1 Réseau de sensibilisation à la radicalisation DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR 12/12/2016 DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR Le rôle de l’éducation pour prévenir la radicalisation Résumé Les établissements scolaires sont des institutions clés pour renforcer la résilience et empêcher les jeunes d’’être attirés par des organisations et des idéologies radicales. De plus, les enseignants sont souvent parmi les premiers à repérer des signes éventuels de radicalisation et sont des interlocuteurs majeurs pour les personnes concernées (c’est-à-dire les individus eux-mêmes, leurs proches et amis). En acceptant cette responsabilité, les enseignants doivent traiter des questions cruciales qui peuvent contribuer au processus de radicalisation et aborder les inquiétudes et les revendications exploitées par la propagande religieuse radicale et de l’extrême-droite. Ils doivent sentir qu’ils disposent des moyens d’agir et de responsabiliser les élèves en tenant compte des éléments suivants. Ce document d’analyse a été préparé par Götz Nordbruch
19
Embed
DOCUMENT D ANALYSE DU RSR Le rôle de l éducation pour ... · 04/01/16, p. 1). antécédent dans des groupes d’extrême droite (3). Les opinions extrémistes ne se limitent donc
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
1 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
Le rôle de l’éducation pour
prévenir la radicalisation
Résumé
Les établissements scolaires sont des institutions clés
pour renforcer la résilience et empêcher les jeunes
d’’être attirés par des organisations et des idéologies
radicales. De plus, les enseignants sont souvent parmi
les premiers à repérer des signes éventuels de
radicalisation et sont des interlocuteurs majeurs pour
les personnes concernées (c’est-à-dire les individus
eux-mêmes, leurs proches et amis).
En acceptant cette responsabilité, les enseignants
doivent traiter des questions cruciales qui peuvent
contribuer au processus de radicalisation et aborder les
inquiétudes et les revendications exploitées par la
propagande religieuse radicale et de l’extrême-droite.
Ils doivent sentir qu’ils disposent des moyens d’agir et
de responsabiliser les élèves en tenant compte des
éléments suivants.
Ce document d’analyse a été
préparé par Götz Nordbruch
2 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
• Tout élève ’est susceptible de se
radicaliser.
• L’enseignement devrait favoriser
l’identification des élèves à la société et
refléter la diversité des élèves dans les
différents milieux biographiques,
culturels et religieux.
• Encourager la participation des élèves
dans les établissements en tenant
compte de leurs intérêts, en les
soutenant et en les aidant à faire des
choix: il s’agit d’un moyen d’éviter la
frustration et l’aliénation et d’encourager
les élèves à avoir des liens avec
l’établissement.
• Les établissements devraient armer les
élèves face à la discrimination et la
marginalisation et les inciter à avoir une
réflexion critique sur les questions
controversées et sensibles (identité,
religiosité, rôles de l’homme et de la
femme, conflits internationaux).
• Pour prévenir la radicalisation, des
procédures claires, des structures de
soutien efficaces et des réseaux locaux
solides sont indispensables: ils devraient
être mis en place avant tout cas
d’extrémisme violent. Les enseignants
doivent former leurs collègues à
l’utilisation de ces procédures, structures
et réseaux.
Introduction (1)
Les ’établissements scolaires sont des acteurs clés
pour prévenir la radicalisation. Ils promeuvent les
valeurs communes et la pensée critique et
permettent aux élèves de développer les
aptitudes élémentaires nécessaires pour se
débrouiller dans la vie ainsi que les compétences
sociales qui sont essentielles pour une
citoyenneté active au sein des sociétés
démocratiques (prévention générique). Éduquer
en enseignant les valeurs démocratiques et
donner la capacité aux jeunes de comprendre et
de prendre en main leur vie dans des milieux
sociaux pluralistes est crucial pour renforcer leur
capacité de résistance face à la polarisation
sociale et à la radicalisation.
Pourtant, les établissements ne développent pas
seulement les aptitudes de communication,
cognitives et comportementales nécessaires à la
vie démocratique; elles sont aussi des lieux où les
premiers signes de radicalisation peuvent être
constatés et où les premières mesures peuvent
être mises en place (prévention secondaire).
Dans de nombreux cas, les enseignants sont les
premiers à prendre conscience des changements
d’apparence, de pensée et de comportement et à
apporter des conseils et un soutien aux jeunes
dans leur quête d’orientation.
Donner les moyens d’agir aux enseignants en tant
qu’individus et aux écoles en tant qu’institutions
est une condition préalable à l’autonomisation
(1) Ce document s’appuie sur le Manifeste du RSR en faveur de l’éducation.
des élèves face aux propositions des idéologies et
des milieux radicaux (violents).
Contexte: responsabiliser les
élèves, les enseignants et les
établissements scolaires
Les écoles jouent un rôle prépondérant dans la
prévention de la radicalisation et de l’extrémisme
violent pour plusieurs raisons.
• L’extrémisme violent ne se limite pas aux
individus marginaux. Des études ont
rendu compte que les combattants
étrangers d’Europe ayant rejoint les
organisations djihadistes en Syrie et en
Irak (2) appartiennent à des milieux
sociaux extrêmement divers. De plus,
l’âge des personnes qui rejoignent ces
organisations a fortement chuté, avec
des élèves de 13, 14 ou 15 ans qui en font
déjà partie. De récents rapports sur des
attaques violentes perpétrées contre des
réfugiés en Allemagne et dans d’autres
pays révèlent également un nombre
croissant d’auteurs n’ayant aucun
(2) Pour une évaluation des nombres et des profils des «combattants étrangers» dans différents pays européens, voir Van Ginkel B. et Entenmann E. (2016). Le phénomène des combattants étrangers dans l’Union européenne. Profils, menaces et politiques. Le Centre international de lutte contre le terrorisme – La Haye, 7(2). Dans une présentation rapide des recherches sur les facteurs d’intérêt et de désintérêt, Magnus Ranstorp évoque un «kaléidoscope de facteurs, qui crée des combinaisons individuelles infinies» qui pourraient encourager l’extrémisme violent (Ranstorp, M. (2016), Les causes profondes de l’extrémisme violent, document d’analyse du RSR, 04/01/16, p. 1).
antécédent dans des groupes d’extrême
droite (3). Les opinions extrémistes ne se
limitent donc pas à certains milieux
sociaux et antécédents scolaires, mais
elles s’expriment à travers différents
segments de la société. L’extrémisme se
retrouve également dans les salles de
classe et touche la vie en communauté
dans les cours d’école et sur les campus.
• Cela ne concerne pas uniquement le
soutien explicite envers les idéologies
extrémistes. Plus important encore, les
enseignants et les établissements
scolaires font régulièrement face aux
inquiétudes et aux revendications
«ordinaires» des jeunes, qui sont de plus
en plus exploitées par la propagande
extrémiste religieuse ou d’extrême
droite: des inquiétudes liées à l’identité,
à l’immigration, à la dimension de genre,
aux conflits sociaux et économiques, à la
discrimination et à la marginalisation
sociale, mais aussi aux conflits
internationaux qui occupent une place
prépondérante dans la propagande
extrémiste, quelles que soient les
idéologies. La propagande extrémiste
’traite les problèmes qui sont souvent
controversés dans la société, et donc
parmi les élèves.
• Les réseaux sociaux aggravent encore
l’impact de ces thèses dans les salles de
classe et les cours d’école. Les réseaux
sociaux sont devenus des modes de
(3) ‘Jäger warnt vor ‚Turbo-Radikalisierung’, Der Westen, http://www.derwesten.de/politik/jaeger-warnt-vor-turbo-radikalisierung-id11978219.html, 5 juillet 2016.
4 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
communication importants pour les
discours haineux, la radicalisation et les
’appels à la violence, des éléments qui,
par le passé, restaient confinés à un
public limité de camarades et de groupes.
Ici encore, les établissements scolaires
devaient offrir des espaces permettant
d’aborder les difficultés connexes et de
proposer des récits alternatifs et plus
convaincants que ceux que les
organisations extrémistes élaborent (4).
• Alors que la plupart des spécialistes
conviennent de la nécessité de contester
la radicalisation dans le milieu scolaire,
les définitions de la «radicalisation» et de
ce qui doit être exactement prévenu
divergent souvent. En fait, les
établissements sont sensées offrir des
espaces sécurisés pour que les élèves se
forgent des opinions et des convictions et
les expriment, même si ces opinions
défient les normes généralement
acceptées. Il est essentiel d’offrir des
espaces sûrs aux étudiants qui
permettent d’explorer les idées et leurs
propres limites afin d’établir un dialogue
avec «ceux qui se sentent exclus» (5).
Toutefois, aucun consensus n’existe sur
la façon de définir les limites dans
lesquelles ces opinions sont acceptables.
Alors que le discours haineux est
(4) Voir Gagliardone I., Gal D., Alves T., et Martinez G. (2015). Lutter contre le discours de haine en ligne. Éditions UNESCO, Paris, p. 46-52. (5) RSR/EDU (2016), «Document ex post: les chefs d’établissement et la prévention de la radicalisation. Définir les conditions d’un environnement sûr et démocratique. Réunion du RSR EDU, 19-20 avril 2016», Amsterdam, p. 4.
illégal dans les États membres de l’UE,
les stratégies de prévention dans des
pays comme la France, le Royaume-
Uni ou le Danemark se sont
longtemps concentrées sur
l’extrémisme violent. Dans ces pays,
même les déclarations explicites en
faveur de l’idéologie néo-nazie ou
djihadiste restent protégées par la
liberté d’expression. Dans les autres
États membres, l’extrémisme est défini
de façon plus large et inclut des
déclarations ou des activités qui
n’impliquent pas nécessairement ’le
recours à des moyens illégaux. ’Dans
cette perspective, ’on entend par
extrémisme ’la remise en cause de l’ordre
constitutionnel établi ou la violation des
normes socialement acceptées. Pour les
critiques, cette conception de
l’extrémisme représente une menace
considérable pour les droits
fondamentaux, car elle soutient l’action
engagée par l’État contre les apparences,
les comportements et les opinions soi-
disant extrémistes, qui relèvent par
ailleurs des libertés civiles (6). Certains
font valoir que les établissements
scolaires risquent de perdre leur qualité
de lieux sûrs, où les élèves se sentent
libres d’explorer leurs opinions et
d’exprimer leurs inquiétudes et leurs
revendications.
(6) Williams. R. (2015), «Les chefs d’établissement tirent la sonnette d’alarme sur la nouvelle obligation de protéger les élèves de l’extrémisme», Guardian, 9 juin.
5 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
• Dans plusieurs pays de l’UE, une
législation récente impose aux
établissements scolaires (ainsi qu’aux
autres services de garde d’enfants) de
signaler les cas de radicalisation. Au
Royaume Uni, ils doivent avoir un rôle de
protection explicite ou «tenir compte de
la nécessité d’empêcher les personnes
d’être attirées par le terrorisme»(7). Des
règlements similaires ont été mis en
œuvre en France (8). L’obligation de
signaler les cas possibles de
radicalisation concerne une fois de plus
le rôle des écoles comme lieux sûrs. Cela
vaut également pour les universités: la
liberté de ces établissements serait
limitée par des tentatives d’imposer des
valeurs et des normes soi-disant
consensuelles comme limites aux
recherches et au débat universitaires. Les
stratégies de prévention posent donc un
dilemme: tandis que les écoles et les
établissements d’enseignement
devraient prendre les mesures
nécessaires pour prévenir la
radicalisation et l’extrémisme violent, ces
obligations légales pour détecter et
signaler les personnes suspectes peuvent
entrer en conflit avec les normes et les
principes éducatifs fondamentaux de
l’éducation civique.
(7) Article 26 de la loi de 2015 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité, cité par me gouvernement de sa Majesté (2015), orientations révisées quant à l’obligation de prévention : pour l’Angleterre et le pays de Galles, Londres, p. 2. (8) Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2014), Prévenir la radicalisation des jeunes, Paris.
Relever les défis actuels liés au
renforcement de la résilience et
de la prévention
Les enseignants et les établissements scolaires
sont bien placés pour prévenir la radicalisation et
les idéologies extrémistes violentes, mais
plusieurs défis importants doivent être abordés.
a) La formation des enseignants
En principe, les enseignants sont bien placés pour
promouvoir les valeurs démocratiques et gérer
les conversations difficiles en classe. Pourtant,
compte tenu de la polarisation croissante et des
phénomènes «nouveaux» tels que l’extrémisme
religieux, de nombreux enseignants expriment
des préoccupations quant au manque de
connaissances et de compétences qui permettent
d’apporter des réponses nuancées. Il est crucial
de prévoir des ressources substantielles
(financement, temps et formateurs qualifiés)
pour la formation pour sensibiliser et favoriser la
compétence des enseignants en vue de renforcer
la résilience face à la radicalisation, détecter les
éventuels signes d’extrémisme (violents) et nouer
un dialogue avec les jeunes. La formation devrait
répondre aux attentes suivantes.
• Ne pas réinventer la roue
Le terme de radicalisation n’est apparu
que récemment dans les débats
universitaires et éducatifs. Le phénomène
n’est, cependant, pas complètement
nouveau. Les enseignants ont été formés
pour favoriser la résilience, fournir de
multiples perspectives et encourager
l’autoréflexion chez les élèves tout en
renforçant l’acceptation des différences
6 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
sociales, culturelles et religieuses. De
même, ils ont acquis les compétences
nécessaires pour contester la prétention
à affirmer la vérité absolue et lutter
contre l’expression de la haine et les
appels à la violence (c’est-à-dire dans le
cadre de l’éducation sur la diversité,
l’éducation à la citoyenneté et les
approches visant à lutter contre les
préjugés) (9). La formation des
enseignants devrait s’appuyer sur ces
compétences existantes et identifier les
similitudes avec d’autres formes
d’expression antidémocratique (c’est-à-
dire homophobes ou antisémites) ou un
comportement difficile (c’est-à-dire un
discours haineux ou des actes de
harcèlement) que les enseignants
pourraient déjà connaître et auxquels ils
ont fait face par le passé. Plutôt que
d’ajouter simplement une autre séance
de formation sur la «radicalisation» (en
plus des nombreuses formations que les
enseignants sont tenus de suivre), la
prévention de la radicalisation devrait
faire partie intégrante de la formation
professionnelle.
• Les enseignants et les établissements
scolaires pourraient être «une partie
du problème»
Les enseignants jouent un rôle majeur
pour façonner les opinions et les
comportements des élèves. Cela signifie
(9) RSR/EDU (2016), «Document ex post: donner les moyens d’agir aux enseignants et les soutenir. Le rôle pédagogique nécessite du temps et une formation. Réunion du groupe de travail RSR EDU, 24-25 avril 2016», Amsterdam, p. 2
également qu’ils peuvent influencer
négativement le développement des
élèves. Par exemple, les établissements
ne sont pas des zones neutres exemptes
de stéréotypes racistes et de
discrimination. En réalité, des études ont
rendu compte de la discrimination et du
ressentiment vécus communément par
les élèves issus de l’immigration ou
d’origine musulmane dans les
’établissements scolaires (10). Ces
expériences pourraient compromettre
l’identification de ces élèves à la société
et contribuer éventuellement au
développement d’attitudes et de
comportements radicaux (11) La
formation des enseignants devrait
sensibiliser à la diversité culturelle et
religieuse et encourager les enseignants
à accepter les différences. Cela
comprend également l’acceptation des
différentes croyances religieuses et des
différents modes de vie qui pourraient
remettre en question les valeurs et les
convictions des enseignants.
• Engager un dialogue, ne pas
espionner les élèves
Les enseignants demandent souvent des
directives concrètes sur les signes et les
indicateurs permettant de détecter les
jeunes attirés par des idéologies ou des
(10) Voir, par exemple, Amnesty International (2012), Choix et préjugés. La discrimination envers les musulmans en Europe, Londres. (11) Lyons-Padilla S., Gelfand M. J., Mirahmadi H., Farooq M., et van Egmond M. (2015). Appartenir à nulle part : risque de marginalisation et de radicalisation des immigrants musulmans. Behavioral Science & Policy, 1(2), p. 1-12.
7 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
groupes radicaux. Mais il n’existe pas de
liste de vérification proposant des
réponses claires. S’il existe certains traits
(exprimés dans la pensée, l’apparence et
le comportement) caractéristiques des
personnes radicalisées, aucun d’entre eux
(ni même une combinaison de plusieurs
de ces traits’) ne devrait être considéré
comme une preuve définitive. Au lieu de
fournir des listes de vérification, la
formation devrait inciter les professeurs à
engager un dialogue avec les élèves pour
découvrir les ’raisons qui motivent les
changements d’apparence et d’attitude:
s’agit-il d’un signe de protestation contre
les injustices (réelles ou perçues), une
provocation visant les parents, les
enseignants et la société? Ou est-ce, en
effet, une idéologie qui implique une
rupture avec la société, une
revendication de la vérité suprême et la
dévaluation et la déshumanisation des
autres? Ce dialogue avec les élèves est
différent de l’«espionnage» car il reflète
un intérêt pour la vie personnelle des
élèves et devrait faire partie de toute
relation élève-enseignant (12).
(12) Pour obtenir un résumé des indicateurs inclus dans l’outil de formation officiel mis au point pour les fonctionnaires en France, consultez le Secrétariat général du Comité Interministériel de prévention de la délinquance (2015), Prévention de la radicalisation. Kit de formation, Paris, p. 60-66. Pour une évaluation aux multiples facettes, voir ufuq.de (2016), Protestation, provocation ou propagande? Guide pour prévenir l’idéologie salafiste dans les écoles et les centres pour jeunes, Berlin, p. 25-32.
b) Renforcer la résilience,
représenter la diversité, apprendre la
démocratie en classe
Le processus de radicalisation implique des
changements cognitifs, comportementaux,
communicatifs et émotionnels; par conséquent,
la prévention par l’éducation devrait également
lutter à différents niveaux. Il est important d’être
conscient de la diversité des idées et des
approches qui peuvent servir à sensibiliser et
renforcer la résilience face à la radicalisation dans
l’enseignement scolaire, comme indiqué ci-
dessous.
• Conflits et compromis
«Pour bénéficier de la démocratie, il faut l’apprendre et l’explorer» (13). Ce constat est essentiel compte tenu de la polarisation sociale croissante. Pourtant, l’apprentissage de la démocratie ne peut se limiter à une acquisition de connaissances, c’est-à-dire de faits concernant la Constitution («nous devons leur enseigner nos valeurs!»). Au lieu de cela, il faut une prise de conscience – et une appréciation – du pluralisme, des différences et des controverses en tant que principes fondamentaux de la société moderne. La démocratie consiste à gérer les différences et à gérer la controverse. L’un des messages fondamentaux que les élèves devraient apprendre est que «dans notre société, les conflits et le compromis représentent la règle, et non l’exception».
• Améliorer les compétences sociales
pour s’impliquer dans la société
(13) RSR/EDU (2016), «Document ex post: les chefs d’établissement et la prévention de la radicalisation. Définir les conditions d’un environnement sûr et démocratique. Réunion du groupe de travail RSR EDU, 19-20 avril 2016», Amsterdam, p. 3.
8 Réseau de sensibilisation à la radicalisation
DOCUMENT D’ANALYSE DU RSR
12/12/2016
La prévention comprend
l’amélioration des compétences
sociales et la résilience des élèves, le
renforcement de leur confiance en
eux-mêmes et le fait de leur
permettre de prendre position,
d’interagir et de ’communiquer de
manière constructive avec les autres.
Cela implique également des
dimensions psychophysiques qui
peuvent être résolues par le sport, la
musique ou le théâtre. Le fait de
reconnaître son potentiel ainsi que
ses limites, d’être conscient de ses
émotions et de savoir comment les
exprimer facilite la participation des
autres individus et la gestion des
relations sociales difficiles. Il est peu
probable que l’on développe des
attitudes de confrontation et que l’on
ait recours à la violence.
Bonnes pratiques: les outils de résilience
Bounce
«Une formation psychophysique précoce
pour les jeunes (vulnérables) afin de
renforcer leur résilience face aux
influences radicales et de sensibiliser
l’environnement social du jeune» (14).
• Mettre en pratique la démocratie
L’«école démocratique» idéale considère
les élèves comme des participants actifs
dans l’établissement. La démocratie en ce
(14) Voir http://www.bounce-resilience-tools.eu en ligne.
Bonnes pratiques: complexité intégrative de la pensée «Les pressions sociales, émotionnelles et politiques peuvent conduire à une «vision tronquée», une simplification excessive des valeurs, de la pensée et de l’identité qui rend les jeunes vulnérables à la pensée manichéenne des extrémistes. Les interventions de la complexité intégrative favorisent une évolution de la mentalité grâce à l’élargissement des valeurs, de la réflexion et de la complexité de l’identité sociale à travers l’apprentissage par l’action, des exercices en groupe et des documents multimédias » (19).
Bonnes pratiques: Dialog macht Schule/Dialogue à l’école «Nous partons de leurs histoires personnelles et des problèmes tirés de leurs expériences dans leurs environnements spécifiques... Ils peuvent discuter de sujets et de problèmes tels que les droits fondamentaux et les droits de l’homme, l’identité, la religion, l’intimidation, le harcèlement et le racisme et les comprendre d’une nouvelle manière. L’objectif est de leur montrer les chances et les moyens de participer à
(19) Voir http://www.ictcambridge.org en ligne.
une démocratie et de les expérimenter dans des activités communes» (20).
• Aborder les conflits et encourager
l’engagement
Les facteurs politiques, y compris les
revendications qui ’s’articulent autour
des conflits, peuvent aussi constituer des
facteurs de radicalisation. En dépit de
cela, de nombreux enseignants hésitent à
enseigner l’histoire d’Israël et de la
Palestine à leurs élèves ou à aborder les
guerres actuelles en Syrie et en Irak.
Certes, il s’agit de questions
controversées qui peuvent être abordées
sous différents angles, avec des
revendications conflictuelles et des
réponses faciles. Néanmoins, les jeunes
sont conscients de ces conflits et sont
constamment exposés à l’actualité et à la
(dés)information provenant des fronts et
les réseaux sociaux ’’ne font qu’ajouter
une autre dimension aux événements
survenant à Alep, à Beyrouth ou dans la
bande de Gaza. Aborder ces conflits
dans les établissements scolaires, ce
n’est pas privilégier les connaissances
et l’information, mais plutôt un
’espace pour exprimer des émotions, de
la colère et des frustrations. Pour
beaucoup d’élèves, la classe est le seul
endroit où il est possible de partager ces
sentiments, de connaître d’autres points
de vue et d’élaborer des stratégies pour
surmonter les émotions et les notions de
«victimisation éternelle» (émotions
exploitées par la propagande des
(20) Voir http://www.dialogmachtschule.de/ en ligne.
(23) Voir http://www.ufuq.de/was-postest-du-ansaetze-der-politischen-bildung-mit-jungen-muslim_innen-online en ligne.
stimule les débats sur la légitimité des
revendications impliquées et remet en
cause l’autodétermination héroïque des
organisations extrémistes.
Bonnes pratiques: dialogue extrême «Une série de courts métrages décrivent les histoires personnelles de Canadiens et d’Européens profondément touchés par l’extrémisme violent: un ancien membre de l’extrême droite au Canada, une mère de Calgary dont le fils a été tué alors qu’il combattait pour l’État islamique en Syrie, un jeune travailleur et ancien réfugié somalien, un ancien membre de la Force volontaire d’Ulster dont le père a été tué par l’IRA, et un ancien membre du groupe islamiste britannique désormais interdit Al Muhajiroun»(24).
Bonnes pratiques: «Comment voulons-nous vivre? Courts métrages et ateliers sur l’islam, le racisme antimusulman, l’islamisme et la démocratie » «Ils encouragent les débats sur les préoccupations religieuses des jeunes dans des environnements pédagogiques hétérogènes et fournissent un espace pour réfléchir aux questions liées aux normes, aux valeurs, à l’identité et à la participation. En tant qu’interventions menées avant et en début de radicalisation, elles visent à favoriser l’identification en tant que musulmans allemands» (25).
d) Définir les procédures, construire
des réseaux (26)
(25) Voir http://www.ufuq.de/teamer_innen-workshops-wie-wollen-wir-leben/ en ligne. (26) Voir RAN policy paper ‘Developing a local prevent framework and guiding principles’ en ligne.
Bien qu’il n’existe aucune façon unique
d’identifier les processus de radicalisation, des
structures transparentes et des procédures
claires sont essentielles pour obtenir des
réponses suffisantes et durables. Ces structures
et procédures sont indispensables pour tous les
établissements ’scolaires, et les enseignants
doivent être formés pour les suivre. Ces
procédures varieront selon les pays, les niveaux
d’éducation, les groupes d’âge et les stades de
radicalisation. Mais elles doivent toutes fournir
des réponses claires aux questions suivantes:
Comment évaluer les éventuels cas de
radicalisation? Qui est responsable de quoi et
quand? À qui faire le signalement? Qui
impliquer? Comment assurer le suivi? Outre ces
procédures, il est essentiel d’établir des
structures de soutien efficace pour les
enseignants afin qu’ils fournir des conseils
compétents et un soutien psychologique. Non
moins important est le soutien public et politique
pour l’établissement qui aborde le cas de
l’extrémisme au sein de ses murs. Trop souvent,
les établissements sont réticents à prendre des
mesures contre les cas de radicalisation,
craignant une mauvaise publicité et une
diminution du nombre d’élèves. Il est donc
encore plus important d’encourager les écoles à
définir des procédures de vérification avant
l’apparition de cas possibles de radicalisation.
Cela concerne également la construction de
réseaux avec d’autres établissements afin de
permettre des réponses holistiques et à multiples
facettes, si nécessaire. En fait, alors que les
établissements sont des acteurs clés de ces
réseaux, les programmes de travail des jeunes,
les services sociaux, les collectivités locales et la