BANQUE MONDIALE - Washington - Economie politique de la nutrition au Burkina Faso : Analyse de l’influence de l’engagement politique Consultante : Dr Nestorine COMPAORE Avril 2008 71391 Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized
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BANQUE MONDIALE
- Washington -
Economie politique de la nutrition au Burkina Faso : Analyse de l’influence
de l’engagement politique
Consultante :
Dr Nestorine COMPAORE
Avril 2008
71391
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TABLE DES MATIERES
Résumé 8
1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 13
1.1. Objectifs 13
1.2. Méthodologie 14
2. CONTEXTE GENERAL DU DEVELOPPEMENT AU BURKINA FASO 16
2.1. Les indicateurs sur la situation de la pauvreté 16
2.1.1. Données économiques 16
2.1.2. Du lien entre pauvreté, insécurité alimentaire et malnutrition 17
2.2. PROBLEMATIQUE DE LA MALNUTRITION AU BURKINA FASO : UN
PROBLEME STRUCTUREL ET CONJONCTUREL
18
2..1. Evolution des différentes formes de malnutrition chez les enfants et les femmes 18 2.2. 2. Données chiffrées sur les conséquences de la malnutrition 22
3. CONTEXTE GENERAL D’ELABORATION DES POLITIQUES
NUTRITIONNELLES AU BURKINA FASO
23
3.1. Diversité des perceptions de la nutrition au Burkina Faso 24
3.1.1. Perceptions de la nutrition au niveau du secteur de la santé 24
3.1.2. Perceptions de la nutrition au niveau du secteur agricole 25
3.1.3. Perception de la nutrition dans le secteur de l’éducation 26
3.1.4. Perceptions de la nutrition par les populations 26
3.2. Caractéristiques du contexte politique 28
3.2.1. Prise en compte de la nutrition dans le CSLP 28
3.2.2. Analyse de l’environnement politique 29
3.2.2.1. Le financement de la nutrition 29
3.2.2.2. Analyse de l’importance de la nutrition dans les dépenses publiques 30
3.2.2.3. La vision des planificateurs sur la nutrition 32
3.2.2.3. L’attention accordée aux personnes malnutries 33
4. QUELLE EST LA TRAJECTOIRE DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES
AU BURKINA FASO ?
34
4.1. La prise en compte de la nutrition dans les politiques, projets et programmes
sectoriels
34
4.1.1. Intégration de la nutrition au sein du ministère de la santé 35
4.1.2. Secteur du développement rural 48
4.1.3. La nutrition dans le secteur de l’éducation 52
4.2 : Les interventions des PTF et des organisations de la société civile 55
4.3. Les grandes tendances dans la trajectoire de la nutrition au Burkina Faso 62
4.3.1. Tournant 1 : Le faux départ 63
4.3.2. Tournant 2 : La relance manquée 66
4.3.3. Tournant 3 : La croisée des chemins 69
5. ANALYSE CRITIQUE DES FACTEURS DETERMINANTS DE L’ECHEC
DE L’INSTITUTIONNALISATION DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES
AU BURKINA FASO
71
5.1. La faute aux partenaires au développement ? 72
5.2. La faute de l’Etat et des Ministères impliqués ? 73
5.3. La faute aux nutritionnistes ? 73
6. STRATEGIES D’INTEGRATION DE LA NUTRITION DANS L’AGENDA 75
POLITIQUE AU BURKINA FASO
6.1 La démarche d’intégration de la nutrition dans l’agenda politique 75
6.2. Les stratégies des acteurs 76
6.3. Les stratégies qui ne marchent pas 80
6.4. Le processus d’institutionnalisation de la nutrition 80
6.5. Les leçons tirées des analyses 83
LISTE DES SIGLES ET ABBREVIATIONS
ABPAM Association Burkinabé pour la Promotion des aveugles et Malvoyants
ABSP Association Burkinabé de Santé Publique
AFD Agence Française de Développement
AME Association des Meres Educatrices
ANSA-B Association Burkinabé pour la Nutrition et la Sécurité Alimentaire
APE Association des Parents d’Elèves
BAD Banque Africaine de Développement
BM Banque Mondiale
CDMT Cadre des Dépenses à Moyen Terme
CES Conseil Economique et Social
CILSS Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel
CIN Conférence Internationale sur la Nutrition
CMA Centre Médical avec Antenne chirurgicale
CMV Complément Minéral et Vitaminique en test
CNCN Conseil National de Concertation sur la Nutrition
CNN Cellule Nationale pour la Nutrition
CNSA Conseil National de Sécurité Alimentaire
CONASUR Comité National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation
CPAF Coordonnateurs Provinciaux des Activités Féminines
CPN Consultation Pré-Natale
CREN Centre de Réhabilitation Nutritionnelle
CREPA Centre Régionale pour l’Eau Potable et l’Assainissement
CRS/BF Catholic Relief Service/ Burkina Faso
CSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté
CSPS Centre de Santé et de Promotion Sociale
DAAF Directeur Administratif et Financier
DAMSE Direction de l’Allocation des Moyens Spécifiques aux Ecoles
DEA Diplôme d’Etudes Approfondies
DEP Directeur des Etudes et de la Planification
DESS Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées
DGEP Directeur Général de l’Economie et de la Planification
DGPML Direction Générale de la Pharmacie, du Médicament et des Laboratoires
DGPSA Direction Générale des Prévisions et des Statistiques Agricoles
DGS Direction Générale de la Santé
DGSP Direction Générale de la Santé Publique
DHPES Direction de l’Hygiène Publique et de l’Education à la Santé
DLM Direction de la Lutte contre la Maladie
DN Direction de la Nutrition
DPAP Direction des Préventions et d’Alerte Précoce
DPV Direction de la Prévention par la Vaccination
DSA Direction des Statistiques Agricoles
DSF Direction de la Santé Familiale
DSME Direction de la Santé de la Mère et de l’Enfant
ECVBM Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages Burkinabé.
EDS Enquête démographique et Santé
EPA Enquête Permanente Agricole
FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
F CFA Franc de la Communauté Financière d’Afrique
FDC Fondation pour le Développement Communautaire
FEWS Net Famine Early Warning System Network
FIDA Fonds International de Développement Agricole
FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population
FS Formation Sanitaire
GRET Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques
HKI Helen Keller International
IEC Information Education Communication
INSERM Institut National de Santé et de Recherche Médicale
IPSR Intervention Prolongée de Secours et de Redressement
IRD Institut pour la Recherche et le Développement
IRSS Institut de Recherche en Sciences Sociales
LIPDHD Lettre d’Intention de Politique de Développement Humain Durable
LPDHD Lettre de Politique de Développement Humain Durable
LNSP Laboratoire National de Santé Publique
MAHRH Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques
MAE Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage
MAE Ministère des Affaires Étrangères
MEBA Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation
MESSRS Ministère des Enseignements secondaire supérieur et de la Recherche Scientifique
MMN Mortalité Maternelle et Néonatale
MMR Maternité à Moindre Risque
MPE Malnutrition Protéino-Energétique
MS Ministère de la Santé
MSF Médecin Sans Frontière
OCB Organisation communautaire de base
OGM Organisme Génétiquement Modifié
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
OMS Organisation Mondiale de la Santé
ONG Organisation Non Gouvernemental
ORANA Organisation de Recherche sur l’alimentation et la Nutrition en Afrique
OSC Organisation de la Société Civile
PADS Programme d’Appui aux Districts Sanitaires
PAM Programme Alimentaire Mondial
PAMER Programme d’appui au monde rural
PAMAC Programme d’Appui au Monde Associatif et Communautaire
PAMIR Développement Durable et Lutte contre la Pauvreté en Milieu Rural
PAPANAM Projet d’Appui aux Initiatives paysannes du Namentenga
PCIME Programme de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant
PDDEB Programme Décennal de Développement de l’Education de Base
PDSN Projet de Développement de la Santé et de la Nutrition
PDSS Projet de Développement des Services de Santé
PEV Programme Elargie de Vaccination
PIB Produit Intérieur Brut
PIP Plan d’Investissement Prioritaire
PMA Paquet Minimum d’Activités
PMI Programme de Protection Maternelle et Infantile
PN Praticiens de Nutrition
PNAN Plan National d’Action sur la Nutrition
PNDS Programme National de Développement Sanitaire
PNN Politique Nationale pour la Nutrition
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
SMI/PF Service de Santé Maternelle et Infantile/Planification Familiale
SNSA Stratégie Nationale de Sécurité Alimentaire.
SNU Système des Nations Unies
SODEPAL Société de développement des produits alimentaires
SP/CNLS Secrétariat Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida
SR Santé de la Reproduction
STA Service de Technologie Agro-alimentaire
STAN Service de Technologie Alimentaire et de Nutrition
TAP Treatment Acceleration Programme
TDR Termes De Référence
UE Union Européenne
UFR/LAC Unité de Formation et de Recherche/Langues, Arts et Communication
UFR/SVT Unité de Formation et de Recherche/ Sciences de la Vie et de la Terre
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
UNFPA United Nations Fund for Populations Activities
USD United States Dollar
USAID United States Agency for International Development
VIH Virus d’Immunodéficience Humaine
LISTE DES GRAPHIQUES
Titre Page
Graphique 1 : La malnutrition chronique : une situation nationale
sévère et supérieure au seuil critique de 30% de l’OMS 18
Graphique 2 : Disparités entre régions 19
Graphique 3 : Evolution de la malnutrition aiguë entre 1993 et 2003 20
Graphique 4 : Evolution de la malnutrition chronique entre 1993 et 2003 21
Résumé Le présent rapport porte sur l’étude de cas de l’influence de l’engagement politique sur
l’intégration de la nutrition dans les priorités de développement national au Burkina faso. Elle
s’inscrit dans le cadre d’une recherche comparative portant sur plusieurs pays francophones et
anglophones d’Afrique. L’étude a été mandatée et coordonnée par une équipe d’experts de la
Banque Mondiale avec l’appui d’experts nationaux chargés de faire les études par pays. Cette
recherche comparative part du constat que certains pays ont su mettre à profit les appuis reçus des
bailleurs de fonds pour bâtir au fil du temps des politiques durables de prise en charge de la
problématique de la malnutrition. Par contre, d’autres n’ont pas réussi à créer une telle
dynamique, de sorte que la malnutrition constitue aujourd’hui un problème grave à résoudre.
Dans le concept note de la présente étude, des suppositions fortes existent concernant l’impact de
l’engagement politique sur l’intégration de la problématique de la nutrition dans les politiques de
développement. Cette éventualité est considérée comme un des facteurs déterminants à l’origine
d’une amélioration significative des indicateurs de nutrition dans un pays. A contrario, l’absence
de cet engagement politique est perçue comme étant à l’origine de la prévalence de taux de
malnutrition très élevés qui traduisent la non intégration effective de la nutrition dans les priorités
de développement national. Le Burkina Faso est considéré comme étant un des pays n’ayant pas
réussi à intégrer la nutrition dans son agenda politique, cela se traduisant par un fort taux de
malnutrition (19%).
L’étude de cas s’inscrit dans la recherche d’un cadre de compréhension des facteurs de succès au
sein d’une même tradition culturelle et politique, capable d’apporter des indications plus
pertinentes aux autres pays francophones qui n’ont pas connu ce succès. Le mandat qui nous est
confié consistait à analyser les causes de l’échec des politiques publiques portant sur la nutrition
au Burkina Faso sur une période de temps donnée (19960-2008). L’objectif général de l’étude
était de générer un savoir basé sur des données concrètes pour permettre de comprendre les
facteurs essentiels de la non réussite des politiques nutritionnelles au Burkina Faso afin de
permettre de mieux concevoir et mettre en œuvre des stratégies et programmes qui induisent une
sorte d’engagement politique à long terme.
La méthodologie utilisée pour faire l’étude de cas de l’expérience du Burkina Faso est
conditionnée par la démarche globale de la recherche. Elle s’articulait autour de deux aspects
essentiels : i) La collecte des données sur l’histoire des politiques nutritionnelles dans le pays
dégager les grandes tendances de la trajectoire de la nutrition. ii) L’analyse des données pour
dégager les facteurs explicatifs permettant de comprendre la situation qui prévaut et les éléments
permettant de nuancer l’appréciation des constats. Les outils suivants ont été utilisés pour la
collecte des données : la revue de littérature, la revue documentaire, les interviews avec les
personnes ressources, les visites de terrain sur trois sites (Saaba, Ziniaré, Bobo-Dioulasso).
Au terme de l’étude, les données collectées permettent d’ajouter d’autres éléments de définition
de l’engagement politique en faveur de la nutrition à ce qui est proposé dans les TDR de l’étude.
L’engagement politique n’est pas une donnée automatique et systématique quand on parle de la
nutrition. Il émerge progressivement comme le résultat temporaire d’une conjonction de facteurs
favorables et défavorables. Il n’est pas acquis de façon permanente et définitive. Il est fluctuant
en fonction des facteurs politiques, techniques, économiques en présence et mérite d’être renforcé
continuellement par l’information et le dialogue politique. L’engagement politique est le résultat
d’une négociation permanente entre les acteurs clés, selon leurs intérêts du moment. Il est soumis
aux aléas politiques et conjoncturels du milieu liés à son environnement.
En s’appuyant sur cette vision du phénomène étudié, trois grandes tendances dans la trajectoire
historique de la nutrition au Burkina Faso ont été identifiées au terme de l’étude. On distingue
une longue période d’une trentaine d’années (1960-1990), marquée par des tâtonnements des
actions éparses et ponctuelles. Pendant cette période que nous qualifions de faux départ, les
acteurs n’avaient pas de stratégies explicites pour promouvoir l’intégration de la nutrition dans
l’agenda politique. En l’absence d’un corps de professionnels reconnu et ayant un statut, le
leadership technique n’était pas assuré et les financements disponibles n’étaient pas suffisants
pour des programmes structurants ayant une influence politique. A cause de la crise alimentaire
de la fin des années 1970, il y a eu des actions d’urgence, suivie d’une longue période de
relâchement.
La deuxième étape marquante de la trajectoire de la nutrition va de 1990 à 2004. Cette période est
marquée par des initiatives étatiques (sur financement de la Banque Mondiale et d’autres
partenaires) et de la part des nutritionnistes. Parmi les faits marquants on peut citer : la
participation du Burkina à la Conférence Internationale de Rome sur la Nutrition (1992);
l’élaboration et la mise en œuvre du premier plan national d’action national sur la nutrition
(PNAN), l’élaboration et la présentation de Profiles Burkina qui est une initiative concertée de
plaidoyer en faveur de la nutrition et enfin la création de la Direction de la Nutrition. Malgré ces
actions à portée politique, l’intégration de la nutrition dans l’agenda politique n’a pas eu lieu à
cause des problèmes d’ancrage institutionnel et d’une gestion inadéquate des ressources
humaines. Plusieurs initiatives réalisées pour l’intégration de la nutrition parmi les priorités
nationales n’ont pas abouti à cause des querelles de leadership institutionnel et le conflit
intergénérationnel qui ont favorisé la déperdition des ressources humaines qualifiées. On a assisté
donc à une relance manquée du processus d’intégration de la nutrition dans les politiques de
développement.
La troisième étape est en cours depuis 2005 et se manifeste par une mobilisation forte de
plusieurs acteurs clés en faveur de la nutrition. Le déclencheur de la prise de conscience a été
sans conteste la crise alimentaire au Niger en 2005. Malgré une dégradation progressive des
indicateurs nationaux de malnutrition depuis 1993, les autorités n’ont pas engagé des actions
fortes pour y remédier. En attirant l’attention sur la similitude de situation entre le Burkina Faso
et le Niger, l’UNICEF a été sévèrement contesté par l’Etat qui s’est résolu à se faire sa propre
opinion sur le sujet. L’évaluation conjointe réalisée en partenariat avec les PTF a confirmé la
gravité de la situation et incité l’Etat à prendre des mesures. Parmi ces mesures figurent la
création du Conseil National de Concertation pour la Nutrition et l’adoption de la première
Politique Nationale de Nutrition. On assiste conjointement à un momentum favorable au plan
international qui se traduit par une plus grande disponibilité de ressources financières pour
financer les activités de nutrition. Dans le contexte burkinabé, il s’agit d’une croisée des chemins
car c’est une occasion à ne pas manquer pour réellement mettre la nutrition au cœur de l’agenda
du développement national. Pour que les avancées positives puissent se concrétiser dans la durée,
il faut encore résoudre les problèmes d’ancrage institutionnel de la nutrition, renforcer les
capacités des ressources humaines en quantité et en qualité et assurer une mobilisation des
ressources financières pour des investissements à long terme. Il y a surtout une nécessité
d’adopter une approche communautaire dans les interventions à cause du caractère structurel de
la malnutrition mais aussi de la pauvreté qui touche une grande partie de la population.
En définitive, c’est seulement il y a quatre ans que l’amorce d’une intégration de la nutrition dans
les priorités politiques est observée. L’analyse comparative des facteurs favorables et
défavorables qui ont prévalu depuis les indépendances, permet de dire que tous les acteurs clés
ont une part de responsabilité dans la situation actuelle de la malnutrition. Dans leur démarche
d’appui, les partenaires techniques et financiers ont soutenu et entretenu les clivages entre les
secteurs et les ministères en plus de financer des actions éparses et sans continuité ni résultats
durables. Les décisions sur l’ancrage institutionnel de la nutrition n’ont pas été basées sur une
vision holistique du problème, ni sur des critères objectifs visant une plus grande efficacité des
actions à entreprendre. Puisque le pouvoir de décision au sein des ministères incombe à des
responsables qui ne sont pas spécialistes en nutrition, ils ont souvent fait des choix de réformes
organisationnelles et d’allocation budgétaire qui n’étaient pas favorables à l’intégration effective
de la nutrition au niveau sectoriel. Quand aux nutritionnistes, ils ont été pris au piège d’un jeu
politico-administratif dont ils n’avaient pas la maîtrise et la compréhension. Face aux difficultés
rencontrées pour valoriser la profession et assurer leur promotion, ils ont préféré des solutions
individuelles en omettant de créer des initiatives alternatives d’auto-promotion et de promotion
de la nutrition au plan national. La crise qui touche actuellement le corps des nutritionnistes et le
conflit intergénérationnel opposants les « jeunes » et les « anciens » n’est pas propice à la
production technique indispensable pour le plaidoyer auprès des décideurs politiques. Depuis les
années 1970 jusqu’à aujourd’hui, les nutritionnistes n’ont pas su dépasser les barrières
institutionnelles pour développer leur métier et fixer les balises nécessaires à la préservation des
standards de qualité dans la pratique.
Après ce tour d’horizon, les facteurs clés qui apparaissent essentiels à l’intégration de la nutrition
dans l’agenda politique du pays sont nombreux et nous en citons quelques uns :
- L’ouverture des autorités politiques est une condition de base pour qu’une quelconque
action soit entreprise à l’échelle nationale, même si elles ne s’impliquent pas activement
dans le processus au départ ;
- L’existence d’une cohérence et d’une complémentarité entre les politiques et programmes
de production agricole et alimentaire initiés dans le pays.
- L’existence d’un mécanisme de concertation intersectorielle est utile pour rassembler tous
les acteurs clés pour des actions concertées et harmonisées ;
- L’implication des principaux donateurs intervenants dans le domaine de la nutrition dans
un cadre de concertation globale capable d’engager un dialogue constructif et régulier
avec les autorités politiques du pays ;
- La disponibilité de ressources financières suffisantes est requise pour accompagner les
actions entreprises par l’état suite au plaidoyer des partenaires et des spécialistes en
nutrition et ainsi que l’utilisation d’un mécanisme approprié de livraison de l’aide
financière;
- L’élaboration d’un document d’orientation politique est indispensable pour préciser la
vision du pays, ses principes directeurs, ses axes prioritaires d’action et les objectifs à
court, moyen et long terme ainsi que les prévisions de ressources humaines et
financières;
- Les réformes politiques sectorielles sont aussi des opportunités pour mettre en exergue
l’importance de la nutrition dans un secteur donné et demander sa meilleure prise en
compte.
Pour ce qui est du processus d’intégration, il apparaît que sur le plan technique, les facteurs et
conditions de changement suivants étaient essentiels :
- L’existence d’un corps de professionnels bien organisé et établi, ayant les capacités
nécessaires pour faire le travail technique requis pour d’une part diagnostiquer la situation
de la malnutrition et d’autre part faire le suivi permanent du phénomène pour proposer les
solutions qui conviennent ;
- Les aptitudes en plaidoyer des nutritionnistes pour sensibiliser et informer régulièrement
les décideurs politiques sur les tendances du phénomène et donner des conseils pertinents
sur les actions à engager ;
- L’autonomie d’action des spécialistes et leur capacité à être créatifs et imaginer des
solutions de rechange quand les contextes institutionnels ne sont pas favorables.
- L’assurance d’un rôle de veille technique par les nutritionnistes pour signaler les risques
de dilution ou de régression dans les actions entreprises après les remaniements
ministériels qui modifient les mandats des ministères.
L’institutionnalisation qui est l’objectif ultime à même de garantir la pérennité des actions
politiques ne pouvait se faire que dans les conditions suivantes :
- L’existence d’une volonté politique et l’engagement de la haute hiérarchie des ministères
et de l’Etat ;
- La connaissance approfondie de tous les contours du problème de la malnutrition ;
- L’existence d’une expertise motivée appuyée au besoin par des consultants externes dans
une démarche de transfert de compétences
- La planification des activités de nutrition selon les résultats et le genre
- L’allocation de ressources financières suffisantes et sur une base pluriannuelle
- La mise en place d’un dispositif interne de mise en œuvre et d’un mécanisme de suivi-
évaluation des résultats
- L’application d’un système de rapportage périodique et d’une base de données mise à jour
- L’imputabilité des agents et des structures quand à l’atteinte des objectifs visés à travers
les projets et programmes, le CSLP et les OMD.
On retiendra aussi de l’expérience du Burkina que certaines stratégies d’intégration de la nutrition
dans l’agenda politique marchent mieux que d’autres. Parmi les stratégies efficaces, on peut
citer :
- La mise en place d’un organe consultatif intersectoriel (CNCN)
- Le plaidoyer basé sur les évidences et des données objectives (Profiles Burkina)
- La démonstration de l’intérêt politique de la prise en compte de la nutrition
- L’affirmation du leadership institutionnel de la structure nationale de pilotage de la
nutrition
- La concertation et l’harmonisation des approches et actions des partenaires techniques et
financiers
- L’organisation de missions conjointes partenaires et gouvernement sur le terrain
- La communication axée sur le dialogue constructif et la persuasion
L’expérience montre que certaines stratégies ne sont pas du tout efficaces pour promouvoir
l’engagement politique en faveur de la nutrition.
- Les actions isolées motivées par des besoins de visibilité institutionnelle des différents
intervenants dans le domaine
- Les actions ponctuelles à petite échelle sans continuité.
- L’utilisation de la critique et d’un langage trop direct pour décrire la situation
- Une médiatisation alarmiste du problème sans information préalable des autorités
politiques
- La non utilisation d’une stratégie de communication axée sur les résultats recherchés
- La faible implication des élus de l’Assemblée que des communes.
- La faible implication des ONG nationales.
Le rapport qui suit fournit des informations plus détaillées sur les constats concernant la
trajectoire de la nutrition. Il expose également les multiples facteurs qui ont affecté le processus
d’intégration de la nutrition dans l’agenda du développement national et décrit leur relation de
causalité avec la situation préoccupante actuelle de la malnutrition au Faso.
1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
A l’instar des autres pays en développement, le Burkina Faso a bénéficié depuis son
indépendance, d’un appui financier et technique de la Banque Mondiale et d’autres partenaires au
développement (OMS, UNICEF, PAM et ONG internationales) pour mettre en œuvre des
programmes et des politiques de nutrition. Actuellement, le constat qui se dégage est que certains
pays ont su mettre à profit les appuis reçus pour bâtir au fil du temps des politiques durables de
prise en charge de la problématique de la malnutrition. Plusieurs facteurs contextuels sont
avancés pour expliquer cette évolution positive. Dans le concept note de la présente étude, des
suppositions fortes existent concernant l’impact de l’engagement politique en faveur de la
nutrition sur l’intégration de la problématique dans les politiques de développement. Sans être
exclusive, cette éventualité serait un des facteurs déterminants à l’origine d’une amélioration
significative des indicateurs de nutrition dans un pays. Parmi les pays francophones d’Afrique, le
Sénégal et Madagascar sont considérés comme de bons exemples pouvant servir à vérifier cette
hypothèse.
L’expérience du Burkina et du Bénin qui connaissent actuellement une dégradation de la situation
nutritionnelle a été retenue aussi à des fins de comparaison. Dans ces deux pays, la malnutrition
est perçue comme un problème endémique parce que les taux de prévalence actuels ont dépassé
les seuils critiques fixés par l’OMS. Ce constat amène à s’interroger sur les facteurs explicatifs
d’une telle situation qui se traduit par une dégradation tendancielle des indicateurs de
malnutrition. Or, cela génère de graves conséquences en terme de santé publique, de mortalité des
groupes vulnérables que sont les femmes et les enfants et partant, une incidence sur les
performances nationales de développement humain.
Il est alors indispensable de trouver urgemment une explication fiable pour faciliter la recherche
de solution. Plusieurs facteurs explicatifs sont avancés sans qu’on ne puisse encore s’accorder sur
une explication consensuelle. La compréhension de l’économie politique de la nutrition aidera la
Banque mondiale, les autres bailleurs de fonds et les réformateurs sensibles aux problèmes de
nutrition à promouvoir des politiques à long terme capables de lutter contre la malnutrition.
Le but principal de la présente étude comparative entre les quatre pays était de promouvoir et
soutenir plus efficacement un plus haut niveau d’engagement des pays concernés en faveur des
politiques et programmes de nutrition. Il s’agit d’atteindre deux objectifs : 1) documenter des cas
souvent laissés de côté par une littérature qui se concentre généralement sur les pays
anglophones ; 2) fournir un cadre de compréhension des facteurs de succès au sein d’une même
tradition culturelle et politique, capable d’apporter des indications plus pertinentes aux autres
pays francophones qui n’ont pas connu ce succès. Dans le cadre du mandat spécifique qui nous
est confié, à savoir, faire l’étude de cas du Burkina Faso, les objectifs visés sont déclinés dans les
lignes qui suivent.
1.1. Objectifs
Objectif général
L’objectif général de l’étude est de générer un savoir basé sur des données concrètes pour
comprendre les facteurs essentiels de l’échec des politiques nutritionnelles au Burkina Faso et
leurs relations afin de permettre de mieux concevoir et mettre en œuvre des stratégies et
programmes qui induisent la sorte d’engagement politique essentielle pour combattre la
malnutrition à long terme.
Objectifs spécifiques
Les objectifs spécifiques de cette étude sont :
a. Identifier et documenter les facteurs associés aux changements progressifs, à la
stagnation ou au déclin i) pour l’inscription de la nutrition dans les programmes
gouvernementaux ; ii) pour la mise en place des conditions institutionnelles de soutien
d’un engagement dans la durée en faveur des politiques de nutrition ; et (iii) pour la
réduction du fardeau humain et économique de la malnutrition.
b. Générer un cadre conceptuel qui identifie les facteurs clés de l’échec de l’intégration de
la nutrition dans les politiques et programmes sectoriels et leurs relations, afin de
mieux soutenir le pays à prendre la sorte de décisions qui mènera à la réussite et à
l’institutionnalisation des moyens de traitement des problèmes de nutrition. Du fait de
la présence ou de l’absence à un moment donné de l’engagement politique, celui-ci est
susceptible de contribuer à la réussite ou à l’échec des efforts nationaux visant
l’intégration de la nutrition de manière transversale dans les programmes sectoriels.
Les observations ont visé d’une part à identifier les indicateurs et les indices permettant
d’appréhender l’engagement politique et les autres facteurs clés à même d’expliquer la
réussite ou non de l’intégration de la nutrition parmi les priorités de développement.
Il s’agissait pour nous de collecter des données pour décrire une situation spécifique, répondre à
des préoccupations théoriques visant à parvenir à des conclusions généralisables et enfin de
dégager des propositions pertinentes, nécessaires pour orienter la prise de décision politique. A
cause de la diversité de ces attentes, le travail a été fort complexe et a comporté un risque quand
au survol de certaines préoccupations par rapport à d’autres. La démarche méthodologique
utilisée visait à garder un certain équilibre pour répondre aux différentes attentes explicites et
implicites.
1.2. Méthodologie
Le mandat qui nous est confié consistait à analyser les causes de l’échec des politiques publiques
portant sur la nutrition sur une période de temps donnée (19960-2008). Cette étude de cas sur
l’économie politique de la nutrition au Burkina Faso s’inscrit dans le cadre d’un travail global
pour lequel une démarche spécifique a été définie. Il s’agit d’une étude chronologique et
comparative qui permet d’apprécier les efforts fournis au plan national selon les époques en
adoptant une perspective historique et évaluative. Etant donné que l’étude couvre toute l’histoire
des politiques nutritionnelles dans notre pays, il s’agit pour nous de faire une collecte
systématique des données disponibles pour ensuite dégager les grandes tendances historiques au
moment du traitement.
Des critères d’appréciation de l’échec ont été fournis dans les termes de référence (TDR) et dans
la littérature consultée. En se référant aux TDR de la mission, on peut dire que l’étude comporte
plusieurs caractéristiques typologiques (appliquée, descriptive, évaluative, comparative,
compréhensive, explicative, qualitative, participative, rétrospective et prospective). Etant donné
les limites de temps imparti, il s’agissait concrètement de combiner les techniques et outils de
collecte les plus adaptés de chacune des approches choisies pour parvenir rapidement à obtenir
les données requises.
La principale technique privilégiée est celle de l’étude de cas afin de permettre de comparer les
différentes actions politiques au cours de la période considérée pour l’étude. Les données
recueillies serviront ultérieurement pour comparer les expériences pays (entre le Bénin, le
Burkina Faso, Madagascar et le Sénégal), cela en vue de tirer des conclusions généralisables d’un
point de vue conceptuel et au niveau pratique. La revue de littérature a permis d’approfondir les
aspects conceptuels et théoriques du mandat. Cependant, le fait d’avoir postulé d’emblée l’échec
et donné une orientation au travail centrée sur le rôle de l’engagement politique ne laissait pas
assez de marge de manœuvre pour l’ouverture à d’autres interprétations possibles de la réalité.
La revue documentaire a essentiellement consisté à collecter et exploiter les documents sur les
politiques sectorielles en lien avec la nutrition, les rapports des enquêtes nutritionnelles, les
rapports de mise en œuvre des projets et programmes du gouvernement et des différents
partenaires (bailleurs de fonds, organisations de la société civile) portant sur la nutrition. Puisque
l’étude réalisée est essentiellement qualitative, nous nous sommes servi des données quantitatives
secondaires disponibles dans les documents consultés.
Pour les interviews individuelles des personnes-ressources, nous avons utilisé le guide
d’entretien standard conçus pour l’étude. Il a fallu au préalable en assurer la traduction pour
faciliter l’administration du questionnaire en français. Les entretiens se sont déroulés au cours de
la période de mi-janvier à fin février 2008. Des visites de terrain ont faites dans deux districts
sanitaires (Saaba, Ziniaré en zone péri-urbaine et à une antenne régionale de la direction de la
nutrition à Bobo-Dioulasso). Le choix de Saaba visait à permettre d’apprécier le niveau de prise
en compte de la nutrition au niveau d’une formation sanitaire située à proximité de Ouagadougou.
Le CMA de Ziniaré a été visité pour d’une part collecter des informations sur les difficultés de
prise en compte de la nutrition dans les Plans d’action des districts sanitaires et d’autre part,
permettre de se renseigner sur les efforts faits localement pour la prise en charge de la
malnutrition. La visite à l’Antenne régionale de la nutrition à Bobo a été motivée par le fait que
deux anciens nutritionnistes y ont travaillé et que cette unité constituait la seule structure
délocalisée de la Direction de la Nutrition. Il s’agissait pour nous de voir comment une telle
structure fonctionnait et les conditions dans lesquelles la création d’entités similaires pouvait se
faire avec efficacité dans d’autres localités.
Le traitement des données a été fait en tenant compte des objectifs qui orientent la présente étude.
Il s’agissait de faire un tri à plat chronologique pour permettre de dégager les informations sur
l’évolution historique des politiques. L’importance cruciale accordée aux acteurs clés et aux
évènements marquants pendant cette phase a permis de dégager les inter-relations entre les
facteurs déterminants pour l’analyse de la trajectoire des politiques nutritionnelles.
2. CONTEXTE GENERAL DU DEVELOPPEMENT AU BURKINA FASO
2.1. Les indicateurs sur la situation de la pauvreté
Le Burkina Faso est un pays sahélien qui figure parmi les pays les plus pauvres du monde. Il a été
classé 176e /177 pays au titre du Développement Humain Durable en 2007. En 1998, près de 45%
de la population burkinabé vivait en dessous du seuil absolu national de pauvreté, qui était estimé
en termes monétaires à 72 690 F CFA (104 $ US)/an. Le taux est passé à 46.4% en 2003 sur la
base d’un seuil de pauvreté révisé de 82.672 F CFA. Depuis lors, on observe une baisse
tendancielle du taux de pauvreté, mais il demeure encore supérieur à 43%.
Le niveau de pauvreté connaît une grande variabilité tant au niveau des différents groupes
sociaux que dans les régions. Les populations les plus pauvres sont essentiellement composées
des populations marginalisées des villes, les populations en zones périurbaines et enfin celles en
zones rurales. Mais de façon générale, la pauvreté est un phénomène essentiellement rural avec
plus de la moitié de la population rurale (52.3%) qui vit en dessous du seuil de pauvreté contre
19,9% en milieu urbain. Sur le plan spatial, les régions les plus affectées sont celles du Nord
(68,6%), le Centre Sud (66,1%), la Boucle du Mouhoun (60,4%), le Plateau Central (58,8%), le
Sud Ouest (56,6% et le Centre Est (55,1%).
On s’aperçoit aussi à l’examen des groupes touchés par la pauvreté que les femmes sont les plus
nombreuses à vivre en dessous du seuil absolu identifié. En dehors du seuil monétaire avancé, il
existe plusieurs autres indicateurs qui sont utilisés pour mesurer la pauvreté. Au Burkina, les taux
d’accès à l’éducation et aux services et soins de santé sont parmi les plus bas du monde et le taux
de mortalité maternelle figure parmi les plus élevés avec une moyenne de 484 femmes sur cent
mille qui meurent des suites d’accouchement (EDS 1998). L’autosuffisance alimentaire n’est pas
effective, le pays étant constamment soumis aux aléas climatiques qui provoquent des pénuries
alimentaires et des poches de disette dans certaines provinces du pays.
Depuis 1999, le Burkina a élaboré un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté dont la mise
en oeuvre se poursuit actuellement. Les objectifs quantitatifs majeurs poursuivis par le
Gouvernement au cours des années à venir sont : (i) accroître le produit intérieur brut par habitant
d'au moins 4% par an à partir de 2004 ; (ii) ramener l’incidence actuelle de la pauvreté à moins
de 35% à l’horizon 2015 ; (iii) accroître l'espérance de vie à au moins 60 ans à l’horizon 2015.
Pour ce faire, le Gouvernement vise un taux moyen de croissance du PIB réel de 7% par an, une
inflation inférieure à 3% et une croissance du PIB par habitant d'au moins 4% par an. L’accès des
pauvres aux services sociaux de base et à la protection sociale est aussi une préoccupation
majeure du gouvernement et les domaines prioritaires retenus sont : (i) l’éducation, (ii) la santé,
(iii) la nutrition, (iv) le VIH/SIDA, (v) l’eau potable, l’assainissement (vi) le cadre de
vie (l’habitat) et (vii) la protection sociale. Cela doit se concrétiser dans un pays considéré à juste
raison comme ayant milles priorités, si on se réfère aux données socio-éconmiques et climatiques.
2.1.1. Données économiques
L’économie burkinabè repose sur l’agriculture de subsistance. L’agriculture du Burkina Faso a
connu une croissance remarquable ces dernières années. Cette croissance est due d’une part, à
l’augmentation des superficies emblavées et d’autre part, à l’amélioration des rendements des
cultures. Les statistiques agricoles montrent que le taux de croissance de la production céréalière
(mil, sorgho, maïs, riz et fonio) est passé de 0,32 % entre les campagnes agricoles 2001-2002 et
2002-2003 à 14,27 % en 2003-2004. Pendant les mêmes périodes, la production des cultures de
rente (coton, arachide, sésame et soja) est passée de 6,7 % à 9,42 % et celles des autres cultures
vivrières (niébé, voandzou, igname et patate) de 18,54 % à 29,66 % (DGPSA/DSA, 2004).
Malgré les potentialités actuelles du secteur agricole, une proportion non négligeable de la
population n’arrive pas à faire face à ses besoins alimentaires. Le Burkina Faso, à l’image des
autres pays du Sahel, est marqué par une instabilité climatique qui affecte la sécurité alimentaire.
Parmi les facteurs conjoncturels, figure le risque climatique qui de l’avis de la DGPSA (2005) est
très variable. En effet, comme le constate cette structure, le coefficient de variation interannuelle
de la pluviométrie est de 20 à 30 % et est croissant du Sud au Nord du pays. Le taux de
couverture céréalier varie de 60 à 120% en fonction des campagnes agricoles et est aussi plus
faible au Nord qu’au Sud.
Les autorités politiques ont opté actuellement pour les cultures irriguées de saison sèche comme
une alternative pour contrer les effets des aléas climatiques sur les disponibilités alimentaires.
Mais, le secteur agricole, malgré sa place de premier secteur de l’économie, n’est pas à mesure de
générer des ressources suffisantes pour accroître les revenus des populations, surtout ceux des
producteurs ruraux pour l’acquisition des vivres en cas de déficits répétés.
2.1.2. Du lien entre pauvreté, insécurité alimentaire et malnutrition
Dans le rapport « Vaincre la pauvreté humaine » du Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD, 2000), il est dit qu’ « une personne vit dans la pauvreté extrême si elle
ne dispose pas de revenu nécessaire pour satisfaire ses besoins alimentaires essentielles
habituellement définis sur la base des besoins calorifiques minimaux. Une personne vit dans la
pauvreté générale si elle ne dispose pas de revenu suffisant pour satisfaire ses besoins non-
alimentaires (habillement, logement, énergie, etc.). La pauvreté humaine est aussi présentée
comme l’absence de capacités humaines de base (analphabétisme, malnutrition, mauvais état de
santé, etc.).
A cela, il convient d’ajouter la définition de la Banque Mondiale reprise et explicitée par Kaboré
et al. (2005) pour qui distinguent deux types d’insécurité alimentaire, une chronique et l’autre
temporaire. « La première caractérise les individus et les groupes qui souffrent en permanence
d'une alimentation déficiente, c'est-à-dire qui ne peuvent satisfaire de manière permanente leurs
besoins nutritionnels. Ces individus et ces groupes ne peuvent ni produire, ni acheter les denrées
dont ils ont besoin, ni en quantité, ni en qualité suffisante. La deuxième quant à elle, traduit une
impossibilité pour les individus et les groupes de satisfaire momentanément leurs besoins
nutritionnels de manière adéquate. L'instabilité de la production ou des prix en est la cause ».
Les causes structurelles de l’insécurité alimentaire chronique ou structurelle sont : la
pauvreté, la désertification, les modes de production traditionnels. Elles jouent sur la
disponibilité, l’accessibilité ainsi que l’utilisation des produits alimentaires.
L’insécurité alimentaire conjoncturelle est devenue assez fréquente à cause du risque
climatique, de la faible fertilité des sols et les déprédateurs des cultures. Parmi les autres causes
conjoncturelles figurent les aléas climatiques, les invasions acridiennes, les attaques des
déprédateurs, etc. Insécurité alimentaire structurelle et conjoncturelle mettent les populations
dans une situation de vulnérabilité.
La vulnérabilité est une situation d'exposition à des facteurs de risque mais aussi la difficulté de
faire face à la situation, l'incapacité de se défendre. Un individu peut être considéré comme
vulnérable, s'il est soumis à des risques de manque de nourriture ou s'il subit de fortes
conséquences de ce manque, ou plus encore, s'il subit la combinaison des deux éléments
précédents. La vulnérabilité de manière générale est la probabilité pour un ménage ou un individu
de voir sa situation se dégrader sous l'effet de risque ou chocs auxquels il est exposé. Pour les
paysans, les risques sont entre autres les sécheresses, les attaques acridiennes, les inondations, les
décès, la maladie (hommes et animaux), l'augmentation des prix des intrants, la rareté des
produits de cueillettes etc. La vulnérabilité est intimement liée à la capacité des ménages à réagir
pour atténuer les effets d'éventuels chocs dus aux déficits alimentaires. Ainsi, les facteurs de
vulnérabilité jouent sur les manifestations (périodicité, ampleur, durée, intensité) de l’insécurité
alimentaire.
Le Sommet Mondial de l’alimentation tenu à Rome en octobre 1995 énonce que : « la sécurité
alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont à tout moment, un accès physique et
économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs
besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». FAO
(1996). La sécurité alimentaire des ménages agricoles résulte donc de l’interaction entre les
quatre (4) éléments. Il faut d’abord que les denrées soient disponibles, ensuite qu’elles soient
accessibles à tous et dans le temps et enfin qu’elles puissent répondre aux besoins nutritionnels
des individus.
2.2. Problématique de la malnutrition au Burkina Faso : un problème structurel et
conjoncturel
2.2.1. Evolution des différentes formes de malnutrition chez les enfants et les femmes
Une situation alarmante, critique, préoccupante, grave….. Les qualificatifs ne manquent pas pour
décrire la situation de la malnutrition au Burkina Faso au cours de la décennie. Quelques
exemples tirés de la revue documentaire peuvent servir d’illustration. En effet, des informations
sur la nutrition tirées de différents enquêtes (EDS, EPA, EBCVM, etc.) à envergure nationale et à
vocation périodique, (nutritionnel ou comportant un volet nutritionnel) permettent d’avoir des
données statistiques sur l’évolution de la malnutrition dans le pays. Malgré une discussion sur la
qualité des données de certaines des enquêtes (pour des raisons méthodologiques et un manque
de comparabilité des données) tout le monde s’accorde pour reconnaître une détérioration
tendancielle de la situation nutritionnelle.
Les enquêtes démographiques et de santé (EDS 1993, 1998, et 2003) font en effet état d’une
tendance à la dégradation progressive du statut nutritionnel des enfants. C’est du moins ce
qu’attestent les citations suivantes. « La situation nutritionnelle au Burkina Faso est
préoccupante, avec une prévalence de malnutrition croissante ces quinze dernières années. Il
ressort clairement que la situation nutritionnelle dans le pays est alarmante et nécessite une
réponse plus forte, adaptée et intégrée. Cette situation s’aggrave de façon conjoncturelle à chaque
période de soudure et/ou à la suite d’un choc » . 1
1 Mission Conjointe (Gouvernement/PAM/UNICEF/FAO/OMS), Septembre 2006.
Ces constats datent déjà de près d’une décennie. Depuis 2000, il est indiqué dans le Plan national
d’action pour la nutrition ce qui suit : « les résultats de diverses enquêtes menées dans le pays
montrent que la malnutrition sous toutes ses formes (chroniques, aiguë) et à tous les stades de
gravité (léger, modéré, sévère) est omniprésente au Burkina Faso avec cependant une fréquence
et une gravité particulière au sein de la tranche d’âge préscolaire ».
Au Burkina, on distingue deux principaux types de malnutrition coexistent : la malnutrition
protéino-énergétique et les carences en micro-nutriments. Cela rend plus complexe l’explication
du phénomène et l’identification des facteurs clés qui en déterminent l’évolution et l’aggravation.
Le tableau ci-dessous indique une dégradation de la situation au niveau national et rural, surtout
entre 93 et 98. Les taux de prévalence varient selon le milieu de résidence. Pour un taux moyen
de 38,7% en 2003 soit plus de 900.000 enfants de moins de 5 ans malnutris chronique, on
enregistre 41,6% d’enfants vivant en milieu rural.
Graphique n° 1: La malnutrition chronique: une situation nationale sévère, supérieure au
seuil critique des 30% de l’OMS
Source : Inconnue2
Le tableau ci-dessous sert à mieux illustrer la situation selon les régions. On note d’une part, la
variation de la malnutrition aiguë par région et d’autre part, son évolution au cours d’une
décennie. Le Plateau central affiche le taux de prévalence le plus élevé (31,7%), suivi par les
Cascades qui affichent un taux de 28,6%. Contre toute attente la Boucle du Mouhoun, considéré
comme le grenier du Burkina, affiche le troisième niveau de haute prévalence (25,1%). Avec un
2 Ce tableau est extrait d’un document powerpoint intitulé « Situation nutritionnelle et tendances depuis 1993 au
Burkina Faso ». Le nom de l’auteur n’est précisé.
31.4
38.841.6
19.022.7 20.2
29.4
36.8 38.7
05
101520253035404550
EDS 1993 EDS 1998 EDS 2003
Pré
va
len
ce
(%
)
rural urbain national
taux de malnutrition de 23,1%, la région du Centre-Est vient en quatrième position pour le niveau
de malnutrition aiguë. L’ensemble des régions affiche un taux de sévérité de la malnutrition qui
dépasse le seuil critique de 10% fixé par l’OMS, confirmant ainsi le caractère général du
problème. On s’aperçoit en regardant le tableau spécifique à la malnutrition aiguë qu’elle a
connue une augmentation significative entre 1998 et 2003. Les facteurs explicatifs d’une telle
situation sont nombreux.
« Entre 1993 et 2003, les taux des enfants burkinabé souffrant de malnutrition aiguë et de
malnutrition chronique sont passés respectivement de 13,3% à 18,3%, et de 29,4% à 38,7%3.
Pour ce qui est de la malnutrition aiguë, l’augmentation est probablement due au fait que les
enquêtes ont été réalisées à différentes époques (après la récolte et en période de soudure), ce qui
n'explique toutefois pas l'augmentation du taux de malnutrition chronique. En même temps, la
production agricole a également augmenté suivant un taux moyen de 6% par an (à un taux deux
fois plus élevé que la croissance démographique »4.
Graphique n°2 : Disparité entres régions
Source : Inconnue
Comme l’indique la politique nationale de nutrition (2007), la situation nutritionnelle au Burkina
Faso se caractérise par une sous-alimentation chronique. Cela se traduit par une malnutrition
protéino-énergétique (MPE) endémique. Cette tendance à la dégradation progressive de la
situation nutritionnelle des enfants, contraste avec l’amélioration de certains indicateurs de santé,
notamment une baisse du taux de mortalité. Les graphiques qui suivent donnent une illustration
de l’évolution des différentes formes de malnutrition. Selon les données de l’EDS 2003, la
malnutrition protéino-énergétique est à l’origine du retard de croissance observé chez 39% des
enfants burkinabés.
3 Enquête démographique et Santé 1993, 1998 et 2003 4 Eléments de clarification sur la situation alimentaire et nutritionnelle au Burkina Faso publiés conjointement par FAO, CILSS, PAM,
PSA/ UE, FEWS NET, DGPSA/MAHRH.
Malnutrition aiguë par région (EDS 2003)
25.1
13.7 12.7
19.2
31.7
23.1
1416.9
12.2
20.5
28.6
13.5
18.7 20.4 19.6
12.4
18.6
05
10152025
3035
Bou
cle du
Mou
hou
n
Cen
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Sud
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Rur
al
Urb
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Nationa
l
Pré
vale
nce (
%)
Comparé aux données des EDS antérieurs (1993, 1998), le taux enregistré en 2003 témoigne
d’une dégradation significative de la situation. Dans ces conditions, il est à craindre que si la
tendance se maintient, le Burkina se retrouve dans une situation catastrophique dans un proche
avenir à cause des conséquences de la malnutrition aiguë sur les groupes sociaux les plus touchés.
Peu de données existent sur les carences en micronutriments (fer, iode, vitamine A) à l’échelle
nationale. Cette carence cause pourtant des troubles divers. Les enquêtes ne sont pas toujours
superposables, et ne permettent pas de faire des comparaisons. Ces carences touchent plus les
femmes en âge de procréer et les enfants d’âge préscolaire. Au niveau national, la carence en fer
est considérée comme étant le problème nutritionnel le plus répandu avec une prévalence de 92%
chez les enfants de 6 à 59 mois. La forme sévère de l’anémie nutritionnelle est rapportée dans
13% des cas recensés. L’anémie touche 68, 3% des femmes enceintes, ce qui n’est pas sans
danger pour les futurs bébés (EDS 2003).
Graphique n°3 : Evolution de la malnutrition aiguë entre 1993 et 2003
Source : Ouédraogo H., 2005
024
68
101214
161820
EDS 1993 EDS 1998 EDS 2003
Malnutrition aiguë
pré
vale
nce (
%)
Graphique n°4 : Evolution de la malnutrition chronique entre 1993 et 2003
Source : Ouédraogo, H, 2005.
La carence en vitamine A est à l’origine de l’avitaminose A. son signe visible est la cécité
nocturne, l’ulcération de la cornée. Les données publiées dans le cadre de Profiles Burkina Faso
indique que 34% des enfants sont affectés la carence en vitamine A, considérée comme étant la
cause sous-jacente de 20% de mortalité infanto-juvénile. Chez les femmes enceintes, la cécité
nocturne touche 7% des femmes enceintes, selon les données de l’EDS 2003.
La carence en iode est considérée comme un problème important de santé publique au Burkina.
Le signe clinique révélateur de cette carence est le goitre qui touche aussi bien les enfants que les
adultes. Les régions les plus affectées par la carence en iode sont en même temps celles qui ont
les plus faibles couvertures des ménages en sel adéquatement iodé : Centre Nord (27%), Nord
(26%), Sahel (15%). Elle a donné lieu à l’adoption de la Stratégie d’iodation universelle du sel à
partir de 1996. Malgré cela, la couverture des ménages en sel adéquatement iodé est de 48%.
2.2.2. Données chiffrées sur les conséquences de la malnutrition
Dans sa publication intitulée « Replacer la nutrition au cœur du développement », la Banque
Mondiale (2006) met en exergue les conséquences désastreuses des différentes formes de
malnutrition sur le processus de développement d’un pays. Ce constat confirme les données
présentées dans Profiles Burkina (2000) où les différentes conséquences de la malnutrition ont été
33
34
35
36
37
38
39
40
41
EDS 1993 EDS 1998 EDS 2003
Malnutrition chronique
pré
va
len
ce
(%
)
recensées et analysées par rapport à leurs incidences sur le développement national. Les
projections font ressortir les estimations de pertes et de gains économiques selon que le problème
est pris en charge ou non dans les politiques de développement.
Des données plus récentes indiquent que : « Chez les enfants de 0-35 mois, la prévalence de
l’émaciation globale et de l’émaciation sévère était de 16,5% (15,4-17,6) et de 2,8% (2,3-3,4)
respectivement. Celle du retard de croissance global et du retard de croissance sévère était de
30,2% (28,8-31,7) et de 11,3% (10,3-12,3) respectivement. Celle de l’insuffisance pondérale
globale et de l’insuffisance pondérale sévère était de 39,1% (37,5-40,7) et de 14,6% (13,4-15,8)
- Surveillance nutritionnelle ou dépistage ponctuel des cas
- Types d’alimentation proposés pour la récupération des malnutris (nourritures
importées ou locales)
- Utilisation de Centre de récupération des enfants malnutris ou de méthodes
ambulatoires de prise en charge.
- Approche genre des problèmes nutritionnels ou approche spécifique aux femmes.
Voici autant de questions pertinentes qui doivent être tranchées au niveau d’un pays pour mieux
organiser la lutte contre la malnutrition. Cela n’est pas encore fait au Burkina Faso et rend
difficile une étude visant à dégager une histoire cohérente et unifiée des politiques nutritionnelles.
Et comme rien ne permet de considérer cette diversité de perceptions et des politiques et
programmes comme étant en elle-même le résultat d’un choix intentionnel des autorités
politiques, il faut donc se garder de simplifier les choses à des fins de comparaison théorique. La
réalité actuelle est que la diversité des perceptions en cours au niveau des ministères techniques
donne lieu à une diversité de politiques et programmes. Le constant suivant fait par la Banque
Mondiale, en 1982, soutient cet argument:
« Il est difficile en Haute-Volta de procéder à une planification nutritionnelle efficace du
fait que les programmes et politiques en la matière sont élaborés séparement dans
plusieurs ministères et au sein de diverses organisations non gouvernementales ».
Ce constat nous oblige à ne pas parler d’une histoire de la nutrition mais plutôt à dresser trois
histoires concomitantes décrivant la trajectoire de la nutrition dans les trois secteurs prioritaires
de développement national que sont la santé, l’agriculture et l’éducation. L’environnement
politique global dans lequel les politiques nutritionnelles sectorielles sont développées est
présenté dans le point suivant pour mieux situer le contexte.
3.2. Caractéristiques du contexte politique
Les informations que nous avons pu recueillir dans le cadre de cette étude ne nous permettent pas
de donner une description exhaustive et rétrospective du contexte politique dans lequel les
politiques nutritionnelles ont été développées des indépendances à nos jours. Cela s’explique
d’une part, par l’absence pendant longtemps de politiques globales de développement, et d’autre
part, par l’utilisation de l’approche projet comme modalité de présentation des initiatives de
développement. Mêmes les plans quinquennaux de développement qui ont été élaborés pendant la
période révolutionnaire ne donnent pas des informations précises sur ces questions.
C’est depuis la fin des années 1990 que le gouvernement a adopté une Lettre de politique de
développement de développement humain durable (LPDHD). Sur la base de cette Lettre, un
Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) a été élaboré. En adoptant le CSLP, le
Burkina Faso s’est doté pour la première fois d’une politique globale de développement qui
intègre les préoccupations et les priorités des différents secteurs et domaines de développement
national. L’adoption concomitante de l’approche-programme constitue une innovation importante
permettant de suivre désormais la pertinence et la cohérence des initiatives de développement au
niveau intra et intersectoriel. L’analyse du contenu du CSLP et de ses Plans d’action prioritaires
(2004-2006, 2005-2007, 2006-2008, 2007-2009) donne un aperçu de l’importance accordée à la
nutrition au cours de la dernière décennie. Cette analyse de la place de la nutrition dans l’agenda
politique est proposée dans les lignes qui suivent. Elle prend en compte l’importance accordée à
la nutrition par les techniciens, la question de l’arbitrage des ressources financières entre les
priorités sociales en compétition et l’attention accordée aux malnutris par les leaders politiques.
3.2.1. Prise en compte de la nutrition dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté
(CSLP)
Depuis 1999, le Burkina s’est doté d’un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) en
s’appuyant sur la Lettre de Politique de Développement Humain Durable (LPDHD). La
malnutrition figure parmi les problèmes de développement identifiés dans le cadre du diagnostic
de la pauvreté. Les données chiffrées mentionnées dans le CSLP (2000-2003) sont celles de
l’EDS 1993. Au niveau de la réponse politique, la santé infantile occupe une place prépondérante
à travers des programmes suivants : Nutrition, Paludisme, le Programme Elargie de Vaccination
(PEV), la Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME) et la PTME.
Le CSLP a été révisé en 2003 et conserve son orientation générale en faveur du développement
humain durable et de la santé maternelle et infantile en particulier. A la lecture des documents de
politique, des plans d’action triennaux et des rapports de mise en œuvre de ces plans, on
s’aperçoit qu’il manque des données chiffrées sur le phénomène de la malnutrition. Les taux de
prévalence de la malnutrition (légère, modérée et sévère) ne figure pas de façon explicite dans le
CSLP parmi les indicateurs de réduction de la pauvreté ou de développement. Leur évolution
dans le temps n’est pas documentée.
Au niveau de la planification de la mise en œuvre du CSLP, on constate une variation de la prise
en compte de la nutrition dans les différents documents. Il arrive que la nutrition figure parmi les
priorités de programmation sans qu’il n’y ait des activités suffisantes et une allocation de
ressources financières conséquentes dans le Plan d’investissement prioritaire (PIP) triennal pour
leur mise en œuvre d’activités y relatives.
Dans le plan d’action 2004-2006 du CSLP, on dénote une option claire et précise du
gouvernement pour des actions dans le domaine de la lutte contre la malnutrition. Les actions
prévues dans le CSLP pour la période indiquée sont les suivantes :
la lutte contre les carences en micro-nutriments : soutien à l’offre de soins intégrés de
santé et de nutrition, promotion de l’enrichissement des aliments en vitamine A et fer ;
la réduction de la déficience énergétique : promotion de bonnes pratiques de sevrage et de
l’alimentation de complément, renforcement de la capacité de production d’aliments de
complément de qualité (sevrage) au niveau du ménage, établissement d’un mécanisme de
contrôle de qualité des aliments infantiles, amélioration de la prise en charge sanitaire
(accessibilité et qualité), supplémentation des femmes enceintes en fer, supplémentation
des femmes nouvellement accouchées en vitamine A ;
la promotion des régimes alimentaires et modes de vie sains : campagnes d’IEC pour des
changements de comportement.
Pour concrétiser ces choix, il est prévu dans la planification (point 2.3.6.) de renforcer les
programmes de nutrition dans le cadre de la mise en œuvre du Programme national de
Développement Sanitaire. Dans le PIP couvrant la période indiquée, deux activités correspondant
à des projets en cours ont été mentionnées : le Projet d’assistance aux groupes vulnérables et le
Projet Spiruline Nayalgué. L’insuffisance pondérale est le seul indicateur de suivi retenu dans le
document, ce qui n’est pas suffisant pour rendre compte de l’évolution de la situation
nutritionnelle.
Pour les périodes 2005-2007 et 2006-2008, les mêmes orientations que celles de 2004-2006 sont
proposées en ce qui concerne la nutrition sans aucun bilan indiquant les résultats atteints au cours
de la période antérieure et les justifications éventuelles de la reconduite des mêmes orientations.
De même, le deux activités phares qui sont mentionnées avec des allocations budgétaires sont : le
Projet d’assistance aux groupes vulnérables et le Projet Spiruline Nayalgué.
Dans le Plan d’action 2006-2008, il est également question de l’élaboration et la mise en œuvre
de la politique nationale de nutrition avec un budget de 643 millions/an, prévu pour la période
couverte. Mais, avant que cette politique ne soit finalisée et adoptée, on constate que lors de la
planification du CSLP pour 2007-2009, aucune orientation spécifique concernant la nutrition n’a
été proposée alors que le titre du programme demeure « Accès aux services de santé et de
nutrition –VIH/Sida ». Dans la planification, on retrouve les mêmes activités que lors des années
précédentes. A cela s’ajoute le Programme de Prise en Charge Intégrée de la Maladie de la Mère
et de l’Enfant (PCIME) qui propose aussi des activités nutritionnelles dont un manuel du
prestataire de santé intitulé « Conseiller la mère ». Quelle analyse peut-on faire de la place de la
nutrition dans l’agenda politique national ? Pour répondre à cette question, nous examinons
d’abord le financement consenti pour les activités nutritionnelles.
3.2.2. Analyse de l’environnement politique
3.2.2.1. Le financement de la nutrition
La nutrition est une thématique transversale et plusieurs secteurs et projets ont des volets
nutrition (éducation, santé, agriculture, action sociale, eau/assainissement, etc.). Mais à cause de
sa transversalité, il faut d’abord faire le point des financements alloués à tous les secteurs,
programmes et projets avant de pouvoir se faire une idée sur le niveau approximatif des
allocations financières. Malheureusement, ceux-ci sont dispersés et certains ne sont pas
mentionnés dans les documents de suivi du CSLP auxquels nous avons pu avoir accès. On voit
par exemple des données financières éparses et irrégulières sur la sécurité alimentaire, les
cantines scolaires, les micronutriments, l’éducation nutritionnelle, etc. Néanmoins quelques
activités de nutrition ont été budgétisées dans le plan d’action 2006-2008 du CSLP. Il est prévu
une allocation budgétaire de 1 545 673 USD/an pour la nutrition pendant la période visée. Ce
budget est destiné à financer l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de
nutrition. Dans le cadre de la Programme de prise en charge intégrée de la Mère et de l’enfant
(PCIME) des activités concernant la nutrition sont menées. Un budget prévisionnel de 9 648 076
USD/an est planifié pour les trois années.
Ces chiffres concernent cependant les prévisions et non les montants décaissés dans la réalité. En
effet, en essayant de confronter les différentes sources d’informations financières (Plan
d’investissement prioritaire (PIP) du CSLP, Loi de finance, rapports financiers des projets) on
s’aperçoit qu’il n’y a pas de concordance entre les chiffres. Par exemple, pour le projet
Assistance aux groupes vulnérables financé par le PAM, les chiffres suivants sont mentionnés
dans le plan d’action du CSLP : 1,282 milliards FCFA (en 2005) ; 1, 154 milliard FCFA (en
2006) et 1,341 milliards FCFA (en 2007). Les données obtenues auprès du projet sont toutes
autres. Grâce à un projet d’appoint dénommé « Projet d’intervention Prolongée de Secours et de
Redressement » (IPSR, 2007-2008) d’un budget de 9 902 056 000 FCFA, le projet dispose
désormais de plus de ressources que prévu. Pour 2006, le budget est de 1 297 177 000 alors que
celui de 2007 atteint le montant de 4 717 884 000 (y inclus IPSR). Depuis 2006, le budget de
l’Etat comporte une proportion de plus en plus grande d’allocations financières destinées aux
cantines scolaires et à l’achat de micronutriments.
Par ailleurs, il y a un problème de prévisibilité des ressources consacrées à la nutrition car les
financements proviennent essentiellement des agences du Système des Nations Unies (PAM,
UNICEF, OMS, FAO, FIDA) qui demandent aussi de donateurs réguliers ou occasionnels. En
général, les informations financières concernant les anciens projets sont inaccessibles par manque
d’archives ou de mémoire institutionnelle du fait de la mobilité du personnel. Il y a aussi chez
beaucoup d’acteurs un réflexe de dissimilation de l’information financière qui ne permet pas
d’obtenir les données sur les différents projets mis en œuvre des années 1980 à nos jours. Dans
l’ensemble, les ressources financières destinées à la nutrition fluctuent selon les opportunités de
mobilisation des ressources des principaux bailleurs de fonds et des efforts consentis par l’Etat.
Jusque-là, les augmentations de flux et de volume des financements coïncident avec les périodes
de crise. En l’absence de données plus consistantes sur la question, nous nous contentons de faire
une appréciation des données parcellaires obtenues.
3.2.2.2. Analyse de l’importance accordée à la nutrition dans les dépenses publiques
Avec un budget prévisionnel de 643 000 000 FCFA (1 545 673 USD)8 pour l’élaboration et la
mise en œuvre de la politique nationale de nutrition, il ne fait pas de doute que la nutrition n’est
pas encore une priorité. Un de nos interlocuteurs dit qu’il s’agit de « la politique la moins
considérée au sein du ministère de la santé ». Ainsi dit, il n’est nul besoin de comparer
l’allocation réservée à la nutrition avec celles d’autres dépenses sociales pour savoir que le
montant est dérisoire. Sans s’attendre au même niveau de financement que la santé et l’éducation
qui sont des secteurs sociaux phares, force est de reconnaître que le montant annoncé est très
insuffisant pour entreprendre des actions d’envergure nationale pendant des mois.
D’emblée, on peut dire que l’arbitrage pour le financement de la nutrition n’est pas fait par
rapport aux grandes priorités nationales de développement social, mais plutôt au regard des
priorités internes du secteur de la santé. Le montant de l’allocation proposée n’a aucune
commune mesure par rapport aux allocations destinées à des thématiques comme le paludisme, la
transmission mère-enfant du VIH, la santé maternelle et infantile. Le fait que la Direction de la
nutrition soit au sein de ce ministère apparaît alors comme un handicap. L’on réduit la portée de
la politique à la vision médicalisée qui y est défendue et les allocations financières dépendent du
niveau de financement global du secteur qui reste insuffisant par rapport aux besoins existants.
Les besoins de financement pour les activités nutritionnelles dans les autres secteurs
n’apparaissent pas non plus dans la planification budgétaire proposée par le Ministère de la santé.
L’inconvénient d’une telle approche sectorielle de la nutrition est qu’on ignore quels sont les
montants alloués dans les autres secteurs pour les prendre en considération. En l’absence d’une
planification intégrée des activités nutritionnelles des différents secteurs et en raison du
cloisonnement qui existe entre eux, il est difficile de fournir des chiffres globaux reflétant le
niveau réel des investissements faits dans le domaine.
Au demeurant, on peut dire que dans le cadre de la planification budgétaire sectorielle proposée
par le Ministère de la santé, le montant annoncé est insignifiant au regard d’une part de la gravité
de la situation nutritionnelle qui prévaut actuellement, et d’autre part en se référant aux montants
dépensés annuellement pour l’acquisition des micronutriments, les formations, le suivi-contrôle
des activités, etc. Comment peut-on alors expliquer les projections financières qui sont faites au
sein de ce ministère en concernant le volet nutritionnel ? La hiérarchie des priorités sectorielles et
les critères de classification sont à considérer pour comprendre la situation. Cela dépend des
arbitrages internes qui se font au niveau du ministère avant l’inscription des dépenses dans le
CDMT sectoriel et de l’importance politique accordée à l’interne à chaque thématique. L’autre
raison évidente réside dans la faible capacité de la Direction de la nutrition pour faire une
proposition d’activités et de budget qui reflète la situation globale des besoins au niveau national
8 Taux de change de : 1USD= 416 FCA
et dans tous les secteurs concernés. Le processus de planification budgétaire au niveau sectoriel et
global implique aussi des planificateurs et des macro-économistes qui ne sont pas des spécialistes
de la nutrition. Quelle est l’opinion de ces décideurs concernant l’intégration de la nutrition dans
les politiques et programmes de développement ?
3.2.2.3. La vision des planificateurs sur la nutrition
Au Burkina Faso, les Directeurs des études et de la Planification (DEP) et les Directeurs
administratifs et financiers (DAAF) ont un rôle important dans le choix des orientations
prioritaires des départements ministériels. Mais c’est surtout les techniciens du Ministère de
l’économie et des finances qui influencent le plus les plans de développement des ministères à
cause de leur rôle prépondérant dans l’arbitrage des dépenses publiques. Le Directeur Général de
l’Economie et de la Planification (DGEP/Ministère de l’économie et des finances) joue un rôle
très important dans l’approbation des budgets sectoriels et la production des documents
d’orientation générale des politiques nationales de développement. Nous l’avons interrogé sur
l’importance de la nutrition au niveau du pays et voici un extrait de sa réponse:
« Le volet nutrition est suffisamment développé dans le Cadre stratégique de lutte contre
la pauvreté. On considère la nutrition comme un volet important de la lutte contre la
pauvreté. Elle contribue à la réduction de la mortalité infantile et va permettre l’atteinte de
l’OMD relatif à la mortalité maternelle et infantile ».
Cependant, il reconnaît qu’avant, il y avait peu de ressources consacrées à la nutrition et
considère que maintenant, l’Etat commence à donner un peu plus de ressources. Parmi les autres
leviers importants à actionner pour soutenir la croissance économique, le DGEP mentionne
l’amélioration du capital humain par l’éducation, la santé et la nutrition. Sur l’état actuel de la
réponse politique au problème de malnutrition, son avis est que la nutrition est intégrée dans un
paquet de services offerts, mais qu’elle n’est pas aussi développée par rapport à d’autres services.
Il suggère de mieux cibler le résultat qu’on veut atteindre dans le cadre du CSLP. Le DGEP est
d’avis qu’il faut mettre l’accent sur les cibles des OMD, mais il déplore le manque de données
pour renseigner la situation de la malnutrition dans le pays.
Pour sa part, le Directeur des études et de la planification du Ministère de la santé pense que la
nutrition est prise en compte dans le Plan national de développement sanitaire, mais pas
suffisamment. Pour lui, la principale difficulté concerne les critères de détermination des priorités
pour l’allocation des ressources. Il juge insuffisant le financement de la nutrition par l’état tout en
indiquant que des thématiques comme la lèpre et la tuberculose sont également sous-financés.
Selon le DEP, il s’agirait donc d’un problème structurel touchant plusieurs domaines d’intérêt et
non une situation spécifique à la nutrition. Tout en reconnaissant la pertinence de ce propos, force
est de constater les écarts très importants qui existent quand on compare le financement actuel
d’une question comme le VIH/Sida avec celui de la nutrition. Cette comparaison n’est pas
superflue quant il s’agit d’analyser l’influence de la volonté et de l’engagement politique sur le
choix des priorités de développement.
Sur cette question, le DGEP pense qu’il faut situer la nutrition au cœur du développement car elle
constitue un facteur de développement. Cependant, pour lui, la nutrition est plus un problème de
santé publique que de développement parce qu’elle handicap moins que le Sida. Il avoue avoir un
problème avec la conception actuelle de la malnutrition présentée comme étant une conséquence
de la pauvreté. La pauvreté dit-il, n’est pas un cercle vicieux ou une fatalité. A son avis, « même
en situation de pauvreté, on peut lutter contre la malnutrition. Il faut utiliser l’approche
communautaire ».
Un répondant conseille de ne pas se faire d’illusion. A son avis, on ne va jamais arriver à un
momentum international pour le financement massif et durable de la nutrition, similaire à celui du
VIH. Ce qui se passe actuellement dans la lutte contre le VIH/SIDA est, selon lui, un fait unique
dans l’histoire moderne qui ne se répétera plus jamais pour aucune autre thématique.
Ce point de vue peut porter à discussion dans la mesure où le problème de fonds quand on aborde
ces deux questions concerne le nombre de victimes et les conséquences éventuelles sur le
développement. Aussi bien le VIH/Sida que la malnutrition a des conséquences graves sur le
développement national à cause de leur impact sur le capital humain. La seule différence est que
la malnutrition ne touche pas toutes les catégories sociales de la même manière et avec les mêmes
incidences. L’attention accordée aux personnes séropositives et aux malnutries constitue un point
clé dans la différence de prise en compte politique de la nutrition.
3.2.2.4. L’attention accordée aux personnes malnutries
La malnutrition touche des enfants de bas âge qui sont dissimilés dans les familles et donc
invisibles. Elle touche aussi les femmes qui constituent un groupe vulnérable et sans voix. Il y a
une indifférence que les répondants expliquent par le fait d’être dans la zone sahélienne. Pour
avoir intériorisé ce cliché, autant la population que les décideurs politiques en sont venus à
considérer l’existence de malnutris comme étant normale. L’image de l’enfant malnutri sévère a
fini par devenir tout simplement celle du Sahel tout entier. Il n’y a que les médias internationaux
qui raffolent de ces images chocs des enfants malnutris sévères et qui les diffusent en boucle et
sans respect d’aucun principe éthique et de droits humains. Certaines ONG internationales se sont
spécialisées dans l’utilisation de ces images pour sensibiliser l’opinion européenne et mobiliser
des ressources financières. C’est le cas particulièrement de Vision Mondiale qui a été critiquée il
y a quelques années pour cette pratique.
Au Burkina Faso, les médias locaux ne font que relayer les images provenant de l’Occident pour
rendre compte d’une réalité qu’ils côtoient eux-mêmes au quotidien sans y prêter attention. Ce
qui leur parait banal d’ordinaire prend un intérêt dans un reportage avec des gros plans d’enfants
émaciés et mourants, couverts de mouches ou accrochés aux seins de leurs mères. Ces images
sont servies avec des commentaires alarmistes et stéréotypés. En dehors des gens qui ont accès
aux médias, la majorité restent insensibles à ces images du quotidien qu’elles jugent normales ou
tout simplement dérangeantes. En tentant une comparaison avec le VIH/Sida, un de nos
interlocuteurs dit ce qui suit :
« Le VIH/Sida est un problème de développement. Tout le monde est concerné. Ce n’est
pas seulement un problème des pays pauvres. Le SIDA n’est pas seulement une maladie
de pauvres mais aussi des riches, sans distinction d’âge ou de sexe ou de milieu de
résidence.
Par contre, la haute classe ne sent pas concernée par les problèmes de nutrition. La
malnutrition touche des enfants de bas âge qui vivent en général en milieu rural. Ces
victimes sont invisibles et sont cachés. Elles ne protestent pas et ne peuvent pas faire de
pression sur les hommes politiques » (extrait entretien au SP/CLNS). De ce qui précède, nous tirons la conclusion partielle que la nutrition n’occupe pas une place
importante dans l’agenda politique au Burkina Faso et ne constitue pas une priorité à part entière
dans les politiques de développement. Ce problème n’est pas considéré comme étant un problème
de droits humains. La nutrition est juste perçue comme un facteur pouvant influencer la santé
publique ou expliquer la mortalité maternelle et infantile. Il y a un début de prise de conscience
sur l’importance de la nutrition dans le développement du capital humain. Mais, le rôle explicite
de la nutrition dans l’économie n’est pas connu de plusieurs décideurs ni valorisé comme tel dans
le discours politique sur le sujet.
Dans le point suivant nous proposons une description du niveau d’intégration de la nutrition au
niveau des secteurs prioritaires en exposant les actions menées par l’état et menées par les
partenaires (ONG et Partenaires techniques et financiers). Le but est de reconstituer la trajectoire
de la nutrition, d’examiner le processus et le degré d’institutionnalisation de la nutrition et enfin
d’apprécier l’impact des politiques et programmes sur la réduction de la malnutrition.
4. QUELLE EST LA TRAJECTOIRE DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES AU
BURKINA FASO ?
La Conférence internationale sur la nutrition (Rome, 1992) a défini neuf domaines communs
d'action afin de promouvoir et protéger le bien-être nutritionnel des populations:
amélioration de la sécurité alimentaire des ménages;
protection du consommateur par l'amélioration de la qualité et de l'innocuité des aliments;
prévention des carences spécifiques en micronutriments;
promotion de l'allaitement maternel;
promotion de régimes alimentaires et de modes de vie sains;
prévention et traitement des maladies infectieuses;
prise en charge des groupes défavorisés sur le plan économique et vulnérables sur le plan
nutritionnel;
évaluation, analyse et surveillance nutritionnelle;
Peut-on parler actuellement d’une intégration effective de la nutrition dans les politiques et
programmes de développement et la prise en compte des domaines d’action énoncés lors de la
Conférence dans un pays signataire comme le Burkina Faso ? Quels sont les facteurs clés de
l’environnement politique qui ont favorisé ou non l’institutionnalisation de la nutrition au sein
des ministères clés et dans les politiques globales ? Le Burkina a-t-il amorcé le processus
d’intégration de la nutrition dans ces politiques globales et sectorielles de développement ? Pour
répondre à ces questions, une revue du contenu des documents de politiques et projets est
proposée.
4.1. La prise en compte de la nutrition dans les politiques, projets et programmes sectoriels
Puisque de 1970 à 2002 il n’y a pas eu de politique globale sur la nutrition au Burkina Faso, la
revue proposée vise à reconstituer le puzzle des actions entreprises pour situer le niveau de prise
en compte de la nutrition dans les politiques sectorielles, les programmes thématiques et les
projets concus. Nous abordons en premier lieu, l’expérience du Ministère de la santé qui est la
structure de tutelle officielle de la nutrition. Par la suite, les expériences des ministères de
l’agriculture et de l’éducation seront exposées. L’examen va aussi porter sur les interventions des
donateurs et des ONG et associations. Dans la citation qui suit un principe important est énoncé
concernant les objectifs des politiques nutritionnelles :
« Les objectifs généraux des politiques alimentaires et nutritionnelles devraient être
d'améliorer la quantité, la qualité et l'innocuité des aliments destinés à l'homme, avec le
souci d'assurer une alimentation adéquate à tous, et d'essayer de garantir santé et soins à
chacun.» FAO.
Dans l’extrait qui suit, tiré d’un document de la FAO, on trouve des indications concernant les
éléments à prendre en compte pour faire l’analyse de la prise en compte de la nutrition :
« Il était nécessaire de coordonner les programmes et les politiques de nutrition. Les
principales activités de nutrition sont presque toujours entreprises par des départements et
des ministères parce que la majorité des pays ont un système qui partage ainsi les
fonctions du gouvernement. Par conséquent, à moins de créer un ministère de la nutrition
et de l'alimentation, il est nécessaire d'avoir d'autres mécanismes pour promouvoir le bon
déroulement et la coordination des programmes et politiques alimentaires et
nutritionnelles. Il faut s'assurer que les politiques, au sein des différents ministères sont
compatibles, coordonnées et, si possible, harmonisées. La mise en œuvre des programmes
devrait toutefois rester sous la responsabilité des agences des ministères et des
départements existants ».
4.1.1. Intégration de la nutrition au sein du ministère de la santé
En tant que structure leader sur les questions nutritionnelles au Burkina Faso, il est fondé de se
demander comment la nutrition a été intégrée dans les activités du Ministère de la santé. Peut-on
parler d’un début d’intégration ou d’une institutionnalisation de la nutrition au niveau de ce
secteur ?
Au cours des entretiens, tout le monde s’accorde à reconnaître que la malnutrition a toujours été
un problème de santé publique au Burkina Faso. Les personnes interrogées se félicitent des
efforts faits par les autorités ministérielles au cours des décennies pour donner plus d’importance
à la nutrition. Elles citent en exemple, l’érection d’une Direction nationale de la nutrition et la
création du Conseil National de Concertation sur la Nutrition (CNCN, 2007). La prise en compte
de la nutrition dans les directives de planification des districts sanitaires figurent aussi parmi les
faits cités comme étant des preuves d’une volonté politique en faveur de la promotion de la
nutrition.
Comment la malnutrition est présentée dans les documents de politiques et projets et quelles en
sont les implications sur l’efficacité des actions sur le terrain ? Pour y répondre, nous procédons à
un examen chronologique des différents documents de programmation disponibles en
commençant par le programme de protection maternelle et infantile de 1958.
Programme de Protection Maternelle et Infantile (PMI, 1958)
Le tout premier programme de protection maternelle et infantile de la Haute Volta a été élaboré
en 1958. Comme son nom l’indique, il visait la protection des femmes et des enfants. Mais, des
difficultés multiples ont entravé son application sur le terrain, parmi lesquelles figurent:
- L’incompréhension de certains responsables médicaux qui ne conçoivent pas la SMI
comme une partie intégrante de leurs activités ;
- La médicalisation de la PMI qui a entraîné une valorisation plus grande du volet
curatif au détriment du préventif
- La relégation des activités éducatives au second plan
- Le manque de concertation entre les différents services intervenant dans le domaine
de la PMI .
Le programme PMI a été révisé en 1979 et a pris la dénomination de « Programme national de
santé maternelle et infantile/nutrition. Le concept de PMI est ainsi remplacé par celui de SMI, et
cela conformément à la résolution de la Conférence d’Alma-Ata9 sur les soins de santé primaire
organisé par l’ONU. La spécificité de cette nouvelle approche est mise en exergue dans le point
suivant.
Programme de Santé Maternelle et Infantile/Nutrition (1978)
En 1978, une concertation entre les différentes directions du Ministère de la santé et des secteurs
concernés par la santé de la mère et de l’enfant a permis l’élaboration d’un Programme national
de santé maternelle et infantile. Cette concertation a consisté à l’organisation d’un atelier de
réflexion sur le bilan de la mise en œuvre du programme PMI et l’exposé de l’approche SMI à
l’attention des participants. Après avoir fait le constat général du caractère restrictif de l’approche
Protection Maternelle et Infantile, le Ministère de la santé a opté pour l’approche Santé
Maternelle et Infantile qui se veut plus englobante et à même de couvrir l’aspect physique,
mentale, social de la protection et la participation populaire.
Il consiste à cerner les problèmes de l’individu dans un cadre élargi aux dimensions familiale,
communautaire et individuelle pour responsabiliser les différents groupes dans la prise en charge
de leurs problèmes de santé. La SMI cible exactement les mêmes groupes sociaux que la nutrition
que sont : les femmes âge de procréer (15-49 ans) les femmes enceintes et allaitantes, les enfants
à risque (malnutris, prématurés, orphelins). La nutrition figure parmi les services qu’offre le
programme de SMI. Il s’agit donc d’une nouvelle approche d’intervention qui englobe la
nutrition et bien d’autres services dans une approche intégrée de livraison d’un paquet minimum
de services.
Cela a permis néanmoins la réalisation d’activités de surveillance nutritionnelle dans le cadre des
activités SMI (pesée, mesure de la taille et du périmètre brachial). La principale critique faite
concernant l’application de l’approche SMI porte sur la non maîtrise des activités de surveillance
nutritionnelle par le personnel soignant. Les pesées et les mesures sont faites, mais les données ne
sont pas collectées et centralisées en vue de leur traitement au niveau national. C’est ainsi que les
mesures faites dans les CREN au début des années 1980 n’ont pas été traitées et exploitées pour
donner un aperçu d’ensemble de la situation nutritionnelle de l’époque. De même, certains agents
9 Conférence internationale organisée par l’ONU sur la santé maternelle et infantile.
ne comprennent pas l’évolution des courbes de pesée pour expliquer aux parents la situation
exacte de l’enfant et les mesures à prendre au plan nutritionnel.
Une nouvelle révision du programme a eu lieu en 1985 suite à l’adoption de la planification
familiale comme composante du bien-être familial et son intégration dans les activités SMI.
Plusieurs difficultés ont empêché la mise en œuvre de ce programme. Parmi les insuffisances
identifiées, on peut citer les suivantes :
- Les objectifs de programmes sont mal formulés
- L’insuffisance de collaboration intra et intersectorielle
- L’absence d’objectifs spécifiques en SMI/PF et nutrition
- Le manque de stratégie spécifique en SMI/PF et nutrition
Depuis lors, la SMI et la PF sont deux activités intégrées dans le paquet de services destinés aux
mères dans les formations sanitaires. Mais, le suivi-évaluation de leur impact souffre encore de
nombreuses insuffisances. Les agents de santé (sage-femmes, infirmiers) ont tendance à
privilégier les activités dont ils ont la maîtrise technique au détriment de celles comme la
nutrition pour lesquelles leurs connaissances sont plus limitées.
On constate également une persistance de la mortalité maternelle et suite à de nouvelles
conventions internationales sur la question, le Burkina Faso a adopté des plans stratégiques en
faveur de la maternité à moindre risque.
Plan stratégique pour une maternité à moindre risque (MMR, 1994-1998, 1998-2000, 2004 -
2008)
Le Burkina Faso a adhéré à l’Initiative pour une maternité sans risque (adoptée à Nairobi 1987 et
Niamey 1989). Le Gouvernement a, depuis cette date, continuellement élaboré et mise en oeuvre
des politiques et programmes de réduction de la mortalité maternelle et infantile.
Depuis sa création en 1989, la Direction de la Santé de la Famille (DSF) a reçu pour mission la
conception, la planification, la coordination, le suivi et l’évaluation de la mise en oeuvre des
programmes de santé relatifs à la santé des femmes, des hommes, des enfants, des adolescents et
des jeunes. A ce titre, la DSF a élaboré trois plans stratégiques successifs pour la maternité à
moindre risque (MMR) couvrant les périodes de 1994-1998, 1998-2000 et 2004-2008. Ces
documents ont été conçus à l’intention de tous les acteurs de la Santé de la Reproduction (SR) et
de la lutte contre la Mortalité Maternelle et Néonatale (MMN) aux différents niveaux du système
de santé ainsi qu’aux partenaires et aux autres secteurs ministériels.
En examinant le contenu des différents plans stratégiques, on s’aperçoit qu’il n’est pas fait
mention de la nutrition. La malnutrition est citée une seule fois dans le document dans la liste des
facteurs de mortalité maternelle et infantile. Il n’y a pas d’activités qui soient proposées pour
lutter contre ce phénomène. En matière d’intégration de la nutrition, on constate un recul par
rapport aux programmes précédents, alors que le Centre National de la nutrition est toujours sous
la tutelle de la DSF. Cela pourrait s’expliquer par l’élaboration en cours pendant la période 1991-
1995 du premier plan national d’action sur la nutrition mais tout porte à croire que les
nutritionnistes n’ont pu influencer le contenu des différents programmes de leur structure de
tutelle qu’est la DSF. Il en est de même au niveau du système de santé en général quand on
considère le contenu des programmes et projets sectoriels. Le premier exemple qui peut illustrer
ce constat est le projet de développement des services de santé (PDSS).
Projet de développement des services de santé (1994-1995)
Ce projet a été financé par la Banque Mondiale. Au départ, l’accord de financement portait sur
un projet de développement des services de santé. Un an après le démarrage des activités, la
Banque Mondiale a demandé une révision du projet pour intégrer une composante nutrition. Cela
était une condition pour l’octroi du financement restant. Tous les avis concordent sur le fait que
les responsables du Ministère de la santé ont dû se plier à cette exigence sous la pression de la
Banque Mondiale. L’introduction de la nutrition n’était pas une priorité de l’état mais est perçue
comme une imposition de la Banque Mondiale. Le Projet initial a changé de nom pour devenir le
Projet de développement de la santé et de Nutrition.
Projet de développement de la santé et nutrition (1995-2001)
Comme son nom l’indique, ce projet financé par la Banque Mondiale visait le développement
global des services de santé. Une composante nutrition, représentant 12% du budget total du
projet a été intégrée au projet. L’objectif visé à travers la composante nutrition est de promouvoir
la supplémentation en micronutriments à travers des programmes sélectionnés. La composante
avait été envisagée pour compléter les activités menées dans un projet antérieur financé par la
Banque Mondiale, à savoir le Programme de sécurité alimentaire et Nutrition exécuté par le
Ministère de l’agriculture. Les activités secondaires envisagées sont : la formation des agents,
l’éducation nutritionnelle par des messages IEC et la surveillance nutritionnelle.
A la fin du projet, la mise en oeuvre de cette composante a été jugée non satisfaisante en raison
de l’impact limité des activités sur les personnes affectées. Ce projet n’avait pas pris en compte
les problèmes de carences en micronutriments de manière satisfaisante tout au long de la durée de
sa mise en œuvre. Bien que certaines activités aient été menées (formation des responsables des
districts sanitaires et des agents de santé communautaires en gestion des micronutriment, la
distribution de vitamine A et de capsules d’iode, l’éducation nutritionnelle), les informations
disponibles ne permettent pas de situer quelle proportion de la population à risque a bénéficié des
prestations. Plus encore, la mission d’évaluation du projet indique qu’aucun progrès notable n’a
été fait par rapport au développement et à la mise en œuvre d’une stratégie à long terme sur la
fortification des aliments et la modification des habitudes alimentaires.
A partir de la revue à mi-parcours en 1998, la décision a été prise de conduire les activités de
manière décentralisée en les intégrant dans les plans d’action des districts sanitaires. Cette option
n’a pas réussie puisqu’à la fin du projet en 2001, car seulement une poignée de districts ont inclus
des activités concernant les carences en micronutriments. Il n’y a pas eu une appropriation de
l’activité par les parties prenantes.
Pourtant, plusieurs personnes interrogées dans le cadre de la présente étude considèrent la période
de la mise en œuvre du PDSN comme étant l’âge d’or de la nutrition au Burkina. Ce fut, disent-
elles, le seul projet de grande envergure qui a permis par le passé, de couvrir la moitié du pays
avec des activités nutritionnelles. Ce projet a permis de mettre à la disposition des acteurs des
ressources suffisantes pour travailler, malgré les résultats peu concluants dus surtout à la non
appropriation des activités par les formations sanitaires (CSPS)10
. Il n’y a pas eu de durabilité
des résultats. Au moment où prenait fin le PDSN, une politique sanitaire nationale a été élaborée.
Politique Sanitaire Nationale (PSN, 2000)
Cette Politique Sanitaire Nationale, qui date de 2000, avait pour objectif général d'améliorer
l’état de santé des populations. Dans le document de politique sanitaire nationale, la malnutrition
est citée parmi les causes de la mortalité infantile au Burkina Faso. Cependant, le document ne
contient pas de données concernant la prévalence de la malnutrition. Elle n’apparaît pas comme
étant un problème de santé publique mais comme une conséquence de l’insécurité alimentaire. La
nutrition ne figure pas non plus parmi les problèmes prioritaires à résoudre grâce à cette politique
ni dans les objectifs spécifiques visés. Pour opérationnaliser la politique nationale sanitaire, un
programme national de développement sanitaire a été élaboré.
Programme national de développement sanitaire (PNDS, 2001-2010)
Le programme national de développement sanitaire reprend les grandes lignes de la PSN. La
malnutrition y est présentée comme un facteur déterminant de la mortalité infantile et pas comme
un problème de santé à part entière. La lutte contre la malnutrition figure dans l’objectif
intermédiaire 3 du PNDS. Au niveau de l’objectif spécifique 3.1., les femmes et les enfants qui
constituent les principales victimes de la malnutrition sont classés dans une catégorie dénommée
« groupes vulnérables ». Il s’agit d’une formule fourre-tout qui ne cible pas seulement la
nutrition, mais aussi le planning familial, la vaccination, la maternité à moindre risque, les
urgences obstétricales et les soins néonataux.
Parmi les axes d’intervention et les prestations préventives et curatives prévues, rien de
spécifique concernant la nutrition n’a été mentionné. C’est seulement au niveau de l’objectif 3.2
intitulé « Réduire l'incidence et la prévalence des maladies d'intérêt en santé publique », que les
deux axes d’intervention suivants sont proposés : « réduire d'au moins 50% les carences en
micronutriments (iode, vit A, fer) ; et réduire à moins de 5 % la mortalité due à la malnutrition
protéino-calorique ». Il ne s’agit pas cependant d’objectifs ni d’actions précises envisagées. La
mise en oeuvre du PNDS est rendue possible grâce à l’appui financier donné par un consortium
de bailleurs de fonds à travers le Programme d’Appui aux Districts Sanitaires (PADS). L’état
aussi contribue à ce financement.
Programme d’appui aux districts sanitaires (PADS)
Le PADS est financé par un consortium de bailleurs de fonds composé de : l’Agence Française
de Développement (AFD), la Banque Mondiale, les Pays-Bas, l’UNFPA, la Suède. Ce
programme finance les plans d’action annuels des districts, permettant ainsi la mise en œuvre des
activités du Programme National de Développement Sanitaire sur le terrain. L’élaboration des
directives de planification et des sessions de financement est une opportunité qui a permis ces
deux dernières années de favoriser la prise en compte de la nutrition. Celle-ci figure parmi les
activités à gain rapide identifiées par le Ministère de la santé. Grâce aux directives de
planification édictées par le ministère au niveau central, on constate une intégration croissante
des activités concernant dans les plans d’action soumis par les districts.
10
Les CSPS ou les formations sanitaires désignent les niveaux primaires de l’organigramme des services de santé.
Ce sont les unités qui dispensent les soins de santé de base. Ils sont rattachés aux districts sanitaires.
Le financement des plans d’action des districts est basé sur l’analyse situationnelle des problèmes
de santé dans chaque région. Après l’analyse de la situation, certains districts mentionnent des
problèmes de nutrition, mais ils ne proposent pas des activités à budgétiser. Quand des activités
concernant la nutrition sont incluses dans la planification, l’allocation de ressources ou non
dépend de l’arbitrage budgétaire pendant les sessions de financement. Jusqu’à ces derniers temps,
les districts inscrivaient seulement les micro-nutriments. Depuis l’an passé, ils ajoutent des
formations sur la nutrition (mesure et interprétation). Un manuel de prise en charge de la
malnutrition sévère a été conçu et des formations en cascades sont organisées pour renforcer les
connaissances des agents sur le terrain. La Direction de la nutrition a entrepris aussi de faire le
recensement des organisations de la société civile oeuvrant dans le domaine de la nutrition sur le
terrain.
Chaque année, une ligne spéciale pouvant atteindre 200 000 000 FCFA (soit 480 769 USD) est
affectée à l’acquisition de micro-nutriments. Il n’y a cependant pas encore d’information sur la
proportion totale des financements du PADS alloués aux activités nutritionnelles. Les résultats du
PADS sur la prévalence de la malnutrition ne sont pas encore évalués et de nombreuses
contraintes subsistent. Il s’agit cependant d’un début positif. En effet, grâce aux directives de
financement des plans d’actions des districts, la DN commence à jouer son rôle en matière
d’orientation et de collaboration avec les acteurs de terrain. Il s’agit d’un élément important dans
l’amélioration de la prise en compte de la nutrition au niveau du secteur de la santé. Toutefois,
des efforts restent encore à faire au niveau des ressources humaines et du financement pour
renforcer la tendance et la pérenniser. En effet, si le PADS prend fin en 2009 comme annoncé,
cela viendrait interrompre une dynamique positive naissante dans la mise en œuvre d’activités
concrètes à l’échelle nationale. Heureusement, il n’y a pas que le PADS seul qui accorde une
place de choix à la nutrition actuellement. Le Programme de prise en charge intégrée de la
maladie et de l’enfant est un autre exemple.
Programme de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME, 2005-2010).
Cette stratégie associe une meilleure prise en charge des maladies courantes de l’enfant
(pneumonie, diarrhée, paludisme, rougeole, malnutrition) à une alimentation et à une vaccination
appropriées. La démarche d’implantation de la PCIME comporte neuf étapes. Le groupe cible est
composé des enfants de moins de 5 ans. La PCIME est perçue comme ayant le meilleur rapport
coût/efficacité pour la prise en compte simultanée des aspects curatifs, préventifs et
promotionnels des maladies de l’enfant.
La PCIME a commencé au sein du Ministère de la santé en 1997. Une phase initiale de test de la
stratégie a été mise en œuvre avec de nombreuses difficultés. Depuis février 1999, le Ministère a
opté pour l’extension de la stratégie de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant
(PCIME) communautaire en tirant les leçons de la phase initiale. Le Programme PCIME est
piloté par la DSF.
Le programme 2005-2010 est élaboré et piloté par la Direction de la Santé de la Famille en vue
de l’extension de l’utilisation de la stratégie à l’échelle nationale. Il a pour objectif principal de
Réduire de 40% la mortalité infanto-juvenile à travers la mise en oeuvre de la PCIME dans tous
les DS y compris le secteur privé d’ici fin 2010. Les activités prévues portent sur la formation des
prestataires de santé et la communication en vue de l’amélioration de la qualité des soins offerts
dans les formations sanitaires de premier niveau et l’amélioration des pratiques familiales et
communautaires. La Direction de la Nutrition figure parmi les structures partenaires dans la mise
en œuvre de ce programme. Le budget prévisionnel de ce programme est de 1.461.523.417
FCFA.
Les observations faites au niveau de la ville de Ouaga concernant la mise en œuvre de ce
programme font ressortir la nécessité d’un suivi plus rapproché des personnes formées pour
l’application des connaissances au niveau des formations sanitaires.11
Le programme n’est pas
encore appliqué partout et les personnes formées ne sont pas toujours celles qui donnent les
conseils aux mères lors des consultations de nourrissons sains. Le manuel « Conseiller la mère »
qui est utilisé comme outil d’application de la PCIME comporte également des conseils sur
l’alimentation des mères et de leurs enfants séropositives qui entre dans le cadre du Programme
Depuis l’élaboration du programme national de PTME/VIH 2001-2005 et sa mise en oeuvre à
partir de mai 2002, l’offre des services s’appuie sur un paquet d’interventions comprenant
l’utilisation de la Névirapine en monothérapie (protocole HIVNET 012), la promotion des bonnes
pratiques obstétricales, la promotion d’une alimentation à moindre risque chez le nouveau-né de
mère séropositive, le soutien psychosocial au couple mère-enfant et la prise en charge du couple
mère-enfant et de la famille. Le programme est appuyé par l’UNICEF, l’OMS, l’ONG JEREMI
de Dijon et la coopération italienne. En fin 2004, plus d’une dizaine de districts sanitaires sont
couverts avec les appuis des projets Fonds Mondial, TAP et ceux d’autres ONG et Associations.
Dans le cadre de la PTME, la prise en charge médicale, nutritionnelle, psychosociale et
communautaire de la mère et de l’enfant figure parmi les problèmes prioritaires à résoudre. Il
n’était pas prévu d’objectif, mais les Conseils et soutien en alimentation à moindre risque pour la
mère et l’enfant sont une composante du programme TME. La prise en charge de la mère
séropositive et de son enfant comporte comme activité relative à la nutrition : les conseils et le
soutien en alimentation pour la mère et le bébé. L’offre de conseils et de soutien en matière
d’alimentation du nourrisson permet de réduire la transmission du VIH par le lait maternel. Parmi
les soins aux familles, le soutien psychosocial et nutritionnel est proposé comme une intervention
à privilégier. Un guide d’entretien nutritionnel à l’intention des PV/VIH a été élaboré. Malgré
l’importance accordée à la nutrition, la Direction de la Nutrition n’est pas mentionnée parmi les
partenaires identifiés pour la mise en œuvre de ce programme, et si elle est impliquée, il n’y a
aucune visibilité de sa participation au programme PTME.
En lien avec la PTME, un programme spécifique à l’allaitement maternel est aussi piloté par la
DSF. Il ressort que 60,2% des mères choisissent l’allaitement maternel exclusif et 33,8%
l’alimentation artificielle exclusive ; tandis que 6% d’entre elles pratiquent une alimentation
mixte. Qui dit allaitement, dit dans une certaine mesure nutrition. Les mécanismes de
coordination au niveau national qui existent sont les réunions semestrielles du Conseil de
11
Nous avons mandaté seize étudiants de l’option « communication pour le développement » de l’UFR/LAC pour
faire une étude de terrain sur l’utilisation du Manuel de la PCIME intitulé « Conseiller la mère ». Ils ont assisté à des
séances de conseil dans les formations sanitaires de la ville de Ouagadougou et rédigé des rapports critiques sur les
pratiques de communication entre le personnel soignant et les femmes qui viennent pour les consultations de
nourrissons sains. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une évaluation globale de la stratégie PCIME, les faits relatés et les
analyses peuvent donner des indications sur les insuffisances actuelles dans l’application de la PCIME.
concertation impliquant tous les partenaires intervenant dans la PTME. Mais, la concrétisation de
la collaboration intra sectorielle préconisée dans le programme n’a pas connu une exécution
satisfaisante. Dans la planification des activités, la DN n’est pas mentionné clairement parmi les
partenaires. Les agents interrogés disent ne pas chercher à s’imposer quand on ne les associe pas.
Mais comme le dit un des répondants, « Si c’est le même objectif qu’on poursuit on va finir par
s’accorder sur le chemin à suivre ».
Politique nationale d’Information Education et communication en santé (2005).
Les différents programmes et projets du Ministère de la santé comportent un volet
communication. Mais, les lacunes en matière de communication du personnel médical sont
souvent dénoncées par les usagers des services de santé. Aussi, le Ministère s’est doté d’une
politique d’Information, Education et communication en santé pour résoudre les problèmes
soulevés.
Dans cette politique, il est mentionné que « l’insécurité alimentaire dans les ménages favorise la
malnutrition et fragilise ainsi la santé des femmes et des enfants ». Bien qu’il n’ait pas été fait cas
de l’utilisation de l’IEC pour des actions de lutte contre la malnutrition, au niveau de la
présentation du contexte de l’IEC santé au Burkina, il est fait mention de l’existence d’un module
de formation en IEC/nutrition. Pourtant, la Direction de la nutrition ne fait pas partie des
structures identifiées pour la mise en œuvre de cette politique IEC santé. On peut donc se
demander qui assurera l’application de la politique dans ce domaine précis.
Plan d’accélération de réduction de la mortalité maternelle et néonatale (Feuille de route,
2006)
Dans le cadre des Objectifs du Millenium pour le Développement, le Ministère de la santé a
élaboré un plan d’accélération de réduction de la mortalité des mères et des enfants. Ce Plan
d’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale a été élaboré en 2006. Il
s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre du plan stratégique de maternité à moindre risque, du
Plan National de Développement Sanitaire 2001-2010 du Burkina Faso et du Cadre Stratégique
de Lutte contre la Pauvreté. Il vise à accélérer l’atteinte des objectifs du millénaire dans ce
domaine pour passer du taux de 484 décès/ 100 000 naissances relevé en 1998 à un taux de 121
décès en 2015. Selon le Ministre de la santé, il constitue désormais le principal document de
référence pour les actions de lutte contre la mortalité maternelle et néonatale.
Malgré la similitude des groupes-cibles couverts (enfants, femmes) et de la problématique
abordée qu’est la mortalité maternelle et infantile, le Plan d’accélération n’aborde pas la question
de la nutrition. La malnutrition est seulement présentée comme une cause de la mortalité
maternelle, mais aucune activité n’a été proposée dans le plan pour solutionner ce problème. La
Direction de la Nutrition ne figure pas non plus sur la liste des partenaires de mise en œuvre du
Plan.
C’est finalement au début des années 1990 que le Burkina s’est doté pour la première fois d’un
Plan national d’orientation et d’action sur la nutrition. Le point qui suit est consacré à la
présentation de cette initiative.
Plan national d’action pour la nutrition (PNAN 1992-2005)
Dans le cadre de la préparation de sa participation à la conférence internationale de Rome sur la
nutrition, le Burkina a élaboré à partir de 1991, un draft de Plan d’action sur la nutrition après un
processus de consultation au niveau local. L’élaboration de ce document était une
recommandation faite aux pays participants à la Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN).
Avec l’appui de l’UNICEF, le Burkina avait pris les devants pour commencer l’élaboration de
son plan d’action avant la Conférence, ce qui a permis d’en faire la présentation à l’occasion.
L’objectif principal de ce plan d’action était le suivant : « assurer une production et un
approvisionnement alimentaire réguliers, durables et adéquats en vue d’améliorer la sécurité
alimentaire et nutritionnelle au niveau des ménages ». Parmi les stratégies retenues figurent :
- Le renforcement des structures impliquées dans la surveillance de la sécurité alimentaire et
nutritionnelle
- Le renforcement des structures en charge de l’alimentation et de la nutrition.
Le processus d’élaboration du PNAN a été piloté par une Commission Interministérielle qui s’est
dissoute aussitôt après la finalisation du document en 1999. Il n’a pas été adopté par le
gouvernement pour des retards dans le processus de soumission. Cela s’explique par des
problèmes institutionnels et de procédures administratives. En effet, le Ministère de l’agriculture
avait été désignée dans le PNAN pour l’ancrage institutionnel du plan d’action alors que le
Centre National de Nutrition relevait du Ministère de la santé. En principe, la soumission d’un
document en conseil des ministres doit être fait par le Ministre de tutelle. Ce n’était certes pas la
seule raison qui explique la non adoption du PNAN pendant près de dix ans après son
élaboration, mais cette explication semble la plus pertinente.
Le PNAN a dû être révisé en 2000 pour : la prise en compte du VIH/Sida, des OGM et des
maladies émergentes non transmissibles liées à l’alimentation qui sont de nouvelles
préoccupations en matière de santé publique. La version révisée du PNAN (2001-2005) a été
adoptée par le gouvernement après la présentation du Profile Burkina en 2001. Le Profile a été
élaboré par un groupe d’experts nationaux en nutrition et cette activité semble être la seule à
avoir jamais réuni les spécialistes nationaux pour une action collective. Bien que plusieurs
activités proposées soient en lien avec des projets en cours, le PNAN a connu un faible taux
d’exécution pour plusieurs raisons. La première raison tient au fait que les activités de nutrition
ne soient pas suffisamment exécutées dans le cadre de la mise en œuvre du PMA (Paquet
Minimum d’Activités) par les formations sanitaires. La deuxième raison avancée est la faiblesse
du financement octroyé par l’état et les partenaires au développement. L’avis du Directeur de la
nutrition sur la question du faible financement du PNAN est le suivant :
« On estimait que nous avons outrepassé nos prérogatives. On n’a eu aucun financement.
Comment la DN qui est une petite Direction du Ministère de la santé peut-elle aller
contrôler ce que font les autres ministères ? Le PNAN n’a jamais été financé pour cette
raison » (extrait d’entretien).
On constate aussi une faible mise en œuvre des activités préventives en direction des
communautés de base (Education et Surveillance nutritionnelle) et l’abandon des activités de
récupération des enfants malnutris pendant toute la période de la mise en œuvre du PNAN qui
correspond pourtant à une hausse significative des taux de malnutrition (EDS 2003). Seules les
activités portant sur la supplémentation en vitamines A, en iode, en fer et les formations des
agents de santé ont pu être mises en oeuvre.12
La coordination de la mise en œuvre du PNAN ne semble pas avoir été réalisée de sorte à
permettre le suivi et la capitalisation des actions entreprises par les autres ministères participants.
Il est probable que les autres ministères concernés par le PNAN aient exécuté les activités
nutritionnelles qui relèvent de leurs responsabilités, mais les données s’y rapportant n’ont pas été
collectées et synthétisées pour donner un aperçu du niveau d’exécution.
La faible mise en œuvre du PNAN s’explique aussi par l‘insuffisance du personnel de la
Direction de la nutrition et sa jeunesse suite aux mutations et à la déperdition d’un grand nombre
de spécialistes de haut niveau. Sur dix agents au moment de l’adoption du PNAN, il ne restait
plus que trois en 2005. Certains ont été affectés et d’autres ont préféré quitter le Ministère par
manque de satisfaction professionnelle. La plupart des anciens nutritionnistes disent avoir été
frustrés par la manière dont les ressources humaines dans le domaine de la nutrition ont été
gérées par le Ministère de la santé. La nomination de jeunes n’ayant pas de diplômes élevés et
sans expérience à des postes de responsabilité a créé un conflit intergénérationnel qui perdure et
contribue à la dispersion des ressources humaines. Au lieu de renforcer les ressources humaines
pour la mise en œuvre du PNAN, le Ministère n’a pas bien géré l’existant, encore moins de
l’étoffer qualitativement pour satisfaire aux nouvelles ambitions politiques affichées dans le
PNAN.
Politique nationale pour la nutrition (PNN)
Cette politique a été élaborée en 2006 et a été adoptée en Conseil des ministres en mai 2007.
L’élaboration de la politique nationale de la nutrition a été confiée à un consultant par la
Direction de la Nutrition. Il s’agit d’une démarche courante dans l’élaboration des politiques que
de faire appel à un consultant expert pour proposer un draft de politique à finaliser par les parties
prenantes. A l’atelier de validation du document proposé par le consultant, les participants
(représentants les acteurs intervenant dans le domaine de la nutrition) ont contesté la qualité de la
politique proposée et suggérer des modifications importantes. Le document a été réécrit en tenant
compte de ces modifications. Les autres secteurs ministériels n’ont été associés qu’à l’étape de la
validation du document de politique et certains s’en plaignent.
La PNN reprend les analyses situationnelles contenues dans le PNAN quand à la situation
critique de la malnutrition dans le pays. Les données de l’EDS 2003 et de quelques études à petite
échelle sont utilisées pour décrire cette situation jugée alarmante. Le PNDS et les OMD
constituent les seuls fondements de cette politique.
L’objectif général de cette politique est d’améliorer l’état nutritionnel des populations. Les
objectifs spécifiques de la politique sont les suivants :
- Réduire la morbidité et la mortalité dues à la malnutrition protéino-énergétique et aux
carences en nutriments
- Réduire la prévalence des maladies chroniques non transmissibles liées à la nutrition
- Améliorer l’offre de services en matière de nutrition dans les formations sanitaires
12
CILSS : Profil de sécurité alimentaire, septembre 2007
- Renforcer la participation communautaire aux activités de nutrition ;
- Assurer la sécurité sanitaire et la qualité nutritionnelle des aliments
- Renforcer la coordination et la collaboration intra et intersectorielles en matière de nutrition.
Contrairement au PNAN qui avait une portée transversale, la politique nationale de nutrition est
perçue par tous les observateurs, y compris le Directeur de la nutrition, comme étant sectorielle et
spécifique au secteur de la santé. Les activités proposées sont en conformité avec la vision
médicalisée du phénomène qui prévaut dans le secteur de la santé. Elle n’intègre pas
suffisamment les autres dimensions du problème telles que perçues dans les secteurs de
l’agriculture, de l’action sociale, de l’éducation et de l’environnement et cadre de vie. Le
recentrage tient compte du positionnement actuel de la DN au sein du Ministère de la santé. Elle
ne peut pas porter une politique trans-sectorielle en étant une petite direction du Ministère de la
santé.
Cela veut dire qu’au lieu de changer le positionnement de la Direction de la Nutrition en la
transformant en une Direction Générale ou une structure spécialisée rattachée directement au
Secrétariat Général du Ministère, on a préféré adapter la portée de la politique nationale à la
limite administrative actuelle de la DN. Or, le fait de réduire la portée de la politique à une
dimension sectorielle ne permet pas de prendre en considération la transversalité de la
problématique de la malnutrition ni de promouvoir la collaboration intersectorielle indispensable
pour des actions concertées et harmonisées entre les ministères. Pire encore, l’orientation
politique est en contradiction avec l’esprit et la lettre du décret de juillet 2007 portant création du
Conseil National de Concertation sur la Nutrition (CNCN).
La nécessite de la prise en compte transversale de la nutrition La création du Conseil National de Concertation sur la Nutrition vient combler un besoin exprimé
depuis 1968. Son utilité tient au fait que la nutrition est une question transversale qui ne peut être
résolue par un seul ministère comme le souligne l’extrait suivant tiré de la Politique nationale du
Rwanda :
« il apparaît clairement qu'un seul ministère ou qu'un seul groupe de professionnels ne
peut à lui seul éliminer la faim et la malnutrition dans la société. Les nutritionnistes et les
spécialistes des sciences des aliments, entre autres, travaillent dans tous ces domaines, et,
dans une stratégie nationale d'alimentation et de nutrition qui fonctionne correctement, ils
collaboreront avec des professionnels de toutes les disciplines concernées. Pour atteindre
l'objectif d'une bonne nutrition, il peut aussi être nécessaire de faire appel à des experts
dans les domaines de l'anthropologie, de la sociologie et du développement
communautaire »
Au Burkina Faso aussi, la nécessité de la transversalité est unanimement reconnue par tous les
acteurs rencontrés. La citation suivante reflète au mieux les avis exprimés sur la transversalité des
problèmes à résoudre.
« L’accomplissement de la sécurité nutritionnelle constitue le troisième pilier de la
sécurité alimentaire : il s’agit en l’occurrence d’un état nutritionnel adéquat composé de
protéines, d’énergie, de micronutriments et de minéraux suffisants pour tous les membres
du ménage. Une disponibilité alimentaire adéquate, à l’échelon du ménage, est nécessaire
pour atteindre la sécurité nutritionnelle, sans toutefois être suffisante. La santé, les soins
infantiles et l’accès à de l’eau saine et à un assainissement de qualité constitue les
éléments clef contribuant à une bonne nutrition. Garantir la sécurité nutritionnelle du
ménage, en conjuguant des ressources alimentaires et d’autres encore, incombe
presqu’exclusivement aux femmes. La capacité des femmes en matière de gestion de ces
ressources reste particulièrement importante pour les membres les plus vulnérables du
ménage, comme les enfants »13
.
Dans le contexte burkinabé, la faiblesse de la collaboration intersectorielle pour la réalisation
d’activités conjointes dans le domaine de la nutrition a toujours constitué un handicap. Il est très
rare qu’une telle collaboration soit instaurée avec d’autres secteurs pour la mise en œuvre des
volets nutritionnels des projets et programmes de santé relatifs à la nutrition. C’est dans le cadre
de l’élaboration du PNAN et de la validation du PNN que certains ministères et ONG
internationales ont été associés. Les expériences de collaboration entre les autres ministères et
ONG avec la DN se font à la demande des premiers cités. C’est le cas de l’étude sur la qualité des
aliments servis dans les collèges et Lycées, la participation de la DN à l’enquête nutritionnelle
réalisée par le Ministère de l’agriculture (DGPSA). Le Directeur de la nutrition est aussi sollicité
pour donner des enseignements en nutrition à l’Université dans le cadre d’une collaboration avec
l’Institut de Rechercher en Sciences Sociales. En général, ce sont les services techniques des
autres ministères qui initient leurs activités et viennent solliciter l’appui technique de la DN. Si
d’un côté cela a pour avantage de permettre la réalisation des activités en partenariat,
l’inconvénient est que cela n’est pas planifié dans l’année, ce qui finit par surcharger la Direction
à cause de la faiblesse de ses ressources humaines. Elle se retrouve en fin de compte dans une
situation où elle ne peut pas répondre à toutes les sollicitations ponctuelles et non concertées
venant des différents acteurs par manque de temps et de ressources humaines.
Le Conseil National de Concertation est mis en place pour renforcer la coordination entre les
acteurs et les actions entreprises au plan national. Sa création est saluée à l’unanimité comme
étant une avancée significative et la marque incontestée d’une volonté politique. Dans ses
attributions, le CNCN a pour mandat de coordonner l’élaboration des politiques nationales dans
le domaine de la nutrition. Or, il est mis en place juste après l’adoption d’une politique sectorielle
qui est en déphasage avec ses missions. Pour plus de cohérence dans les initiatives positives en
cours, il y a lieu de relever le défi de la transectoralité de la politique en procédant sans tarder à
une révision de la politique avant l’élaboration de son plan d’action. Sans cela, le CNCN qui est
une structure multisectorielle va être contrainte de coordonner l’élaboration de documents
sectoriels en contradiction avec ses missions.
Après ce tour d’horizon des programmes et politiques du secteur de la santé, nous pouvons dire
que des efforts de plus en plus pertinents sont faits pour intégrer la nutrition dans l’agenda
sectoriel. Cela ne traduit pas cependant une démarche organisée et planifiée de prendre en compte
la nutrition de manière transversale au sein du ministère. Bien qu’il existe au sein du ministère un
mécanisme de concertation sur les thèmes transversaux, rien ne permet de dire que cette
concertation intra-sectorielle soit efficace pour l’intégration transversale de la nutrition.
L’inefficacité de la concertation interne est un problème général qui a été reconnue par le
Ministère de la santé. Dans le cas spécifique de la nutrition, il est même question de dispute des
13
QUISUMBING A. R., BROWN L. R., FELDSTEIN H. S., HADDAD L., PEÑA C.: Les femmes ou la clef de la
sécurité alimentaire in IFPRI : rapport de politique alimentaire, Washington, 1995.
projets ayant un volet nutritionnel par d’autres directions sans expertise technique, qui sous-
traitent ensuite certaines activités avec la DN. D’aucuns parlent même de confiscation des projets
de nutrition au détriment de la Direction de la Nutrition qui est plus utilisée comme un bureau
d’appui technique pour l’élaboration des projets au profit des autres directions. Mais, lorsque ces
projets sont élaborés par les techniciens de la DN, dès que le financement est obtenu, la mise en
œuvre est confiée à d’autres directions sans une bonne explication sur le bien-fondé du transfert,
ni une implication satisfaisante des nutritionnistes, ce qui crée des frustrations. Les exemples de
projets mentionnés sont : le projet allaitement maternel, le projet spiruline Nayalgué, le projet
assistance aux groupes vulnérables.
De l’avis de certains répondants, il y a une compétition entre les services pour s’accaparer des
projets de nutrition, mais la seule motivation est l’accès aux financements. Souvent pour éviter
les conflits, les agents des différentes directions renoncent à insister pour participer à des projets
conjoints. En définitive, on constate un cloisonnement des directions et des projets (à l’exception
du PADS) mis en œuvre qui donne l’impression que les principes de la collaboration entre les
organes internes du ministère ne sont pas bien compris ou sont mal appliqués par les acteurs.
Après l’examen des différents documents de politique et les programmes développés par le
Ministère de la santé depuis les années 1950 à nos jours, on s’aperçoit que la malnutrition n’est
pas présentée comme un problème de développement en soi, mais plutôt comme un facteur
explicatif de la mortalité maternelle et infanto-juvénile. La problématique de la malnutrition n’est
pas prise en compte de manière systématique et transversale comme une préoccupation des
différentes directions centrales et des structures affiliées du Ministère. En effet, elle ne ressort pas
comme étant une composante transversale des différents politiques et programmes conçus par le
Ministère de la santé. La nutrition est intégrée comme un appendice dans le secteur et les efforts
d’ouverture de Direction de la Nutrition vers les autres directions ne semblent produire les
résultats escomptés. Le PNAN et le PNN sont l’affaire de la Direction et non de l’ensemble des
organes du Ministère.
Par ailleurs, la légitimité de la présence de la nutrition au sein du Ministère n’est pas admise et
bien comprise par les médecins qui sont majoritaires au sein du département. La place de
l’expertise en nutrition dans le Ministère reste problématique malgré les efforts réalisés pour
créer un corps de professionnels. Il reste en toile de fond, une contestation de l’expertise ou une
dévalorisation des nutritionnistes par les autres professionnels. A la limite, c’est comme si
n’importe qui peut s’auto-proclamer nutritionnistes après une formation sommaire non
diplômante et prétendre ensuite à assumer des responsabilités dans la mise en œuvre de projets
nutritionnels. Pour ces différentes raisons, l’allocation des ressources financières et humaines
adéquates pour la nutrition n’est pas encore d’actualité. Malgré l’existence de la Direction de la
nutrition, le ministère ne dispose pas des compétences suffisantes et d’une expertise de très haut
niveau dans le domaine. Le renforcement des capacités nationales par la formation de doctorants
en nutrition n’est pas fait alors que les plus anciens vont maintenant à la retraite. Ce sont ces
différents facteurs qui expliquent pourquoi les politiques et programmes sectoriels examinés ne
prennent pas suffisamment la nutrition. La faible implication des nutritionnistes dans leur
formulation et mise en œuvre en est la cause.
Dans le point qui suit nous passons à l’examen des efforts d’intégration de la nutrition au niveau
du ministère de l’agriculture de l’hydraulique et des Ressources halieutiques.
4.1.2. La nutrition dans le secteur du développement rural
Le ministère de l’agriculture a été le département pionnier en matière de promotion de la nutrition
et de l’alimentation au Burkina Faso, et cela dès les années 1950. Il s’agissait au départ, de
dispenser des formations aux élèves des écoles professionnelles. C’est ainsi que les élèves
techniciens d’agriculture de l’école Matourkou sont formés en nutrition et technologie
alimentaire. Le volet formation concerne également les agents agricoles du Ministère de
l’Agriculture chargés de la question de la nutrition et certaines ONG de développement rural. Ces
agents agricoles sont des anciens élèves de l’école de Matourkou devenus des responsables au
niveau décentralisé du Ministère de l’agriculture. Entre 1982 et 1990, on les appelait des
Coordonnateurs Provinciaux des Activités Féminines (CPAF). Maintenant, on les appelle des
techniciens supérieurs en technologie alimentaire. Les données collectées dans le cadre de la
présente étude indiquent que plusieurs initiatives de prise en compte de la nutrition ont été
entreprises dans le secteur agricole. La première action mentionnée concerne le projet de sécurité
alimentaire et nutrition.
Projet Nutrition dans l’agriculture
Il a été financé à hauteur de 1 201 923 USD et a duré de 1984 à 1990. Il a consisté au
renforcement des capacités d’intervention du Service de Technologie Agro-alimentaire dans le
domaine de la formation et des enquêtes. Des formations ont été dispensées aux agents de terrain
et aux populations auxquelles, le projet fournissait aussi des équipements pour le jardinage. Le
projet a couvert tout le territoire national. Les structures partenaires dans sa mise en œuvre étaient
le ministère de la santé à travers la Direction de la Santé Familiale. Lors des formations, les
agents de santé animaient les thématiques relatives à la santé. Les groupes-cibles concernés
étaient les groupements de femmes uniquement. Mais comme le reconnaît notre interlocuteur :
« Avec le recul, on se rend compte que nous faisions erreur à l’époque en axant les
activités concernant la nutrition sur les femmes uniquement. La raison, quand bien même
une femme est sensibilisée sur des techniques nutritionnelles comme la bouillie enrichie
par exemple, elle ne parvient pas à convaincre son mari pour qu’il lui livre les céréales
nécessaires à la préparation de cet aliment. Les maris intiment l’ordre à leurs épouses
d’allaiter uniquement les enfants argumentant qu’il en a toujours été ainsi. Mais la raison
fondamentale, c’est que les hommes ne veulent pas livrer le secret de leur grenier à leurs
femmes. Car chez les Mossi par exemple, le grenier est symbolique de pouvoir. Si l’on
veut opérer des changements, il est urgent d’impliquer les hommes ».
Malgré le fait que ce projet a été collaboratif, la prise en compte du genre n’a pas été effective, ce
qui a compromis son succès.
Projet augmentation de la production et de la consommation en aliments riches en vitamines A
(1990-1993)
C’était un projet pilote qui a duré 3 ans de 1990 à 1993 et qui a concerné uniquement la province
du Namentenga. Il a consisté à la sensibilisation des populations de la zone pilote à consommer
des légumes afin de lutter contre l’avitaminose A. Le projet a été financé par la FAO à hauteur
environ de 290 000 dollar US. La Direction de la Santé Familiale a été partenaire de ce projet.
C’est elle qui a d’ailleurs mené l’étude situationnelle (diagnostic) sur l’avitaminose dans la zone
avant le démarrage du projet.
Ce projet a permis de produire un guide pratique pour la vulgarisation de la nutrition destiné à
l’usage des agents de terrain, un guide en horticulture, un film court métrage intitulé « C’est bon
pour les enfants » qui portait sur l’impact de la sensibilisation dans le changement de
comportement de la population.
Le projet a été prolongé et incorporé dans un plus vaste projet de développement rural dans le
Namentenga (PAPANAM : Projet d’Appui aux Initiatives paysannes du Namentenga). Le projet
a été financé par le PNUD à hauteur, de 3 605 769 USD. Il a consisté en la construction de
barrages. Selon le coordonnateur de ce projet, la part de ce budget qui était réservée à la nutrition
est estimée à 721 153 USD. Ce deuxième volet du projet a duré huit ans de 1993 inclus à 2000.
Quant au volet nutrition, il a débuté en Mai 1997 pour s’achever à la fin Décembre 2000. Les
publics concernés étaient les femmes en âge de procréer et les enfants à bas âge. Mais cette fois
ci, lors des séances de sensibilisation, les hommes aussi étaient impliqués.
Projet de sécurité alimentaire et nutrition (PSAN, 1990-2000)
Le PSAN, qui a été financé par la Banque Mondiale, figure parmi les projets phares du secteur
agricole en matière de nutrition. Le projet a été conçu dans le cadre des appuis accompagnant les
ajustements structurels, sur financement de la Banque Mondiale. Il s’adresse aux groupes
vulnérables au niveau des ménages et des provinces les plus pauvres.
Des expériences antérieures avaient montré que les politiques gouvernementales visant à
améliorer la sécurité alimentaire et le statut nutritionnel des groupes spécifiques ne donnaient que
des résultants éphémères avec un impact modeste. La raison principale est que, d’une part ces
politiques mettent l’accent sur les questions d’accessibilité et d’approvisionnement en denrées
alimentaires et pas assez sur la dimension ménagère de la sécurité alimentaire. D’autre part, les
actions dans le domaine de la nutrition ciblent les enfants malnutris pour leur récupération au lieu
de privilégier la prévention par le biais de l’éducation nutritionnelle et les approches
communautaires.
En droite ligne des objectifs d’assistance pays de la Banque Mondiale, la composante nutrition
d’une valeur de 1,4 millions $USD était destinée à faire le diagnostic rapide des bénéficiaires, des
besoins de formations des ONG et des agents d’agriculture, le développement de messages
d’éducation nutritionnelle et la mise en oeuvre d’une campagne multimedia sur la nutrition. Il
s’agissait d’une approche holistique des problèmes de sécurité alimentaire et de nutrition.
Ce projet a été piloté par un nutritionniste Alfred SAWADOGO et a couvert 25 provinces. Il ne
se limitait pas seulement à la nutrition mais englobait aussi les questions de sécurité alimentaire,
le renforcement des capacités du Service de Technologie Agro-alimentaire, l’appui à la
production, la fourniture des intrants aux producteurs, les jardins et les champs collectifs, la
construction d’écoles, l’alphabétisation etc. Le projet a duré 10 ans. Les structures partenaires
étaient composées de toutes les Directions Régionales du ministère de la santé, des Directions
Provinciales du ministère de l’agriculture, de consultants internationaux (en nutrition) de la FAO.
A l’évaluation du projet en 2001, il est apparu que la composante a atteint ses objectifs et a
contribué à améliorer le statut nutritionnel des enfants et les attitudes des femmes, notamment
au niveau des pratiques d’alimentation des enfants. Malheureusement, le programme n’a pas
inclus des indicateurs quantitatifs pour mesurer l’impact des activités sur le plan nutritionnel.
Bien qu’une recommandation ait été faite lors de la revue à mi-parcours du projet en 1998 de
se doter de tels indicateurs, cela n’a pas été suivi.
Le Burkina dispose également d’une stratégie nationale de sécurité alimentaire depuis 2000. Il
est en train de finaliser le deuxième programme quinquennal qui comporte un volet
nutritionnel.
Stratégie nationale de sécurité alimentaire (2003-2015)14
Souvent, on a tendance à croire que le Ministère de l’agriculture n’a qu’une vision
productiviste quand il est question de la nutrition au Burkina Faso. A travers le contenu de la
Stratégie de Sécurité Alimentaire adoptée en 2000, on s’aperçoit non seulement de
l’engagement du ministère en faveur de la nutrition, mais aussi de son ouverture en faveur
d’une approche intégrée et transversale du problème. En témoigne les actions proposées dans
la stratégie que sont.
L’éducation nutritionnelle en tant que stratégie d’amélioration de la nutrition,
La promotion de la communication (IEC) pour le changement de comportement en
nutrition et alimentation
Le renforcement des activités de récupération nutritionnelle
La promotion de la production et la consommation d'aliments riches en vitamines et en
éléments nutritifs
L’amélioration du contrôle de qualité des aliments
L’amélioration du revenu des femmes
L’intégration d’un volet surveillance nutritionnelle dans tous les programmes de sécurité
alimentaire.
Les axes stratégiques suggérés sont :
- élaborer de manière diligente un plan en matière d’éducation nutritionnelle
- intégrer l'éducation nutritionnelle dans les programmes scolaires.
- intégrer à tout programme de sécurité alimentaire une campagne de formation des
populations sur les thèmes: la nutrition, les maladies infectieuses et parasitaires, l’hygiène,
l’eau, la santé de la reproduction et l'alphabétisation.
- élaborer et réaliser pour toutes les régions du pays en mettant l’accent sur les plus
touchées par la malnutrition, des programmes de formation et de sensibilisation des populations
notamment les femmes
- mettre à la disposition du personnel en charge de la sécurité alimentaire sur le terrain des
manuels opérationnels en nutrition et alimentation.
- privilégier en matière d'éducation nutritionnelle l'approche "assise communautaire".
14 Ministère de l’agriculture : Stratégie nationale de sécurité alimentaire, Axes stratégiques, tome 2, mai 2000
Pour élaborer cette stratégie, le Ministère a bénéficié de l’assistance technique d’un spécialiste
en nutrition travaillant à la DN. Ce dernier a aussi appuyé la phase de planification
opérationnelle de la stratégie en un programme quinquennal.
Le programme quinquennal de mise en œuvre de la SNSA (2003-2007), avait entre autres
objectifs spécifiques d’ « améliorer durablement les conditions économiques et nutritionnelles
des populations pauvres et des groupes vulnérables ». L’assurance de l’accès à l’eau potable et
l’amélioration de l’éducation nutritionnelle des populations figurent parmi les résultats attendus
au bout des cinq ans que durait le programme. Les activités prévues concernaient le
développement de l’alphabétisation fonctionnelle et des programmes d’éducation nutritionnelle
et la réalisation d’une étude de la situation nutritionnelle de référence au Burkina Faso.
Au niveau de la planification budgétaire, il était attendu que ces activités puissent être financées
par les trois plans d’action existants que sont : le Plan National pour la Nutrition (PNAN 1995),
le Plan d’Action Triennal de la Santé et le Plan Décennal de Développement de l’enseignement
de base (PDDEB). Mais, cela ne s’est pas concrétisé et l’évaluation en cours du programme
quinquennal permettra de faire ressortir les insuffisances au niveau du mécanisme de
financement proposé.
Programme national de sécurité alimentaire
C’est un nouveau programme national de sécurité alimentaire ambitieux en cours de
finalisation. Il embrasse tous les volets de la production : maîtrise de l’eau, la pêche, la
pisciculture, la foresterie, la nutrition, etc. Le séminaire de validation du programme est prévu
pour bientôt et s’en suivra une rencontre avec les PTF. Le budget prévisionnel global du
projet est estimé à 2 163 461 538 USD. Le volet nutritionnel requiert un dixième du budget
global. Il consistera essentiellement en des activités de formation, à l’acquisition
d’équipements de mesures anthropométriques, à la réhabilitation des CREN, au renforcement
de la production d’aliments (farines infantiles) pour les enfants à bas âge, au renforcement de
la production de la spiruline.
Les enquêtes nutritionnelles de la Direction Générale des Prévisions et des Statistiques Agricoles
(DGPSA).
Au titre des activités menées dans le secteur agricole, il importe aussi de présenter l’initiative
de la Direction Générale des Prévisions et des Statistiques agricoles (DGPSA) portant sur les
enquêtes nutritionnelles. Depuis les indépendances, le manque de données nationales fiables
et approfondies sur la situation nutritionnelle constitue un problème crucial.
L’Enquête Permanente Agricole (EPA) a été instituée en 1994, et s’est déroulée de manière
ininterrompue jusqu’à nos jours. L’objectif est de fournir des estimations de la production
agricole et des bilans consolidés, en particulier céréaliers. Les résultats de l’EPA sont utilisés
dans le cadre du système d’alerte précoce (SAP). Dans le cadre du Suivi et d’Alerte Précoce
(SAP), la Direction des Préventions et d’Alerte Précoce (DPAP), avec l’appui du projet
PAMIR (développement durable et lutte contre la pauvreté en milieu rural – composante
sécurité alimentaire) financé par le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) français, a initié
un recueil de données sanitaires et nutritionnelles intégré au sein de l’Enquête Permanente
Agricole (EPA).
Depuis l’année 2004, dans le cadre de cette enquête, la DGPSA adjoint une fiche de collecte
de données sanito-nutritionnelles. Cette initiative vient combler un vide récurrent qui perdure
depuis les années 1960. Mais, des améliorations sont envisagées au niveau des outils de
collecte pour pouvoir mieux répondre aux questions de fonds que soulèvent les données déjà
collectées.
« L’analyse des données de l’EPA 2004-2005 et 2005-2006 faisait remarquer
l’absence d’un lien significatif entre la prévalence de la malnutrition et la production
agricole et par conséquent il était fait mention combien il était difficile d’utilisé la
production comme déterminant majeur d’alerte précoce » DGPSA, (EPA 2006-2007).
Un partenariat entre la DGPSA et la DN a été amorcé depuis 2005 pour l’organisation de cette
enquête. Il manque cependant des capacités techniques pour aider à la réalisation idoine de ce
travail très technique. Le Ministère de l’agriculture a sollicité auprès de la FAO l’envoi d’un
consultant en vue de soutenir la DGPSA pour l’élaboration de la méthodologie. Longtemps
limité à la mesure du périmètre brachial, à partir de l’année en cours, la DGPSA va
entreprendre la première enquête nationale sur la nutrition. Il rencontre des difficultés pour
mobiliser les fonds auprès de l’état et de ses partenaires mais compte se battre pour
concrétiser cette activité.
En résumé, on s’aperçoit que plusieurs projets ont été mis en œuvre dans le secteur du
développement rural. Le manque de continuité des différentes initiatives est à déplorer ainsi
que l’absence de rapports de suivi évaluation des projets mis en œuvre. On s’aperçoit aussi
que le volet nutritionnel des projets et programmes n’a pas pu être mis en œuvre correctement
par manque de ressource et de participation effective des autres ministères concernés.
Sur le plan technique, ce Ministère a fait preuve d’une certaine constance dans la promotion
de la nutrition, mais il semble avoir été limité par les querelles de leadership institutionnel
avec le secteur de la santé. C’est grâce aux efforts entrepris de ce secteur que le pays a pu
avoir des bourses d’étude pour des formations de diplômés de niveau doctorat. Mais, cette
expertise nationale n’est pas utilisée par ce seul ministère. Jusque-là, l’utilisation ultérieure de
ces ressources humaines dans le secteur de la santé n’a pas adéquate et a contribuée à la fuite
des cerveaux vers les ONG et les institutions multilatérales (UNICEF, Africare, Helen Keller
International, OMS, etc.).
Le développement de la nutrition au Burkina ne pourra pas se faire sans une pleine
participation de ce secteur, ou l’application d’un système de co-gestion de la Direction de la
nutrition avec le Ministère de la santé.
4.1.3. La nutrition dans le secteur de l’éducation
Les projets cantines scolaires (1962-1998)
La restauration à l’école est aussi vieille que l’école elle-même. Les colons ont tout fait pour
que les parents s’organisent pour mettre en place des cantines endogènes pour donner à manger
aux élèves des écoles primaires. Dès 1962, le Secours Catholique Américain ou Catholic Relief
Services (CRS) a mis un programme de distribution de vivres (lait en poudre, farine de maïs)
destinés aux enfants des écoles et aux formations sanitaires. Ce programme appelé « Vivres
pour la paix » ou Food for Peace est financé par l’USAID devait s’étendre sur cinq ans pour un
coût global de 612, 5 millions de francs à raison de 122,5/an.
A partir de 1962, le CRS a pris en charge la gestion des cantines scolaires. Tout le financement
provenait de l’USAID. CRS gérait seul et rendait compte à l’Etat. Avec l’augmentation des
effectifs, CRS a demandé la contribution de l’Etat en 1988. Cela a donné lieu à des
incompréhensions qui ont été aplanies avec le temps.
Pendant longtemps, le MEBA ne prenait pas à bras le corps le problème de la restauration dans
les écoles primaires. Depuis le transfert de la gestion par le CRS à l’état en 1989, le
gouvernement a augmenté chaque année son budget qui passe de 40 millions à l’époque à 5
milliards en 2008. Le budget augmente progressivement. En 2008, 5 milliards FCFA sont
prévus pour l’achat des vivres contre 4 milliards en 2007, 3,5 milliards en 2006 et 3 milliards en
2005.
Le Plan Décennal de Développement de l’Education de Base.
C’est en 2002 que la Banque Mondiale a mandaté des consultants pour écrire un projet sur la
santé nutritionnelle en milieu scolaire. Dans le cadre du PDDEB, un projet dénommé « Alliance
pour l’alimentation scolaire, la santé et l’éducation de base au sahel » a été élaboré. Cette
initiative est appuyée par les bailleurs de fonds qui financent l’éducation de base et la Banque
Mondiale joue un rôle important. La mise en œuvre du projet a commencé en 2006. Deux types
de cantines scolaires sont promus dans le cadre du PDDEB :
- Cantines endogènes : Non imposé. Créées volontairement par les associations de parents
élèves (AME/APE)
- Cantines assistées : Elles reçoivent l’aide de deux partenaires financiers : CRS (8 provinces) et
PAM (4 provinces). L’Etat s’occupe du reste des provinces 3 à 4 mois (33 provinces) en
associant des cantines endogènes.
Le projet est perçu comme un instrument ou un mécanisme puissant au bénéfice du PDDEB
pour l’atteinte des objectifs en matière de qualité de l’éducation. Le volet santé nutritionnelle du
PDDEB a aussi été élaboré pour harmoniser les actions des ONG et associations au niveau
local. L’idée de base du projet est d’utiliser les enfants comme un moyen pour changer la
situation au niveau des communautés grâce à une action concertée des acteurs dans les
domaines suivants:
- l’alimentation scolaire ;
- les jardins et la production scolaires;
- la santé scolaire : déparasitage et supplémentation en micronutriments, VIH/
SIDA et paludisme
- l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement.
Le Plan national d’activités est relatif aux axes d’intervention suivants :
- Alimentation scolaire ;
- Appui à l'éducation de base ;
- Eau potable et latrines hygiéniques ;
- Santé, nutrition et éducation à l'hygiène ;
- Déparasitage et enrichissement des aliments en micronutriments ;
- Éducation concernant le VIH/SIDA ;
- Prévention du paludisme
Les PTF ont confié la gestion de ce programme à un consortium d’organisations de la société
civile qui ont déjà de l’expérience sur le terrain. Le programme est mis en œuvre par un
consortium d’organisations qui sont : Catholic Relief Service (CRS), La Fondation pour le
développement communautaire (FDC) et Helen Keller International (HKI). Au niveau du
ministère la DAMSE suit ces activités. Le ministère de l’éducation de base transfert les
ressources financières aux organisations mandatées qui mettent en œuvre les activités sur le
terrain. La première tranche du financement a été versée en février 2006 et depuis lors, les
membres du Consortium attendent des ressources pour continuer. La Direction de la Nutrition
est aussi impliquée même si sa participation aux activités est considérée comme étant très
sporadique.
Le bilan des activités fait en 2007 fait ressortir les résultats suivants :
- le déparasitage et supplémentation a eu lieu dans 296 écoles, situées dans 8
provinces localités dans 4 régions. Au total, environ 53.000 élèves ont été
concernés.
- En 2004 – 2005, des écoles de 25 provinces ont été touchées par la distribution de
micro nutriments et de produits de déparasitage
- Enquête de base sur l'état sanitaire et nutritionnel des élèves
- Formation des enseignants, élèves et parents sur la santé/ nutrition/ hygiène.
Dans le cadre du PDDEB, il est aussi prévu de former les enseignants en éducation
nutritionnelle. Il s’agit d’inclure cette thématique dans les modules de formation des élèves
maîtres. L’éducation nutritionnelle est déjà faite dans les écoles. Il reste maintenant à formaliser
et produire les outils afin de permettre l’ancrage institutionnel de cette initiative et sa pérennité.
Les résultats de ces différentes initiatives sur la situation nutritionnelle du groupe cible n’ont
pas encore été évalués.
Les cantines scolaires dans l’enseignement post primaire Les cantines scolaires existent également au niveau des enseignements secondaire, supérieur et
dans les écoles de formation technique relevant de l’Etat. Au niveau des enseignements
secondaires, la situation est différente par rapport au secteur primaire. Depuis la suppression des
internats en 1984, l’Etat fait un effort pour répondre aux besoins alimentaires des scolaires en
créant et en subventionnant des cantines scolaires dans les collèges et lycées publics.
L’exécution est faite par le ministre concerné (MESSRS) à travers la direction des cantines
scolaires. Le montant des allocations financières a stagné à 300 millions pendant un bout de
temps avant de passer de 300 millions à 700 millions maintenant. L’enveloppe est en constante
augmentation. Mais, l’ensemble des besoins n’est pas couvert. Le Ministère arrive à couvrir
10% des élèves qui désirent les repas pour un besoin national estimé à 25%. La situation est
tout de même paradoxale. Dans certains centres, la demande n’est pas suffisante tandis que dans
d’autre et elle n’est pas entièrement couverte.
Les vivres sont acquis localement, (riz, pâte, haricot, huile, tomate, sardine, viande fraîche). Les
rations quotidiennes sont subventionnées et vendues aux tarifs suivants selon le milieu de
résidence:
- A Bobo et Ouaga : 100F/Plat
- Dans les autres régions. 75F/Plat
- Exceptionnellement au Sahel : 50F/Plat
Selon les avis recueillis auprès des acteurs du domaine de l’alimentation scolaire, le dispositif
actuel ne peut pas répondre au problème de malnutrition dans le secteur de l’éducation. La
raison invoquée est que les programmes en cours permettent la distribution des vivres et non
une prise en charge effective de la malnutrition. Ces dernières années, l’initiative engagée
dans le cadre du PDDEB avec le Consortium d’ONG apporte des innovations dans les actions
portant sur la malnutrition au niveau du secteur de l’éducation. Mais, le faible niveau des
réalisations à cause des non décaissements et le fait que la zone d’intervention soit restreinte
par rapport au territoire national. Il faut que l’orientation politique dans ce secteur la nutrition
ne soit plus seulement adressée comme un moyen d’améliorer la qualité de l’éducation. Parmi
les enfants des écoles primaires figurent des malnutris sévères, modérés. Il faut que les
politiques et les initiatives sectorielles intègrent la malnutrition comme un problème à part
entière sur lequel des actions doivent être entreprises au profit du groupe cible.
Après ce tour d’horizon des politiques, programmes et projets sectoriels, force est de
reconnaître que le problème de la malnutrition n’est pas encore suffisamment bien comprise
et intégrée effectivement dans les secteurs clés. Dans aucun des trois secteurs abordés, la
malnutrition n’est perçue comme étant un problème spécifique de développement à adresser.
La nutrition est considérée comme un moyen pour réduire la mortalité maternelle, pour
accroître la qualité de l’éducation et pour augmenter la force productive de la main-d’oeuvre
agricole. L’absence d’une vision politique claire au niveau sectoriel et global se manifeste par
les tâtonnements observés au cours des décennies et la faible des actions entreprises. L’extrait
suivant, tiré d’une étude mandatée par le CILSS en 2007, conforte notre analyse des
insuffisances du contexte politique et des actions opérationnelles envisagées ou mises en
œuvre au niveau national. Cette analyse s’applique à toutes les politiques, y compris celle
relative à la nutrition.
« Force est de constater que toutes ces initiatives, en raison de leur grand nombre, de
leur diversité, et leur contradiction, sont parfois source de confusion. En effet,
l’accumulation de ces documents produit un ensemble diffus d’information ou de
directives, parfois redondantes et non systématiquement reliées entre elles. En Outre,
les différents ministères ne sont pas contraints de suivre les stratégies élaborées.
Rarement des bilans évaluations ont été réalisés pour appréhender les résultats
réellement atteints par rapport aux objectifs initiaux, parfois trop ambitieux, et les
leçons à tirer »15
Il se trouve que l’Etat burkinabé n’agit pas seul dans le domaine de la nutrition. Depuis les
indépendances, et surtout après la sécheresse de 1973, il bénéficie de l’appui d’une multitude
de partenaires (multilatéraux, bilatéraux et de la société civile) qui interviennent dans le
domaine de la nutrition. Ces interventions sont mises en œuvre directement sur le terrain ou
par l’intermédiaire de structures étatiques ou associatives. Le point suivant est consacré à la
présentation des interventions de quelques acteurs.
4.2 : Les interventions des organisations de la société civile et des PTF Il y a très peu d’associations nationales qui travaillent dans le domaine de la nutrition. Pour
cela, il y a un manque de partenaires de terrain pour les interventions au niveau
communautaire. Les quelques ONG et associations qui existent travaillent à très petites
échelles en se focalisant sur la sensibilisation et non pas sur la récupération qui est pratiquée
seulement par les organisations confessionnelles.
Quelques ONG internationales (Africare, CRS, CFD (ex-Save the Children USAID), Helen
Keller International, Plan International) interviennent dans le domaine de la nutrition. On
assiste aussi à l’arrivée de nouvelles structures (Aide et Action, Croix Rouge Belge, MSF
France) depuis l’an passé. Dans les lignes qui suivent nous présentons les actions menées par
15
CILSS, Profil de sécurité alimentaire, 2007
les principaux PTF et certains de ces OSC au Burkina pour lutter contre la malnutrition depuis
les indépendances en commençant par l’expérience de l’UNICEF.
UNICEF
Les premières activités de nutrition ont commencé avant 1970, mais c’est en 1973, après la
famine causée par la sécheresse qu’elles vont prendre plus d’ampleur. UNICEF est le
principal partenaire à avoir soutenu les activités nutritionnelles en Haute-Volta depuis les
années 1970. Son appui s’est focalisé sur le secteur de la santé et a été décisif pour la
réalisation des premières activités dans le secteur sanitaire. Selon les témoignages, c’est grâce
à l’appui de l’UNICEF que l’intégration des nutritionnistes dans ce secteur a pu se faire. Il y
avait une sénégalaise du nom de Mariam Ngom qui s’occupait des activités de nutrition à
l’UNICEF. Elle était très dynamique et appuyait Martine Zio (une sage-femme) du Ministère
de la santé et Lingani du Ministère du Plan pour faire des tournées dans les départements pour
la mise en œuvre des activités de PMI.
C’est à cette époque que Dr Bourrier (installé à Yako) a créé les CREN qui ont été ensuite
vulgarisés au Mali et au Niger. La surveillance, l’éducation et la récupération nutritionnelle
constituaient les principales activités des CREN. C’est l’UNICEF qui a vulgarisé les CREN
dans le cadre d’une politique d’urgence pour récupérer les enfants touchés par la famine. Il y
en avait dans les régions de l’Est, du Plateau et du Sahel, mais pas dans l’Ouest. Tout tournait
autour de ces CREN. Il y avait un engouement des agents de la santé à cause des CREN.
Comme se souvient un ancien nutritionniste :
« Tout le financement venait de l’UNICEF. Les premiers camions basés avec l’insigne
de l’UNICEF ont été achetés à cette occasion. C’était les directions départementales
de la santé qui s’occupaient des activités » (extrait d’entretien).
Mais, si pendant cette période, l’accent a été mis sur les CREN, ils vont vite être abandonnés
car c’était des mesures d’urgence. Ces centres avaient été mis en place pour la récupération
nutritionnelle des enfants malnutris sévères. On s’est rendu compte après que dès que les
enfants sortaient des CREN, ils rechutaient et y sont ramenés. Cela a suscité des questions sur
l’efficacité des CREN qui ont été progressivement abandonnés. Actuellement, on constate une
revalorisation des CREN sans que des évaluations préalables ne soin faites pour tirer les
leçons du passé. Il y a des divergences de point de vue entre les professionnels de la santé à ce
sujet. Ces divergences portent aussi sur les méthodes de dépistage précoce des enfants
anémiés et sur le type de bouillie à servir aux nourrissons malades ou sains.
Après le départ de la Conseillère en nutrition de l’UNICEF, les activités ont connu un
ralentissement au début des années 1980 à cause de l’abandon des CREN. Les années 1990
ont été marquées par la préparation de la Conférence de Rome sur l’alimentation. Avec
l’appui de l’UNICEF, le Burkina a entrepris l’élaboration de son premier plan d’action sur la
nutrition. Pour la période 2006-2010, l’UNICEF est le chef de file des Partenaires Techniques
et financiers sur les questions de nutrition. C’est à ce titre qu’il a fait une sortie médiatique en
2006 pour attirer l’attention des autorités politiques sur les « clignotants rouges » concernant
la situation de la malnutrition et mobiliser les acteurs. Il s’agissait d’une démarche de
plaidoyer auprès du 1er
Ministre pour replacer la nutrition dans l’agenda politique. La sortie
médiatique de la représentante de l’UNICEF en 2007 a suscité une vive réaction du
gouvernement concernant les constats faits sur la gravité de la situation de la malnutrition au
Burkina Faso. Cet incident a permis d’amorcer actuellement un dialogue entre le
gouvernement et les PTF (OMS, UNICEF, PAM, HKI) sur la situation de la malnutrition dans
le pays.
L’UNICEF se charge de l’acquisition des micronutriments pour le Burkina en utilisant son
circuit d’approvisionnement au niveau international. Avec l’appui de l’UNICEF et de l’OMS,
la Direction de la nutrition a élaboré un protocole de prise en charge des enfants malnutris à
l’intention des infirmiers et des sages-femmes travaillant au niveau des formations sanitaires.
Des formations sur l’utilisation de cet outil sont en cours. L’UNICEF a financé l’élaboration
de la politique nationale de nutrition (PNN). Son appui à la lutte contre la malnutrition va se
renforcer au cours des prochaines années avec une forte croissance de son budget consacré à
la nutrition au Burkina Faso qui passe de 2 millions $ en 2007 à 4,5 millions $ en 2008. Cette
augmentation substantielle du budget alloué est expliquée par le fait qu’il y a une plus grande
attention accordée à la question de la nutrition au plan international. Ce momentum
international qui a manqué pendant des décennies est maintenant une réalité. Cela facilite la
mobilisation des ressources pour les pays touchés comme le Burkina Faso.
La FAO est une autre des agences du Système des Nations Unies qui joue un rôle clé mais
discret dans le domaine de la nutrition au Burkina Faso.
FAO
C’est la FAO qui a octroyé les bourses d’études aux premiers nutritionnistes voltaïques qui
ont été formés dans les années 1970, et cela suite un plaidoyer du gouvernement et des
responsables du Ministère de l’agriculture. C’est la raison pour laquelle, les premiers
diplômés travaillaient au niveau du ministère de l’agriculture. L’appui de la FAO s’est
poursuivi depuis lors à travers des appuis techniques ponctuels pour l’élaboration des
politiques sectorielles agricoles et des missions d’assistance technique de courte durée dans le
domaine de la nutrition
Elle continue encore de donner un appui technique au Burkina dans le domaine de la
recherche à travers l’envoi régulier de consultants pour appuyer les services techniques du
Ministère de l’agriculture qui en font la demande. Par exemple, la DGPSA a requis un appui
technique d’un consultant à la FAO pour aider à la préparation de l’enquête nutritionnelle
nationale qu’elle va réaliser au cours de l’année 2008. L’atelier de réflexion sur la
méthodologie à utiliser dans le cadre de cette enquête a eu lieu il y a deux semaines avec la
participation effective du consultant.
La Direction nationale de la nutrition qui est partie prenante de l’initiative de l’enquête
s’oppose à l’envoi de consultants étrangers pour donner des appuis à la DGPSA en indiquant
la disponibilité d’experts au plan national pour donner ce genre d’appui.
PAM
Présent dans le pays depuis les années 1960, le PAM a toujours joué un rôle de premier plan
dans l’aide alimentaire d’urgence aux populations sinistrées en raison de catastrophes
naturelles. Il intervient aussi dans l’appui aux groupes vulnérables par le biais de son projet
dénommé « Projet assistance aux groupes vulnérables »
Le PAM intervient dans cinq régions : le Sahel, le Centre-Nord, l’Est, le Sud-Ouest
Les publics cibles de son principal projet sont les suivants :
- Les enfants de moins de 3 ans ;
- Les femmes allaitantes et modérément malnutries ;
Son activité consiste à donner un appui alimentaire aux structures qui font la réhabilitation.
Plus de 500 Centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) ont été appuyés dans les cinq
régions couvertes par le projet. L’activité porte sur la supplémentation en micronutriments et
en apport alimentaire sous forme de vivres. Le PAM finance le « Projet d’intervention
Prolongée de Secours et de Redressement » (IPSR, 2007-2008) d’un budget de 9 902 056 000
FCFA, ainsi que le Projet d’assistance aux groupes vulnérables en partenariat avec la
Direction de la Nutrition..
Le PAM est l’un des acteurs les plus engagés actuellement dans la promotion de la nutrition
au Burkina Faso. Il figure parmi les chefs de file des PTF dans ce domaine. Depuis 2006, le
PAM participe au dialogue politique mené avec le gouvernement aux côtés de l’UNICEF, de
l’OMS et de HKI. Le dialogue politique porte sur le plaidoyer en faveur d’une plus grande
considération de la nutrition parmi les priorités du développement national et la concertation
entre les différents acteurs avec la partie nationale pour l’harmonisation des actions menées
dans le pays. C’est à ce titre qu’ils ont réalisé l’évaluation conjointe de la situation
nutritionnelle en partenariat ave les partenaires étatiques (DN, DGPSA). Un plan d’action
conjoint des Partenaires Techniques et financiers été élaboré. Sur la base de ce Plan d’Action,
le PAM a élaboré son Plan d’Action actuel sur la prévalence de la malnutrition aiguë (2007-
2008).
BANQUE MONDIALE
La Banque Mondiale est doute le plus grand partenaire financier du Burkina Faso dans
l’histoire de la nutrition dans le pays. Elle accorde de l’intérêt au secteur depuis la fin des
années 1970 en mandatant une étude sur l’état des lieux. Mais, c’est au début des années 1990
que l’intervention de la Banque s’est matérialisée par le financement de deux grands projets
déjà présentés ci-dessus :
- Le Projet de sécurité alimentaire et nutrition (1990-2000) doté d’une composante
nutrition dont le budget était de 1,4 millions USD. Ce projet a été piloté par le
Ministère de l’agriculture.
- Le Projet de développement de la santé et la nutrition a couvert la période de 1995 à
2001. Une portion de 12% du budget du projet était consacrée à la nutrition.
- A travers sa participation au financement du PDDEB, la Banque contribue avec les
autres PTF membres du panier commun au financement des activités nutritionnelles
dans le secteur de l’éducation de base.
Bien que n’ayant pas joué un rôle de premier plan dans le dialogue politique avec le
gouvernement, la Banque a mandaté plusieurs études ces dernières années pour collecter des
informations sur la situations nutritionnelle dans le pays. Ces éléments ont contribué à la
formulation du programme d’appui en cours de discussion avec le gouvernement. L’appui de
la Banque est susceptible de stimuler d’autres partenaires à financer la nutrition au Burkina
Faso.
Helen Keller International (HKI)
HKI est une ONG Internationale d’assistance technique qui intervient dans les domaines de la
nutrition, la lutte contre l’onchocercose et le trachome. Sur le plan institutionnel les
Ministères de la Santé, de l’Enseignement de Base et de l’Action Sociale restent les
principaux partenaires gouvernementaux.
L’ONG collabore aussi avec les agences internationales des nations unies (UNICEF, OMS,
FAO, OCP) et les ONG et associations diverses dont le Catholic Relief Services (CRS),
l’Association Burkinabé pour la Promotion des aveugles et Malvoyants (ABPAM), les ONG
Save The Children US-FDC, Save The Children Pays-Bas (SCPB), l’Association Burkinabé
de Santé Publique (ABSP).
De 1988 à 1989, HKI a mis en œuvre son premier projet au Burkina Faso, portant sur la
supplémentation en vitamine A. Depuis 1999, HKI est de retour au Burkina et conduit un gros
programme appelé Initiative Micronutriments (enrichissement des huiles) financé par le
Canada. Il mène aussi activités des soins de santé primaire par l’éducation et sensibilisation
des mamans (hygiène, alimentation). Helen Keller International cible les carences en micro-
nutriments. Il apporte un appui financier et technique au ministère de la santé. Dans le cadre
du programme santé scolaire du PDDEB, HKI fait parti des trois ONG choisis pour la mise en
œuvre du programme dans les provinces.
AFRICARE
Africare met en oeuvre trois projets dans le Nord (province du Zandoma) et au Sud (province
du Houet). Dans la région Nord touchée par les problèmes de sécurité alimentaire, Africare
aide à la production d’aliments à haute valeur nutritive (niébé, voandzou, etc). L’accent est
mis sur les femmes et les enfants. Africare accorde également des micro-crédits aux femmes
et mène des activités d’alphabétisation à leur profit. Le deuxième projet est axé sur la santé
(nutrition, récupération et production de produits locaux pour améliorer l’alimentation).
L’ONG mène des actions de sensibilisation à travers l’IEC, notamment par des
démonstrations culinaires.
Après avoir constaté que le ciblage exclusif des femmes pour les interventions ne permettait
d’avancer rapidement, une nouvelle approche est maintenant expérimentée. Elle consiste à
impliquer les élus locaux, les chefs traditionnels et religieux et les dignitaires des villages. La
stratégie consiste à politiser le problème de l’alimentation pour amener les décideurs à se
sentir concernés et interpellés. Il organise différents concours (meilleur bébé, maman modèle,
etc) pour stimuler et sensibiliser les populations. Il vise ainsi à créer une émulation au niveau
villageois en comparant la situation des différentes localités. C’est ainsi que lors des concours
inter-villageois, les données sur l’état de malnutrition sont comparées et les responsables des
villages sont interpellés sur les saisons profondes d’une telle situation.. Année après année, les
taux de prévalence sont ainsi présentés publiquement aux communautés villageoises qui en
font une question de fierté. Les élus locaux sont aussi concernés par l’évolution des taux de
malnutrition qui illustrent l’état de bien-être de la population. Ils sont ensuite responsabilisés
pour trouver des solutions avec les communautés.
NUTRI-FASO
Le projet NUTRI-FASO communautaire est mis en œuvre par le Groupe de Recherche et
d’Echanges Technologiques (GRET) de France en partenariat avec l’Association Burkinabé
pour la Nutrition et la Sécurité Alimentaire (ANSA-B) et l’Institut français de Recherche pour
le Développement (IRD). Ce projet pilote s’adresse aux enfants de 6 mois à 2 ans et aux
femmes anémiées et en âge de procréer. Le projet se focalise sur quatre volets :
1- Dans la Province de la Gnagna (Bogandé), il travaille sur l’éducation nutritionnelle en
développant et en testant des outils d’éducation, des images, du Théâtre et création de
Conseil villageois de nutrition pour des visites à domicile et la vente à proximité des
aliments..
2- Appui à quatre unités de production de farine infantile pour mettre au disposition
d’aliments qui sont produits localement, qui sont moins coûteuses et respectent les