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Découvrir les techniques d’optimisation du potentiel (TOP) avec
leur inventeur : entretien avec le Docteur Edith
Perreaut-Pierre
Cette interview fait suite à la conférence organisée par
l’ANAJ-IHEDN le 8 février 2017 intitulée « Méditer dans l’action »
au cours de laquelle avaient été présentées les TOP. Il nous
semblait intéressant de faire découvrir ces techniques développées
au sein de l’armée française et qui sont aujourd’hui de plus en
plus utilisées dans les entreprises françaises, notamment pour
gérer le stress des collaborateurs.1 Edith Perreaut-Pierre est
Docteur en Médecine et s'est spécialisée notamment dans la gestion
du stress et la préparation mentale. Elle a été médecin à l’Ecole
interarmées des sports où elle a créé et développé les Techniques
d’optimisation du potentiel (TOP). Plus de 20 années d'expérience
en milieux opérationnels (entreprise, sportif et militaire) lui
permettent d'intervenir en expert aussi bien en accompagnement
individuel qu'en développement d'équipe. Elle est consultante
depuis 2008, sénior associée dans la société Coévolution depuis
2008. Elle est l’auteure de l’ouvrage de référence sur les TOP : «
Comprendre et pratique les techniques d’optimisation du potentiel
».
ANAJ : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots ce que sont
les TOP ? Edith Perreaut-Pierre : Les TOP sont des techniques pour
vous aider à mobiliser vos ressources pour une performance durable.
Elles peuvent ainsi être considérées comme une méthode de
préparation mentale qui s’inscrit dans une approche globale de la
personne et constitue une composante indispensable à la mise en
condition professionnelle et opérationnelle, individuelle et
collective. La méthode repose sur un certain nombre de techniques
qui peuvent être sélectionnées et adaptées aux besoins de chacun.
Ces techniques utilisent un ou plusieurs des trois procédés de base
que sont la respiration, la relaxation et l’imagerie mentale. ANAJ
: Pouvez-vous nous dire comment sont nées les Techniques
d’optimisation du potentiel (TOP) ? Edith Perreaut-Pierre : Dans
les années 80, l’Armée de Terre (au Centre des Relations Humaines
notamment), avait fait des études sur le stress chez le combattant.
Elle avait publié une plaquette « Force et calme des troupes »,
devenue le TTA où est expliqué ce qu’est le stress chez le
combattant et comment le gérer à l’aide d’un certain nombre de
techniques (relaxation, sophrologie, etc.). A l’époque, j’étais à
l’Ecole Interarmées des Sports (Fontainebleau) et mon chef de corps
savait que je faisais de la sophrologie2 puisque j’avais monté une
section sophrologie au club sportif et artistique
1 Ce texte
n'engage que la responsabilité du
/ des auteur(s). Les idées ou
opinions émises ne peuvent en
aucun cas être considérées comme
l'expression d'une position officielle.
2 La sophrologie est une
technique de développement personnel,
qui s'intéresse à l'étude de la
conscience individuelle, dans une
approche visant à tenir compte
de l'histoire personnelle de chacun.
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de la Défense. Il m’a alors demandé de monter une formation de
gestion du stress pour que les moniteurs de sports puissent aider
les combattants. A l’origine, je ne pensais pas du tout inventer
une méthode mais utiliser tels quels les aspects pédagogiques de la
sophrologie. Par ailleurs, en aucun cas je n’aurais pensé me servir
de l’hypnose à laquelle j’avais été formée. Ça ne me semblait pas
adapté au monde militaire dans lequel j’évoluais à l’époque. Dans
la sophrologie, il y a un tout un champ pédagogique qui me semblait
intéressant pour répondre aux problématiques de stress dans les
armées. J’ai abandonné car cela ne répondait pas aux attentes. J’ai
analysé mes différentes pratiques, puisque je faisais également de
la préparation mentale de sportifs de haut niveau et autres
personnels militaires. Je me suis rendue compte que j’utilisais la
manière de faire d’Erickson3 en matière de communication (il a
beaucoup inspiré l’Ecole de Palo Alto4). Après cette étude, j’ai
essayé de mettre en forme ma pratique en tenant compte des
contraintes environnementales du soldat et de ses attentes avec
pour objectif de développer une méthode pédagogique opérationnelle
qui puisse être enseignée. Par la suite il a fallu lui trouver un
nom. ANAJ : Quels développements ont connu les TOP au sein des
armées ? Edith Perreaut-Pierre : Au début, on a appelé cela
Technique de gestion du stress. Il y a eu beaucoup de réticence
face à l’utilisation du mot stress. Cela était compréhensible
puisque ces techniques ont un spectre plus large et ne
s’intéressent pas qu’au stress. C’est en 1997 que l’on on a trouvé
le nom de Techniques d’optimisation du potentiel. A l’époque je
faisais cela en plus de mon travail de médecin. Pour les deux
personnes qui m’ont remplacée par la suite, il s’agissait à chaque
fois d’une « casquette » parmi d’autres et elles étaient seules à
gérer. Actuellement, il existe une cellule TOP existe au Centre
National des Sports de la Défense (CNSD). Je ne me rappelle plus
exactement quand elle a été créée mais aujourd’hui cette cellule
compte 4 personnes, qui ne font que ça et qui sont très occupées.
Depuis 2015 ces formations ont été ouvertes plus largement,
notamment vers certaines unités spécialisées du ministère de
l’Intérieur. Le programme proposé est quasiment le même qu’en 1996.
Il y a néanmoins une technique qui a été développée postérieurement
pour une mise en œuvre dans le cadre des SAS de fin de mission, la
« relaxation posturale ». Le champ d’application des TOP est celui
de la pédagogie et pas du tout dans celui de la thérapie. ANAJ :
Comment les TOP se distinguent-elles des autres démarches qui
existent aujourd’hui, notamment en matière de développement
personnel ? Edith Perreaut-Pierre : Les TOP ne sont pas à
considérer comme des techniques de développement personnel.
L’objectif des TOP est un objectif de terrain. A ce sujet je peux
vous citer une anecdote concernant les exercices de respiration qui
sont présents dans les TOP. J’ai utilisé des exercices basiques que
l’on retrouve notamment dans le yoga. J’ai des amies qui enseignent
le yoga et qui font des formations sur la respiration d’une durée
de 6 jours. Il y en a une qui est formée aux TOP, elle sait donc ce
que je fais et elle m’a demandé un jour de venir
3Milton
Hyland Erickson est un
psychiatre et psychologue américain qui
a joué un rôle important
dans le renouvellement de l'hypnose
clinique et a consacré de
nombreux travaux à l'hypnose
thérapeutique. Il est considéré comme
le père des thérapies brèves2.
Ses travaux ont inspiré
plusieurs approches thérapeutiques, dont
l'hypnose ericksonienne, la thérapie
brève de Palo Alto, la
programmation neuro-‐linguistique, et
diverses autres techniques de
traitement. 4 L'école de Palo
Alto est un courant de pensée
et de recherche ayant pris le
nom de la ville de Palo
Alto en Californie, à partir du
début des années 1950. On le
cite en psychologie et
psycho-‐sociologie ainsi qu’en sciences
de l'information et de la
communication.
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faire un cours sur la respiration « TOP » lors de cette
formation. L’objectif du yoga n’est pas vraiment de mettre au point
des techniques utilisables en situation (professionnelle ou
extra-professionnelle), à la différence des TOP dont les techniques
doivent servir aux soldats au quotidien et dans tous types de
situations. Ce qui l’intéressait particulièrement c’était toutes
les techniques de « respiration dynamisante ». Pour moi, les deux
critères qui distinguent la méthode TOP du reste des techniques qui
existent sont le fait que l’on se trouve (et que l’on reste) dans
le champ pédagogique (par opposition au champ thérapeutique), et
l’objectif poursuivi, à savoir des techniques opérationnelles. Par
exemple, au cours des séances, nous ne suggérons que des images
positives lors des exercices « d’imagerie mentale et de
représentation mentale ». S’il y a des images négatives qui
surgissent d’elles-mêmes, je forme les moniteurs pour les gérer ou
pour déléguer à des spécialistes des approches thérapeutiques. Il
arrive d’ailleurs que l’on découvre - ça a été le cas - des
stress-post traumatiques au cours d’une séance de TOP. Mais ce ne
sont pas les moniteurs TOP qui vont gérer cela. ANAJ : Les TOP ont
25 ans. Quel bilan pouvez-vous dresser aujourd’hui ? Edith
Perreaut-Pierre : Cela fait 7 ans que j’ai quitté l’armée mais
comme j’étais réserviste j’ai continué à faire des interventions
auprès des militaires. D’après ce que m’a dit la cellule TOP, ils
en sont à un millier de moniteurs formés. C’est également trois
mille militaires qui ont suivi les séances. Il s’agit de toutes les
personnes formées, il y en a qui ont quitté l’armée ou qui ne
pratiquent pas. ANAJ : On assiste aujourd’hui à un vaste mouvement
d’externalisation, notamment au sein du Ministère des armées. Les
formations TOP sont-elles également concernées ? Edith
Perreaut-Pierre : C’est tout à fait dans la politique actuelle des
armées. Tout ce qui est logistique et soutien, peut être
externalisé. Cette externalisation présente des avantages et des
inconvénients. Je pense personnellement qu’il y plus
d’inconvénients que d’avantages puisque l’on touche quand même à la
préparation de nos militaires. Si en externalisant, les armées font
appel à d’anciens militaires formés et reconvertis dans le civil,
ça ne pose pas trop de problèmes puisqu’ils connaissent le métier.
En revanche, si elles font appel à des personnes que j’ai formées
dans le civil mais qui ne connaissent pas le monde militaire, cela
risque de ne pas correspondre aux besoins et aux attentes des
militaires. Par ailleurs, l’aspect financier me semble être aussi
une problématique importante sur laquelle l’armée ne sera pas
gagnante à mon avis. ANAJ : Les TOP se développent également dans
le monde civil. Où en est-on aujourd’hui ? Edith Perreaut-Pierre :
Nous avons créé une association afin de partager les informations
au sujet des TOP, mais également pour se répartir le travail de
formation. Pour vous donner un exemple, récemment un organisme de
formation à Paris qui souhaitait monter des formations TOP m’a
sollicitée. Très vite je n’ai plus eu le temps d’assurer seule ces
formations et j’ai fait appel à quelqu’un d’autre. Cette
association permet de recenser les personnes qui sont actives et
ainsi de créer un carnet d’adresses. Dans cette association ne sont
présentes que les personnes nouvellement formées ou recyclées. Sans
les militaires cela représente aujourd’hui 25 praticiens
(équivalents moniteur dans les armées). Je ne compte pas les
personnes qui ont fait la formation initiale. Par ailleurs, il y a
environ 200 personnes qui ont suivi la formation initiale (trois
jours) c’est-à-dire qui pratiquent les TOP pour eux. Je fais
également régulièrement des informations sur la méthode dans les
entreprises. Par ailleurs, en janvier 2018 nous devrions ouvrir à
la faculté d’Orsay un Diplôme Universitaire « Préparation mentale
et techniques d’optimisation du potentiel » afin d’intégrer les TOP
dans le monde universitaire. Il y aura 18 jours de formation avec
des sessions de 3 jours.
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ANAJ : Si je venais vous voir parce que je prépare un entretien
d’embauche la semaine suivante et que vous n’aviez la possibilité
de me proposer qu’une seule séance, à quoi ressemblerait cette
séance ? Quels seraient vos conseils pour la suite ? Edith
Perreaut-Pierre : Ce serait une séance d’au moins trois heures. La
méthode n’est pas miracle. Il n’y aurait aucun apprentissage donc
pas d’autonomie acquise pour savoir utiliser les techniques en
d’autres circonstances. On pourrait néanmoins faire un travail
d’imagerie mentale positive ciblée sur les facteurs de
contre-performance (stress par exemple) en état de relaxation. ANAJ
: Si vous deviez me conseiller un exercice à pratiquer au quotidien
pour m’aider à diminuer mon niveau de (hyper)stress 5? Edith
Perreaut-Pierre : La respiration relaxante et votre (ou vos)
technique(s) personnalisée(s) de relaxation mise au point lors de
votre formation et de votre entraînement
Propos recueillis par Clément DURAND en septembre 2017 Membre du
comité Risques et Entreprises l’ANAJ-IHEDN
93e séminaire Jeunes – Paris, Février 2016 Retrouvez toutes les
publications de l'ANAJ-IHEDN sur
http://www.anaj-ihedn.org/category/actualites/publications-revues/
5 Les
TOP distinguent différents types de
stress. L’hyper-‐stress correspond à
un état de surtension, de
sur-‐stimulation et durant lequel
vous êtes agressif et agité.
L’eustress ou zone d’activation,
correspond à un état de calme.
L’hypo-‐stress correspond à un état
de sous-‐tension, sous-‐stimulation et
durant lequel vous êtes fatigué,
déprimé, démotivé et vous baissez
les bras. Ces différents types
de stress ne vont pas appeler
les mêmes réponses. Dans ce cas
précis, l’exercice préconisé s’attache
à réguler l’hyper-‐stress.