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MENSUEL ANARCHISTE-COMMUNISTE N° 284 NOVEMBRE 2018 3€
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� DOSSIER RÉFORMES SOCIALES
GRÈVE DES ENSEIGNANTS AUX ÉTATS-UNIS
VIET NAM : PAS DE TERRE A LOUER POUR LA CHINE
GRANDE-BRETAGNE : IMMIGRATION ET SOCIAL-DÉMOCRATIE NATIONALE
couv 284 novembre 2018 - copie:CA 28/10/18 07:05 Page1
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Courant alternatif - n° 284 - novembre 20182
COMMENT FONCTIONNE
COURANT ALTERNATIF ? SOMMAIRE
-ÉDITO � PAGE 3RÉFORMES SOCIALES
� PAGES 4-5 Santé : une réforme de plus
�PAGES 5-6 Psychiatrie : mobilisée pour gagner
�PAGES 7-9 Plan pauvreté : leurre et entourloupe
�PAGE 10 Retraites : points par points
�PAGES 9-11 En marche vers la start-up education !
�PAGES 12-13 Parcourssup : la partie émergée de l’iceberg
L’ÉCONOMIE EN BRÈVES� PAGE 14LUTTES SOCIALES
� PAGE 9 Contre la fermeture de l’hôpital du Blanc
�PAGES 15-16 Sardinières à Douarnenez, l’exploitation
continue
�PAGE 17 «Je traverse la rue, je vous en trouve...»
�PAGES 18-19 Migrants : camps et expulsions à Grande-Synthe
BIG BROTHER� PAGES 20-21
VERTEMENT ÉCOLO� PAGES 22-23
�PAGE 23 Marche pour la forêt
NUCLÉAIRE
� PAGE 24 Scoop au Parlement : le nucléaire est dangereux
LIRE
� PAGE 25 Tract OCL et nouvelles parutions acratie
INTERNATIONAL
�PAGES 26-28 VIET NÂM : pas de terre à louer pour la Chine�PAGES
29-31 GRANDE-BRETAGNE : immigration
et social-démocratie nationale�PAGES 32-36 ETATS-UNIS : la grève
des enseignants
du printemps dernier
OCL c/o EgregoreBP 81213- 51058 Reims
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COURANT ALTERNATIFnovembre 2018
Mensuel anarchiste-communiste
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Nathalie Federico
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organiséedans une ville différente, pour pré-parer le numéro
suivant. Peuventy participer des sympathisant-e-sintéressé-e-s au
même titre queles militant-e-s OCL de la ville enquestion et que
des représentant-e-s des autres groupes de l’OCL.Chaque CJ a pour
tâche de criti-quer le numéro précédent, de dis-cuter les articles
proposés par desgens présents ou non ; d’en susci-ter d’autres en
fonction des évé-nements et des souhaits émis parles groupes ou des
individu-e-s. Enoutre, chaque CJ débute par unediscussion sur un
sujet d’actualité,ce qui permet la prise de déci-
sions concernant les activités del’OCL, si nécessaire. Le
collectif or-ganisateur rédige, immédiatementaprès la CJ, un compte
rendu poli-tique et technique le plus précispossible, puis, pendant
les deuxsemaines à venir, assure le suivi dece qui a été décidé
pour le journal(liaisons, contacts, etc.) ; et c’est luiqui écrit
l’édito en fonction de ladiscussion dans la CJ ou d’événe-ments qui
se produisent après.
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réunions depréparation et de discussion sur lejournal (elles sont
largement ou-vertes), écrivez à OCL/Égrégore –BP 81213 – 51058
Reims cedex,afin de pouvoir vous y rendre.
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couv 284 novembre 2018 - copie:CA 28/10/18 07:05 Page2
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Durant le dernier quart du XXe siècle sonttombées les unes après
les autres bien desdictatures qui, rouges ou brunes,
s’étaientinstallées avant la Seconde Guerre mon-diale ou frayées un
chemin dans l’après-
guerre. En ce premier quart du XXIe siècle, c’est unenouvelle
réaction thermidorienne (1) que nous sommesen train de vivre, à
l’échelle planétaire.
En Europe, l’extrême droite gouverne dans des coa-litions en
Autriche, en Finlande, en Bulgarie, en Italie eten Hongrie ; des
ultraconservateurs dirigent la Belgiqueet la Pologne, et la Russie
poutinienne ne détonne pasdans le tableau. Sous d’autres latitudes,
la Chine de « XiDada » ou les Etats-Unis trumpiens non plus. En
Amé-rique latine, les gouvernements qui étaient nés avec lachute
des dictatures cèdent ou vont céder la place à unenouvelle vague
dictatoriale ; les tentatives socialistesse transforment elles
aussi en dictatures sanglantes…
Certains affirment que tous ces régimes sont trèsdifférents,
d’autres qu’ils sont identiques ou presque.Mais, dans un cas comme
dans l’autre, on cherche à lesfaire entrer dans une des cases déjà
porteuses d’unnom (généralement en -isme) en science politique :
fas-cisme, populisme, totalitarisme, etc., et cela ne sertguère
qu’à alimenter d’interminables discussions by-zantines entre «
spécialistes »… tandis que le phéno-mène se répand. Les partis
d’extrême droite montenten effet également en Scandinavie, en
France, aux Pays-Bas, et, depuis peu, dans une Espagne qui semblait
enêtre préservée.
Nous nous contenterons de dire, pour notre part,que ces partis –
au pouvoir ou non – s’habillent des di-verses nuances de gris ou de
rouge mais ont de nom-breux points communs : une obsession
sécuritaire, lapeur de l’immigration (d’où la fermeture des
frontières,le contrôle accru des étrangers), le nationalisme,
unecontre-révolution culturelle (sur la place à accorder auxfemmes,
l’avortement, l’homosexualité, la famille, l’édu-cation, les
activités culturelles…), et, en Europe, la luttecontre l’islam.
Ces idées et les mesures qui les concrétisent sontcertes
nauséabondes, mais elles ne doivent pas faireperdre de vue une
réalité que nous avons du mal àrendre visible, et que la classe
politique traditionnelles’ingénie à masquer parce qu’elle en a été
et en est com-plice : les bourgeoisies, les groupes financiers, les
lati-fundistes accordent un soutien implicite ou expliciteaux
régimes cités plus haut.
Quand cela leur paraît nécessaire, ils s’offrent deschefs d’Etat
même si ce sont des pitres ou des sangui-naires, de ceux dont on se
moque dans les dîners debien-pensants en ville : Trump et ses
délirants SMS an-timédias, Duterte et ses énormes « grossièretés »
auxPhilippines, le bébé joufflu Kim Jong-un à la bizarrecoiffure…
Bolsonaro et ses éructations contre leshomos et les femmes ; il y a
peu, le vieux beau Berlus-coni, et maintenant ce comique de Grillo
; les mégalosSaddam ou Kadhafi naguère… On nous les présente
comme des histrions que le peuple en déshérence por-terait au
pouvoir par désespoir. Ce serait des anachro-nismes que nous
pourrions quant à nous, occidentauxéduqués et dotés d’un système
démocratique rodé, évi-ter. Comment ? En votant « bien » ! La
différence entreces dirigeants caricaturaux et ceux qui sont «
simple-ment » d’extrême droite, de la « droite dure » ou
conser-vateurs n’est pourtant que de façade, puisque lestenants du
système capitaliste les acceptent du mo-ment qu’ils font le job
attendu : leur permettre de nerien céder, face à une force de
travail qui a parfois mon-tré le bout du nez, au cours des
décennies précédentes.
Deux choix nous sont aujourd’hui proposés pours’opposer à la
vague brune qui monte qui monte. L’un,social-libéral, dont Macron
rêve d’être le leader et dontle socle est la défense de l’Union
européenne avec ladroite dite « modérée » ; l’autre,
social-démocrate, portépar des partis « socialistes » en perdition,
tout aussipro-UE et tout aussi désireux de diminuer le coût de
laforce de travail.
La crise politique et économique est analysée parles uns et les
autres comme une guerre entre partisanset adversaires de cette
Union européenne. Faux ! Cen’est qu’un prétexte, le véritable enjeu
est la restructu-ration capitaliste à l’échelle mondiale, et il
impliquel’écrasement du prolétariat, dans un monde où les
af-frontements inter-impérialistes dament le pion à laguerre de
classe. Car, comme l’a dit le milliardaire amé-ricain Warren
Buffett : « Il y a une guerre des classes,c’est un fait ; mais
c’est ma classe, la classe des riches,qui mène cette guerre et qui
est en train de la gagner. »
Soyons clair, les dirigeants politiques ne dirigentplus
grand-chose – si tant est que ce fut un jour le cas.Ce sont autant
de pantins dont le style est jugé plus oumoins présentable, selon
le milieu social dans lequelon se trouve et les opinions que l’on
professe, et dontles classes dominantes se contentent pourvu
qu’ilsneutralisent, que ce soit par la force ou par la persua-sion,
les réactions venant d’en bas contre leur politiqueéconomique et
sociale. Il n’y a donc pas vraiment lieu defaire une distinction
entre l’extrême droite molle ou« fasciste », la droite dure, les
centristes, la gauche par-lementaire… Macron, Le Pen, Ciotti, Valls
ou les autres.
Il faut s’en souvenir, dans les luttes de demaincomme en période
électorale. Et, surtout, le répéterhaut et fort : le combat de
classe ne peut être qu’inter-nationaliste !
OCL-Poitou
1) Entre 1792 et 1794, la réaction thermidorienne a marqué lafin
de l’alliance de classe qui avait permis la révolution de 1789et
qui imposait un certain rapport de force en faveur desclasses
inférieures. Elle a accouché d’un régime « libéral »grâce auquel la
« grande bourgeoisie » (banquiers, gros indus-triels, hauts
fonctionnaires…) est devenue vers 1830 la nou-velle classe
dominante, au détriment de l’aristocratie et –toujours – du
prolétariat en expansion.
courant alternatif - n° 284 - novembre 2018 3
éditorial
Ne laissons pas les patrons mener seuls la lutte des classes
!
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« Notre système de santé a étéconstruit après la guerre »,
sou-ligne la ministre de la santé AgnèsBuzyn, adepte du
libéralisme.Après maints reports, elle a pré-senté son nouveau «
plan santé »dont les mesures (54) devraient« révolutionner » le
système desanté, qui reste pour le Président etsa ministre « notre
force et notrefierté ».
De réforme en réforme
Durant ces vingt dernières années, lenombre de maternités a été
divisé partrois. Depuis 1989, alors que l'activitécroit de 3 à 4 %
par an, le nombre de lieuxd'accueil d'urgence est descendu de 3000
pour 8 millions de fréquentations à690 pour 20,3 millions
aujourd'hui.Certes, les raisons qui conduisent à alleraux urgences
ne sont plus les mêmes. Envingt ans, 100 000 lits
d'hospitalisationont été fermés, dénonce l'urgentiste P.Pelloux.
C'est le résultat des différents« plans santé » appliqués par les
précé-dents gouvernements de droite et degauche. Sous la présidence
de F. Hol-lande, sa ministre M. Touraine (1) a sup-primé 22 000
postes entre 2015 et 2017.Son plan d'économies imposé sur troisans
était de 3 milliards d'euros. Rappe-lons qu'en prenant la
succession du pou-voir E. Macron avait prévu 15
milliardsd'économies sur le budget de la « Sécu »durant son
quinquennat. Car, comme il
se plaît à le marteler, « notre système nesouffre pas d'abord
d'un sous-finance-ment. Il pèche par un vrai handicap
d'or-ganisation ».
Perlimpinpin !
Le budget total de l'Assurance mala-die pour 2018 était de 195,2
milliards.Dans la loi de financement prévoyant letotal des dépenses
de l'année 2019, l'ON-DAM (objectif national des assurancesmaladie)
fixait les besoins à 4,4 milliards,soit une augmentation de 2,3 %.
Magna-nime, le gouvernement monte à 2,5 % etoctroie 400 millions
d'euros supplémen-taires pour financer les dépenses desanté en
2019. « Une misère, quelquesmiettes », se désole la Fédération
hospi-talière de France (2). Ces 400 millions ser-viront surtout à
financer les assistantsmédicaux. Pour les hôpitaux, il ne
resteraque quelque 150 millions alors que la mi-nistre leur
demande, via les Agences ré-gionales de santé (3), de réaliser
1milliard d'économies. Poudre aux yeux,donc, que cette rallonge :
il est à craindreque ce énième « plan santé » ne rime en-core avec
rentabilité et offre plus de pré-rogatives aux lobbys médicaux
libéraux.
Du « temps médecin » en plus
Pour venir en aide aux urgences dé-bordées, la ministre et son
Président ontl'ambition de réorganiser la médecine deville. C'est
une mesure phare, avec l'an-nonce de la suppression du
numerusclausus ouvrant les études de médecineà tous et toutes.
Libérer du « temps mé-
dical », l'idée est inspirée des pratiquesbritanniques. Il
s'agit de libérer le prati-cien des tâches d'accueil et de
prépara-tion du patient : déshabillage, pesage,prise de tension,
etc. Pour ce faire, le gou-vernement propose de financer le
recru-tement de 4 000 « assistants médicaux »,alors qu'il y a plus
de 68 000 médecinsgénéralistes libéraux (certes, inégale-ment
répartis sur le territoire). Ainsi, engagnant quatre ou cinq
minutes par aus-cultation, le médecin gagnera 30 % detemps, et dans
un cabinet médical onpourrait même dégager un temps équi-valant à
un médecin en plus. Cette ré-forme satisfait surtout les
syndicatslibéraux, mais peu les généralistes deproximité, isolés et
non affiliés à un syn-dicat. Le temps accordé à un
patient,d'environ quinze minutes, serait réduit àdouze. Il faut
bien rentabiliser. Notonsque cette pratique existe déjà dansnombre
de cabinet médicaux regroupéspar discipline ou pluridisciplinaires.
Cesassistants médicaux seraient recrutésdans les rangs
d'aides-soignant(e)sformé(e)s pour cela. Rappelons quenombre
d'écoles d'aides-soignantes ontété fermées suite à des plans
d'écono-mies, que cette mesure n'est qu'incita-tive, et que l’Etat,
donc l'argent public,paye la formation pour un usage de mé-decins
du privé.
Autre mesure phare, la suppressiondu numerus clausus (4) : la
machine àquotas mise en place en 1968. Mais, pré-vient la ministre,
« cela ne résoudra pasle problème de la démographie médi-cale ». Il
est vrai que le numerus claususn'est qu’un élément et non LE
respon-sable de la pénurie de médecins. Mesuretapageuse, car il
suffisait de l'ouvrir pouraccroître le nombre d'étudiants en
mé-decine, limité aujourd'hui à 9 000 par an.Bien sûr que la
nouvelle réjouira les as-pirant(e)s, car elle ouvre des
perspectivespostbac aux étudiant(e)s tant en méde-cine qu'en soins
dentaires, sages-femmes ou pharmacie. Encore faut-il quela loi
prévue pour 2020 devienne pé-renne, et attendre 2025 pour en voir
deseffets. Certes, le concours sera ouvert àtous et toutes, mais
reste la question : Aquel moment et niveau d'étude se fera
lasélection ? L'accès menant aux études demédecine restera de
toutes les façonstrès sélectif. En attendant, pour faire pas-ser sa
réforme, la ministre, ancienne hé-matologue de profession, prend
soin desenfants de la bourgeoisie : « Il faut arrê-ter le gâchis,
(…) de désespérer cesjeunes qui obtiennent le bac avec men-tion
bien ou très bien et qui se voient re-fuser l'entrée des études de
médecine... »
4 courant alternatif - n° 284 - novembre 2018
réformes sociales
1) Quatre de sesprincipaux collabora-teurs iront rejoindrele
staff Macron-Buzyn.
2) La FHF regroupeles directeurs d'hôpi-taux publics
deFrance.
3) Les directeurs desARS ont les pouvoirsd'un préfet dans
ledomaine de la santéet du social.
4) C'est le chiffre(quota) fixé tous lesans par arrêté
pourétablir le nombred'étudiants en méde-cine qui pourrontpasser en
deuxièmeannée.
SANTÉ :UNE RÉFORME DE PLUS !
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Réformer l'hôpital
Le Président et sa ministre assurentqu'aucun hôpital ne fermera.
Et sur cepoint, on peut les croire tant les mesuresprises dans ce
domaine par les gouver-nements précédents sont abouties.Après la
casse de l'hôpital public, la mi-nistre poursuit la réorganisation
del'offre public-privé. Elle précise : « Lesétablissements de santé
seront appelésà repenser leur mission de proximité,avec pour 500 ou
600 d'entre eux “unlabel”. » Cela passe par plus de coordina-tion
avec les médecins de ville. Le« temps médical » dégagé grâce aux
as-sistants médicaux servira-t-il à cela ? Leplan prévoit une
incitation financièrepour les médecins libéraux afin
qu'ilss'organisent mieux et assurent desconsultations jusqu'à 20
heures. Dans lecadre des territoires sanitaires, ces hôpi-taux de
proximité, ou ce qu'il reste deleurs services, seront subordonnés
auxCHU dotés de moyens qui seront des ré-férents nationaux voire
internationaux.
Une réforme sans moyens
La ministre de la Santé suit les tracesde ses prédécesseurs. La
reforme annon-cée reste économique, comptable. La trèslibérale A.
Buzyn ne touche pas au tierspayant. Il sera généralisable, mais pas
gé-néralisé à tous les médecins. Compre-nons qu'il ne sera pas
imposé auxmédecins libéraux qui ne le souhaite-raient pas. Ce qui
laisse de côté 30 % depatients qui ont des difficultés pour sefaire
soigner, surtout chez un spécialiste.Quant aux populations
bénéficiaires dela CMU, 35 % des médecins les refusaienten 2017.
Oubliées par la ministre.
Elle ne disserte pas non plus sur le
racket scandaleux des dépassementsd'honoraires, ni des
dessous-de-table quise pratiquent couramment, y compris àl'hôpital
public (5). Pourtant, son planprétend « replacer le patient au cœur
dusystème de soins ».
Rien non plus sur un contrôle plusstrict du droit d’installation
des méde-cins, alors que pharmaciens et infir-mières doivent
obtenir l'aval de l'ARS.Seule une incitation à salarier des
méde-cins (400 recrutements sont prévus) dansles hôpitaux situés en
zones de désertmédical est prévue par le gouvernement.Incitations
payées par le contribuable.
« Il faut améliorer la qualité des
soins », souligne la ministre ! Pourtant,aucune annonce n'a été
faite envers lespersonnels hospitaliers (voir l'encart).Aucune
annonce dans le « plan santé »pour venir en aide à la psychiatrie
sinis-trée. Aucune annonce non plus pourstopper les drames qui se
vivent dans lesEHPAD tant pour les soignants que pourles
résidents.
Bref, un « plan santé » plein de ca-rottes incitatives pour les
médecins et leprivé, et de bâtons et pain sec pour lespersonnels du
public.
MZ, 10/10/2018, Caen
réformes sociales
5courant alternatif - n° 284 - novembre 2018
Pas d’espoir que les patient-e-ssoient mieux soignés
Déclarant sans rire qu’elle veut« promouvoir une psychiatrie qui
ne soitplus le parent pauvre de la médecine »,
A. Buzyn prévoit seulement de ne pasdiminuer le budget de la
psychiatrie.Ouf, on a eu peur !
Rien dans ces 37 mesures pour don-ner des moyens humains,
permettant demieux prendre en charge les patient-e-s
au plus près de chez eux, comme le pré-voit la psychiatrie de
secteur. D’un côté,ce service public de santé mentale dé-ployé sur
tout le territoire est en partierendu impossible, les structures
dotéesde personnel n’existant pas ou plus ; lespolitiques
d’austérité et de privatisationdes différents gouvernements ont
obligéles personnels à se recentrer sur l’hôpi-tal. Ajoutons que le
recours à l’hospita-lisation dans cette société précarisée estde
plus en plus fréquent. D’un autrecôté, on ferme des unités de soins
:comme à l’hôpital Pinel, à Amiens, où laresponsable de l’Agence
régionale desanté (ARS) justifie la fermeture dequatre services,
pour obliger à prendreen charge à l’extérieur de l’hôpital
lesmalades qui doivent être insérés dans la
5) Ils étaient esti-més à 900 millionsen 1990, contre prèsde 2
milliards au-jourd'hui.
Si la presse dans son ensemble a salué positivement les mesures
du « plan santé », les salarié(e)s,oubliés tant pour leurs
conditions de travail que pour les conditions de soins apportés aux
pa-tient(e)s, ne sont pas dupes.Saint-Etienne : Le CHU est en grève
générale. Niort, Rouen et Auch : Les hôpitaux psychiatriques ont
voté la grève.Amiens : A l'hôpital Pinel, depuis plus de trois
mois, les salariés protestent contre la dégradation des condi-tions
de travail et les suppressions de postes.Nantes : Le personnel de
psy manifeste devant la direction du CHU pour réclamer un plan
d'urgence et desmoyens supplémentaires. Libourne : Quand la
ministre vient inaugurer l'hôpital, avec champagne et petits-fours
sous chapiteau, le per-sonnel et le comité d'accueil sont maintenus
à l'écart. Pour le bien-être de la ministre, du personnel
d'autresservices a été affecté dans les services qu'elle a
visités.Nancy : Les personnels manifestent contre les suppressions
de postes et sur l'avenir du CHU, menacé lui-même. De 2015 à 2017,
400 postes ont été supprimés, et la direction en ajoute 400 autres
d'ici à 2021. Le Blanc (Indre) : Après 380 jours de lutte, en
février 2013, le comité de défense avait fêté sa victoire contrela
fermeture de la maternité, condamnée à devenir un centre périnatal
de proximité. Aujourd'hui, 69 maireset adjoints de la région
démissionnent pour dénoncer la fermeture définitive de cette
maternité et la politiquede désertification des territoires menée
par le gouvernement.Lille : La répression syndicale frappe la CGT,
puis FO. Des militants délégués avaient soutenu les « droit et
de-voir de retrait » des personnels de la stérilisation, dénonçant
par là les dangers d'un manque de personnel.Ils sont accusés de
grève illégale, d'avoir fait un barbecue sur le parking (en
solidarité) sans autorisation etd'avoir perturbé des réunions.Même
la CGT, nous dit-on, a « discrètement » appelé à une grève
nationale reconductible, le 4 octobre, dansles hôpitaux, Ehpad et
en psy… mais ne le répétez pas.
PSYCHIATRIE :MOBILISÉE POUR GAGNER
Dans son allocution sur le plan santé, E. Macron n’a pas évoqué
lapsychiatrie. Cependant la feuille de route de 37 mesures
présentée le28 juin 2018 par la ministre de la Santé Agnès Buzyn se
décline autourde 3 axes : promouvoir le bien-être mental, prévenir
et repérer préco-cement la souffrance psychique et prévenir le
suicide – garantir desparcours de soins coordonnés et soutenus par
une offre en psychiatrieaccessible, diversifiée et de qualité –
améliorer les conditions de vie etd’inclusion sociale et la
citoyenneté des personnes en situation de han-dicap psychique.
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société. Tout cela à moyens constants,et si l’hôpital public n’y
arrive pas, laconcurrence du privé est déjà enplace. En application
des textes del’Union européenne se met en placeune gouvernance
public-privé qui apour finalité de réserver les protec-tions
sociales et les services publicsaux plus démunis, et que les
autresse tournent vers des assurances etdes soins privés. Les ARS
et la Hauteautorité de santé (HAS) (1) mènentcette politique à
marche forcée. C’estça, le parcours de soins coordonnés etsoutenus
par une offre en psychiatrieaccessible, diversifiée et de qualité
!Mais aussi ce qui suit où, indifférenteà la question des soins, la
ministreparle d’évaluation, de pratiques ho-mogènes et de
résultats. Pour cetteministre, médecin universitaire maisaussi
ancienne présidente de la HAS,la psychiatrie publique est
dépassée,poussiéreuse, archaïque. Elle prétendimposer de manière
autoritaire àl’ensemble des soignant-e-s lesmêmes « bonnes
pratiques ». Elle dé-clare au Quotidien du médecin : « Tousles
établissements de santé mentaleseront intégrés aux GHT (2), avec
desprojets partagés. Je veux favoriser unevision moderne de la
psychiatrie. Elledoit répondre aux mêmes typesd’évaluation et avoir
les mêmes exi-gences de pratique et de résultats queles autres
disciplines. Pour avoir as-sisté à la certification des
établisse-ments de santé mentale, en tant queprésidente de la HAS,
on voit que lespratiques sont hétérogènes sur le ter-ritoire. Ça ne
peut plus durer. »
« Une psychiatrie inclusive inté-grée au système de santé »,
plaide laministre pour qui tout serait réglé siles maladies
psychiatriques étaienttraitées comme des « maladiescomme les autres
», comme un dys-fonctionnement du cerveau.
Comme tient à le rappeler le Col-lectif des 39 (3), « la
psychiatrie est aucarrefour de plusieurs disciplines :
médecine, biologie, psychologie, psy-chanalyse, sociologie,
anthropologie,philosophie… C’est la mise en pers-pective de ces
différents champs quisigne la spécificité de la psychiatrie
etpermet une réelle hospitalité pour lafolie. Cette conception
nécessite desmoyens humains et des formationsqui placent la
dimension relation-nelle au cœur du soin : sans relation,pas de
soin psychique ! ».
C’est également le sens des re-vendications portées par les
mobili-sations exceptionnelles despersonnels de psychiatrie depuis
leprintemps dernier : du personnel, desmoyens et des locaux pour
prendresoin correctement des personnes ma-lades ! Certains pays en
Europe ontdécidé d’abolir la contention ou la tu-telle complète,
suite aux préconisa-tions du commissaire des droits del’Homme du
Conseil de l’Europe. LaFrance prend le chemin inverse, avecle
retour depuis 2011 d’une tendancegénéralisée au sécuritaire et à
l’en-fermement. Le manque chronique demoyens conduit à la
dégradation dessoins, avec une augmentation et unebanalisation des
pratiques ar-chaïques de contraintes : contentionet isolement,
réduction drastique dela liberté de circulation pour les
pa-tient-e-s, hypermédication…
Se dire « on peut gagner » inverse le rapport de force
Après la grève victorieuse de l'hô-pital psychiatrique du
Rouvray, prèsde Rouen, plus personne ne peutignorer les conditions
d’accueil dé-gradées pour les patients, la suroccu-pation, les lits
dans les couloirs ou leschambres d’isolement, l’augmenta-tion du
recours à la contrainte, lesuivi rendu impossible et les
délaisd’attente inacceptables pour un RDV.Mais également la
souffrance au tra-vail du personnel contraint à des pra-
tiques maltraitantes contraires à sonéthique. Les soignant-e-s,
subor-donné-e-s à une rentabilité gestion-naire, ne peuvent plus
accueillir demanière correcte ni assurer unecontinuité des soins
dans le temps.Cela entraîne une perte de sens deleur métier pour
les soignant-e-s,ainsi que la détresse des patient-e-set de leurs
familles devant la banali-sation des pratiques d’isolementvoire de
contention, faute de tempspour parler et apaiser.
L’hôpital psychiatrique du Rou-vray, avec ses 1 940 salarié-e-s
dont700 soignant-e-s, est le plus grand deFrance en nombre d’unités
d’hospita-lisation. Depuis le 22 mars, le person-nel de l’hôpital
psychiatrique,dénonçant les conditions déplorablesde travail et
d’accueil des malades,était en conflit avec la direction etl’ARS
pour obtenir davantage demoyens. Il aura fallu que sept per-sonnes
entament une grève de lafaim de dix-neuf jours, geste ultimemettant
en jeu leur propre santé,pour qu’enfin on les écoute. Les
gré-vistes ont obtenu, le 8 juin, la créationde 30 postes –
annoncés commen’étant pas pris ailleurs – sur les 52réclamés,
l’arrêt des fermetures deservices et de dispensaires et
l’ouver-ture de deux unités. Tous et toutesrestent très
vigilant-e-s sur la mise enplace du protocole.
Depuis le 15 juin, le personnel del'établissement psychiatrique
Phi-lippe-Pinel à Amiens est en grèvecontre la fermeture de
services et ledépart répété de psychiatres. Depuisl'expulsion des
locaux de l'ARS mi-juillet, ils et elles campent jour et nuitdevant
les grilles de l'hôpital. Pendantla grève de la faim, les
personnels duRouvray évoquaient Pinel pour sedire : « Nous ne
sommes pas lesseuls. » Et en effet, actuellement il ya des grèves
illimitées dans les hôpi-taux psychiatriques d’Amiens,
Niort,Vierzon, Auch, Saint-Etienne…
Certain-e-s se prennent à rêverd’une lutte commune de tous les
ser-vices de psychiatrie concernés, aumoins par département, mais
si pos-sible au niveau national. On ne peuts’empêcher d’évoquer la
« Conver-gence des hôpitaux en lutte contrel’Hôstérité » créée en
2014 et dontcertain-e-s se réclament toujours. Lebut était alors de
montrer que par-tout les hospitaliers ont les mêmesdifficultés et
qu’ensemble on est plusfort. Se dire : « On peut gagner »,
çainverse les choses et le rapport deforce. Comme le dit la
banderole desgrévistes de Saint-Etienne : « Quandles graines du
Rouvray font fleurir lesluttes et enracinent l’espoir ».
Psyc’O, 13/10/2018
réformes sociales
courant alternatif - n° 284 - novembre 20186
1) La HAS recom-mande des politiquesde santé publique,évalue,
mesure etaméliore les produitsde santé, les pra-tiques des
profes-sionnels et la qualitédes soins dans leshôpitaux et
cliniques(accréditation et cer-tification).
2) Les GHT gèrentl’offre de soins pu-blic-privé des terri-toires
autour desCHU. Il ont surtoutpermis de regrouperdes services,
fermerdes hôpitaux deproximité et suppri-mer du personnel.
3) 39 professionnelsde psychiatrie ontlancé un appel sou-tenu
par plus de 19000 signataires,après le discours deN. Sarkozy à
l’hôpi-tal d’Antony, en2008, où il qualifiaitles patients de«
schizophrènes dan-gereux » juste bonsà
enfermer(http://www.collec-tifpsychiatrie.fr).
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7courant alternatif - n° 284 - novembre 2018
Loin d’annoncer un virage so-cial du gouvernement ou le
ré-équilibrage de sa politique enfaveur du capital et des
plusriches, ce plan contre la pauvretéaccompagne le renforcement
d’uneprécarité organisée par l’exécutiflui-même.
Des plans « contre la pau-vreté », les gouvernementssuccessifs
en ont émis àtour de rôle. Chacun pro-mettant d’éradiquer la
pauvreté, ou du moins la « grande pau-vreté » – comme le suggère
prudem-ment Macron –, sans que ces plansaient eu beaucoup d’impact.
C’est quele discours et le spectacle qui accompa-gnent la pauvreté,
offerts par ceux-làmêmes qui l’organisent, ont pourdouble fonction
de rassurer sur la solli-citude du système à l’égard des pauvreset
d’inviter chacun.e à se satisfaire deson propre sort.
Le gouvernement souhaite donnerune coloration sociale à un
quinquen-nat qui patine. Lui qui s’est ostensible-ment préoccupé
des intérêts des «premiers de cordée » et a attaqué lesdroits des
travailleurs.ses, des mi-grant.es, des retraité.es ou des
étu-diant.es veut à présent montrer qu’ilagit en faveur des plus
démuni.es.
C’est donc une série de mesuressymboliques et cosmétiques, à
hauteurde 8 millions d’euros sur quatre ans etappelées à entrer en
vigueur dès 2019,qui ont été déroulées à la mi-sep-tembre.
Une opération de communicationsaupoudrée de misérabilisme
Ce plan prévoit un catalogue de me-sures considérées comme «
préventives», concernant la petite enfance, le sco-laire et
l’insertion des adolescent.es :
- Des cantines à 1 euro, un coup depouce aux crèches en province
et dansles quartiers prioritaires (seuls 5 % desenfants défavorisés
sont accueillis encrèche, contre 22 % des enfants favori-sés) : 30
000 places de crèches serontcréées… d’ici à 2022. La mixité sociale
ysera « encouragée » et l’accueil chez desassistantes maternelles «
accompa-gné ».
- La distribution gratuite de petitsdéjeuners dans des écoles
des zones dé-favorisées et des tarifs sociaux pour
toutes les cantines, avec des prix mo-dulés selon les
revenus.
- L’extension de la garantiejeunes (1) à un plus grand nombre
depersonnes (un peu plus de 100 000 paran, pendant le quinquennat)
et l’« obli-gation » de se former jusqu’à 18 ans.
Outre ces mesures axées sur l’en-fance et la jeunesse, ce plan
prévoit :
- La revalorisation de la prime d’ac-tivité (2) – il s’agit de «
récompenser »ceux qui travaillent, même un peu. Sonaugmentation
devrait bénéficier à 3,2millions de ménages, alors qu’ilsn’étaient
que 2,6 millions à la toucherfin 2017, et permettrait un gain
pouvantaller jusqu’à 20 euros par mois au ni-veau du smic, selon le
gouvernement.Mais les aspects concrets de cette reva-lorisation
restent très flous et la haussepromise risque de se réduire à 8
eurospar mois...
- L’accompagnement vers l’emploides allocataires de minima
sociaux.Toute personne qui demande le RSAaura son dossier instruit
dans un délaid’un mois maximum et se verra propo-ser une « solution
» : actions de forma-tion, emplois dans le secteur del’insertion...
Sera également mise enplace une « garantie d’activité » pour
of-frir un « suivi très poussé aux alloca-taires, afin de traiter
leurs difficultéssociales et professionnelles ». Cettemission sera
confiée à Pôle emploi...ainsi qu’à des opérateurs privés et
as-sociatifs.
- La mise en place pour 2019 d’unecouverture maladie universelle
complé-mentaire élargie, fusion des dispositifsactuels de l’ACS
(aide à la complémen-taire santé) et de la CMU-C (couverturemaladie
universelle complémentaire),en contrepartie d’une participation
fi-nancière de 30 euros par personne etpar mois. Mais avec un
revenu supé-rieur à 991 euros par mois, il ne seratoujours pas
possible de bénéficier de laCMU-C.
- Le chantier d’un « revenu univer-sel d’activité » pour 2020,
fusionnantplusieurs prestations sociales déjà exis-tantes (RSA,
APL, prime d’activité...), vaêtre lancé. Ce « RUA » reste entouré
dezones d’ombre. Selon une étude à la de-mande du gouvernement,
avec l’appli-cation de ce plan, 3,55 millions deménages subiraient
une baisse de leursrevenus et il y aurait plus de perdantsque de
gagnants... De plus, le versementde ce « revenu » serait
conditionné à« l’obligation d’inscription dans un par-cours
d’insertion qui empêche de refu-ser plus de deux offres
raisonnables
d’emploi ou d’activité ». Pour ce Prési-dent qui prétend qu’il
suffit de « tra-verser la rue » pour trouver un emploi,il s’agit
évidemment d’aggraver la pres-sion sur les chômeur.ses afin qu’ils
ac-ceptent n’importe quel emploi àn’importe quel tarif : « Il est
inaccep-table que ceux qui peuvent prendre unemploi ne le fassent
pas. Face auxdroits, il doit y avoir un devoir et dessanctions »
(Macron). D’ailleurs, il n’estpas question de travail, car il
faudraitpayer un salaire, tandis qu’une « activité» ne mérite
qu’une allocation. Les béné-ficiaires n’entreront plus dans la
caté-gorie des pauvres, ils seront précaires.A quand les petits
boulots à 1 euro,comme en Allemagne ou en Angleterre,pour les
chômeur.ses de longue durée,pendant que les plus riches ne
cessentde s’enrichir ?
Les faux-semblants des mesures« sociales » du Président
des riches ne leurrent personne
Tout d’abord sautent aux yeux lapauvreté et l’aspect dérisoire
de ce plan« pauvreté ». 8 milliards sur quatre ans,cela revient à
dépenser 62 centimesd’euro par jour pour les 8,8 millions
deFrançais.es vivant sous le seuil de pau-vreté (= 1 Français.e sur
7) ; soit moinsde 20 € par mois pour des gens qui ontdu mal à se
nourrir au jour le jour. Et, deces 20 €, il faut retirer les
différentesbaisses des aides sociales.
réformes sociales
1) La garantiejeunes est un sou-tien personnalisépris en charge
parles missions locales: une allocation de480 euros par moispendant
un an estversée aux jeunesde 16 à 25 ans ensituation de
grandeprécarité.
2) La prime d’acti-vité est censée com-pléter les revenusdes
travailleur.sesmodestes touchantjusqu’à 1,3 smic.
PLAN CONTRE LA PAUVRETÉ :LEURRE ET ENTOURLOUPE
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réformes sociales
courant alternatif - n° 284 - novembre 20188
De plus, beaucoup des mesures an-noncées ne consistent qu’à
redéployerdes mesures et des crédits déjà exis-tants. Sur les 8
milliards annoncés, plusde 4 sont consacrés à la revalorisation
dela prime d’activité déjà actée, et sontd’ores et déjà gagés.
En fait, le plan pauvreté ne coûterapas un centime au budget de
l’Etat, d’au-tant que le gouvernement a affiché savolonté de
réaliser 7 milliards d’écono-mies sur les aides sociales en deux
ans.La baisse des allocations sociales appor-tera 3 milliards par
an, les emplois aidéssupprimés 2 milliards, les APL ratiboisées1,7
milliard, et le coût de la fusion del’ACS avec la CMU sera à la
charge de laSécu. Les pauvres paieront pour les trèspauvres,
puisque c’est de l’argent del’Etat ; donc c’est tout le monde qui
par-ticipe, même les plus dominé.es dans leprocessus productif,
notamment à tra-vers la TVA, l’impôt le plus injuste.
Des enfants des réseaux d’éducationprioritaire recevront
peut-être l’aumôned’un petit déjeuner de temps en temps –une simple
opération de com’ qui ne ferapas baisser le taux de pauvreté –,
mais ily aura de moins en moins de profs tousles jours dans les
collèges et les lycées(suppression de 2 600 postes dans le
se-condaire à la rentrée 2019), et la questionde fond d’une école
élitiste et qui entre-tient, voire renforce, les inégalités
so-ciales n’est surtout pas abordée.
Quant aux moyens qui seront accor-dés pour l’extension de la
garantiejeunes et les dispositifs de formation etd’insertion dont
sont responsables lesmissions locales, vu le manque de
pro-fessionnels pour accompagner les plusexclu.es et la baisse
constante des bud-gets consacrés aux politiques sociales,c’est le
flou le plus total...
Par ailleurs, dans le plan prévu, pasquestion d’augmenter le
montant duRSA socle, qui est pourtant de moitié in-férieur au seuil
de pauvreté, ni d’assurerun revenu à tou.tes les jeunes de 18 à
25
ans, alors que 25 % d’entre eux sont sousle seuil de
pauvreté.
Rien de neuf non plus sur le loge-ment, sinon l’offre de
quelques héberge-ments d’urgence pour des familles (alorsmême
qu’ils ont été réduits massive-ment...) et la velléité de résorber
les bi-donvilles d’ici à 2022. Aucune mesurepour les 4 millions de
mal-logé.es, dont143 000 sans domicile fixe. Rien non plussur la
cherté des loyers, les expulsions lo-catives en progression pour
défaut depaiement ou l’introduction dans la loiELAN (Evolution du
logement, de l’amé-nagement et du numérique) de
mesurescriminalisant les occupant.es sans droitni titre d’un
logement.
Et que veut dire accompagner les al-locataires du RSA vers
l’emploi, quandl’emploi salarié ralentit dans le privé etrecule
dans le public, sinon imposer tou-jours plus de contrôles et
d’obligations,en particulier celle d’accepter n’importequel boulot
? Les administrations quiharcèlent les plus pauvres, sommés
enpermanence de se justifier par des pro-cédures complexes, ont
encore de beauxjours devant elles.
Fabriquer des pauvres et, « en même temps »,prendre des
mesures
antipauvreté
Au vu de la sortie de Macron sur « lepognon de dingue » mis dans
les aidessociales, on pouvait être sûr que le plande lutte contre
la pauvreté ne se tradui-rait pas par une hausse de l’enveloppe
deces aides.
Le paradoxe est flagrant qui consisteà afficher une volonté
d’éradiquer la pau-vreté tout en menant des politiques
quicontribuent à creuser les inégalités et àremettre profondément
en cause les me-sures de protection sociale.
Personne n’oublie la hausse des prixde l’essence, du gaz, de
l’électricité, ducontrôle technique, du forfait hospitalier,de la
CSG... ; la baisse des APL, celle àvenir des aides au logement, la
réductiondes pensions de retraite, des allocationsfamiliales (ces
deux dernières progresse-ront de 0,3 % seulement sur 2019 et
2020,soit bien moins que l’inflation, quis’élève à 2,4 %) ; le
niveau très faible duRSA ; l’accès difficile au logement ;
laprécarité institutionnalisée des étran-ger.es maintenu.es dans
l’irrégularité, latotale précarité et la surexploitation.Sans
compter les retraites, qui vont êtreréduites massivement par la
réforme enpréparation, ainsi que la baisse de l’in-demnisation du
chômage – et le durcis-sement des conditions de son obtention–, le
gouvernement ayant l’intention dediminuer de 3,9 milliards d’euros
le bud-get consacré aux allocations chômage.…
Les « choix » politiques des gouver-nants, qui ne font qu’agir
en fait au ser-vice du capital, creusent les inégalités et
alimentent le terreau de la pauvreté : ins-tauration de lois qui
flexibilisent la main-d’œuvre, rognent les maigres droits
dutravail, rendent possibles juridiquementles licenciements du jour
au lendemain,encouragent la précarité ; désengage-ment massif de
l’Etat de la politique dulogement, entraînant le recul du loge-ment
social au profit du logement privé ;diminution par deux du nombre
descontrats aidés fragilisant des milliersd’associations, notamment
dans le social; réduction des dotations aux communesavec des
répercussions sur les aides so-ciales et les subventions aux
associations; sous-investissement dans l’enseigne-ment secondaire
et dans les universités ;mise à mal des services publics (à
l’ex-ception de l’armée [3], la police et la jus-tice) ; baisse,
voire élimination, decotisations sociales ; maintien de salairesbas
(augmentation misérable du SMIC au1er janvier de 12 centimes brut
par heure,et suppression de celle annoncée pour le1er
juillet)...
Le plan contre la pauvreté est un planplein d’hypocrisie qui se
vante d’allouer2 milliards d’euros par an pour près de 9millions de
pauvres, alors que les me-sures du budget 2018 ont profité aux 2
%des ménages les plus fortunés. Des ca-deaux somptueux sont
réservés aux grospatrimoines : le cadeau de 4,5 milliardspar an en
réductions d’impôts (impôt desolidarité sur la fortune, remplacé
par unIFI bien moins exigeant fiscalement ;création d’un
prélèvement forfaitaireunique – PFU – au taux de 30 % sur les
re-venus du capital ; énième baisse du tauxde l’impôt sur les
sociétés et énième exo-nération de cotisations sociales
patro-nales), et aussi la transformation ducrédit d’impôt pour la
compétitivité etl’emploi (CICE) en allègement pérenne
decotisations, ce qui représente, rien quecette année, 20 fois le
budget de ce pré-tendu « plan contre la pauvreté ». Sanscompter les
100 milliards d’euros évadéspar fraude fiscale. Tout cela dans
uncontexte où, alors que les suppressionsd’emplois et les
fermetures d’entreprisesse multiplient, les profits explosent :
prèsde 100 milliards de bénéfices pour les 40premières entreprises
françaises et leursactionnaires sur un an !
Faire porter aux pauvresla responsabilité de la pauvreté
La notion de pauvreté a bon dos ;selon Macron, la pauvreté
serait un« scandale », fait « d’accidents de la vie,de batailles
perdues », une situation in-dividuelle bien triste mais
déconnectéede tout contexte. Cela permet d’occulterles mécanismes
bien rodés d’exploita-tion et d’oppression capitalistes qui,
enspoliant ceux et celles qui contribuent àla création de
richesses, fondent et per-pétuent les inégalités sociales. Mais
aussiun système qui, en excluant et en mar-ginalisant les personnes
dont la produc-
3) Les moyens de ladéfense ont aug-menté de 7 milliardspar an,
dont 1,7 mil-liard de 2017 à 2018.
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réformes sociales
9courant alternatif - n° 284 - novembre 2018
tion a perdu toute valeur marchande, oubien dont la force de
travail est réputée« incompétente » (= non rentable), voueces
personnes à une pingre charité pu-blique et à une précaire
débrouille indi-viduelle. De plus, en axant sa
stratégieantipauvreté sur « e retour à l’emploi »,le gouvernement
stigmatise les bénéfi-ciaires des minima sociaux comme oi-sifs et
insinue que ce qui leur arrive estle plus souvent leur faute. Dans
une so-ciété où chacun.e est l’entrepreneur delui-même, chacun.e
est responsable desa propre faillite. La pauvreté devientainsi une
responsabilité individuelle sé-parée des réalités économiques
géné-
rales et de la qualité des emplois dispo-nibles.
Exploitation et pauvreté relèvent desmêmes facteurs de classe.
Diviser la so-ciété entre riches et pauvres, c’est gom-mer que
cette société est divisée enclasses. Ne pas mettre en avant la
no-tion d’exploitation capitaliste masque àla fois la nature de la
lutte des classes etle véritable enjeu d’un combat collectifpour
mettre fin à ce système qui s’en-graisse du travail de la majorité
pauvreau profit des possédants, avec la com-plicité des
gouvernements.
Kris, le 19 octobre
LE NOMBRE DE PAUVRESA AUGMENTÉ EN FRANCE CES DIX DERNIÈRES
ANNÉES
L’estimation la plus courante de la pauvreté est le taux de
pauvreté monétaire, exprimant la part d’individus vivant avec moins
de 60% du revenu médian, soit 1 015 euros mensuels pour une
personne seule. Ce taux de pauvreté monétaire en France est
relativement stabledepuis les années 80, autour de 14 %. Il est
plus élevé qu’en Finlande (11,6 %) et au Danemark (11,9 %), mais
moins qu’en Allemagne (de15,2 % à 16,5 % entre 2007 et 2016), ainsi
qu’en Italie (19,5 % à 20,6 %) et dans la zone euro (16,1 % à 17,4
%). Le système de redistribu-tion français a plutôt bien joué son
rôle d’amortisseur pendant la récession de 2008 ; mais cela change,
parce que c’est précisément contrecette politique qui renforce les
services publics et la protection sociale, deux éléments majeurs
qui font de la France l’un des pays ayantle mieux amorti la crise
de 2008 et où la pauvreté persiste le moins, que les attaques n’ont
cessé et continuent de pleuvoir.
Un autre mode d’évaluation de la pauvreté prend en compte un
seuil établi à 50 % du revenu médian (855 euros par mois) ; et
lenombre de personnes vivant sous ce seuil a augmenté ces dix
dernières années, passant de 4,4 millions à 5 millions, selon
l’Observa-toire des inégalités.
De plus, la pauvreté ne se mesure pas seulement en termes de
revenus. Elle se traduit aussi par un accès limité à la santé et à
la cul-ture, une alimentation moins bonne, ou encore le
mal-logement, qui touche 4 millions de personnes en France. Pour
évaluer ces priva-tions, l’Insee parle de « pauvreté en conditions
de vie ». Son niveau est proche de celui de la pauvreté monétaire,
mais elle ne concernepas exactement les mêmes personnes.
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les pauvres étaient
essentiellement des personnes âgées. Au fil des décennies, ces
dernièresont été mieux couvertes par les régimes de retraite – bien
qu’on constate leur précarisation croissante depuis 2000 –, et les
difficultésse sont concentrées sur les plus jeunes (65 % ont moins
de 20 ans), en particulier ceux qui sont peu qualifié.es (67 % ont
au plus unCAP) et sans emploi. De plus, le profil des familles
précaires a changé : en 2000, le nombre de foyers monoparentaux en
difficulté a dé-passé celui des familles nombreuses (25 % des
pauvres vivent dans une famille monoparentale). 67 % des pauvres
vivent dans les grandesvilles ou en périphérie. La part de
personnes d’origine étrangère parmi les bas revenus est également
plus importante qu’autrefois.
Les pauvres ne sont pas seulement les chômeur.ses mais aussi des
travailleur.ses aux salaires insuffisants, ou à temps partiel
im-posé, ou qui ont des emplois sous-payés, à la tâche, ou qui sont
« auto-entrepreneurs » ou petits paysans. L’Insee évalue à 2
millions lenombre de travailleur.ses pauvres.
L’hôpital du Blanc défraie lachronique depuis des annéespar
l’acharnement de l’admi-nistration régionale de la santé(ARS) à
vouloir fermer la maternitéet par la détermination des person-nels
et de la population à résister.Ne nous leurrons pas, à terme
c’estla disparition de l’hôpital qui estprogrammée. Il y a quelques
moisc’était la chirurgie qui était visée. Etpuis, de nouveau la
maternité enjuin dernier qui devait être ferméeprovisoirement en
juillet-août àcause des difficultés à établir unplanning de
remplacement, fautesoi-disant de candidats. Fin sep-tembre,
toujours impossibilité d’ac-coucher au Blanc alors
qu’unesoixantaine de bébés ont dû naîtreà plus d’une heure de route
(Châ-teauroux ou Poitiers). Le 15 sep-tembre 6000 personnes
mani-festent dans les rues de la ville (qui
compte 6500 habitants) sur lethème « le Blanc voit rouge »
pourtenter de faire fléchir la commis-sion d’audit qui devait
rendre sonverdict. Malgré une mobilisation in-égalée les experts
rendent un ver-dict de fermeture de la maternité.La colère éclate,
sortant du cadre lé-galiste dans laquelle elle se main-tenait
jusqu’à présent. 50 photosofficielles de Macron sont brûléesdevant
la Préfecture : une video esttournée montrant des élus des pe-tites
communes brûlant eux aussides portraits du Président dans
descendriers. Nombre d’entre eux dé-missionnent. Une opération
coupde poing est organisée par le collec-tif CPasDemainLaVeille :
trentefemmes défilent sur le site castel-roussain en tenue de «
servanteécarlate », inspirée de la série TheHandmaid's Tale. Un
geste symbo-lique qui montre que fermer une
maternité, c'est aussi s'attaqueraux droits et au corps des
femmes.Dans la nuit du 3 au 4 octobre lasous-préfecture est
cadenassée enréponse au cadenassage de la ma-ternité) avec comme
mot d'ordre :« l'État nous cadenasse, on cade-nasse l’État ».
Enfin, cerise sur le gâ-teau, depuis le 22 octobre, l’hôpitalest
occupé par le personnel et deshabitants de la ville et des
alen-tours.
Il est important de signaler quec’est la création du collectif
CPas-DemainLaVeille, composé d’habi-tants qui se sont
auto-organisésindépendamment des organisa-tions syndicales et des
élus, qui apermis cette accélération de la ra-dicalité dans un
conflit qui s’enli-sait dans les pétitions, lesdemandes aux élus et
les simplesrassemblements.
Le Blanc le 24 octobre
CONTRE LA FERMETURE DE LA MATERNITÉ DU BLANC (36)
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réformes sociales
courant alternatif - n° 284 - novembre 201810
La bourgeoisie peaufine de nouvelles armes
C’est l’Europe qui donne le la de cetobjectif en recommandant
que les ré-gimes de retraite ne dépassent pas 12 %de la richesse
produite par un pays… Orla France est, pour l’instant, à 14 % !
Lacause ? Nous vivons de plus en plusvieux, environ deux ans
supplémen-taires tous les dix ans, ce qui représentepour les
caisses de retraite 8 % de dé-penses en plus. Ce serait là le drame
auxyeux de leurs gestionnaires et de l’Etat !
A noter quand même que l’allonge-ment de la durée de vie n’est
pas unecatastrophe pour une part importantedes capitalistes ! Au
premier rang des-quels on trouve les industries pharma-ceutiques,
les fonds de pension, lesinvestisseurs dans les EHPAD, tout le
bu-siness qui tourne autour des « aides à lapersonne », etc. Les
bénéfices gigan-tesques des actionnaires de ces secteursont-ils été
ponctionnés pour renflouerles caisses ? Evidemment non.
Jusqu’à présent, les différents gou-vernements avaient utilisé
trois armespour réduire les dépenses : passer de 10à 25 les
meilleures années qui détermi-nent le calcul de la pension (ce qui
pé-
nalise les plus précaires dont la « car-rière » est faite de CDD
en pointillé, etles femmes qui ont souvent été à tempspartiel) ;
allonger la durée de travail (43ans actuellement) et reculer l’âge
de dé-part à 62 ans pour une retraite à tauxplein, deux mesures
permettant à la foisde réduire le nombre d’années pension-nées et
de faire rentrer dans les caissesdavantage de cotisations.
Le gouvernement Macron est entrain de s’offrir une quatrième
arme, en-core plus tranchante que les précé-dentes : le calcul par
points. Dans cesystème, chaque année est prise encompte et augmente
le niveau de la re-traite puisqu’on cumule des points.
Alors que, dans le système par tri-mestres, aller au-delà des 43
ans de co-tisations ne rapportait pas plus, dans lenouveau système
projeté on pourragrappiller des points supplémentairesqui
permettront de rehausser un peu lesplus faibles retraites qui ne
seraient plusà taux plein après ces 43 années. Autre-ment dit,
c’est l’obligation pour les pluspauvres de travailler plus pour
gagnerautant, sans que cette obligation soitinscrite dans la
loi.
De plus, dans le système actuel, untrimestre est validé avec 150
heures desmic. Ainsi, un salarié à mi-temps béné-ficie quand même
du même nombre detrimestres qu’un plein temps. Cettecompensation à
la précarité va dispa-raître : tout arrêt temporaire de
travailentraînera arrêt de l’acquisition depoints, ce qui, au
final, fera qu’il y auraencore moins de salariés à taux plein
àl’âge légal possible de départ à la re-traite.
F. Fillon, l’an passé, avait parfaite-ment résumé le projet : «
Le système parpoints permet de faire baisser chaqueannée la valeur
des points et de dimi-nuer ainsi le niveau des pensions. »
Comment ça marche ?
L’assuré accumule des points acquisen fonction de leur valeur
lors de leurachat. Ces points servent de base au cal-cul de la
retraite et à fixer l’âge de dé-part. Le niveau de la pension
seraitdéterminé en multipliant les points cu-
mulés par la valeur du point à la liqui-dation des droits,
valeur fixée chaqueannée par le gouvernement en fonction,entre
autres, de la situation économiqueet de la durée moyenne de vie
(c’est le« modèle suédois » qui semble pourl’instant taper dans
l’œil de Macron).Mais la valeur unique pour tous (privés,public,
non-salariés) du point n’estconnue que peu avant le départ à la
re-traite, ce qui rend difficile tout calculprévisionnel.
Le « modèle allemand » nous donnequelques indications quant aux
consé-quences de la mise en place d’un sys-tème par points. Alors
que pourl’instant, en France, les pensions tour-nent autour des
deux tiers du salairepris en compte, en Allemagne elles tom-bent à
un peu moins de 50 %. Le résultatsera que nombre de salariés se
tourne-ront vers des fonds de pension (dont legouvernement entend
accroître l’attrac-tivité), un système par capitalisation quimène à
une privatisation du systèmedes retraites : le salarié verse une
partiede son salaire à un organisme financierqui le place en
actions ou obligations…Plus tard, il touchera sa pension… si
lesplacements ont rapporté !
Les syndicats
Les directions syndicales ont, dansleur ensemble (FSU,
Solidaires, CGT, FO,CFDT), accepté de discuter de la défini-tion et
de la mise en place du nouveausystème, c’est-à-dire qu’elles en ont
ac-cepté l’esprit et les buts. C’est précisé-ment ce que voulait
Jean-Paul Delevoye,la cheville ouvrière des négociations au-tour du
document « Construire un nou-veau système de retraite ». Ce
faisant,elles entérinent la disparition du régimegénéral… mais sans
le dire, alors que leminimum, eu égard aux échecs passésdes
mouvements, aurait été d’exiger pu-rement et simplement le retrait
du pro-jet. La conséquence de leur attitude estque cela affaiblit
encore davantage laclasse salariale. Premièrement, en sesoumettant
sans combattre. Deuxième-ment, en faisant croire que ces acquisne
l’ont été QUE par la lutte alors qu’ilsont aussi été le fruit d’un
compromishistorique entre forces politiques et pa-tronat pour le
redéploiement du capita-lisme après la guerre. Enfin en
faisantoublier ce vieil adage selon lequel lameilleure défense
c’est l’attaque et quemieux valent nouvelles conquêtes quedéfense
d’acquis.
jpd
RETRAITES
POINTS PAR POINTSTransformer les multiples régimes de retraite,
calculés en nombre de
trimestres, en un régime unique par points, tel semble être le
schémadirecteur de la réforme des retraites que le gouvernement
voudrait né-gocier ou imposer aux syndicats afin de diminuer la
part des pensionsdans les dépenses publiques.
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réformes sociales
11courant alternatif - n° 284 - novembre 20188
Chaque rentrée s’accompagnede son lot de changements et
deréformes. Le ministre Blanquerpoursuit la libéralisation de
l’en-seignement, avec notamment lesréformes à venir du lycée
généralet professionnel. Il applique aussisa vision d’un
apprentissage auxordres des neurosciences qui per-mettra de
formater le travailleurde demain. Pour ce qui est des tra-vailleurs
d’aujourd’hui, rien nebouge quasiment, la majorité desprofs obéit
en se plaignant et courtaprès les heures sup‘.
Encore un petit effort pour avoirla peau du Mammouth !
Blanquer, en digne successeur de sesprédécesseurs saigneurs,
annonce déjàla couleur pour la rentrée 2019 : sup-pression de 2 600
postes dans le seconddegré, suppression de 400 postes chezles
administratifs du fait de la fusiondes académies qui suit la fusion
des ré-gions. Pourtant les effectifs d’élèvesaugmentent, il y en a
26 000 en plus aucollège cette année. C’est donc au se-cond degré
de trinquer pour les annéesà venir ; mais, pour faire diversion
etmaintenir les divisions catégorielles, lesprojecteurs sont
braqués sur les classesde CP et CE1, qui sont maintenant dé-doublés
mais uniquement en zone prio-ritaire, quid des autres ? En fait,
ilfaudrait 4 000 postes supplémentairespour terminer partout le
dédoublementdes classes en CP et CE1 (1).
Enfin, l’Education nationale seconforte dans sa position de
premieremployeur précaire de France. Lescontractuels sont de plus
en plus nom-breux, mais là-dessus très peu dechiffres. Seul indice,
le nombre de postestitulaires au concours, qui diminue dansla
plupart des matières alors qu’on l’avu le nombre d’élèves augmente.
Sou-vent plus « dociles » pour ne pas perdrele poste, pas formés au
métier et tou-jours payés au lance-pierre et en retard(un
contractuel qui commence doit sou-vent attendre deux ou trois mois
avantd’être payé, sans compter parfois lenon-paiement des vacances
en fonctiondu contrat signé), les précaires fournis-sent une
main-d’œuvre corvéable à sou-hait.
Evaluations :sortez les chronomètres
et les compétences
Mises en place cette année par laseule volonté du ministère et
du toutnouveau conseil scientifique de l’édu-cation nationale, des
évaluations natio-nales ont eu lieu en CP, CE1, sixième etseconde,
et il y en aura une deuxièmedans l’année scolaire. Pourtant, elles
nesont pas obligatoires car aucun texte« réglementaire » ne les
impose dans lesens où il y a, certes, des courriers offi-ciels aux
personnels mais aucune circu-laire n’est sortie dans le Journal
officiel.Comme pour les réformes récentes (Par-coursup et réforme
de l’orientation),Jean-Michel Blanquer communique àcoups de
déclarations de presse etcompte sur la collaboration de ses
fonc-tionnaires avant même la parution descirculaires... Un
fonctionnaire, ça fonc-tionne ! comme aiment le répéter les
di-rections.
Maintenant, le contenu : au CP etCE1, des tests de français et
de mathé-matiques se déroulent dans un temps li-mité. Les élèves
doivent reconnaître dessons dictés par le professeur, replacerdes
nombres sur des suites, orthogra-phier des mots fréquents,
comprendreun texte dit simple avec dedans desmots comme « sommeil
paradoxal » ou« glande pinéale » (2). Dans les classes,cela a
provoqué beaucoup de stress àcause du chronomètre ; et,
pédagogi-quement, des éléments ne correspon-daient même pas au
programme envigueur en maternelle. Du grand n’im-porte quoi !
Les premiers résultats bruts vien-nent de tomber et sonnent
comme unbilan d’entreprise : « 30 % des élèves deCE1 lisent moins
de 30 mots par minute,alors que l’objectif national est de 50mots,
etc. » Urgence est donc donnée àrevoir les fondamentaux en
continuantde dédoubler les CP et CE1 dans leszones prioritaires et
en discutant d’unescolarité obligatoire dès 3 ans. Enfin,c’est
surtout une entrée en force desneurosciences, dont Blanquer est un
fer-vent supporter et où le savoir est taylo-risé en tâches
découpées et simples,pour faire de l’élève un simple exécu-tant.
Face à cela, il y a quand même euune levée de boucliers de certains
en-seignants et syndicats qui dénoncent lafin de la liberté
pédagogique. Dernierdétail, les résultats des évaluations
sontstockés sur des serveurs appartenant àAmazon... la boucle est
bouclée ?
Heures sup’ : la course à l’échalote
« On est un des salaires les plus basd’Europe » ou encore «
Notre pouvoird’achat baisse car nos salaires ne sontplus indexés
sur l’inflation », voilà deuxformules à la mode dans la
profession.La révolte gronderait-elle en salle desprofs ?
Heureusement, la carotte desheures supplémentaires permet
d’atté-nuer les coups de bâton. Car, en mêmetemps (cher à la
Macronie) qu’il annon-çait les baisses de postes, Blanquer
s’estempressé de glisser une seconde propo-sition : baisse des
cotisations sur lesheures supplémentaires, qui rapporte-ront donc
plus (mais pas en points re-traite...) et peut-être imposition
d’unedeuxième heure supplémentaire obliga-toire (3).
Sur le terrain, cette politique fonc-tionne. De nombreux
collègues courentaprès ces heures sup’. Comme tout lemonde, chacun
cherche à mettre dubeurre dans ses épinards, mais au détri-ment de
la solidarité et de la justice. Caraccepter des heures
supplémentaires,c’est déjà mettre les doigts dans la ma-chine qui
va supprimer des postes etcasser à court ou moyen terme le statutde
prof. Pire, cela renforce les inégalitésentre titulaires et
précaires, notammentvis-à-vis des collègues surveillants etAVS
(assistants de vie scolaire), qui tou-chent une misère pour un
temps de tra-vail équivalent : une AVS qui suit unélève
vingt-quatre heures par semainetouche 800-900 euros par mois…
unemisère. C’est au bas de l’échelle que lessolidarités et les
luttes futures sont àconstruire, et tant pis pour ceux quibouffent
la carotte.
Un travailleur de l’éducation, octobre 2018
1) Et rappelonsque cette mesures’est faite au détri-ment du
dispositif« plus de maîtresque de classes »qui permettait
desremplacements aupied levé.
2) Pour un aperçudes questions po-sées aux élèves,voir le site
duSnuipp
:https://www.snuipp.fr/actualites/posts/evaluations-l-echec-programme
3) Un professeurdans le secondairea un service dedix-huit heures
;actuellement onpeut lui imposerdix-neuf heuressans qu’il
bronche,demain vingtheures. A quandles trente-cinqheures
devantélèves ? Dans cecas, je ne fais plusrien à la maison.
RENTRÉE SCOLAIRE 2018 :
EN MARCHE VERS LA START-UP ÉDUCATION !
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réformes sociales
courant alternatif - n° 284 - novembre 201812
Parcoursup, objectif réussi
Si on considère que le but de parcour-sup était d'ajuster le
nombre d'admis à lapénurie de places dans le supérieur sanstrop
faire de vagues sociales en poussantles uns vers la vie active et
les autres versle privé, on peut dire que l'objectif a
étéparfaitement atteint. D'après le ministère,94% des bacheliers
(97% des bacheliers gé-néraux et 86% des bacheliers
profession-nels) ont reçu une proposition.Evidemment, pas moyen de
savoir si c'estcelle qu'ils souhaitaient... D'autant quebeaucoup
ont eu peur et ont pris ce quivenait On sait néanmoins que plus
de70% des candidats qui avaient une ré-ponse le premier jour l'ont
refusée. Maissurtout, l'arnaque, c'est qu'on a retiré deces
chiffres 40.000 «inactifs», c'est-à-direqui sont sortis du système
soit en ne ré-pondant pas, soit en répondant non. Ces40.000, soit
ont renoncé à faire des études,soit se sont tournés vers le
privé.
Si la question est comment faire pas-ser de l'arbitraire pour du
mérite en utili-sant les vertus de la technologieinformatique, on
ne peut être là encorequ'admiratif. Un logiciel promu
commesélectionnant au mérite mais refusant dedonner les critères de
sélection. Déjà nonpas chaque fac mais chaque licence dechaque fac
a pu mettre dans les algo-rithmes ses propres critères en
toutequiétude y compris une éventuelle pon-dération des notes par
la réputation deslycées, avec des pondérations différentessuivant
les matières mais inconnues descandidats. Mais en plus le rectorat
pouvaitpasser derrière en mettant son quota deboursiers
(éventuellement à la baisse) etde hors académie. Ça fait qu'on a pu
voirdes candidats en liste d'attente qui recu-laient de place !
Vous avez déjà vu ça vous,reculer quand vous êtes en train de
fairela queue comme tout le monde? Eh bien,avec la magie de
l'informatique, c'est pos-sible.
S'il s'agit de formater idéologique-ment les jeunes à accepter
la précarité dumonde du travail, là encore, la procédure
est très cohérente. Une lettre de motiva-tion par vœu, pour que
moins de 60% descandidats aient une réponse positiveavant de passer
leur bac. Bien sûr, ce sontles bacs pros qui ont eu le plus
d'insécu-rité : moins de la moitié ont eu une pro-position le
premier jour, en fin deparcours (en septembre donc, bonjour
lesvacances!) seuls un peu moins de 60%avaient une proposition.
Rappelons que sien début de parcours les candidatsavaient une
semaine pour répondre, à lafin, c'est 48h !
Parcoursup, une pièce du puzzle de la révolution conservatrice
de
l'éducation nationale
Blanquer n'est pas en train de fairedes réformettes. Il avance à
toute allure, àla Macron, pour remettre en cause defond en comble
ce qui fondait l'éducationnationale.
Quand on regarde l'architecture desréformes du lycée général (1)
on peut seposer beaucoup de questions. Il y a biensûr à l'oeuvre
une réduction des coûts. Ondiminue le nombre d'heures de courspour
supprimer des postes, on supprimele bac pour faire des économies.
Il y aaussi une logique de privatisation : lesétablissements privés
sont inclus dans lacarte de l'offre de formation, les
établis-sements vont être mis en concurrenceentre eux. Cette
privatisation va très loin.L'aide à l'orientation des élèves (et on
vavoir plus bas qu'ils en auront sacrémentbesoin) pourra être
sous-traitée à la ré-gion ou à des associations (ou sponsori-sée
?). Le parcours d'orientation estprésenté comme un pivot, et, de
fait, il val'être, et en même temps, aucune heureavec enseignants
ne lui est accordée et onsupprime des postes de
conseillèresd'éducation qu'on transforme par ailleursen
psychologues.
Mais au-delà, le contenu même del'enseignement va être
considérablementappauvri. Les réformes importantes del'éducation
nationale ont toujours eupour but de la mettre en adéquation
avecles besoins du système capitaliste. On a lesentiment qu'il a
été analysé pour que lapart des emplois non qualifiés augmente,et
qu'il vaut mieux donc stopper l'éléva-tion de l'instruction. Une
population plusinstruite est généralement moins docilequand elle
est contrainte aux emploisd'exécution. En même temps, il y aquelque
chose d'absurde même du pointde vue du système : on sait aussi
qu'il fautune minorité d'emplois très qualifiés. Orla réforme
sacrifie l'élitisme républicain,
il va y avoir une diminution importantedes compétences et
connaissances ac-quises à la fin du lycée, ce qui ne peut
quepénaliser y compris le contenu des étudessupérieures de l'élite
: cette réforme estincompatible avec les requis d'une partiedes
classes préparatoires.
Cette réforme marque aussi un retourà l'autoritarisme de
l'enseignement (souscouvert de liberté de choix des élèvespour
l'affichage idéologique) du point devue du contenu des programmes
et d'unencadrement beaucoup plus strict despratiques pédagogiques
avec une aug-mentation du pouvoir des chefs d'établis-sement. Sauf
que l'école autoritaired'avant 68 était légitimée par l'idéologiede
l'élitisme républicain, cautionnée parle parcours méritant de
quelques élus descouches populaires, avec le système desécoles
normales qui permettait desétudes payées, en plus des bourses.
Elleétait légitimée aussi par l'acquisition d'unbagage intellectuel
à une époque où lesintellectuels avaient encore du prestige
etétaient des notables. Cette époque estfinie, les seuls
intellectuels qui ont duprestige l'ont acquis par leur
notoriétémédiatique et non par la reconnaissancede leurs pairs, et
l'ensemble de ces pro-fessions s'est considérablement appauvri.De
plus, on va se retrouver avec des pro-grammes qui n'ont d'autre
sens qu'un ba-chotage continu sur deux ans.
Qu'est-ce qui me permet d'annoncerun changement en profondeur?
Deux ré-formes sont actées. La réforme du bac, parun décret de
juillet dernier, celle du lycéepar un arrêté et deux décrets deux
joursavant. Ce n'est pas un effet d'annonce,c'est un décision.
La réforme du bac
Elle parachève en fait l'effet d'APB etde Parcoursup en actant
la disparition dubac tel qu'on le connaît. En effet, une
par-ticularité française était que le bac n'étaitpas un diplôme de
fin d'études secon-daires, mais le premier diplôme du supé-rieur.
C'est pourquoi tout bachelier a ledroit de poursuivre des études
supé-rieures. Comme bachelier, il a fait lapreuve qu'il en était
capable.
Or sur Parcoursup, les élèves doiventformuler leurs vœux avant
mars et les ré-ponses commencent à arriver avant lebac. Ce n'est
donc plus ce diplôme quiouvre les portes. Le bulletin scolaire du
2e
trimestre de terminale, dernier bulletinréceptionné par les
établissements, a prisune importance démesurée, et le bac estdevenu
la formalité à remplir pour s'ins-crire là où on a été accepté
(attention, je
PARCOURSUP
LA PARTIE ÉMERGÉE DE L'ICEBERGPendant que les medias se sont
focalisés sur les
résultats de parcoursup, la réforme en profondeurde l'éducation
nationale continue très vite dumoins au niveau du secondaire, le
pouvoir distil-lant le moins d'informations possibles, suivant
latactique bien connue du fait accompli. L'école quevous avez
connue est finie, sauf pour ses aspectsles plus autoritaristes et
réactionnaires, du moinssi les réformes passent, ce qui pour le
momentsemble se faire.
(1) Je ne suis pascompétente pouranalyser lesautres réformesqui
à mon avisvont dans lemême sens.
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n'ai pas dit que c'était une formalité fa-cile).
Deux épreuves finales sont conservées,le français en fin de 1ère
et la philo en finde terminale (caution pour l'élite réaction-naire
intellectuelle?). Y est ajouté un grandoral relativement bidon (en
tous les cas lestextes ne prévoient pas d'encadrementpour le
préparer) avec dans le jury des per-sonnalités civiles (comprenez
des patrons,des élus locaux, des professions libéraleset des cadres
supérieurs). C'est ce qui per-met d'afficher une
simplification.
En guise de simplification, jugez surpièce. La moyenne des
bulletins scolairefera 10% de la note finale. 30% viendrontd'un
contrôle continu sous formed'épreuves cadrées par une banque
natio-nale de sujets. Il faut savoir que ça existedéjà en langue et
en EPS, ce qui suffit àperturber en moyenne 5 semaines decours par
an pendant lesquelles les élèvessont convoquées, etc... Là, ce sera
danspresque toutes les matières. On ne sait pastrès bien combien de
temps on pourrafaire cours entre deux évaluations. 60% dela note
sera constituée par les épreuvesterminales vues plus haut et
deuxépreuves terminales de spécialité à la findu premier semestre
de terminale. Sur cespour- centages, il faudra affecter des
coef-ficients par matière. En fait, le nombred'épreuves à organiser
va être considéra-blement multiplié. Pour le moment, chezles
enseignants, personne n'arrive à biencomprendre. C'est dommage, ce
sont euxqui devront l'expliquer aux élèves...
Les sujets seront pris dans desbanques nationales mais les
épreuves se-ront organisées et corrigées lycée par lycée(ou bassin
par bassin?). Il n'y aura plus debac national. C'est ça qui
permettra augouvernement de faire des économies. Làencore,
Parcoursup et les pratiques desécoles sélectives avaient anticipé
en coef-ficientant les notes suivant le lycée d'ori-gine. Mais là,
ce sera officiel, on n'aura plusun bac S, ES ou L (les filières
sont suppri-mées), on aura un bac 93 ou... Versailles. Lemétier
d'enseignant va également changeren profondeur sur au moins deux
aspectsfondamentaux. Actuellement, un prof delycée a une espèce de
contrat moral avecses élèves, il est chargée de les amener auniveau
qui leur permettra de réussir le bac.C'est ce qui légitime ses
notes et ses pra-
tiques pédagogiques. Demain, le mêmeprof donnera, ou ne donnera
pas, le bac àses élèves. Ceci induit un rapport pédago-gique très
différent et instaure une rela-tion d'autorité absolue, puisque
l'élèven'aura plus d'échappatoire. Autre aspect,pour le moment,
l'obligation des ensei-gnants est d'enseigner le programme,mais
avec ce qu'on appelle la «liberté pé-dagogique», c'est-à-dire la
maîtrise del'ordre de progression et des méthodes.Autrement dit, la
possibilité de donner dessens différents, plus ou moins critiques
auprogramme, la possibilité aussi d'adapterleur enseignement aux
attentes particu-lières d'une classe donnée.
L'organisationrégulière d'épreuves communes induitune taylorisation
de l'enseignement, toutle monde dans un lycée devra progresserau
même rythme et dans le même ordre,progression cadencée par des
évaluationsrégulières.
La réforme du lycée
Elle a un premier objectif pragmatique.Si on veut diminuer le
nombre de profs, ilfaut diminuer le nombre d'heures decours, ce que
fait la réforme. Si on veut ap-pliquer les principes de gestion des
effec-tifs du privé, il faut supprimer lesgroupes-classes pour
pouvoir regrouperplus d'élèves. Du coup, le programme doitêtre le
même quelles que soient les spé-cialités suivies par ailleurs: plus
besoin decohérence entre les programmes des dif-férentes
disciplines. Avantage supplémen-taire du point de vue du pouvoir :
le savoirainsi parcellisé ne donne plus aucune clefde compréhension
du monde. Les sériessont supprimées, il y a un tronc communet les
élèves choisissent 3 spécialités en1ère et en laissent tomber une
en terminale.Plus de classe, donc de fait plus de suivid'un groupe
fixe et plus ou moins homo-gène d'élèves. Ca tombe bien, ça
faciliteral'externalisation aux régions donc au privé(les régions
sous-traitent systématique-ment) de l'accompagnement à
l'orienta-tion.
On a du mal à trouver des profs demaths ? Les maths sortent du
tronc com-mun et deviennent une spécialité. Bon,certaines matières
et certaines études nepeuvent se poursuivre sans maths. Cen'est pas
grave. Les parents cadres supé-
rieurs le savent et obligeront leurs enfantsà prendre une
spécialité maths. Les en-fants des classes populaires ne le
saventpas, ils pourront faire ce qu'ils aiment aulycée, et l'accès
aux filières prestigieusesdu supérieur leur sera ensuite interdit.
Ilsn'avaient qu'à savoir ce qu'ils voulaientfaire plus tard au 2ème
trimestre de 2de, aumoment du choix des spécialités. Parcour-sup
trouvera enfin sa pleine efficacité : lesétablissements supérieurs
pourront décli-ner leurs attendus en terme de spécialitéschoisies.
Pourront choisir leur destin cellesqui savent décrypter des
attendus univer-sitaires dès le début de la seconde.
Tout ça peut être vendu aux parents etaux élèves sous
l'étiquette attrayante de li-berté des choix. Après, les choix
serontcontraints par les ressources en effectifs.Donc, les élèves
feront 4 vœux et les lycéesen prendront 3 en fonction de leurs
impé-ratifs de gestion. Les bons dossiers aurontun parcours
cohérent, les autres n'importequoi. Il faut rationaliser on vous
dit: il va yavoir une carte d'offre de formations déci-dée par les
rectorats, qui incluront l'offredu privé dans leurs choix. Il va
donc y avoirune spécialisation progressive des lycées.Il faudrait
vraiment avoir l'esprit maltourné pour penser que cette carte aura
unrapport quelconque avec le recrutementsocial des
établissements...
Toujours pour rationaliser, le ministèreinvente des spécialités
pluridisciplinairessans flécher précisément qui enseigneraquoi. Ca
permet de mettre les disciplinesen concurrence entre elles et
d'assouplir lagestion. Evidemment, en contrepartie, çademande des
programmes enseignablespar n'importe qui, sans enjeux, du parcœur.
Ca colle parfaitement avec la capo-ralisation du métier. Et tout ça
est ficelé.Programmes bouclés en octobre derniersans que les
associations disciplinairesn'en aient une version écrite, «
consulta-tion » ce mois-ci et publication le mois pro-chain...
Emballé c'est pesé! Et au point oùon en est de la taylorisation, le
gouverne-ment vient d'annoncer que les assistantsd'éducation
pourront assurer des cours...Circulez, il n'y a rien à
réfléchir....
On voit donc que se dessine un en-semble cohérent de réformes,
discrète-ment par décrets. Ces réformes en réalitésapent et le
corps enseignant et ce qui fai-sait le cœur idéologique de l'école
républi-caine pour l'aligner sur le modèle du privé,de la gestion
des effectifs et de la compé-tition du marché du travail. Elles se
tradui-ront par une diminution du contenuintellectuel de la
formation de la majoritéde la population. Et pour le moment, si
lessyndicats ont leur abrogation dans leursmots d'ordre, on ne voit
pas vraiment sedessiner une opposition déterminée. Or, vul'enjeu,
il faudra un rapport de forces im-portant pour les arrêter,
d'autant qu'ellessont déjà promulguées.
Sylvie
réformes sociales
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courant alternatif - n° 284 - novembre 201814
UN POINT SUR L'ÉVOLUTIONDE LA REDISTRIBUTION
La redistribution, c'est dans quelles pochesrepartent ensuite
les impôts, taxes et cotisationssociales. En principe, elle est
censée atténuerles inégalités. Une étude est sortie sur
l'évolu-tion des inégalités et de la redistribution enFrance depuis
30 ans. Les inégalités primaires,c'est-à-dire avant redistribution,
ont augmentéun peu partout dans le monde. Ceci explique queles
économistes réformistes se penchent de plusen plus sur la
redistribution: si on n'arrive pas àagir sur les inégalités, que ce
soit parce qu'onne veut pas remettre en cause le système ouparce
que le rapport de forces a évolué défavora-blement, ne reste plus
que la redistribution.L'étude compare en fait la situation de la
Franceà celle des Etats-Unis, ce qui est pos-sible parce que le
même type d'étude ya été mené. Bien sûr, les inégalitéssont plus
élevées aux Etats-Unis qu'enFrance. Mais une première
conclusionintéressante ressort de cette étude:«Tout d’abord, si les
inégalités de re-venu disponible sont moins élevées enFrance qu’aux
Etats-Unis, cela s’ex-plique entièrement par le fait que
lesinégalités de revenu primaire (avantimpôts et transferts) y sont
moins éle-vées. Le système d’impôts et de trans-ferts monétaires
est, par contre,globalement moins redistributif enFrance.» En
effet, contrairement à unelégende tenace, les impôts sur le re-venu
sont plus faibles en Francequ'ailleurs (même aux Etats-Unis)
parrapport à l'ensemble des prélèvementsobligatoires. Or, c'est le
seul qui soitprogressif, c'est-à-dire où plus on est riche pluson
paye proportionnellement à son revenu. Enfait, l'impôt le plus
important en France est laTVA (53% des recettes fiscales de
l'état), or il estdégressif, c'est-à-dire que les plus riches
payentproportionnellement moins que les plus pauvrescar il est payé
sur la consommation, et ce sontles moins riches qui dépensent la
totalité de leurrevenu, les autres peuvent placer et épargner.
Etnous sommes un des pays où les cotisations so-ciales représentent
le plus dans les prélève-ments obligatoires, or les cotisations
socialessont proportionnelles, voire dégressives à causedu
plafonnement des cotisations. D'après leurscalculs (un peu
compliqués à expliquer dans lecadre d'une brève), «L’ensemble du
système so-cial et fiscal français a ainsi contribué à dimi-nuer
les inégalités de revenu disponible parrapport aux inégalités avant
impôts de 23% enmoyenne sur la période 1990-2018, contre 34 %aux
Etats-Unis. Sur l’ensemble de la période lapuissance redistributive
du système français anéanmoins fortement progressé, passant
d’uneréduction des inégalités de 17 % à 30 %. Cettetendance a
permis de contrecarrer l’augmenta-tion des inégalités primaires en
France, aucontraire des Etats-Unis.» Par contre les 1% lesplus
riches ont vu leurs impôts baisser.
En fait, ce qui influence la redistribution desrevenus en
France, ce ne sont pas tellement les
allocations qui sont relativement faibles, maisd'une part la
structure des prélèvements (à quiprend-on de l'argent) et d'autre
part ce que leséconomistes appellent les prestations en
nature,c'est-à-dire les remboursements (assurance ma-ladie par
exemple) et les services publics, ceux làmême qui sont attaqués en
ce moment. En effet,on peut considérer les services publics
commeune forme de redistribution dans la mesure oùl'accès gratuit
ou presque à certains services lesrend accessibles aux plus
modestes, tandis queles plus riches peuvent se les payer, voire
lespayent en préférant s'adresser au privé.
En fait, une des caractéristiques du systèmede prélèvements
obligatoires français est qu'ildevient dégressif en gros pour les
1% les plusriches (plafonnements, niches fiscales, exonéra-tions,
etc). Si on suit cette étude, en 1990, les
20% les plus modestes avaient un peu moins de50% de prélèvements
obligatoires (les cotisa-tions patronales sont comprises dans ce
calcul),50% pour ceux qui se situaient entre les 30% lesplus
modestes et les 40% les plus pauvres, puison payait un peu moins,
avec une énorme baissepour les 0,1% les plus riches (40% de
prélève-ments obligatoires). En 2018, l'impôt est légère-ment
progressif pour 80% de la population (pouratteindre dans les 52%),
puis il stagne et baissecarrément pour les 1% les plus riches. De
cepoint de vue, il y a une évolution rapide depuis2016 (les mesures
de Hollande avaient quandmême fait cracher quelques impôts aux
plusriches).
D'une part, ceci montre que la solidarité na-tionale, ce n'est
pas pour la grande bourgeoisie,ce qu'on savait déjà un peu. Sauf
qu'au 19ème,elle avait quand même ses dames patronesses etses
institutions de charité. Ce n'est plus vrai-ment le cas. D'autre
part, ceci alimente un dis-cours réformiste pro-classes moyennes en
secentrant sur ces 1% les plus riches et en faisantun gros tout
avec le reste, ce qui est un peu ou-blier quand même les
contradictions de classe.C'était bien le sens de «we are the 99%»
dans lemouvement «occupy Wall-Street».
Source des chiffres : Word Issue Brief, notethématique 2018/2,
trois décennies d'inégalitéset de redistribution en France.
DES PAUVRES OUBLIÉSDES STATISTIQUES SUR LA PAUVRETÉ
Déjà, «les données officielles ne peuvent pas,de fait,
comptabiliser les personnes qui viventdans la plus grande misère,
dans des bidon-villes, des squats ou à la rue. On estime que140000
personnes n’ont pas de domicile (don-nées 2011). Une partie des
étrangers sans pa-piers, les plus récemment arrivés, échappeaussi
aux données. Les «gens du voyage» –aumoins 250 000 personnes– sont
eux aussi malrecensés par ce type d’enquête.»
De plus, «Tous ceux qui vivent durablementen collectivité ne
sont pas davantage compta-bilisés par l’Insee. L’institut ne prend
en effet encompte que les ménages individuels. En France,1,5
million de personnes sont dans ce cas (don-
nées 2015), toujours selon l’Insee. Unmillion de personnes âgées
vivent enmaison de retraite: toutes ne sont paspauvres, mais
combien disposent deplus de 850 euros par mois? Il faut yajouter
notamment les immigrés quivivent dans des foyers de
travailleurs,les détenus (70000), en passant parles établissements
sanitaires de longséjour (pour les personnes lourde-ment
handicapées notamment), où lesrésidents doivent être rares à
dispo-ser de revenus supérieurs au seuil depauvreté… La société
Adoma, qui aremplacé la Sonacotra, loge à elleseule 60000
personnes, dont unegrande majorité de travailleurs immi-grés âgés
aux très faibles res-sources.» Les ménages dont lapersonne de
référence est étudiantesont aussi écartés de l'enquête.
Enfin, il faudrait rajouter les personnes ré-duites à un état de
dépendance. «Une partie dela population dispose de très faibles
revenusmais dépasse le seuil de pauvreté en raison dela prise en
compte de l’ensemble des ressourcesdu ménage. Ces personnes ne
vivent pas dansla pauvreté au quotidien, mais elles seraientdans
cette situation sans l’apport d’un revenutiers. Elles se placent
dans un rapport de dé-pendance vis-à-vis de l’apporteur des
revenus.»Ce sont bien sûr les femmes au foyer. Il fautaussi y
rajouter les jeunes qui ont du mal à s'in-sérer sur le marché du
travail. «Au total, la Fon-dation Abbé Pierre estime que
640000personnes sont contraintes de vivre hébergéespar la famille
ou des relations, dont 150000 en-fants de plus de 25 ans qui n’ont
pas pu prendreleur autonomie faute de moyens et 340000 en-fants de
plus de 25 ans contraints de revenirvivre chez leurs parents.»
L'article estime à probablement 1 million depersonnes les
pauvres ainsi oublié-e-s des sta-tistiques. Ce n'est pas que
l'INSEE trafique leschiffres, c'est que l'institut fait avec les
chiffresdont il peut disposer. Mais par contre, il faut re-marquer
qu'il n'y a pas de recherches (et proba-blement pas de crédits de
recherche) sur cettesituation
Source: Louis Maurin