1 UNIVERSITE PARIS 1 – PANTHEON-SORBONNE INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME Du concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise à son application au secteur du tourisme Une comparaison entre Adagio et Citadines Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du Diplôme de Paris 1 – Panthéon Sorbonne MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2è année) Spécialité Gestion des Activités Touristiques et Hôtelières Par : Melle Ludivine Plancade Directeur du mémoire : M. Michel Tiard JURY Membres du jury : ………………………………….. : ………………………………….. : ………………………………….. Session de septembre 2012
102
Embed
Du concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise à …€¦ · Chapitre 2 LA NECESSAIRE INTRODUCTION DES PRINCIPES DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE TOURISME A. LE TOURISME,
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
1
UNIVERSITE PARIS 1 – PANTHEON-SORBONNE
INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU
TOURISME
Du concept de Responsabilité Sociale de
l’Entreprise à son application au secteur du
tourisme
Une comparaison entre Adagio et Citadines
Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du
Diplôme de Paris 1 – Panthéon Sorbonne
MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2è année)
Spécialité Gestion des Activités Touristiques et Hôtelières
Par : Melle Ludivine Plancade
Directeur du mémoire : M. Michel Tiard
JURY
Membres du jury : …………………………………..
: …………………………………..
: …………………………………..
Session de septembre 2012
2
L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation
aux opinions émises dans les mémoires et thèses. Ces opinions
doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
3
Remerciements
J’adresse tout d’abord mes sincères remerciements à M. Tiard pour son
accompagnement, sa compréhension lors de mon changement tardif de sujet et pour ses
réponses éclairées durant les vacances.
Je remercie également M. Dubois pour m’avoir guidé dans la réorientation de mon
sujet de mémoire.
Je témoigne aussi ma gratitude et mon affection à Sandra pour les corrections et
conseils de relectures avisés, pour son efficacité et son esprit scientifique qui ont guidé
mon travail.
Enfin, j’adresse toute mon amitié à Léa qui des bancs de l’IEP à mon entrée dans la
vie active a accompagné chaque étape de ma vie, y compris universitaire.
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’émergence du développement durable du tourisme
Chapitre 1 LA RSE , GENESE ET DEVELOPPEMENT D’UNE PRATIQUE
A. MOUVEMENTS DES IDEES, MUTATION DES VALEURS
B. LA PRESSION INSTITUTIONNELLE : DU DEVELOPPEMENT
DURABLE A LA RSE
C. LA RSE, UN ELEMENT DE MANAGEMENT INCONTOURNABLE ?
Chapitre 2 LA NECESSAIRE INTRODUCTION DES PRINCIPES DU
DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE TOURISME
A. LE TOURISME, PHENOMENE ECONOMIQUE ET SOCIAL
B. LES LIMITES D’UN TOURISME VERTUEUX
C. LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE DU TOURISME ETHIQUE
SECONDE PARTIE : La RSE dans les résidences de tourisme urbaines
françaises : illustration d’une tendance par l’étude comparative de
Citadines et d’Adagio
Chapitre 1 CONTEXTE
A. L’HEBERGEMENT TOURISTIQUE URBAIN : GENERALITES ET RSE
B. PRESENTATION DES MARQUES ADAGIO ET CITADINES
C. L’HOTELLERIE, PIONNIERE EN MATIERE DE RSE – L’exemple de
l’Hôtel Fouquet’s Barrière
5
Chapitre 2 ETUDE DE CAS : LES DEMARCHES RSE DE CITADINES ET
D’ADAGIO
A. METHODOLOGIE : PRESENTATION DES CRITERES DE
COMPARAISON CHOISIS
B. RESULTATS
C. DISCUSSION
CONCLUSION
6
INTRODUCTION
« L’entreprise doit faire des profits, sinon elle mourra. Mais si l’on tente de faire
fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, elle mourra aussi car elle n’aura plus
de raison d’être ». Ainsi pourrait se résumer de manière schématique les préoccupations et
les débats qui entourent la question du rôle et de l’implication de l’entreprise dans la
société aujourd’hui. Pourtant cette citation est attribuée à Henri Ford, ce qui démontre que
ces questionnements ne sont pas un phénomène récent ni un simple effet de mode. Henri
Ford, ce « patron » américain des usines du même nom qui eut l’idée avant-gardiste de
considérer chacun de ses ouvriers comme un client potentiel à l’achat de ses voitures ;
ainsi, sans être philanthrope, mais parce qu’il était conscient que ses décisions allaient
avoir diverses répercussions indirectes y compris sur sa propre entreprise, il augmenta le
salaire de ses salariés ; corollaire de cette hausse de leur pouvoir d’achat, leur niveau
social s’éleva et certains investirent dans l’achat d’une voiture, de marque Ford bien sûr,
considérée alors comme un signe extérieur de richesse.
Cet exemple illustre ainsi l’impact qu’un chef d’entreprise peut avoir, à son échelle,
sur d’autres éléments qui l’entourent. Envisager le changement également à l’échelle de
l’entreprise est en effet un point de vue sensé ; c’est celui de la Responsabilité Sociale des
Entreprises.
Le concept de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise apparait dans les années
1950 aux Etats-Unis avec la publication en 1953 de Social Responsabilities of the
Businessman d’Howard R. Bowen, économiste protestant américain qui souligne pour la
première fois la responsabilité sociale d’un dirigeant comme un facteur de performance.
Pour Bowen, cette idée « renvoie aux obligations de l’homme d’affaires de poursuivre
telles politiques, de prendre telles décisions ou de suivre telles lignes d’actions qui sont
désirables en fonction des objectifs et des valeurs de notre société ». Ainsi, cette première
évocation projette une vision large du concept. Cependant, sa traduction française a donné
lieu à des débats encore d’actualité. En effet, le choix d'une terminologie, qui influe le sens
et le contenu même du concept, constitue un enjeu majeur.
Ainsi, traduite directement de l’anglo-américain « Corporate Social
Responsability », la formule française la plus couramment employée « Responsabilité
Sociale de l’Entreprise », suggère une conception restreinte à ce qui relève des relations
entre les personnes, ou ce qui est favorable au bien-être des individus, selon la définition
7
du terme “social” considérée. C’est la raison pour laquelle certains militent pour le recours
au terme « sociétal », afin d’exprimer une dimension plus large et éviter ainsi toute
confusion. Cependant, sous l’effet de l’usage croissant de l’anglais, le terme français
« social », fruit d’un anglicisme, englobe de plus en plus souvent la dimension sociétale. Il
est donc un peu difficile de s’y retrouver. Néanmoins, dans la littérature, la locution
« Responsabilité Sociale de l’Entreprise » domine ; nous respecterons donc les usages et
utiliserons cette locution et son acronyme RSE1 pour évoquer une responsabilité globale de
l’entreprise.
Au-delà de la question sémantique, la multiplicité des définitions-même illustre la
difficulté à encadrer le concept. Par une analyse de contenu des pages web indexées sur la
référence à la responsabilité sociale ou à des concepts proches, le chercheur norvégien
Alexander Dahlsrud isole, en 2008, les 37 définitions les plus citées entre 1980 et 20032.
En réalité, la polysémie de la RSE est la conséquence des multiples conceptions de
l’entreprise et de ses fonctions, selon les courants et les clivages qui traversent de façon
permanente les sciences économiques et de gestion. Cependant, il existe un noyau commun
à toutes les définitions recensées : celui-ci inclut la participation de l’ensemble des parties
prenantes, la dimension sociale, économique, volontaire et environnementale. De plus,
l’analyse de Dahlsrud permet de dégager deux tendances relative à la fréquence de citation
des différentes définitions pendant la période observée : celle-ci décroît régulièrement pour
les définitions publiées par des auteurs individuels, et augmente symétriquement pour les
définitions établies par des institutions publiques. Ainsi, dans notre étude, nous retiendrons
la définition de 2001 de la Commission Européenne3 qui définit la RSE comme
« l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs
activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes. Le développement
durable doit être plus qu’un concept purement environnemental, il s’agit de faire cohabiter
une économie dynamique avec une société qui donnerait sa chance à tous, tout en
améliorant la productivité des ressources, en dissociant croissance et dégradation de
l’environnement ».
1 Nous utiliserons désormais l’acronyme RSE. 2 Etude How Corporate Social Responsibility is define : analysis of 37 definitions, Alexander DAHLSRUD,
Norwegian University of Science and Technology, Trondheim, Norvège, septembre 2006 3 Glossaire du Livre Vert de l’Union européenne, Commission des Communautés européennes, Promouvoir
un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Bruxelles, juillet 2001.
8
Ainsi, une démarche volontaire de développement durable impliquant les parties
prenantes de l’entreprise constitue l’idée directrice de la RSE. La RSE et le développement
durable sont donc deux expressions concomitantes. Plus précisément, la RSE, est la
pratique qui permet l’introduction, au niveau de l'entreprise, des principes du
développement durable. En effet, le développement durable est un concept qui peut
s’entendre à tous les niveaux et à toutes les échelles (sectorielle, sous-sectorielle, etc) ; la
RSE correspond à l'une de ces échelles, celle de l’entreprise. Le développement durable et
la RSE ne sont donc pas deux concepts semblables, mais un seul et même concept entendu
à une échelle différente. Ce point constitue l'un des postulats de ce mémoire.
Il est donc essentiel de définir le concept de développement durable. Parce qu’il a
envahi la littérature depuis une trentaine d’années, ses contours sont plus consensuels et
une définition fait maintenant loi, celle donnée par le rapport de la commission Brundtland
en 19874 : « un mode de développement qui permet aux générations présentes de satisfaire
leurs besoins sans empêcher les générations futures de faire de même ». Cependant, la
traduction française de cette notion a longtemps fait débat : bien que le terme anglais
« sustainable » se traduise littéralement par « soutenable », le terme « durable » a
finalement été adopté. Le développement durable recherche un équilibre sur le long terme
entre les hommes, mais aussi entre l’homme et la planète, alors que le développement
soutenable s’appuie sur l’idée de limitation des ressources naturelles. Après que la
polémique a fait rage, la communauté internationale a adopté le terme « durable » et le
débat s’est rapidement axé sur la question du renouvellement du modèle économique
actuel.
L’idée selon laquelle l'amélioration ou simplement le maintien des conditions de
vie ne sont pas nécessairement indéfiniment assurés, ni indépendants de la conservation
des ressources naturelles, est une préoccupation ancienne, bien antérieure à la commission
Brundtland, mais qui a longtemps été éclipsée. En effet, au début du XIXème siècle,
Malthus décèle déjà dans la croissance démographique des hommes une menace pour le
développement économique à long terme. Par la suite J. Stuart Mill envisage la nécessité
4 La Commission mondiale sur l’environnement et le développement, présidée par Gro Harlem Brundtland,
alors Premier ministre de la Norvège, a forgé le concept de « développement durable » dans son rapport aux
Nations unies « Notre avenir à tous », publié en avril 1987.
9
d'atteindre un «état stationnaire» dans lequel les hommes cesseraient d'élargir leurs
transformations productives de la nature afin d'en préserver les bénéfices5.
Mais à partir de la fin du XIXème siècle, alors que le développement économique acquiert
une plus grande autonomie par rapport à la nature et à ses aléas, la question des bases
matérielles de la croissance économique est relèguée au second plan. Les problèmes de
pollution ou de gestion des ressources naturelles ne sont ainsi abordés que de façon
marginale, dans une perspective d'amélioration de l'efficacité sociale ou de maintien des
équilibres.
En 1971, le rapport Meadows (du MIT) intitulé « Limits to growth » propose plusieurs
scénarios dans lesquels la croissance économique bute successivement sur l’insuffisance de
la production alimentaire ; puis sur la pénurie des ressources naturelles en cas
d'augmentation de la production agricole ; enfin, sur le problème de l'accumulation des
pollutions si un recyclage massif est développé6.
Si les réflexions sur un nouvel ordre économique constituent un élément-clé du
contexte d’émergence de la notion de développement durable, comment s’est effectuée la
mise en place de ce concept ? Quels acteurs ont été impliqués ? Quels ont été les éléments
déclencheurs de l’introduction de nouvelles pratiques au sein de l’entreprise ?
Le développement durable recouvre trois aspects : le social, à travers la satisfaction
des besoins essentiels à l’homme, l’économie et l’environnement. Si une vision galvaudée
du concept a pu privilégier dans un premier temps l’aspect environnemental, seule la prise
en compte des trois piliers du développement durable peut constituer une démarche RSE
réussie. Ainsi le concept de Triple Bottom Line, créée en 19947, propose une évaluation de
la performance de l’entreprise sous trois angles: People (personnes), qui prend en compte
les conséquences sociales de l’activité de l’entreprise pour l’ensemble de ses parties
prenantes ; Planet (planète), soit la compatibilité entre l’activité de l’entreprise et le
maintien des écosystèmes ; et Profit (profits), c’est-à-dire la performance économique de
l’entreprise.
5 FAUCHEUX, Sylvie. Economie des ressources naturelles et de l’environnement, Paris, Armand Colin,
1999, 370 p.
6 Ibid.
7 L’expression a été créée par John Elkington, cofondateur du premier cabinet de conseil en stratégie de
développement durable britannique SustainAbility en 1994. Elle a ensuite fait l’objet d’un livre du même
auteur en 1998.
10
Le développement durable s’envisage donc comme un paradigme de
développement global qui a vocation à contrer les dérives de développement qui ont cours
depuis la révolution industrielle mais ont empiré avec la mondialisation. En effet, le
développement durable trouve ses racines dans l’émergence d’une critique de la
mondialisation économique et surtout de ses dérives. Dans ce contexte, certains secteurs
sont plus concernés que d'autres par la nécessité d’introduction des principes de
développement durable, et en particulier le tourisme. Ce point constitue le deuxième
postulat de notre étude.
Mais en quoi le tourisme a-t-il spécifiquement besoin de régulation ? Comment
s’est opérée son internationalisation ? Quelles caractéristiques de ce secteur vont influer les
pratiques de développement durable ?
Le tourisme est une activité ancienne, qui a pris au XXe siècle une dimension
planétaire. Il constitue désormais un secteur économique fondamental dans de nombreux
pays industrialisés, comme dans les pays en développement, qui en font un facteur
essentiel de leur développement.
Selon la définition établie par l’Organisation Mondiale du Tourisme8, le tourisme
« est un déplacement hors du lieu de résidence habituel pour plus de 24 heures et moins de
quatre mois, dans un but de loisirs, un but professionnel, ou un but sanitaire »
Le mot tourisme tire son origine de l’anglais « tourism», signifiant « le grand
tour ». Au XVIIIe
siècle, en Angleterre, ce « grand tour » consiste à envoyer les jeunes
hommes de familles aisées à l'étranger durant deux ou trois ans, dans le but d’en faire des
hommes du monde en éveillant la connaissance et l'esprit par le voyage. Ces pratiques
concernent non seulement les nobles dont le pouvoir politique et social déclinait, mais
aussi les bourgeois vivant de leurs rentes. Si, à cette époque, le voyage est considéré
comme un outil d'apprentissage de la vie, sa perception actuelle, qui renvoie à l'oisiveté et
à la détente, est plutôt opposée. Autre paradoxe, au XIXème siècle, le tourisme est une
activité réservée à une minorité, alors qu’il est de nos jours très démocratisé. Nous sommes
ainsi passés d’un tourisme d’élite au tourisme de masse.
8 Nous parlerons désormais de l’OMT.
11
Le terme « masse» évoque littéralement le nombre et la quantité9. Un phénomène
est qualifié « de masse» lorsqu'il concerne une grande partie de la société. C'est pendant la
période des années 1950 aux années 1970 que le terme « tourisme de masse» apparaît et se
diffuse. La fréquentation de certains lieux s'accroit alors chaque année un peu plus. Cette
consommation de masse du produit touristique constitue sans doute l'une des grandes
révolutions du siècle dernier, ce produit représentant, à certains égards, l'accès
démocratique à un privilège des classes dominantes. Plusieurs facteurs ont contribué à
l’explosion du tourisme de masse au XXème siècle : l’octroi des congés payés dans les
pays industrialisés, l’essor de la société de consommation, les modifications en profondeur
des valeurs et des habitudes de vie, mais aussi et surtout le développement sans précédent
des moyens de transport, dont l’automobile et le transport aérien.
Le tourisme constitue ainsi un objet d’étude intéressant à plusieurs niveaux :
activité majeure, elle est en développement permanent, fruit d’interactions nombreuses en
son sein mais aussi avec d’autres secteurs. Activité mondialisée, elle couvre différentes
dimensions, mais concerne tous les pays, du Nord comme du Sud. Le concept de
développement durable ayant émergé en réaction aux impacts négatifs de la
mondialisation, une activité internationalisée comme le tourisme représente un objet
d’étude incontournable lorsque l’on s’intéresse à sa mise en application. Sous quelle forme
le développement durable a-t-il émergé au sein du tourisme? Quels sont les facteurs de son
émergence ? En quoi la prise en compte de l'activité touristique à différentes échelles est-
elle essentielle à sa mise en place ? Quelles sont les modalités pratiques de sa mise en
œuvre et le sens réel de cette démarche ?
Il est impossible de réaliser dans ce mémoire une étude du tourisme à toutes les
comportement humain. A l’inverse, l’éthique régit les actions que l’homme doit mener
pour bien conduire sa vie et parvenir au bonheur. L’éthique est indirectement issue de la
sensibilité personnelle de l'individu, et est construite par délibération.
Ainsi la morale renvoie à un système de normes qui s'impose aux membres d'une
collectivité ou d'un groupe donné, et incarne les valeurs implicites de ce groupe, alors que
le terme "éthique" renvoie aux motivations qui sous-tendent les actes d'un individu.
a. La Morale nietzschéenne
a.1. Quel fondement pour la morale ?
Depuis l'Antiquité, les philosophes se sont intéressés à la possibilité de définir le
bien de façon absolue. Cette question renvoie à une réalité qui transcenderait les
approches du bien et du mal présents dans les différentes sociétés et civilisations humaines,
c’est-à-dire les comportements considérés comme recommandables dans un groupe donné,
mais variables d’un groupe à l’autre. Cette recherche renvoie à la définition de l’homme
dans son essence, par delà les différences entre les valeurs sociales inhérentes à chaque
civilisation. Elle suppose la reconnaissance d’une nature humaine, commune à l'ensemble
des hommes, qui fournit le socle sur lequel s'appuie la recherche de la spécificité de la
dignité de la personne humaine et les comportements et actions compatibles avec celle-ci.
Ainsi, l’adéquation entre les actes et la dignité de l’homme, lisible dans la nature humaine,
constitue la base d'une évaluation universelle des comportements, en conformité avec la
morale naturelle. L’homme cherche, à établir des relations étroites et harmonieuses avec
les réalités matérielles et spirituelles, mais aussi avec autrui, en particulier par le biais de
la religion. Dès lors, toute action visant à pervertir l’expression d’une de ces aspirations par
lesquelles l’homme affirme et développe sa dignité, peut être considérée comme
intrinsèquement perverse et interdite par la morale naturelle. Cette idée partiellement à
l'origine d’un texte comme Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pourtant,
malgré le caractère normatif de ce texte de référence, on constate la montée d’un
relativisme moral grandissant qui laisserait à penser qu’aucune morale naturelle ne peut
être reconnue comme valable pour tous les hommes.
Ce postulat avancerait ainsi l’idée de l’existence de plusieurs morales. Pourtant,
malgré la revendication de ce relativisme, un consensus tacite semble exister, guidant la
rédaction des codes et chartes qui défendent l’opprimé et prônent l’égalité et le respect de
15
l’autre. Cependant selon Nietzsche cet ordre des choses ne correspondrait à aucune logique
naturelle, mais serait plutôt une construction artificielle qui servirait à masquer l’instinct de
défense des « faibles ». Cette théorie est développée dans son ouvrage La généalogie de la
morale12
.
a.2. Le triomphe de la morale des faibles ou
l’émergence d’une morale consensuelle
Selon Nietzsche, deux concepts s'opposent fondamentalement dans la morale : la
morale des forts et la morale des faibles, qui correspondent à deux systèmes de valeurs
distincts.
Les forts créent une opposition bon / mauvais afin de se distinguer des faibles,
perceptible d'un point de vue étymologique. En effet, en grec et en allemand, le bon
désigne originairement la distinction, la richesse, ce qui est de bonne qualité, la noblesse.
Le bon, selon le grec, est celui qui est pleinement. Par conséquent, le mauvais désigne le
défaut d’être, l’impuissant, l’homme du commun. Selon Nietzsche, le concept de « bon »
est donc né dans l’âme des puissants et des nobles qui se sentent eux-mêmes « bons » par
rapport à tout ce qui est inférieur. Tel est le fondement de la morale des forts.
La morale des faibles, qui s’appuie sur une opposition bien / mal, sous la forme bon
/ méchant, a une origine différente. En effet cette dernière est forgée par les vaincus,
devenus humbles par nécessité, les faibles, qui ont désigné par « mal » ce qui leur était
nuisible, donc l’action des forts. Le point de départ de la morale des faibles est donc le
paralogisme : «tu es méchant ; je suis le contraire de ce que tu es ; donc je suis bon. »
L’action des forts est la cause de cette distinction forts / faibles. Animés par la
recherche de puissance, les forts vont opprimer et asservir les faibles. Ces derniers vont
alors déterminer leur action selon les conséquences de celle des forts ; l’action des faibles
représente donc davantage une réaction. Les faibles sont animés d’un ressentiment, et cette
vengeance s’exprime par des valeurs créées pour lutter contre les forts, en dévalorisant leur
puissance. Ainsi, selon Nietzsche, la pitié, l’altruisme, et plus généralement l'ensemble des
valeurs humanitaires, sont en réalité des valeurs par lesquelles l'individu se nie soi-même
pour se donner l’apparence de la bonté morale et se persuader de sa supériorité ; mais sous
12 NIETZSCHE, Friedrich. La généalogie de la morale, Paris, Flammarion, 2000, 278 p.
16
ces valeurs illusoires demeure une haine impuissante qui recherche la vengeance et la
domination.
Ainsi, le concept fondamental de la morale noble est le « bon », alors que la morale du
faible, née du ressentiment, s’appuie sur le « méchant ». Par ce terme le faible condamne le
fort pour sonc comportement de vainqueur, tandis qu’il se glorifie de se conduire en faible
et transforme son sentiment de faiblesse en vertu.
« Nous les faibles nous sommes décidément faibles ; nous ferons
donc bien de ne rien faire de tout ce pour quoi nous ne sommes pas
assez forts » - Mais cette constatation amère, cette prudence de
qualité très inférieure que possède même l’insecte […], a pris les
dehors pompeux de la vertu qui sait attendre, qui renonce et qui se
tait, comme si la faiblesse même du faible était un
accomplissement libre, quelque chose de volontairement choisi, un
acte de mérite.»
La Généalogie de la morale
Ce raisonnement, cette ruse, ont mené à l’inversion des valeurs. Ainsi, selon
Nietzsche, la morale juive a opéré ce renversement en se posant en peuple élu, aimé de
dieu, bon ; la morale chrétienne opère ce même renversement en décrétant la culpabilité de
l’homme et en plaçant la supériorité dans l’idéal imaginaire de ses adeptes.
Il existe donc un combat entre deux systèmes de valeurs : « bon et mauvais » contre « bon
et méchant ». Ce combat est symbolisé par la lutte entre Rome et la Judée [citation],
combat qui a vu émerger la morale chrétienne, prégnante à travers les siècles.
Les débats actuels font généralement référence à la morale, au singulier et sans
équivoque sur son sens. La généalogie de la morale proposée par Nietzsche reste
néanmoins pertinente dans notre étude, car elle éclaire sur l'origine des valeurs qui guident
aujourd’hui les nouvelles formes de gestions, de management et les engagements des
entreprises en matière de responsabilité. En effet le tourisme, comme nous le verrons plus
loin, est affecté par des dérives et des déséquilibres, sources d’inégalités. Le capitalisme et
son corollaire, la consommation de masse, ont vu évoluer le tourisme vers une forme
pervertie où seuls les puissants sont bénéficiaires. Le tourisme de masse reproduit ainsi la
distinction forts / faibles. Pour contrer ce déséquilibre, de nouvelles directions sont
17
proposées, en déclinaison de principes vertueux universels, et donc à même de remporter
une adhésion globale.
Ces valeurs sont réunies dans le concept d’éthique. C’est donc un tourisme plus
éthique que proposent les « faibles », et qui désormais s’impose, pour pallier aux
conséquences négatives d’un développement touristique rapide.
b. Consensus autour de l’’éthique
Actuellement, le terme éthique a supplanté celui de morale car ce dernier était trop
connoté religieusement. De plus, à la fin du XX ème siècle, l’éthique a connu un regain
d’intérêt sans précédent ; le point de départ de cette évolution des mentalités est une prise
de conscience collective d’un certain nombre de dangers inhérents au développement des
pratiques techniques, technologiques, médicales et scientifiques, mais aussi des contraintes
économiques et de l’hyper spécialisation.
b.1. L’éthique appliquée
Un point particulièrement intéressant du concept d'éthique réside dans sa volonté
affirmée d’adapter ses règles à l’évolution de la science ou des domaines concernés (ici le
tourisme et l’hébergement), et de manière plus générale, à l’évolution des mœurs dans une
société et à une époque donnée. La notion d’éthique comporte donc un paradoxe entre la
volonté de suivre l'évolution sociale tout en utilisant comme référence des principes
intangibles.
Ce paradoxe est cristallisé dans le concept d’éthique appliquée. A travers ce
concept, très en vogue depuis le siècle dernier, l’éthique perd son singulier universel pour
un pluriel singularisant ; il existe désormais plusieurs éthiques. L’éthique appliquée est
donc une forme d’éthique qui applique ses principes à un domaine déterminé, dans le
respect des critères généraux de l’Ethique13
. Cette démarche, basée sur une réelle étude des
faits, accroît la possibilité d’accord entre les parties prenantes en s’appuyant sur des codes
moraux explicites.
13 PARIZEAU, Marie-Hélène. « Ethique et éthiques appliquées : l’émergence de théories composites »,
Philosopher, n°16, 1994, p.133-142
18
b.2. Pour une éthique du futur14
Postulats de la pensée de Hans Jonas
Les différentes caractéristiques d’une éthique appliquée correspondent parfaitement à
la démarche de Hans Jonas. Hans Jonas est un philosophe allemand du XXème siècle dont
le nom demeure attaché à une œuvre majeure : Le Principe Responsabilité- Une éthique
pour la civilisation technologique, paru en 1979. Cette étude s’organise autour d’une
notion classique, celle de responsabilité, mais qui est analysée à travers le prisme de la
modernité15
. Suite à cet ouvrage, Jonas multiplie les essais, sous forme d’articles, de
conférences, etc. Il ne cesse ainsi de réactualiser les interprétations et surtout les
applications du principe Responsabilité. Hans Jonas se considère comme un philosophe,
mais également comme un praticien ; il cherche à mettre ses propositions théoriques à
l’épreuve des situations réelles, concrètes, « afin de tester la vertu opératoire [des
premières], quitte à revenir de là aux fondements initiaux qu’il s’était donnés. Accordant
toute l’importance voulue aux études de cas […]»16
.
Pour Hans Jonas, le choc d’Hiroshima et de la course aux armements nucléaires fut
le premier déclencheur d’une réflexion nouvelle sur les développements techniques dans le
monde occidental. Si ceux-ci on permit la victoire, ils conduisent également au danger
permanent d’un anéantissement collectif. Les progrès en biologie et en médecine ont ainsi
conduit à une nouvelle coopération entre philosophes et scientifiques. Bien que ces
domaines échappent le plus souvent aux combats manichéens sur les notions de bien et de
mal, les dilemmes inédits qu'ils soulèvent nécessitent un examen philosophique afin
d'apporter des solutions nuancées à des problèmes dont la complexité croît
continuellement. Comme le prône l’éthique appliquée, selon Hans Jonas philosophes et
scientifiques doivent travailler de concert.
Jonas explique également que l’humanité entière se trouve aujourd’hui poussée à
consommer non plus le revenu capable de se régénérer, mais le capital unique de
l’environnement. En ce sens que la réflexion de Hans Jonas est éclairante sur notre propos.
14 JONAS, Hans. Pour une éthique du futur, Editions Rivages poche/Petite Bibliothèque, 1998, 116 p. 15 Ibid : Présentation de Philippe Iverne 16 Ibid : p.8-9
19
Le principe de responsabilité selon Hans Jonas
« L’éthique du futur » ne désigne pas l’éthique dans l’avenir, mais une éthique
d’aujourd’hui qui se soucie de l’avenir et entend le protéger pour nos descendants des
conséquences de notre action présente. Cette définition n’est pas sans rappeler celle du
développement durable, à travers la notion d’égalité et de solidarité inter-générationnelle
qu’elle sous-tend.
Inévitablement, la responsabilité de l'éthique du futur nous incombe, en raison de la
puissance que nous exerçons quotidiennement. En effet, selon Jonas, la responsabilité est
proportionnelle à la grandeur de la puissance; or jamais une époque n’a disposé d’une telle
puissance et donc porté une telle responsabilité. De plus, selon Hans Jonas, l'éthique du
futur, qui entend préserver les générations futures par des comportements adéquats
aujourd’hui, puise ses sources dans l’essence de l’Être. En effet, La responsabilité est une
qualité essentiellement humaine, mise au service de notre action présente.
Les préoccupations formulées par Hans Jonas dans les années 1980 demeurent plus
que jamais d'actualité au début du XXIème siècle. Les besoins d'éthique et de
responsabilité comme régulateurs dans la préservation notre planète d’une part, et des
générations futures d’autre part, sont un fait communément admis aujourd’hui. Ainsi, la
pensée d’Hans Jonas nous éclaire sur cette caractéristique humaine qu’est la responsabilité
et son rôle, d’un point de vue philosophique.
Les notions d’éthique et de responsabilité semblent donc indissociables. La
responsabilité est au service de l’éthique ; et il ne peut y avoir d’éthique du futur sans
principe de responsabilité. L’émergence du principe d’éthique, notamment d’une éthique
appliquée, à la fin du XXème siècle doit donc être envisagée à travers le prisme de la
responsabilité.
Sous l’impulsion de ces mutations mais également en accompagnement de
l’émergence de ces valeurs dans un mouvement de réciprocité, on assiste depuis une
trentaine d’années au réveil de la société civile. Il s’agit là d’un des moteurs de la nouvelle
responsabilité d’entreprise.
20
2. Une société civile qui s’éveille
La faiblesse des Etats et le poids croissant d’un certain capitalisme ont amené la
société civile à prendre en main les rennes du changement.
a. La prise de conscience des consommateurs
Les relations entre consommateurs et entreprises sont marquées par une recherche
d’influence réciproque. Par le biais du marketing et de la publicité, les entreprises sont en
partie responsables des comportements des consommateurs. Mais sans ces derniers,
l’activité des entreprises n’aurait pas lieu d’être. Les consommateurs ont donc un rôle à
jouer et ont le pouvoir de passer d’un rôle passif à celui d’acteur de leur mode de
consommation.
La prise de conscience de ce pouvoir a permis l’émergence du consommateur-
citoyen. Cette notion désigne une attitude sensiblement différente de celle qui mobilise
habituellement l’action consumériste : la « consommation responsable », définie comme
une « consommation qui intègre les principes du bien-être collectif dans les critères de
choix, allant au-delà d’une définition de l’intérêt du consommateur limitée au seul rapport
qualité prix »17
. Tentant de s’affranchir de la consommation de masse, les consommateurs-
citoyens arbitrent également leurs achats en fonction de critères éthiques et relatifs au
respect de l’environnement.
A titre d'exemple, l’effet cumulé du film d’Al Gore Une vérité qui dérange18
et du
pacte écologique de Nicolas Hulot pendant la campagne présidentielle française de 2007 a
probablement contribué à éveiller les consciences auprès d'un public plus large. Ainsi en
2007, 87% des français estiment que les citoyens doivent jouer un rôle fondamental en
matière d’environnement19
. En particulier, 89% des personnes interrogées déclarent
vouloir désormais privilégier les produits des marques ou enseignes ayant pris des
dispositions en faveur de l’environnement, 73% estiment que le fait qu’un produit soit
17 Association européenne des consommateurs, « La consommation responsable », octobre 2001,
www.consumer-aec.org 18 Documentaire sorti en 2006 de Al Gore, ancien candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine,
dans lequel il démontre les conséquences de la pollution et de la surconsommation de combustibles fossiles
sur le climat et le réchauffement des glaciers, et conséquemment sur la faune et la flore mondiale 19 Sondage Opinion Way d’octobre 2007, enquête TNS Sofres/Eco-emballages de mai 2007, sondage LH2
d’octobre 2007, cités dans Laville, E., « L’entreprise verte », ed. Pearson Village mondial, 2010, 404p.
En développant la RSE sous ces différents aspects, ce document tend à démontrer
aux entreprises la nécessité de leur collaboration pour l’amélioration du bien commun. On
retrouve ainsi dans cette initiative européenne le mécanisme d’impulsion et de persuasion
institutionnelles développé dans les exemples précédents.
Cette conjugaison de pression de la part de la société civile et des pouvoirs publics
pose ainsi les bases d’une démarche responsable de l’entreprise qui semble, du moins
partiellement comme nous allons le voir, s’imposer à elle.
C. La RSE, un élément de management incontournable ?
Plusieurs éléments endogènes tendent à démontrer que les entreprises ne peuvent se
subtiliser à cette responsabilité qui leur échoie. Au-delà des pressions précédemment
évoquées, le nouveau rôle et la structure actuels des entreprises va dans le sens de
l’intégration de la RSE dans leur mode de gestion et de management.
1. Un transfert de responsabilités : la place de l’entreprise
Les entreprises sont les lieux pertinents du changement : en effet, l’entreprise a
aujourd’hui le pouvoir de faire changer les choses bien plus rapidement que la
règlementation et parfois plus efficacement que le politique. Certaines entreprises
multinationales pèsent d’ailleurs plus lourds que plusieurs Etats réunis : ainsi déjà en 1995,
le groupe américain Wal-Mart était plus riche qu’Israël, la Pologne et la Grèce, alors
qu’elle n’était que la douzième des plus puissantes entreprises mondiales. Et en 2004, les
ventes des dix plus grandes multinationales dépassaient les PNB cumulés des cent pays les
plus pauvres à la surface du globe25
. Cette évolution est relativement récente ;
originellement, la puissance était détenue par la religion, puis ce fut par les Etats et
aujourd’hui c’est l’Entreprise. Et on peut trouver les signes de cette évolution en regardant
les bâtiments des grandes villes ; on s’aperçoit en effet que les constructions les plus
imposantes et les plus anciennes sont les institutions religieuses, puis un peu plus
récemment les bâtiments des institutions gouvernementales et actuellement les immeubles
les plus grands et les plus prestigieux qui sont construits accueillent les sièges sociaux des
grandes entreprises26
. Ainsi, les multinationales sont omniprésentes et ont une influence
25 Stuart HART, Capitalism at the crossroads, Wharton School Publishing, 2005. 26 On doit cette analogie à Ben Cohen, cofondateur de Ben & Jerry’s, dans op. cité L’Entreprise Verte.
31
historique : aux Etats-Unis par exemple, elles ont un levier sur le champ politique grâce au
financement des campagnes électorales ; elles contrôlent la législation par le biais du
lobbying ; elles contrôlent les media dont elles sont propriétaires ; et enfin elles contrôlent
les citoyens qui sont à la fois leurs salariés et leurs consommateurs.
Ainsi, la passation de pouvoir à laquelle nous assistons depuis une vingtaine
d’années entre les Etats et les entreprises du secteur privé amène indiscutablement un
transfert des responsabilités.
2. Rendre des comptes, une obligation croissante. – « La
théorie des parties prenantes », R. Edward Freeman
Historiquement, l'obligation faite à une entreprise de rendre des comptes est
apparue au XIXème
siècle avec la naissance des sociétés anonymes, dont les administrateurs
étaient responsables devant les fournisseurs de capitaux. Le XXème
siècle a vu l'émergence
progressive de droits pour les salariés, qui leur ont permis, en Europe Occidentale du
moins, d’être reconnus comme une deuxième catégorie légitime d’ayants droit sur le
marché de l’entreprise. Depuis le début du XXIème
siècle une nouvelle étape se dessine, à
travers l'obligation pour les entreprises d’informer et de rendre des comptes auprès de
l’ensemble de la société civile. Ainsi, la transparence est érigée en modèle de vertu. Cette
tendance est notable en France depuis déjà plusieurs décennies sur l’aspect financier avec
la loi du 24 juillet 196627
, qui obligent les sociétés commerciales à rendre publics leurs
états financiers. De plus, les sociétés cotées doivent publier de manière annuelle,
semestrielle et trimestrielle des informations financières, sous le contrôle d’un organisme
officiel, la Commission des opérations en bourse28
.
Le champ de la responsabilité sociale apparaît, en fait, plus ou moins large selon
que l’entreprise prend en compte une gamme plus ou moins étendue de catégories de
parties prenantes. Cette prise en compte peut être strictement limitée aux actionnaires,
prêteurs et salariés, mais peut également s’étendre à toutes les parties prenantes
contractuelles, incluant les fournisseurs, les prestataires et les clients. D’autres acceptions
de la responsabilité de l’entreprise vont prendre en compte son entourage plus large : la
27 Loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales
Etienne, Strasbourg, Toulouse, Vincennes et Vienne. Les ouvertures prévues pour 2012-
2013 sont : Abu Dhabi, Liverpool, Moscou, Kaluga (Russie) et Cologne.
Les résidences Adagio génèrent un chiffre d’affaires avoisinant les 100 millions
d’euros56
.
54 Résultats issus du bilan annuel d’activité de The Ascott Residence Trust, version 2011.
http://www.ascottreit.com/contents/announcement/Ascott%20AR'11_LR.pdf 55 Désormais, Pierre & Vacances Center Parcs sera cité sous l’acronyme PVCP. 56 Données de 2007, avant l’acquisition puis le développement de la gamme Adagio Access. Depuis, les
chiffres parus sont communs à Adagio City Apart’hôtels et ne représentent donc pas un bon point de
comparaison avec Citadines. Chiffres issus d’un communiqué de presse paru au moment de cette acquisition
et consultable en ligne. http://hugin.info/143523/R/1517437/453968.pdf
2. Leurs similitudes : un facteur nécessaire à leur
comparaison
Afin de mener une étude comparative spécifique des politiques RSE, nous nous
sommes intéressés à deux marques proposant des services comparables, comme nous
allons l'illustrer dans cette section. Par ailleurs, ces similitudes positionnement les deux
marques comme des concurrents directs.
a. Un concept identique
Comme nous l'avons détaillé précédemment, Adagio comme Citadines sont des
résidences de tourisme urbaines. Situées dans les hyper-centres des agglomérations, elles
proposent à la location des appartements équipés, ainsi que des services en option. Les prix
sont dégressifs avec l'accroissement de la durée de séjour. L'aparthotel est un service
d'hébergement adapté aux nouvelles attentes des consommateurs : économie, autonomie,
confort. Les individus sont devenus plus mobiles, mais la formule hôtelière classique ne
permet pas de se sentir «chez soi»57
, même lors de longs séjours. Le concept de l'aparthotel
a ainsi été développé pour répondre à ce besoin d'intimité.
Le positionnement de ces deux marques est le moyen de gamme supérieur.
Citadines et Adagio s’adressent à une clientèle internationale et nationale. La répartition
entre clientèle affaires et clientèle loisirs est d'environ 60/40%.
b. Une offre semblable
Malgré quelques différences, les services proposés dans les résidences Citadines et
Adagio sont relativement similaires comme présenté dans le Document 10 en page
suivante.
57 The Ascott Limited a d’ailleurs fait du « feel at home » une de ses valeurs d’entreprises.
61
Document 10 : Tableau comparatif de l’offre Adagio et Citadines
Type de construction Nouvelle construction ou
conversion.
Bâtiment ancien, grand projet
de rénovation en cours.
Nombre min de logements 80 45
Superficie des logements 20-60 m2 20-45 m2
Type de logements Du studio au 3 pièces Studio et deux pièces
Restaurant Service de petit-déjeuner Service de petit-déjeuner
Salles de réunions Non Parfois
Salle de fitness Non Parfois
Laverie Oui Oui
Ménage hebdomadaire Oui Oui
Réception 24/24h Oui Oui
Durée min du séjour 1 nuit 1 nuit
Accueil long séjour Oui58
En cours d’élaboration59
De plus, dans les résidences Citadines comme Adagio, les appartements sont
entièrement meublés : cuisine équipée (vaisselle et ustensiles de cuisine, plaques
vitrocéramiques ou électriques, lave-vaisselle, four micro-ondes, réfrigérateur, bouilloire...)
; une salle de bains avec baignoire et sèche-cheveux ; de nombreux rangements, un bureau
avec téléphone (ligne directe), accès Internet Wi-Fi ou haut débit, une télévision écran plat,
un coffre-fort individuel et la climatisation.
58 Ce kit d’accueil s’adresse aux clients résidant plus de 28 nuits dans une résidence Adagio. Il comprend des
produits d’accueil spécifiques comme : dans la cuisine une dizaine de produits alimentaires utiles pour la
préparation des premiers repas, et dans la salle de bain un kit contenant du lait hydratant pour le corps, fleur
de bain, kit manucure, kit pour les chaussures et des chaussons. 59 Cet accueil long séjour chez Citadines s’adressera aux clients séjournant minimum un mois.
Précisons que chez Citadines, il existe deux catégories de logement : premier et
club. Les logements club correspondent à la catégorie supérieure, qu’ils soient studio ou
appartement ; plus grands, ils sont également mieux situés (vue comme hauteur) et dotés
d’un confort supplémentaire : plancher en bois véritable, meubles et vaisselles plus design,
chauffe-serviette, peignoirs, station iPod, entre autres. Les logements premier quant à eux
sont plus simples. Enfin, comme vu précédemment, le parc français Citadines comprend 4
résidences Prestige qui ont vocation à être des 4 étoiles ; en plus d’être toutes rénovées,
elles offrent des services supplémentaires comme un service de ménage allégé quotidien en
plus du ménage complet hebdomadaire ainsi que la présence d’un guest relation manager
(sorte de Concierge).
Néanmoins, le concept d’offre de services est identique chez Citadines et Adagio.
Le principe est une offre de services minimums gratuits et la mise à disposition d’autres
services payants comme l’accès à la laverie, le parking ou encore le pressing.
Les divers points communs que nous avons mis en évidence, relatifs au secteur, au
positionnement et à l’offre des résidences Citadines et Adagio, soulignent qu’en plus d’être
des concurrents directs, elles présentent un mode de fonctionnement semblable. Les deux
marques étant confrontées au même type de clientèle, aux mêmes défis et à des enjeux
similaires, nous allons désormais pouvoir les étudier, comparer leur positionnement et
leurs actions en termes de développement durable, et analyser la stratégie de RSE adoptée
par chacun des groupes auxquels elles appartiennent.
63
Chapitre 2 : Etude de cas : les démarches RSE de Citadines et d’Adagio
Dans cette partie, nous comparerons la démarche RSE des deux marques Citadines
et Adagio afin d’étudier les différentes modalités de mise en œuvre de cette politique mais
aussi le sens et la portée de leur engagement respectif.
A. Méthodologie : présentation des critères de comparaison choisis
Afin de comprendre la forme comme le fond des démarches RSE des deux
marques, notre étude portera sur trois critères : l’outil de RSE choisi, l’étendu des champs
abordés dans leur démarche et la communication faite à ce sujet.
1. Premier critère : le choix de l’outil RSE
Nous l’avons vu précédemment, bien qu’encouragée à plusieurs niveaux, la RSE
demeure une démarche volontaire, propre à chaque entreprise. De ce fait, même pour des
marques aux activités semblables, il n’y a pas un modèle unique d’action, mais un
ensemble de choix arbitrés par les groupes auxquels elles appartiennent.
La politique RSE de chacune des marques s’exprime à travers différentes modalités
d’application. Ainsi, l’expression de principes, l’adhésion à un label, la certification par
une norme sont autant d’éléments de reconnaissance révélateurs du degré d’investissement
de l’entreprise en matière de RSE. Le premier critère de comparaison et d’évaluation de la
démarche RSE de nos deux entreprises sera donc le choix de l’élément de reconnaissance,
de l’outil de leur politique RSE.
Ces référentiels peuvent revêtir différentes formes, plus ou moins contraignantes et
donc plus ou moins porteuses d’engagement. Il est impossible de les citer de manière
exhaustive, cependant on peut établir une topologie de ces outils.
La première catégorie, la moins contraignante, comprend les chartes et codes de
bonnes conduites. Qu’ils soient internes et autodéterminés par l’entreprise ou collectifs,
l’adhésion à ces chartes et codes ne comporte pas d’engagement formel et l’entreprise
signataire n’a aucun compte à rendre. Cependant, une entreprise peut choisir de s’imposer
de fortes contraintes.
64
La seconde catégorie comprend les labels. Un label se définit comme une marque
collective se matérialisant par des signes distinctifs (nom, logo,..) et qui peut être utilisée
par les différentes marques se conformant au cahier des charges du label. Il vise à assurer
et faciliter la reconnaissance de certaines caractéristiques d'un produit60
.
Le label peut être "privé" et géré de manière autonome par des associations de
producteurs, ou dépendre d’un organisme public. Un label, n'offre pas un gage réel de
qualité, mais seulement la garantie que le produit possède certaines caractéristiques
relatives à sa production ou à sa composition.
La dimension contraignante d’un label dépend ainsi des critères permettant son
obtention, elle varie donc fortement d'un label à l'autre. Les principaux labels de la RSE
portent essentiellement sur la question environnementale ; on peut citer le label NF-
Environnement, accordé par l’Afnor61
lorsque des améliorations ont été apportées tout au
long de la vie d’un produit afin de réduire son impact environnemental, l’Ecolabel
européen, qui fonctionne sur le même principe que le label français précité et privilégie
donc une approche « cycle de vie », et la Haute Qualité environnementale (HQE) qui
concerne les bâtiments.
La troisième catégorie comprend les normes ; les entreprises qui décident de les
adopter font l’objet d’une certification et s’engagent à améliorer leurs pratiques de manière
continue et pérenne. Ces normes ne sont accordées que pour une courte durée, à renouveler
généralement tous les 5 ans. Elles sous-tendent donc cette action continue. Les normes sont
élaborées par des organismes externes spécialisés, et celles relatives à la RSE sont de trois
types : les normes ISO62
-d’inspiration et de portée globales, la norme EMAS63
-applicable
dans l’Union Européenne- et des normes spécifiques mondiales –AA 1000, SA 8000 et
OHSAS 18001.
Les deux normes ISO les plus connues en matière de RSE sont les séries ISO 9000
et ISO 14 000 qui traitent respectivement du management de la qualité et du management
environnemental. Elles sont appliquées par plus d’un million d’organisations dans 175
60
Il s’agit de la définition marketing du terme consultable sur http://www.definitions-
marketing.com/Definition-Label 61 L’Agence française de normalisation (Afnor) est l'organisme officiel de normalisation, membre de
l'Organisation internationale de normalisation (ISO) auprès de laquelle elle représente la France. 62 L’ISO (International Standardization Organization) est une ONG formée par un réseau d’instituts
nationaux de normalisation représentant 148 pays ; son secrétariat situé à Genève assure la coordination
d’ensemble. 63 La norme EMAS (Eco-Management and Audit Scheme, c’est-à-dire système communautaire de
management environnemetal et d’audit) a été lancée en 1995 par la Commission Européenne et s’adresse aux
entreprises du secteur de l’industrie. Nous ne la développerons donc pas plus dans ce travail.
pays, et doivent leur succès au fait qu’il s’agit de normes génériques pouvant s’adapter à
n’importe quel secteur et quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle concernent donc en
particulier l’hébergement touristique.
Les autres normales mondiales citées touchent des aspects spécifiques de la RSE,
mais peuvent être adoptées partout dans le monde, et tout secteur confondu. La série des
normes AA 100064
met l’accent sur le dialogue engagé avec les parties prenantes et les
capacités de l’entreprise à rendre compte de ses progrès en matière sociale et éthique. La
norme SA 8000, fondée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et sur la
Convention internationale relative aux droits de l’enfant de l’ONU, s’assure que les
entreprises certifiées fournissent des conditions de travail décentes dans le respect la
dignité humaine. Enfin la norme OHSAS65
18001 est dédiée à la santé et à la sécurité au
travail.
Enfin, l’outil le plus complet et correspondant à la démarche la plus aboutie en
termes de RSE est la certification Qualité, Sécurité, Environnement (QSE). Il s’agit d’une
approche globale en faveur du développement durable qui assure la satisfaction de
clientèle, la sécurité des salariés et la maîtrise des impacts environnementaux, se basant sur
les trois référentiels ISO 14001, ISO 9001 et OHSAS 18001.
Ce tour d’horizon des différents outils et éléments de reconnaissance de la RSE
dans les entreprises, ainsi que leur hiérarchisation en termes d’engagement et de contrainte
nous permettra de classer et de hiérarchiser les démarches de Citadines et d’Adagio.
2. Deuxième critère : le contenu de la politique RSE et les
thèmes abordés
Si le choix d’un label ou d’une certification apporte un éclairage sur le contenu de
la politique RSE d’une entreprise, les chartes ou les engagements déclaratifs peuvent
recouvrir plusieurs réalités.
Notre deuxième critère d’étude concernera donc le contenu des politiques RSE.
Afin de l’évaluer, nous examinerons dans un premier temps les champs du développement
durable –économique, social, environnemental- couverts, ainsi que la diversité et
l’exhaustivité des thèmes abordés.
64 Les normes AA 1000 ont été crées par l’Institute of Social and Ethical Accountability en 1999. 65 OHSAS : Occupational Health and Safety Assesment Series, dont la dernière revision date de 2007.
66
3. Troisième critère : la communication sur la RSE : visibilité
et contenu des sites internet
Alors que le e-tourisme continue de s’étendre66
, les sites internet des marques
demeurent un canal de distribution à développer, une vitrine pour les groupes auxquelles
ils appartiennent, et un moyen de maîtriser leur communication.
Comme nous l’avons vu dans la première section de cette seconde partie, les
pratiques de RSE peuvent avoir de nombreux effets bénéfiques (réduction des risques,
réalisation d’économies, amélioration des performances, plus grand respect de
l’environnement, amélioration de l’image, bien-être du personnel, mais le développement
durable est souvent taxé d’argument marketing. Afin de mieux saisir comment les marques
exploitent leur démarche RSE, notre troisième angle de comparaison sera l'analyse de la
communication que Citadines et Adagio mettent en œuvre autour de cette démarche, à
partir de l'information présente sur leur site internet.
Dans ce but, nous nous intéresserons à l’évocation de la politique RSE sur le site
commercial des deux marques ainsi que sur le site institutionnel des groupes. Nous
mènerons tout d'abord une étude qualitative visant à évaluer la visibilité de cet élément :
s’agit-il d’un élément central de communication? Est-il immédiatement visible (police,
couleur, positionnement dans l’espace)? Fait-il l'objet d'un onglet spécifique? etc.
Au-delà de la forme et de la mise-en-avant de cette communication, nous
étudierons également son contenu en répondant aux questions suivantes :
L’entreprise explique-t-elle sa démarche ? (historique, choix, outils)
Fournit-elle les résultats de sa politique ? (présence de rapports)
Si oui, sont-ils chiffrés ?
L’entreprise s’engage-t-elle sur de nouveaux objectifs (notion d’amélioration
continue) ?
L’entreprise fournit-elle des preuves supplémentaires de la réussite de sa
démarche ? (awards, citations dans la presse, etc).
66 En 2011, 17,2 millions de Français ont préparé leurs séjours en ligne, soit 58% des Français partis en 2011
selon le baromètre Opodo-Raffour consultant 2012, consultable sur le site officiel de Veille Info Tourisme
recourt à deux normes internationales (ISO 14001 et OHSAS 18001) afin d’être certifiée
par un organisme externe. Ce choix est contraignant et entraîne, par ailleurs, une obligation
d’amélioration continue ; il s’agit donc d’un engagement sur le long terme. Adagio étend la
certification Ecolabel européen à l’ensemble des résidences de la chaîne ; il fait le choix
d’un label communautaire dont le cahier des charges est défini par secteur, Adagio étant
concerné par le secteur « services d’hébergement touristique ».
Cependant, la multiplication des outils de la RSE concourant à un même objectif de
promotion du développement durable nuit à la lisibilité de la démarche. Ce phénomène est
encore plus évident lorsque la politique RSE d’une entreprise réside en des engagements
pris de manière interne, basée sur des indicateurs de performance déterminés par
l’entreprise elle-même, comme c’est partiellement le cas pour PVCP et Accor. Notre étude
de cas porte uniquement sur deux groupes, mais dans le cadre d'une étude plus large, la
diversité des engagements et des actions à examiner rendrait l'analyse particulièrement
complexe.
2. Choix de l’outil et efficacité
La typologie et la hiérarchisation des outils de la RSE énoncée dans la
méthodologie, et correspondant à une distinction classique, a été partiellement infirmée par
notre étude de cas. En effet, si une norme est plus contraignante qu’un label, qui est lui-
même plus contraignant qu’un programme d’engagements définis en interne, ce classement
ne se reflète pas en termes d’efficacité et de performance; les outils les plus contraignants
ne correspondent pas nécessairement aux objectifs les plus élevés. Ainsi, l’Ecolabel
européen identifie les produits ou les services les plus performants d’un point de vue
environnemental ; la révision des critères écologiques, tous les 3 à 5 ans, permet de prendre
en compte les évolutions technologiques et de maintenir une sélectivité. Il se base
également sur des objectifs de performances environnementales quantifiées spécifiques au
secteur et faisant l'objet de référentiels. Pour leur part, les normes se basent sur une
obligation de moyens et de respect des objectifs que l’entreprise s’est elle-même fixée ;
Citadines est donc impliquée dans un système global de connaissance et de maitrise des
risques de son activité, et dans une dynamique d’amélioration continue.
Cependant, si la notion d’amélioration continue et de prise en compte globale de
l’activité comme du site sont des éléments contraignants, caractéristiques de la norme, rien
78
ne prouve que Citadines soit plus performante environnementalement que Adagio,
puisqu’il s’agit de la pertinence d’un processus et non d’un référentiel comme c’est le cas
pour Adagio.
De même, les engagements et les objectifs fixés en interne sans contrôle d’un
organisme interne ne sont pas nécessairement du greenwashing74
. Selon les objectifs fixés
et les indicateurs choisis, ils peuvent être source de réelles performances. Il n’existe donc
pas de règle absolue.
3. Le triomphe des piliers environnemental et social
Historiquement, les premières initiatives en faveur du développement durable
concernent l'environnement. En effet, l’aspect écologique a été le premier à atteindre les
consciences en s’appuyant, de manière pertinente, sur l’image d’une planète en danger.
Mais le développement durable est une notion plus large qui s’appuie sur trois piliers :
social, économique et environnemental.
Dans notre étude, nous constatons que seuls les domaines social et
environnemental sont pris en compte. Nous n’avons pas noté d’engagements en matière
économique ; cette tendance est d’ailleurs représentative de l’ensemble des démarches
RSE existantes, tout secteur confondu.
4. La RSE des groupes : confusion des marques
Le cas d’Adagio a permis d’illustrer la difficulté à différencier la démarche RSE
d’un groupe des engagements réels d’une marque voire d’un site en particulier. En effet,
sur le site internet d’Accor comme de PVCP, la communication en termes de RSE est
essentiellement faite au niveau du groupe. A l'exception de la certification Ecolabel
européen, tous les autres outils RSE sont énoncés à l’échelle des groupes. Or l’on peut se
demander s’il est pertinent d’avoir une même politique et les mêmes objectifs chiffrés pour
des produits différents, pour l’hôtellerie économique ou haut de gamme, pour des sites en
74 Greenwashing est un anglicisme qui sert à désigner les pratiques consistant à utiliser abusivement un
positionnement ou des pratiques écologiques à des fins marketing.
79
ville ou à la campagne, pour des petits et gros porteurs, pour une résidence de tourisme et
pour un hôtel, etc.
Ce constat soulève deux problèmes. D’une part, les grands groupes semblent
manquer d’adaptabilité et de subtilité dans leur démarche RSE. D’autre part le client peut
se sentir dupé ; en effet, les résultats sont énoncés de manière globale et ne traduisent
nullement les écarts entre les différentes marques. Si un client souhaite baser le choix de
son hébergement sur la qualité environnementale de la résidence qu’il vise, il ne dispose
pas, sur le site internet, des informations sur les performances de cette dernière ni même
de la chaîne en général.
5. Le sens de la démarche RSE : au-delà du marketing
Il est souvent reproché à la RSE de n’être qu’un argument marketing ayant pour
but d’attirer plus de clients. L’étude des sites internet tendrait à démontrer le contraire :
ainsi, les sites commerciaux de Citadines comme d’Adagio, sur lesquels l’acte d’achat se
réalise, ne mentionnent pas la certification des résidences dans leur descriptif. En revanche,
l’engagement d’Accor et de PVCP en faveur du développement durable est mis en avant
dans la communication des deux groupes ; cette observation laisse à penser que la stratégie
des entreprises n’est pas de déclencher plus de ventes immédiates, mais d’utiliser leur
démarche RSE dans le développement leur image.
Au delà de ce constat, qui va à l'encontre des idées reçues, le débat d'ordre moral
sur la motivation des entreprises et le sens réel de leur engagement est-il réellement
nécessaire? On peut en effet estimer que les objectifs fondamentaux d'une démarche de
développement durable sont ses performances et son efficacité, quelles que soit les
motivations profondes de l'entreprise qui la met en place.
6. Limites de l’étude de cas
a. L’accès aux données
Ayant travaillé un an chez Citadines sur le projet de double-certification en
résidence et au siège, je disposais d’un accès privilégié aux informations relatives à la
politique RSE de la marque.
80
En revanche, je n’ai malheureusement pu rencontrer personne travaillant chez
Adagio qui aurait pu compléter ma connaissance de leurs engagements en matière de RSE.
Les directeurs de résidence que j’ai contactés ne m’ont pas répondu, tout comme le siège
de PVCP. Le département Développement durable d’Accor m’a répondu mais n’a pas pu
m’accorder de rendez-vous ni répondre à un questionnaire, ils m’ont redirigée vers leur site
internet. L’accès aux données a donc été très difficile et le manque de diversité des sources
concernant Adagio constitue l'une des limites de mon étude.
b. La confusion des informations
Comme nous l'avons évoqué précédemment, il est difficile de distinguer la
politique RSE des groupes Accor et PVCP des engagements réels pris dans les résidences
Adagio. L’absence de distinction m’a obligée à considérer que les démarches des
résidences en matière de RSE étaient conformes aux engagements des groupes pris à
échelle globale. L’absence de clarté dans l’information a donc été source d’approximation.
81
CONCLUSION
Au travers de ce travail, nous avons mis en évidence les besoins d’introduction des
principes de développement durable dans la gestion et le management du secteur
touristique. Secteur dynamique et international, le tourisme génère de nombreux effets
positifs -sur la croissance économique notamment-, mais contrebalancés par des impacts
négatifs croissants sur l’environnement. De plus, il est toujours sources d’inégalités
notamment selon un axe Nord/Sud. Nous avons également analysé l’émergence
progressive du concept de développement durable, selon plusieurs modèles de diffusion :
selon un principe top-down, les organisations internationales puis les Etats ont incité les
entreprises et les citoyens à prendre leurs responsabilités ; dans le même temps, la société
civile, dont les valeurs ont évolué face à un capitalisme débridé, a pris conscience de
l’urgence de la situation. Cette pression a fini par atteindre l’entreprise dont on attend
désormais qu’elle rende des comptes et qu’elle adapte son fonctionnement afin d’être
moins impactante et plus durable.
Cependant, le secteur touristique est caractérisé par son étendue et sa diversité,
aussi nous nous sommes concentrés sur l’activité d’hébergement, et plus spécifiquement
sur les résidences urbaines de tourisme. Malgré leur croissance rapide, elles représentent
un sujet d’étude peu développé, aussi est-il particulièrement pertinent de s’y intéresser.
Notre étude comparative entre Adagio et Citadines a permis d’appréhender de manière
concrète les différentes modalités de la RSE ainsi que la communication des deux marques
à ce sujet. La diversité des initiatives, des outils de RSE, la disparité des degrés
d’engagement ainsi qu’une communication web inégale a mis en exergue la complexité à
analyser le concept et sa mise en oeuvre dans sa globalité.
Mon étude de cas a donc permis d’illustrer un phénomène plus global. Ainsi, si une
conception plus éthique et plus durable du tourisme est nécessaire, cette tendance semblant
inéluctable, la mise en pratique demeure confuse. Les interrogations sur le fond, la forme
et le sens de cette démarche sont encore nombreuses, et les initiatives trop rares.
Comme nous l’avons évoqué au cours de ce travail, le développement durable a ses
détracteurs. Parce qu’il a aussi profité d’une vague altermondialiste pour se développer, il
porte parfois l’image révolutionnaire, incarnant la lutte contre le capitalisme. Or, le
82
développement durable ne doit pas être confondu avec la décroissance75
. Le
développement durable n’a pas vocation à combattre le libéralisme et le capitalisme, il
remet simplement en cause leurs dérives. Il s’agit plutôt de permettre une croissance qui
profite à tous.
Pratiquer le développement durable, c’est agir de manière responsable, conscient de
ses impacts et de son environnement, entendu au sens large. Néanmoins, la notion de
développement durable ne doit pas être assimilée à de l'angélisme. Du fait de leur rôle
central dans la société, les entreprises constituent un incontournable vecteur du
changement ; on peut difficilement attendre d'une entreprise, confrontée aux réalités du
marché, qu'elle s’engage dans une démarche RSE par simple philanthropie. Pour pouvoir
se développer, la démarche doit être financièrement viable. L’entrepreneur doit y trouver
un intérêt ; ce dernier est parfois marketing.
En effet, certaines entreprises pratiquent une politique en faveur du développement
durable afin d’améliorer leur image. On peut considérer que cette motivation d'ordre
commercial n'est pas un problème dans la mesure où la démarche est efficace. Néanmoins,
deux écueils se profilent dans l'utilisation de la RSE dans la politique de communication
des entreprises. Le premier est le problème du greenwashing précédemment évoqué. En
effet, ce détournement constitue un frein au comportement responsable des touristes ; ainsi
selon une étude Atout France parue en 201176
, 79% des français estiment que les
entreprises mettant en avant des arguments citoyens ou éthiques le font surtout pour des
raisons commerciales ; et seuls 48% d’entre eux font confiance aux entreprises pour la
préservation de l’environnement.
Le second obstacle à la prise en compte plus étendue des principes de
développement durable est la course à la différenciation. En effet, résumer l’intérêt d’une
politique RSE à un gain d’image n’assurera pas la pérennité de l’engagement, car une fois
l’effet différenciant estompé -lorsque les autres entreprises seront au même niveau- la
politique RSE deviendra obsolète, et ne sera plus source de gain de compétitivité. Il
faudrait donc donner à l’entreprise des raisons de s’engager, en lui donnant l’envie et les
moyens de s’impliquer.
75 La décroissance : mouvement qui prône une diminution générale de la consommation et qui s'oppose aux
théories économiques libérales, fondées sur la recherche d'une augmentation continue de la production. 76 Etude Tourisme et développement durable – De la connaissance des marchés à l’action marketing,
Editions Atout France, 2011, 108p.
83
Les difficultés soulignées plus haut pourraient être combattues par une évolution de
l'approche politique du développement durable, en opérant une transition d'un système de
recommandations et d'incitations vers un encadrement législatif. Aujourd’hui, la RSE est
une démarche volontaire accompagnée par les pouvoirs publics. Ces derniers pourraient
encadrer plus étroitement les pratiques de la RSE en introduisant des mesures coercitives
comme c’est déjà le cas avec la taxe carbone77
.
Notre cas d’étude a illustré la disparité des formes que peuvent prendre les
démarches de RSE et souligné la nécessité d’uniformiser les outils et les éléments de
reconnaissances de cette politique. Une meilleure visibilité pour le consommateur, la mise
en place d’indicateurs et de critères maitrisés sont les divers atouts d’une uniformisation.
Cependant, l’exemple d’Adagio et de Citadines met en exergue l'un des enjeux majeurs de
la RSE : la difficulté à évaluer clairement la politique de RSE d'une entreprise, et à imposer
les mêmes objectifs à des entreprises différentes, y compris lorsque leurs activités et le
public visé sont similaires. Par ailleurs, certains groupes couvrent plusieurs secteurs
d’activité, ce qui renforce la complexité de l’élaboration de principes directeurs ou
d’objectifs par les pouvoirs publics.
Néanmoins, si la responsabilité des Etats ou des organisations internationales ne
peut pas se substituer intégralement à celle des entreprises, ceux-ci ont un rôle important à
jouer; il s’agit de promouvoir une véritable gouvernance touristique, capable de mobiliser
et d'impliquer les acteurs du secteur. Au delà de simples chartes comme le Code mondial
d’Ethique du tourisme, qui représentent une première étape dans la prise en compte des
problématiques de développement durable, une implication plus forte des Etats, basée sur
des outils législatifs, semble nécessaire pour généraliser les pratiques de la RSE. Le
passage de la prise de conscience aux mesures coercitives a déjà été amorcée dans d'autres
domaines, comme pour la question de la parité hommes-femmes dans certains pays
industrialisés
Par ailleurs, la notion de développement durable, loin de représenter une question
anecdotique, recouvre une grande partie des problématiques politiques fondamentales de
notre époque (les droits sociaux des travailleurs, la santé, la préservation des ressources et
77 La taxe carbone est une taxation sur les émissions de gaz à effets de serre visant à réduire les émissions des
entreprises et fonctionnant selon le système pollueur-payeur.
84
de l'environnement dans son ensemble, les relations Nord-Sud), en les intégrant aux
questions économiques. Ainsi, le développement durable pourrait constituer une cause
prioritaire pour les pouvoirs publics dans les années à venir.
Alors que le monde traverse une crise économique sans précédent depuis 2009 et
que certaines destinations très touristiques comme la Grèce ou l’Espagne sont en récession,
certains pourraient arguer de l'existence de problèmes plus urgents que les questions
environnementales ou sociales. Mais paradoxalement, les conséquences désastreuses de la
crise illustrent les dangers d'une approche économique tournée vers le profit à court terme,
et soulignent la nécessité d'une vision politique à long terme. Dans cette optique, le
concept de développement durable semble offrir les clés d'une transition vers un système
de gestion global, qui intègre le respect de l'homme et de la planète à une économie
performante.
85
Bibliographie
OUVRAGES
CAPRON M. et F. QUAIREL-LANOIZELEE. Mythes et réalités de l’entreprise
responsable, Paris, La Découverte, 2004, 251 p.
FAUCHEUX, Sylvie. Economie des ressources naturelles et de l’environnement, Paris,
Armand Colin, 1999, 370 p.
JONAS, Hans. Pour une éthique du futur, Editions Rivages poche/Petite Bibliothèque,
1998, 116 p.
LAVILLE, E. L’entreprise verte, Paris, Pearson Education France, 2010, 404 p.
LECOEUR, L. L’entreprise au cœur du développement durable, la stratégie RSE, Paris,
Géréso, 2010, 161 p.
LEPINEUX F., JJ ROSE, C. BONANNI et S. HUDSON. La Responsabilité sociale des
entreprises, théories et pratiques, Paris, Dunod, 2010, 246 p.
NIETZSCHE, Friedrich. La généalogie de la morale, Paris, Flammarion, 2000, 278 p.
DICTIONNAIRES
ALBERT, L. Dictionnaire des termes économiques et commerciaux, Paris, De Vecchi,
2006, 204 p.
Le Petit Larousse 2005, Paris, Larousse, 2004, 1784 p.
RAPPORTS / COMPTES-RENDUS
Rapport financier annuel de Pierre & Vacances Central Parcs, 2010-2011. [en ligne]
Bilan annuel d’activité de The Ascott Residence Trust, 2011. [en ligne]
Prospective des Etudes Economiques et de l’Evaluation rattachée au Ministère de
l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, Mémento du tourisme, édition 2011 [en ligne]
Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, Chiffres-clés du tourisme, édition
2010 [en ligne]
ORGANISATION MONDIALE DU TOURISME, Rapport Horizon 2020 du tourisme
mondial, 1997-1998 [en ligne]
86
COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES. Livre vert : Promouvoir un
cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Bruxelles, 18 juillet 2001.
CONSEIL NATIONAL DU TOURISME. Le poids économique et social du tourisme,
2010 [en ligne]
ETUDES
Baromètre OPODO E-tourisme 2012, par OPODO-Raffour Consultant [en ligne]
Tourisme et développement durable – De la connaissance des marchés à l’action
marketing, Editions Atout France, 2011, 108p.
Développement durable du tourisme en ville, Editions Les Cahiers espaces, octobre 2011
N°10, 190p.
How Corporate Social Responsibility is define : analysis of 37 definitions, Alexander
DAHLSRUD, Norwegian University of Science and Technology, Trondheim, Norvège,
septembre 2006
PRESSE
Communiqué de presse d’Adagio, Adagio acquiert Cita et devient le N°1 européen des
Résidences de Tourisme urbaines, mai 2011 [en ligne]
Dossier de presse du Syndicat national des résidences de tourisme, mars 2012 [en ligne]
LAVILLE, E., « Développement durable : le challenge du XXIè siècle pour les
entreprises », Cahiers Qualité et Management, n°7, 2001.
PARIZEAU, Marie-Hélène. « Ethique et éthiques appliquées : l’émergence de théories
composites », Philosopher, n°16, 1994, p.133-142
SITES INTERNETS
ACCOR, site institutionnel
www.accor.com
ADAGIO, site commercial
www.adagio-city.com
ADAGIO, site commercial de Pierre & Vacances Center Parcs
www.pierreetvacances.com/adagio
AGENCE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L’ENERGIE. Agenda
Annexe 1 : Déclaration de Copenhague sur le développement social
Annexe 2 : Code mondial d’éthique du tourisme
Annexe 3 : Le touriste et le voyageur responsables
90
Annexe 1 : Déclaration de Copenhague sur le développement social, énoncée lors de la clôture du Sommet pour le développement social de 1995.
DÉCLARATION DE COPENHAGUE SUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
1. Pour la première fois dans l'histoire, nous, chefs d'État et de gouvernement, sommes réunis sur l'invitation de l'Organisation des Nations Unies pour reconnaître l'importance universelle du développement social et de l'amélioration de la condition humaine et pour œuvrer d'urgence à la réalisation de ces objectifs, dès à présent et pour le XXIe siècle.
2. Nous constatons que partout dans le monde se manifeste de diverses manières l'urgente nécessité de s'attaquer aux problèmes sociaux les plus graves, en particulier la pauvreté, le chômage et l'exclusion sociale, qui touchent tous les pays. Nous avons pour tâche de nous attaquer à la fois aux causes profondes des problèmes et à leurs conséquences déplorables, afin de réduire l'incertitude et l'insécurité qu'ils engendrent dans la vie des individus.
3. Nous constatons que, dans tous les pays et régions du monde, nos sociétés doivent mieux répondre aux besoins matériels et spirituels des individus, de leurs familles et des communautés dans lesquelles ils vivent. Nous devons agir sans plus attendre et, aussi, prendre un engagement durable et inébranlable pour les années à venir.
4. Nous sommes convaincus que la démocratie, la transparence et la responsabilité dans la conduite des affaires publiques et l'administration dans tous les secteurs de la société sont les bases indispensables à la réalisation d'un développement social durable et centré sur l'être humain.
5. Nous partageons la conviction que le développement social et la justice sociale sont indispensables à l'établissement et au maintien de la paix et de la sécurité entre les nations et en leur sein même. Inversement, il ne saurait y avoir de développement social et de justice sociale sans la paix et la sécurité et si tous les droits de l'homme et ses libertés fondamentales ne sont pas respectés. Cette interdépendance fondamentale consacrée il y a
50 ans dans la Charte des Nations Unies s'est encore renforcée depuis lors.
6. Nous sommes profondément convaincus que le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement constituent des éléments interdépendants et qui se renforcent mutuellement dans le processus de développement durable, qui est le cadre de nos efforts pour assurer à tous une vie meilleure. Un développement social équitable mettant l'accent sur le renforcement de la capacité des pauvres d'utiliser d'une manière viable les ressources de l'environnement est un fondement essentiel du développement durable. Nous reconnaissons en outre qu'une croissance économique générale et soutenue, dans le contexte d'un développement durable, est indispensable à la continuité du développement social et de la justice sociale.
7. Nous reconnaissons donc que le développement social est au coeur des besoins et des aspirations des individus partout dans le monde et constitue pour les gouvernements et tous les secteurs de la société civile une responsabilité cruciale. Nous affirmons qu'en matière économique aussi bien que sociale, les politiques et les investissements les plus productifs sont ceux qui permettent aux gens de tirer le meilleur parti de leurs capacités, de leurs
91
ressources et des possibilités qui leur sont offertes. Nous reconnaissons que le développement économique et social ne peut être assuré d'une manière durable sans la pleine participation des femmes; l'égalité et l'équité entre hommes et femmes sont pour la communauté internationale un objectif prioritaire qui doit, en tant que tel, se situer au coeur du développement économique et social.
8. Les êtres humains ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec l'environnement, et ce sont eux qui sont au coeur de nos efforts pour un développement durable.
9. Nous sommes réunis ici pour nous engager, nous, nos gouvernements et nos nations, à oeuvrer au développement social dans le monde entier, de telle sorte que tous, hommes et femmes, en particulier ceux et celles qui vivent dans la pauvreté, puissent exercer les droits, utiliser les ressources et partager les responsabilités qui leur permettent de vivre une vie satisfaisante et de contribuer au bien-être de leur famille, de leur communauté et de l'humanité. Ce doit être un objectif primordial pour la communauté internationale que de soutenir et d'encourager ces efforts, s'agissant spécialement des personnes qui souffrent de la pauvreté, du chômage et de l'exclusion sociale.
10. Nous prenons cet engagement solennel à la veille du cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, avec la volonté de tirer parti des possibilités uniques qu'offre la fin de la guerre froide pour promouvoir le développement social et la justice sociale. Nous réaffirmons les principes de la Charte des Nations Unies dont nous nous inspirons ainsi que des accords auxquels ont abouti les conférences internationales pertinentes, dont le Sommet mondial pour les enfants, tenu à New York, en 1990 1/; la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio, en janvier 1992 2/; la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne, en 1993 3/; la Conférence mondiale sur le développement durable des petits États insulaires en développement, tenue à Bridgetown (Barbade) en 1994 4/; et la Conférence internationale sur la population et le développement, tenue au Caire, en 1994 5/. À ce sommet, nous prenons l'initiative d'un nouvel engagement de chacun de nos pays en faveur du développement social, marquant ainsi le début d'une ère nouvelle de coopération internationale entre les gouvernements et entre les peuples, fondée sur un esprit de partenariat qui place les besoins, les droits et les aspirations des individus au centre de nos décisions et de nos actions communes.
11. Le Sommet qui nous réunit ici, à Copenhague, est celui de l'espoir, de l'engagement et de l'action. Nous sommes pleinement conscients de la difficulté des tâches qui nous attendent, mais convaincus que des progrès considérables peuvent être réalisés, doivent l'être et le seront.
12. Nous souscrivons à cette Déclaration et à ce Programme d'action, qui visent à promouvoir le développement social et à assurer le bien-être de tous, partout dans le monde, dès à présent et pour le XXIe siècle. Nous invitons les citoyens de tous les pays, et de toute condition, ainsi que la communauté internationale, à se rallier à cette cause commune.