.:: DANS LES JARDINS D'ITALIE. PEINTURES ET DESSINS Après avoir enseigné l'histoire du droit à l'Université de Tours, j'ai enfin réalisé un de mes rêves de jeunesse : prendre du temps, beaucoup de temps pour dessiner et peindre.
Mar 24, 2016
.:: DANS LES JARDINS D'ITALIE. PEINTURES ET DESSINS
Après avoir enseigné l'histoire du droit à l'Université de Tours, j'ai enfin réalisé un de mes
rêves de jeunesse : prendre du temps, beaucoup de temps pour dessiner et peindre.
Convaincu que, dans mon cas du moins, toute pratique nécessite un enseignement, j'ai
travaillé et continue à travailler dans des ateliers tourangeaux : chez Alexandrine Stordeur,
Françoise Prieur et Thierry Villain. Tous trois sont, chacun à sa manière, d'excellents guides
pour les élèves malhabiles.
Dessiner et peindre quoi ? Essentiellement des paysages italiens. L'Italie est pour moi comme
une seconde patrie. Je l'ai découverte à quinze ans, à l'occasion d'un voyage estival organisé
par mon professeur de latin-grec de seconde (on disait alors la classe des Humanités). Même
si ce vieux prêtre était plus féru d'histoire romaine et de monuments que de paysages (ne
parlons pas des belle ragazze...), des images de la Toscane, de l'Ombrie, de la campagne
romaine ou de la côte amalfitaine (nous allâmes jusqu'à Paestum) demeurent gravées dans
ma mémoire. Bien sûr, par la suite, d'autres images se sont superposées aux premières, mais
sans les effacer vraiment. Aujourd'hui, j'aime à revoir des lieux en quelque sorte incorporés à
ma jeunesse, tels la Villa d'Este ou la Villa Adriana, mais j'aime plus encore puiser dans les
inépuisables trésors de la bella Italia.
De ces voyages, de ces impressions, voici quelques témoignages. On a privilégié le thème des
jardins. Ciels, ombres et lumières, eaux, plantes et pierres, ce sont ces alliages incomparables
qu'essaient de rendre les peintures et dessins visibles sur ce site. Leur nombre est encore
limité. D'autres s'y ajouteront sans doute ultérieurement.
Jean-André Tournerie
http://www.j-a-tournerie.fr
.:: INVITATION AU VOYAGE
TUTTE LE STRADE PORTANO A ROMA...
Bien sûr, et nous ne manquerons pas de nous y rendre. Mais, si vous le voulez, faisons d'abord
un détour... par la Chine. Pour cela, dirigeons-nous vers Gênes et son port. Nous ne prendrons
pas un paquebot mais une sorte d'autobus maritime qui nous débarque à Pegli (à 10 km au
nord-ouest de la ville sur la Riviera di Ponente).
C'est dans le parc de la Villa Pallavicini (il y a plusieurs Villas
Pallavicini en Italie), conçu au milieu du XIXe s. par un
décorateur de théâtre, que l'on découvre cette petite
pagode chinoise toute rutilante. Ravel la « voyait-il » lorsqu'il
évoquait la Chine dans une des pièces de Ma mère l'Oye :
« Laideronnette impératrice des pagodes » (les pagodes
désignant aussi de petites figurines de porcelaine chinoise) ?
Retournons à Gênes, dont le centro storico, et plus
particulièrement la Via Garibaldi, regorge de somptueux
palais édifiés par l'aristocratie génoise aux XVIe et XVIIe s.
Voilà justement un décor de théâtre, le nymphée du Palazzo
Lomellino.
Milan. Dans le jardin de la Villa Necchi Campiglio, maison
construite dans les années 30 pour une riche famille milanaise,
cette fillette inconnue s'est blottie contre ce géant de pierre pour
contempler la piscine et goûter la douceur de ce matin de
septembre.
Lac de Côme. A Bellagio, dans le parc à l'anglaise de la Villa
Melzi, ce petit pavillon vaguement mauresque où l'on devait
servir jadis des rafraîchissements.
Sur l'autre rive, depuis le parc de l'agriturismo Castello di
Vezio (à 450 m au-dessus de Varenna), soir de septembre...
...puis coucher du soleil.
Gagnons la Toscane. A Florence, voici la Villa La Pietra, du temps où elle appartenait encore à
Harold Acton, cet Anglais qui a dépeint son existence
florentine dans Mémoires d'un esthète.
J'y relève (p. 76) ce souvenir d'enfance :
"L'été, nous vivions derrière nos vertes persiennes
closes. (...) A l'extérieur, le grésillement des criquets
s'élevait, puis descendait, dans sa tonalité fébrile. (...)
Le soir, quand les statues exhalaient lentement les
vagues de chaleur qu'elles avaient absorbées,
l'atmosphère s'illuminait de toutes parts et l'on pouvait
voir ces statues respirer".
Il y a une vingtaine d'années, la villa et son merveilleux
jardin portaient la marque des siècles, mais leur
charme était alors intact. Tout a changé depuis la mort d'Harold Acton.
Le jardin botanique de Sienne est trop peu connu
(des touristes français du moins), et c'est bien
dommage, car c'est un endroit délicieux...
... Outre ses plantes exotiques et ses serres du XIXème
siècle, il est planté de belles allées de cyprès et
ménage de beaux aperçus sur la campagne
environnante.
Non loin de Sienne, et tout près de Greve in Chianti, se trouve Vignamaggio, belle villa toscane
de la Renaissance. D'aucuns prétendent que Lisa Gherardini, plus connue sous le nom de
Mona Lisa, y serait née et y aurait passé son enfance. Avait-elle la nostalgie de ces collines
lorsque Léonard la peignit ?
Et nous voici à Rome. Des jardins du Palatin on
découvre la colline du Celio. C'est un vaste paysage de
cyprès et de pins parasols où se découpent : à droite la
façade, blanche et classique (elle ressemble à celle de
Saint Louis des Français), de l'église San Gregorio
Magno ; au centre, beaucoup plus rare à Rome, le
campanile et le chevet roman, à colonnettes, de
l'église Ss. Giovanni e Paolo (non pas les Apôtres mais
deux soldats martyrisés sous Julien l'Apostat, en 362).
Si l'on s'engage un peu plus sur le Celio (une de mes
promenades préférée dans Rome), on emprunte le
Clivo di Scauro, antique rue romaine appelée Clivus
Scauri, et l'on arrive à la Villa Celimontana. Son parc,
très agréable, est orné de statues, de fontaines, de
plantes exotiques et, en particulier, d'un bel
alignement de palmiers.
Quittons Rome pour ses environs. Arrêtons-nous d'abord à la Villa d'Este, à Tivoli. Que
privilégier parmi ses merveilleuses fontaines ? Peut-être l'Allée des Cent-Fontaines, dont l'œil
(et le pinceau) n'embrassent qu'une faible partie. Qu'importe ! Indéfiniment, l'eau s'élance et
chante entre les aigles de la maison d'Este.
Eloignons nous de quelques km de Tivoli et gagnons la Villa Adriana, ce site magique où
l'empereur Hadrien (76-138), avait reconstitué les lieux de son empire – surtout ceux de
l'Egypte et de la Grèce - qui l'avaient le plus séduit. Ces ruines
inspirèrent de célèbres voyageurs. Ainsi, Chateaubriand y nourrit
sa mélancolie. Dans une lettre à Fontanes, du 10 janvier 1804, il
exprime les sentiments éprouvés devant « ces palais de la mort »
: « Tantôt j'admirais, tantôt je détestais la grandeur romaine ;
tantôt je pensais aux vertus, tantôt aux vices de ce propriétaire
du monde qui avait voulu rassembler une image de son empire
dans son jardin. Je rappelais les événements qui avaient renversé
cette Villa superbe ; je la voyais dépouillée de ses plus beaux
ornements par le successeur d'Adrien, je voyais les barbares y
passer comme un tourbillon, s'y cantonner quelquefois, et pour
se défendre dans ces mêmes monuments qu'ils avaient à moitié
détruits, couronner l'ordre grec et toscan du créneau gothique ;
enfin, des religieux chrétiens, ramenant la civilisation dans ces
lieux, plantaient la vigne et conduisaient la charrue dans le
temple des Stoïciens et les salles de l'Académie. Le siècle des
arts renaissait, et de nouveaux souverains achevaient de
bouleverser ce qui restait encore des ruines de ces palais, pour
y trouver quelques chefs-d’œuvre des arts. A ces diverses
pensées se mêlait une voix intérieure qui me répétait ce qu'on
a cent fois écrit sur la vanité des choses humaines. Il y a même
double vanité dans les monuments de la Villa Adriana ; ils
n'étaient, comme on sait, que les imitations d'autres
monuments répandus dans les provinces de l'Empire romain : le véritable temple de Sérapis à
Alexandrie, la véritable Académie à Athènes, n'existent plus ; vous ne voyez donc dans les
copies d'Adrien que des ruines de ruines ».
Il n'empêche : les restes de ces « copies » nous fascinent encore et notre siècle, qui aime tant
estampiller, les a inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO. Voici donc le Canope,
« souvenir » égyptien d'Hadrien.
Cette longue pièce d'eau (119 m), insérée dans un vallon, voulait rappeler le canal reliant
Alexandrie à la ville de Canope, où s'élevait le temple dédié au dieu Serapis, synthèse tardive
d'Osiris et de Zeus. A l'extrémité sud du plan d'eau on aperçoit le nymphée et, à droite, des
Cariatides. A l'extrémité nord une colonnade encadre la statue de Mars.
Dans le vaste domaine de la Villa
Adriana, il est un endroit que j'aime
particulièrement : à telle enseigne que
je l'ai représenté deux fois, à l'huile et
à la sanguine. Il s'agit de l'allée de
cyprès qui monte vers le Pecile
(reconstitution d'un portique
d'Athènes destiné à la promenade).
Ce lieu est comme imprégné de l'esprit
de Marguerite Yourcenar, l'auteur des
Mémoires d'Hadrien. Dans son autobiographie (Les yeux ouverts, p. 131), elle écrit que c'est à
la villa qu'elle « rencontra » le personnage auquel elle donnerait vie beaucoup plus tard :
« Pour moi, c'est la villa Adriana qui a été le point de départ, l'étincelle, quand je l'ai visitée à
l'âge de vingt ans ». Elle y revint par la suite, et aimait particulièrement s'asseoir à l'ombre de
cette allée de cyprès, si l'on en croit la plaque apposée sur le mur de la maison à laquelle
conduit l'escalier figurant sur la peinture et le dessin.
« Le beau lac de Nemi qu'aucun souffle ne ride ».
Ainsi Lamartine célébrait-il ce petit lac en forme
d'ellipse, blotti au cœur des Castelli romani, non loin du
lac d'Albano. A la même époque, Corot, après et avant
bien d'autres peintres, laissait plusieurs "souvenirs" du
lac de Nemi (l'un d'eux est à la Galerie du Belvédère, à
Vienne). Virgile appelait le lac de Nemi "le miroir de
Diane" (speculum Dianae) parce que ses eaux bleutées
réfléchissaient l'image d'un temple dédié à à la déesse
de la chasse. Naguère, les pentes boisées du lac étaient
prisées pour les fraises des bois qu'on y cueillait à la
belle saison. Aujourd'hui, de nombreuses serres permettent d'intensifier la production, fort
appréciée des promeneurs du dimanche. Le "miroir de Diane" est aussi un jardin d'agrément.
A 60 km au nord-ouest de Rome, tout près de Viterbe, se dresse l'imposant Castello de
Vignanello, propriété de la famille Marescotti Ruspoli depuis des siècles. Il faut monter au
premier étage de ce palais Renaissance pour découvrir le jardin de topiaires dessiné en 1610
par Olimpia Orsini, veuve d'un Marescotti. Le château étant toujours resté dans la même
famille, ce jardin passe pour l'un des plus beaux de la
Renaissance italienne Le spectacle est éblouissant. Le
caractère géométrique de ces douze rectangles
abritant de savantes broderies de laurier et de buis est
adouci par les ombres des grands arbres qui les
bordent sur les côtés et par la perspective des collines
qui bleuissent à l'horizon.
A chaque angle des parterres fleurissent des citronniers plantés dans des terres cuites Le
souvenir d'Olimpia Orsini, créatrice de ce décor végétal, reste imprimé au centre du jardin : le
double O de ses initiales encercle celles de ses deux fils : Galeazzo et Sforza (S inversé).
Dans le parc si romantique de la Villa Celimontana, à
Rome, l'hiver paraît bien doux...
Les broussailles servent d'écrin à ce personnage
alangui. Qui est-il ?
Hercule sans doute, puisqu'il serre une massue dans sa main
gauche.
Mais pourquoi cette amphore dans l'autre main ? Si c'est
Hercule, c'est après l'accomplissement de ses « travaux »...
Au sud du Latium, Gaeta, petite cité assoupie au bord de son
golfe, incite au farniente ou, comme aurait dit Cicéron, dont
la villa de Formia était toute proche, à l'otium. Au Moyen
Age, les Angevins, puis les Aragonais, y édifièrent une
forteresse pour surveiller la côte. Et c'est en gravissant le
chemin qui y conduit que, subitement, en levant les yeux
vers le ciel, on découvre ce jardin suspendu. Certes, la
tonnelle est un produit contemporain, mais ce fouillis de
roses et de verdure ne manque pas de charme.
A mi-chemin entre Rome et Naples, au bord même d'une longue plage de sable fin s'étalent
les vestiges d'une villa ayant appartenu à l'empereur Tibère (il y résida entre 14 et 27 ap. J.-C.).
Précédée d'un bassin-vivier (30 m de long) où l'on a
remis des poissons, une vaste grotte creuse la roche.
Le propriétaire l'avait décorée de statues évoquant
des épisodes de l'Odyssée (elles sont visibles
aujourd'hui dans le musée voisin). Tibère aimait à
festoyer dans sa grotte, jusqu'au jour où un
éboulement faillit l'ensevelir. Il délaissa alors
Sperlonga au bénéfice de Capri.
Est-il abusif d'inclure un temple grec dans un site consacré aux jardins d'Italie ?
Je ne le crois pas : non seulement parce qu'à Paestum on marche entre les cyprès et les
lauriers-roses, mais surtout parce que les Grecs avaient élevé deux des trois temples en
l'honneur d'Héra, « divinité de la terre féconde, de la
végétation printanière et des fleurs ». Citons encore, à
défaut de Chateaubriand qui ne semble pas avoir
visité Paestum, le Guide Bleu : « Au soleil couchant, la
pierre blonde de ses temples (…) se teinte de corail :
c'est l'heure la plus envoutante. (…) Les colonnes qui
se profilent sur le ciel enflammé ont gardé, dans
l'harmonie d'un décor inchangé, tout leur pouvoir
d'évocation ».
Ici s'arrête cette promenade picturale dans quelques jardins italiens. Il en reste tant d'autres à
découvrir...
A bientôt sans doute.
JAT
Liste des tableaux
Parc de la Villa Pallavicini à Pegli (huile sur toile, 41 x 33)
Gênes, nymphée du Palazzo Lomellino (pastel, 39 x 25)
Milan, dans le jardin de la Villa Necchi Campiglio (huile sur toile, 33 x 24)
Bellagio, le pavillon de la Villa Melzi (huile sur papier marouflé, 41 x 26,5)
Varenna, soir sur le lac de Côme (huile sur carton entoilé, 41 x 27)
Varenna, coucher de soleil sur le lac de Côme (huile sur carton entoilé, 41 x 27)
Florence, Villa La Pietra (huile sur papier marouflé, 49 x 31)
Florence, jardin de la Villa La Pietra (pastel, 45,5 x 33)
Jardin botanique de Sienne (huile sur papier marouflé, 42 x 29)
Serres du jardin botanique de Sienne (huile sur papier marouflé, 42 x 28)
Allée de cyprès dans le jardin botanique de Sienne (pastel, 41 x 32,5)
Allée de cyprès dans le jardin botanique de Sienne (huile sur papier marouflé, 38 x 24)
Vignamaggio (huile sur papier, 49 x 32,5)
Rome, le Celio depuis les jardins du Palatin (huile sur papier marouflé, 40 x 29)
Rome, parc de la Villa Celimontana (huile sur papier, 40,5 x 32,5)
Tivoli, Allée des Cent-Fontaines (huile sur papier, 46,5 x 32,5)
Tivoli, le Canope de la Villa Adriana : le nymphée (huile sur toile, 46x33)
Tivoli, le Canope de la Villa Adriana : la colonnade, statue de Mars (huile sur toile, 46x33)
Tivoli, Villa Adriana, allée de cyprès (huile sur papier marouflé, 44 x 32)
Tivoli, Villa Adriana, allée de cyprès (sanguine, 50 x 33,5)
Le lac de Nemi depuis Genzano (huile sur papier marouflé, 39x31)
Vignanello (huile sur toile, 55x38)
Rome, Villa Celimontana (huile sur toile, 35x24)
Rome, Villa Celimontana (huile sur toile, 35x24)
Jardin à Gaeta (huile sur carton entoilé (27x22)
Sperlonga, la grotte de Tibère (huile sur papier toilé marouflé, 42x30)
Paestum, le temple d'Héra II (pastel, 28x20,5).