Institut de formation en SERVAJEAN Laura Soins Infirmiers de Savoie De l’hypnose dans les soins infirmiers : Un outil supplémentaire pour faire face à la douleur. Mémoire de fin d’étude présenté en vue de la validation de l’U.I 5.6 S6. U.E 5.6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles. Renée Rauchalles – Animato Guidant : Carine SENE Promotion 2015 7 mai 2015
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Institut de formation en SERVAJEAN Laura
Soins Infirmiers de Savoie
De l’hypnose dans les soins infirmiers : Un outil
supplémentaire pour faire face à la douleur.
Mémoire de fin d’étude présenté en vue de la validation de l’U.I 5.6 S6.
U.E 5.6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles.
Renée Rauchalles – Animato
Guidant : Carine SENE
Promotion 2015 7 mai 2015
Remerciements
A Carine Séné, pour la confiance qu’elle m’a apporté, son aide et ses précieux
conseils qui m’ont aidé tout au long du cheminement de ce mémoire.
Aux soignants qui ont pris de leur temps pour un entretien, et m’ont beaucoup
appris.
A ma famille et mes proches, qui m’ont soutenu durant toute cette année et
particulièrement durant la réalisation de ce travail, pour leur relecture, leurs
précieux conseils, et leurs encouragements.
A vous tous, un grand merci… !
« La douleur peut être atténuée par une relation d’attention et
d’humanité, qui complète la dimension technique des soins et
Dans le cadre de l’unité d’enseignement 5.61, semestre 6 de ma formation en soins
infirmiers, j’ai choisi de travailler sur la prévention et le soulagement de la douleur par une
prise en charge non médicamenteuse de celle-ci.
Depuis le début de ma formation, nous nous retrouvons tous régulièrement face à des
situations complexes où la douleur est problématique. De plus, durant ces trois années
d’études en soins infirmiers, nous abordons régulièrement le confort du patient, ainsi que
son bien-être. Ce sont des préoccupations en effet essentielles dans cette profession. C’est
pourquoi parler de la prise en charge de la douleur dans mon travail m’a paru évident. Plus
particulièrement, je souhaitais m’interroger sur les douleurs induites par les soins, du fait
que celles-ci m’apparaissent comme un paradoxe par rapport au sens premier de ce
métier, prendre soin. Plus personnellement, j’ai toujours été intéressée par les méthodes
dites « naturelles » utilisées dans les soins. C’est pourquoi j’ai voulu lier ces deux sujets ici,
afin de pouvoir approfondir et clarifier mes connaissances, et les mettre en lien avec les soins
infirmiers.
Un grand nombre de moyens non médicamenteux existent dans la prévention et la
gestion de la douleur. Cependant, un de ces moyens a particulièrement retenu mon attention,
l’hypnose, car elle connait depuis quelques années un regain d’intérêt dans le domaine
médical, particulièrement dans les soins infirmiers, et de plus en plus d’infirmiers et
infirmières s’y forment. Elle semble de plus prouver son efficacité. C’est ainsi que j’ai décidé
d’en faire le sujet de mon mémoire. Il faut préciser que ce mémoire ne concernera pas
l’hypnose anesthésique, car je souhaite que les recherches puissent concerner tous les
services de soins, et non pas être centrées sur le bloc opératoire.
Dans ce travail, je présenterai tout d’abord deux situations qui, parmi d’autres, m’ont
poussé à me questionner sur la prise en charge de la douleur et sur l’hypnose médicale.
Ensuite, d’après mes recherches, j’exposerai dans une première phase théorique les concepts
nécessaires à la clarification de ce questionnement, puis les entretiens menés auprès de six
infirmières diplômées d’Etat ainsi que l’analyse de ces entretiens, ce qui mènera au choix de
ma question de recherche, et aux hypothèses répondant à cette question. Enfin, je présenterai
1 UE 5.6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles.
3
dans la phase méthodologique la stratégie et la méthode que j’utiliserais au vue d’une
poursuite des recherches d’après ma problématique finale.
Analyse de situations
Situation n°1
Je suis en stage en unité de soins longue durée gériatrique. Une des patientes du
service est atteinte de la maladie de Parkinson depuis une dizaine d’année, et dans le service
depuis plus de trois ans. Alors que je viens lui faire un soin, elle me fait part de douleurs
insupportables, et se met à pleurer. Elle n’a pas le moral, elle en a marre de souffrir. Je lui
dis alors que je vais aller me renseigner sur ce que je pourrais lui donner pour la soulager.
J’en parle à l’infirmière du service, qui semble très embêtée. Elle me dit que cette patiente a
des douleurs dues à sa maladie, mais que malheureusement, elle est au bout des traitements,
que plus rien n’a d’effet, plus rien ne la soulage. Parfois les antalgiques arrivent à calmer la
douleur, mais pas toujours, et jamais longtemps. Je me pose alors la question de savoir ce
que l’on pourrait faire de plus pour cette patiente, qui est en souffrance continue, mais pour
qui les thérapeutiques médicamenteuses ne sont plus efficaces.
Situation n°2
Je suis en stage dans un cabinet d’infirmières libérales. Ce matin-là, je suis avec
l’infirmière de permanence au cabinet, où les personnes peuvent venir se faire faire divers
soins. Une jeune fille d’une dizaine d’année se présente avec sa mère pour une prise de sang.
Cette jeune patiente a une pathologie chronique qui oblige des examens sanguins réguliers.
Elle entre dans la salle de soins, très angoissée par la prise de sang que je dois lui faire, et
nous l’exprime clairement. Elle a déjà au pli du coude un patch EMLA2, pour prévenir la
douleur de la piqûre. Cependant, elle se met quand même à pleurer, car elle est persuadée
qu’elle va quand même avoir mal, elle panique. L’infirmière et moi essayons de la rassurer,
mais sans succès. Calmement, après avoir retiré le patch, je commence à lui désinfecter la
zone, mais elle se met à hurler, croyant que je venais de la piquer. J’ai donc compris que la
fillette était angoissée par le geste, le voyait comme douloureux, et donc le ressentait tout de
même, malgré l’anesthésique. Grace au patch, et à l’explication de son effet à la jeune fille,
2 Patch de Lidocaïne, anesthésique local.
4
le soin a pu être réalisé, mais l’angoisse de la survenue de la douleur était réellement présent
chez elle.
C’est aussi un moment, comme beaucoup d’autres dans la pratique infirmière, où je
me suis demandé comment le soin aurait pu se dérouler dans de meilleures conditions, si
l’angoisse de la douleur n’avait pas été présente. Certes, la douleur en elle-même avait été
prévenue grâce au patch, mais pour la jeune fille, cela ne changeait rien à sa représentation
douloureuse du soin. C’est pourquoi j’en ai conclu qu’elle devait réellement ressentir de la
douleur durant le soin, du fait d’être persuadée qu’elle allait apparaître.
Ces deux situations ne représentent qu’une infime partie de tous ces moments où un
patient a dû faire face à la douleur, et où moi, ou les infirmières, étions désemparées, car
sans solutions immédiates. C’est de ces constats de ma pratique de future professionnelle et
de mes observations que j’ai pu confirmer le choix de cette question de départ : « En quoi
l’hypnose peut-elle présenter un intérêt dans les soins infirmiers concernant la prise en
charge de la douleur et de l’anxiété des patients, et dans quelle mesure peut-elle être
efficace ? »
5
PHASE THEORIQUE
CADRE CONCEPTUEL
1. La douleur
1.1 Cadre législatif
La prise en charge de la douleur, quelle que soient son intensité, son origine et ses
victimes, est une obligation légale pour tous les professionnels de santé.
En 1975, les premières institutions sur la douleur sont créées. L’IASP3 tout d’abord.
Ensuite, en 1976, la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD)4
sera fondée.
Concernant entre autre le rôle infirmier, plusieurs textes de loi sont votés pour légiférer
la prise en charge de la douleur :
La charte du patient hospitalisé5, loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé (article L1110-5 du code de la santé
publique)
« Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit
être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée »
« La dimension douloureuse, physique et psychologique […] ainsi que le soulagement de
leur souffrance constituent une préoccupation constante de tous les intervenants. Tout
établissement doit se doter des moyens propres à organiser la prise en charge de la douleur
des personnes qu’il accueille. Une brochure intitulée « contrat d’engagement contre la
douleur » doit être remise à chaque personne hospitalisée ».
Le décret de compétence n° 2004-802 du 29 juillet 2004, relatif aux actes
professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier :
3 International Association of Study of Pain (Association internationale pour l’étude de la douleur) http://www.iasp-pain.org/ 4 http://www.sfetd-douleur.org 5 Cf. annexe n°1
6
Article R. 4311-2 : « Les soins infirmiers […] ont pour objet […] de participer à la
prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et
psychique des personnes ».
Article R. 4311-5 : « Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier accomplit les actes ou
dispense les soins suivants visant à identifier les risques et assurer le confort et la sécurité
de la personne […] concourir à la connaissance de l’état de santé de la personne :
évaluation de la douleur […] »
Article 8 : « L'infirmier est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques,
dans le cadre des protocoles préétablis, […]. Le protocole est intégré dans le dossier de
soins infirmiers. » L’infirmière a donc pour obligation de prendre en compte et d’aider à
soulager la douleur des personnes soignées.
Article R6144-2 du code de la santé publique :
« La commission médicale d'établissement contribue à l'élaboration de la politique
d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, notamment en ce qui
concerne : […] 4° La prise en charge de la douleur »
Plan national contre la douleur :
Deux programmes nationaux d’action contre la douleur ont été instaurés par l’ancien
Ministre de la Santé, Bernard Kouchner : un premier de 1998 à 2002, puis un second de 2002
à 2005.
En 2004, le soulagement de la douleur fait partie des 100 objectifs de santé publique pour
les 5 années suivantes.
Un troisième plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur, de 2006 à 2010,
élaboré par Xavier Bertrand, ancien Ministre de la Santé, a pour objectif « d’améliorer la
prise en charge de la douleur selon 4 axes : l’amélioration de la prise en charge des
personnes les plus vulnérables (enfants, personnes âgées et en fin de vie), la formation
renforcée des personnels de santé, une meilleure utilisation des traitements médicaux et des
méthodes non pharmacologiques, la structuration de la filière de soins ».6
6 Xavier Bertrand, Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur, 2006 http://www.santé.gouv.fr
7
1.2 Définition
En premier lieu, il semble important de définir ce qu’est la douleur, quelles sont ses
mécanismes, afin de pouvoir la comprendre, et ainsi la soulager au mieux.
Le mot douleur vient du latin « dolor » qui signifie « la souffrance du corps ou de
l’esprit »7. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la douleur est « une expérience
sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire présent ou
potentiel, ou décrite en termes d’un tel dommage »8. La douleur est donc une sensation
subjective, qui repose sur le ressenti du patient. De plus, la douleur n’est pas forcément liée
à une lésion. Elle peut être physique, mais aussi psychique, visible, ou invisible. C’est
pourquoi elle est difficile à évaluer.
Pour comprendre l’expérience douloureux vécu par un individu, il faut analyser les 4
composantes intriquées du ressenti douloureux9. Avec la description que fait l’individu de
sa douleur (nature, intensité, localisation, ressenti), cette expérience devient compréhensible
pour autrui.
1.3 Mécanismes de la douleur
La douleur est complexe. Elle naît à partir d’un trouble, visible ou non, qui va créer un
message nerveux transmit via les nerfs périphériques jusqu’au cerveau. C’est à partir de là
que la douleur apparaîtra réellement et sera ressentie par le sujet.
Il existe plusieurs mécanismes de douleur :
- La douleur physiopathologique, par excès de nociception. La nociception est un
système d’alarme de l’organisme, qui sera activé par exemple lors d’un traumatisme
physique.
- La douleur psychogène, souvent présente lors des céphalées par exemple. C’est ici
une douleur causée par des facteurs avant tout psychologiques. Elle va attirer l’attention du
sujet qui souffre, sans qu’il n’y ait, objectivement, aucune lésion anatomique ou
physiologique, qui pourrait expliquer la survenue de cette douleur.
7 CAILLON O, Dictionnaire étymologique, Les Editions scolaires de Chambéry, n.d, p 189 8 Définition de la douleur retenue par l’OMS, d’après l’IASP 9 Composantes sensitivo-discriminative, émotionnelle, cognitive et comportementale.
8
- La douleur neuropathique, résultant d’une lésion ou d’un dysfonctionnement du
système nerveux périphérique ou central, fréquemment retrouvée à la suite d’une amputation
par exemple.
Il faut noter que certaines parties de notre structure cérébrale participent au décodage
de la douleur, afin d’en connaître la nature et la localisation. D’autres parties auront un rôle
dans la mise en mémoire de cette douleur, afin de pouvoir établir une comparaison avec des
expériences douloureuses antérieures. Enfin, d’autres zones seront plus impliquées dans
l’aspect émotionnel de la douleur. Ces dernières permettent au sujet de savoir quels
comportement adopter pour faire face à cette douleur.
Notre organisme possède différents moyens de réguler la douleur. En effet, il peut
inhiber ou réduire la sensation de douleur en sécrétant des morphines naturelles appelées
endomorphines ou endorphines.
Cependant, la douleur n’est pas toujours inhibée par notre organisme. En effet, il est
nécessaire qu’elle puisse être ressentie, car même si la sensation qu’elle renvoie est
désagréable, la douleur a un rôle important au sein de notre organisme. Elle est utile car a un
rôle d’alarme, avertissant le sujet face à une situation pouvant mettre en danger son intégrité
physique.
La douleur est donc présente pour signaler un dysfonctionnement au niveau de
l’organisme, pouvant aller d’une simple lésion à la révélation d’une maladie plus ou moins
grave. Son but est donc de protéger l’individu, et de pouvoir remédier à ce
dysfonctionnement. Une fois le problème réglé, la douleur, dite aiguë, disparaît.
1.4 Douleur aiguë, douleur chronique
Deux grands types de douleurs sont à distinguer, selon leur mode d’installation. La
douleur aiguë fait office d’alarme, elle a un rôle protecteur. Elle reste transitoire, et s’arrête
la plus part du temps assez rapidement. Elle est cependant souvent intense.
Si la douleur persiste sur le long terme, durant au moins trois mois, la douleur devient
chronique10. Ici, la douleur se complexifie, puisqu’elle n’a plus ce rôle d’alarme. C’est
pourquoi la douleur chronique devient dans ce cas pathologique, car indépendante de sa
cause initiale, et va être définie comme une maladie à part entière.
10 Durée minimum établie par l’OMS
9
1.5 Douleur psychique
Il convient aussi de prendre en compte la douleur pouvant être qualifiée de psychique,
souvent appelée « souffrance psychique ». Celle-ci est plus difficile à définir, car moins
concrète. Pascal Millet, médecin hospitalier et professeur d’éducation et de promotion de la
santé et du social, constate d’ailleurs que « la douleur (ou souffrance) psychique est si
familière à chacun qu’une définition préalable paraîtrait inutile et superflue. Et pourtant,
Freud lui-même s’est interrogé sur la nature de la douleur psychique et n’a apporté une
réponse que très progressivement dans son œuvre »11. Elle peut parfois être engendrée par
une douleur physique, ou l’accompagner, mais pas nécessairement. Dans cette dimension
aussi, il existe une différence entre douleur psychique aiguë et chronique. Une douleur
psychique aiguë sera ressentie sur un temps relativement court (un deuil par exemple), alors
qu’une souffrance psychique chronique sera pathologique, et relèvera d’une prise en charge
psychiatrique. Dans tous les cas, il est important de considérer aussi ce type de souffrance,
car même s’il est difficile de la définir et encore plus difficile que la douleur physique à
évaluer, elle est aussi bien réelle et ressentie par l’individu.
1.6 Douleur induite par les soins
A tous ces types de douleurs s’ajoute la douleur induite par les soins, appelée aussi
douleur provoquée par les soins. Elle est définie comme étant « le plus souvent une douleur
aiguë, par excès de nociception, liée à une cause extérieure à la pathologie dont souffre le
patient. En règle générale, la douleur est provoquée par les matériels utilisés : aiguilles,
sonde, adhésif, etc., mais elle peut aussi être générée par les manipulations, les actes
effectués par le médecin ou un auxiliaire de soin ».12 Elle est souvent redoutée par les
soignants, qui peuvent se sentir démunis face à cette problématique.
Ce type de douleur peut être vu comme un paradoxe. En effet, si les autres types de
douleurs ont eux aussi leurs problématiques, c’est sur cette dernière que va plus
particulièrement porter cette recherche. Du fait de sa provocation par un soin, elle prend
alors un sens complètement différent, puisqu’elle est provoquée par un tiers, soignant, « pour
le bien du patient », ce qui peut sembler paradoxal. En outre, il semble que le soignant ait le
11 « Douleur psychique », Ebauche d’un document de cours, Pascal Millet, 2006. 12 Cimerman P., Thibault P. Douleurs induite par les soins. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Savoirs et soins infirmiers, 2009.
10
plus souvent choisi ce métier pour aider l’autre, le soulager. Or, il se retrouve confronté à la
réalisation de soins générant de la douleur.
Si les soignants le savent depuis toujours, sans moyen de l’empêcher ou de la prévenir,
certains ont longtemps considéré que cette douleur était normale, et font parfois, encore
aujourd’hui, preuve de déni à son égard. Quelque fois, les soignants, se sentant démunis face
à une prise en charge inefficace de la douleur, développent une « algophobie », ou peur de
la douleur. En effet, comme le dit Françoise Beroud13, « ces actes étant toujours prescrits et
réalisés par des soignants, l’implication de ceux-ci est évident dans leur prévention et leur
soulagement ». Cependant, le soignant peut se trouver face à des situations où il est à cours
de solution, car bien souvent, il n’a pas forcément connaissance de tous les moyens existants
pour y faire face, et soulager le patient. Elle dit aussi « la prévention et le soulagement des
douleurs provoquées par les soins sont devenus une exigence éthique, légale et surtout un
indicateur de la qualité du système de santé ».
1.7 Prévention et traitement de la douleur
C’est pourquoi, depuis le second plan de lutte contre la douleur 2002-2005 évoqué plus
tôt, des objectifs concernant ce type de douleur ont été mis en place :
- Améliorer les pratiques concernant la douleur provoquée par les soins […].
- Mieux prendre en charge la douleur de l’enfant.
- Amorcer une prise de conscience par les professionnels de santé de l’existence de la
douleur provoquée par les soins.
Premièrement, le Centre National des Ressources de lutte contre la Douleur (CNRD) 14
est créé, ayant pour but l’amélioration de la prise en charge de la douleur provoquée par les
soins et les actes. Le ministère de la Santé a confié 4 missions au CNRD :
- Recueillir et diffuser l’information sur la prise en charge de la douleur auprès de tous
les professionnels de santé.
- Apporter une aide logistique et méthodologique aux professionnels de santé.
- Développer la recherche paramédicale sur la douleur et les méthodes
complémentaires non pharmacologiques de sa prise en compte.
13 Beroud F, Comment la prévention et la prise en charge des douleurs induites ont-elles évolué en cinq ans ?, Institut UPSA de la douleur,
Elsevier Masson SAS, 2011. 14 www.cnrd.fr
11
- Faire reconnaître et valoriser les initiatives et les actions réalisées pour améliorer la
prise en charge de la douleur et le confort du patient.
Deuxièmement, les systèmes d’évaluation et d’auto évaluation de la douleur dans les
services de soin sont revalorisés afin d’être plus utilisés, dans le but de cerner au mieux la
douleur du patient. 15
Troisièmement, après évaluation de la douleur, afin de la traiter et de la soulager, de
nombreux moyens sont utilisés, comme les antalgiques, répartis en différents paliers (I, II et
III, fixés par l’OMS) selon l’intensité de la douleur. Mais il existe aussi de multiples moyens
non pharmacologiques, revalorisés eux aussi dans ce troisième plan de lutte contre la
douleur, tels que les méthodes psychocorporelles, comme l’hypnose, méthode que j’ai
choisie de présenter dans la suite de ce travail.
Le concept de la douleur est donc très vaste. Différents types de douleurs existent, et
chaque individu la vit et la ressent d’une manière qui lui est propre. De plus, chaque soignant
possède ses propres moyens, plus ou moins efficaces, pour la prévenir et y faire face, en plus
de ceux qui leur ont été enseignés. Cependant, la douleur est une sensation si désagréable,
que ce soit sur le court ou le long terme, qu’elle engendre fréquemment chez l’individu une
anxiété, une angoisse, qui sera plus ou moins prononcée. Le psychiatre Éric Serra en fait la
constatation : « la survenue d’une douleur entraîne une anxiété dont l’intensité peut retentir
sur l’évolution de la douleur ».16
C’est pourquoi le deuxième concept qui sera ici exploré, regroupant deux formes
d’émotions, sera l’anxiété, ainsi que l’angoisse, plus précisément engendrées par la douleur.
15 Cf. annexe n°2 16 E. SERRA, douleur et anxiété : une association sous-estimée, annales psychiatriques, 1999, résumé de la quatrième de couverture.
12
2. L’anxiété
2.1 Définition et généralités
Tout d’abord, il convient de trouver une définition abordable concernant l’anxiété, un
domaine aussi très vaste. Elle peut être caractérisée par un « trouble émotionnel se traduisant
par un sentiment indéfinissable d’insécurité ».17 Il s’agit donc d’un état d’agitation,
d’inquiétude et d’angoisse. Selon l’OMS, l’anxiété est le « sentiment d’un danger imminent
et indéterminé s’accompagnant d’un état de malaise d’agitation, de désarroi voire
d’anéantissement ».
Aujourd’hui, anxiété et angoisse sont presque synonymes. La différence entre ces deux
termes pourrait se situer dans la chronologie et l’intensité du sentiment ressenti par
l’individu. L’anxiété serait plutôt modérée et chronique, alors que l’angoisse serait plutôt
intense et aiguë. Ainsi, l’angoisse est définit par un « sentiment pénible d'alerte psychique
et de mobilisation somatique devant une menace ou un danger indéterminés et se manifestant
par des symptômes neurovégétatifs caractéristiques (spasmes, sudation, dyspnée,
accélération du rythme cardiaque, vertiges, etc.) ».18
Il faut aussi distinguer angoisse et anxiété de la peur. C’est une émotion ressentie elle
aussi en présence d’un danger, mais qui cette fois ci est bien réel, dont la cause ou l’objet est
identifié, alors que l’anxiété et l’angoisse sont eux des sentiments plus diffus dont l’objet de
la peur n’est pas clairement déterminé.
Ceci peut être illustré dans la pratique soignante, où il n’est pas rare de devoir faire face
à des patients anxieux ou angoissés à la simple vue d’une aiguille ou d’un quelconque autre
matériel médical. Ils disent parfois, par exemple, avoir « peur des piqûres ». Cette peur reste
ici une peur qui n’est pas clairement identifiée, qui est inconnue, de par la sensation que cette
fameuse piqûre pourrait leur provoquer. Elle se traduit donc par cet état d’anxiété.
2.2 Association douleur – anxiété
D’un côté, la survenue d’une douleur peut entraîner une anxiété, et avoir des
retentissements sur le ressentis et l’évolution de la douleur. A l’inverse, une anxiété déjà
présente peut jouer un rôle considérable dans le déclenchement, l’intensité, ou l’aggravation
17 Selon le dictionnaire Larousse. 18 Ibid.
13
de la douleur. Il n’est donc pas rare que ces deux concepts aillent de pair. C’est pourquoi il
est important que l’association de l’anxiété à la douleur soit considérée par les soignants,
afin de trouver des moyens pour prévenir au maximum la survenue de ces deux perceptions.
En somme, la douleur peut donc engendrer de l’anxiété, et inversement, l’anxiété peut
engendrer de la douleur.
3. L’hypnose thérapeutique
3.1 Introduction
Il est ici question d’hypnose thérapeutique, utilisée dans le domaine médical. Elle est à
ne pas confondre avec l’hypnose « de spectacle », qui a les mêmes mécanismes, mais en
aucun cas les mêmes finalités.
3.2 Bref historique
L’hypnose a longtemps été perçue comme un procédé mystérieux, voire inquiétant.
Certains pensaient que c’était une sorte de sommeil somnambulique provoquée. Pourtant,
c’est un phénomène naturel durant lequel le sujet passe d’un état de conscience ordinaire à
un état de conscience alternatif, particulier. C’est une technique psychosomatique très
ancienne qui, avant l’arrivée des premiers anesthésiques médicamenteux, était très utilisée
au XVIIIe siècle comme moyen anesthésique lors d’interventions chirurgicales, ou encore
pour soulager différents maux.
Dans les années 1950, un psychiatre américain, Milton H. Erickson, va faire évoluer cette
pratique en bouleversant la conception de l’hypnose. Elle devient alors une technique de
communication, susceptible d’aider le patient à faire émerger ses ressources intérieures. Il
va ainsi développer l’hypnose moderne aux Etats-Unis, puis elle sera par la suite importée
en France.
La technique utilisée de nos jours en milieu de soins est fortement influencée des apports
d’Erickson. Elle est surtout utilisée dans ce milieu afin de soulager et prévenir la douleur.
Classée dans les « médecines alternatives », elle est considérée aujourd’hui comme une
science à part entière.
14
3.3 Définition
Mais plus concrètement, qu’est-ce que l’hypnose ? Malgré son origine, du grec
« hypnos », signifiant « sommeil », l’hypnose n’est pas un état de sommeil. Elle peut être
définie comme « une diminution du contact avec l’environnement et une amplification de la
relation avec son monde intérieur »19. Pour arriver à cet état hypnotique, aussi qualifié de
« transe hypnotique », la personne formée à l’hypnose va utiliser un mode de communication
particulier. Elle utilise un vocabulaire sélectionné, une voie posée, et une attitude
empathique, afin d’aider le patient à trouver cette capacité de focalisation interne. De par
cette expérience que va vivre le sujet, où il est à la fois détendu et concentré sur lui-même,
elle va lui permettre, par exemple, de réduire, soulager, voire d’éviter la survenue d’une
douleur. Cela est dû à un « lâcher-prise » physique et mental du sujet, permettant à l’esprit
d’agir sur le corps.
Cinq grands types d’hypnose peuvent se différencier :
- L’hypnose traditionnelle, formelle, qui est aussi celle utilisée dans le monde du
spectacle. Cette forme d’hypnose est assez autoritaire et dirigiste, et utilisée en
thérapie, son mode de fonctionnement est plutôt d’aller droit au but. Son utilisation
dans le milieu médical et va surtout servir pour des anesthésies, au bloc opératoire.
Elle est aussi appelée hypnose directe.
- L’hypnose Ericksonienne, développée dans les années 1930. Elle utilise les mêmes
outils que l’hypnose traditionnelle, mais son mode de communication est plus subtil,
indirect, afin de pouvoir s’adapter à chaque patient. Hormis dans le cadre des
anesthésies, c’est cette forme d’hypnose qui est la plus utilisée en milieu de soin,
notamment dans la gestion des douleurs, aiguës comme chroniques. C’est pourquoi
c’est ce type d’hypnose que cette recherche va tenter d’explorer.
- La nouvelle hypnose, qui découle de l’hypnose Ericksonienne, développée dans les
années 1970. Ici, ce sont les mêmes techniques qui sont utilisées que pour l’hypnose
Ericksonienne, mais pour accéder à un domaine plus vaste, pas seulement médical.
Elle se déroule la plupart du temps avec un psychothérapeute, sous forme de séance,
où les objectifs de la thérapie peuvent être très variés selon le souhait du patient.
19 Barbier E., Hypnose et prise en charge de la douleur, SOINS n°722, janvier/février 2008 p23.
15
- L’hypnose humaniste, la plus récente, a été développée dans les années 2000. Elle se
veut d’apporter des solutions au patient par lui-même, guidé par l’hypnothérapeute.
Elle touche plus au côté existentiel ou spirituel du patient.
- L’auto-hypnose, qui permet d’utiliser des techniques d’hypnose sur soi-même, pour
soi-même.
3.4 L’hypnose Ericksonienne
L’hypnose Ericksonienne est une forme d’hypnose permissive, où le travail se fait à
partir des ressources de l’autre, en acceptant complètement l’individu, sans jugement. Elle
repose sur le fait que chaque être humain détient en lui toutes les ressources nécessaires pour
pouvoir répondre de manière adaptée aux situations qu’il rencontre. C’est ce type d’hypnose
qui est majoritairement utilisé dans le domaine médical dans la gestion des douleurs aiguës
et chroniques.
C’est à partir des travaux de Milton H. Erickson qu’est mise en place une réflexion sur
la communication hypnotique. La première chose en effet que doit apprendre celui qui veut
se former à l’hypnose est que celle-ci est basée sur des techniques de communication. La
manière dont le praticien va parler à son patient, la façon dont il va communiquer avec lui
est la base de l’hypnose. En 1980, il présente l’hypnose comme « un état de conscience dans
lequel vous présentez à votre sujet une communication, avec une compréhension et des idées,
pour lui permettre d’utiliser cette compréhension et ces idées à l’intérieur de son propre
répertoire d’apprentissages. »
Chaque patient est différent, a ses propres attentes, sa propre pathologie, sa personnalité,
et sa vision du soin. C’est pourquoi chaque séance d’hypnose doit être unique, et adaptée au
patient, afin d’entretenir une relation et un soin de qualité entre le praticien et le patient.
Avec cette forme d’hypnose, le patient est guidé vers ses propres ressources intérieures,
d’abord par ses sens et ses émotions plutôt que par son analyse relationnelle.
a) Condition d’utilisation de l’hypnose Ericksonienne
Tout individu est hypnotisable. Néanmoins, pour que l’hypnose soit efficace, le sujet doit
être réceptif. Pour cela, il faut tout d’abord que celui-ci soit volontaire, mais aussi coopératif
et motivé. C'est-à-dire que si un patient n’est pas prévenu de l’utilisation de la technique
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d’hypnose sous forme de séance durant un soin, ou qu’il n’accepte pas l’utilisation de cette
technique, elle n’aura aucun effet. Entre le praticien et le patient, il faut au préalable qu’il y
ait une écoute, des échanges précédant la séance, une réceptivité afin qu’elle puisse avoir
une efficacité. Patrick Belley20 parle lui d’une rencontre : « Elle ne prend sa véritable identité
que dans sa mise en œuvre thérapeutique, dans la rencontre »21. Le praticien doit être pour
son patient un « guide bienveillant », où l’instauration d’une relation de confiance est
primordiale pour que le processus réussisse.
Par conséquent, il est impossible de suggérer à un individu sous hypnose de réaliser des
actions allant à l’encontre de sa volonté. En effet, il conserve son libre arbitre, car une partie
de lui reste consciente.
b) Mécanismes de l’hypnose Ericksonienne
Le processus hypnotique
Le processus hypnotique se déroule en cinq temps successifs22 :
Premièrement, la fixation de l’attention : C’est un temps indispensable pour que le
sujet soit en rupture avec l’environnement immédiat, et qu’il puisse se fixer seulement sur
les paroles du praticien, ainsi que sur ce qu’elles évoquent. Les principaux moyens utilisés
pour que le sujet puisse centrer son attention sont la fixation oculaire d’un point, le récit
d’une histoire captivante, ou encore la relaxation. Ce temps est aussi appelé phase
d’induction.
Deuxièmement, la mise entre parenthèse de la conscience habituelle, ou
l’approfondissement de l’état hypnotique: Elle permet de passer du mode de pensée
habituelle à un autre mode de pensée, modifié. Pour arriver à cela, le praticien dispose de
plusieurs moyens, comme la dissociation, la confusion ou encore la surprise.
Troisièmement, la recherche inconsciente : Elle découle de la précédente étape. Le
sujet va inconsciemment rechercher un sens aux suggestions que lui fait le praticien. Pour
permettre ce phénomène, le praticien va utiliser des suggestions ouvertes, des analogies, ou
20 Patrick Belley, Médecin, professeur, président fondateur de la Confédération francophone d’hypnose et de thérapies brèves, et de
l’Institut Milton H. Erickson d’Avignon-Provence. 21 P. Belley, L’hypnose, éd. Odile Jacob, 2002, p 79. 22 Ibid. p 82-83.
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encore des métaphores, et va utiliser un certain timbre de voix et un certain rythme
concernant le débit de ses paroles.
De ce fait, cela va engendrer des processus inconscient chez le sujet : Cela va
permettre l’ouverture d’un espace intérieur méconnu pour le sujet, qui va rendre propices de
nouvelles associations d’idées, de nouvelles sensations et émotions.
Ce cheminement apporte enfin les réponses hypnotiques, qui sont signes
d’acquisition de nouvelles connaissances et de changement chez le sujet. Elles peuvent
intervenir immédiatement durant la séance ou à la fin, ou encore ultérieurement après la fin
de la séance.
Ces cinq temps démontrent ainsi les objectifs et les aboutissements d’une séance
d’hypnose.
Il faut ajouter à ces cinq temps la phase de réveil, où le praticien va accompagner le
patient à sortir de son état hypnotique, et à réorganiser sa pensée.
Chaque patient va réagir à sa manière au processus hypnotique. C’est pourquoi il
existe une échelle de mesure de la transe hypnotique (transe légère, moyenne, profonde23).
Du côté du praticien, Milton H. Erickson parle d’une règle primordiale à respecter
pour une bonne approche du patient et une séance adaptée. Il l’a baptisée la règle des trois
« O », c'est-à-dire « observer, observer, observer » ! L’observation du patient et de ses
réactions est donc essentielle durant une séance d’hypnose.
Les signes cliniques du patient en état hypnotique
L’état hypnotique va provoquer chez le patient certains signes, objectifs ou subjectifs,
visibles ou non par le praticien.
Des signes cliniques objectifs observables : Un ralentissement du rythme
respiratoire, de la fréquence cardiaque, une modification du tonus musculaire, des
mouvements de déglutition, ainsi qu’une littéralité dans la compréhension des
paroles du praticien. Le patient va les prendre « au pied de la lettre ».
Des signes subjectifs ressentis par le patient, non observable par le praticien : Une
relaxation générale, une sensation de lourdeur ou de légèreté des membres, des
23 Cf. annexe n°3
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sensations de fourmillements, de chaleur ou de fraîcheur, des perceptions ou
hallucinations qui peuvent être olfactives, auditives, visuelles, cinesthésiques et
gustatives. Un détachement, un éloignement vis-à-vis du contexte est aussi opéré par
le patient. De plus, si la séance se déroule dans un contexte douloureux pour le
patient, sa perception douloureuse va se modifier.
Des manifestations psychologiques du patient : Le patient procède à une dissociation
de son psychisme, c'est-à-dire qu’une partie de lui-même est engagé dans le
processus hypnotique, tandis que l’autre partie tient une position d’observateur. Il est
retrouvé une augmentation de l’activité idéo-motrice, une abstraction de
l’environnement immédiat, une modification subjective de l’écoulement du temps,
et parfois une amnésie ou une hypermnésie, ainsi qu’une régression en âge.
Ces signes sont les plus observés, cependant, la liste n’est pas exhaustive, et tous les
signes ne sont pas toujours présents.
Les études scientifiques sur l’état hypnotique
Plusieurs études se sont succédé depuis les années 1990 afin de mieux comprendre
les mécanismes de l’hypnose et son action au niveau cérébral24. Avec l’évolution de
l’imagerie cérébrale, notamment la tomographie par émission de position (PET), l’imagerie
par résonnance magnétique (IRM) cérébrale et fonctionnelle, l’électroencéphalogramme
(EEG), et de la neurobiologie, l’état hypnotique a pu être attesté, et son fonctionnement
compris. Selon l’une des plus récentes études faites sur le sujet25, par l’université de Hull
(Angleterre), les effets de l’hypnose sont bien existants, et ne sont pas seulement dus à l’état
de relaxation qu’elle procure.
L’ensemble des différentes études réalisées montrent que l’induction d’un état
hypnotique produit des changements d’activation au niveau cérébral. Le cortex cingulaire
antérieur, ayant des fonctions cognitives relevant entre autres de la prise de décision ou de
l’émotion, semblerait jouer un rôle majeur durant l’état hypnotique. Par exemple, concernant
la douleur, ces études suggèrent un processus compétitif entre la perception de la douleur, et
une focalisation de l’attention par des suggestions visuelles et/ou de mémoire, obtenue
durant l’état hypnotique. Rainville et Price (2004), explique : « La conscience comporte des
24 D. Michaux, Y. Halfon, C. Wood, Manuel d’hypnose pour les professions de santé, éd. Maloine, 2013, p.86-87 25 http://www.hypnose-indirecte.com/?p=297
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propriétés expérientielles fondamentales qui se trouvent altérées pendant l’hypnose… Ainsi,
le sentiment normal de contrôle volontaire que nous éprouvons est apparemment associé à
une limitation de l’accès à certains mécanismes modulateur fondamentaux du système
nerveux. L’hypnose, en mettant en suspend ce sentiment de soi-agent, augmenterait à la fois
le potentiel expérientiel et d’auto-régulation somatique. […] L’acceptation sans censure du
contenu expérientiel de la suggestion peut par ailleurs faciliter l’incorporation des
sensations et affects suggérés, comme cela se produit en hypnoanalgésie. »
3.5 L’hypnose conversationnelle
L’hypnose conversationnelle s’utilise sans qu’il ait eu au préalable de phase d’induction
d’état hypnotique. Plus simplement, elle va se servir des principes de communication
retrouvés dans l’hypnose formelle, comme les suggestions indirectes, tout en maintenant une
conversation avec le sujet. Cela amène le sujet à une forme de transe « légère », où il va
commencer à percevoir le contexte dans lequel il est, ses sensations et émotions autrement.
Le langage utilisé en hypnose conversationnelle est donc bien spécifique, et il ne doit pas
être confondu avec les techniques de distractions pouvant être utilisées durant un soin. Le
soignant prêtera attention à choisir certains mots plutôt que d’autres lorsqu’il s’adressera à
son patient. Il va inciter, par des suggestions indirectes, à modifier un comportement par
exemple. Cette technique d’hypnose permet de maintenir une conversation tout à fait
normale avec le patient, et donc de mieux comprendre le patient, de nous adapter à ses
besoins, qu’ils soient conscients ou inconscients, tout en évitant de le mettre en position de
réflexion sur le contexte qu’il est en train de vivre. L’hypnose conversationnelle est donc
une technique plus douce que les autres types d’hypnose.
Pour pratiquer l’hypnose conversationnelle dans les soins, il faut, bien sûr, avoir eu une
formation sur ce thème. Mais certaines caractéristiques sont essentielles à sa mise en
pratique :
- Il faut que le cours des évènements dans le soin soit fluide.
- Une certaine rapidité d’action doit être possible, puisque dans les soins, les
circonstances ne permettent pas toujours de disposer de beaucoup de temps.
- Enfin, il est nécessaire d’être capable d’une grande adaptabilité, pour être prêt à
répondre à tous contextes et aléas qui peuvent se présenter.
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3.6 Communiquer et soigner autrement
Les moyens non pharmacologiques de prise en charge de la douleur sont aujourd’hui de
plus en plus connus des patients, qui pour certains en sont demandeurs, car ils ne veulent pas
prendre trop de thérapeutiques médicamenteuses. L’hypnose fait partie de ces moyens, et de
plus en plus de soignants en reconnaissent l’efficacité, et l’intérêt. Certains voient dans cette
technique un moyen de développer leur relation avec le patient.
a) Hypnose médicale, hypnoanalgésie
Les deux modes d’utilisation de l’hypnose médicales sont celles présentées plus tôt :
L’hypnose Ericksonienne, qui sera utilisée sous forme de séance, et l’hypnose
conversationnelle, informelle. Ces deux formes sont utilisables dans le soulagement et la
prévention de la douleur. On parle alors d’hypnoanalgésie.
L’hypnoanalgésie s’utilise dans plusieurs types de soins. Elle est retrouvée au bloc
opératoire, utilisée par les médecins anesthésistes ou les IADE26, afin de compléter une
anesthésie loco-régionale médicamenteuse, voire de remplacer cette anesthésie lorsque la
situation le permet. On parle alors d’hypno-anesthésie. Ici, son utilisation relèvera plus de
l’hypnose directe, que de l’hypnose Ericksonienne.
L’hypnoanalgésie est aussi utilisée dans le cadre de la gestion des douleurs chroniques,
par exemple lors de consultations douleur. Elle sera utilisée majoritairement sous forme de
séance, pratiquée avec un médecin ou une infirmière formée.
Elle est aussi retrouvée dans la gestion des douleurs aiguës, par exemple aux urgences,
ou dans d’autres services de soins, aussi dans le cadre de la prévention des douleurs induites
par les soins. Ici, c’est majoritairement l’hypnose conversationnelle qui sera utilisée.
Pour utiliser l’hypnose dans le soulagement ou la prévention de la douleur, il est essentiel
pour le praticien d’avoir des informations sur la douleur du patient, ou sur ses représentations
de la douleur avant un soin potentiellement douloureux. Pour cela, une description détaillée
des aspects sensoriels de cette douleur est nécessaire : Les sensations thermiques,
kinesthésiques, une représentation imagée par la personne de sa douleur. Avec ces
informations, le soignant peut alors utiliser des techniques de remplacement des sensations,
de modification de l’image qu’a le patient de sa douleur. C’est pourquoi le soignant
pratiquant l’hypnose doit être présent auprès du patient durant tout le soin douloureux, car
26 Infirmière anesthésiste diplômée d’Etat.
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s’il arrête de communiquer avec lui durant le soin, celui-ci va retrouver les sensations et les
perceptions qu’il avait avant qu’il soit entré en état hypnotique. Alors, la douleur va de
nouveau être perçue ou intensifiée, et par conséquent il risque de se retrouver en état
d’anxiété. Ou, à l’inverse, rebasculer dans le contexte présent du soin douloureux, ce qui
pourrait l’angoisser, et aussi amplifier ses sensations douloureuses. Car comme expliqué
précédemment dans ce travail, l’anxiété peut intensifier le ressentis douloureux, et la douleur
elle peut engendrer une anxiété, ce qui n’est pas à négliger, en particulier dans le cadre des
douleurs induites par les soins.
Si la douleur contient aussi une part émotionnelle et psychologique, la pratique de
l’hypnoanalgésie va prendre en compte la personne dans sa globalité. Elle doit créer un lien
de collaboration entre le patient et le soignant. En effet, l’hypnose va agir sur les
composantes sensorielles et affectives de la douleur, ce qui demande non pas une prise en
soin seulement de la douleur du patient en elle-même, mais bien du patient dans son
ensemble.
Dans les services de soin, l’hypnoanalgésie peut s’utiliser seule. Toutefois, selon le
contexte, elle peut aussi être associée à des thérapeutiques médicamenteuses (anesthésique
local, MEOPA27, antalgique…). C’est pourquoi l’hypnose est un outil supplémentaire pour
le soignant, qui reste à utiliser dans son champ de compétence, après avoir suivi une
formation spécifique.
b) La formation à l’hypnose pour les professionnels de santé
Un grand nombre de formations diverses à l’hypnose existent. Certaines formations sont
réservées aux professionnels de santé. C’est donc seulement de celles-ci dont il sera question.
Depuis peu, un diplôme universitaire d’hypnose thérapeutique existe, ce qui permet une
formation complémentaire reconnue pour les professionnels de santé, dont les titulaires du
diplôme d’Etat infirmier. La durée de formation pour ce D.U28 est de 107 heures réparties
sur une année. Elle forme le professionnel de santé aux techniques d’hypnothérapie
présentées plus tôt.
D’autres formations, plus courtes, destinées aux professionnels de santé existent, mais
elles sont si nombreuses et variées qu’il serait difficiles de toutes les répertorier. Il convient
toutefois de préciser que certaines formations sont plus sérieuses que d’autres, et qu’il est