THÈSE Pour l’obtention du grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE LA MEDITERRANEE Faculté des Sciences de Luminy ÉCOLE DOCTORALE PHYSIQUE ET SCIENCES DE LA MATIERE DOMAINE DE RECHERCHE : Nanophysique Présentée par Denis Chevallier Fluctuations hors équilibre dans l’effet Hall quantique et dans les circuits hybrides Directeur de thèse : Thierry Martin Soutenue le 30 septembre 2011 JURY Philippe Dumas Président Thierry Jolicoeur Rapporteur Richard Deblock Rapporteur Thierry Martin Directeur de thèse Jérôme Rech Invité Thibaut Jonckheere Invité
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THÈSE
Pour l’obtention du grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE LA
MEDITERRANEE
Faculté des Sciences de Luminy
ÉCOLE DOCTORALE PHYSIQUE ET SCIENCES DE LA MATIERE
DOMAINE DE RECHERCHE : Nanophysique
Présentée par
Denis Chevallier
Fluctuations hors équilibre dans l’effet Hall quantique etdans les circuits hybrides
Directeur de thèse : Thierry Martin
Soutenue le 30 septembre 2011
JURY
Philippe Dumas PrésidentThierry Jolicoeur RapporteurRichard Deblock RapporteurThierry Martin Directeur de thèseJérôme Rech InvitéThibaut Jonckheere Invité
Annexe A - Calcul des longueurs caractéristiques ξl et ξc pour un QPC parabo-
lique 123
Annexe B - Calcul des différentes composantes Keldysh du corrélateur de bruit127
Publications 131
Bibliographie 133
iv
Introduction générale
La physique de la matière condensée est une discipline très large qui prétend décrire les
propriétés et les phénomènes physiques des solides. Toutefois, un solide reste un corps
complexe vivant entre deux mondes : le monde classique et le monde quantique. En effet, celui-
ci est un corps macroscopique pouvant être décrit par une approche classique. Cependant, ses
propriétés essentielles sont souvent liées aux atomes qui le composent et à leur arrangement
dans le réseau cristallin. Une approche quantique telle que la mécanique quantique voire la
théorie des champs est donc davantage adaptée.
La physique mésoscopique s’inscrit de ce fait dans ce vaste cadre. Le préfixe "méso-" vient du
grec "mésos" signifiant "situé au milieu". La physique mésoscopique désigne donc l’étude de la
physique "des systèmes intermédiaires" entre l’échelle microscopique et l’échelle macroscopique.
Les systèmes étudiés doivent être constitués d’un grand nombre de particules pour permettre
l’utilisation de la mécanique statistique. En fonction des systèmes ou des propriétés étudiés, nous
pouvons utiliser différentes approches. Les approches semi-classiques permettent d’introduire
une part de mécanique quantique dans la théorie classique ou encore la mécanique quantique
statistique nous permet de distinguer la nature fermionique ou bosonique des particules mises
en jeu. Ces différentes approches seront limitées par la nature classique ou quantique de l’objet
étudié. La limite entre le monde classique et le monde quantique est caractérisée par la longueur
de cohérence de phase, c’est-à-dire la longueur sur laquelle les particules conservent leur phase.
Un système est quantique quand ses dimensions sont inférieures à la longueur de cohérence de
phase. Dans le cas contraire, le système est dit classique.
On situe le départ de la physique mésocopique en 1957 lorsque Rolf Landauer, pionnier dans
le domaine, proposa une approche de diffusion simple pour calculer le courant et la conductance
dans un fil conducteur connecté à deux réservoirs thermalisés [1]. Il montra que la conductance
1
Introduction générale
du fil est directement reliée à la probabilité de transmission d’un électron d’un réservoir à l’autre
à travers le conducteur. Ce résultat passa inaperçu lorsque Landauer en fit la proposition, cette
relative indifférence s’explique essentiellement par le manque de résultats expérimentaux. A
l’époque, la fabrication d’échantillons de petites tailles restait extrêmement difficile à cause des
limites technologiques. Il aura fallu attendre les années quatre vingt pour voir apparaître des
techniques telles que la lithographie électronique permettant la fabrication de tels échantillons.
De plus, la prise de mesures dans de bonnes conditions est nécessaire à l’obtention de résul-
tats expérimentaux convenables. Au cours des dernières décennies, les progrès effectués sur les
techniques et appareils de mesures (citons par exemple les réfrigérateurs à dilution permettant
d’obtenir des températures plus basses que celles de l’Hélium liquide) ont finalement permis
d’obtenir ces résultats expérimentaux. La physique mésoscopique est par conséquent devenue
l’une des branches les plus actives de la physique.
Parallèlement à toutes ces études fondamentales, la micro-électronique est devenue de plus
en plus présente dans la vie de tous les jours. La miniaturisation des composants électroniques
s’avère être le principal cheval de bataille des industries. Actuellement, les transistors sont
des composants électroniques de quelques dizièmes de micromètres. Ces dimensions sont pe-
tites, toutefois ces composants fonctionnent à température ambiante et sont donc décrits par
des approches semi-classiques. Les électrons sont vus comme des particules classiques pouvant
éventuellement subir des chocs durant leur course. Cependant, la diminution de la taille des
composants s’accélère d’année en année. La taille des échantillons sera bientôt inférieure à la
longueur de cohérence de phase des électrons, la limite quantique sera par conséquent atteinte
accentuant davantage l’interêt porté à la physique mésoscopique.
Cette thèse aborde avant tout des aspects fondamentaux de la physique mésoscopique et
plus particulièrement du transport électronique dans les systèmes unidimensionnels. Par dé-
finition, ces derniers sont des systèmes dans lesquels le mouvement des particules (électrons,
phonons...) est limité à une seule direction. Plus exactement, l’étendue spatiale de la fonction
d’onde transverse doit être inférieure à quelques longueurs d’onde de Fermi. Cette limitation
est réalisée soit par la géométrie du système (un nanotube de carbone a par exemple des dimen-
sions transverses beaucoup plus faibles que sa longueur, le mouvement des électrons est donc
clairement guidé), soit en jouant sur un paramètre extérieur à savoir un potentiel extérieur ou
un champ magnétique (les états de bords de l’effet Hall Quantique en sont le parfait exemple).
La conductance est la quantité physique la plus naturelle pour caractériser le transport
dans un échantillon mésoscopique. Landauer fut le premier a calculer la conductance d’un fil
relié à deux réservoirs thermalisés par une approche quantique. La confirmation expérimentale
2
Introduction générale
n’est venue qu’une trentaine d’années plus tard [2, 3]. Depuis, celle-ci a été calculée et mesurée
dans de nombreux systèmes. Toutefois, elle rend compte exclusivement du caractère moyen
du transport et ne fournit aucune information temporelle. Le bruit a donc été introduit pour
mesurer ces fluctuations temporelles du courant autour de sa valeur moyenne. Les prémices de
l’étude du bruit remontent bien avant la physique mésoscopique. En effet, c’est en 1918 que
Walter Schottky fut le premier à calculer le bruit produit par une source de particules classiques
émises de façon indépendante. Il montra que le bruit S est proportionnel au courant I et à la
charge des porteurs e
S = 2eI. (1)
Les recherches sur le bruit ont longtemps suivi le développement des télécommunications
où celui-ci est considéré comme un phénomène parasite. L’étude du bruit pour des systèmes
mésoscopiques est apparue seulement dans les années quatre vingt dans la continuité des études
sur la conductance. En physique mésoscopique, le bruit est également proportionnel au courant
et à la charge des porteurs. Il contient cependant un facteur d’atténuation dépendant de la
probabilité de transmission. Pour des coefficients de transmission faible, la mesure du courant
moyen et du bruit permet ainsi de remonter à la charge des porteurs.
Les premières expériences de mesure de conductance ont été effectuées sur des semi-conducteurs
et des métaux. Toutefois, les dernières décennies ont vue apparaître des structures hybrides su-
praconductrices, c’est-à-dire des structures composées de métal normal et de supraconducteur.
Prenons l’exemple d’une jonction métal normal-supraconducteur, la mesure du bruit a montré
un doublement de son amplitude, ce qui est interprété comme la signature de la charge 2e
d’une paire de Cooper traversant la jonction. Les supraconducteurs sont des matériaux assez
complexes et la compréhension des effets qu’ils engendrent lorsqu’ils sont incorporés dans une
structure hybride restent un challenge important.
Le premier chapitre de cette thèse introduit les principes de base du transport en physique
mésoscopique. Les calculs du courant, de la conductance, du bruit et des corrélations croisées
sont effectués dans le cas d’un fil conducteur relié à deux terminaux permettant ainsi une
discussion qualitative simple de ces quantités. De plus, les résultats obtenus sont comparés
avec les expériences.
La première partie sera consacrée au transport dans les liquides de Luttinger. Nous consa-
crerons un chapitre à la description des liquides de Luttinger et des états de bords de l’effet
Hall quantique. Le formalisme de Keldysh, permettant le calcul de moyenne hors équilibre,
3
Introduction générale
sera également développé ici. Puis, deux projets effectués au cours de cette thèse feront l’objet
de deux nouveaux chapitres. Le premier consistera à l’étude d’un contact ponctuel quantique
étendu. La rétrodiffusion des quasi-particules se produit ainsi dans une région finie de la struc-
ture. Nous montrerons l’universalité du facteur de Fano et l’effet de la largeur de la zone de
diffusion sur les propriétés du transport. Le deuxième projet que nous développerons portera
sur la détection du bruit photo-assisté à l’aide d’un circuit résonant dissipatif basée sur le prin-
cipe de détection à la Lesovik et Loosen. L’application d’une tension dépendante du temps sur
l’échantillon mésoscopique brise l’invariance temporelle dans les corrélateurs de courant, empê-
chant ainsi la détection grâce au circuit résonant. Le but principal sera donc de développer une
technique permettant de restaurer cette invariance. Finalement, nous appliquerons cette tech-
nique à un contact ponctuel quantique dans l’effet Hall entier, puis fractionnaire avec facteur
de remplissage ν = 1/3 de manière à obtenir des prévisions numériques.
La deuxième partie fera l’objet de l’étude du transport dans les structures hybrides. Un
chapitre d’introduction au transport non-local sera développé. De plus, nous récapitulerons
rapidement les principaux travaux théoriques et expérimentaux réalisés dans les structures hy-
brides. Le dernier chapitre présentera quant à lui un travail effectué sur la séparation des paires
de Cooper à l’aide d’un double point quantique. La géométrie que nous utiliserons est basée sur
deux récentes expériences utilisant un nanotube de carbone connecté à deux électrodes en métal
normal et une électrode supraconductrice de manière à générer deux points quantiques. Nous
calculerons les courants de branchement et les corrélations croisées pour mettre en évidence
les différents processus mis en jeu tels que le cotunneling élastique, les réflexions d’Andreev
directe et croisée. La mesure simultanée du courant et des corrélations croisées permettra une
mesure robuste du signal filtrant ainsi chaque processus (en effet les corrélations croisées sont
insensibles à la réflexion d’Andreev directe). De plus, les points quantiques étant générés dans
un même nanotube, la possibilité offerte aux électrons de passer par effet tunnel directement
d’un point quantique à l’autre entraine de lourdes conséquences sur les propriétés du transport.
Cet effet sera donc étudié avec grand interêt.
4
Chapitre I
Courant et corrélations de courant
1 Limite classique-quantique
Dans un échantillon mésoscopique, il existe trois longueurs caractéristiques : la longueur de
l’échantillon l, la longueur de cohérence de phase lφ (longueur sur laquelle un électron conserve
sa phase) et le libre parcours moyen le (longueur moyenne parcourue par un électron entre deux
collisions élastiques). Ce libre parcours moyen est une valeur intrinsèque à chaque matériau et
peut aller de quelques nanomètres dans les métaux à plusieurs micromètres dans les semicon-
ducteurs à haute mobilité sous basse température. La longueur de cohérence de phase lφ est
une quantité essentielle en physique. La limite classique-quantique est clairement caractérisée
par la perte ou le gain de cette cohérence de phase. Un électron est susceptible de perdre cette
cohérence suivant le type de chocs qu’il subit. Plusieurs types de chocs peuvent avoir lieu dans
un échantillon mésoscopique, chacun ayant des origines bien différentes. Ces derniers sont soit
élastiques si les électrons conservent leur énergie lors de la collision, soit inélastique s’ils ne la
conservent pas. C’est lors de ces collisions inélastiques que l’électron est susceptible de perdre
sa cohérence de phase. Les chocs inélastiques peuvent avoir lieu entre électrons-électrons et
électrons-phonons permettant ainsi l’échange d’énergie entre les électrons et le réseau cristallin.
Dans le cas d’une longueur de cohérence de phase inférieure à la longueur de l’échantillon
(lφ < l), l’électron ne conserve pas sa phase et nous sommes dans un système classique. Ce-
pendant, lorsque la longueur de l’échantillon est inférieure à la longueur de cohérence de phase
(l < lφ), l’électron est décrit comme une onde avec une phase complètement déterminée. Nous
sommes en présence d’un système mésoscopique décrit par la mécanique quantique.
Allons encore plus loin dans la description d’un échantillon mésoscopique en caractérisant
seulement deux régimes de fonctionnement (voir Fig. I.1). Lorsque la longueur du fil est plus
5
Chapitre I. Courant et corrélations de courant
grande que le libre parcours moyen (l ≫ le), les électrons vont subir de multiples chocs élas-
tiques. Ce régime est connu sous le nom de régime diffusif. Au contraire, lorsque la longueur
du fil est plus petite que le libre parcours moyen (le ≫ l), les électrons subissent très peu de
collisions et le régime est dit balistique.
Figure I.1 – A gauche : Conducteur dans un régime balistique, la longueur de l’échantillon est inférieureau libre parcours moyen. L’électron subit pas ou peu de chocs élastiques. A droite : Conducteur dansun régime diffusif, la longueur de l’échantillon est supérieure au libre parcours moyen. L’électron subitbeaucoup plus de chocs.
Toutefois, dans ces deux régimes de fonctionnement, les électrons ne subissent pas suffi-
sament de chocs inélastiques pour permettre une description correcte par des moyennes clas-
siques. La mécanique quantique est donc un outil fondamental prenant en compte la dualité
onde-corpuscule des électrons.
2 Transport dans un échantillon mésoscopique
On associe généralement Rolf Landauer à la naissance de la physique mésoscopique depuis
qu’il proposa en 1957 la première théorie quantique du transport [1]. Cette approche prend
en compte le caractère ondulatoire des électrons contrairement aux approches classiques. Si le
conducteur est balistique, cette théorie s’applique directement. En revanche, les principales me-
sures que nous connaissons ont été obtenues dans des systèmes diffusifs à cause de la difficulté
de fabrication des échantillons balistiques. Toutefois, la méthode de Landauer est parfaitement
généralisable à ce régime de fonctionnement. Il est cependant nécessaire d’avoir un échantillon
de longueur inférieure à la longueur de cohérence de phase pour garantir la conservation de
celle-ci. Dans le cas contraire, l’utilisation de méthodes semi-classiques telle que la méthode de
Boltzmann-Langevin est préférable.
Dans sa théorie, Landauer considère un fil connecté à deux réservoirs thermalisés (voir Fig.
I.2). La circulation d’un courant dans le fil est assurée par l’application d’une différence de
potentiel µL − µR = eV . La tension appliquée a pour effet de mettre le fil hors équilibre. Dans
Figure I.2 – Fil quantique relié à deux réservoirs comportant une zone de diffusion. Un électron incident(ei) peut être soit réfléchi (er), soit transmis (et).
ces conditions, une théorie hors équilibre telle que le formalisme de Keldysh est nécessaire pour
décrire ce système. Toutefois, si la tension appliquée demeure relativement faible, les théories
à l’équilibre restent encore valables.
La force de la théorie de Landauer est qu’il n’est pas nécessaire de connaitre les détails de ce
qu’il se passe dans le fil (au niveau de la zone de diffusion). Cette dernière (pouvant correspondre
à différents systèmes : potentiel, jonction entre deux métaux, etc...) est simplement décrite par
une matrice de diffusion S. Une onde incidente sur cette zone de diffusion est en partie transmise,
l’autre partie étant réfléchie (voir Fig. I.2). Dans ce cas simple à deux terminaux, il existe deux
états incidents et deux états réfléchis. La matrice de diffusion est donc une matrice 2x2. Nous
pouvons aisément imaginer une géométrie avec N terminaux reliés entre eux au niveau d’une
zone de diffusion. Dans ce cas, la matrice S deviendrait une matrice NxN.
Landauer a pu calculer la conductance du fil et mettre en évidence que celle-ci était propor-
tionnelle à la probabilité de transmission des électrons à travers le fil. Cette théorie est donc un
puissant formalisme permettant de calculer différentes valeurs physiques telles que le courant,
la conductance ou même encore les moments d’ordres supérieurs du courant comme nous allons
l’aborder par la suite.
2.1 Courant moyen
Nous allons calculer le courant moyen dans un conducteur mésoscopique en utilisant une
méthode de seconde quantification [4–7]. Etudions le cas suivant, celui d’une particule de spin
1/2, de charge e et de masse me se propageant dans un système tridimensionnel à plusieurs
terminaux comportant plusieurs canaux. Notre étude porte sur un fil conducteur relié à deux
réservoirs thermalisés. La longueur du fil étant beaucoup plus grande que ses dimensions tran-
verses, la direction de circulation du courant est donc imposée (la position des réservoirs vient
renforcer cette affirmation). Pour cette raison, les degrés de liberté transverses (ym et zm)
peuvent être intégrés. L’opérateur de courant dans le terminal m et dans le canal α s’écrit
généralement
Im,α(xm, t) = e~
2mei
∑
σ
∫
dymdzm
(
ψ†m,α,σ(~rm, t)∂ψm,α,σ(~rm, t)
∂xm− ∂ψ†m,α,σ(~rm, t)
∂xmψm,α,σ(~rm, t)
)
,
(I.1)
où xm, ym et zm sont les coordonnées spatiales dans le terminal m. ψ†m,α,σ(~rm, t) est l’opé-
rateur de création d’une particule de spin σ dans le terminal m et le canal α. La fonction
d’onde correspondante est la somme de l’état incident et des états diffusés provenant des autres
terminaux
ψm,α,σ(~rm, t) =me
~2√
2π
∫ dE
km,α(E)ξm,α(ym, zm)
(
eikm,α(E)xmcm,α,σ(km,α(E), t)
+∑
n
Nc(n)∑
β=1
√
√
√
√
km,α(E)kn,β(E)
smαnβ(E)e−ikm,α(E)xmcn,β,σ(kn,β(E), t)
, (I.2)
où Nc(n) est le nombre de canaux dans le terminal n. ξm,α(ym, zm) correspond à la fonction
d’onde normalisée transverse :∫
dymdzmξm,α(ym, zm)ξ∗m,β(ym, zm) = δαβ. Finalement, smαnβ est
l’élément de la matrice de diffusion correspondant au coefficent de transmission d’un état inci-
dent du terminal n et du canal β, diffusé vers le terminal m et le canal α. c†m,α,σ est l’opérateur
de création d’un état diffusé dans le terminal m et le canal α.
Le vecteur d’onde km,α(E) est une quantité intrinsèque au matériau, par conséquent nous
faisons l’approximation que les vecteurs d’onde dans les différents terminaux sont essentielle-
ment les mêmes. Grâce à ces différentes hypothèses, nous pouvons réécrire le courant comme
suit
Im,α(t) = eme
~32π
∑
σ
∫
dEdE ′1
k(E)
(
c†m,α,σ(k(E), t)cm,α,σ(k(E ′), t)
−∑
n,n′
∑
β,β′s∗mαnβ(E)smαn′β′(E ′)c
†n,β,σ(k(E), t)cn′,β′,σ(k(E ′), t)
)
. (I.3)
La valeur moyenne du courant fera donc clairement apparaître des moyennes de couples
8
I.2 Transport dans un échantillon mésoscopique
d’opérateurs de création et d’annihilation. Ces moyennes se réécrivent sous la forme suivante
⟨
c†n,β,σ(k(E), t)cn′,β′,σ(k(E ′), t)⟩
=~
2k(E)me
fn(E)δ(E − E ′)δnn′δββ′ , (I.4)
où fn(E) = 1eβ(E−µn)+1
est la fonction de Fermi-Dirac du terminal n avec le potentiel chimique
µn. En remplacant (I.4) dans la valeur moyenne de l’expression (I.3) et en sommant sur tous
les canaux, nous obtenons le courant total dans le terminal m
〈Im〉 =∑
α
〈Im,α〉
=2eh
∫
dE∑
α
fm(E)−∑
n
∑
β
s∗mαnβ(E)smαnβ(E)fn(E)
. (I.5)
La matrice de diffusion étant une matrice unitaire, la somme des probabilités de transmission
et de réflexion est égale à 1. A l’aide de cette propriété, le courant moyen devient
〈Im〉 =2eh
∑
n
∑
α,β
∫
dE |smαnβ(E)|2 (fm(E)− fn(E))
=2eh
∑
n
∫
dE Tmn(E) (fm(E)− fn(E)) , (I.6)
où Tmn est la probabilité de transmission d’une particule du terminal n vers le terminal m.
2.2 Formule de Landauer
Dans le cas des électrons et en travaillant avec une tension pas trop élevée par rapport
à l’énergie de Fermi, nous pouvons faire l’hypothèse que la probabilité de transmission est
indépendante de l’énergie. Dans la limite de faible température, les fonctions de Fermi-Dirac se
comportent comme des marches de Heaviside et les intégrales peuvent être calculées aisément.
Intéressons nous à la géométrie de Landauer : un conducteur relié à deux réservoirs avec un
canal de conduction unique. Dans ces conditions, le courant moyen s’écrit
〈I〉 =2ehTeV, (I.7)
9
Chapitre I. Courant et corrélations de courant
où V est la tension appliquée entre les deux terminaux. En dérivant l’équation précédente par
rapport à la tension, nous obtenons la conductance de l’échantillon
G =2e2
hT. (I.8)
Cette relation est connue sous le nom de Formule de Landauer [1, 8]. Un quantum de
conductance égal à G0 = 2e2
hpeut ainsi être isolé. Cette relation peut être généralisée à plusieurs
canaux de conduction
G =2e2
h
Nc∑
α=1
Tα (I.9)
avec Tα la probabilité de transmission du canal α. Expérimentalement, la conductance a été
mesurée pour un gaz d’électrons 2D comportant plusieurs canaux de conduction [2, 3]. L’appli-
cation d’une tension de grille sur cet échantillon permet un contrôle sur ces canaux. Etant donné
que la probabilité de transmission de chaque canal est proche de 1, la conductance fait appa-
raître des plateaux aux multiples de 2e2/h. Chaque nouveau plateau correspond à l’ouverture
d’un canal supplémentaire (voir Fig. I.3).
Figure I.3 – Conductance en fonction de la tension de grille. Nous voyons nettement l’apparition des pla-teaux de conductance lorsque la tension est un multiple de 2e2/h, correspondant à l’ouverture de nouveauxcanaux [2].
Dans le cas classique, on s’attendrait à obtenir une résistance nulle pour deux raisons :
la conductance "classique" est donnée par la formule G = σW/l avec σ la conductivité, W
la section du fil et l sa longueur. Pour un échantillon microscopique, la longueur du fil étant
petite, la conductance devrait être grande [9]. D’autre part, la probabilité de transmission est
proche de 1, ce qui entraine une résistance quasiment nulle. Toutefois, la formule de Landauer
mesures. De plus, l’agitation thermique étant à l’origine de la fluctuation du nombre d’oc-
cupation des niveaux d’énergie d’un système, entraîne l’apparition du bruit Johnson-Nyquist
[13, 14] ou bruit thermique. Contrairement au bruit en 1/f , le bruit thermique est quant à lui
un bruit à l’équilibre. Enfin, le bruit de grenaille (ou shot noise) est une conséquence directe
de la quantification de la charge électrique. C’est un bruit qui apparaît lorsqu’une différence
de potentiel est appliquée. Il est donc directement relié au transport. Le premier à avoir mis
en évidence ce bruit fut Schottky en 1918 [15]. Il montra que dans un tube à vide, deux types
de fluctuations étaient présentes : la première due à l’agitation thermique des électrons (bruit
thermique) et la deuxième due à la discrétisation de ces derniers (bruit de grenaille).
Figure I.5 – Des paquets d’ondes incidents sur une barrière sont tous occupés par un électron. Cespaquets d’ondes peuvent ensuite être soit transmis avec un électron (un paquet d’onde non-occupé estréfléchi), soit réfléchis avec un électron (un paquet d’onde non-occupé est transmis).
En vue de simplifier la compréhension du bruit de grenaille, prenons un échantillon mé-
soscopique quelconque comportant une zone de diffusion (voir Fig. I.5). Un faisceau incident
est soit transmis avec une probabilité T , soit réfléchi avec une probabilité R. Si le faisceau
incident, à tout temps t, a une occupation de 1, sa valeur moyenne sera de 1. Ses fluctuations
∆nI = nI − 〈nI〉 seront nulles et le faisceau sera par conséquent non-bruyant. La particule est
soit transmise : nT = 1 et nR = 0 avec une probabilité T , soit réfléchie : nT = 0 et nR = 1 avec
une probabilité R = 1− T . Le produit nTnR est toujours nul, conséquence directe de l’occupa-
tion d’un seul des faisceaux de sortie. La valeur moyenne du nombre d’occupation du faisceau
transmis est 〈nT 〉 = T et du faisceau réfléchi 〈nR〉 = R. A partir de là, nous pouvons calculer
les fluctuations 〈∆n2T 〉 = 〈∆n2
R〉 = −〈∆nT∆nR〉 = T (1 − T ). Concluons en affirmant qu’un
faisceau incident non-bruyant donne naissance à deux faisceaux (un transmis et un réfléchi)
bruyants. C’est donc un mécanisme de diffusion probabiliste qui est à l’origine du bruit. Cette
discussion permet une compréhension simple du bruit pour des particules classiques. Dès lors
Cette relation nous permet d’analyser le bruit thermique, le bruit de grenaille, de même que
la transition entre ces deux derniers. Etudions de plus près le cas des électrons. La première
partie correspond au bruit thermique. En effet si nous imposons une température nulle, ce
terme disparait. Le second terme correspond quant à lui au bruit de grenaille du fait de sa
nette dépendance à la différence de potentiel.
3.4.1 Bruit thermique
Le bruit thermique est une conséquence des fluctuations d’occupations dues à l’agitation
thermique. Ce bruit étant un bruit à l’équilibre, nous pouvons supposer que la tension entre les
terminaux est nulle. Cette hypothèse reste toutefois valable lorsque la tension est faible devant
la température eV ≪ kBΘ. Le bruit thermique s’écrit donc
SThLL(0) = STh
RR(0) =4e2
h
∑
α
∫
dE [Tα(E)(fL(1− fL) + fR(1− fR))] . (I.22)
En supposant que la probabilité de transmission ne dépend pas de l’énergie et en utilisant
la relation f(1− f) = −kBΘ∂f/∂E, nous pouvons intégrer l’équation (I.22)
SThLL(0) = STh
RR(0) = 4kBΘ2e2
h
∑
α
Tα
= 4kBΘG. (I.23)
16
I.3 Bruit et corrélations de bruit
Cette relation nous enseigne que les fluctuations à l’équilibre sont directement reliées à
la conductance de Landauer. Nous pouvons relier ce résultat au théorème de fluctuation-
dissipation.
3.4.2 Bruit de grenaille
Le second terme de l’équation (I.21) correspond au bruit de grenaille. Ce bruit est un bruit
hors équilibre, une différence de potentiel eV = µL−µR est nécessaire pour le faire apparaitre.
Plus précisément, ce bruit est présent lorsque la tension appliquée est suffisament grande par
rapport à la température eV ≫ kBΘ [6, 7, 17]. A température nulle, le bruit de grenaille a donc
pour expression
SShLL(0) = SSh
RR(0) =4e2
h
∑
α
∫
dE[
Tα(E)(1− Tα(E))(fL − fR)2]
=4e2
heV
∑
α
Tα(1− Tα). (I.24)
En prenant la limite de faible transmission Tα ≈ 0, nous retrouvons le bruit poissonien décrit
par Schottky [15]. Nous avons également vu dans la partie 2.2 que la conductance est quantifiée.
Cette dernière présente des plateaux lorsque les canaux de conduction ont une probabilité de
transmission voisine de 1. Pour de telles conductances, le terme∑
α Tα(1 − Tα) s’annule dans
l’équation (I.24). Des expériences ont effectivement montré [18–21] que le bruit s’annule lorsque
la conductance est un multiple de 2e2/h (voir Fig. I.6).
Lorsqu’un seul canal de conduction est présent, et en combinant l’expression du courant
moyen (I.7) à celle du bruit à fréquence nulle (I.24), nous pouvons écrire
SShLL(0) = 2e 〈I〉 (1− T ). (I.25)
Contrairement au résultat poissonien obtenu par Schottky, l’expression de celui-ci est ré-
duite d’un facteur 1−T . Ce bruit est dit "sous-poissonien". Si la transmission reste faible, nous
pouvons négliger le facteur T et retrouver un bruit poissonien.
En physique mésoscopique, le facteur de Fano est une quantité essentielle défini comme le
rapport entre le bruit de grenaille à fréquence nulle et le courant moyen
F =SShLL(0)〈I〉 = 2e. (I.26)
17
Chapitre I. Courant et corrélations de courant
Figure I.6 – Bruit en fonction de la conductance. Le bruit s’annule lorsque la conductance est un multiplede 2e2/h. Les courbes en pointillés correspondent au bruit incluant les effets thermiques [21].
Le bruit est donc toujours proportionnel au courant moyen et à la charge des porteurs. Sa
mesure permet de remonter par exemple aux charges effectives des quasi-particules dans un
système donné. Les charges effectives de l’effet Hall quantique fractionnaire ont été mesurées à
l’aide de cette méthode [22, 23]. Le facteur de Fano et la mesure de la charge des quasi-particules
sont davantage détaillés dans la partie concernant le transport dans les liquides de Luttinger
et plus précisément dans le chapitre (III) concernant l’universalité du facteur de Fano dans un
contact ponctuel quantique étendu. Nous avons donc présenté les deux régimes de bruit. Nous
n’avons toutefois pas étudié le comportement de la transition entre ces derniers.
3.4.3 Transition entre les deux régimes de bruit
En supposant que les coefficients de transmission ne dépendent pas de l’energie, nous pou-
vons effectuer l’intégrale (I.21) à température et tension finie [17]. Le bruit prend ainsi la forme
suivante
SLL(0) =4e2
h
(
2kBΘ∑
α
T 2α + eV coth
(
eV
2kBΘ
)
∑
α
Tα(1− Tα))
. (I.27)
Pour des coefficients de transmission faibles Tα ≪ 1, la formule (I.27) devient
Figure I.7 – Bruit en fonction du courant [24] : (a) Θ = 300K et R ≈ 0.32GΩ, (b) Θ = 77K etR ≈ 2.7GΩ. Les traits pleins correspondent aux valeurs théoriques de l’équation (I.28).
SLL(0) =4e2
heV coth
(
eV
2kBΘ
)
∑
α
Tα
= 2e 〈I〉 coth(
eV
2kBΘ
)
. (I.28)
L’équation (I.28) a été vérifiée expérimentalement à plusieurs reprises [20, 21, 24]. Plus
particulièrement, le groupe de C. Schönenberger a utilisé une pointe de microscope à effet
tunnel à proximité d’une surface métallique créant ainsi une barrière tunnel. Dans ce système,
deux séries de mesures ont été réalisées (voir Fig. I.7), montrant ainsi la transition entre le
bruit thermique (a) et le bruit de grenaille (b) [24]. Dans le régime de haute température
(kBΘ ≫ eV ), le bruit n’est proportionnel au courant que si celui-ci est suffisament grand. Au
contraire, dans le régime de faible température (eV ≫ kBΘ), le bruit est directement relié au
courant, en accord avec la formule (I.28).
3.5 Corrélations croisées à fréquence nulle : "Bunching/Antibunching"
L’expression (I.20) nous permet de déduire les corrélations croisées à fréquence nulle lorsque
m 6= n. En supposant une température nulle, ces corrélations deviennent
De plus, l’unitarité de la matrice de diffusion impose la contrainte suivante
∑
β
∑
p
smαpβs∗nα′pβ = 0. (I.30)
Cette contrainte entraîne l’annulation de la partie linéaire en fp(E). Finalement, les corré-
lations croisées s’écrivent
Smn(0) = ∓2e2
h
∫
dE∑
αα′
∣
∣
∣
∣
∣
∣
∑
β
∑
p
smαpβs∗nα′pβfp(E)
∣
∣
∣
∣
∣
∣
2
. (I.31)
Figure I.8 – Les bosons ont la possibilité de se regrouper (Bunching). Les corrélations entre les deuxfaisceaux transmis sont positives. Au contraire, les fermions s’excluent mutuellement à cause du principede Pauli (Antibunching). En conséquence, les corrélations sont négatives.
Nous pouvons observer une propriété intéressante dans l’expression (I.31). Le signe de celle-
ci dépend de la nature fermionique ou bosonique des particules mises en jeu. En présence de
fermions, les corrélations sont négatives (voir Fig. I.8). Le signe reflète le comportement des
fermions qui ne peuvent occuper un niveau d’énergie à plusieurs à cause du principe d’exclusion
de Pauli (Antibunching). Le signe positif des corrélations croisées nous renseigne sur la possi-
bilité offerte aux bosons d’occuper à plusieurs un même niveau d’énergie (Bunching). Mesurer
le signe des corrélations croisées à fréquence nulle permet donc de remonter à la nature des
porteurs de charge.
3.6 Bruit en fréquence
Le bruit en fréquence est un outil assez peu utilisé du fait de sa complexité. Toutefois,
celui-ci apporte des informations complémentaires. Grâce à l’équation (I.20) et en supposant
toujours que la transmission est indépendante de l’énergie, nous pouvons écrire le bruit (m = n)
Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre
sur deux principes : la linéarisation du spectre d’énergie au niveau de Fermi et la bosonisation,
c’est à dire l’expression des fermions en interaction comme des bosons libres.
Ce modèle connut un fort succès pour décrire des systèmes physiques tels que les nanotubes
de carbone mais aussi les états de bord de l’effet Hall quantique fractionnaire. Par la suite,
nous ne donnerons qu’une approche en surface des liquides de Luttinger, sachant que des
articles de revue plus détaillés sur le sujet sont accessibles [36–39]. Dans toute cette partie,
nous étudierons des systèmes hors de l’équilibre dans le régime de l’effet Hall quantique. Pour
cette raison, nous décrirons dans un premier temps la théorie des liquides de Luttinger qui
permet une compréhension simplifiée de la technique de bosonisation en partant d’opérateurs
fermioniques décrivant les fermions du système pour arriver à une forme quadratique bosonisée
de l’hamiltonien. Puis, nous montrerons que les états de bord de l’effet Hall quantique peuvent
être modélisés par ces mêmes liquides de Luttinger à l’aide de l’approche de Wen [45] en partant
cette fois-ci de la densité de particules sur le bord d’une goutte de Hall considérée comme
bosonique pour obtenir les opérateurs fermioniques associés. Finalement, le dernier chapitre
sera consacré au transport hors équilibre et notamment au formalisme de Keldysh.
1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga
1.1 Linéarisation du spectre
Nous considérons ici un système unidimensionnel d’électrons en interaction. L’hamiltonien
décrivant un tel système se décompose en deux parties : une partie cinétique et une partie
d’interaction
H = H0 +Hint. (II.1)
Certaines conditions sont essentielles à l’application de la théorie des liquides de Luttinger :
le spectre doit d’une part ne pas présenter de gap mais également être symétrique, c’est-à-
dire que le niveau de Fermi se réduit à deux points uniquement tel que E(kF ) = E(−kF ) =
EF . Prenons un exemple simple, le modèle d’électrons sur sites discrets au demi-remplissage
avec des interactions entre les plus proches voisins [36, 40]. La relation de dispersion de ce
dernier s’obtient sans trop de difficulté E(k) = −~vFa
cos(ka) avec a la distance entre deux
sites consécutifs (voir Fig. II.2). Cette relation de dispersion présente bien les caractéritisques
demandées.
26
II.1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga
-EF EFk
EHkL
Figure II.2 – Comportement de la relation de dispersion dans le cas d’une chaine discrète d’électrons(unités arbitraires). Nous observons le niveau de Fermi pour lequel E(k) = E(−k) = EF .
L’idée fondamentale de la théorie des liquides de Luttinger est de linéariser le spectre d’éner-
gie au voisinage de l’énergie de Fermi car les propriétés du système à basse énergie dépendent
essentiellement des états avec des énergies proches de celle de Fermi. De plus, dans l’hypothèse
où la température est suffisamment basse, les fluctuations thermiques auront également lieu à
cette échelle d’énergie. Voyons la manière de linéariser le spectre selon le modèle de Tomonaga
[32]. Cette linéarisation du spectre au niveau de l’énergie de Fermi fait apparaître deux branches
E(k) ≃ ~νF (k − kF ) pour k > 0,
E(k) ≃ −~νF (k − kF ) pour k < 0. (II.2)
Très naturellement, nous pouvons considérer que les états avec k > 0 correspondent à ceux
où les électrons se déplacent dans une direction donnée (typiquement les électrons allant de
gauche à droite) et les états avec k < 0 correspondent aux états où les électrons se déplacent
dans l’autre sens (de droite à gauche).
La théorie de Luttinger permet quant à elle d’étendre la linéarisation jusqu’à des valeurs
negatives de k pour la branche positive et des valeurs positives de k pour la branche négative
(voir Fig. II.3). Ceci revient à rajouter des états non physiques d’énergies négatives dans la
théorie. La théorie des liquides de Luttinger présente l’avantage d’être résolue à l’aide de la bo-
sonisation avec l’ajout d’un facteur de convergence permettant de contrôler les états d’énergies
négatives. A l’aide du spectre linéarisé, nous pouvons réécrire l’hamiltonien du système sans
L’objectif de la bosonisation est de réexprimer l’hamiltonien (II.6) en termes d’opérateurs
bosoniques qui obéissent aux relations usuelles de commutations. La méthode suivante permet
de définir ces opérateurs, la première étape consistant à introduire la densité d’électrons sur
chaque branche de la relation de dispersion
ρr(x) = ψ†r(x)ψr(x). (II.7)
Le passage dans l’espace des impulsions est nécessaire en procédant à une transformée de
Fourier
ρr(p) =1√L
∫ L
0dxeipxψ†r(x)ψr(x). (II.8)
Les équations (II.5) nous permettent de calculer aisément les commutateurs de ψr(x) avec
l’opérateur densité dans l’espace réel
[ψr(x), ρr(x′)] = δ(x− x′)ψr(x). (II.9)
De plus, la relation de commutation entre l’opérateur densité et lui même nous donne
[ρr(p), ρr(p′)] = −r p2πδp,−p′ . (II.10)
Ainsi, nous obtenons, à un facteur près, des relations de commutations usuelles. L’introduc-
tion de nouveaux opérateurs b†(k) et b(k) nous permettra par la suite d’éliminer le facteur en
question
b†(k) = i
√
2πkρ+(k) pour k > 0, (II.11)
b†(k) = −i√
2π−kρ−(k) pour k < 0, (II.12)
b(k) = −i√
2πkρ+(−k) pour k > 0, (II.13)
b(k) = i
√
2π−kρ−(−k) pour k < 0. (II.14)
29
Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre
Les relations de commutations entre ces opérateurs deviennent ainsi
[
b(k), b†(k′)]
= δk,k′ ,
[b(k), b(k′)] = 0. (II.15)
Nous pouvons désormais introduire les champs bosoniques φ+(x) et φ−(x) comme des com-
binaisons linéaires des opérateurs densité ou des opérateurs bosoniques b(k)
φr(x) = r2π√L
∑
k>0
e−ark/2
ki[
e−ikxρr(k)− eikxρr(−k)]
= r
√4π√2L
∑
k>0
e−ark/2√rk
[
b†(k)e−ikx + b(k)eikx]
, (II.16)
a est un facteur de convergence que nous ferons tendre vers zero à la fin du calcul afin d’obtenir
les quantités voulues. Ce facteur n’est rien d’autre que le cut-off de Luttinger, son introduction
est nécessaire pour compenser la présence des états d’énergie négatifs introduits dans la linéa-
risation du spectre. Les relations de commutations de ces nouveaux champs bosoniques avec la
densité s’écrivent dans l’espace réel
[φr(x), ρr(x′)] = −iδ(x− x′). (II.17)
Nous obtenons donc deux champs conjugués φ et ρ. Il reste cependant nécessaire de connaître
la relation de commutation des champs φ entre eux à des positions différentes pour avoir une
théorie complète
[φ+(x), φ+(x′)] =4π2L
∑
k>0
e−ak
k
[
e−ik(x−x′) + eik(x−x
′)]
= 2iArctan
(
x− x′a
)
. (II.18)
Le facteur de convergence peut être désormais mis à zero pour obtenir
[φ+(x), φ+(x′)] = iπsgn(x− x′). (II.19)
30
II.1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga
Le commutateur pour le deuxième champ φ− avec lui même à des positions différentes
s’obtient de la même manière
[φ−(x), φ−(x′)] = −iπsgn(x− x′). (II.20)
L’une des propiétés essentielles de deux opérateurs A et B conjugués est la suivante
[A(ζ), B(ζ ′)] = −iδ(ζ − ζ ′) et[
A(ζ), eiB(ζ′)]
= δ(ζ − ζ ′)eiB(ζ). (II.21)
En identifiant les expressions (II.9) et (II.17), la relation précédente (II.21) nous permet
d’écrire par identification
ψr(x) =Mr√2πa
eirkF xeiφr(x), (II.22)
où Mr est le facteur de Klein. Ce facteur permet l’ajout ou la suppression d’une particule sur la
branche r, mais assure également aux champs fermioniques des relations d’anticommutations
correctes car lui même possède des relations d’anticommutations usuelles
Mr,M†r′
= 2δ(r, r′),
Mr,Mr′ = 0 ,
M †r ,M†r′
= 0. (II.23)
Dans cette thèse, les calculs effectués avec les opérateurs ψr(x) ne nécessitent pas la présence
de ce facteur de Klein, c’est pour cette raison qu’à présent, nous allons le prendre égal à 1.
Nous avons donc réécrit les opérateurs fermioniques en termes de champs bosoniques.
1.3 Expression de l’hamiltonien cinétique bosonisé
D’après l’équation (II.3), une fois le spectre linéarisé, l’hamiltonien cinétique d’un système
unidimentionnel s’écrit
H0 = ~vF∑
r,k
ka†r,kar,k.
Ici, l’enjeu réside dans la réexpression de l’hamiltonien en termes d’opérateurs bosoniques
φ+ et φ−. La première étape consiste alors à calculer les relations de commutations existantes
entre l’hamiltonien et les opérateurs densités de chaque branche
31
Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre
[H0, ρr(p)] = r~vFpρr(p). (II.24)
Référons nous aux bases de la mécanique quantique nous rappellant que si nous avons des
relations telles que (II.24), cela signifie que les états créés par ρ+ et ρ− sont des états propres
de H0 avec des énergies ±~vFp. En tenant compte de cet argument, nous pouvons réécrire
l’hamiltonien cinétique comme [39, 41]
H0 = π~vF∑
r,p>0
[ρr(p)ρr(−p)] (II.25)
= π~vF
∫ L
0dx[
(ρ+(x))2 + (ρ−(x))2]
. (II.26)
Nous venons de dériver l’identité de Kronig [42] reliant l’hamiltonien (II.3) à l’hamiltonien
(II.26). Le remplacement des opérateurs densités par leurs expressions en termes des champs
bosoniques préalablement introduits (II.16) est trivial car la dérivation de l’équation (II.16)
nous offre la possibilité d’écrire
ρr(x) =r
2π∂φr(x)∂x
(x). (II.27)
Remplaçons (II.27) dans notre hamiltonien (II.26) pour obtenir
H0 =~vF4π
∫ L
0dx
(
∂φ+(x)∂x
)2
+
(
∂φ−(x)∂x
)2
. (II.28)
2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de
Luttinger chiral
L’effet Hall quantique a été découvert en 1980 par Klaus Von Klitzing [43] dans un gaz
bidimensionnel d’électrons soumis à un champ magnétique perpendiculaire. En présence d’un
champ magnétique, les états propres du système (sans interaction) forment des bandes appelées
niveaux de Landau d’énergie En = (n+ 1/2)~ωc, avec ωc = eB/m∗ la fréquence cyclotron. Ces
niveaux sont dégénérés car le nombre d’états d’un niveau de Landau correspond au nombre de
quanta de flux dans le système : N = nφA avec A la taille du système, nφ = B/φ0 = BE/h la
32
II.2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral
densité de quanta de flux et h la constante de Planck. Le facteur de remplissage est une notion
essentielle dans le phénomène de l’effet Hall quantique. Ce dernier se définit comme le rapport
entre la densité d’électrons et la densité de quanta de flux ν = ns/nphi. Ce facteur est facilement
modulable expérimentalement en augmentant le champ magnétique ou en changeant la densité
d’électrons dans le système par exemple.
Figure II.4 – Niveaux de Landau pour différents champs magnétiques. Ces niveaux sont séparés par uneénergie proportionnelle à la fréquence cyclotron ωc. Quand B augmente l’écart entre les niveaux augmententégalement.
Pour des champs magnétiques assez importants, le facteur de remplissage prend des valeurs
entières et des niveaux de Landau apparaissent. L’énergie totale du système augmente à la seule
condition que l’énergie de Fermi dépasse un des niveaux de Landau (voir Fig. II.4). Le passage
des niveaux entraine ainsi l’apparition de plateaux dans la mesure de la résistance transverse
(résistance de Hall)
RH =1ν
h
e2(II.29)
avec ν entier. Remarquons tout de même que cette quantification de la valeur de la résistance
ne dépend pas des paramètres extèrieurs comme la température ou la fréquence, ni même des
paramètres intrinséques à l’échantillon. Les plateaux de l’effet Hall entier sont très robustes ce
qui nous permet de faire des mesures avec de grandes précisions. En 1982, Tsui, Stormer et
Gossard ont découvert que ν pouvait prendre des valeurs fractionnaires de la forme p/q avec q
impair dans des échantillons désordonnés [44]. Ce nouveau régime fractionnaire met en évidence
les interactions qui sont beaucoup plus importantes que dans l’effet Hall Entier à cause de la
faible densité d’états électroniques. Nous allons à présent nous intéresser à l’un des aspects de
l’effet Hall quantique que sont les états de bords. Effectivement, dans un échantillon de taille
finie, les bords confinent les électrons avec un champ électrique. Dans un gaz bidimensionnel
Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre
soumis à un champ magnétique, les électrons décrivent des orbites cyclotron dont le centre est
immobile, hormis à proximité des bords en raison du confinement. En effet, le champ électrique
provoque la dérive du centre des orbites cyclotrons. Le mouvement des électrons se décompose
en un mouvement circulaire de pulsation ωc et un mouvement linéaire de dérive sur le bord de
l’échantillon (voir Fig. II.5).
Figure II.5 – Etats de bords : en présence d’un champ magnétique, les électrons se déplacent sur uneorbite cyclotron dont le centre reste immobile excepté lorsque l’électron est proche du bord. Dans ce cas,le mouvement des électrons impose un déplacement du centre de l’orbite cyclotron le long du bord del’échantillon.
Les déplacements de ces électrons sont appelés états de bords et constituent d’excellents
systèmes unidimensionnels dans lesquels l’étude des phénomènes de transport est riche.
2.1 Approche hydrodynamique
Dans cette partie, nous allons décrire les états de bords de l’effet Hall fractionnaire à l’aide
du modèle phénoménologique de Wen [45]. Le modèle de départ est le modèle hydrodynamique
d’une goutte de fluide de Hall (voir Fig. II.6), étant bidimensionnel et incompressible dû aux
interactions répulsives et aux corrélations entre les électrons. La quantification se fait en iden-
tifiant les variables conjuguées du système. L’hamiltonien quantique ainsi obtenu peut être
bosonisé de manière à obtenir un hamiltonien similaire à celui d’un liquide de Luttinger.
Dans un tel système, les seules excitations possibles sont des ondes se propageant sur le bord
de la goutte (des déformations de hauteur h(x)) et dans une seule direction avec une vitesse
v = cE/B, ~E et ~B étant les champs électriques et magnétiques. La densité de particules sur le
II.2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral
Figure II.6 – Modèle hydrodynamique pour les états de bord de l’effet Hall quantique. Les excitationsse propagent sur le bord de la goutte dans une seule direction.
où ns est la densité de charge. Cette densité obéit bien évidemment à l’équation de continuité
∂ρ
∂t− v ∂ρ
∂x= 0, (II.31)
où v est la vitesse des particules sur le bord de la goutte. Compte tenu du système que nous
utilisons, l’énergie du système n’est autre que le potentiel électrique multiplié par la charge
totale
H =12
∫ L
0dxV (x)eρ(x). (II.32)
V (x) est le potentiel scalaire et L le périmètre de la goutte. Dans un système soumis à l’effet
Hall, le champ électrique et le champ magnétique sont reliés par la relation
E =1nse
BJ (II.33)
avec J la densité de courant qui, sur le bord de l’échantillon, est égale à J = ensv. Ceci nous
permet ainsi d’écrire facilement E = vB. Grâce à cette relation, le potentiel électrique s’écrit
V (x) = Eh(x) = vBh(x) et l’hamiltonien devient
H =12evB
ns
∫ L
0dxρ2(x). (II.34)
La densité de charge ns étant proportionnelle à nφ, nous pouvons écrire que nφ = νeB/h.
En remplaçant cette relation dans l’expression de l’hamiltonien, nous obtenons
H =12hv
ν
∫ L
0dxρ2(x). (II.35)
Pour permettre la quantification de l’hamiltonien (II.35), il est nécessaire de passer dans
l’espace des impulsions en procédant à une transformée de Fourier de la densité d’électrons sur
III.1 Courant et bruit dans un QPC : cas purement local
rétrodiffusion des quasi-particules (avec e∗ = νe) d’un état de bord à l’autre s’écrit de la façon
suivante
HB(t) =∑
ε=±[Γ0e
iω0tΨ†R(0, t)ΨL(0, t)](ε) , (III.3)
où ǫ = ± laisse un opérateur inchangé si ǫ = + et désigne son complexe conjugué si ǫ = −. Γ0
correspond à l’amplitude de transfert par effet tunnel des quasi-particules d’un état de bord à
l’autre au niveau de l’impureté. La tension entre les deux états de bords est introduite à l’aide
d’une transformation de Peierls et apparaît comme une phase additionnelle iω0t (ω0 = e∗V/~).
1.1 Courant moyen
Dans le formalisme de Keldysh, lorsque la valeur moyenne ne fait intervernir qu’un seul argu-
ment temporel, le temps peut être pris sur l’une ou l’autre des branches de manière équivalente.
Le courant moyen s’exprime alors comme
〈IB(t)〉 =12
∑
η
⟨
TK IB(tη)S(−∞,+∞)⟩
=12
∑
η
⟨
TK
IB(tη)e−i~
∫
Kdt1HB(t1)
⟩
. (III.4)
Dans l’équation (III.4), l’opérateur d’évolution S apparaît sous le forme d’une somme de
termes multiples de toutes les puissances de Γ0. Le développement de l’exponentielle va nous
donner le courant moyen à tous les ordres en Γ0. Ce qui nous intéresse est le régime de faible
rétrodiffusion, nous nous limitons donc à l’ordre le plus bas non nul dans le développement de
l’exponentielle qui est l’ordre Γ20. Dans ces conditions, la formule générale du courant moyen de
rétrodiffusion en termes des fonctions de Green bosoniques chirales s’écrit
〈IB(t)〉 =ie∗Γ2
0
4π2a2~2
∑
η
η∫ +∞
−∞dτsin(ω0τ)e2νGη−η(τ). (III.5)
Dans la partie (3.3), nous avons obtenu les quatres fonctions de Green bosoniques à tempé-
rature nulle suivantes [54, 55]
49
Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu
G++(τ) = −ln
(
1 + ivF |τ |a
)
,
G−−(τ) = −ln
(
1− ivF |τ |a
)
,
G+−(τ) = −ln(
1− ivF τa
)
,
G−+(τ) = −ln(
1 + ivF τ
a
)
.
A partir des expressions précédentes et de l’équation (III.5), nous pouvons déduire le courant
moyen à température nulle
〈IB(t)〉 =e∗Γ2
0
2πa2Γ(2ν)~2
(
a
νF
)2ν
sgn(ω0) |ω0|2ν−1 , (III.6)
avec Γ(2ν) la fonction Gamma, ω0 = e∗V/~ et a le cut-off spatial. Pour permettre la comparai-
son avec le cas étendu de la partie suivante, nous allons tracer ici les conductances différentielles
dans les régimes de l’IQHE et FQHE (ν = 1/3) dans le cas purement local.
2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF
0.5
1.0
1.5
2.0dIdV
Ν=1 2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF
-0.35-0.30-0.25-0.20-0.15-0.10-0.05
dIdV
Ν=13
Figure III.2 – A gauche : Conductance différentielle (unités arbitraires) dans le régime de l’effet Hallentier (IQHE). A droite : Conductance différentielle dans le régime de l’effet Hall fractionnaire (ν = 1/3).Mise en évidence de la divergence Luttinger à faible tension lorsque ω0 → 0 (unités arbitraires).
Les caractéristiques principales d’un QPC dans ces deux différents régimes sont clairement
visibles (voir Fig. III.2) : une conductance différentielle constante dans l’IQHE et une conduc-
tance différentielle en loi de puissance dans l’FQHE avec sa divergence caractéristique à faible
tension lorsque ω0 → 0. Toutefois, au cours du temps le courant n’est pas égal à sa valeur
moyenne car il fluctue autour de celle-ci. L’étude du bruit nous permet d’étudier ces fluctua-
De la même manière que pour le courant, nous nous intéressons au régime de faible rétro-
diffusion, limitons nous à l’ordre le plus bas non nul dans le développement de l’exponentielle.
En procédant à une transformée de Fourier pour avoir le bruit en fréquence, nous obtenons la
formule du bruit à fréquence nulle en termes des fonctions de Green bosoniques chirales
S(ω = 0) =e∗
2Γ2
0
2πa2Γ(2ν)~2
∑
η
∫ +∞
−∞dτcos(ω0τ)e2νGη−η(τ). (III.8)
En injectant les fonctions de Green adéquates, nous obtenons aisément l’expression du bruit
à fréquence nulle et température nulle
S(ω = 0) =e∗
2Γ2
0
2πa2Γ(2ν)~2
(
a
νF
)2ν
|ω0|2ν−1 . (III.9)
Maintenant que nous connaissons le courant moyen de rétrodiffusion de même que ses cor-
rélations à fréquence nulle, nous pouvons introduire une quantité essentielle en physique mé-
soscopique : le facteur de Fano. Ce dernier est le rapport entre le courant moyen et le bruit à
fréquence nulle
S(ω = 0)〈IB〉
= e∗. (III.10)
Cette relation, plus connue sous le nom de relation de Schottky, nous signifie que les quasi-
particules transferées par effet tunnel d’un état de bord à l’autre porte la charge e∗ = νe.
Les prédictions théoriques que nous venons de montrer ont été vérifiées expérimentalement
pour un QPC dans le régime de l’effet Hall fractionnaire (ν = 1/3) par deux groupes différents,
1Nous optons pour une convention dans laquelle le bruit est défini avec un facteur 1/2. La conséquencedirecte est la simplification du facteur de Fano qui est désormais simplement égal à la charge des porteurs.
51
Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu
le premier à Saclay [22] (voir Fig. III.3) et l’autre au Weizmann institute [23]. Ce même groupe
de Heiblum a également mesuré la charge fractionnaire e∗ = e/5 dans l’FQHE avec une facteur
de remplissage ν = 2/5 [60]. D’autres expériences ont également été menées dans le régime de
forte rétrodiffusion ("strong backscattering"), où le QPC coupe la barre de Hall en deux liquides
de Fermi séparés à cause de la rétrodiffusion de la quasi-totalité des particules.
Figure III.3 – Mesure de la charge e∗ = e/3 des quasi-particules d’un QPC dans le régime de l’effet Hallfractionnaire [22].
Dans cette partie, nous avons mis en lumière les différents aspects d’un QPC dans le régime
de faible rétrodiffusion en présentant le courant de rétrodiffusion et le bruit à fréquence nulle.
De plus, nous avons montré que le facteur de Fano était égal à la charge des porteurs qui
passaient d’un état de bord à l’autre par effet tunnel. Nous consacrerons la seconde partie de
ce chapitre à la présentation de l’un des travaux que nous avons effectué. Le but de celui-ci
fut de montrer l’universalité du facteur de Fano dans un système où le QPC est arbitrairement
étendu, ce qui modélise avec plus de détails la réalité des expériences.
2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire
Le système que nous allons étudier au cours de cette section est le suivant (voir Fig. III.4).
Le transfert de quasi-particules entre les deux états de bords contre-propageant se produit au
niveau de la zone de diffusion élargie, contrairement au cas ponctuel où la diffusion se fait
III.2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire
Gxy
y
x
V
Figure III.4 – Contact quantique avec géométrie arbitraire : l’amplitude tunnel à partir de la positiony (sur la branche se propageant vers la droite) jusqu’à la position x (sur la branche se propageant vers lagauche) est Γxye
iδxy . Nous pouvons observer une contribution arbitraire (bleu-trait plein), une contribution"latérale" (rouge-trait pointillé fin) et une contribution "croisée" (vert-trait pointillé large).
seulement en un point.
Comme dans le cas local, nous utilisons le formalisme de Tomonaga-Luttinger pour décrire
les états se propageant à gauche et à droite. En l’absence de tunneling entre les deux états de
bords, l’hamiltonien du système s’écrit
H0 =vF~
4π
∑
r
∫
ds(∂sφr)2 (III.11)
avec r = R,L pour les excitations de droite et de gauche. Avec φr le champ bosonique chiral
de chaque bord. L’opérateur de quasi-particule est
Ψr(x, t) =1√2πa
eirkF xei√νφr(x,t), (III.12)
où a désigne le cut-off et ν le facteur de remplissage. Cette fois-ci l’hamiltonien décrivant la
rétrodiffusion des quasi-particules (e∗ = νe) d’un état de bord à l’autre est
HB(t) =∫
dx dy∑
ε
[ΓxyeiδxyΨ†L(y, t)ΨR(x, t)](ε) , (III.13)
où ǫ = ± laisse un opérateur inchangé si ǫ = + et désigne son complexe conjugué si ǫ = −.
Le terme Γxyeiδxy est l’amplitude tunnel correspondant à la diffusion d’une quasi-particule d’un
point y (des excitations allant vers la droite) vers un point x (des excitations allant vers la
gauche).
Typiquement, si nous voulons retrouver le cas purement local, il suffit de prendre une amplitude
En utilisant les mêmes hypothèses que celles sur le courant et en intégrant la variable t− t′dans l’expression ST (t− t′), la forme analytique du bruit à fréquence nulle est la suivante
Notons que l’intégrale suivante est mise en jeu dans les expressions du courant (III.24) et
56
III.2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire
du bruit (III.25)
J±(ω0, z) =∫
dτe±i|ω0|τ
[
1− ivFa
(τ + zvF
)]ν [
1− ivFa
(τ − zvF
)]ν . (III.26)
Le courant exhibe une combinaison (J+ − J−)/2i tandis que le bruit à fréquence nulle
contient une combinaison (J+ + J−)/2. Ces intégrales peuvent être exprimées en termes des
variables ζ = ω0τ = ζ ′ + iζ ′′. L’intégrande possède donc une coupure à ζ ′ = ±z |ω0| /vF et
ζ ′′ ≤ −a |ω0| /vF . Nous pouvons fermer le contour dans le demi-plan supérieur et montrer qu’il
n’y a pas de coupure ou de pôle pour J+(ω0, z) dans ce demi-plan (voir Fig. III.6). Le théorème
de Cauchy nous stipule que l’intégrale J+(ω0, z) est donc égale à zéro.
Figure III.6 – Nous pouvons voir que les deux coupures (noir) sont dans le demi-plan inférieur. Lorsquele contour (rouge) est fermé dans le demi-plan supérieur, celui-ci ne contient ni coupure, ni pôle.
En substituant ces résultats dans les équations (III.24) et (III.25), le rapport entre le bruit
à fréquence nulle et le courant de rétrodiffusion est
ST〈IBT 〉
= e∗ , (III.27)
indépendamment des détails concernant la géométrie du système. Nous pouvons ainsi conclure
que le courant et le bruit semblent être grandement modifiés par le caractère étendu du QPC ;
où Jν−1/2(y) est la fonction de Bessel du premier ordre. En posant Γxy = Γ0δ(x)δ(y), le cas
purement local (|Γeff |2 = |Γ0|2) réapparaît. L’amplitude effective de transfert par effet tunnel
possède une dépendance non triviale en fonction de la tension appliquée, déclenchant une dévia-
tion par rapport à la loi de puissance d’origine IB ∼ ω2ν−10 . La majorité des géométries utilisées
par les expérimentateurs pourront facilement être reliées à un profil Gaussien
Γxy =Γ0
2πξcξle− (x−y)2
4ξ2c e− (x+y)2
4ξ2l , (III.31)
où ξl et ξc correspondent respectivement aux longueurs caractéristiques des contributions la-
térales et croisées. Considérons par exemple un QPC parabolique (voir Fig. III.7) où les états
de bords suivent un profil parabolique de largeur ξ. Pour décrire complètement ce profil, nous
introduisons la longueur minimale entre les deux états de bords d et la largeur de la barre de
Hall D où D ≫ d.
Cette géométrie parabolique peut être décrite par un profil Gaussien (III.31) où la longueur
caractéristique des contributions croisées est ξc = lB avec lB correspondant à la longueur ma-
58
III.3 Application à un contact quantique parabolique
D
Ξ
d
Figure III.7 – Un "contact ponctuel parabolique" : les états de bords suivent un profil parabolique delargeur ξ. La distance minimale entre les deux états de bords contre-propageant est d.
gnétique. La longueur caractéristique des contributions parallèles quant à elle est ξl = ξlB/√dD
(voir Annexe A). Cela signifie que les deux points d’injections x et y doivent se situer proches
l’un de l’autre sur une échelle de longueur de l’ordre de lB. Leur barycentre quant à lui peut se
déplacer sur une échelle de longueur plus importante de l’ordre de ξl. Les contributions latérales
sont donc directement reliées à la largeur de la zone de diffusion ξ. Nous nous intéresserons
essentiellement à ces contributions latérales par la suite. En insérant l’équation (III.31) dans
l’expression de l’amplitude tunnel (III.29), nous obtenons
|Γeff |2 =Γ2
0
2√
2πξle− ξ
2cω
20
2v2F
∫
dx cos(kFx)e− x2
8ξ2l Hν
(
|ω0| x2vF
)
. (III.32)
A ce niveau du problème, notre expression du courant est assez générale, nous permettant
ainsi d’obtenir des résultats dans les deux régimes qui nous intéressent : l’IQHE et l’FQHE (ν =
1/3). Nous allons donc étudier l’amplitude de transmission et le courant moyen en fonction de
la tension appliquée pour différentes largeurs du potentiel dans ces deux régimes. Au préalable,
il est essentiel de discuter le paramètre kF ξl présent dans l’équation (III.32). Le vecteur d’onde
de Fermi à l’intèrieur de la constriction peut être approximé par kF ≃ d/2l2B [63]. De plus, d
est du même ordre de grandeur que la longueur magnétique lB, suggèrant kF ∼ 1/lB. Dans
le régime de l’effet Hall quantique, les valeurs typiques du champ magnétique B dans un gaz
d’électrons 2D sont de l’ordre de 6T , nous avons donc lB ∼ 10nm. Nous pouvons ainsi sonder
des valeurs de kF ξl allant de 1 à 10 pour des valeurs de ξl qui varient de ∼ 10nm à ∼ 100nm.
Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu
2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF
0.05
0.10
0.15
0.20ÈGeff
2ÈG02
kFΞl= 5kFΞl= 3kFΞl= 1.5kFΞl= 1
Figure III.8 – |Γeff |2 normalisé par Γ20 en fonction de la tension appliquée ~ω0/ǫF , pour kF ξc = 0.5 et
différentes valeurs de kF ξl dans l’effet Hall entier (ν = 1).
3.2 Résultats numériques
Dans la figure III.8, nous voyons que dans l’IQHE (ν = 1), l’amplitude effective du transfert
de charge par effet tunnel décroît quand on augmente la largeur de la zone de diffusion. De plus,
le comportement de |Γeff |2 est non monotone avec un maximum aux alentours de ~ω0/ǫF = 4.
Ceci étant complètement en contraste avec la valeur constante |Γeff |2 = Γ20 du cas purement
local (voir Fig. III.2).
2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF
0.05
0.10
0.15
0.20
0.25
ÈGeff2ÈG0
2
Figure III.9 – |Γeff |2 normalisé par |Γ0|2 en fonction de la tension appliquée ~ω0/ǫF pour kF ξc = 0.5 etdifférentes valeurs kF ξl dans l’effet Hall fractionnaire avec un facteur de remplissage ν = 1/3 (Les valeurschoisies pour kF ξl sont les mêmes que dans la figure III.8).
Dans la figure III.9, le comportement de |Γeff |2 est étudié dans le régime fractionnaire avec
un facteur de remplissage ν = 1/3. Le comportement est essentiellement le même que celui du
cas ν = 1 excepté que la courbe est beaucoup plus piquée en son maximum.
L’influence de la largeur du QPC sur l’amplitude de transmission est désormais connue. La
III.3 Application à un contact quantique parabolique
seconde étape de notre étude consiste à analyser le comportement du courant par rapport à
cette largeur de la zone de diffusion. Pour être plus fidèle à ce qui se fait expérimentalement,
nous tracerons la conductance différentielle plutôt que le courant. Pour tous les graphiques
suivants, la conductance différentielle est normalisée par
dI/dV |(0) =(e∗)2
2πa2~2ν+1Γ(2ν)
(
a
vF
)2ν
ǫ2ν−2F Γ2
0. (III.33)
2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF
-0.1
0.1
0.2
dIdV
kFΞl= 5kFΞl= 3kFΞl= 1.5kFΞl= 1
Figure III.10 – Conductance différentielle normalisée par dI/dV |(0) en fonction de ~ω0/ǫF pour kF ξc =
0.5 et différentes valeurs de kF ξl dans le régime de l’effet Hall quantique (ν = 1).
2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF
-0.10
-0.05
0.05
0.10
dIdV
0-0.1-0.2-0.3
2 4 6 8 10
Figure III.11 – Conductance différentielle normalisée par dI/dV |(0) en fonction de ~ω0/ǫF pour kF ξc =
0.5 et différentes valeurs de kF ξl dans l’effet Hall fractionnaire avec un facteur de remplissage ν = 1/3 (Lesvaleurs choisies pour kF ξl sont les mêmes que dans la figure III.10). En inset : Conductance différentielledans le cas purement local.
Dans la figure III.10, nous étudions la conductance différentielle dans le régime de l’effet
Hall entier en fonction de la tension appliquée pour différentes valeurs de la largeur du QPC.
Contrairement au cas purement local où elle est constante, la conductance différentielle exhibe
de capacité C, d’inductance L, et de composante dissipative R (voir Fig. IV.1) [76]. Dans le
cas stationnaire, la tension drain-source ne dépend pas du temps. Dans un tel système, les
corrélateurs de courant (le bruit) et de charge sont directement reliés, le signal contenant les
informations sur le bruit se trouve donc encodé dans le corrélateur de charge. Ainsi, tout l’enjeu
de cette partie est de calculer l’expression de ce corrélateur. L’hamiltonien basique qui décrit
l’oscillateur dissipatif est
Hosc = H0 +HLC−env , (IV.6)
où
H0 = HLC +Henv (IV.7)
avec HLC l’hamiltonien de l’oscillateur harmonique et Henv l’hamiltonien de l’environnement
modélisé par un bain d’oscillateurs de masses Mn et de fréquences propres ωn. HLC−env décrit le
couplage entre ces deux hamiltoniens. Pour un système quantique dissipatif, il est commode de
recourir aux intégrales de chemin. En l’absence de dissipation et de couplage avec l’échantillon
mésoscopique, l’action décrivant le circuit LC dans le formalisme de Keldysh est
SLC [q] =12
∫
dtdt′qT (t)G−10 (t− t′)q(t′) , (IV.8)
où
G−10 (t− t′) = L[(i∂t)2 − Ω2]δ(t− t′) (IV.9)
est la fonction de Green inverse de l’oscillateur harmonique (L est sa “masse”), Ω = (LC)−1/2
est la fréquence de résonance du circuit LC, qT = (q+, q−) est un vecteur à deux composantes
contenant les coordonnées de l’oscillateur sur chacune des deux branches du contour Keldysh,
et σz est la matrice de Pauli dans l’espace Keldysh. Les effets de dissipation sont traités avec
un modèle de Caldeira-Legget, où l’environnement est modélisé par un bain d’oscillateurs har-
moniques avec des fréquences de résonances ωn [77]. La coordonnée de charge du condensateur
q est couplée linéairement avec le bain à l’aide de l’hamiltonien suivant
HLC−env = q∑
n
λnxn (IV.10)
avec λn la constante de couplage. A partir de ces expressions, nous pouvons écrire la fonction
67
Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif
de partition de l’oscillateur harmonique avec le bain d’oscillateurs,
Z =∫
DqDxeiS[q,x], (IV.11)
où l’action est définie comme
S = SLC +12
∑
n
xTn D−1n σzxn − qT σz
∑
n
λnxn (IV.12)
avec D−1n (t) = Mn[(i∂t)2 − ω2
n] δ(t) et correspondant au produit de convolution en temps.
Les degrés de liberté du bain peuvent être intégrés de manière standard [80]. Le résultat de
cette intégration est l’habillage de la fonction de Green de l’oscillateur harmonique G par
l’environnement
G−1 = G−10 − Σ (IV.13)
avec la self énergie
Σ(t) = σz∑
n
λ2nDn(t)σz. (IV.14)
Désormais, le circuit RLC fait référence au circuit LC couplé au bain d’oscillateurs. Tous les
hamiltoniens de la théorie ont été introduits, excepté celui couplant le circuit RLC au circuit
mésoscopique. Le couplage est le suivant
Hint = αqI , (IV.15)
où I la dérivée de l’opérateur courant [71, 79]. Cette interaction est interprétée comme un
potentiel extèrieur qui agit sur le circuit résonant. Afin de calculer les fonctions de corrélation
de la coordonnée q de l’oscillateur harmonique, l’introduction de la fonction génératrice suivante
est nécessaire
Zη[I] =∫
Dq exp i[12
qT G−1 q − qTσz (αI + η)]
, (IV.16)
où ηT = (η+, η−) est le champ auxiliaire dans l’espace de Keldysh. En intégrant les degrés de
liberté de l’oscillateur harmonique, nous pouvons réécrire la fonction de partition comme
Zη[I] = eiSeff [η,I] (IV.17)
avec l’action effective de la forme
68
IV.2 Détection du bruit : cas stationnaire
Seff [η, I] = − i2
∫
dt∫
dt′(η(t) + αI(t))TσzG(t− t′)σz(η(t′) + αI(t′))]
. (IV.18)
2.2 Calcul des corrélateurs de charge dans le cas stationnaire
2.2.1 Corrélateur de charge
En prenant la double dérivée de la fonction de partition (IV.17) par rapport au champ
auxiliaire η, le corrélateur de charge s’écrit
〈qβ(t)qβ′(t′)〉 ≡ Z−1η [I]
∂2Zη[I]∂η(tβ)∂η(t′β′)
∣
∣
∣
∣
∣
η=0
, (IV.19)
où β, β′ ≡ ±1 sont les indices spécifiant la branche + ou − du contour Keldysh. Cette double
dérivée nous permet d’une part d’écrire le corrélateur de charge à l’ordre 2 dans le couplage
mais également de faire apparaître les corrélateurs des dérivées du courant
Kβ1β2(τ1, τ2) =⟨
TK I(τ1)β1 I(τ2)β2
⟩
meso, (IV.20)
où 〈...〉meso représente la moyenne hors de l’équilibre du circuit mésoscopique. Le corrélateur de
charge s’écrit maintenant comme une matrice dans l’espace de Keldysh
⟨
TKqβ(t)qβ
′(t′)
⟩
= α2∫
dτ1dτ2
∑
β1β2
Gββ2(t− τ2)σβ2β2z Kβ2β1(τ2, τ1)σβ1β1
z Gβ1β′(τ1 − t′) , (IV.21)
où l’intégrande contient la fonction de Green Gββ′(t) du circuit RLC. Il apparaît clairement
que le corrélateur des dérivées du courant dépend de deux temps. La poursuite du calcul sera
différente selon si la tension appliquée dépend ou non du temps. Rappelons dans un premier
temps les résultats obtenus dans un cas stationnaire [76].
2.2.2 Cas stationnaire
Dans ce paragraphe, nous rappelons les résultats obtenus dans un cas stationnaire, c’est-à-
dire lorsque la tension appliquée à l’échantillon mésoscopique est constante. Les informations
concernant les moments du courant à hautes fréquences sont encodées dans l’histogramme de la
charge. L’inclusion de la dissipation due à l’environnement électromagnétique permet d’obtenir
69
Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif
des résultats finis dans le processus de détection du bruit [76]. Ici, l’expression de la composante
hors diagonale du corrélateur de charge s’écrit à partir de l’équation (IV.21)
〈TKq−(t)q+(t′)〉 = 〈q(t− t′)q(0)〉 (IV.22)
Le fait marquant dans cette expression est la dépendance du corrélateur de charge à un
seul temps t − t′, ceci étant dû à l’invariance temporelle engendrée par le cas stationnaire. Le
corrélateur de charge est un produit de convolution qui dépend donc uniquement de t− t′. En
changeant de base pour écrire les expressions dans la base "RAK" de Keldysh, nous avons la
possibilité d’obtenir les fluctuations de charge à temps égaux t = t′
δ〈q2〉 = α2∫ dω
2πGR(ω)GK(ω)K+−(ω)− (GR(ω)−GA(ω))K−+(ω) (IV.23)
avec les trois fonctions de Green de la base "RAK" données par
GR/A(ω) = [L(ω2 − Ω2)± i sgn(ω)J(|ω|)]−1 (IV.24)
et
GK = (2N(ω) + 1)(GR(ω)−GA(ω)) , (IV.25)
où N(ω) est le nombre d’occupation de l’oscillateur et la fonction spectrale du bain défini
comme
J(ω) = π∑
n
λ2n/(2Mnωn)δ(ω − ωn) . (IV.26)
Grâce à leur transformée de Fourier, les corrélateurs des dérivées du courant K−+, K+− sont
très facilement reliés aux corrélateurs de courant
K+−(ω) = ω2S+−(ω), (IV.27)
K−+(ω) = ω2S−+(ω) (IV.28)
avec
S+−(ω) =∫
dt〈I(0)I(t)〉eiωt , (IV.29)
et S+−(ω) = S−+(−ω) correspondant à l’émission/absorption de photon du circuit mésosco-
70
IV.2 Détection du bruit : cas stationnaire
Figure IV.2 – Bruit mesuré grâce au couplage avec un cicuit RLC [76] avec un noyau dissipatif de laforme J(ω) = Lγω, une température fixée T = 0.01Ω pour γ = 0 (trait plein), γ = 1.6Ω (trait hachuré) etγ = 2.4Ω (trait hachuré-pointillé).
pique pour des fréquences positives/négatives [67, 81]. Ces définitions nous permettent d’écrire
le résultat final de la mesure du bruit d’excés
δ〈q2〉 = 2α2∫ ∞
0
dω
2πω2[χ′′(ω)]2
(
S+−(ω) +N(ω)(S+−(ω)− S−+(ω)))
, (IV.30)
où χ′′(ω) = J(|ω|)/[L2(ω2 − Ω2)2 + J2(|ω|) est la susceptibilité généralisée [77].
Un circuit RLC ne peut avoir des divergences dans la mesure du bruit (voir Fig. IV.2). La
dissipation est donc essentielle dans le processus de mesure car elle supprime ces divergences.
Pour un système avec une largeur de raie infinie, l’équation (IV.30) peut être intégrée sur la
fréquence de résonance Ω, et le bruit mesuré prend la forme de Lesovik et Loosen [71]
⟨
q2⟩
=α2
ηL2
S+−(Ω) +N(ω)(S+−(Ω)− S−+(Ω))
, (IV.31)
où le préfacteur η est le couplage adiabatique qui apparaît lorsque nous négligeons la dissipation.
Une autre façon de mesurer la largeur de la distribution de charge serait de coupler directement
la capacité au circuit mésoscopique (couplage capacitif) qui détecte directement la transformée
de Fourier du corrélateur de charge [82]. Etant donné que la matrice du corrélateur de charge
(IV.21) est un produit de convolution dans le régime stationnaire, sa transformée de Fourier
En vérification, nous pouvons calculer le bruit symétrisé Ssym(Ω1,Ω2) = 12(S+−(Ω1,Ω2) +
S−+(Ω1,Ω2)). Le calcul nous renvoie exactement le bruit symétrisé précédemment calculé dans
la référence [85].
3.2.3 Corrélateur moyenné des dérivées du courant
La relation entre le corrélateur de courant et celui des derivées du courant est assez triviale
à obtenir puisqu’elle s’écrit en transformée de Fourier
Kββ′(Ω1,Ω2) = −Ω1Ω2S
ββ′(Ω1,Ω2) . (IV.52)
Nous devons maintenant relier kββ′(T, ω) à Kββ
′(ω), ce qui est réalisé de la manière suivante
kββ′(T, ω) =
∫ dω1
2πe−iω1TKββ
′(
ω1
2+ ω,
ω1
2− ω
)
. (IV.53)
Partant des expressions des quatre composantes du corrélateur de bruit (IV.50) et (IV.51)
et des relations (IV.52) et (IV.53), les quatre corrélateurs moyennés des dérivées du courant
(IV.37) s’écrivent
Kβ−β(ω) =1τ
∫ τ
0dTk+−(T, ω) =
(e∗)2Γ20
4π2a2
+∞∑
n=−∞J2n
(
e∗V1
ωAC
) 1Γ(2ν)
(a
νF)2νω2
×[
(1− βsgn (ω + ω0 + nωAC)) |ω + ω0 + nωAC |2ν−1
+ (1− βsgn (ω − ω0 − nωAC)) |ω − ω0 − nωAC |2ν−1]
, (IV.54)
Kββ(ω) =1τ
∫ τ
0dTk++(T, ω) =
(e∗)2Γ20
4π2a2
+∞∑
n=−∞J2n
(
e∗V1
ωAC
) 1Γ(2ν)
(a
νF)2ν e
−βiπν
cos(πν)ω2
×[
|ω + ω0 + nωAC |2ν−1 + |ω − ω0 − nωAC |2ν−1]
. (IV.55)
Nous allons désormais étudier le comportement d’un QPC soumis au régime de l’effet Hall
entier et fractionnaire (ν = 1/3). Pour mener à bien cette étude, nous tracerons le corrélateur
moyenné des dérivées du courant ainsi que le bruit mesuré d’excès en fonction de différents
paramètres, à savoir la tension appliquée, la température du détecteur ou encore la dissipation.
77
Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif
3.3 Applications numériques
En accord avec les calculs précédents, plaçons nous dans un régime où la température du
circuit mésoscopique est nulle (plus précisément, la température du circuit mésoscopique doit
être bien plus faible que la tension DC qui lui est appliquée). Le détecteur quant à lui est
susceptible d’être à une température non-nulle, c’est notamment l’un des effets que nous allons
étudier.
3.3.1 Bruit d’excès dans l’effet Hall quantique
Nous commençons notre analyse par étudier le comportement du bruit photo-assisté d’ex-
cés non-symétrisé. "Excès" signifie que la valeur du bruit à tension nulle a été soustraite aux
résultats.
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50
1
2
3
4
5
6
WΩ0
K-+HWL Ν=13
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50.00
0.02
0.04
0.06
0.08
0.10
0.12
0.14
WΩ0
K-+HWL Ν=1
Figure IV.4 – Corrélateur moyenné des dérivées du courant d’un QPC dans le régime fractionnaire(gauche) et dans le régime entier (droite). Les valeurs des paramètres utilisés sont les suivantes : ω0 = 3ωAC ,ω1 = ωAC et K−+(Ω) est normalisé par e∗IBω
20
Le premier graphe Fig. IV.4 présente le corrélateur moyenné des dérivées du courant K−+(Ω)
(voir Eq. (IV.54)) figurant dans l’expression de la mesure du bruit. Nous avons tracé le com-
portement dans deux régimes de l’effet Hall quantique : le régime entier (ν = 1) et le régime
fractionnaire avec un facteur de remplissage ν = 1/3, qui est le plateau le plus robuste et le
plus facile à atteindre expérimentalement.
Dans le cas ν = 1/3, nous obtenons des divergences pour K−+(Ω) localisées aux fréquences
ω0 et ω0± nωac. Le corrélateur est nul en Ω = 0 et semble devenir négligeable pour des valeurs
de fréquences supérieures à ω0 + 2ωac. Dans le cas de l’effet Hall entier, aucune divergence
n’apparaît dans le corrélateur K−+(Ω). Cepedant, la courbe exhibe des changements de pente,
des singularités apparaissent donc dans la dérivée à toutes les fréquences égales à ω0 ± nωac.
Nous avons donc également accès au corrélateur de courant moyenné K−+(Ω)/Ω2 car le terme
Ω2 dans K−+(Ω) est dû à la dérivée temporelle sur l’opérateur courant.
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50
1
2
3
4
5
6
WΩ0
K-+HWLW
2
Ν=13
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
WΩ0
K-+HWLW
2
Ν=1
Figure IV.5 – Corrélateur de courant moyenné (Les paramètres utilisés sont les mêmes que Fig. IV.5excepté le fait que K−+(Ω)/Ω2 est normalisé par e∗IB .)
Dans la figure IV.5, nous pouvons voir le comportement du corrélateur de courant moyenné
dans les deux régimes de l’effet Hall. Dans le cas fractionnaire, nous observons toujours des
divergences localisées aux mêmes fréquences que précédemment. Le fait que le bruit ne soit pas
égal à zero pour de faibles tensions est l’une des différences notables par rapport au corrélateur
des dérivées du courant. Si nous éliminons les pics satellites présents tout autour du pic central
dans cette courbe, nous retrouvons un résultat récemment publié dans la référence [86] où le
QPC est dans un régime fractionnaire et stationnaire. Dans le cas entier, nous observons des
sauts dans la dérivée pour les fréquences ω0 ± nωac, la courbe étant linéaire entre ces sauts de
dérivée. Le comportement du bruit d’excés est donc essentiellement le même que celui dans le
cas stationnaire, à savoir la décroissance linéaire du bruit jusqu’à Ω < ω0. Le seul changement
est l’annulation du bruit, non pas à Ω = ω0 mais à Ω = ω0 + ωAC . La normalisation des
courbes dans tout cette section est réalisée à l’aide du courant de rétrodiffusion à l’ordre (0)
dans l’amplitude ω1, correspondant au régime purement stationnaire [85].
I(0)B =
e∗Γ20
2π2a2Γ(2ν)
(
a
vF
)2ν
sgn(ω0) |ω0|2ν−1 . (IV.56)
3.3.2 Mesure du bruit photo-assisté
Les courbes obtenues pour le corrélateur moyenné de charge à temps égaux (en considérant
les quantités en excès) sont des graphes de l’expression suivante
au potentiel AC appliqué. Le couplage du détecteur à un environnement électromagnétique,
modélisé par un bain d’oscillateurs, lissait les anomalies. L’augmentation de la température du
détecteur permet, quant à elle, d’acquérir un bruit d’excès négatif.
Sachant que la tension AC donne naissance à des pics satellites aux fréquences ±ω0 + nωac,
nous pouvons distinguer deux limites : ω0 > ωac qui donnent lieu à un pic central entouré de ses
satellites, et ω0 < ωac où les satellites du pic central négatif sont présents dans le domaine de
fréquences positives. Ces deux situations sont susceptibles d’être réalisées expérimentalement.
De plus, nous pouvons faire apparaître ou même modifier l’amplitude des pics (centraux et
satellites) en jouant sur le rapport ω1/ωac. Ceci constituant un bouton de plus pour optimiser
la détection.
Les résultats précédents constituent un pas de plus vers la compréhension des aspects fon-
damentaux de la physique mésoscopique et plus précisemment de la détection en temps réel.
Ayant présenté des faiblesses, les méthodes de détections usuelles laissent désormais place à un
nouvel aspect de la recherche en physique mésoscopique, entrainant l’introduction de nouvelles
méthodes de détection à haute fréquence.
83
Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif
84
Deuxième partie
Transport dans les structures hybrides
85
Chapitre V
Introduction au transport non-local dans les
structures hybrides
Les structures hybrides sont des structures composées de matériaux de différentes natures
(métal normal, supraconducteur, ferromagnétique,...). Plus particulièrement, nous nous inté-
ressons ici aux structures hybrides construites à base de métal normal et de supraconducteur
uniquement. Lorsque celles-ci sont composées de plusieurs terminaux, elles permettent la dé-
couverte d’une physique nouvelle. La motivation première dans l’étude de telles structures
réside dans l’observation de paires d’électrons enchevêtrés séparés spatialement dans différents
terminaux. D’immenses perspectives nous sont ainsi offertes comme par exemple la réalisa-
tion de circuits électroniques manipulant l’intrication. Cependant, l’accomplissement de telles
expériences engendrent quelques difficultés, la première étant la réalisation et la compréhen-
sion du fonctionnement d’une source de paires d’électrons corrélés. Le contrôle de ces sources
reste ensuite un challenge important [87]. Cette partie aura pour objectif d’appréhender le
fonctionnement d’une source continue d’électrons corrélés réalisée à l’aide de matériaux supra-
conducteurs. En effet à l’interface entre un métal normal et un supraconducteur, les processus
d’Andreev permettent de créer des électrons enchevêtrés dans l’électrode normale [88]. De plus,
les structures à double interfaces métal normal/supraconducteur/métal normal (jonction NSN)
engendrent des processus d’Andreev non-locaux qui injectent des paires d’électrons enchevêtrés
dans deux électrodes normales séparées spatialement.
1 Réflexion d’Andreev
Le principe de la Réflexion d’Andreev "Directe" (DAR) est le suivant : un électron incident,
sur l’interface métal normal/supraconducteur, est dans l’impossibilité de traverser le supra-
87
Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides
Figure V.1 – Schéma du processus de réflexion d’Andreev "directe" : un électron est réfléchi en trou àl’interface entre un métal normal et un supraconducteur. La conservation de la charge est satisfaite par lacréation d’une paire de Cooper dans le supraconducteur.
Figure V.2 – Schéma du processus de Cotunneling Elastique dans une jonction NSN : un électron d’uneélectrode normale traverse le supraconducteur par effet tunnel (en créant une quasi-particule dans celui-ci)pour terminer sa course dans la deuxième électrode normale.
conducteur si son énergie ǫ est inférieure au gap de celui-ci. Cependant, l’électron peut être
rétroréfléchi sous forme de trou avec une énergie −ǫ. Afin de satisfaire la conservation de l’éner-
gie, la charge manquante 2e est absorbée dans le supraconducteur et une paire de Cooper est
formée (voir Fig. V.1). La réflexion d’Andreev peut également être vue comme l’injection de
deux électrons de spins et d’énergies opposés dans le supraconducteur, formant ainsi une paire
de Cooper. Ces deux électrons présents dans le métal normal, formant par la suite une paire
de Cooper, sont connus sous le nom de paire d’Andreev [89]. Notons que le processus inverse
existe : une paire de Cooper du supraconducteur peut être scindée pour créer une paire d’An-
dreev dans le métal normal.
Toutefois, des systèmes plus complexes font intervenir plusieurs jonctions NS (jonction NSN
par exemple). Dans de tels systèmes, d’autres processus comme le Cotunneling Elastique [90] et
la Réflexion d’Andreev Croisée ou non-locale [91, 92] rentrent en jeu. Le Cotunneling Elastique
(EC) est un processus simple qui transfère un électron d’une électrode normale vers la deuxième
V.2 Historique des travaux sur le transport non-local
Figure V.3 – Schéma du processus de réflexion d’Andreev croisée dans une jonction NSN : un électronincident sur la première interface est rétroréfléchi en trou au niveau de la seconde interface. La conservationde la charge est satisfaite par la création d’une paire de Cooper dans le supraconducteur.
électrode normale, traversant ainsi le supraconducteur par effet tunnel via un processus virtuel
d’excitation de quasi-particule (voir Fig. V.2). Aucune paire de Cooper n’est mise en jeu dans
un tel processus.
La Réflexion d’Andreev Croisée ou non-locale (CAR) est présente quand deux électrodes
normales forment deux jonctions NS séparées (par hypothèse, la séparation entre ces deux
électrodes doit être plus petite que la longueur de cohérence du supraconducteur). Dans un
tel système, la rétroréflexion d’un trou provenant du processus de réflexion d’Andreev directe
(résultant de l’incidence d’un électron avec énergie inférieure au gap supraconducteur sur une
des électrodes normales) se produit sur la seconde électrode normale avec création d’une paire
de Cooper dans le supraconducteur (voir Fig. V.3). Il est nécessaire que des électrons de spins et
d’énergies opposés existent dans chacune des électrodes normales pour permettre ce processus.
Une image alternative de celui-ci est la suivante : un électron de spin s et d’énergie ǫ d’une
électrode normale rentre dans le supraconducteur. Dans le même temps, c’est un électron de
spin opposé et d’énergie −ǫ qui est injecté dans le supraconducteur à partir de la deuxième
électrode. Ces deux électrons ainsi injectés forment une paire de Cooper. Le processus inverse
est également possible : une paire de Cooper est scindée pour injecter des électrons corrélés
dans les électrodes de chaque côté du supraconducteur.
2 Historique des travaux sur le transport non-local
La manipulation des électrons corrélés a connu un franc succès dans les années 2000 tant
au niveau expérimental que théorique. Les précurseurs dans le domaine de l’intrication ont mis
sur pieds plusieurs théories permettant la séparation de paires de Cooper soit par filtrage de
spin, soit par sélection de l’énergie de sortie. Les premiers furent Byers et Flatté [91] qui ont
mis en évidence les effets non-locaux en calculant le courant tunnel entre un supraconducteur
V.2 Historique des travaux sur le transport non-local
Figure V.6 – Expérience proposée par Recher, Sukhorukhov et Loss [96] : deux points quantiques reliésà un supraconducteur, chacun d’entre eux étant reliès ultérieurement à des électrodes normales.
[96] ont ensuite proposé une géométrie suivant laquelle deux points quantiques sont reliés à un
supraconducteur (voir Fig. V.6). Ces points quantiques étant eux-mêmes reliés à des électrodes
en métal normal. La séparation des paires de Cooper se fait naturellement par le transfert des
électrons sur chacun des points quantiques, finissant ainsi leurs courses dans l’une et l’autre des
branches normales.
Figure V.7 – Expérience proposée par Lesovik, Martin et Blatter [87] : une électrode supraconductricereliée à un bras normal se séparant en deux. Différents types de filtres : filtrage par énergie de sortie (gauche)et filtrage par spin (droite).
Citons finalement la géométrie proposée par Lesovik, Martin et Blatter [87] permettant la
fabrication d’électrons enchevêtrés (voir Fig. V.7). Tous trois proposèrent de relier une électrode
supraconductrice à un métal normal se séparant en deux bras. De cette manière, les paires sont
injectées dans le bras normal. Puis, suivant la géométrie du guide et les filtres placés sur les
bras, la séparation des électrons intriqués est réalisée soit par filtrage de spin, soit par sélection
de l’énergie de sortie. Les auteurs suggèrent de mesurer les corrélations croisées entre les deux
bras en métal normal. Depuis, le processus de CAR a été largement étudié dans des géométries
aussi diverses que variées. Beaucoup de travaux théoriques sont axés sur l’effet de la distance
d’injection des électrons dans le supraconducteur [90, 97–102]. D’autres considèrent des struc-
Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides
Figure V.8 – Vue d’artiste de l’expérience faite par les groupes de T. Kontos et C. Schönenberger :Nanotube de carbone (nanofil) relié à deux électrodes normales et une supraconductrice : deux pointsquantiques sont ainsi générés. Les tensions de grille sont ajustées pour permettre la modulation des niveauxd’énergie de chacun des points quantiques.
tures hybrides où les électrodes normales sont remplacées par des métaux ferromagnétiques ou
des semi-métaux [92, 103–105], des semiconducteurs [106] ou même des liquides de Luttinger
[107, 108]. Plus récemment, les effets de l’interaction Coulombienne ont été étudiés dans cer-
tains de ces systèmes [109, 110].
L’interêt porté par les théoriciens à toutes ces techniques de séparation de paires de Cooper
a permis la mise en place de certaines expériences directement reliées aux théories proposées. La
première d’entre elles, utilisant la géométrie de Deutscher et Feinberg, fut réalisée par Beckman,
Weber et Von Löhneysen [111]. Ils mesurèrent une résistance non-locale dans le supraconduc-
teur dépendante du spin et de la distance entre les deux points d’injection dans celui-ci. Les
prédictions de Falci, Feinberg et Hekking [90], concernant l’effet de la distance et de l’orientation
des spins dans les électrodes, furent consistantes avec ces mesures. Notons également l’expé-
rience de Russo, Kroug, Klapwijk et Morpurgo [112] qui utilisèrent une géométrie similaire en
considérant une tricouche métal normal/supraconducteur/métal normal. Cadden-Zimansky et
Chandrasekhar [113] utilisèrent, quant à eux, une électrode supraconductrice couplée à une
multitude d’électrodes en métal normal afin de faire varier facilement la distance entre celles-ci
en activant les électrodes voulues. De ce fait, la compréhension de la compétition entre le EC
et le CAR en fonction de la distance d’injection est facilitée.
Récemment, deux expériences relativement similaires ont vu le jour. L’une du groupe de T.
Kontos [114] et l’autre de C. Schönenberger [115]. La géométrie du groupe de T. Kontos est la
suivante : un nanotube de carbone est connecté à ses extrémités à deux électrodes normales
et en son milieu à une électrode supraconductrice. Deux points quantiques sont ainsi générés
V.2 Historique des travaux sur le transport non-local
entre les différentes électrodes (voir Fig. V.8). L’ajout de tension de grille permet de moduler
le niveau d’énergie des points quantiques. Les expérimentateurs mesurent la conductance diffé-
rentielle pour mettre en avant la séparation des paires de Cooper. De plus, ils discutent l’effet
de la présence d’interaction Coulombienne qui favorise le processus de CAR. L’expérience de C.
Schönenberger utilise la même géométrie excepté le fait que le nanotube de carbone est remplacé
par un nanofil. De manière analogue, les expérimentateurs mesurent la conductance différen-
tielle pour mettre en avant la séparation des paires de Cooper, attirant toutefois notre attention
sur l’effet de la distance de séparation entre les deux points d’injection dans le supraconducteur.
Les mesures de courant ne sont pas les seules mesures nous permettant d’obtenir des infor-
mations sur les processus non locaux. Le bruit grenaille (shot noise) permet également d’obtenir
des informations complémentaires pertinentes [16]. Plus particulièrement, les corrélations croi-
sées permettent l’acquisition d’informations cruciales sur la statistique des porteurs de charge.
En effet, selon le principe de Pauli, les corrélations croisées sont toujours négatives dans des
structures multiterminales [6, 7]. Cependant, en utilisant une source supraconductrice émet-
tant des paires d’Andreev dans une structure multiterminale, les corrélations croisées peuvent
devenir positives en raison de la propagation des électrons d’une paire de Cooper dans deux
bras différents [5, 26, 94, 97, 116–119].
Nous consacrerons ainsi le chapitre suivant à l’étude du transport dans les structures hy-
brides. Basé sur la géométrie de [114] et [115], nous allons étudier de manière théorique un
nanotube de carbone relié par ses extrémités à des électrodes en métal normal et en son milieu
à une électrode supraconductrice (voir Fig. V.8). L’objectif principal étant d’étudier les proprié-
tés du transport non-local. En vue d’obtenir des mesures robustes, les courants de branchement
et les corrélations croisées à fréquence nulle seront étudiés en détails. Les deux points quan-
tiques étant de plus générés dans un nanotube de carbone, ceci permet aux électrons d’être
transférés par effet tunnel directement d’un point quantique à l’autre. Cet effet entraîne de
lourdes conséquences sur les propriétés du transport et sera donc un volet supplémentaire à
notre étude.
93
Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides
94
Chapitre VI
Double point quantique utilisé pour la
séparation des électrons d’une paire de Cooper
1 Présentation du modèle
Cette partie sera consacrée à l’introduction des hamiltoniens décrivant le système du double
point quantique. De manière pédagogique, et afin de se familiariser avec les notations, commen-
çons par une présentation du formalisme à un point quantique relié à deux électrodes normales
et une supraconductrice [120–122].
1.1 Formalisme à un point quantique
1.1.1 Expression des hamiltoniens
Nous considérons un point quantique avec un seul niveau d’énergie ǫ, couplé à deux élec-
trodes normales et une supraconductrice (avec gap supraconducteur ∆) via les amplitudes
tunnel tj (j = L,R, S) (voir Fig. VI.1).
La tension appliquée sur l’électrode de gauche (droite) est notée VL(VR) ; le potentiel chi-
mique de l’électrode supraconductrice est mis à zero (VS = 0). Pour faciliter la lecture des
expressions, nous travaillerons avec ~ = e = 1. L’hamiltonien total du système s’écrit
H = HD +∑
j
Hj +HT (t) , (VI.1)
où l’hamiltonien du point quantique est donné par
HD = ǫ∑
σ=↑,↓d†σdσ. (VI.2)
95
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
Figure VI.1 – Point quantique unique couplé à des électrodes normales et supraconductrice où tL/R(tS)sont respectivement les amplitudes tunnel entre le point quantique et les électrodes normales (supracon-ductrice).
Les hamiltoniens des électrodes sont exprimés en termes des spineurs de Nambu
Hj =∑
k
Ψ†jk (ξk σz + ∆j σx) Ψjk, (VI.3)
avec σz, σx les matrices de Pauli dans l’espace de Nambu et
Ψjk =
ψjk,↑
ψ†j(−k),↓
avec ξk =k2
2m− µ . (VI.4)
Pour des électrodes normales, le gap supraconducteur ∆j est zero. L’hamiltonien tunnel,
responsable du transfert des électrons entre les électrodes et le point quantique s’écrit
HT (t) =∑
jk
Ψ†jk Tj(t) d+ h.c. , (VI.5)
où le spineur de Nambu des électrons du point quantique est
d =
d↑
d†↓
. (VI.6)
La dépendance en tension est inclue dans l’amplitude tunnel grâce à la substitution de
où gj et ΣT sont des matrices respectivement dans l’espace de "Nambu-Keldysh" et "Nambu-
Keldysh-Dot". Chaque élément Σjαβ(t1− t2) de la matrice self-énergie (VI.26) dans l’espace des
points quantiques peut être obtenu à partir de (VI.18) en remplaçant Γj par Γjαβ = πν(0)tjαtjβ.
2 Courants de branchement et corrélations croisées
Abordons maintenant la dérivation des expressions des courants de branchement et des
corrélations croisées en termes des fonctions de Green des électrons et de la self-énergie tunnel
que nous venons de calculer.
2.1 Courants de branchement
Le courant provenant du point quantique α entrant dans l’électrode j s’écrit
Ijα(t) = i∑
k
Ψ†jkσzTjα(t)dα + h.c. . (VI.27)
Le courant moyen est indépendant de la branche Keldysh sur laquelle le calcul est réalisé. Par
conséquent, l’expression de celui-ci est donnée par la combinaison 〈Ijα〉 = 〈Ijα(t+) + Ijα(t−)〉 /2où t± est le temps sur la branche supérieure/inférieure du contour. L’introduction d’un champ
auxiliaire ηjα(t), apparaissant dans l’amplitude tunnel comme Tjα(t)→ Tjα(t)eiτz⊗σzηjα(t)/2, est
nécessaire à l’obtention des expressions souhaitées. Le courant moyen entre le point quantique
α et l’électrode j peut maintenant être calculé comme la dérivée première de la fonction de
partition
〈Ijα〉 = i1
Z[0]δZ [η]δηjα(t)
∣
∣
∣
∣
∣
η=0
, (VI.28)
où Z[η] = 〈S(∞, η)〉0 et S(∞, η) est l’opérateur d’évolution en présence du champ auxiliaire.
Nous obtenons ainsi le résultat
101
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
〈Ijα〉 =12
Tr
(τz ⊗ σz)∫ +∞
−∞dt′(
G(t, t′)Σj(t′, t)− Σj(t, t′)G(t′, t))
αα
, (VI.29)
où "Tr" correspond à la trace dans l’espace de "Nambu-Keldysh". En passant dans la base
"RAK", le courant moyen peut être réexprimé en termes des fonctions de Green avançée, retardée
et Keldysh comme
〈Ijα〉 =12
tr
σz
∫ +∞
−∞dt′(
GR(t, t′)ΣKj (t′, t) + GK(t, t′)ΣAj (t′, t)
− ΣRj (t, t′)GK(t′, t)− ΣKj (t, t′)GA(t′, t))
αα
, (VI.30)
où "tr" correspond, cette fois-ci, à la trace dans l’espace de "Nambu". La self-énergie Σj peut être
obtenue à partir des résultats de la section précédente. Toutefois, la fonction de Green G reste
à déterminer. Pour ce faire, nous utilisons l’équation de Dyson en fréquence, nous permettant
ainsi d’obtenir cette fonction de Green G dans la base "RAK"
GR/A(ω)−1 = GR/A0 (ω)−1 − ΣR/AT (ω), (VI.31)
GK(ω) = GK0 (ω) + GR(ω)ΣKT (ω)GA(ω), (VI.32)
avec
GR/A0 (ω)−1 =
ω1− ǫ1σz −tdσz−tdσz ω1− ǫ2σz
, (VI.33)
GK0 (ω) = 0. (VI.34)
En prenant la transformée de Fourier de cette fonction, le courant se réécrit comme
〈Ijα〉 = tr
σz
+∞∫
−∞
dω
2πRe
[(
GR(ω)ΣKj (ω) + GK(ω)ΣAj (ω))
αα
]
, (VI.35)
où nous avons utilisé les propriétés selon lesquelles les composantes Keldysh sont anti-hermitiennes
et les composantes avançées et retardées sont hermitiennes conjuguées l’une de l’autre. Nous
102
VI.2 Courants de branchement et corrélations croisées
pouvons maintenant calculer le courant en utilisant les équations de Dyson (VI.31)-(VI.32) et
les composantes de la self-énergie associées au transfert par effet tunnel, s’écrivant en fréquence
ΣA/RL (ω) = ±i
ΓL11 0
0 0
⊗ 1 , (VI.36)
ΣA/RR (ω) = ±i
0 0
0 ΓR22
⊗ 1, (VI.37)
ΣA/RS (ω) = XA/RS (ω)
ΓS11 ΓS12
ΓS21 ΓS22
⊗
1 −∆ω
−∆ω
1
, (VI.38)
ΣKL (ω) = −2i
ΓL11 0
0 0
⊗
tanh(
β(ω−VL)2
)
0
0 tanh(
β(ω+VL)2
)
, (VI.39)
ΣKR (ω) = −2i
0 0
0 ΓR22
⊗
tanh(
β(ω−VR)2
)
0
0 tanh(
β(ω+VR)2
)
, (VI.40)
ΣKS (ω) = XKS (ω)
ΓS11 ΓS12
ΓS21 ΓS22
⊗
1 −∆ω
−∆ω
1
, (VI.41)
où nous avons étudié le cas VS = 0, ce qui nous permet la simplification de ΣS. De plus, nous
avons introduit
XA/RS (ω) = −Θ(∆− |ω|)ω√
∆2 − ω2± iΘ(|ω| −∆) |ω|√
ω2 −∆2, (VI.42)
XKS (ω) = −2iΘ(|ω| −∆) |ω|√
ω2 −∆2tanh
(
βω
2
)
. (VI.43)
2.2 Corrélations croisées
Nous suivons une approche similaire à celle développée pour le calcul du courant. Les cor-
rélations croisées mettent en jeu deux opérateurs courants evalués à des temps différents qui
ne commutent généralement pas. Habituellement, la procédure de mesure dicte la combinaison
du corrélateur de courant mise en jeu dans l’expression du bruit mesuré [67, 69, 71, 79]. Pour
cette raison, nous avons besoin d’obtenir le corrélateur non-symétrisé. Nous introduisons donc
une fonction de partition Z[η] = 〈S(∞, η)〉0, qui dépend cette fois du champ auxiliaire ηjαs(t),
où j = L,R, S correspond aux différentes électrodes, α = 1, 2 aux deux points quantiques et
s = ± aux deux branches du contour Keldysh. Ce nouveau champ auxiliaire est introduit dans
103
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
l’amplitude tunnel de la manière suivante
Tjα → Tjαe∑
siπs⊗σzηjαs(t), (VI.44)
où les matrices π dans l’espace Keldysh ont été introduites
π+ =
1 0
0 0
, π− =
0 0
0 −1
. (VI.45)
Les corrélations croisées peuvent dès à présent être calculées en prenant la dérivée seconde
de la fonction de partition par rapport aux champs auxiliaires
⟨
I−iα(t)I+jβ(t
′)⟩
= − 1Z[0]
δ2Z[η]δηiα−(t)δηjβ+(t′)
∣
∣
∣
∣
∣
η→0
. (VI.46)
En effectuant cette double dérivée, la fonction de corrélation courant-courant devient
⟨
I−iα(t)I+jβ(t
′)⟩
=∫
dt1dt2∑
γδss′
∑
σ1σ2σ′1σ′2
σ1σ′1
×
Σ−si,αγσ1σ2(t, t1)Σ+s′
j,βδσ′1σ′2(t′, t2)Kss
′−+γδαβσ2σ′2σ1σ′1
(t1, t2, t, t′)
− Σ−si,αγσ1σ2(t, t1)Σs
′+j,δβσ′2σ
′1(t2, t′)Ks+−s
′γβαδσ2σ′1σ1σ′2
(t1, t′, t, t2)
− Σs−i,γασ2σ1(t1, t)Σ+s′
j,βδσ′σ′2(t′, t2)K−s
′s+αδγβσ1σ′2σ2σ′1
(t, t2, t1, t′)
+ Σs−i,γασ2σ1(t1, t)Σs
′+j,δβσ′2σ
′1(t2, t′)K−+ss′
αβγδσ1σ′1σ2σ′2
(t, t′, t1, t2)
, (VI.47)
où
Ks1s2s3s4α1α2α3α4σ1σ2σ3σ4
(t1, t2, t3, t4) = −⟨
TC
ds1α1σ1(t
1)ds2α2σ2
(t2)d†s3α3σ3(t3)d†s4α4σ4
(t4)⟩
(VI.48)
est la fonction de Green à deux particules des électrons du point quantique et Σs1s2j,α1α2σ1σ2(t1, t2)
est l’élement de la matrice de la self-énergie associée au transfert par effet tunnel avec l’élec-
trode j. Dans le cas général où l’interaction Coulombienne est prise en compte sur les points
quantiques, la fonction de Green à deux particules peut être exprimée en termes des fonctions
de Green à une particule habillées par les interactions G et du vertex d’interaction Γ
104
VI.2 Courants de branchement et corrélations croisées
Après rotation de la base Keldysh, puis en prenant la transformée de Fourier de l’expression
(VI.51), la partie irréductible du corrélateur courant-courant en fréquence est
Siα,jβ(ω) = −12
Re+∞∫
−∞
dω′
2π
× tr
σz(
ΣKi GA + ΣRi G
K − ΣAi GA + ΣRi G
R)αβ
ω′σz(
ΣKj GA + ΣRj G
K + ΣAj GA − ΣRj G
R)βα
ω+ω′
−σz(
ΣRi GRΣKj + ΣKi G
AΣAj + ΣRi GKΣAj − ΣAi G
AΣAj + ΣRi GRΣRj
)αβ
ω′σz(
GK + GA − GR)βα
ω+ω′
.
(VI.52)
105
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
3 Résultats et discussions
Analysons à présent les résultats de ce chapitre. Le but de cette analyse étant d’une part de
comprendre quelle configuration optimise quel processus, mais également d’appréhender l’effet
du transfert direct par effet tunnel entre les deux points quantiques. Pour ce faire, nous allons
dans un premier temps étudier plusieurs configurations dans lesquelles le transfert direct par
effet tunnel entre les points quantiques est absent, démarche qui va nous permettre de connaître
les configurations favorisant chaque processus. Dans un deuxième temps, nous allons ouvrir le
canal entre les deux points quantiques afin d’étudier son influence sur les différents processus.
3.1 Transport en l’absence de transfert direct par effet tunnel entre
les deux points quantiques
Nous allons observer deux situations : le cas anti-symétrique, situation pour laquelle les ni-
veaux d’énergie des deux points quantiques ont des positions opposées (par rapport au potentiel
chimique du supraconducteur VS = 0) et le cas symétrique pour lequel les niveaux d’énergie
sont les mêmes. Toutes les échelles d’énergies dans les parties qui suivent sont en unités de ∆
et comprises dans le gap. Pour toute la description, nous nous plaçons dans le régime de basse
température (β ≫ 1/∆), la seule contribution de la température étant de lisser le signal.
La configuration de notre système permet à un ou plusieurs des processus présentés dans
le chapitre (V) de se produire. Tout l’enjeu de l’étude est de repérer quelle configuration va
faciliter quel processus.
3.1.1 Cas anti-symétrique
Concentrons nous sur le cas anti-symétrique où les deux niveaux d’énergie des points quan-
tiques sont opposés par rapport au potentiel chimique du supraconducteur. L’étude de cette
configuration nécessite de fixer la tension de l’électrode de droite en dessous de toutes les
résonances et de faire varier la tension de l’électrode de gauche comme le montre la figure VI.3.
La figure VI.4 présente les courants de branchement circulant dans les deux électrodes nor-
males (IL1 est le courant entre le point quantique 1 et l’électrode normale de gauche et IR2 est
le courant entre le point quantique 2 et celle de droite). Nous pouvons voir qu’avec une tension
inférieure à ǫ1 (le niveau d’énergie du premier point quantique), les deux courants ont le même
signe et essentiellement la même amplitude (les courants qui entrent dans les électrodes sont
positifs selon nos conventions). Nous observons tout de même une légère deviation entre-eux
autour de VL = ǫ2. Pour des tensions supérieures à ǫ1, les courants ont une faible mais compa-
106
VI.3 Résultats et discussions
Figure VI.3 – Cas anti-symétrique : les niveaux d’énergie des points quantiques sont opposés par rapportau potentiel chimique du supraconducteur. La tension de l’électrode de droite VR est fixée en dessous detoutes les résonances et nous faisons varier la tension de l’électrode de gauche VL.
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
-0.08
-0.06
-0.04
-0.02
Currents
IR2
IL1
Figure VI.4 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.
rable amplitude, par contre, leurs signes sont opposés.
L’explication physique de ces courbes passent obligatoirement par l’analyse de la densité
d’états des différents points quantiques :
ρα =1π
Im(GA)↑↑αα , (VI.53)
où α = 1, 2 et l’indice ” ↑↑ αα” correspond à la composante ↑↑ dans l’espace Nambu et αα dans
l’espace des points quantiques. ρ1 est présenté dans la figure VI.5. Cette densité d’état contient
un grand double pic à ǫ1, et un pic avec une amplitude beaucoup plus modérée à −ǫ1 = ǫ2, qui
est essentiellement due aux effets de proximité avec l’électrode supraconductrice. Dans cette
situation, ρ2 est exactement le symétrique de ρ1 par rapport à l’axe ω = 0, raison pour laquelle
nous ne l’avons pas montrée ici. Les électrons peuvent donc être transferés par effet tunnel
à travers les deux résonances de la même électrode, ce qui explique la présence du processus
gauche. Les seuls processus autorisés sont le EC et le DAR. Le processus DAR, à partir de
l’électrode de gauche, injecte des paires de Cooper dans le supraconducteur, puis des paires de
Cooper sont détruites dans le supraconducteur pour injecter deux électrons d’énergies et spins
opposés dans l’électrode de droite. Le processus de EC contribue en transférant des électrons de
l’électrode de gauche vers celle de droite via le supraconducteur. L’amplitude de ces courants
est réduite car DAR et EC requièrent le passage à travers une faible résonance de ρ1 et/ou ρ2.
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
0.002
0.004
0.006
0.008
SL1,R2H0L
Figure VI.6 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires) enfonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour les mêmes valeurs de paramètres que la figure VI.4.
La confirmation de nos observations est rendue possible par l’étude des corrélations croisées
à fréquence nulle entre les courants de branchement IL1 et IR2 (voir Fig. VI.6). Les corrélations
croisées sont positives jusqu’à ǫ1, puis s’estompent fortement pour devenir négatives. La légère
structure présente à −ǫ1 et le double pic à ǫ1 ont respectivement pour origine la faible résonance
et le double pic de la large résonance dans la densité d’état. Pour des tensions plus grandes que
ǫ1, les corrélations sont légèrement négatives, ce qui est en accord avec la faible amplitude des
courants associés.
L’interprétation physique de ces résultats est assez simple. Quand la tension est plus faible
que ǫ1, le processus dominant est le CAR et les corrélations croisées sont positives car les
deux électrons d’une même paire de Cooper sont scindés et finissent chacun dans une électrode
normale. Toutefois, quand la tension est plus forte que ǫ1, le processus dominant est le EC
et les corrélations sont négatives. Un électron est injecté de l’électrode de gauche, traverse le
supraconducteur en créant une quasi-particule puis, entre dans l’électrode de droite. Insistons
sur le fait que DAR ne contribue pas aux corrélations croisées car les deux paires de Cooper
injectées de chaque côté du supraconducteur sont indépendantes.
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
3.1.2 Cas symétrique
Concentrons nous désormais sur le cas symétrique où les niveaux d’énergie des points quan-
tiques sont les mêmes (voir Fig. VI.7). Comme dans le cas précédent, la tension de l’électrode
de droite VR est fixée en dessous de toutes les résonances et nous faisons varier la tension de
celle de gauche VL.
Figure VI.7 – Cas symétrique : les niveaux d’énergie des deux points quantiques sont identiques. Latension de l’électrode de droite VR est fixée en dessous de toutes les résonances et nous faisons varier latension de celle de gauche VL.
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
-0.02
-0.01
0.01
0.02
Currents
IR2
IL1
Figure VI.8 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.
Dans la figure VI.8, nous étudions les courants de branchement. Contrairement au cas anti-
symétrique, les deux courants ont une faible amplitude lorsque VL est inférieure à ǫ1. Celle-ci
augmente fortement par la suite. Précisément, les deux courants sont négatifs et similaires pour
VL inférieure à −ǫ1. Puis, dans l’intervalle [−ǫ1, ǫ1], ils sont toujours négatifs mais dévient lé-
gèrement l’un de l’autre. Lorsque VL > ǫ1, ils ont des signes opposés et leurs amplitudes sont
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
-0.008
-0.006
-0.004
-0.002
SL1,R2H0L
Figure VI.10 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires)en fonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour les mêmes valeurs de paramètres que dans lefigure VI.8.
Dans la figure VI.10, nous étudions les corrélations croisées à fréquence nulle entre les
courants de branchement IL1 et IR2. Ces corrélations sont positives avec une faible amplitude
en dessous ǫ1, puis deviennent négatives avec une grande amplitude.
Quand la tension est plus faible que ǫ1, le processus dominant est le CAR et les corrélations
croisées sont positives. L’explication est similaire à celle fournie dans le cas anti-symétrique.
L’amplitude réduite des corrélations croisées peut s’expliquer par le fait que les électrons doivent
être transférés à travers une faible résonance. La structure à VL = −ǫ1 correspond à l’entrée en
jeu du processus de EC. Lorsque VL > ǫ1, le processus dominant est le EC et les corrélations
croisées sont négatives. En effet, les électrons peuvent passer à travers les deux larges résonances
des points quantiques, ce qui explique la grande amplitude du signal dans ce régime. Comme
précédemment, les courants générés par DAR ne contribuent pas aux corrélations croisées car
les paires de Cooper injectées de chaque côté du supraconducteur sont totalement indépen-
dantes.
En résumé, nous pouvons d’une part dire que le régime de cotunneling élastique est favorisé
lorsque les niveaux d’énergie des points quantiques sont les mêmes (cas symétrique). La réflexion
d’Andreev croisée, quant à elle, est facilitée lorsque les niveaux d’energie des points quantiques
sont opposés (cas anti-symétrique). Par la suite, nous allons nous intéresser à l’effet du transfert
direct par effet tunnel entre les deux points quantiques ("tunneling direct"). Ce dernier étant
pertinent du point de vue des expériences récémment effectuées [114, 115].
3.2 Transport en présence de transfert direct par effet tunnel entre
les deux points quantiques
Comme nous l’avons expliqué précédemment, le transfert direct par effet tunnel apparaît
car les deux points quantiques sont générés dans le même nanotube de carbone. Cet effet,
effectivement présent dans les expériences récemment réalisées [114, 115], a des conséquences
importantes sur les propriétés du transport. Pour cette raison, nous consacrons ici une partie
à son étude.
3.2.1 Cas anti-symétrique
Le principal effet associé au transfert direct par effet tunnel entre les points quantiques est
la modification de leurs densités d’états. Dans la figure VI.11, nous pouvons voir que le poids
de la faible résonance est augmenté de façon significative. La large résonance, quant à elle,
acquiert une structure en double pic asymétrique qui disparait pour des valeurs relativement
grandes de l’amplitude de transfert direct par effet tunnel ("tunneling direct").
-1.0 -0.5 0.5 1.0Ω
1
2
3
4
5
Ρ1
td=0.7
td=0.5
td=0.2
Figure VI.11 – Densité d’état du premier point quantique (unités arbitraires) pour différentes valeursde l’amplitude de transfert direct par effet tunnel entre les deux points quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5,tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.
Les courants de branchement sont étudiés dans la figure VI.12. Pour VL < ǫ2, les deux cou-
rants sont négatifs avec une amplitude appréciable associée au régime de CAR. Contrairement
à la partie 3, les courants ont des amplitudes différentes (IR2 > IL1). Ceci s’explique par l’entrée
en jeu de deux processus différents. Tout d’abord, la présence de "tunneling direct" entre les
points quantiques permet le transfert des électrons de l’électrode de droite vers celle de gauche
sans passer par le supraconducteur. Puis, la petite résonance ayant pris du poids, le EC est
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
-0.08
-0.06
-0.04
-0.02
0.02
Currents
IR2
IL1
Figure VI.12 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2, tL2 = tR1 = 0 etl’amplitude de transfert direct entre les deux points quantiques td = 0.2.
maintenant autorisé du deuxième point quantique vers le premier. De plus, nous avons toujours
la possibilité d’injecter des électrons dans les électrodes normales grâce au processus de DAR.
Lorsque VL est au delà de ǫ2, CAR est toujours dominant mais les courants se croisent
(IL1 > IR2) car le EC et le "tunneling direct" se produisent désormais du premier point quantique
vers le second. La différence IL1−IR2 est plus importante que dans le cas sans "tunneling direct"
car les faibles résonances ont maintenant un poids non négligeables.
Finalement, pour VL > ǫ1, le CAR est supprimé. Dans ce régime, les processus principaux
sont le EC et le "tunneling direct" du premier point quantique vers le deuxième. De plus, le
DAR de l’électrode de gauche vers le supraconducteur puis du supraconducteur vers l’électrode
de droite est omniprésent. L’augmentation de la différence IL1 − IR2 a la même origine que
précédemment.
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
-0.010
-0.005
0.005
0.010SL1,R2H0L
td=0.7
td=0.5
td=0.2
td=0
Figure VI.13 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires) enfonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour différentes valeurs du transfert direct entre les deuxpoints quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.
Nous pouvons encore discuter des structures provenant des résonances de la densité d’état
à ±ǫ1. La large résonance a une structure en double pic qui disparait quand td est suffisamment
grand. Ceci constitue l’explication du double pic présent dans les corrélations croisées à la
tension VL = ǫ1, qui est lissée pour de fortes amplitudes td. Dans le même temps, pour des
amplitudes intermédiaires de l’orde de td = 0.2, la structure en double pic de la faible résonance
entraine la présence d’une structure similaire dans les corrélations croisées à VL = −ǫ1. De part
l’augmentation de td, un pic dans les corrélations autour de VL = −ǫ1 est généré : ce pic est
décalé vers VL < −ǫ1 en accord avec le décalage en énergie qui est observé dans la densité d’état.
Ce pic est le dernier bastion des corrélations positives lors de l’augmentation de l’amplitude de
"tunneling direct".
3.2.2 Cas symétrique
Les densités d’état sont drastiquement modifiées par la présence de ce transfert direct par
effet tunnel entre les deux points quantiques (voir Fig. VI.14). Désormais, la densité d’état
contient un double pic à des énergies centrées autour de ǫ1 (un pseudo-gap est donc créé).
L’augmentation de cette amplitude entraine la séparation de plus en plus prononcée de ces
deux pics.
Les courants de branchement sont étudiés dans la figure VI.15. Avec td = 0.2, les courants
IL1 et IR2 sont négatifs pour des tensions inférieures à 0, ce qui est symptomatique de la sup-
pression des processus de CAR et DAR. Leurs amplitudes sont drastiquement réduites à cause
de l’absence de poids dans la densité d’état à des valeurs négatives d’énergie. Lorsque VL > 0,
les deux courants acquièrent des signes opposés et nous observons deux paliers correspondant
aux passages des doubles pics. Cette situation correspond donc au cas où seuls les processus de
115
Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper
-1.0 -0.5 0.5 1.0Ω
1
2
3
4
Ρ1
td=0.7
td=0.5
td=0.2
Figure VI.14 – Densité d’état du premier point quantique (unités arbitraires) pour différentes valeursde l’amplitude de transfert direct par effet tunnel entre les deux points quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5,tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.
-1.0 -0.5 0.5 1.0VL
-0.15
-0.10
-0.05
0.05
0.10
0.15Currents
IR2
IL1
Figure VI.15 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2, tL2 = tR1 = 0 etl’amplitude directe entre les points quantiques td = 0.2.
EC et de "tunneling direct" contribuent.
Les corrélations croisées sont étudiées dans la figure VI.16 pour différentes valeurs de l’ampli-
tude tunnel entre les deux points quantiques. Avec td = 0.2, le signe est positif mais quasiment
nul pour VL < 0. Conséquence directe de l’absence de poids dans la densité d’état à des valeurs
négatives d’énergie. Contrairement au cas sans couplage direct où le crossover entre les régimes
de CAR et EC se situait aux alentours de VL = ǫ1, celui-ci arrive désormais lorsque VL = 0. Les
corrélations croisées acquièrent une amplitude appréciable quand la tension VL est augmentée.
Nous pouvons également voir la signature de la densité d’état dans le sens où nous observons
un double palier correspondant au double pic (VL = 0.3 et VL = 0.7 pour td = 0.2 par exemple).
Pour des amplitudes de "tunneling direct" importantes, le crossover se produit à des énergies
de plus en plus faibles car les densités d’états des deux points quantiques acquièrent des pics à
Figure VI.16 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires)en fonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour différentes valeurs de l’amplitude de transfertdirect entre les deux points quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2et tL2 = tR1 = 0.
des énergies négatives.
3.3 Conclusion
Nous avons établi une expression générale pour les courants de branchement en termes des
fonctions de Green des électrons à une particule (habillées par le couplage avec les électrodes)
dans le même esprit que la formule de Fisher-Lee [123] mais pour une jonction hybride. De la
même manière, le bruit (plus particulièrement les corrélations croisées) a été exprimé à l’aide
des fonctions de Green à deux particules. Ce second résultat correspond à une extension de
la formule de Fisher-Lee/Landauer-Büttiker pour le bruit. Les interactions sur le point quan-
tique (Coulomb, électron-phonon,...) peuvent être incluses dans les expressions de ces fonctions
de Green à deux particules. Nous étudions ici un système sans interaction, ce qui permet de
réécrire ces fonctions de Green à deux particules en termes des fonctions de Green à une par-
ticule. Les courants de branchement et les corrélations croisées sont ainsi obtenus en résolvant
l’équation de Dyson. Toutes les échelles d’énergies sont contenues dans le gap supraconducteur,
correspondant au régime où la séparation des paires de Cooper par DAR/CAR est correctement
comprise. Face au large choix de paramètres pouvant être modulés (tension, niveaux d’énergie,
largeur de résonance,...), nous avons dû nous focaliser sur certains régimes de fonctionnement.
Nous nous sommes donc arrêtés sur deux de ces régimes : le cas anti-symétrique (les niveaux
d’énergie des deux points quantiques sont opposés par rapport au potentiel chimique du supra-
conducteur) et le cas symétrique (les deux niveaux ont la même énergie). La compréhension des
données obtenues pour les courants et les corrélations passent par l’analyse de la densité d’état
de chacun des points quantiques. Les effets de proximité dus à la présence du supraconducteur