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LES ANNONCES DE LA SEINE
EUROPECour Europenne des Droits de lHomme Crucifix dans les
salles de classe des coles publiques italiennes .....2Libert de
religion : sommaires de jurisprudence
...............................5AU FIL DES
PAGES...............................................................8SOCITConseil
Economique, Social et EnvironnementalUn projet de socit par
Jean-Paul Delevoye ......................................9Rnover
notre modle social par Franois Fillon
............................10VIE DU DROITXXme anniversaire de
lAssociation Europennedes Barreaux des Cours Suprmes
......................................12PASSATION DE POUVOIRThierry
Orosco succde Denis Favier la tte du GIGN..13VIE DES CABINETS
DAVOCATSCabinet Huglo Lepage & Associs
........................................15JURISPRUDENCELoi
organique relative au Dfenseur des droitsConseil constitutionnel -
29 mars 2011 - dcision n2011-626 DC....16AU JOURNAL OFFICIEL
................................................18ANNONCES LEGALES
...................................................19ADJUDICATIONS................................................................20DCORATIONPatrick
Sannino, Officier de la Lgion dHonneur...........32
JOURNAL OFFICIEL DANNONCES LGALES - INFORMATIONS GNRALES,
JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilit pour les
dpartements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis
et Val de Marne
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TANCRDE
Jeudi 31 mars 2011 - Numro 21 - 1,15 Euro - 92e anne
La Grande Chambre, formation la plus importante dela Cour
Europenne des Droits de lHomme, aconclu la non-violation de la
Convention danslaffaire Lautsi et autres c. Italie par un arrt
dfinitifrendu le18 mars 2011.Cette affaire concernait la prsence de
crucifix dans les sallesde classe des coles publiques en Italie.
Selon les requrants,elle tait incompatible avec lobligation de
lEtat de respecter,dans lexercice des fonctions quil assume dans le
domaine delducation et de lenseignement, le droit des parents
dassurer leurs enfants une ducation et un enseignement conformes
leurs convictions religieuses et philosophiques. Un arrt deChambre
de la Cour de Strasbourg en date du 3 novembre2009, avait jug,
l'unanimit des 7 juges, que la prsence decrucifix tait incompatible
avec lobligation de lEtat de res-pecter ce droit des parents.Face
au toll suscit par cette dcision, le gouvernement ita-lien,
conformment larticle 43 de la Convention, a alorsdemand le renvoi
de laffaire devant la Grande Chambre,considrant que la prsence de
crucifix dans les salles declasse des coles publiques correspond
aujourdhui une tra-dition quil est important de perptuer : cest le
fruit de l'vo-lution historique de l'Italie, ce qui lui donne une
connotationnon seulement culturelle mais aussi identitaire .Par 15
voix contre 2, la Grande Chambre de la Cour deStrasbourg prside par
Jean-Paul Costa, est revenue sur ladcision de 2009 et a conclu la
non violation de larticle 2du Protocole numro 1 de la
Convention.Elle a estim que la prsence de symboles religieux dans
lessalles de classes relve de la marge dapprciation de lEtat
quidoit concilier lexercice des fonctions quil assume dans
ledomaine de lducation et de lenseignement, et le respect du
droit des parents dassurer cette ducation et cet enseigne-ment
conformment leurs convictions religieuses et philo-sophiques.La
Cour a en outre soulign quun crucifix appos sur unmur est un
symbole essentiellement passif, dont linfluencesur les lves ne peut
tre compare un discours didactiqueou la participation des activits
religieuses. Si la prsencedu crucifix dans les salles de classe des
coles publiquesdonne la religion majoritaire du pays une visibilit
prpon-drante dans l'environnement scolaire, cela ne suffit
toute-fois pas en soi pour caractriser une dmarche
d'endoctrine-ment de la part de l'Etat dfendeur .Cette dcision, trs
attendue en Italie, a aussi fait lobjet dunlarge dbat dans tout
lespace europen. En effet, trente-troismembres du Parlement europen
agissant collectivement, dixorganisations non-gouvernementales, et
dix Etats parties laConvention, se sont vus accorder lautorisation
dintervenirdans la procdure crite. Les gouvernements de lArmnie,
dela Bulgarie, de Chypre, de la Fdration de Russie, de la Grce,de
la Lituanie, de Malte et de la Rpublique de Saint-Marin onten outre
t autoriss intervenir collectivement dans la pro-cdure orale lors
de laudience de Grande Chambre qui sestdroule Strasbourg le 30 juin
2010.Cette dcision a t accueillie avec une grande satisfac-tion par
lItalie : le Ministre des Affaires Etrangres, FrancoFrattini, a
estim dans un communiqu, que c'est le senti-ment populaire de
l'Europe qui a vaincu, parce que la dcision(de la CEDH) se fait
l'interprte avant tout de la voix descitoyens qui dfendent leurs
propres valeurs et leur propreidentit . Il a en outre exprim le
souhait que l'Europeaffronte avec le mme courage le thme de la
tolrance et de lalibert religieuse . Jean-Ren Tancrde
C
ounc
il of
Eur
ope La libert de religion devant la
Cour Europenne des Droits de lHomme
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2 Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21
EuropeLES ANNONCES DE LA SEINESige social :
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Directeur de la publication et de la rdaction :Jean-Ren
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BernardsFranois-Henri Briard, Avocat au Conseil dEtatAntoine
Bullier, Professeur lUniversit Paris I Panthon SorbonneMarie-Jeanne
Campana, Professeur agrg des Universits de droitAndr Damien, Membre
de lInstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit lUniversit
Paris I Panthon SorbonneBertrand Favreau, Prsident de lInstitut des
Droits de lHomme des Avocats Europens,ancien Btonnier de
BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate la Cour, ancien
Btonnier de ParisBrigitte Gizardin, Substitut gnral la Cour
dappelRgis de Gouttes, Premier avocat gnral honoraire la Cour de
cassationSerge Guinchard, Professeur de Droit lUniversit Paris II
Panthon-AssasFranoise Kamara, Conseiller la premire chambre de la
Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat gnral honoraire
la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat la Cour, Matre de
confrence H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit
lUniversit Paris II Panthon-AssasNolle Lenoir, Avocate la Cour,
ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur mrite lUniversit
Paris II Panthon-AssasPierre Masquart, Avocat la CourJean-Franois
Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesSophie Pillard,
MagistrateGrard Pluyette, Conseiller doyen la premire chambre
civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont,
Avocate la Cour, Prsidente dhonneur de lUNAPLYves Repiquet, Avocat
la Cour, ancien Btonnier de ParisRen Ricol, Ancien Prsident de
lIFACFrancis Teitgen, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisCarol
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Seine-Saint Denis : 3,74 Yvelines : 5,09 Val-de-Marne : 3,74 -
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35 avec supplments culturels95 avec supplments judiciaires et
culturels
COMPOSITION DES ANNONCES LGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES
Surfaces consacres aux titres, sous-titres, filets, paragraphes,
alinas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de
lannonce sera compose en capitales (oumajuscules grasses) ; elle
sera lquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit
arrondi 4,5 mm.Les blancs dinterlignes sparant les lignes de titres
nexcderont pas lquivalent dune ligne de corps6 points Didot, soit
2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre
de lannonce sera compose en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle
sera lquivalent dune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi
3,40 mm. Lesblancs dinterlignes sparant les diffrentes lignes du
sous-titre seront quivalents 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque
annonce est spare de la prcdente et de la suivante par un filet 1/4
gras. Lespace blanccompris entre le filet et le dbut de lannonce
sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le
mme principe rgira le blanc situ entre la dernire ligne de lannonce
et le filet sparatif.Lensemble du sous-titre est spar du titre et
du corps de lannonce par des filets maigres centrs. Leblanc plac
avant et aprs le filet sera gal une ligne de corps 6 points Didot,
soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinas : le blanc sparatif ncessaire
afin de marquer le dbut dun paragraphe o dunalina sera lquivalent
dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces dfinitions
typographiquesont t calcules pour une composition effectue en corps
6 points Didot. Dans lventualit o lditeurretiendrait un corps
suprieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs
et le corps choisi.
2010
Crucifix dans les sallesde classe des colespubliques italiennes
:Affaire Lautsi
Principaux faits
Les requrants sont des ressortissantsitaliens, ns respectivement
en 1957,1988 et 1990. La requrante, Mme SoileLautsi, et ses deux
fils, Dataico et SamiAlbertin(1), rsident en Italie. Ces derniers
taientscolariss en 2001-2002 dans lcole publiqueIstituto
comprensivo statale Vittorino da Feltre, Abano Terme. Un crucifix
tait accroch dansles salles de classe de ltablissement.Le 22 avril
2002, au cours dune runion duconseil dcole, le mari de Mme Lautsi
soulevale problme de la prsence de symbolesreligieux dans les
salles de classe, du crucifix enparticulier, et posa la question de
leur retrait.Suite la dcision du conseil dcole demaintenir les
symboles religieux dans les sallesde classe, Mme Lautsi saisit, le
23 juillet 2002,le tribunal administratif de Vntie,
dnonantnotamment une violation du principe de lacit.Le 30 octobre
2003, le ministre de lInstruction,de lUniversit et de la Recherche
- qui enoctobre 2002 avait pris une directive aux termesde laquelle
les responsables scolaires devaientsassurer de la prsence du
crucifix dans les salles
de classe - se constitua partie dans la procdureinitie par Mme
Lautsi, dont la requte tait,selon lui, dnue de fondement puisque
laprsence de crucifix dans les salles de classe descoles publiques
se fondait sur deux dcretsroyaux de 1924 et 1928(2).En 2004, la
Cour constitutionnelle dclara laquestion de constitutionnalit, dont
lavait saisile tribunal administratif, manifestementirrecevable car
les textes quelle visait - les articlespertinents des deux dcrets
royaux - nepouvaient faire lobjet dun contrle deconstitutionnalit,
ayant rang rglementaire etnon de loi.Le 17 mars 2005, le tribunal
administratif rejetale recours de Mme Lautsi. Il conclut que
lesdispositions des dcrets royaux en questiontaient encore en
vigueur et que la prsence decrucifix dans les salles de classe des
colespubliques ne se heurtait pas au principe delacit de lEtat, qui
faisait partie du patrimoinejuridique europen et des
dmocratiesoccidentales . Le tribunal estima, notamment,que le
crucifix tait davantage un symbole duchristianisme en gnral que du
seulcatholicisme, de sorte quil renvoyait dautresconfessions. Il
considra de surcrot quilsagissait dun symbole historico-culturel,
ayantune valeur identitaire pour le peuple italien,ainsi quun
symbole du systme de valeursinnervant la charte constitutionnelle
italienne.Saisi par Mme Lautsi, le Conseil dEtat confirma,dans un
arrt du 13 avril 2006, que la prsencede crucifix dans les salles de
classe des colespubliques trouvait son fondement lgal dans
lesdcrets royaux de 1924 et 1928 et que, eu gard
JURISPRUDENCE
Cour Europenne des Droits de lHommeGrande chambre - 18 mars 2011
- requte n30814/06Affaire Lautsi et autres c. Italie
La Cour,()57. En premier lieu, la Cour prciseque la seule
question dont elle setrouve saisie est celle de lacompatibilit, eu
gard auxcirconstances de la cause, de laprsence de crucifix dans
les sallesde classe des coles publiquesitaliennes avec les
exigences desarticles 2 du Protocole nos1 et 9 de
laConvention.Ainsi, en l'espce, d'une part, ellen'est pas appele
examiner laquestion de la prsence de crucifixdans d'autres lieux
que les colespubliques. D'autre part, il ne luiappartient pas de se
prononcer surla compatibilit de la prsence decrucifix dans les
salles de classe descoles publiques avec le principe delacit tel
qu'il se trouve consacr endroit italien.58. En second lieu, la Cour
souligneque les partisans de la lacit sonten mesure de se prvaloir
de vuesatteignant le degr de force, desrieux, de cohrence
etd'importance requis pour qu'ils'agisse de convictions au sensdes
articles 9 de la Convention et 2
du Protocole n1 (arrt Campbell etCosans c. Royaume-Uni, du25
fvrier 1982, srie A n48, 36).Plus prcisment, il faut voir l des
convictions philosophiques ausens de la seconde phrase del'article
2 du Protocole n1, ds lorsqu'elles mritent respect dansune socit
dmocratique , nesont pas incompatibles avec ladignit de la personne
et ne vontpas l'encontre du droitfondamental de l'enfant
l'instruction (ibidem).
1. Le cas de la requrante() 63. La Cour ne partage pas lathse du
Gouvernement selonlaquelle l'obligation pesant sur lesEtats
contractants en vertu de laseconde phrase de l'article 2
duProtocole no1 porte uniquement surle contenu des
programmesscolaires, de sorte que la questionde la prsence de
crucifix dans lessalles de classe des coles publiquessort de son
champ d'application.Il est vrai que nombre d'affairesdans le
contexte desquelles la Cours'est penche sur cette
dispositionconcernaient le contenu ou la mise
en uvre de programmes scolaires.Il n'en reste pas moins que,
commela Cour l'a d'ailleurs dj mis enexergue, l'obligation des
Etatscontractants de respecter lesconvictions religieuses
etphilosophiques des parents ne vautpas seulement pour le contenu
del'instruction et la manire de ladispenser : elle s'impose eux
dans l' exercice de l'ensembledes fonctions - selon les termesde la
seconde phrase de l'article 2du Protocole n1 - qu'ils assumenten
matire d'ducation etd'enseignement (voiressentiellement les arrts
Kjeldsen,Busk Madsen et Pedersen, prcit, 50, Valsamis c. Grce, du18
dcembre 1996, Recueil desarrts et dcisions 1996-VI, 27, etHasan et
Eylem Zengin, prcit, 49, et Folger, prcit, 84). Celainclut sans nul
doutel'amnagement de l'environnementscolaire lorsque le droit
interneprvoit que cette fonction incombeaux autorits publiques.Or
c'est dans un tel cadre ques'inscrit la prsence de crucifix dansles
salles de classe des coles
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Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21 3
Europe
la signification quil fallait lui donner, taitcompatible avec le
principe de lacit. En tantquil vhiculait des valeurs civiles
caractrisantla civilisation italienne - tolrance, affirmationdes
droits de la personne, autonomie de laconscience morale face
lautorit, solidarit,refus de toute discrimination - le crucifix
dansles salles de classes pouvait, dans uneperspective laque ,
avoir une fonctionhautement ducative.
Griefs et procdure
Invoquant les articles 2 du Protocole n1 (droit linstruction) et
9 (libert de pense, deconscience et de religion), les requrants
seplaignaient de la prsence de crucifix dans lessalles de classe de
lcole publique o taientscolariss Dataico et Sami Albertin.
Invoquant larticle 14 (interdiction de la discri-mination), ils
estimaient quils avaient de cefait, ds lors quils ntaient pas
catholiques,subi une diffrence de traitement discrimina-toire par
rapport aux parents catholiques et leurs enfants.La requte a t
introduite devant la Coureuropenne des droits de lhomme le 27
juillet2006. Dans son arrt de Chambre du3 novembre 2009, la Cour a
conclu la viola-tion de larticle 2 du Protocole n1 (droit
lins-truction) examin conjointement avec larticle9 (libert de
pense, de conscience et de reli-gion). Le 28 janvier 2010, le
gouvernement ita-lien a demand le renvoi de laffaire devant
laGrande chambre conformment larticle 43de la Convention (renvoi
devant la Grandechambre) et le 1er mars 2010, le collge de laGrande
chambre a accept cette demande.Une audience de Grande chambre a eu
lieu le30 juin Strasbourg. []
Dcision de la Cour
Article 2 du Protocole n1Il ressort de la jurisprudence de la
Cour(3) quelobligation des Etats membres du Conseil delEurope de
respecter les convictions religieuseset philosophiques des parents
ne vaut passeulement pour le contenu de linstruction et lamanire de
la dispenser : elle simpose eux dans lexercice de lensemble des
fonctions quils assument en matire dducation etdenseignement. Cela
inclut lamnagement de
publiques italiennes (voir lesarticles 118 du dcret royaln965 du
30 avril 1924, 119 dudcret royal n1297 du26 avril 1928, et 159 et
190 dudcret-loi n297 du16 avril 1994 ; paragraphes 14et 19
ci-dessus).64. D'un point de vue gnral, laCour estime que
lorsquel'amnagement del'environnement scolaire relvede la comptence
d'autoritspubliques, il faut voir l unefonction assume par l'Etat
dansle domaine de l'ducation et del'enseignement, au sens de
laseconde phrase de l'article 2 duProtocole n1.65. Il en rsulte que
la dcisionrelative la prsence de crucifixdans les salles de classe
descoles publiques relve desfonctions assumes par l'Etatdfendeur
dans le domaine del'ducation et de l'enseignementet tombe de ce
fait sous l'empirede la seconde phrase del'article 2 du Protocole
n1. Onse trouve ds lors dans undomaine o entre en jeul'obligation
de l'Etat de respecterle droit des parents d'assurerl'ducation et
l'enseignement deleurs enfants conformment leurs convictions
religieuses etphilosophiques.66. Ensuite, la Cour considreque le
crucifix est avant tout unsymbole religieux. Lesjuridictions
internes l'ontpareillement relev et, du reste,le Gouvernement ne le
conteste
pas. Que la symboliquereligieuse puise, ou non, lasignification
du crucifix n'est pasdcisif ce stade duraisonnement.Il n'y a pas
devant la Courd'lments attestant l'ventuelleinfluence que
l'exposition surdes murs de salles de classed'un symbole religieux
pourraitavoir sur les lves ; on nesaurait donc
raisonnablementaffirmer qu'elle a ou non un effetsur de jeunes
personnes, dontles convictions ne sont pasencore fixes.On peut
nanmoins comprendreque la requrante puisse voirdans l'exposition
d'un crucifixdans les salles de classe del'cole publique o ses
enfantstaient scolariss un manque derespect par l'Etat de son
droitd'assurer l'ducation etl'enseignement de ceux-ciconformment
ses convictionsphilosophiques. Cependant, laperception subjective
de larequrante ne saurait elleseule suffire caractriser
uneviolation de l'article 2 duProtocole n1.67. Le Gouvernement
expliquequant lui que la prsence decrucifix dans les salles de
classedes coles publiques, qui est lefruit de l'volution historique
del'Italie, ce qui lui donne uneconnotation non seulementculturelle
mais aussi identitaire,correspond aujourd'hui unetradition qu'il
juge important deperptuer. Il ajoute qu'au-del
de sa signification religieuse, lecrucifix symbolise les
principeset valeurs qui fondent ladmocratie et la
civilisationoccidentale, sa prsence dansles salles de classe
tantjustifiable ce titre.68. Selon la Cour, la dcision deperptuer
ou non une traditionrelve en principe de la marged'apprciation de
l'Etatdfendeur. La Cour se doitd'ailleurs de prendre en comptele
fait que l'Europe estcaractrise par une grandediversit entre les
Etats qui lacomposent, notamment sur leplan de l'volution
culturelle ethistorique. Elle soulignetoutefois que l'vocation
d'unetradition ne saurait exonrer unEtat contractant de
sonobligation de respecter les droitset liberts consacrs par
laConvention et ses Protocoles.Quant au point de vue duGouvernement
relatif lasignification du crucifix, la Courconstate que le Conseil
d'Etat etla Cour de cassation ont cetgard des positions
divergenteset que la Cour constitutionnellene s'est pas
prononce(paragraphes 16 et 23 ci-dessus).Or il n'appartient pas la
Courde prendre position sur un dbatentre les juridictions
internes.69. Il reste que les Etatscontractants jouissent
d'unemarge d'apprciation lorsqu'ils'agit de concilier l'exercice
desfonctions qu'ils assument dans ledomaine de l'ducation et de
l'enseignement et le respect dudroit des parents d'assurer
cetteducation et cet enseignementconformment leurs
convictionsreligieuses et philosophiques(paragraphes 61-62
ci-dessus).Cela vaut pour l'amnagementde l'environnement
scolairecomme pour la dfinition etl'amnagement desprogrammes (ce
que la Cour adj soulign : voiressentiellement, prcits, lesarrts
Kjeldsen, Busk Madsen etPedersen, 50-53, Folger, 84, et Zengin,
51-52 ;paragraphe 62 ci-dessus). LaCour se doit donc en principe
derespecter les choix des Etatscontractants dans ces domaines,y
compris quant la place qu'ilsdonnent la religion, dans lamesure
toutefois o ces choix neconduisent pas une formed'endoctrinement
(ibidem).70. La Cour en dduit enl'espce que le choix de laprsence
de crucifix dans lessalles de classe des colespubliques relve en
principe dela marge d'apprciation de l'Etatdfendeur. La
circonstance qu'iln'y a pas de consensus europensur la question de
la prsence desymboles religieux dans lescoles publiques(paragraphes
26-28 ci-dessus)conforte au demeurant cetteapproche.Cette marge
d'apprciation vatoutefois de pair avec un contrleeuropen (voir, par
exemple,mutatis mutandis, l'arrt Leyla
ahin prcit, 110), la tche dela Cour consistant enl'occurrence
s'assurer que lalimite mentionne auparagraphe 69 ci-dessus n'a past
transgresse.71. A cet gard, il est vrai qu'enprescrivant la prsence
ducrucifix dans les salles de classedes coles publiques -
lequel,qu'on lui reconnaisse ou non ensus une valeur
symboliquelaque, renvoie indubitablementau christianisme -,
larglementation donne lareligion majoritaire du pays unevisibilit
prpondrante dansl'environnement scolaire.Cela ne suffit toutefois
pas en soipour caractriser une dmarched'endoctrinement de la part
del'Etat dfendeur et pour tablirun manquement auxprescriptions de
l'article 2 duProtocole n1.La Cour renvoie sur ce point,mutatis
mutandis, ses arrtsFolger et Zengin prcits. Dansl'affaire Folger,
dans laquelleelle a t amene examiner lecontenu du programme
d'uncours de christianisme, religionet philosophie ( KRL ), elle
aen effet retenu que le fait que ceprogramme accorde une pluslarge
part la connaissance duchristianisme qu' celle desautres religions
et philosophiesne saurait passer en soi pourune entorse aux
principes depluralisme et d'objectivitsusceptible de s'analyser en
unendoctrinement. Elle a prcis
D.R
.
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4 Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21
Europe
lenvironnement scolaire lorsque le droitnational prvoit que
cette fonction incombeaux autorits publiques. La dcision relative
la prsence de crucifix dans les salles de classedes coles publiques
relevant des fonctionsassumes par lEtat italien, elle tombe
souslempire de larticle 2 du Protocole n1. Cettedisposition confre
lEtat lobligation derespecter, dans lexercice des fonctions
quilassume dans le domaine de lducation et delenseignement, le
droit des parents dassurerlducation et lenseignement de leurs
enfantsconformment leurs convictions religieuseset
philosophiques.Selon la Cour, sil faut voir avant tout un sym-bole
religieux dans le crucifix, il ny a pas dl-ment attestant de
lventuelle influence quelexposition dun symbole de cette nature
surdes murs de salles de classe pourrait avoir surles lves. De
plus, sil est nanmoins compr-hensible que la requrante puisse voir
danslexposition dun crucifix dans les salles declasse de lcole
publique o ses enfants taientscolariss un manque de respect par
lEtat deson droit dassurer lducation et lenseigne-ment de ceux-ci
conformment ses convic-tions philosophiques, sa perception
subjectivene suffit pas caractriser une violation de lar-ticle 2 du
Protocole n1.Le gouvernement italien soutenait que la pr-sence de
crucifix dans les salles de classe descoles publiques correspond
aujourdhui une tradition quil juge important de perp-tuer. Pour
lui, au-del de sa signification reli-gieuse, le crucifix symbolise
les principes et
valeurs qui fondent la dmocratie et la civilisa-tion
occidentale, sa prsence dans les salles declasse tant justifiable
ce titre. Sur le premierpoint, la Cour souligne que, si la dcision
deperptuer une tradition relve en principe dela marge dapprciation
des Etats membres duConseil de lEurope, lvocation dune tradi-tion
ne saurait les exonrer de leur obligationde respecter les droits et
liberts consacrs parla Convention et ses Protocoles. Sur le
secondpoint, relevant que le Conseil dEtat et la Courde cassation
italiens ont des positions diver-
gentes sur la signification du crucifix et que laCour
constitutionnelle ne sest pas prononce,elle considre quil ne lui
appartient pas deprendre position sur un dbat entre les
juridic-tions internes.Il reste que les Etats jouissent dune
margedapprciation lorsquil sagit de concilierlexercice des
fonctions quils assument dans ledomaine de lducation et de
lenseignement etle respect du droit des parents dassurer
cetteducation et cet enseignement conformment leurs convictions
religieuses et philosophiques.
que, vu la place qu'occupe lechristianisme dans l'histoire et
latradition de l'Etat dfendeur - laNorvge -, cette question
relevaitde la marge d'apprciation dontjouissait celui-ci pour
dfinir etamnager le programme destudes (arrt prcit, 89). Elleest
parvenue une conclusionsimilaire dans le contexte ducours de
culture religieuse etconnaissance morale dispensdans les coles de
Turquie dontle programme accordait une pluslarge part la
connaissance del'Islam, au motif que la religionmusulmane est
majoritairementpratique en Turquie,nonobstant le caractre lac decet
Etat (arrt Zengin prcit, 63).72. De plus, le crucifix appossur un
mur est un symboleessentiellement passif, et cetaspect a de
l'importance auxyeux de la Cour, eu gard enparticulier au principe
deneutralit (paragraphe 60 ci-dessus). On ne sauraitnotamment lui
attribuer uneinfluence sur les lvescomparable celle que peutavoir
un discours didactique oula participation des activitsreligieuses
(voir sur ces pointsles arrts Folger et Zenginprcits, 94 et
64,respectivement).73. La Cour observe que, dansson arrt du 3
novembre 2009,la chambre a, l'inverse, retenula thse selon
laquellel'exposition de crucifix dans lessalles de classe aurait un
impactnotable sur les deuxime ettroisime requrants, gs de
onze et treize ans l'poque desfaits. Selon la chambre, dans
lecontexte de l'ducationpublique, le crucifix, qu'il estimpossible
de ne pas remarquerdans les salles de classe, estncessairement peru
commepartie intgrante du milieuscolaire et peut ds lors treconsidr
comme un signeextrieur fort au sens de ladcision Dahlab prcite
(voirles paragraphes 54 et 55 del'arrt).La Grande chambre ne
partagepas cette approche. Elle estimeen effet que l'on ne peut
sefonder sur cette dcision enl'espce, les circonstances desdeux
affaires tant tout faitdiffrentes.Elle rappelle en effet
quel'affaire Dahlab concernaitl'interdiction faite uneinstitutrice
de porter le foulardislamique dans le cadre de sonactivit
d'enseignement,laquelle interdiction taitmotive par la ncessit
deprserver les sentimentsreligieux des lves et de leursparents et
d'appliquer leprincipe de neutralitconfessionnelle de l'coleconsacr
en droit interne. Aprsavoir relev que les autoritsavaient dment mis
en balanceles intrts en prsence, la Coura jug, au vu en particulier
dubas ge des enfants dont larequrante avait la charge, quelesdites
autorits n'avaient pasoutrepass leur marged'apprciation.74. En
outre, les effets de lavisibilit accrue que la prsence
de crucifix donne auchristianisme dans l'espacescolaire mritent
d'tre encorerelativiss au vu des lmentssuivants. D'une part,
cetteprsence n'est pas associe unenseignement obligatoire
duchristianisme (voir les lmentsde droit compar exposs dansl'arrt
Zengin prcit, 33).D'autre part, selon lesindications du
Gouvernement,l'Italie ouvre paralllementl'espace scolaire
d'autresreligions. Le Gouvernementindique ainsi notamment que
leport par les lves du voileislamique et d'autres symboleset tenues
vestimentaires connotation religieuse n'est pasprohib, des
amnagementssont prvus pour faciliter laconciliation de la
scolarisation etdes pratiques religieuses nonmajoritaires, le dbut
et la fin duRamadan sont souvent fts dans les coles et
unenseignement religieux facultatifpeut tre mis en place dans
lestablissement pour toutesconfessions religieusesreconnues
(paragraphe 39 ci-dessus). Par ailleurs, rienn'indique que les
autorits semontrent intolrantes l'garddes lves adeptes
d'autresreligions, non croyants outenants de
convictionsphilosophiques qui ne serattachent pas une religion.De
plus, les requrants neprtendent pas que la prsencedu crucifix dans
les salles declasse a incit audveloppement de
pratiquesd'enseignement prsentant une
connotation proslyte, ni nesoutiennent que les deuxime
ettroisime d'entre eux se sonttrouvs confronts unenseignant qui,
dans l'exercicede ses fonctions, se seraitappuy tendancieusement
surcette prsence.75. Enfin, la Cour observe quela requrante a
conserv entierson droit, en sa qualit deparent, d'clairer et
conseillerses enfants, d'exercer enverseux ses fonctions
naturellesd'ducateur, et de les orienterdans une direction conforme
ses propres convictionsphilosophiques (voir,notamment, prcits, les
arrtsKjeldsen, Busk Madsen etPedersen et Valsamis, 54 et31
respectivement).76. Il rsulte de ce qui prcdequ'en dcidant de
maintenir lescrucifix dans les salles de classede l'cole publique
frquentespar les enfants de la requrante,les autorits ont agi dans
leslimites de la marged'apprciation dont disposel'Etat dfendeur
dans le cadrede son obligation de respecter,dans l'exercice des
fonctionsqu'il assume dans le domainede l'ducation et
del'enseignement, le droit desparents d'assurer cetteducation et
cet enseignementconformment leursconvictions religieuses
etphilosophiques.77. La Cour en dduit qu'il n'ypas eu violation de
l'article 2 duProtocole n1 dans le chef de larequrante. Elle
considre parailleurs qu'aucune question
distincte ne se pose en l'espcesur le terrain de l'article 9 de
laConvention.
2. Le cas des deuxime ettroisime requrants78. La Cour considre
que, luecomme il se doit la lumire del'article 9 de la Convention
et dela seconde phrase de l'article 2du Protocole n1, la
premirephrase de cette dispositiongarantit aux lves un droit
l'instruction dans le respect deleur droit de croire ou de ne
pascroire. Elle conoit enconsquence que des lvestenants de la lacit
voient dansla prsence de crucifix dans lessalles de classe de
l'colepublique o ils sont scolarissun manquement aux droitsqu'ils
tirent de ces dispositions.Elle estime cependant que, pourles
raisons indiques dans lecadre de l'examen du cas de larequrante, il
n'y a pas euviolation de l'article 2 duProtocole n1 dans le chef
desdeuxime et troisimerequrants. Elle considre parailleurs
qu'aucune questiondistincte ne se pose en l'espcesur le terrain de
l'article 9 de laConvention. ()
Par ces motifs, la Cour,1. Dit, par quinze voix contredeux,
qu'il n'y a pas eu violationde l'article 2 du Protocole n1
etqu'aucune question distincte nese pose sur le terrain del'article
9 de la Convention ;2. Dit, l'unanimit, qu'il n'y apas lieu
d'examiner le grief tirde l'article 14 de la Convention.
D.R
.
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Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21 5
Europe
La Cour se doit donc en principe de respecterles choix des Etats
dans ces domaines, y comprisquant la place quils donnent la
religion, dansla mesure toutefois o ces choix ne conduisentpas une
forme dendoctrinement. Ainsi lechoix de mettre des crucifix dans
les salles declasses relve en principe de la margedapprciation de
lEtat, dautant plus enlabsence de consensus europen(4). Cette
margedapprciation va toutefois de pair avec uncontrle par la Cour,
qui il appartient desassurer que ce choix ne relve pas dune
formedendoctrinement.
A cet gard, elle constate quen prescrivant laprsence du crucifix
dans les salles de classedes coles publiques, la rglementation
ita-lienne donne la religion majoritaire du paysune visibilit
prpondrante dans lenvironne-ment scolaire. Elle estime toutefois
que cela nesuffit pas pour caractriser une dmarchedendoctrinement
de la part de lItalie et pourtablir un manquement aux prescriptions
delarticle 2 du Protocole n1. Elle rappelle sur cepoint avoir dj
jug(5) quau regard de la place
prpondrante dune religion dans lhistoiredun pays, le fait quune
part plus large que lesautres religions lui soit accorde dans les
pro-grammes scolaires ne sanalyse pas en soi enune telle dmarche.
Elle souligne ensuitequun crucifix appos sur un mur est un sym-bole
essentiellement passif, dont linfluencesur les lves ne peut tre
compare un dis-cours didactique ou la participation desactivits
religieuses.La Cour estime en outre que les effets de lavisibilit
accrue que la prsence de crucifixdonne au christianisme dans
lespace scolairemritent dtre encore relativiss au vu deslments
suivants : cette prsence nest pasassocie un enseignement
obligatoire duchristianisme ; selon le Gouvernement,
lespacescolaire en Italie est ouvert dautres religions(port des
symboles et tenues connotationreligieuse non prohib chez les lves,
prise encompte des pratiques religieuses nonmajoritaires,
possibilit de mettre en place unenseignement religieux facultatif
pour toutesles religions reconnues, fin du Ramadan souventfte dans
les coles...) ; rien nindique que lesautorits se montrent
intolrantes lgard deslves adeptes dautres religions, non croyantsou
tenants de convictions philosophiques quine se rattachent pas une
religion. Elle noteensuite que les requrants ne prtendent pasque la
prsence du crucifix en classe a suscitdes pratiques denseignement
connotationproslyte, ou que Dataico et Sami Albertin ontt confronts
un enseignant qui se seraittendancieusement appuy sur cette
prsence.Enfin, la Cour observe que Mme Lautsi, en tantque parent, a
conserv entier son droit dclaireret conseiller ses enfants et de
les orienter dansune direction conforme ses propresconvictions
philosophiques.La Cour conclut quen dcidant de maintenirles
crucifix dans les salles de classe de lcolepublique frquentes par
les enfants de larequrante, les autorits ont agi dans leslimites de
la latitude dont dispose lItalie dansle cadre de son obligation de
respecter, danslexercice des fonctions quelle assume dans le
domaine de lducation et de lenseignement,le droit des parents
dassurer cette instructionconformment leurs convictions
religieuseset philosophiques ; par consquent, il ny paseu de
violation de larticle 2 du Protocole n1concernant la requrante. La
Cour considreen outre quaucune question distincte ne sepose sur le
terrain de larticle 9.La Cour parvient la mme conclusionsagissant
du cas des deuxime et troisimerequrants.
Article 14Dans son arrt de Chambre la Cour a estim,eu gard sa
conclusion de violation de larticle 2du Protocole n1 combin avec
larticle 9, quilny avait pas lieu dexaminer laffaire sous langlede
larticle 14.Aprs avoir rappel que larticle 14 na pasdexistence
indpendante puisquil vautuniquement pour la jouissance des droits
etliberts garantis par les autres dispositions dela Convention et
de ses Protocoles, la Grandechambre juge qu supposer que les
requrantsentendent dnoncer une discrimination dansla jouissance des
droits garantis par les articles 9et 2 du Protocole n1, elle ne
voit l aucunequestion distincte de celles quelle a djtranches sur
le terrain de larticle 2 du Protocolen1. Il ny a donc pas lieu
dexaminer cette partiede la requte. []
Notes :1 - Les deuxime et troisime requrants : dans sa requte,
larequrante indique agir en son nom ainsi quau nom de ses
enfantsalors mineurs, Dataico et Sami Albertin. Devenus entre-temps
majeurs,ces derniers ont confirm vouloir demeurer requrants.2 -
Article 118 du dcret royal n965 du 30 avril 1924 (rglement
intrieurdes tablissements dinstruction moyenne) et article 119 du
dcretroyal n1297 du 26 avril 1928 (approbation du rglement gnral
desservices denseignement primaire).3 - Arrts Kjeldsen, Busk Madsen
et Pedersen c. Danemark du7 dcembre 1976 ( 50), Valsamis c. Grce du
18 dcembre 1996 ( 27),Hasan et Eylem Zengin c. Turquie du 9 octobre
2007 ( 49) et Folgeret autres c. Norvge, arrt de Grande chambre du
29 juin 2007 ( 84).4 - Voir 26 28 de larrt.5 - Folger et autres c.
Norvge, arrt de Grande chambre du 29 juin 2007 ;arrt de Chambre
Hasan et Eylem Zengin c. Turquie du 9 octobre 2007.
Libert de religionJurisprudence de la Cour Europenne
Lobligation de prter un serment religieuxBuscarini et autres c.
Saint-Marin(requte n24645/94)Arrt de Grande Chambre 18.02.1999Elus
au Parlement de Saint-Marin en 1993, lesrequrants dnonaient
lobligation qui leuravait t faite de prter serment sur les
Evangiles,sous peine de dchance de leur mandat deparlementaire, ce
qui dmontrait, daprs eux,que lexercice dun droit politique
fondamentaltait subordonn, lpoque des faits, laprofession publique
dune religion dtermine.La Cour a conclu la violation de larticle 9
dela Convention europenne des droits delhomme (libert de pense, de
conscience etde religion). Elle a dit en particulier quelobligation
de prter serment ntait pas
ncessaire dans une socit dmocratique la poursuite de lun des
buts noncs larticle9 2, jugeant contradictoire de
soumettrelexercice dun mandat qui vise reprsenter ausein du
parlement diffrentes visions de lasocit la condition dadhrer au
pralable une vision dtermine du monde.
Alexandridis c. Grce (n19516/06)Arrt de chambre 21.02.2008M.
Alexandridis fut nomm avocat auprs dutribunal de premire instance
dAthnes etprta serment en novembre 2005, conditionrequise pour
lexercice de ses fonctions. Il all-guait avoir t oblig de rvler,
lors de la pro-cdure de prestation de serment profession-nel, quil
ntait pas chrtien orthodoxe afin depouvoir prononcer une dclaration
solen-nelle, puisquil nexistait quun texte standardpour la
prestation de serment. La Cour a conclu la violation de larticle
9,estimant que cette obligation avait portatteinte la libert de M.
Alexandridis de ne
pas tre contraint de manifester ses convic-tions
religieuses.
Lindication obligatoire de lappartenance religieusesur les
documents officielsSinan Isik c. Turquie (n21924/05)Arrt de chambre
02.02.2010M. Iik, de confession alvie, demanda en vainen justice en
2004 le remplacement de lamention islam par le terme alvi sur
sacarte didentit. Jusquen 2006, ce documentindiquait en effet
obligatoirement la religion deson dtenteur ; depuis 2006, il est
possible dedemander que la rubrique religion soit laissevide. Sa
demande fut rejete au motif que leterme alvi ne dsignait quun
sous-groupeau sein de lislam et que ctait donc juste titreque la
carte didentit indiquait islam .La Cour a conclu la violation de
larticle 9, nonen raison du refus dindiquer la confession
durequrant (alvie) sur sa carte didentit maisdun problme tenant la
mention mme -quelle soit obligatoire ou facultative - de la
D.R
.D
.R.
-
religion sur la carte didentit. Elle a soulignque la libert de
manifester sa religioncomportait un aspect ngatif, savoir le
droitde ne pas tre oblig de rvler sa religion.
Wasmuth c. Allemagne (n12884/03)Arrt de chambre 17.02.11
Laffaire concernait le systme allemand deprlvement de limpt
cultuel. M. Wasmuthdemanda en vain aux autorits de lui dlivrerune
fiche dimposition qui nindiquait pas sanon-appartenance une socit
religieusehabilite lever limpt cultuel. Il allguaitdevant la Cour
que cette information obligatoiresur sa fiche dimposition emportait
notammentviolation des articles 9 et 8 (droit au respect dela vie
prive et familiale).
La Cour a conclu la non-violation des articles8 et 9. Elle a
estim quil y avait eu une ingrencedans lexercice par M. Wasmuth de
ses droitsgarantis par ces deux dispositions, mais quelingrence
poursuivait le but lgitime consistant garantir aux Eglises et
socits religieuses ledroit de lever limpt cultuel. En outre, elle
ajug lingrence proportionne ce but, tantdonn que la mention dnonce
navait quuneporte informative limite relativement auxconvictions
religieuses ou philosophiques deM. Wasmuth puisquelle indiquait
seulementau fisc quil nappartenait pas lune des Eglisesou socits
religieuses habilites lever limptcultuel et exerant ce droit en
pratique.
Lobjection de conscienceThlimmenos c. Grce (n34369/97)Arrt de
Grande Chambre 06.04.2000M. Thlimmenos, tmoin de Jhova, futcondamn
au pnal pour avoir refus desenrler dans larme une poque o la
Grcenoffrait pas aux objecteurs de conscience ledroit daccomplir un
service civil enremplacement du service militaire. Quelquesannes
plus tard, les autorits refusrent de lenommer un poste
dexpert-comptable enraison de sa condamnation, malgr son
excellentclassement au concours pour cette fonction.La Cour a
conclu la violation de larticle 14(interdiction de la
discrimination) combin aveclarticle 9, estimant que lexclusion deM.
Thlimmenos de la profession dexpert-comptable tait disproportionne
au butpoursuivi, savoir punir en consquence lespersonnes qui
refusent de servir leur pays,puisquil avait dj purg une
peinedemprisonnement pour cette infraction.
Bayatyan c. Armnie (n23459/03)Affaire pendante devant la Grande
chambreM. Bayatyan, tmoin de Jhovah, refusadeffectuer son service
militaire pour des raisonsde conscience lorsquil fut appel sous
lesdrapeaux en 2001, mais dclara tre prt effectuer un service civil
de remplacement. Lesautorits linformrent qutant donn labsencede loi
en Armnie prvoyant un service deremplacement il tait tenu de servir
dans
larme. M. Bayatyan fut reconnu coupable destre soustrait ses
obligations militaires etcondamn une peine demprisonnement.
Ilvoyait dans sa condamnation une violation deses droits garantis
par larticle 9 et soutenait quecette disposition devait tre
interprte lalumire des conditions actuelles, la majorit desEtats
membres du Conseil de lEurope ayantdsormais reconnu le droit
lobjection deconscience.Dans larrt de chambre quelle a rendu le27
octobre 2009, la Cour a conclu la non-violation de larticle 9. Le
10 mai 2010, laffairea t renvoye devant la Grande chambre lademande
du requrant. La Grande chambre atenu une audience le 24 novembre
2010.
La reconnaissance par lEtat de communautsreligieuses ou de leurs
reprsentants Hassan et Tchaouch c. Bulgarie (n30985/96)Arrt de
Grande chambre 26.10.2000M. Hassan fut lu grand mufti de
lacommunaut musulmane bulgare en 1992.Avec un autre membre de la
communaut, il seplaignait qu la suite dun conflit au sein de
celle-ci en 1994-1995 quant son dirigeant, leGouvernement le
remplaa par un autrecandidat qui avait exerc ces
fonctionsprcdemment.La Cour a conclu la violation des articles 9
et13 (droit un recours effectif ), estimant quelEtat stait ingr
dans les affaires internes dela communaut religieuse, en favorisant
unefaction et en excluant totalement la directionreconnue
jusqualors.
Eglise mtropolitaine de Bessarabie et autresc. Moldova
(n45701/99)Arrt de chambre 13.12.2001Les autorits refusrent de
reconnatre lEglisemtropolitaine de Bessarabie, une Egliseorthodoxe,
au motif quelle stait spare delEglise mtropolitaine de Moldova, qui
elletait reconnue par lEtat. LEglise mtropoli-taine de Bessarabie
et un certain nombre depersonnes ayant des fonctions dans
cetteEglise dnonaient le refus, car seuls les cultesreconnus par
lEtat pouvaient tre pratiqussur le territoire moldave.Constatant en
particulier qutant donn quelEglise requrante ntait pas reconnue,
sesprtres ne pouvaient pas officier, ses membresne pouvaient pas se
runir pour pratiquer leurreligion et, tant dpourvus de la
personnalitmorale, elle ne pouvait pas bnficier de laprotection
juridictionnelle de son patrimoine,la Cour a conclu la violation de
larticle 9. Ellea estim en outre que les requrants navaientpas t en
mesure dobtenir devant une instancenationale le redressement de
leur grief, enviolation de larticle 13.
Le port de vtements religieuxet laffichage de symboles
religieuxDahlab c. Suisse (n42393/98)Dclare irrecevable
15.02.2001Mme Dahlab, institutrice qui stait convertie lIslam,
dnonait la dcision de la direction delcole de lui interdire de
porter le foulardpendant quelle enseignait, qui fut confirmepar le
Tribunal fdral en 1997. Elle avaitauparavant port le foulard lcole
pendantplusieurs annes sans avoir caus de troublemanifeste.
La Cour a dclar la requte irrecevable,estimant que la mesure
ntait pas draisonnable,compte tenu en particulier du fait que
lesenfants dont Mme Dhalab avait la charge entant que reprsentante
avaient entre quatre ethuit ans, ge auquel les enfants taient
plusfacilement influenables que des lve plus gs.
Leyla Sahin c. Turquie (n44774/98)Arrt de Grande chambre
10.11.2005Issue dune famille traditionnelle pratiquant lareligion
musulmane, Mme ahin estimait quelleavait lobligation religieuse de
porter le foulardislamique. Elle dnonait une circulaire adopteen
1998, alors quelle tait tudiante la facultde mdecine dIstanbul,
interdisant auxtudiantes de porter le foulard en cours oupendant
les examens, ce qui lavait finalementamene quitter le pays pour
poursuivre sestudes en Autriche.La Cour a conclu la non-violation
de larticle 9,estimant que lingrence dans lexercice par Mmeahin de
son droit de manifester sa religion avaitune base lgale en droit
turc, la Courconstitutionnelle turque ayant antrieurementjug le
port du foulard dans les universitscontraire la Constitution. La
requrante auraitdonc pu prvoir, ds son entre luniversit,que le port
du foulard islamique par lestudiantes tait rglement dans
lespaceuniversitaire et, partir de la date de lannoncede cette
rglementation, quelle risquait de sevoir refuser laccs aux cours et
aux examens sielle persistait le porter. Compte tenu de lamarge
dapprciation dont jouissent les Etats enla matire, la Cour a en
outre dit que lingrencepouvait passer pour ncessaire dans unesocit
dmocratique au regard de larticle 9 2.En particulier, elle a
considr quon ne pouvaitfaire abstraction de limpact que pouvait
avoirle port de ce symbole, souvent prsent ou perucomme une
obligation religieuse contraignante,sur ceux qui ne le portaient
pas.
El Morsli c. France (n15585/06)Dclare irrecevable 04.03.2008Mme
El Morsli est une ressortissante marocainemarie un ressortissant
franais. Elle se vitrefuser un visa dentre en France, au
motifquelle navait pas accept de retirer son voileafin de se
soumettre un contrle didentit parun agent masculin au consulat
gnral de France Marrakech. Elle allguait la violation de sesdroits
garantis par les articles 9 et 8.La Cour a dclar la requte
irrecevable,estimant en particulier que les contrlesdidentit
effectus dans le cadre de mesures descurit dun consulat gnral
poursuivaient lebut lgitime de la scurit publique et quelobligation
faite Mme El Morsli de retirer sonvoile tait limite dans le
temps.
Dogru c. France (n27058/05) et Kervancic. France
(n31645/04)Arrts de chambre 04.12.2008Les requrantes, toutes deux
musulmanes,taient scolarises dans une classe de siximedun collge
public en 1998-1999. A plusieursreprises, elles se rendirent au
cours dducationphysique et sportive la tte couverte etrefusrent
denlever leur foulard, malgr lesdemandes rptes de leur professeur.
Leconseil de discipline du collge prononalexclusion dfinitive des
requrantes pour non-
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Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21 7
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respect de lobligation dassiduit, en raison delabsence de
participation active des intresses des sances dducation physique
sportive.Cette dcision fut confirme par les tribunaux.Dans les deux
affaires, la Cour a conclu lanon-violation de larticle 9, estimant
en parti-culier que la conclusion des autorits natio-nales selon
laquelle le port dun voile, tel que lefoulard islamique, ntait pas
compatible avecla pratique du sport pour des raisons de scu-rit ou
dhygine, ntait pas draisonnable.Elle a admis que la sanction
inflige ntait quela consquence du refus des requrantes de
seconformer aux rgles applicables dans len-ceinte scolaire dont
elles taient parfaitementinformes et non, comme elles le
soutenaient,en raison de leurs convictions religieuses.
Aktas c. France (n43563/08), Bayrak c. France(n14308/08),
Gamaleddyn c. France(n18527/08), Ghazal c. France (n29134/08),J.
Singh c. France (n25463/08) et R. Singh c.France (n27561/08)Dclares
irrecevables 30.06.2009Les requtes concernaient lexclusion de
sixlves de leur tablissement scolaire en raisondu port de signes
ostensibles dappartenancereligieuse. Ils taient inscrits pour lanne
sco-laire 2004-2005 dans diffrents tablissementsscolaires publics.
Le jour de la rentre, lesjeunes filles, de confession musulmane, se
pr-sentrent avec les cheveux couverts dun voileou dun autre
couvre-chef. Les garons taienteux coiffs du keski , sous-turban
port parles Sikhs. Ayant refus de retirer ces acces-soires, les
lves se virent refuser laccs auxsalles de classe et, aprs une
priode de dia-logue avec les familles, furent exclus de
leurstablissements pour non-respect du Code delducation. Devant la
Cour, les requrants seplaignaient de linterdiction du port dun
cou-vre-chef impose par leurs tablissements sco-laires. Ils
invoquaient en particulier larticle 9.La Cour a dclar les requtes
irrecevables,estimant en particulier que lingrence danslexercice
par les lves de leur droit demanifester leur religion tait prvue
par la loiet poursuivait le but lgitime de la protectiondes droits
et liberts dautrui et de lordre public.Elle a rappel en outre le
rle de lEtat commeorganisateur neutre et impartial de lexercicedes
divers cultes, religions et croyances. Quant la sanction dexclusion
dfinitive, la Cour nela pas juge disproportionne, les lves ayanteu
la possibilit de poursuivre leur scolarit ausein dtablissements
denseignement distance.
Ahmet Arslan et autres c. Turquie (n41135/98)Arrt de chambre
23.02.2010Les requrants, 127 membres dun groupereligieux qui se
qualifie lui-mme dAczimenditarikat, se plaignaient de leur
condamnationen 1997 pour infraction la loi sur le port duchapeau et
la rglementation du port devtements religieux en public pour avoir
fait letour de la ville et avoir comparu en justice vtusde la tenue
caractristique de leur groupe(compose dun turban, dun sarouel,
dunetunique et dun bton).La Cour a conclu la violation de larticle
9,estimant en particulier que rien nindiquait queles requrants
avaient reprsent une menacepour lordre public ou quils avaient fait
acte deproslytisme en exerant des pressions abusives
sur les passants lors de leur rassemblement. Ellea soulign que
cette affaire concernait unesanction pour le port de tenues
vestimentairesdans des lieux publics ouverts tous, et non,comme
dans dautres affaires dont elle avait eu connatre, la rglementation
du port desymboles religieux dans des tablissementspublics, o la
neutralit religieuse pouvaitprimer le droit de manifester sa
religion.
Requtes diriges contre la Suisse concernantlinterdiction de
construction de minaretsAprs la votation populaire tenue le 26
novem-bre 2009 en Suisse contre la construction deminarets, la Cour
a reu un certain nombre derequtes. Les affaires suivantes sont
pendantes :Association Ligue des Musulmans de Suisse etautres c.
Suisse (n66274/09)Communique au gouvernement suisse enmai
2010Ouardiri c. Suisse (n65840/09)Communique au gouvernement suisse
enmai 2010Baechler c. Suisse (n66270/09)Koella Naouali c. Suisse
(n1317/10)Al-Zarka c. Suisse (n9113/10)
Le proslytisme Kokkinakis c. Grce (n14307/88)Arrt de chambre
25.05.93M. Kokkinakis, tmoin de Jhovah, se plaignaitde sa
condamnation pnale pour proslytismepar les tribunaux grecs en 1988
pour avoirentam une discussion sur la religion avec unevoisine,
pouse dun chantre de lEgliseorthodoxe de la ville.La Cour a conclu
la violation de larticle 9,estimant quil navait pas t dmontr que
lacondamnation de lintress se justifiait par unbesoin social
imprieux. Elle a relev que lesjuridictions grecques staient
contentes dereproduire le libell de la loi frappant le pros-lytisme
dillgalit sans prciser suffisammenten quoi le prvenu aurait essay
de convaincreson prochain par des moyens abusifs.
Larissis et autres c. Grce(ns 23372/94, 26377/94 et
26378/94)Arrt de chambre 24.02.1998Officiers dans larme de lair
grecque et adeptesde lEglise pentectiste, les trois requrants
furentcondamns pour proslytisme par les tribunauxgrecs, par des
jugements devenus dfinitifs en
1992, aprs avoir tent de convertir un certainnombre de personnes
leur religion, notammenttrois soldats qui taient leurs
subordonns.La Cour a conclu la non-violation de larticle 9 raison
des mesures prises contre les requrantspour proslytisme envers des
membres delarme de lair, compte tenu de la ncessit pourlEtat de
protger de jeunes soldats contrelexercice de pressions de mauvais
aloi par dessuprieurs. Toutefois, elle a conclu la violationde
larticle 9 en raison des mesures prises contredeux des requrants
pour proslytisme enversdes civils, tant donn que ceux-ci navaient
past soumis des pressions et contraintes dumme ordre que celles
exerces sur les soldats.
La libert de religion et le droit linstructionFolgero et autres
c. Norvge (n15472/02)Arrt de Grande chambre 29.06.2007En 1997, les
programmes de lenseignementprimaire norvgien furent modifis,
deuxmatires distinctes - le Christianisme et laphilosophie de vie -
tant remplaces par unseul cours sur le Christianisme, la religion
et laphilosophie - le cours de KRL. Membres delAssociation
humaniste norvgienne, les
requrants tentrent en vain de faire dispensertotalement leurs
enfants des cours de KRL.Devant la Cour, ils allguaient en
particulier quele refus des autorits de dispenser totalementleurs
enfants du cours de KRL les avaitempchs dassurer ces derniers une
ducationconforme leurs convictions religieuses etphilosophiques.La
Cour a conclu la violation de larticle 2 duProtocole n1 (droit
linstruction), estimant enparticulier que le programme de KRL
accordaitun poids prpondrant au christianisme,considrant que dans
le primaire et le premiercycle du secondaire lenseignement
devaitcontribuer donner aux lves une ducationchrtienne et morale.
Elle a jug que lemcanisme des dispenses partielles taitsusceptible
de soumettre les parents concerns une lourde charge et au risque
que leur vieprive soit indment expose, et quil y avait deschances
que le conflit en germe les dissuade desolliciter de telles
dispenses. En mme temps, laCour a soulign que lintention qui avait
prsid la cration du cours, savoir que le faitdenseigner ensemble le
christianisme et les autresreligions et philosophies permettait
dtablir un
C
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ope
-
environnement scolaire ouvert accueillant tousles lves, tait
lvidence conforme auxprincipes de pluralisme et dobjectivit
consacrspar larticle 2 du Protocole n1.
Hasan et Eylem Zengin c. Turquie (n1448/04)Arrt de chambre
09.10.2007En 2001, M. Zengin demanda que sa fille, quitait
scolarise lcole publique dIstanbul, ftdispense du cours de culture
religieuse etconnaissance morale, indiquant que sa familleadhrait
la confession alvie. Sa demandeayant t rejete, il se plaignait de
la faon dontla culture religieuse et morale tait enseignedans les
tablissements scolaires publics, savoirdans une optique religieuse
qui louait latradition islamique dans sa conception sunniteet sans
aucune information dtaille concernantles autres religions.La Cour a
conclu la violation de larticle 2 duProtocole n1. Aprs avoir examin
les lignesdirectrices du cours de culture religieuse etconnaissance
morale mises par le ministreturc de lEducation nationale ainsi que
lesmanuels scolaires, elle a estim que leprogramme accordait une
plus large part laconnaissance de lislam qu celle des
autresreligions et philosophies et inculquait les grandsprincipes
de la religion musulmane, y comprisses rites culturels. Si les lves
chrtiens ou juifspouvaient tre dispenss du cours de
culturereligieuse et de morale, celui-ci tait obligatoirepour les
enfants musulmans, y compris pourceux de la branche alvie.
Appel-Irrgang c. Allemagne (n45216/07)Dclare irrecevable
06.10.2009Les requrants, une lve et ses parents,contestrent en 2006
une loi introduisant pourles lves des classes de la 7me la 10me
Berlinun cours dthique obligatoire, au motif que lecaractre lac de
cet enseignement heurtait leursconvictions protestantes. Ils
saisirent en vain laCour constitutionnelle. Invoquant larticle 9
de
la Convention et larticle 2 du Protocole n1, ilsallguaient que
le cours dthique obligatoiretait contraire au devoir de neutralit
de lEtat.La Cour a dclar la requte irrecevable, esti-mant en
particulier que, daprs les dispositionspertinentes de la loi en
question, le coursdthique avait pour objectif lexamen de ques-tions
dthique fondamentales, indpendam-ment des origines culturelles,
ethniques, reli-gieuses ou idologiques des lves, ce qui
taitconforme aux principes de pluralisme et dobjec-tivit consacrs
par larticle 2 du Protocole n1.
Des personnes employes par des Eglisesou des groupes
religieuxSchth c. Allemagne (n1620/03)Arrt de chambre 23.09.2010M.
Schth, qui tait organiste et chef de churdans une paroisse
catholique, se plaignait durefus des tribunaux dannuler son
licenciement,qui avait t prononc en 1998 au motif quilavait
enfreint le rglement de lEglise catholiquerelatif au service
ecclsial aprs stre spar deson pouse pour vivre avec une autre
femme.Il invoquait larticle 8.La Cour a conclu la violation de
larticle 8,estimant en particulier que les juridictionsallemandes
navaient pas mis en balance lesintrts de lEglise - sauvegarder sa
crdibilit -qui employait M. Schth et le droit de celui-ciau respect
de sa vie prive et familiale. La Coura en outre attach de
limportance au fait quunemploy licenci par une Eglise navait gure
depossibilit de retrouver un emploi.
Obst c. Allemagne (n425/03)Arrt de chambre 23.09.2010M. Obst,
qui fut directeur pour lEurope dudpartement des relations publiques
de lEglisemormone, se plaignait du refus des tribunauxdannuler son
licenciement en 1993 aprs quileut confi son directeur de conscience
quilavait une relation extraconjugale. Il invoquaitlarticle 8.
Contrairement laffaire de M. Schth (ci-des-sus), la Cour na pas
conclu la violation de lar-ticle 8, estimant que les juridictions
du travailstaient livres une mise en balance circons-tancie des
intrts en jeu. Les conclusions desjuridictions du travail selon
lesquelles le requ-rant navait pas t soumis des
obligationsinacceptables ntaient pas draisonnables,tant donn que
lintress, pour avoir grandiau sein de lEglise mormone, devait
treconscient, lors de la signature du contrat detravail, de
limportance que revtait la fidlitmaritale pour son employeur et de
lincompa-tibilit de la relation extraconjugale quil avaitchoisi
dtablir avec les obligations de loyautaccrues quil avait contractes
envers lEglisemormone en tant que directeur pour lEuropedu
dpartement des relations publiques.
Siebenhaar c. Allemagne (n18136/02)Arrt de chambre 03.02.2011Mme
Siebenhaar, de confession catholique, futemploye par une paroisse
protestante commeducatrice puis fut mute la direction dunjardin
denfants. Elle se plaignait de son licen-ciement partir de 1999,
confirm par les juri-dictions allemandes du travail, au motif
quelletait membre active dune autre communautreligieuse (lEglise
universelle/ Fraternit delhumanit) et quelle proposait des cours
dini-tiation pour le compte de cette communaut.La Cour a conclu la
non-violation de larti-cle 9, estimant que les juridictions du
travailstaient livres un exercice circonstanci demise en balance
des intrts en jeu. Elle a jugraisonnable les conclusions de ces
juridictionsselon lesquelles le licenciement tait nces-saire pour
prserver la crdibilit de lEglise etque Mme Siebenhaar devait tre
consciente,lors de la signature de son contrat de travail,que ses
activits en faveur de lEglise univer-selle taient incompatibles
avec son engage-ment dans lEglise protestante.Source :
www.echr.coe.int 2011-154
8 Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21
Europe
Abattage rituel, financement des cultes,funrailles et
inhumations, jours fris,lacit, prescriptions alimentaires et
ves-timentaires, statut des communautsecclsiales...De lEurope lAsie
en passant par le continentamricain, lAfrique et lOcanie, ce
dictionnaire duDroit des Religions propose un panorama completde la
gestion du fait religieux par les pouvoirs publicstout en clairant
les relations tisses, au cours dessicles, entre droits
confessionnels propres chaque
religion, droits nationaux et droit international.Rdigs par les
meilleurs spcialistes franais ettrangers des religions -
thologiens, juristes, socio-
logues - les articles prsents ici offrent la fois uneprsentation
densemble, des perspectives compara-tives et des cls de
comprhension des dbats etenjeux actuels de la rgulation juridique
du phno-mne religieux.Ouvrage sans quivalent, ce dictionnaire du
Droit desReligions est un guide indispensable pour
comprendrelvolution actuelle des pratiques religieuses et leurprise
en compte par les autorits religieuses et lespolitiques publiques
la lumire du pluralismejuridique contemporain.800 pages - 39 - CNRS
Editions - 15, rue Malebranche - 75005 PARISwww.cnrseditions.fr
2011-155
Droit des Religionssous la direction de Francis Messner
Comprendre le fait religieux la lumire du droit :le dictionnaire
indispensable
Au fil des pages
-
Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21 9
Socit
Un projet de socitpar Jean-Paul Delevoye
M. le Prsident. Monsieur lePremier ministre, au nom duConseil
conomique social etenvironnemental et de lensemblede ses membres,
je vous souhaite la bienvenue.Nous sommes honors par cette
marquedintrt que vous nous manifestez et impatientsde vous
entendre.Grce la rvision constitutionnelle, souhai-te par le
Prsident de la Rpublique, porte etvote par votre gouvernement, nous
noussommes ouverts la jeunesse et lenvironne-ment, deux dfis
majeurs pour notre socit.Vous nous avez saisis, depuis le dbut de
cettenouvelle mandature, dj deux fois sur lesenjeux du
vieillissement et ceux de labiodiversit. Nous avons
immdiatementconstitu une commission ad hoc sur ladpendance qui
rendra ses conclusions en juin,
et conformment votre demande, nousanalyserons la question sous
tous ses aspects :conomiques, socitaux, dmographiques,financiers,
sanitaires, mais avec un seul objectif,peut-tre une seule
obsession, que cette rformevienne renforcer dans sa pertinence et
dans sesfondements notre pacte social de solidarit, afinque, sous
le choc des intrts catgoriels etgnrationnels, il nexplose pas, les
jeunes nevoulant pas apurer la dette ou supporter lacharge de leurs
ans tandis que ceux-ciexigeraient une amlioration de leur
conditionau mpris mme de lavenir de notre jeunesse.Il en est de mme
pour la biodiversit, olintrt de lun ne peut nier lintrt de
lautre,et lon voit bien quau moment du changement,mais Platon le
disait dj, si la socit volueselon la dictature des motions ou le
poids desintrts catgoriels, elle peut voluer vers latyrannie et
mettre mal notre pacte rpublicain.En parallle, Monsieur le Premier
ministre, noustravaillons une valuation des services publicsde
lemploi, rflchissons au parcours dudemandeur demploi, avec cette
question : nospolitiques publiques, bases sur
linclusion,nengendrent-elles pas, quelquefois, des systmes
dexclusion qui rendent plus dsesprs encorecelles et ceux qui
bnficient de ces politiquespubliques ?Nous nous interrogeons sur
les ingalits lcole. Nous tentons de dessiner, partir dun
questionnement sur le rle de lEtat, les nouvellesformes de
rgulation publique appeles par cettesocit qui volue rapidement et
profondmentet qui, aprs le basculement du tout collectif autout
libral, met laccent sur la pertinence de largulation publique au
sein des forces mondiales,europennes et nationales.Nous avons engag
un chantier sur la poli-tique agricole et rflchissons aux
bouleverse-ments structurellement trs lourds qui vontcompltement
modifier notre Nation, ladmographie, lintgration, lducation,
lesnouvelles croissances, lamnagement urbain.Nous sommes aujourdhui
en tat de marche.Monsieur le Premier ministre, vous avez fait
lechoix du courage, de la lucidit, de la franchise,en assumant,
voire mme en revendiquant, lamatrise des dpenses et des dficits
publics.Mais la contrainte de la dette ne doit pas rduiremais
dcupler notre capacit de penser. Laguerre des monnaies est ouverte,
ainsi que celledes matires premires et des terres arables, afinde
prserver les esprances de croissance et dedveloppement des
richesses. Mais aujourdhuiles victimes ne restent pas muettes et
sontsusceptibles de rvolte.
Apaiser les marchs, cest bien, mais apaiser lesinquitudes des
peuples, cest mieux.Vous devez trouver un quilibre difficile
entrela ncessaire rigueur et lindispensable crois-sance, un
quilibre fragile entre les dcisions
Conseil Economique, Socialet EnvironnementalSance plnire -
Paris, 22 fvrier 2011
Le Premier Ministre, rpondant l'invitation de son nouveau
prsident Jean-Paul Delevoye sest rendu le 22 fvrier dernierdans
l'hmicycle du Palais d'Ina prsenter son ambition pour le Conseil
conomique, social et environnemental. FranoisFillon a d'abord
rappel l'importance qu'il souhaitait donner au CESE dans le nouveau
paysage institutionnel dessin parla rvision constitutionnelle de
2008. C'est cette mme rvision constitutionnelle qui a ouvert le
CESE aux reprsentants dela jeunesse et de l'environnement et qui a
largi ses modes de saisine aux saisines parlementaire et
citoyenne.Le Premier Ministre a insist sur les fonctions d'clairage
et d'valuation des politiques publiques qu'il souhaite que le
CESEs'approprie et sur le rle que ce dernier devra jouer dans la
prioritaire et ncessaire rnovation de notre modle social.Il a enfin
annonc de nouvelles saisines et chantiers de rflexion pour le CESE
qui devront tre prochainement prciss et acts :- la mobilit des
jeunes : internationale, gographique, professionnelle mais aussi
sociale, culturelle,- la comptitive conomique de la France et son
ventuel dcalage par rapport ses partenaires, notamment
l'Allemagne,- l'avenir de la protection sociale et notamment la
rpartition entre solidarit nationale et protection sociale
complmentaire.Ces annonces interviennent aprs les saisines
officielles sur la dpendance et sur la biodiversit sur lesquelles
le Conseilconomique, social et environnemental a dj commenc
travailler pour un rendu courant juin.
Nous sommes prts rflchir au nouveau mode degouvernance car vous
ne pourrez pas construire une responsabilitcollective sur des
irresponsabilits individuelles et chacun doit sesentir acteur,
mobilis sur la russite collective.Jean-Paul Delevoye
Phot
o
Jea
n-R
en
Tanc
rde
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hone
: 01
.42.
60.3
6.35 Jean-Paul
Delevoye
-
court terme imposes par la gravit de lasituation, sans pour
autant, voire mme, aucontraire, ngliger une vision moyen et
longterme garante dune mobilisation pourconstruire notre
devenir.Nous avons trouver les leviers indispensa-bles afin de
conduire les changements quidoteront notre France des atouts
ncessaires,probablement en rflchissant aux modalitsdune nouvelle
gouvernance.Cest tout le charme de la politique que derendre
conciliable ce qui, a priori, ne lest pas,seulement aujourdhui, je
crois quil ne sagit plusseulement darbitrer des conflits dintrts
caril y a en jeu un projet de socit, un avenircommun, un potentiel
conflit des valeurs : ladignit de la personne humaine, le respect
desressources naturelles ne peuvent tre sacrifissur lautel de
lefficacit conomique, mme silefficacit conomique ne peut et ne doit
enaucun cas tre occulte.La crise est dans les ttes, certains ont la
peurau ventre, les ressorts citoyens sont fatigus. Il
parat quelques fois difficile de mobiliser nosconcitoyens vers
un projet collectif lorsquilsont un souci avec leurs projets
personnels. Tropde dcisions sont prises chaud, en raction des
motions. Il nous faut reconstruire oupartager des convictions afin
de retrouver legot et le sens de la mobilisation collective, dela
responsabilit et de la solidarit. Trop detactiques et de petits
calculs sur le court termeet pas assez de stratgies sur le long
termeexpliquent que la France rflchisse sur sacomptitivit avec des
dbats trs longs sur labase dune culture du conflit et pas assez
surcelle du dialogue et du consensus. On prfrela victoire
euphorisante dun jour sur sonadversaire la sage et patiente
construction delavenir dans la concertation.La France a dindniables
atouts, mais condition que les Franais ne baissent pas lesbras. La
France a une puissance collective mais quoi sert-elle si nous
tirons plus de profit duconflit que du consensus ?Je suis de ceux
qui pensent quil nous faut
absolument retrouver le sens du politique, lesens du
syndicalisme, comme engagement pourun projet de socit et non pas
pour la conqutedun pouvoir court terme.Une action publique sans me,
une socitdpourvue de sens, une lite qui naurait pas devision
nengendrent pas pour autant un peuplesans action. Les Franais
croient en eux titreindividuel, et pourtant, ils croient moins en
leurdestin collectif. Ils sont orphelins des valeurs dela Rpublique
mais ne souhaitent pas toujoursles appliquer eux-mmes.Nous avons
besoin aujourdhui dun projet desocit, dune vision, dont je suis
persuad que,sans elle, peu desprance pourrait advenir, et
les-prance est le ressort ncessaire de la croissance.Nous sommes
prts rflchir au nouveaumode de gouvernance car vous ne pourrez
pasconstruire une responsabilit collective sur desirresponsabilits
individuelles et chacun doit sesentir acteur, mobilis sur la
russite collective.Nous devons aussi tenter de peser sur ce
jeupolitique qui, trop souvent, privilgie laconqute de pouvoirs au
prix de reniements oudu sacrifice de convictions, enrls dans
uneentreprise de sduction sans limite o un lec-teur de gagn compte
plus quun citoyen perdu.Le Conseil conomique social et
environne-mental mesure sa responsabilit en vousoffrant, Monsieur
le Premier ministre, sontemps - nous avons un mandat de cinq ans
-,son recul, son indpendance, son expertise,son interactivit
permanente avec lescitoyens. Vous avez souhait, pour le pays,
uneanne utile ; nous voulons tre utiles par lapertinence de nos
avis, mais aussi de nos ques-tionnements, par notre capacit
anticiperlavenir et sensibiliser nos citoyens sur lesenjeux de
demain.Monsieur le Premier ministre, nous vousproposons cet espace
o lensemble desmembres du Conseil peuvent vous aider chapper la
dictature du court terme, prfrer la stratgie la tactique, prfrer
lesconvictions aux calculs.
10 Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21
Socit
Rnover notremodle socialpar Franois Fillon
[]
Lordre du jour de vos travaux tmoignede votre volont dtre en
prise directeavec les grands problmes de notresocit.Le gouvernement
vous a saisi de deux sujetsdimportance : la dpendance et la
biodiver-sit.Ce nest quun dbut, car la rnovation denotre modle
social doit tre notre priorit.Si nous avons amorti le choc de la
crise, cestgrce la force de notre modle social.Mais pour assurer sa
prennit, ce modledoit voluer.Il doit voluer, parce quil est dfi, de
lext-rieur, par la mondialisation qui nous offre deformidables
opportunits, mais rduit nosmarges de progression conomique et
nousoblige prendre garde nos dpenses et nossources de
financement.
Il doit voluer, parce quil est dfi, de lint-rieur, par lvolution
de la socit, qui se carac-trise par des parcours individuels de
plus enplus varis, mais aussi de plus en plus fragiles.Vous
connaissez le paradoxe auquel nous fai-sons face.Rares sont les
Etats qui prsentent un systmede protection sociale aussi complet
que le ntre.Mais rares sont les socits o le sentimentdinquitude
face lavenir est aussi fort quedans la ntre.Jean-Paul Delevoye le
remarquait dans le rap-port 2009 quil prsentait comme Mdiateurde la
Rpublique : Face la dtresse - disiez-vous - dun nombrecroissant de
citoyens au parcours de vie mar-qu par des ruptures
professionnelles, fami-liales, gographiques, les rponses de la
sociten termes de politiques de solidarit [] fontmontre dune
efficacit dclinante. Nos concitoyens sont partags entre
laconscience que le renouveau est ncessaire etla crainte que notre
systme de protection soitbranl par ce renouveau.Face au changement,
linquitude est compr-hensible.
Mais ce nest pas le changement qui compro-met notre modle social
: cest linertie, cestlimmobilisme, cest la peur face aux dfis
quildoit relever de toutes parts.Nous devons rpondre aux urgences
dumoment, nous devons aussi rflchir lavenirde ce modle sous peine
de voir notre pacterpublicain se fissurer.Rnover notre modle
social, cest dabord ces-ser dopposer la prservation de son
hritageet la lutte contre les dficits publics.Nous ne pouvons
continuer demprunter tantet plus sur les marchs en renvoyant la
detteaux gnrations futures.Nous ne pouvons accepter de voir se
rduirenotre souverainet budgtaire qui est nces-saire la dfinition
dune politique socialecohrente.Nous ne pouvons pas laisser croire
qu'il fautdpenser toujours plus pour vivre mieux,alors que nous
devons dpenser mieux pouradapter notre modle social aux besoins
d'au-jourd'hui.C'est pourquoi, avec le Prsident de laRpublique,
nous avons souhait inscrire dansla Constitution le principe du
retour l'quili-
-
Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21 11
Socit
bre de nos finances publiques.Le conseil d'Etat a t saisi cette
semaine duprojet de texte qui sera dbattu dans les pro-chaines
semaines au Parlement.Rnover notre modle social, cest
galementrenforcer la lgitimit du dialogue social encessant de lui
opposer la lgitimit politique.Nous avons choisi de moderniser
notredmocratie sociale.Nous avons voulu redonner toute son
impor-tance la ngociation collective en renforantla lgitimit de nos
organisations syndicales.Avec la loi du 20 aot 2008, nous avons mis
unterme aux rgles obsoltes de la reprsentati-vit des organisations
syndicales de salaris.Celle-ci sapprcie dsormais en priorit
parleurs rsultats aux lections professionnelles.On se rappelle que
la contribution de votreconseil avait t dcisive dans ce
chantier.Des partenaires sociaux plus forts dveloppe-ront la
culture du dialogue, le sens de la ngo-ciation et du compromis.Et
les salaris sauront quils peuvent leur faireconfiance pour ngocier
les rformes nces-saires au bnfice de tous.Bien sr cela ne signifie
pas quil ny aura plusde conflit social, cela ne signifie pas quil
nyaura plus de divergences dintrt, mais celasignifie que nous
aurons les moyens de mieuxles rguler.La prochaine tape devra tre la
rvision desrgles de la reprsentativit patronale.Je suis sr que l
aussi nous saurons ensembledpasser les conservatismes.Rnover notre
modle social, cest aussi enfinir avec lopposition absurde entre
solidaritet comptitivit.Cest miser sur le travail, parce quil
fautdabord produire des richesses pour pouvoirles partager, et
parce que cest lemploi quireste la meilleure protection contre les
nou-velles formes de vulnrabilit sociale.Nous devons travailler
plus, travailler pluslongtemps, tre plus nombreux travailler !La
lutte contre le chmage est au cur de nosefforts.Nous les ciblons en
direction de ceux qui sontles plus touchs : les jeunes, les chmeurs
delongue dure, les seniors.Pour dvelopper lemploi des jeunes,
nousdonnons la priorit au dveloppement de lal-ternance.Au plus fort
de la crise, nous avons mis enplace des mesures exceptionnelles qui
ontdonn des rsultats : le nombre de jeunes au
chmage a baiss de 5% ces 12 derniers mois.Mais naturellement
nous devons aller beau-coup plus loin.Cest pourquoi nous prparons
des rformesstructurelles de lalternance, qui reste la
voiedinsertion professionnelle durable la plussolide.Pour enrayer
la progression du chmage delongue dure, nous misons sur les
contratsaids qui permettent de rester en contact avecle monde du
travail ou de renouer avec lui.Voil pourquoi nous avons dgag une
enve-loppe complmentaire de 50 000 nouveauxcontrats, et nous les
recentrons en faveur despersonnes les plus en difficults.Pour
encourager lemploi des seniors, lesentreprises et les branches ont
dsormaislobligation de mettre en place des accords oudes plans
daction spcifiques.Nous accorderons la plus grande attention leur
mise en uvre et je nhsiterai pas agircontre ceux qui resteraient en
arrire.Est-ce l renouer avec des formes anciennesde traitement
social du chmage, comme cer-tains veulent le faire croire ?Je ne le
crois pas, parce que ce nest pas lassis-tanat qui est au principe
de notre action, cestlinsertion et le retour lemploi.Je ne le crois
pas, parce que notre philosophieest de rendre notre modle social
plus favora-ble lemploi, et non de le considrer comme
un systme de protection qui serait enquelque sorte parallle au
march du travail.Cest pourquoi la rnovation de notre modlesocial
implique davancer sur la flexscu-rit , ncessaire la continuit des
parcoursprofessionnels qui sont marqus par unediversification plus
grande quautrefois.Comptitivit et solidarit doivent tre lies,parce
que la comptitivit doit nous permet-tre de financer la solidarit,
et parce que lasolidarit doit tre oriente vers le dveloppe-ment de
la formation et de lactivit.Notre ambition fondamentale, cest de
renfor-cer la comptitivit de notre conomie pourdvelopper
lemploi.Cest dans cet esprit que nous avons, depuis2007, relanc
linnovation, dfiscalis lesheures supplmentaires, dcid dun
ambi-tieux programme dinvestissements davenir,rform le crdit dimpt
recherche et sup-prim la taxe professionnelle.Nous devons
poursuivre nos efforts et pour lefaire nous avons besoin de votre
expertise.Vous pourrez en particulier nous clairer surles volutions
respectives de la France et deses principaux partenaires - et
notammentlAllemagne - en identifiant lorigine des cartset en
suggrant des orientations pour leredressement de notre
comptitivit.Aprs une anne de rcession, la croissance delconomie
franaise a atteint 1,5% en 2010,conformment nos prvisions, et
nous
maintenons notre objectif de 2% en 2011.Quil sagisse de la
consommation, de la pro-duction ou des anticipations des
entrepre-neurs, les indicateurs sont bien orients etnous entamons
lanne 2011 avec un lanfavorable.Les mauvais chiffres du chmage en
novem-bre et en dcembre sont certes une mauvaisenouvelle.Mais il ne
faut pas y voir un retournement detendance dfavorable aprs le
redressementprogressif du march du travail constat en2010.Une
baisse du chmage en 2011 est un objec-tif la porte de notre
conomie.Rnover notre modle social, cest rtablir laconfiance dans
lgalit des chances et la pro-motion sociale.Cest vrai avant tout
pour notre jeunesse.Nous entendons ses inquitudes, mais nousdevons
aussi prendre la mesure de son ner-gie, de sa capacit renouveler
notre socitet dessiner notre avenir.Au centre des aspirations de la
jeunesse, il y avidemment lemploi qui dpend largementde la
formation.Cest pourquoi nous avons lanc le chantier dela lutte
contre le dcrochage scolaire, cestpourquoi nous avons aussi engag
la mise enplace dun vritable service public de lorienta-tion.
Mais lemploi nest pas tout.Nous devons aussi rpondre la volont
den-gagement et douverture internationale quicaractrise la
jeunesse.Avec le plan Agir pour la jeunesse , nousavons mis en
place le service civique.Mais nous devons aller plus loin.Cest
pourquoi jai dcid de vous saisir dunerflexion sur les moyens
dencourager lamobilit des jeunes, que cette mobilit
soitinternationale, territoriale, sociale, culturelleou
professionnelle.Rnover notre modle social, cest enfin red-finir
notre systme de protection sociale pourlui permettre de faire face
aux nouveaux dfisqui se posent nous.Je saisirai votre assemble sur
cette questioncentrale : quelle devra tre la part de la solida-rit
nationale et celle de la protection socialecomplmentaire ?Il ne
sagit pas dopposer les deux aspects, carcette protection
complmentaire peut trecollective et faire appel des mcanismes
desolidarit professionnelle ou interprofession-nelle.De la mme
manire, nous devons nous poserla question des droits mais aussi des
devoirs,car nous nous refusons confondre protec-tion sociale et
assistance.Enfin, se pose la question de la rgulation et dela
gouvernance. Je crois que lclairage quepourra apporter votre
assemble sera dter-
Nos concitoyens sont partags entre la conscience que lerenouveau
est ncessaire et la crainte que notre systme deprotection soit
branl par ce renouveau.Franois Fillon
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60.3
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Franois Fillon
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12 Les Annonces de la Seine - jeudi 31 mars 2011 - numro 21
Socit
minant pour nous guider dans les volutionsncessaires.Parmi les
grands dfis que doit relever notresocit, dans le cadre de cette
protectionsociale, il y a celui du vieillissement.Nous ne pouvons
ignorer cette mutationdmographique de grande ampleur et
sesconsquences.Nous avons dj commenc y rpondre enrformant notre
systme de retraites parrpartition, afin den assurer la prennit.Nous
devons aujourdhui traiter de front laquestion de la dpendance des
personnesges.Nous avons fait le choix de ne pas remettre plus tard
cette rforme et dexaminer toutesles options possibles.Nous aurons
prendre des dcisions coura-geuses, car laugmentation du cot de
ladpendance risque terme davoir un impactconsidrable sur nos
finances publiques.Mais les interrogations auxquelles nousaurons
rpondre dpassent le seul enjeufinancier.Comment vivre ensemble plus
longtemps ?Comment renouveler la solidarit entre lesgnrations, qui
est lun des fondements denotre pacte rpublicain ?Comment faire du
vieillissement, non pas unecontrainte, mais une source dactivit,
dem-ploi et de croissance ?
Voil les questions sur lesquelles lexpertise devotre conseil
sera attendue.Les mmes principes doivent guider la redfi-nition de
notre politique de sant.Ici encore, 2011 sera une anne utile.Nous
donnerons une nouvelle impulsion lamdecine de proximit et la
mdecineambulatoire qui augmente les possibilits deprise en charge
domicile.Nous rformerons notre politique du mdica-ment pour que les
dysfonctionnements gravesrvls par laffaire du Mediator ne se
repro-duisent pas.Nous moderniserons notre politique de priseen
charge psychiatrique.Nous chercherons rpondre ds maintenantaux
questions majeures qui nous sont posespar lexigence du retour
lquilibre de lassu-rance-maladie.Comment dfinir un juste partage
entre assu-rance-maladie et protection complmentaire ?Comment, aprs
la cration des agencesrgionales de sant, continuer inscrire
notrepolitique de sant dans la diversit de nos ter-ritoires
?Comment moderniser notre systme de santtout en prservant son
excellence ?Comment gagner en efficacit sans rien per-dre en qualit
des soins ?La responsabilit de tous doit tre engage !Non seulement
pour traquer les fraudes, mais
aussi pour progresser sur la pertinence dessoins, en rduisant
les actes et les prescrip-tions inutiles et insuffisamment
justifis.La sant ne doit pas tre simplement peruecomme un secteur
de dpense.Elle doit tre aussi vue comme une source decroissance, un
moteur conomique quicontribue notre croissance.Nous aurons ainsi
mener bien le dploie-ment des 2,5 Md dinvestissements davenirdans
les secteurs de la sant.Nous ferons merger de nouveaux champs
dedveloppement conomique, je pense audomaine de la e-sant auquel
nous avonsdonn une impulsion forte en 2010 en fixant,enfin, le
cadre juridique de lactivit de tlm-decine.Je veux enfin voquer la
politique du handi-cap, laquelle votre Conseil a consacr denombreux
travaux.Nous aurons, en 2011, prparer une nouvelleConfrence
nationale du handicap, au coursde laquelle nous examinerons, en
particulier,la question de la scolarisation des enfants
han-dicaps.Mais nous devrons galement - six ans aprsla loi du 11
fvrier 2005 - redfinir nos ambi-tions pour aller encore plus loin
dans laccessi-bilit des lieux et linsertion professionnelledes
personnes handicapes. []
2011-156
Association Europenne des Barreauxdes Cours Suprmes XXme
anniversaire - Paris, 10 mars 2011
LOrdre des avocats au Conseil dEtat et la Cour de cassation a
organis le10 mars 2011 en partenariat aveclAssociation Henri
Capitant et laSocit de lgislation compare un colloque sur Le juge
de la cassation en Europe qui sesttenu dans le cadre prestigieux de
laGrandChambre de la Cour de cassation.Magistrats, universitaires
et avocats venusdAllemagne, de Belgique, dItalie, ou encore
desPays-Bas ont ainsi particip cette journe derflexion qui tait
organise en quatre tablesrondes prsides chacune par un
Premierprsident de Cour de cassation ou par sonreprsentant : Geert
Corstens, Premier prsidentde la Cour de cassation des Pays-Bas,
ErnestoLupo, Premier prsident de la Cour de cassationdItalie,
Christian Strok , Prsident de chambre la Cour de cassation de
Belgique, reprsentantle Premier prsident, et Klaus Tolksdorf,
Premierprsident de la Cour fdrale dAllemagne.Yves Bot, lavocat
gnral de la Cour de justicede lUnion europenne a galement livr
sespropres rflexions.Dans son discours d'ouverture le Prsident
delOrdre au Conseil dEtat et la Cour decassation Didier Le Prado a
expliqu les raisonsdu choix ce thme :
Les avocats aux Conseils, qui constituent lebarreau spcialis ddi
au deux juges decassation que sont le Conseil dEtat et la Cour
decassation sont bien sr persuads de lintrt dumodle franais pour un
accs clair, rgulieret effectif ces hautes juridictions.Mais, ils
sont galement persuads de la ncessitde confronter ce modle celui
dautres Etatsmembres de lUnion europenne.Pour Goethe : celui qui ne
connat pas leslangues trangres ne connat rien de sa
proprelangue.Nul doute que celui qui fut avocat auprs duTribunal
dEmpire et, avant cela - sorte depionnier du systme Erasmus -
tudiant en droitaux universits de Leipzig et de Strasbourg,
auraitpu dire la mme chose des modles juridiques.Lintrt dune telle
confrontation a, plusrcemment, t soulign lors dun colloqueorganis
le 5 mars 2010 Rome par la CorteSuprema di cassassione et par le
ConsiglioNationale Forenze, sur la rgulation de laccs aujuge de
cassation en Europe.Le 20me anniversaire de lassociation euro-penne
des barreaux de Cour suprme a tpour nous loccasion de poursuivre et
dlargir cedbat engag Rome ; cette association regrou-pant les
barreaux de Cours suprmes alle-
mands, belges et franais a en effet t cr il y amaintenant 20 ans
linitiative de lun de mesprdcesseurs, le Prsident Jacques
Bor.LEurope des juges est aujourdhui une ralit :les juges
nationa