de
Misricorde qui abrite lhumanit tout entire sous son manteau6.
Les Ordres
religieux ont plus particulirement contribu au dveloppement de
son recours par
le biais de proses, pomes, et hymnes crits en son honneur. Le
dveloppement dun
recours la Vierge peut sexpliquer en partie par le dsir pour
lhomme davoir,
entre la majest redoutable de Dieu et lui, des intermdiaires. La
Vierge simpose
donc comme la meilleure des mdiatrices : les pouvoirs pars chez
les saints sont
tous runis en elle. A cela sajoutent de nouveaux besoins exprims
par les fidles
vivant dans des milieux urbains, notamment celui de sorganiser
en rseau
dentraide fraternelle, leur permettant de vivre des exercices
religieux pour atteindre
un salut individuel.
Au tournant des XVe et XVIe sicles, la dvotion du Rosaire
sorganise sous
la forme confraternelle. La confrrie, apparue ds les dbuts du
christianisme, peut
tre dfinie de diffrentes manires, selon les aspects que lon
souhaite mettre en
avant. Le Dictionnaire de Spiritualit la dfinit de faon assez
large comme une
association de prires7 . Maurice Agulhon, dans La sociabilit
mridionale.
Confrries et Associations dans la vie collective en Provence
orientale la fin du
XVIIIe sicle, dfinit la confrrie dAncien Rgime comme un
groupement
organis de laques caractre religieux 8. Il ne serait sans doute
pas suffisant de
limiter les confrries des associations pieuses, puisque leur
principe fondamental
est la mutualit spirituelle , comme la dgag Georges Le Bras dans
Les
5 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450
1830), Villeneuve-d'Ascq : Presses
universitaires du Septentrion, 2001, p. 48.
6 J. Delumeau, Rassurer et protger, le sentiment de scurit dans
lOccident dautrefois , Paris : Fayard, 1989, p.
261-289.
7 M. Viller, Alain de la Roche , Dictionnaire de Spiritualit,
op. cit ., T. I, col. 270.
8 M. Agulhon, La sociabilit mridionale, Confrries et
Associations dans la vie collective en Provence orientale
la fin du XVIIIe sicle, Aix en Provence : La pense
universitaire, 1966, Tome 1, p.75.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 9
- Droits dauteur rservs.
confrries chrtiennes9. Dans leur article intitul De nouvelles
approches pour
lhistoire des confrries , Bernard Dompnier et Paola Vismara
insistent sur le
perfectionnement moral, la dvotion, lassistance rciproque, la
charit 10. Si ces
dfinitions ne sont pas propres au Rosaire, il conviendra de
dgager les aspects plus
spcifiques de la confrrie dans la prsente tude.
En se rfrant aux dfinitions prcdemment cites, les confrries
apparaissent comme des corps intermdiaires entre lEglise et les
fidles , rvlateurs
des courants de spiritualit ou des mouvements dvotionnels
lintrieur du monde
catholique. La littrature sur le Rosaire est une source de grand
intrt pour aborder
la pratique religieuse, quil est par dfinition difficile
apprhender. Cependant,
Philippe Martin rappelle dans son ouvrage Une religion des
livres (1640 1850)
laspect trompeur du livre, puisquil ny a pas de certitude
absolue sur sa lecture, et
le vcu religieux des lecteurs est difficile dfinir11.
Dans limpossibilit dtudier lensemble de la production imprime
sur le
Rosaire, il est ncessaire de placer des bornes chronologiques et
gographiques. Le
sujet tant assez prcis, ltude portera sur la longue dure, allant
du dbut du XVI e
sicle la fin du XVIIIe sicle. Le XVIe sicle prsente un double
intrt : les annes
1450 jusquau dbut du XVIIe sicle voient la naissance et la
propagation du livre
imprim, ainsi que de profonds bouleversements religieux avec la
remise en cause
du dogme catholique. Les deux phnomnes ne sexcluent nullement
lun de lautre :
le dveloppement de limprimerie servira de support la propagation
des ides
rformes. Pour contrecarrer aux attaques, le concile de Trente
doit raffirmer les
grands principes du catholicisme et condamner les dviances. Ce
contexte troubl
entraine une intriorisation de la pit qui se poursuit tout au
long du sicle suivant.
La culture religieuse du XVIIe sicle prsente des changements
dans la spiritualit
et dans la pratique de dvotion des fidles avec, en parallle, une
forte augmentation
de la production ditoriale. Le dveloppement de limprim permet
une plus large
diffusion du livre de pit. Cette tude sarrte la fin du XVIIIe
sicle, moment de
rupture plus ou moins important selon les aspects tudis, mais
qui constitue une
priode de transition dans le domaine religieux et notamment sous
son aspect
confraternel ds le milieu du sicle. Les volutions gnrales de
lhistoire religieuse
et de lhistoire du livre peuvent donc se reflter dans ltude des
ouvrages sur le
Rosaire.
Les bornes gographiques de cette recherche se limitent au
territoire de
lactuelle France, puisque de nombreuses tudes sur le Rosaire ont
t ralises un
niveau rgional, voire local. Une tude sur lensemble du
territoire franais doit
9 Cit par L. Chtellier, Tradition chrtienne et renouveau
catholique dans lancien diocse de Strasbourg , Paris
: Editions de Nesle, p. 186.
10 B. Dompnier, P. Vismara (dir.), De nouvelles approches pour
lhistoire des confrries , Confrries et dvotions
dans la catholicit moderne (mi XVe dbut XIXe sicle), Rome :
Ecole franaise de Rome, 2008, p. 405.
11 P. Martin, Une religion des livres (1640 1850), Paris :
Editions du Cerf, 2003, p. 523.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 10
- Droits dauteur rservs.
permettre une approche comparative et volutive la fois dans le
temps et dans
lespace.
Trois axes de rflexion orienteront cette recherche. Il sagit
tout dabord de
sinterroger sur les caractristiques du livre sur le Rosaire en
France sous lAncien
Rgime, et de voir comment la dvotion est largement explicite
dans les livres,
notamment travers ltude du corpus constitu au fonds ancien de la
Bibliothque
municipale de Lyon (BmL). Il sagit galement de sintresser aux
liens entre la
pratique de la dvotion sous sa forme confraternelle et la
production des ouvrages
sur la question.
Pour aborder tous ces axes, une tude en trois temps a t
envisage. Pour
comprendre lvolution de la dvotion, il conviendra dabord de
rappeler
lhistorique du Rosaire et de sa confrrie. La deuxime partie de
ltude traitera plus
prcisment de la mise en place dune mthodologie denqute, qui se
basera sur
deux types de corpus : un recensement global, constitu partir de
catalogues en
ligne, et un corpus issu de la collection de la BmL. La
dfinition des corpus
saccompagnera de ltablissement dune fiche denqute. La troisime
partie sera
consacre au contenu des livres sur le Rosaire conservs au fonds
ancien de la BmL.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 11
- Droits dauteur rservs.
PARTIE I : RAPPELS HISTORIQUES SUR LE
ROSAIRE
Dans les pays rhno-flamands, la rcitation du Psautier de la
Vierge est
atteste ds le XIIIe sicle. Lexpression de psalterium beatae
Mariae se rencontre
pour la premire fois dans un manuscrit de 124312. Elle
dsignerait explicitement la
rcitation de trois cinquantaines dAve Maria. Mais cest avec la
Rforme catholique
que la dvotion se propage massivement. Ce phnomne saccentue
davantage avec
le dveloppement de limprimerie, permettant au livre sur le
Rosaire de devenir le
support indispensable la pratique de la dvotion. Le livre
devient aussi un moyen
de promouvoir les confrries, bien que ces dernires ne soient pas
toutes implantes
de manire homogne sur le territoire.
I. LE CONTEXTE RELIGIEUX DE LA PERIODE
Les confrries du Rosaire sont rares en France avant la seconde
moiti du XVIe
sicle. Lorsquelles apparaissent, elles sont troitement lies aux
couvents
dominicains.
A. Les Frres Prcheurs et les confrries du Rosaire
La prdication dAlain de la Roche
la fin du XVe sicle, un nouvel lan est donn la dvotion du
Rosaire avec
le moine Alain de la Roche. N en Bretagne vers 1428, il entre au
couvent des
Prcheurs Dinan vers 145013. Aprs des tudes de thologie et de
philosophie
Paris, il passe la congrgation de Hollande en 1464. Il devient
lecteur Douai,
Gand puis Rostock o il est reu docteur en thologie en 1473 ou
1474, avant de
mourir en 1475. Son rle est considrable dans la propagation du
Rosaire : on peut
lui attribuer la paternit de la rcitation des cent cinquante Ave
Maria. Auparavant,
et notamment dans les pays rhnans, il tait dusage de rciter le
tiers du Psautier de
la Vierge, compos de cinquante Ave Maria, appel chapelet. En
1470, il rapporte
sa vision dans laquelle la Vierge le charge de prcher la
rcitation du Rosaire et lui
donne pour mission de fonder des confrries pour la rpandre. Il
fonde alors la
Confrrie de la Vierge et de Saint Dominique, dont la principale
obligation est la
rcitation quotidienne du Psautier de Marie, attribuant la
cration de cette nouvelle
12 A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 942.
13 Ibid. col. 669.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 12
- Droits dauteur rservs.
confrrie saint Dominique. Dailleurs, aucune chronique
dominicaine ne parle de
la vision du fondateur de lOrdre des prcheurs avant 147514.
Quelques mois aprs la mort du moine, ses crits sont rassembls
par le
Chapitre de la Congrgation de Hollande. Le document le plus
ancien que lon
possde sur sa prdication est le Quodlibet de veritate
fraternitatis Rosarii seu
Psalterii beate Maria Virginis rdig par Michel Franois, publi en
1479. On
possde galement un recueil publi Cologne par Coppenstein,
intitul Beatus
Alanus redivivus , qui a connu de nombreuses modifications et
rditions au XVIIe
sicle. Mais lessentiel de son propos est contenu dans Le Livre
et Ordonnance de
la devote confrarie du psautier de la glorieuse vierge Marie,
transcrit par un auditeur
lors de son dernier sjour Douai. Ce document prcise lobligation
pour un membre
de sinscrire sur un registre, ainsi que lextension de la
communion spirituelle
quiconque sinscrit dans une confrrie de mme type, en quelque
lieu quelle se
situe. Il est galement mentionn quune mditation sur les mystres
de la vie de
Jsus et de Marie doit accompagner la rcitation. Le livre se
diffuse juste aprs la
mort du moine et atteint rapidement un large public. Lapport
dAlain de la Roche
est original, puisque la confrrie quil a institue permet
linsertion dindividus au
sein dun rseau de solidarit spirituelle. Si le moine dominicain
nest pas
linventeur de cette dvotion, il la rnove et organise en lui
donnant une
dimension associative. La forme confraternelle du Rosaire est
dsormais
indissociable de la dvotion. Malgr les nombreuses controverses
au sujet de sa
vracit historique, la vision du moine permet dsormais lOrdre des
prcheurs
dexercer un vritable monopole sur la dvotion.
La fondation de la confrrie Cologne en 1475
Au lendemain de la mort dAlain de la Roche, une association
nomme
fraternitas de Rosario est rige au couvent dominicain de Cologne
sur linitiative
du prieur Jacques Sprenger. Ce dernier est n Rheinfelden prs de
Ble. Dans les
annes 1460, il tudie Paris au couvent Saint Jacques et devient
llve du Frre
Alain de la Roche, alors lecteur conventuel. Docteur en
thologie, il est prieur au
couvent dominicain de Cologne de 1472 1488 et institue la
premire confrrie du
Rosaire dans cette ville. Mort au monastre des moniales de
Strasbourg en 1496, il
est le fondateur et lauteur des statuts de la confrrie de
Cologne.
Les conditions historiques qui ont vu natre la confrrie de
Cologne
expliquent son succs et son importance puisque sa fondation a
concern une grande
partie des souverains de lpoque. Elle sest tablie en plusieurs
tapes quil sagit
de rappeler brivement ici15. Le nouveau prince lecteur Ruprecht
monte sur le sige
de larchevch de Cologne en 1463. Son exercice du pouvoir
entraine de fortes
contestations dans la ville de Neuss. Ne parvenant pas rprimer
la rvolte, il quitte
Cologne pour se rfugier chez le duc de Bourgogne, Charles le
Tmraire, qui dcide
14 J. Delumeau, op. cit. p.391.
15 Daprs H-D. Saffrey, La fondation de la confrrie du Rosaire
Cologne en 1475 , Humanisme et imagerie
aux XVe et XVIe sicles, Etudes iconologiques et bibliographiques
, Paris : J. Vrin, 2003, p.125.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 13
- Droits dauteur rservs.
denvahir le territoire. Aprs avoir mobilis une arme qui se
prsente Neuss en
mai 1475, cest finalement lEmpereur Frdric qui sort victorieux
de cette guerre.
Malgr la victoire de lEmpereur, le sige de Neuss a t ressenti
comme une menace
sur la ville et sur larchevch de Cologne. Pour remercier la
Vierge de la retraite
des armes de Charles le Tmraire, Jacques Sprenger dcide driger
une confrrie
du Rosaire le 8 septembre 1475. La dvotion est officiellement
consacre lorsque la
confrrie obtient une reconnaissance ecclsiastique par la bulle
Ea quae fidelium
mise par le pape Sixte IV, le 8 mai 1479.
La prsentation des vnements historiques de la confrrie de
Cologne
permet de mettre en vidence le rle prpondrant des Dominicains
dans sa
fondation. La diffusion de la dvotion et des confrries apparait
comme
lexploitation dun bien de famille, bien que dautres ordres
religieux se soient fait
les propagateurs de cette pratique de pit16.
B. Succs et dveloppement des confrries
Une propagation rapide
La prdication dAlain de la Roche connait trs rapidement un gros
succs.
titre dexemple, la confrrie de Cologne comptait cinq mille
adhrents en 1476, elle
en compte dix fois plus lanne suivante17. La deuxime confrrie a
t rige Lille
le 30 novembre 1478, avant de stendre en Italie dans les
couvents de Venise,
Florence et Rome ds 1481, puis Colmar en 1484. Toutefois, Andr
Duval
relativise cet enchainement rapide : linsistance de la confrrie
prsenter de faon
systmatique les avantages de la dvotion lorsquelle est pratique
en communaut
laisserait penser quelle ne faisait pas lunanimit18. Lappui de
Sixte IV et des papes
suivants permet nanmoins lOrdre des prcheurs dorganiser la
prdication du
Rosaire : des pouvoirs spciaux sont accords en Italie et en
Allemagne, et une
action littraire est mene sur le terrain. Cette organisation
entraine une propagation
du mouvement. Par exemple, la confrrie de Colmar fonde en 1484
sest tendue
toute lAlsace, puis jusqu Berne, Fribourg-en-Brisgau et
Wiesbaden19. Au XVIe
sicle, les confrries du Rosaire sont attestes en Sude, en
France, en Espagne, au
Portugal, avant de gagner le Nouveau Monde et lAsie20. En
France, ce mouvement
ne semble pas faiblir puisque Marie-Hlne Froeschl-Chopard note
une invasion
16 M. Derwich, B. Dompnier, Les religieux, les saints et les
dvotions. Entre pastorale et identit des ordres ,
dans Bernard Dompnier (dir.), Religieux, saints et dvotions :
France et Pologne, XIII e-XVIIIe sicles, Clermont-Ferrand :
Presses universitaires Blaise Pascal, 2003, p. 3.
17 M.-H. Froeschl-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi,
Histoire des confrries et de leurs images lpoque
moderne, Paris : LHarmattan, 2006, p.67.
18 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art.
cit., p. 775.
19 P. Perdrizet, La vierge de Misricorde : tude d'un thme
iconographique , Paris : A. Fontemoing, 1908, p. 95.
20 A. Duval, La dvotion mariale dans lOrdre des Prcheurs , art.
cit., p. 776.
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progressive du Rosaire au sein des confrries mariales aux XVIIe
et XVIIIe sicles
dans le sud-est de la France21.
Le succs des indulgences
Le succs du systme confraternel, et notamment celui de la
confrrie du
Rosaire, sexplique par une obsession de la mort et du Jugement
Dernier, qui prend
une place de plus en plus importante partir de la seconde moiti
du XIIIe sicle22.
Cette inquitude eschatologique se diffuse dans les couches de
plus en plus larges
de la population, accentuant la fonction scurisante du Rosaire
qui apparat comme
le moyen le plus simple de prier la Vierge.
Pour lutter contre lapprhension grandissante du purgatoire, des
parades sont
inventes, comme en tmoigne la mise en place des indulgences. Ces
rmissions
totales ou partielles des peines temporelles encourues en raison
dun pch
mobilisent lintercession de la Vierge, puisque la rcitation de
son chapelet ou du
psautier permet de sortir de lenfer provisoire, voire dy chapper
totalement. La
confrrie savre donc tre la structure idale pour gagner les
indulgences, ces
dernires devenant une composante essentielle de la pit
confraternelle23. Le succs
des confrries sexplique galement par la diffusion de la part des
Ordres religieux
de craintes salutaires, et de leurs remdes pour les apaiser.
Dautant que lenjeu est
de taille : il sagit dclairer les fidles propos du bon usage des
pardons.
Dailleurs, ce sont bien les indulgences qui les intressent plus
particulirement,
elles sont systmatiquement prsentes dans les manuels de
confrrie, o elles
tiennent une place considrable24. Situes dans les premires pages
entre lhistorique
de la confrrie ou de la dvotion et les rglements, elles savrent
dincontournables
supports de leur mise en valeur25.
Face la multiplication des confrries, le pape dominicain Pie V
confirme le
monopole des Frres prcheurs dans leur fondation et leur
direction en 156926.
cela sajoute leurs privilges pour concder des indulgences,
accentuant ainsi le
maintien du Rosaire lOrdre. Ce maintien est renforc par lpisode
de la bataille
navale de Lpante, le 7 octobre 1571, qui sest solde par la
victoire des armes
chrtiennes de la Sainte Ligue contre les armes turques.
Dominicain avant tout, le
pape Pie V est ptri dune profonde dvotion Marie. sa demande, un
rosaire avait
t rcit avant la bataille. La victoire de la Chrtient sur les
Ottomans incite Pie
V fonder la fte du Rosaire pour commmorer chaque anniversaire du
combat. Cet
pisode entraine un dveloppement considrable de la prire.
Surtout, la dvotion
21 M.-H. Froeschl-Chopard (dir.), Les confrries, lEglise et la
cit. Cartographie des confrries du Sud -Est. Acte
du colloque de Marseille. Grenoble : Centre alpin et rhodanien
dethnologie, 1988, p. 21. Lauteur en dnombre 85 sur 88
Gap, 31 sur 36 Embrun, 56 sur 60 en Tarentaise, 367 sur 373
Genve, 19 sur 20 Nmes et 28 sur 28 Montpellier.
22 J. Delumeau, op. cit. p. 274.
23 S. Simiz, op. cit., p. 222.
24 J. Delumeau, op. cit. p. 274.
25 S. Simiz, Les confrries face lindulgence. Tradition, qute,
accueil et effets dans la France de lEst (XVe
XVIIIe sicle) , dans Confrries et dvotions dans la catholicit
moderne (mi XVe dbut XIXe sicle), op. cit., p. 116.
26 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art.
cit., p.776.
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devient commune tous les fidles, et sort du cadre exclusif de la
confrrie.
Luniversalisme du Rosaire a considrablement contribu son
succs.
Le profil des membres de la confrrie
Si la confrrie est ouverte tous, certains profils sont plus
frquents que
dautres, bien que lensemble de ses membres soit assez htrogne.
Marie -Hlne
Froeschl-Chopard note une majorit de prtres sculiers, de grandes
familles
nobles, de membres des ordres religieux, mais aussi petites gens
de lartisanat et des
lpreux27. Lhistorienne note galement une fminisation croissante
dans les
confrries du sud-est de la France, quelle explique par les
aspects conciliables de
la dvotion avec la vie domestique. En effet, la seule obligation
des confrres tant
la rcitation personnelle et individuelle du psautier, il ny a
pas dobligation
apparatre dans le domaine public. Cette proportion dominante de
femmes est
releve par plusieurs tudes. Dans son article Evolution des
confrries en
Tarentaise du XVIIe au XVIIIe sicle , Michle Brocard fait le mme
constat28. La
surreprsentation fminine au sein des confrries a galement t note
dans les
paroisses de Haute-Bretagne par ltude de Bruno Restif, dans La
Rvolution des
paroisses. Culture paroissiale et Rforme catholique en
Haute-Bretagne aux XVIe
et XVIIe sicles29. Lauteur note une proportion croissante de
femmes tout au long
du XVIe sicle, puisquelles reprsentaient environ 55% des membres
pendant
plusieurs dcennies du sicle, avant den constituer les deux
tiers30. Cette tendance
a t confirme par les tudes portant sur la Champagne et
lAlsace31. Dailleurs, la
part importante de femmes au sein de la confrrie semble avoir
suscit critiques et
moqueries de la part des contemporains, puisque lauteur de lAbrg
de la dvotion
du Saint Rosaire sadresse directement aux dtracteurs de la
dvotion :
Confondez-vous icy libertins qui traitez le Rosaire de dvotion
de femmelette, &
qui en faites le sujet de vos railleries32 .
C. Le renouvellement de la vie spirituelle
Pour comprendre le succs et la diffusion des confrries du
Rosaire, il faut se
replacer dans un cadre plus large, celui de la Rforme catholique
(1545 1563).
Violemment critiqu par les ides rformes, le catholicisme est
amen se modifier
en profondeur.
27 M.-H. Froeschl-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi , op.
cit., p. 67.
28 M. Brocard, Evolution des confrries en Tarentaise du XVIIe au
XVIIIe sicle , dans Les confrries, lEglise
et la cit, op.cit., p. 76.
29 B. Restif, La Rvolution des paroisses. Culture paroissiale et
Rforme ca tholique en Haute-Bretagne aux XVIe
et XVIIe sicles, Rennes : Presses universitaires de Rennes,
2006, p. 284.
30 Ibid. Tableau 46, p. 284.
31 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotions en Champagne , op.
cit. p.183. ; L. Chtellier, Tradition chrtienne et
renouveau catholique dans le cadre de lancien diocse de
Strasbourg , Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg,
p. 187-188.
32 Abrg de la dvotion du Saint Rosaire qui renferme l'origine,
l'exercice, l'excellence, l'utilit & les indulgences
accordes cette confrrie Grenoble : Andr Faure, XVIIIe sicle, p.
19.
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Rosaire et Rforme catholique
Les grands principes du catholicisme sont raffirms dans la bulle
Laetare
Jerusalem du 13 dcembre 1544, dans laquelle est demande
louverture officielle
du Concile de Trente. Cette bulle prsente diffrents objectifs :
la suppression des
dissentiments religieux, la rforme des murs du peuple chrtien,
ltablissement
de la paix universelle, le secours des chrtiens soumis aux
infidles ainsi que la
promotion de lunion de la chrtient par la raffirmation de la
croisade contre les
Turcs33. Les dvotions aux Saints et la Vierge sont raffirmes,
ainsi que la
ncessit de faire pnitence et de communier.
Avec les ides de Luther et de Calvin, les prires pour les morts,
lies la
croyance en lexistence dun Purgatoire, devenaient inutiles. Ce
troisime lieu entre
Paradis et Enfer o sont purifies les mes bnficiant des prires
des vivants a donc
t raffirme par le Concile de Trente, grce notamment la
concession
dindulgences. Le Purgatoire ne se diffrencie de lEnfer que par
la dure limite de
la peine, mais les fidles le redoutent tout autant. Il apparait
donc dautant plus
important pour les confrries de pouvoir offrir chaque nouveau
confrre un trsor
dindulgences qui le prservera dune partie des peines de lau-del.
Dans ce
contexte, les prires dintercession, notamment celles destination
de la Vierge,
trouvent un cho considrable.
Les confrries de dvotion connaissent un essor peu aprs la
diffusion des
principes du Concile de Trente. Elles constituent un moyen
efficace de
christianisation de la socit. Pour le clerg, elles permettent de
poursuivre sur le
terrain laction du Concile. Dailleurs, Stefano Simiz prsente le
Rosaire comme un
rempart contre lhrsie34 . Si, la fin du XVIe sicle, elles
apparaissent multiples
et varies, les plus nombreuses sont celles du Saint-Sacrement et
du Rosaire.
Lorganisation de la dvotion
Lorganisation de la confrrie du Rosaire ressemble toutes les
confrries de
dvotion existante. Linscription est volontaire. L'admission est
, en principe,
subordonne l'acceptation du recteur et des officiers selon des
critres moraux.
Tout le monde peut tre admis sans distinction de rang social ni
de fortune, pourvu
que la conduite morale de lindividu soit irrprochable. La
confrrie possde sa
propre hirarchie interne. Le recteur, charg du spirituel, est en
gnral le cur de la
paroisse35. En labsence dun couvent de Prcheurs, cest le clerg
paroissial qui est
charg de tenir le livre des inscrits, de prsider les crmonies et
dinstruire les
fidles.
La fonction dune confrrie de dvotion comme celle du Rosaire
est
essentiellement de soccuper dun autel, o lon fait dire des
messes et rciter des
offices spcifiques comme le chapelet. Son culte populaire
sorganise sur p lusieurs
33 G. Bedouelle, La rforme du catholicisme (1480-1620), Paris :
Editions du Cerf, 2002, p. 75.
34 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450
1830), op. cit., p. 138.
35 R. Devos, Confrries et communauts d'habitants en Savoie ,
Revue Provence historique, Fascicule 136, 1984,
disponible sur :
http://provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1984-34-136_09.pdf,
consult le 20/03/2017.
http://provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1984-34-136_09.pdf
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moments dans lanne, pendant les dimanches du mois et les cinq
grandes ftes de
la Vierge (la Purification, lAnnonciation, lAssomption, la
Nativit, et la fte du
Rosaire). Les premier et troisime dimanches du mois sont
consacrs notamment
aux messes, processions et bndictions, et quelquefois au
transport dune statue de
la Vierge36.
Le rglement de la confrrie est contenu dans les statuts qui
dpendent
directement des Prcheurs. Inspirs de ceux de Cologne, ils sont
imprims pour la
premire fois en deux ditions : la premire Ble pendant lt 1476,
la deuxime
Augsbourg la fin de la mme anne ou au dbut de lanne suivante.
Parmi les
points abords dans le rglement de la confrrie de Cologne, il est
prcis que
lindividu dsirant entrer dans la confrrie doit se faire inscrire
en donnant son nom
et son prnom, son statut social, clerc ou lac37. Ensuite, des
prcisions sont
apportes sur les conditions de rcitation du psautier. Le membre
de la confrrie
sengage prier trois rosaires par semaine, soit cent cinquante
Ave Maria et quinze
Pater Noster, mais un oubli nentraine pas pour autant le recours
au sacrement de
pnitence.
A titre de comparaison, les statuts de la confrrie de Florence,
datant de
1481, sont tout aussi peu explicites sur le contenu de la
dvotion38. Il est bien prcis
que les membres de la confrrie doivent dire au moins une fois
par semaine cent
cinquante Ave Maria et quinze Pater dans un ordre bien
spcifique, puisquun Pater
doit prcder dix Ave et ainsi de suite jusqu la fin du psautier.
Il est possible de
diviser le psautier en trois parties. Comme pour les statuts de
Cologne, aucune
obligation nest mentionne, ni sur la faon dont le psautier doit
tre rcit, ni en
cas doubli. Un oubli entraine simplement la privation des biens
spirituels acquis
par les autres membres de la confrrie. Les statuts laissent donc
apparaitre une
certaine souplesse et une libert daction dans la pratique de la
dvotion.
Il est difficile de savoir si les statuts des livrets de
confrrie constituent des
reflets fidles de la dvotion rellement vcue, puisque les
confrres sont souvent
muets sur leur pratique quotidienne. Nanmoins, les statuts
permettent de cerner les
aspects fondamentaux inhrents la dvotion, dont lun des plus
importants est la
jouissance rciproque des mrites spirituels 39.
Solidarit spirituelle et mditation individuelle
La confrrie du Rosaire telle quelle a t dfinie par Jacques
Sprenger est un
type nouveau de fraternit qui met laccent sur la solidarit entre
ses membres dont
dcoule lefficacit de la dvotion. Elle cre donc un lien spirituel
entre les
confrres, quils soient vivants ou morts. La puissance de
linvocation est collective,
laide est rciproque et permanente entre les membres. Andr Duval
souligne quau
36 M.-H. Froeschl-Chopard, La religion populaire en Provence
orientale au XVIIIe sicle, Paris : Ed. Beauchesne,
1980, p. 289.
37 H.-D. Saffrey, La fondation de la confrrie du Rosaire Cologne
en 1475 , op. cit., p. 140.
38 M.-H. Froeschl-Chopard, Espace et sacr en Provence. Cultes,
Images, Confrries (XVI e XXe sicle), Paris :
Editions du Cerf, 1994, p. 419.
39 M-H. Froeschl-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi , op.
cit., p. 66.
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moment o les auteurs spirituels rivalisent proposer mthodes et
manuels, les
Prcheurs travaillent faire de leurs confrries de vritables coles
de formation
spirituelle40 . Les exercices de cette formation spirituelle
sont relativement
simples effectuer. Le fidle est surtout invit rflchir sur le
droulement
terrestre des mystres du salut.
Les messes sont lune des expressions de la pratique collective.
Lors de la
messe du premier dimanche du mois, les confrres doivent rciter
en commun, avant
les vpres, le rosaire devant leur autel et mditer sur chaque
mystre marial. Les
processions sont une autre pratique en communaut, qui ont lieu
pendant les jours
de fte et se droulent selon un ordre bien spcifique. Les femmes
sont divises en
trois groupes : les jeunes filles ouvrent la marche, vtues dun
voile blanc
reprsentant les mystres joyeux. Elles sont suivies par les
veuves au voile rouge
rappelant les mystres douloureux, enfin les femmes maries
portent un voile jaune
pour voquer les mystres glorieux. Hommes et enfants veillent au
bon ordre et la
rcitation du chapelet41.
Pourtant, ds la fin du Moyen ge, les croyants aspirent une
rforme en
profondeur de la religion. Pour rpondre aux angoisses
eschatologiques voques
prcdemment, une forme de rponse a t mise en place avec le
mouvement de la
Devotio moderna qui se diffuse depuis les Pays-Bas partir de la
fin du XIVe sicle
et qui prne un retour une spiritualit pure et une mditation
intriorise.
Accentu par limpact de la Rforme catholique, le Rosaire sinsre
parfaitement
dans cette logique. Selon la pratique dAlain de la Roche, hrite
de celle des
chartreux du XVe sicle dans les pays flamands, le Rosaire est un
exercice que
chacun doit pratiquer par lui-mme, une prire solitaire et
individuelle, une mthode
dintriorisation des paroles rcites. La mditation des mystres
introduit une
dimension dvotionnelle qui tait jusqualors exceptionnelle,
vitant ainsi une
rcitation mcanique et vide de sens. Le cadre communautaire de la
confrrie
nexclut donc pas pour autant une individualisation des formes de
pit et conduit
le fidle vers dautres types de pratique.
Des volutions jusqu la veille de la Rvolution ?
En trois sicles de pratique, le Rosaire semble avoir connu
quelques
volutions, que lon pourrait plutt qualifier de
renouvellement.
La premire volution est linstitution du Rosaire perptuel. Cette
manire
neuve de pratiquer le Rosaire est attribue Timoteo Ricci.
Surnomm lAlain de
la Roche du XVIIe sicle42 , ce dominicain bolonais est le
crateur dun Rosaire
simplifi destin tre rcit dans lespace public. Cest en 1629, dans
un contexte
dpidmie de peste, quil met en place une Bussola del ora perpetua
del Rosario au
couvent des Dominicains de Bologne. Plus de huit mille billets,
reprsentant autant
dheures dans une anne, sont proposs par tirage au sort quiconque
accepte de
40 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art.
cit., p. 778.
41 M. Hudry, Les confrries religieuses dans l'archidiocse de
Tarentaise aux XVII e et XVIIIe sicles , Actes du
100 Congrs national des socits savantes, Paris, 1973. Section
d'histoire moderne et contemporaine , Paris, 1977, p. 354.
42 A. Duval, La dvotion mariale dans lordre des Prcheurs , art.
cit. p. 779.
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consacrer une heure de son temps la rcitation du Rosaire et la
mditation des
quinze mystres. Le succs est immdiat et se dveloppe hors
dItalie.
En France, le Rosaire perptuel sest propag par lintermdiaire de
Jean de
Giffre de Rehac, qui publie en 1641 le Rosaire perptuel de la
Vierge Marie pour
obtenir par son entremise la paix dsire dans toute le chrestient
. Dans sa Vie du
glorieux patriarche Saint Dominique quil rdige quelques annes
plus tard, il
souligne combien linstitution du Rosaire perptuel a acclr le
rythme des
inscriptions dans la confrrie au couvent de lAnnonciation
Saint-Honor : en trente
ans, de 1614 1644, 50 665 noms seraient consigns dans un premier
registre, alors
quen lespace de seulement trois ans, de 1644 1647, le deuxime
registre
prsenterait dj 12 866 noms43.
La proportion des confrries du Rosaire semble avoir connue, au
cours du
XVIIIe sicle, des variations selon le temps et lespace. Par
rapport la fin du XVIIe
sicle, le nombre de confrries a augment dans les diocses dEmbrun
et de Gap
ainsi que dans dautres diocses du sud-est de la France (Grenoble
et Die par
exemple)44. Pour le diocse de Gap, 21% des confrries du Rosaire
ont t crs au
XVIIIe sicle, soit 37 en plus45. Cette progression nest pas
constate partout : dans
la rgion champenoise, Stefano Simiz note un essoufflement des
confrries aprs
1750 ainsi que des remises en cause gnrales du systme
confraternel46. Des clercs
reprochent la gestion financire de la confrrie, des catholiques
sinterrogent sur
lutilit de cette dernire, les exercices de pit tant de plus en
plus vus comme des
fardeaux. En parallle, un affaiblissement progressif de lOrdre
dominicain en
Europe est constat tout au long du XVIIIe sicle.
La Rvolution a-t-elle affaibli les confrries religieuses ? Il
semble bien
difficile de laffirmer, en tous cas un niveau national. Michel
Vovelle a not un
flchissement de la pratique religieuse collective ds le dbut du
XVIIIe sicle, d
au caractre trop ostentatoire des confrries tridentines47. Le
systme confraternel
semble de plus en plus en dcalage avec le rapport plus personnel
des fidles leur
foi, bien que la dvotion du Rosaire combine ces deux aspects.
Mais les exercices
proposs peuvent se pratiquer sans tre membre dune confrrie. La
voie associative
montre alors des signes de faiblesse. Le dcret du 18 aot 1792
qui ordonne la
suppression de toutes les confrries na fait, dans bien des cas,
que confirmer un tat
de fait. En Champagne, aucune liste de disparition na t tenue,
mais il semblerait
que le dcret ait bien t appliqu48. Dans dautres cas, cet arrt
brutal a t suivi,
ds 1795, de tentatives de restauration plus ou moins durables.
Les catalogues en
ligne qui ont servi doutils de travail pour raliser cette
recherche, et qui seront
prsents dans la partie suivante, indiquent tous une diminution
assez nette de la
43 A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 967.
44 M.-H. Froeschl-Chopard (dir.), Confrries et dvotions l'preuve
de la Rvolution. Actes du colloque de
Marseille (18-19 mai 1988), Marseille : Fdration historique de
Provence, 1989, p. 174.
45 Ibid.
46 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450
1830), op. cit. p. 250.
47 M. Vovelle, Pit baroque et dchristianisation en Provence au
XVIII e sicle. Les attitudes devant la mort
d'aprs les clauses des testaments, Paris : Plon, 1973, p.
9-37.
48 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450
1830), op. cit. p. 276.
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production des livres sur le Rosaire partir des annes 1750.
Ainsi, sans affi rmer
que la dernire dcennie du XVIIIe sicle constitue un moment de
fracture dans la
pratique de la dvotion, il semblerait plutt quun dplacement des
sensibilits
religieuses se manifeste tout au long du sicle des Lumires.
II. LE ROSAIRE : UN LIVRE DE DEVOTION Au dbut du XVIe sicle,
lindustrie du livre devient florissante et connait son
ge dor49. A la fin du sicle, la Contre-Rforme commence marquer
ses effets et
ldition catholique connat alors un renouveau, impulse par le
Concile de Trente,
modifiant la carte des grands centres ddition. Pour lutter
contre lignorance des
fidles, une pastorale fonde sur lcrit se dveloppe, atteignant
progressivement
toutes les couches de la socit. Comme le souligne Philippe
Martin dans son tude
Des confrries face au livre, 1750 - 1850 , il sagit de faire du
confrre un
homme du livre50 . Dans ce contexte de renouveau de la pit
tridentine, une
littrature sur le Rosaire prend place dans cette abondante
product ion.
A. Publications de la confrrie
Outil indispensable aux exercices confraternels, le livret de
confrrie tmoigne du
succs grandissant de la littrature de dvotion destine aux lacs
et de la place de plus en
plus importante accorde la prire individuelle. Les premiers
livres dits sur les
confrries du Rosaire par les Frres prcheurs ont une importance
particulire.
Aprs la fondation des premires confrries Douai et Cologne, ainsi
que celles
riges par les couvents de la pninsule italienne, les Dominicains
diffusent les textes
fondamentaux de la dvotion, action indispensable pour assurer
leur monopole. Les textes
rdigs par Michel Franois tiennent une place considrable au sein
de la littrature sur
le Rosaire. N vers 1435, il entre au couvent de Lille une
vingtaine dannes plus tard. Il
devient llve dAlain de la Roche au couvent Saint Jacques Paris
avant dtre assign
au couvent de Douai. Lecteur conventuel de luniversit de Cologne
partir de 1468, il
est ensuite vicaire gnral de la Congrgation de Hollande,
institution dominicaine
imprgne des ides de la Devotio moderna qui cherche rformer
lOrdre. Il devient
prieur du couvent de Lille avant de mourir en 1502.
Le 20 dcembre 1475, un peu plus de trois mois aprs la fondation
de la confrrie
dans lglise des Prcheurs, Michel Franois tient une dispute
lUniversit de Cologne,
appele determinatio quodlibetalis51. Il sagit dune question
dispute consacre la
fondation de la confrrie. Ce texte se dcompose en trois
questions traitant de laspect
thologique de la confrrie : la premire interroge sur la ncessit
des confrries de
manire gnrale, et plus particulirement sur celle du Rosaire. Le
deuxime quodlibet
concerne linscription des noms des dfunts pour les faire
bnficier de lintercession des
membres vivants. Le troisime est plus spcifiquement ax sur
lexercice de la prire. Par
49 L. Febvre, H-J. Martin, Lapparition du livre, Paris : Albin
Michel, 1999, p. 265.
50 P. Martin, Des confrries face au livre, 1750 - 1850 , dans
Confrries et dvotions dans la catholicit moderne,
op. cit., p. 40.
51 Dictionnaire de Spiritualit , op. cit . Tome V, col.
1111.
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sa longue justification sur sa fondation, le quodlibet de Michel
Franois participe la
reconnaissance universitaire de la confrrie de Cologne.
Cest en Italie que le lien entre lorganisation des confrries et
la propagande
imprime52 est le plus visible. la suite des publications de
Michel Franois, Stefano
da Piovera, dominicain de Bologne, traduit en italien ses textes
en ajoutant son nom sur
la publication de 1500, dont il largit linfluence par une
traduction de deux opuscules
intituls Libro del Rosario della gloriosa Vergine Maria, dits
Bologne en 1505. Mais
la production littraire sur le Rosaire du XVe sicle ne fait pas
allusion la manire dont
il faut rciter les Ave, sinon pour en fixer le nombre. Ces
ouvrages sont essentiellement
centrs sur les conditions, la porte et la communication des
indulgences53.
Lun des premiers ouvrages qui va permettre dinstitutionnaliser
plus prcisment
la dvotion est le Rosario della gloriosa Vergine Maria dAlberto
da Castello, crivain
important de lOrdre des prcheurs du dbut du XVIe sicle. Le
Rosario, publi pour la
premire fois Venise en 1521, a connu un succs assez exceptionnel
puisquil a t
rdit dix-huit fois au cours de ce mme sicle54. Il sagit dun
manuel de petit format,
pratique transporter, destin un grand nombre de confrres. Il
contient la base de ce
que sera la littrature sur le Rosaire tout au long de lAncien
Rgime, cest--dire les
quinze mystres du Rosaire, suivis dune exposition du Pater et de
lAve Maria avant de
se conclure par les miracles survenus grce la vertu de la
dvotion. Sil a t soulign
prcdemment que les statuts des confrries ne prcisent pas la
mditation qui doit
accompagner les prires, cet aspect est largement dvelopp dans
cet ouvrage. Lauteur
prsente galement le rle jou par saint Dominique dans lorigine de
la dvotion,
affirmant que ce dernier aurait appris de la Vierge une mthode
bien spcifique pour prier,
appele Psautier de la Vierge. Le succs de louvrage a
considrablement renforc la
nouvelle dvotion : il a contribu dfinir et fixer la mthode de la
prire, il est
galement devenu un instrument glorifiant lOrdre des prcheurs et
un outil de promotion
de la confrrie elle-mme.
La multiplication des textes sur le Rosaire a pour effet
dencourager la prire pour
chaque occasion et pour chaque moment de la vie confraternelle.
Certains livres
accompagnent cet enseignement par limage.
B. Limage du Rosaire
Liconographie du Rosaire est rvlatrice de lemprise que peuvent
exercer des
ordres religieux sur une dvotion : si celle du Rosaire est
essentiellement
dominicaine, liconographie ne manque pas de le rappeler.
Lors de la fondation dune confrrie, les dominicains exigent que
soient
raliss une bannire et un tableau comportant un programme
iconographique prcis,
illustrant la remise du Rosaire saint Dominique. Cette scne
prdominante rappelle
jusque dans les paroisses les plus loignes lorigine dominicaine
de la dvotion. Le
fondateur de lOrdre est parfois accompagn de Catherine de
Sienne. Ce monopole
52 Ibid., Tome XIII, col. 953.
53 Ibid., col. 952.
54A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 937-980.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 22
- Droits dauteur rservs.
dominicain entraine une organisation unifie et, pour reprendre
le terme de Bernard
Montagnes55, une iconographie fortement standardise .
Liconographie de cette dvotion est en connexion troite avec le
thme de
la Vierge au manteau protecteur. Sur de nombreux supports de la
fin du XV e sicle
et du dbut des XVIe et XVIIe sicles, la Vierge de Misricorde
abrite les confrres
du Rosaire sous son manteau. Elle peut galement distribuer un
chapelet. Parmi les
plus anciennes reprsentations de ce thme iconographique, il en
existe une qui
montre lOrdre de saint Dominique sous le manteau de la Vierge.
Il sagit dune
gravure enlumine de la Bibliothque de Bamberg, dcrite dans
louvrage de Paul
Perdrizet, La Vierge de Misricorde : tude dun thme
iconographique56. La Vierge
est couronne par la Trinit, debout, entoure dun rosaire compos
de cinquante
roses jaunes, certaines entrecoupes par des formes circulaires
reprsentant cinq des
sept joies de la Vierge. la droite de la Vierge se tient saint
Dominique, genoux,
et aux quatre coins de la gravure sont reprsents les principaux
personnages de
lOrdre, qui nont pas t identifis avec certitude57. Gnralement,
lorsque la Vierge
de Misricorde est reprsente en Vierge du Rosaire, elle abrite
sous son manteau,
non pas les membres de la confrrie, mais toute la chrtient. Ce
choix
iconographique reflte luniversalit de la dvotion mais aussi le
rve ambitieux des
Dominicains : en offrant aux fidles tous les avantages de la
confrrie, le Rosaire,
ouvert tous, devait sduire la chrtient tout entire58.
Limage ne sert pas seulement maintenir lemprise des Prcheurs sur
la
dvotion, elle est aussi un outil de sduction. Le grand nombre
dimages contenu
dans Le Rosario della gloriosa Vergine Maria dAlberto da
Castello a largement
contribu son succs et sa diffusion. Louvrage, qui rassemble 189
gravures sur
202 folios59, prsente sur la page de droite un texte de courte
mditation, auquel fait
face lillustration de cette mditation. En ce sens, lillustration
sert de point de dpart
de la mditation, qui a pour but dmouvoir le fidle et ainsi de le
porter la prire.
III. UNE GEOGRAPHIE DES CONFRERIES DU ROSAIRE Aprs avoir prsent
la confrrie du Rosaire et les supports la pratique de la
dvotion, il sagit prsent de sinterroger sur leur tendue
gographique et leur
expansion. Comme cela a t soulign en introduction, le territoire
correspondant
lactuelle France a t choisi comme cadre gographique pour cette
recherche. De
nombreuses tudes ont t ralises au sujet de la gographie du
Rosaire, que cette
confrrie en soit le sujet principal ou un parmi dautres, et des
rsultats significatifs
55 B. Montagnes, Les confrries du diocse dAix au dbut du XVIIIe
sicle , dans Les confrries, lEglise et la
cit, op. cit., p. 173.
56 P. Perdrizet, La Vierge de Misricorde, op. cit., p. 96.
57 Ibid.
58 Ibid. p. 95.
59 M-H. Froeschl-Chopard, Image et enseignement dans le Rosario
della Gloriosa Vergine Maria dAlberto da
Castello , dans Les dominicains et limage..., op. cit., p.
168.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 23
- Droits dauteur rservs.
ont t obtenus lchelle rgionale. Lobjectif ici est den raliser
une synthse et
de croiser les donnes recueillies.
A. Lapport des tudes antrieures
La carte des confrries du Rosaire dans le diocse de La Rochelle,
ralise par
Louis Prouas, a inspir un projet dtude des confrries en France,
jamais abouti
lensemble du territoire60. En fait, de nombreuses tudes se sont
intresses
limplantation du Rosaire au niveau local ou rgional. Mais les
inventaires
gographiques sont assez peu nombreux, difficilement reprables
(surtout pour une
dvotion bien prcise), et parfois difficilement accessibles. Pour
tenter un
rcapitulatif sur ce thme, la liste des rfrences bibliographiques
extraite du
Dictionnaire de Spiritualit asctique et mystique. Doctrine et
histoire 61 a servi de
base au recensement. A ces rfrences bibliographiques se sont
ajoutes toutes les
tudes portant sur un lieu prcis et dans une dure limite,
notamment celles runies
dans louvrage Les confrries, lEglise et la cit. Cartographie des
confrries du
Sud-Est62, dirig par Marie-Hlne Froeschl-Chopard. Sont donc
exclues
volontairement les tudes qui illustrent un aspect trop gnral sur
la vie religieuse
des lacs ou celles qui thorisent la dvotion. Les tudes retenues
dans le tableau
suivant ne sintressent pas ncessairement au Rosaire dune manire
trs
dveloppe, les informations recueillies sont parfois trs brves
mais suffisamment
prcises pour tablir un tat des lieux dans le temps et dans
lespace. Les thses ou
ouvrages qui se sont intresss une ou plusieurs localits prcises
pendant une
priode dfinie ne sont comptabiliss quune seule fois, mme si ces
travaux ont
contribu plus ou moins partiellement la rdaction dautres
publications.
Au terme de ce recensement par rgion, il apparait que sur les
quarante-trois
rfrences bibliographiques recenses et indiques en annexe, le
sud-est semble la
rgion la plus tudie. Cette prdominance rgionale sexplique par
ltude
individuelle de chaque contribution runie dans Les confrries,
lEglise et la cit.
Cartographie des confrries du Sud-Est. Au sein des rgions du
sud-est, la Provence
a t plus particulirement tudie.
Tableau 1 - Rpartition gographique des rfrences
bibliographiques
Rgions N-O N-E S-O S-E Total
TOTAL 8 11 6 18 43
Ce dpouillement ne peut donc pas se prtendre exhaustif, pour
deux raisons
principales : la premire est la prise en compte des titres, la
seconde est
laccessibilit aux documents. Si le terme Rosaire est mentionn
dans le titre,
60 L. Prouas, Le diocse de La Rochelle de 1648 1724. Sociologie
et pastorale , Paris : Ecole Pratique des Hautes
Etudes, 1964, p. 501.
61 A. Duval, Rosaire , art. cit., col. 962-963.
62 M-H. Froeschl-Chopard (dir.), Les confrries, lEglise et la
cit. op. cit.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 24
- Droits dauteur rservs.
ltude a t comptabilise dans le tableau, sans avoir forcment pu
tre consulte.
A linverse, des tudes ne contenant pas le mot Rosaire dans le
titre, et
sintressant aux dvotions de manire gnrale, ont t comptabilises
dans ce
tableau lorsque louvrage a pu tre consult pour vrifier son
contenu. Un peu plus
de la moiti des rfrences bibliographiques ayant permis de
raliser le tableau ci-
dessus ont pu tre consultes (24 rfrences consultes sur 43) et
ont pu servir
llaboration dun tat des lieux synthtique sur limplantation des
confrries du
Rosaire en France.
B. Etat des lieux synthtique des confrries du Rosaire
Cette partie doit comparer limplantation des confrries du
Rosaire travers
les tudes rpertories ci-dessus et permettre den dgager les
grandes tendances.
Le Rosaire face aux autres confrries
Les visites pastorales du XVIIIe sicle, qui ont servi de sources
louvrage
dirig par Marie-Hlne Froeschl-Chopard, montrent un fort
contraste entre les
rgions du sud-est de la France. Bien que le nombre de confrries
soit plus important
en Provence (au minimum quatre confrries par paroisse) par
rapport au Dauphin
(qui nen compte quune seule) ou la Savoie (entre deux et trois),
le Rosaire semble
plus prsent dans ces deux dernires rgions63. Dans le diocse de
Grenoble par
exemple, 37% des confrries appartiennent au Rosaire64.
En Provence, le Rosaire semble moins prdominant par rapport aux
autres
confrries. Dans larchidiocse dEmbrun, les Pnitents, le
Saint-Sacrement et le
Rosaire reprsentent 73% de lensemble, soit dans leurs
proportions respectives
38%, 17% et 18%65. Sur un total de 175 confrries, 31
appartiennent au Rosaire. Ce
mme trio est observ dans le diocse dAix-en-Provence, avec
toutefois des
positions diffrentes, puisque sur un total de 646 confrries
repres, 12%
appartiennent au Saint-Sacrement (soit 76), 8% au Rosaire (soit
52), et 8%
galement pour les Pnitents (soit 56)66. Dans les diocses dOrange
et de Saint-
Paul-Trois-Chteaux, Saint Sacrement et Rosaire semblent aller de
pair67. Plus
louest, dans le diocse de Montpellier, la perce du Rosaire es t
moins spectaculaire
que celle du Saint-Sacrement. Les confrries du Rosaire
concernent 30 paroisses sur
les 115 visites la fin du XVIIe sicle (soit environ 28%). Un
sicle plus tard, leur
nombre a peu augment, concernant 38 paroisses sur 114 (soit
environ 33%)68. En
63 M-H. Froeschl-Chopard (dir.), Les confrries dans le temps et
dans lespace , dans Les confrries, lEglise
et la cit , op. cit., p. 21.
64 B. Dompnier, Les confrries du diocse de Grenoble daprs les
visites pastorales (1665 1757) dans Les
confrries, lEglise et la cit, op. cit., p.48.
65 R. Brs, Le rseau des confrries dans larchidiocse dEmbrun la
fin du XVII e sicle , dans Les confrries,
lEglise et la cit, op. cit. p. 60.
66 B. Montagnes, Les confrries du diocse dAix au dbut du XVIIIe
sicle , op. cit. p. 176.
67 F. Hernandez, Les confrries des diocses dOrange et de St
Paul-Trois-Chteaux la fin du XVIIe sicle ,
dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit. p.100.
68 X. Azema, Les confrries du diocse de Montpellier la fin du
XVIII e sicle , dans Les confrries, lEglise
et la cit, op. cit. p. 221.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 25
- Droits dauteur rservs.
Tarentaise, limplantation des confrries du Rosaire et du
Saint-Sacrement laisse
apparatre une volution nette au cours des deux derniers sicles
de lAncien
Rgime. Si en 1633-1636, la confrrie du Rosaire est largement la
plus rpandue, en
1790-1792, elle a perdu sa suprmatie face au Saint-Sacrement
presque aussi
frquent : Michel Brocard dnombre 60 confrries pour la premire
contre 55 pour
la seconde69. Lorsque la confrrie du Saint-Sacrement simplante
au sein dune
paroisse, celle du Rosaire semble avoir plus de difficults
exister70. Dailleurs,
dans certaines rgions comme la Creuse, le Rosaire commence
disparatre lorsque
le Saint-Sacrement se dveloppe71. Dans la rgion dAutun, Andr
Lanfrey sest
appuy sur les procs-verbaux de visites pastorales dbutant en
1667, et a relev
cent soixante-huit confrries pour deux cent quarante-quatre
paroisses visites, dont
une vingtaine est consacre au Rosaire, contre 70 pour le
Saint-Sacrement72. Cette
tendance nest cependant pas confirme par ltude du diocse de
Saint-Papoul dans
lAude qui montre quau XVIIIe sicle, lextension des confrries du
Rosaire
apparat lgrement plus importante que celles du Saint-Sacrement
(18 contre 14) 73.
Dans le diocse de La Rochelle, limplantation du Rosaire et du
Saint-Sacrement se
distingue plutt sur le modle ville et campagne : La Rochelle, le
Saint-Sacrement
est prdominant, alors que le Rosaire est plus prsent dans les
campagnes
alentours74. Ainsi, si Saint-Sacrement et Rosaire apparaissent
souvent en
concurrence, ces deux confrries ne sont pas rparties de manire
homogne sur le
territoire : on note par exemple Montpellier une forte
concentration pour la
premire ; Gap une forte concentration pour la seconde. Cela
dpend galement de
la priode de la fondation, puisque dans de nombreuses localits,
le Rosaire a
prcd limplantation du Saint-Sacrement. Orlans en revanche, la
faiblesse du
Rosaire pose question et semble marquer une absence relle. Il
est toutefois possible
que le vocable pratique de Sainte-Vierge , constituant le socle
de la ralit
confraternelle de la ville dOrlans et dont la prsence est
atteste quasiment partout,
recouvre diffrentes associations mariales comme celle du
Rosaire75.
Dans certaines localits provenales, le succs du Rosaire est
indiscutable :
dans la valle du Verdon, le Rosaire est recens dans 79% des
paroisses ds le dbut
du XVIIIe sicle avec 30 confrries et 34 autels, et reprsente la
seule association
mariale dans dix des douze paroisses ddies la Vierge76. En
Bretagne, le Rosaire
est lune des confrries les plus importantes : il a t repr dans
au moins 40% des
69 M. Brocard, Evolution des confrries en Tarentaise du XVIIe au
XVIIIe sicle dans Les confrries, lEglise
et la cit , op. cit., p.71.
70 M.-H. Froeschl-Chopard, La dvotion du Rosaire travers
quelques livres de pit . In : Histoire, conomie
et socit, 1991, 10 anne, n3. Prires et charit sous l'Ancien
Rgime., p. 306.
71 Ibid.
72 A. Lanfrey, Les confrries du nord de lvch dAutun , dans Les
confrries, lEglise et la cit, op. cit, p. 239.
73 C.-M. Robion, A lpreuve de la Rvolution : confrries et
pnitents en pays dAude (XVIII e-XIXe sicle) ,
dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit., p. 285-300.
74 L. Prouas, Le diocse de La Rochelle de 1648 1724 , op. cit.
p.501.
75 G. Rideau, De la religion de tous la religion de chacun.
Croire et pratiquer Orlans au XVIII e sicle, Rennes :
Presses Universitaires de Rennes, p. 105-106.
76 R. Bertrand, Dvotions et confrries dans le diocse de Senez au
temps de Mgr Soanen , dans Les confrries,
lEglise et la cit, op. cit., p. 121.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 26
- Droits dauteur rservs.
paroisses du diocse de Vannes et une bonne moiti de celles des
diocses de Rennes
et de Saint Malo, et dans prs des deux tiers des diocses de
Saint Brieuc77. La
popularit du Rosaire ne se manifeste pas seulement sous la forme
de confrrie,
puisqu Rennes, au XVIIIe sicle, sur 201 autels consacrs la
Vierge, 12% des
autels sont consacrs plus spcifiquement au Rosaire78.
Lanciennet des confrries et lvolution de la pratique
Lanciennet des confrries varie sensiblement dune rgion une
autre. Prs
de Troyes, dans le prieur de Foicy, la confrrie du Rosaire est
installe entre 1577
et 158079. Dans le diocse de Strasbourg, sur les quarante-et-une
confrries
rpertories en 1680, trente-deux ont t riges entre 1550 et 1680
(soit prs de
80%) et parmi ces crations, on dnombre sept confrries du
Rosaire, juste derrire
les congrgations mariales jsuites80. Dans le diocse dOrange,
Franoise
Hernandez recense quatorze confrries connues entre 1665 et 1675,
dont neuf sont
antrieures 1644, et seulement deux sont apparues aprs
167581.
Le nombre de confrres peut augmenter considrablement.
Strasbourg,
lrection de la confrrie du Rosaire de Boersch date du 2 juillet
1656, et si ses
dbuts sont modestes (32 membres au moment de la cration, puis 17
les annes
suivantes), de 1670 1675, la confrrie connat des adhsions
massives. En cinq
ans, cent quarante nouveaux membres sont enregistrs dans un
village qui ne compte
que sept cent habitants82. Ce succs ne doit masquer la baisse
des pratiques
associatives et confraternelles des confrries tridentines la fin
de lAncien Rgime,
qui peut tmoigner dune dvotion suffisamment intriorise. Cest ce
qui est
observ dans la rgion creusoise. Si les premires confrries du
Rosaire apparaissent
vers 1620 et sont attestes dans 60% des paroisses de la rgion au
XVIIe sicle, une
baisse progressive est nanmoins remarque puisqu la veille de la
Rvolution,
trente-et-une associations sont recenses pour cent trente-huit
paroisses83. Notons
que le mouvement est analogue pour le Saint-Sacrement.
Limplantation dominicaine
Le processus drection de la confrrie est souvent li
limplantation
dominicaine : dans le diocse de Saint Paul-Trois-Chteaux, si
toutes les paroisses
77 J. Quienart, Le rseau des confrries pieuses , dans Alain
Croix (dir), Les Bretons et Dieu. Atlas d'histoire
religieuse 1300 1800, Rennes : Presses universitaires de Rennes,
1985, carte 25.
78 B. Restif, La Rvolution des paroisses op. cit., p. 283.
79 S. Simiz, Confrries urbaines et dvotion en Champagne (1450
1830), op. cit. p. 142.
80 L. Chtellier, Tradition chrtienne et renouveau catholique
dans lancien diocse de Strasbourg , Paris : Editions
de Nesle, p. 187.
81 F. Hernandez, Les confrries des diocses dOrange et de St
Paul-Trois-Chteaux la fin du XVIIe sicle ,
dans Les confrries, lEglise et la cit, op. cit., p.102.
82 L. Chtellier, Tradition chrtienne op. cit. p. 189.
83 L. Prouas, Les confrries dans le pays creusois la veille de
la Rvolution , dans Les confrries, lEglise et
la cit, op. cit., p. 236.
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 27
- Droits dauteur rservs.
ont leurs confrries du Rosaire, cest parce quelles rsultent de
linstallation des
Dominicains en 1663. En Rouergue, ltude mene par Pierre Lanon a
montr que,
ds 1610, sous limpulsion des Frres prcheurs, les confrries du
Rosaire se sont
dveloppes durant toute lpoque moderne jusqu atteindre les zones
rurales et
centres villageois de moindre importance84. En Savoie du Sud, la
dvotion est mise
en uvre sous linfluence des Dominicains de Montmlian85.
Les variantes entre les rsultats obtenus permettent dviter de
penser quun
phnomne observ localement soit trop rapidement tenu pour
universel. Cela est
parfaitement visible pour les tudes consacres aux rgions du
sud-est, qui ont
montr une forte disparit dans limplantation des confrries du
Rosaire. Ces
disparits se constatent au niveau de leur dveloppement et des
diffrents degrs de
concurrence avec dautres confrries, et notamment avec celles du
Saint-Sacrement.
Enfin, le Rosaire nest pas implant partout : son absence dans
larchidiacon
dOrlans atteste sans doute de lingale progression de la Rforme
catholique et de
formes de rsistance anciennes du culte mariale86.
Ainsi, entre la fin du XVe sicle et la fin du XVIIIe sicle, la
dvotion du
Rosaire sinsre parfaitement dans les bouleversements religieux
et les
dveloppements techniques de limprim. Outil au service de la
Rforme catholique,
la dvotion sest organise sous la forme de confrrie, formalise
par la littrature
dominicaine. Le livre sur le Rosaire reflte parfaitement les
deux formes de vie
religieuse des lacs qui ne sont pas contradictoires : dun ct
laspect collectif de la
dvotion, propre la vie de chaque confrrie, de lautre, une
individualisation et une
intriorisation de la prire, axe sur la mditation et dveloppe par
la Devotio
moderna. Lexemple du nombre de rditions du Rosario della
gloriosa Vergine
Maria dAlberto da Castello est rvlateur du succs de la dvotion.
Il reste
dsormais prciser les critres de slection retenir pour fonder une
tude plus
dtaille sur les caractristiques des livres sur le Rosaire entre
le XVI e et la fin du
XVIIIe sicle.
84 Pierre Lanon, Les confrries du Rosaire en Rouergue aux XVIe
et XVIIe sicles . In : Annales du Midi :
revue archologique, historique et philologique de la France
mridionale , Tome 96, N166, 1984. En Rouergue :
population et socit. p. 121-133, 1984, disponible sur :
http://www.persee.fr/doc/anami_0003-
4398_1984_num_96_166_2039, consult le 24/03/17.
85 M. Brocard, art. cit., p. 75.
86 G. Rideau, op. cit., p. 107.
http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1984_num_96_166_2039http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1984_num_96_166_2039
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 28
- Droits dauteur rservs.
PARTIE II : METHODOLOGIE DENQUETE
Afin de mieux apprhender la production et la diffusion des
ouvrages sur le
Rosaire entre le dbut du XVIe et la fin du XVIIIe sicle, une
tude quantitative a
t ralise en deux temps : dabord par lanalyse du recensement
global constitu
partir de catalogues en ligne, puis par une tude plus
approfondie dun corpus de
trente ouvrages conservs au fonds ancien de la BmL.
I. LE RECENSEMENT GENERAL DES OUVRAGES :
OUTILS ET DEMARCHE
A. Prsentation des outils
Pour avoir une vue densemble assez gnrale sur la littrature du
Rosaire, la
recherche sest effectue partir de trois catalogues en ligne :
celui de la
Bibliothque nationale de France (BnF), le Catalogue Collectif de
France (CCFr) et
WorldCat.
Les catalogues en ligne du CCFr et de la BnF
Les catalogues du CCFr et de la BnF sont spcifiques aux fonds
franais. Le
premier localise environ trente millions de documents conservs
dans les
bibliothques franaises. Les recherches ont t effectues partir de
la Base
patrimoine. Cette base permet de localiser plus de six millions
de documents
patrimoniaux conservs au sein de bibliothques municipales,
d'archives, de muses
ou encore des grands corps de l'Etat. Outre sa Base patrimoine,
le catalogue donne
accs plusieurs grands catalogues franais : le Catalogue gnral de
la BnF, le
catalogue des bibliothques de l'enseignement suprieur (Sudoc),
les Bases
Manuscrits et Archives (un catalogue de quatre bases ddi aux
manuscrits),
plusieurs catalogues intgraux de bibliothques municipales, le
catalogue collectif
du Rseau europen des bibliothques spcialises dans le domaine de
la culture
juive (RACHEL), et le catalogue du rseau europen de bibliothques
d'institutions
protestantes ou associes (Rseau Valdo) 87. Le projet du CCFr a
dbut en juillet
1997 et sest achev en dcembre 2000. Depuis 2001, il est confi la
BnF.
Le Catalogue gnral de la BnF contient la majorit des rfrences
de
documents conservs sur tous les sites de la BnF. Il simplifie
laccs aux collections
en sintgrant aux usages de recherche sur le web et valorise les
informations
contenues dans les notices. Ce catalogue comprenait, pour lanne
2016, plus de
87 Catalogue collectif de France, Quest-ce que le CCFr ? [En
ligne], mis jour le 22/12/2016, disponible sur :
http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp?action=public_a_propos
, consult le 01/04/17.
http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp?action=public_a_propos
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 29
- Droits dauteur rservs.
treize millions de notices bibliographiques, et prs de cinq
millions de notices
d'auteurs, de titres d'uvres et de sujets88.
WorldCat
Plus grand rseau de donnes au monde sur les collections et les
services de
bibliothques, WorldCat est la base de donnes bibliographiques en
ligne de
lOnline Computer Library Center (OCLC). LOCLC est une cooprative
mondiale
de bibliothques qui fournit des services technologiques partags,
des tudes et
travaux de recherche originaux, ainsi que des programmes
collectifs pour ses
membres et la communaut des bibliothques89. Les bibliothques
ajoutent,
enrichissent et partagent la base de donnes qui intgre ces
informations dans des
processus de recherche afin que les utilisateurs puissent
trouver des ressources de
tout format dans des bibliothques du monde entier.
La prsentation de ces outils permet de comprendre les carts
obtenus entre
les tableaux et graphiques qui vont suivre. Par son nombre de
rfrences plus limit,
le catalogue en ligne de la BnF a une porte moindre que les deux
autres outils. Si
les bases interroges de la BnF et du CCFr se regroupent du fait
de leur strate
commune, le corpus constitu partir du catalogue WorldCat ne
confirme pas
toujours les tendances observes partir des deux premiers
catalogues. Ainsi, pour
avoir une analyse la plus prcise possible, les rsultats des
trois catalogues sont
prsents dans trois tableaux distincts et sont interprts par
trois graphiques
diffrents.
B. Recensement par occurrence
Pour apprhender le nombre de publications sur le Rosaire, la
recherche a t
effectue partir de mots-cls. Une tude partir du titre sest avre
la plus
pertinente, les auteurs tant pour une part importante des
anonymes. Lapproche
nest pas quantitative dans la diffusion mais quantitative dans
la production : sont
recenss les ouvrages contenant le mot-cl dans leur titre,
rditions comprises, et
sont donc exclus les diffrents exemplaires dun mme ouvrage.
Seulement deux
mots-cls ont t utiliss. Il sagit en effet dun type de littrature
bien spcifique
qui noffre pas une grande diversit de thmes.
Rosaire
Loccurrence la plus vidente est celle du mot Rosaire . Les
tableaux ci-
dessous offrent une vision globale de la rpartition des rsultats
obtenus. De grandes
similitudes entre les catalogues apparaissent : les titres
varient peu, le lexique utilis
est souvent le mme. Loccurrence chapelet a t intgre au tableau,
puisque la
rcitation du tiers du rosaire tait aussi pratique, surtout au
XVIe sicle.
88 Bibliothque nationale de France, Les contenus du catalogue,
[En ligne], [s.d.], disponible sur :
http://catalogue.bnf.fr/contenu-catalogue.do, consult le
01/04/17.
89 OCLC, WorldCat, [En ligne], [s.d.], disponible sur :
https://www.oclc.org/fr/worldcat.html, consult le 01/04/17.
http://catalogue.bnf.fr/contenu-catalogue.dohttps://www.oclc.org/fr/worldcat.html
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AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 30
- Droits dauteur rservs.
Tableau 2 - L'occurrence Rosaire d'aprs le catalogue du CCFr
Rosaire
Saint / Sacr
Rosaire
Trs saint
Rosaire
Rosaire /
Rosier
mystique
Rosaire
perptuel
Rosaire
spirituel
Mystres
du
Rosaire
Chapelet Total
XVIe s 3 2 5
XVIIe s 58 3 6 1 68
XVIIIe s 37 1 5 43
Total 98 3 7 6 2 116
Tableau 3 - L'occurrence Rosaire d'aprs le catalogue de la
BnF
Rosaire
Saint / Sacr
Rosaire
Trs saint
Rosaire
Rosaire /
Rosier
mystique
Rosaire
perptuel
Rosaire
spirituel
Mystres
du Rosaire
Chapelet Total
XVIe s 2 1 3
XVIIe s 29 3 5 2 3 42
XVIIIe s 15 3 18
Total 46 3 5 5 4 63
Tableau 4 - L'occurrence Rosaire d'aprs le catalogue
WorldCat
Rosaire
Saint / Sacr
Rosaire
Trs saint
Rosaire
Rosaire
mystique
Rosier
mystique
Rosaire
perptuel
Rosaire
spirituel /
Mystres du
Rosaire
Chapelet Total
XVIe s 1 1 3 2 7
XVIIe s 66 5 7 5 8 91
XVIIIe s 51 1 8 1 61
Total 118 6 8 16 11 159
-
AYMARD Agathe | M1 HCP-CEI| Mmoire de recherche | Juin 2017 - 31
- Droits dauteur rservs.
Le catalogue du CCFr a recens environ 206 rsultats, 203 rsultats
ont t
obtenus avec celui de Worldcat, alors que les mmes recherches
ont abouti une
centaine de rsultats pour la BnF. Un tri sest avr ncessaire :
ont t exclus les
doublons, les ouvrages qui ne possdaient pas les occurrences
dsires dans le titre
et les diffrents exemplaires dun mme ouvrage. En revanche,
plusieurs
occurrences diffrencies dans le tableau peuvent se regrouper en
un seul titre. Par
exemple L'Histoire du sacr-rosaire et chapplet ["sic"] de la S.
Vierge... par F. N.
Le Febure ["sic"]..., publi Angers en 1624, contient les
occurrences sacr
rosaire et chapelet . Elles ont donc t comptabilises toutes les
deux.
Si lon compare les rsultats obtenus, les trois tableaux montrent
un grand
nombre de similitudes mais aussi quelques divergences, qui
sexpliquent en partie
par la diffrence du nombre de rsultats obtenus dun catalogue un
autre. En toute
logique, les occurrences Rosaire et les adjectifs qui
laccompagnent ont donn
le plus de rsultats. Le recensement des titres montre assez
clairement une hausse
de la production littraire sur le Rosaire au XVIIe sicle, suivie
dune baisse le sicle
suivant. Cette approche chronologique sera dtaille plus
prcisment dans les
parties suivantes. Le Rosaire perptuel , appel aussi spirituel ,
est employ
principalement au XVIIe sicle, ce qui semble tout fait cohrant
puisque le Rosaire
perptuel sest propag en France dans les annes 1640, comme cela a
t soulign
en premire partie. Mais son succs semble limit dans le temps
puisquau sicle
suivant, les trois catalogues saccordent sur son dclin, ce qui
laisse penser quil a
surtout t pratiqu son arrive en France, et se serait essouffl
par la suite.
Cependant, linstitution du Rosaire perptuel a connu un succs
immdiat et
explique peut-tre en partie, non seulement la multiplication des
inscriptions dans
la confrrie, mais la multiplication