Alioquin, si tu non dederis operam ad permanendum per timorem et humilitatem, et tu excideris. Matth. III, 10. — omnis arbor quae non facit fructum bonum, excidetur. Secundo ostendit idem quantum ad Iudaeos, et, primo, proponit quod intendit, dicens sed et illi, scilicet Iudaei, si non permanserint in incredulitate, inserentur, id est, in suum statum restituentur. Ier. III, 1. — fornicata es cum amatoribus multis, tamen revertere ad me, dicit dominus. Secundo probat quod dixerat, et primo, ex divina potentia, dicens potens est enim dominus Deus iterum inserere illos; et ideo non est de eorum salute desperandum. Is. LIX, 1. — ecce non est abbreviata manus domini, ut salvare non possit. Secundo probat idem per locum a minori, dicens nam si tu, gentilis, excisus es ex naturali oleastro, id est ex gentilitate quae naturaliter erat infructuosa, non quidem, prout dominus fecit naturam, sed secundum quod corrupta est per peccatum. Sap. XII, 10. — iniqua est natio eorum, et naturalis malitia ipsorum. Eph. II, 3. — eramus natura filii irae. Et insertus in bonam olivam id est, in fide Iudaeorum, contra naturam, id est contra communem cursum naturae. Non enim consuevit ramus arboris malae inseri in bonam arborem, sed potius e converso. Id autem quod Deus facit, non est contra naturam, sed simpliciter est naturale. Dicimus enim esse naturale, quod fit ab agente, cui naturaliter subditur patiens, quamvis etiam non sit secundum propriam naturam patientis; sicut enim fluxus et refluxus maris est naturalis, propter hoc quod causatur ex motu lunae, cui naturaliter subditur aqua, quamvis non sit naturalis secundum formam aquae. Ita etiam cum omnis creatura sit naturaliter Deo subiecta, quicquid Deus facit in creatura, est simpliciter naturale, licet forte non sit naturale secundum propriam et particularem naturam rei in qua fit, puta cum caecus illuminatur et mortuus resuscitatur. Si, inquam, hoc factum est contra naturam, quanto magis hi qui sunt secundum naturam, id est qui naturali origine pertinent ad gentem Iudaeorum, inserentur suae grâce et que son prochain est tombé, on ne doit pas s’élever au-dessus de celui qui tombe, mais plutôt craindre pour soi-même, parce que l’orgueil est la cause de la chute, et la crainte la cause de la vigilance et de la prudence. 903. — C. Lorsque <l’Apôtre> dit : 22 Vois donc la bonté et la sévérité, etc., il porte <les Gentils> à une considération attentive des jugements divins. Et : — Il les amène d’abord à cette considération [n° 904s]. — Puis, il les instruit, comme si d’eux-mêmes ils n’étaient pas capables de le faire [n° 913] : 25 "Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez, etc." Enfin, comme si lui-même ne pouvait pas les scruter parfaitement, il s’écrie, en admirant la sagesse divine [n° 934] : "O abîme des richesses de la sagesse, etc." 904. — 1. Sur le premier point, <l’Apôtre> montre premièrement ce qu’il faut considérer, en disant : Vois donc, c’est-à-dire considère diligemment, la bonté de Dieu, qui fait miséricorde "Que Dieu est bon pour Israël, pour ceux qui ont le cœur droit." Et encore : "Méprises-tu les richesses de sa bonté ? " — Et la sévérité de celui qui punit "Le Seigneur est le Dieu des vengeances " Et encore : "C’est un Dieu jaloux et qui se venge, le Seigneur." Ainsi donc, la première considération produit l’espérance; la seconde la crainte, afin d’éviter le désespoir et la présomption. 905. — 2. Il montre en deuxième lieu sur qui doivent porter ces considérations, en disant : envers ceux qui sont tombés, c’est-à-dire les Juifs, <sa> sévérité. — "Le Seigneur a <tout> renversé, il n’a épargné aucune des magnificences de Jacob; il a détruit dans sa fureur les fortifications de la vierge de Juda " — Mais envers toi, à savoir envers toi, Gentil, qui as été enté, la bonté. — "Tu as usé de bonté envers ton serviteur; ô Seigneur." 906. — 3. En troisième lieu, il montre avec quelle continuité <on doit> pouvoir considérer ce qui vient d’être mentionné, non comme quelque chose d’immuable, mais comme pouvant se modifier dans l’avenir. 907. — a. Et il le montre d’abord quant aux
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Commentaire sur l'épître aux Romains par Thomas d'Aquin
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Alioquin, si tu non dederis operam ad
permanendum per timorem et humilitatem,
et tu excideris. Matth. III, 10. — omnis
arbor quae non facit fructum bonum,
excidetur. Secundo ostendit idem quantum
ad Iudaeos, et, primo, proponit quod
intendit, dicens sed et illi, scilicet Iudaei, si
non permanserint in incredulitate,
inserentur, id est, in suum statum
restituentur. Ier. III, 1. — fornicata es cum
amatoribus multis, tamen revertere ad me,
dicit dominus. Secundo probat quod dixerat,
et primo, ex divina potentia, dicens potens
est enim dominus Deus iterum inserere
illos; et ideo non est de eorum salute
desperandum. Is. LIX, 1. — ecce non est
abbreviata manus domini, ut salvare non
possit. Secundo probat idem per locum a
minori, dicens nam si tu, gentilis, excisus es
ex naturali oleastro, id est ex gentilitate
quae naturaliter erat infructuosa, non
quidem, prout dominus fecit naturam, sed
secundum quod corrupta est per peccatum.
Sap. XII, 10. — iniqua est natio eorum, et
naturalis malitia ipsorum. Eph. II, 3. —
eramus natura filii irae. Et insertus in
bonam olivam id est, in fide Iudaeorum,
contra naturam, id est contra communem
cursum naturae. Non enim consuevit ramus
arboris malae inseri in bonam arborem, sed
potius e converso. Id autem quod Deus facit,
non est contra naturam, sed simpliciter est
naturale. Dicimus enim esse naturale, quod
fit ab agente, cui naturaliter subditur
patiens, quamvis etiam non sit secundum
propriam naturam patientis; sicut enim
fluxus et refluxus maris est naturalis,
propter hoc quod causatur ex motu lunae,
cui naturaliter subditur aqua, quamvis non
sit naturalis secundum formam aquae. Ita
etiam cum omnis creatura sit naturaliter Deo
subiecta, quicquid Deus facit in creatura, est
simpliciter naturale, licet forte non sit
naturale secundum propriam et particularem
naturam rei in qua fit, puta cum caecus
illuminatur et mortuus resuscitatur. Si,
inquam, hoc factum est contra naturam,
quanto magis hi qui sunt secundum
naturam, id est qui naturali origine pertinent
ad gentem Iudaeorum, inserentur suae
grâce et que son prochain est tombé, on ne
doit pas s’élever au-dessus de celui qui
tombe, mais plutôt craindre pour soi-même,
parce que l’orgueil est la cause de la chute, et
la crainte la cause de la vigilance et de la
prudence.
903. — C. Lorsque <l’Apôtre> dit : 22
Vois donc la bonté et la sévérité, etc., il porte
<les Gentils> à une considération attentive
des jugements divins. Et :
— Il les amène d’abord à cette considération
[n° 904s].
— Puis, il les instruit, comme si d’eux-mêmes
ils n’étaient pas capables de le faire [n° 913] :
25 "Car je ne veux pas, frères, que vous
ignoriez, etc."
Enfin, comme si lui-même ne pouvait pas les
scruter parfaitement, il s’écrie, en admirant la
sagesse divine [n° 934] : "O abîme des
richesses de la sagesse, etc."
904. — 1. Sur le premier point, <l’Apôtre>
montre premièrement ce qu’il faut considérer,
en disant : Vois donc, c’est-à-dire considère
diligemment, la bonté de Dieu, qui fait
miséricorde "Que Dieu est bon pour Israël,
pour ceux qui ont le cœur droit." Et encore :
"Méprises-tu les richesses de sa bonté ? " —
Et la sévérité de celui qui punit "Le Seigneur
est le Dieu des vengeances " Et encore :
"C’est un Dieu jaloux et qui se venge, le
Seigneur." Ainsi donc, la première
considération produit l’espérance; la seconde
la crainte, afin d’éviter le désespoir et la
présomption.
905. — 2. Il montre en deuxième lieu sur qui
doivent porter ces considérations, en disant :
envers ceux qui sont tombés, c’est-à-dire les
Juifs, <sa> sévérité. — "Le Seigneur a <tout>
renversé, il n’a épargné aucune des
magnificences de Jacob; il a détruit dans sa
fureur les fortifications de la vierge de Juda "
— Mais envers toi, à savoir envers toi, Gentil,
qui as été enté, la bonté. — "Tu as usé de
bonté envers ton serviteur; ô Seigneur."
906. — 3. En troisième lieu, il montre avec
quelle continuité <on doit> pouvoir
considérer ce qui vient d’être mentionné, non
comme quelque chose d’immuable, mais
comme pouvant se modifier dans l’avenir.
907. — a. Et il le montre d’abord quant aux
olivae, id est reducentur ad dignitatem
gentis suae, Mal. ult. : convertet corda
patrum ad filios, et corda filiorum ad patres
eorum.
Gentils, en disant : Vois la bonté de Dieu
agissant envers toi, toutefois de manière
continue, si tu demeures dans cette bonté.
"Demeurez dans mon amour > — Autrement,
si tu ne prends pas soin d’y demeurer par la
crainte et l’humilité, tu seras retranché, toi
aussi. — "Tout arbre qui ne produit pas de
bon fruit sera coupé et jeté au feu."
908. — b. Puis il montre la même chose quant
aux Juifs, et il commence par exposer son
intention, en disant : 23 Mais eux de même, à
savoir les Juifs, s’ils ne demeurent pas dans
l’incrédulité, ils seront entés, c’est-à-dire
seront rétablis dans leur condition "Tu as
forniqué avec beaucoup d’amants, cependant
reviens à moi, dit le Seigneur, et moi je te
recevrai."
909. — Ensuite il prouve ce qu’il avait dit, et
premièrement par la puissance divine, en
disant : car Dieu est puissant pour les enter
de nouveau; par conséquent il n’y a pas à
désespérer de leur salut : "Voici que la main
du Seigneur n’est point raccourcie pour ne
pouvoir sauver."
910. — Deuxièmement833
il prouve la même
chose par un argument a minori834
, en disant :
24 En effet, si toi, Gentil, tu as été coupé de
l’olivier sauvage <auquel tu appartenais>
par nature, c’est-à-dire de la gentilité, qui
était stérile par nature, non assurément en tant
que Dieu a fait cette nature, mais en tant
qu’elle est corrompue par le péché : "Leur
nation est méchante et leur malice naturelle."
Et encore : "Nous étions par nature fils de la
colère." — Et enté sur un bon olivier, c’est-à-
dire sur la foi des Juifs, contre nature, c’est-à-
dire contre le cours ordinaire de la nature. En
effet, il n’est pas habituel qu’un rameau d’un
arbre mauvais soit enté sur un arbre bon, mais
plutôt le contraire. Or ce que Dieu fait n’est
pas contre nature, mais tout simplement
naturel. En effet, nous appelons naturel ce qui
est produit par un agent auquel le patient (ce
qui subit l’action) est naturellement soumis,
833
Lieux parallèles t Somme Théologique P, Q. 105, a. 6; Q. 106, a. 3; Suppl., Q. 75, a. 3; 2 Sentences
dist. 14, Q. 1, a. 5, sol. 4; dist. 30, Q. 1, a. 1, sol. 4; 3 Cons. Cens., c. 98, 99, 100; De poSentences Q.
1, a. 3, sol. 3; Q. 5, a. 4; Q. 6, a. 1; De veritate, Q. 13, a. 1, sol. 2 et 3; Compend. theol., c. 136. 834
L’argument a minoré ("à partir du moins") consiste à conclure du moins au plus; il représente l’une
des deux formes possibles du raisonnement afortiori. En Mt 6, 26 (Dieu nourrit les oiseaux, à plus
forte raison les hommes qui valent plus), Jésus argumente a minons (3 Contra Gentiles c. 135).
même si ce qui est produit n’est pas conforme
à la nature du patient. C’est ainsi que le flux
et le reflux de la mer sont naturels, puisqu’ils
ont pour cause le mouvement de la lune,
auquel l’eau est naturellement soumise, bien
qu’ils ne soient pas naturels selon la forme de
l’eau. De même, toute créature étant
naturellement soumise à Dieu, tout ce que
Dieu fait dans la créature est naturel
absolument parlant, bien que cela ne soit
peut-être pas naturel eu égard à la nature
propre et particulière de la créature sur
laquelle son action s’accomplit : par exemple
un aveugle qui recouvre la lumière ou un mort
qui ressuscite835
.
911. — Si, dis-je, cela s’est fait contre nature,
à combien plus forte raison ceux qui <lui
appartiennent> par nature, c’est-à-dire ceux
qui par leur origine naturelle appartiennent à
la nation juive, seront-ils entés sur leur propre
olivier, c’est-à-dire seront-ils ramenés à la
835
Le texte de l’épître invite saint Thomas à soulever la question métaphysique du rapport entre la
causalité naturelle et la causalité surnaturelle. En comparant le peuple juif à l’olivier franc, c’est-à-dire
à un arbre déjà amélioré par la culture, et les peuples païens au sauvageon qui sera greffé sur le tronc
du premier (les patriarches), saint Paul inverse l’ordre naturel des choses. C’est en effet le rameau
franc " qui, normalement, est greffé (ou enté) sur le tronc du sauvageon afin de le transformer et de lui
communiquer sa nature d’olivier cultivé. Cette inversion du sens normal de la greffe correspond à l’
anomalie que présente l’histoire du salut le peuple élu (et qui le demeure c’est sa nature voulue par
Dieu) n’ayant pas accompli, dans l’ensemble, ce â quoi le destinait cette nature, ce sont les peuples
païens qui ont été greffés sur un tronc auquel leur nature païenne ne les destinait pas. Or, c’est en
principe la providence qui détermine la nature des êtres en fonction de la fin qu’ils doivent remplir
Dieu serait-il en contradiction avec lui-même ? La réponse de saint Paul est théologique : d’une part,
Dieu a tiré du mal un plus grand bien puisque en rejetant le salut dans le Christ, les chefs du peuple élu
ont rendu possible sa communication à toutes les nations; d’autre part, ce rejet est provisoire le peuple
élu réalisera un jour la vocation à laquelle sa nature le destine. Mais nous sommes là dans l’ordre de la
grâce. Comment peut-il contre venir à l’ordre de la nature dont Dieu est pourtant l’auteur ? Comment
saint Paul peut-il parler d’une opération i contre nature s ? Une réponse philosophique est requise. Elle
consiste, selon saint Thomas, à distinguer deux types de naturel : est naturel ce qui relève de la nature
d’un être (ou d’une chose), considéré en lui-même et séparément; mais est naturel également l’ordre
universel dans lequel cet être est inséré, avec toutes les relations qui en résultent pour lui. Ces deux
types peuvent présenter des natu ralités différentes. Ainsi, en vertu de sa nature propre, l’eau reste
immobile ou s’écoule vers le bas. Mais, en vertu de l’ordre naturel du monde qui la soumet au pouvoir
de la lune (en cosmologie médiévale il y a affinité entre la lune et l’élément humide), la mer peut se
soulever et se mouvoir vers le haut. D’une manière générale, il y a dans toute créature une capacité
naturelle d’obéir aux opérations des agents auxquels elle est subordonnée, même si elles excèdent sa
nature propre l’ordre hiérarchique universel prévaut sur celui des natures propres. Or, l’Agent premier
et suprême, c’est Dieu. Les opérations qu’Il effectue dans les êtres, quels qu’ils soient, présupposent
cette puissance d’obéissance, ou puissance obédien tielle par laquelle la créature est mise en rapport
avec l’Agent premier, lequel "peut faire passer toute créature à un acte plus élevé que celui auquel le
fait parvenir l’agent naturel" (Somme Théologique 3 Q. 11, a. 1). Ainsi les miracles eux-mêmes
rentrent-ils, d’une certaine manière, dans l’ordre naturel universel tel que Dieu le veut.
dignité de leur nation : "Il ramènera le cœur
des pères aux fils, et le cœur des fils à leurs
pères Ml 4, 6."
Lectio 4 Leçon 4 [Versets 25 à 32]
[n° 913] 25 Car je ne veux pas, frères, que
vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne
soyez pas sages à vos propres yeux, c’est que
l’aveuglement est venu pour une partie
d’Israël, jusqu’à ce que la plénitude des
nations païennes soit entrée,
[n° 916] 26 et alors tout Israël sera sauvé, [n°
917] selon qu’il est écrit : "Il viendra de Sion
celui qui délivrera et qui détournera l’impiété
de Jacob."
[n° 920] 27 Et telle sera mon alliance avec
eux, lorsque j’aurai enlevé leurs péchés.
[n° 921] 28 Selon l’Evangile, il est vrai, ils
sont ennemis à cause de vous; mais selon
l’élection, ils sont très aimés à cause de leurs
pères.
[n° 924] 29 Car les dons et l’appel de Dieu
sont sans repentance.
[n° 930] 30 De même, en effet, que jadis
vous-mêmes n’avez pas cru à Dieu, et que
maintenant vous avez obtenu miséricorde à
cause de leur incrédulité,
[n° 931] 31 ainsi eux maintenant n’ont pas
cru, par suite de la miséricorde <exercée>
envers vous, afin qu’eux aussi obtiennent
miséricorde.
[n° 932] 32 Car Dieu a renfermé tout dans
l’incrédulité, afin de faire miséricorde à tous.
[86217] Super Rom., cap. 11 l. 4 Postquam
apostolus induxit gentiles in cognitionem
divinorum iudiciorum, in quibus divina
bonitas et severitas manifestatur, hic quasi
eis adhuc non sufficientibus considerare
praedicta, exponit quid sibi circa haec
videatur. Et primo proponit factum; secundo
probat, ibi sicut scriptum est, etc.; tertio
rationem assignat, ibi si enim, et cetera.
Circa primum tria facit. Primo proponit
suam intentionem, dicens : ideo induxi vos
ad considerandum bonitatem et severitatem
Dei, nolo enim, o fratres, ignorare vos
mysterium hoc, non enim omnia mysteria
capere potestis. Hoc est enim perfectorum,
912. — Après avoir fait entrer les Gentils
dans la connaissance des jugements divins,
qui manifestent la bonté et la sévérité de Dieu
[n° 903], comme s’ils n’étaient pas encore
capables de considérer ce qui a été dit,
<l’Apôtre> expose ici ce qu’il en pense lui-
même. Et
I) Il expose d’abord un fait.
II) Puis, il le prouve [n° 917] : selon qu’il est
écrit, etc.
III) Enfin, il en donne la raison [n° 930] : 30
De même, en effet, etc.
913. — I. Sur le premier de ces points il fait
trois choses
A. Il expose son intention, en disant : La
quibus dominus dicit Lc. VIII, v. 10. —
vobis datum est nosse mysterium regni Dei.
Sap. VI, 24. — non abscondam a vobis
sacramenta Dei. Sed ignorantia huius
mysterii esset vobis damnosa. 1 Co XIV, v.
38. — si quis ignorat, ignorabitur. Secundo
assignat suae intentionis rationem, ut non
sitis vobismetipsis sapientes, id est non de
sensu vestro praesumatis et ex vestro sensu
alios condemnantes, vos eis praeferatis.
Infra XII, 16. — nolite esse prudentes apud
vosmetipsos. Is. V, 21. — vae qui sapientes
estis in oculis vestris, et coram
vobismetipsis prudentes. Tertio proponit
quod intendit. Primo quidem quantum ad
casum particularium Iudaeorum, cum dicit
quia caecitas contingit in Israel, non
universaliter sed ex aliqua parte ut supra
ostensum est. Is. VI, v. 10. — excaeca cor
populi huius. Secundo ponit terminum huius
caecitatis, dicens donec intraret, ad fidem,
plenitudo gentium, id est non solum aliqui
particulariter ex gentibus, sicut tunc
convertebantur sed, vel pro toto vel pro
maiori parte, in omnibus gentibus Ecclesia
fundaretur. Ps. XXIII, 1. — domini est terra
et plenitudo eius. Dicuntur autem gentiles
ad fidem conversi intrare, quasi ex
exterioribus et visibilibus rebus quae
venerabantur, in spirituali et voluntate
divina. Ps. XCIX, 2. — introite in conspectu
eius in exultatione. Et est notandum quod
hoc adverbium donec potest designare
causam excaecationis Iudaeorum. Propter
hoc enim permisit Deus eos excaecari, ut
plenitudo gentium intraret, sicut patet ex
supradictis. Potest etiam designare
terminum, quia videlicet usque tunc caecitas
Iudaeorum durabit, quousque plenitudo
gentium ad fidem intrabit. Et huic concordat
quod infra subdit de futuro remedio
Iudaeorum, cum dicit et tunc, scilicet cum
plenitudo gentium intraverit, omnis Israel
salvus fiet, non particulariter sicut modo,
sed universaliter omnes. Os. I, 7. — salvabo
eos in domino Deo suo. Mich. ult. :
revertetur et miserebitur nostri. Deinde cum
dicit sicut scriptum est, etc., probat quod
raison pour laquelle je vous ai amenés à
considérer la bonté et la sévérité de Dieu,
c’est que ne veux pas, frères, que vous
ignoriez ce mystère, car vous ne pouvez pas
comprendre tous les mystères. C’est en effet
le propre des parfaits, auxquels le Seigneur dit
: "Pour vous, il vous a été donné de connaître
le mystère du royaume de Dieu." — "Je ne
vous cacherai pas les secrets de Dieu " Mais
l’ignorance du mystère vous serait
dommageable "Si quelqu’un l’ignore, il sera
ignoré."
914. — B. <L’Apôtre> donne ensuite la
raison de son intention : afin que vous ne
soyez pas sages à vos propres yeux, c’est-à-
dire pour que vous ne présumiez pas de votre
propre sens et qu’en condamnant les autres
d’après ce sens, vous vous préfériez à eux :
"Ne soyez pas prudents à vos propres yeux."
— "Malheur à vous qui êtes sages à vos yeux,
et qui êtes prudents vis-à-vis de vous-mêmes
1!"
915. — C. Enfin <l’Apôtre> expose ce qu’il
veut établir :
1. Premièrement, quant à la chute particulière
des Juifs, lorsqu’il dit : c’est que
l’aveuglement est venu pour Israël, non pas
dans sa totalité, mais en partie, comme on l’a
montré plus haut. <Il est écrit dans le livre d’>
Isaïe : "Aveugle le cœur de ce peuple "
2. Deuxièmement, il indique le terme de cet
aveuglement, en disant : jusqu'à ce que soit
entrée, à savoir dans la foi, la plénitude des
nations païennes, c’est-à-dire non seulement
quelques-unes d’entre les nations païennes en
particulier, comme celles qui s’étaient alors
converties, mais que dans la totalité, ou au
moins dans la plus grande partie, l’Eglise soit
fondée : "Au Seigneur est la terre et sa
plénitude." Or, on dit des Gentils convertis à
la foi qu’ils entrent, comme si à partir des
choses extérieures et visibles, qui étaient
l’objet de leur vénération, <ils entraient> dans
la réalité spirituelle et dans la volonté divine
"Entrez en sa présence dans l’exultation."
916. — Il faut noter que cette conjonction
"jusqu’à ce que" peut désigner la cause de
l’aveuglement des Juifs836
. Car Dieu a permis
836
Voir Glosa in Rom. XI, 25 (GPL, col. 1489 A).
dixerat de futura salute Iudaeorum. Et primo
probat hoc per auctoritatem; secundo per
rationem, ibi secundum Evangelium meum,
et cetera. Dicit ergo primo : dico quod
omnis Israel salvus fiet, sicut scriptum est
Is. LVI, 20 ubi nostra littera sic habet :
veniet ex Sion redemptor, et eis qui redeunt
ad Iacob, hoc foedus meum cum eis, dicit
dominus. Sed apostolus hoc inducit
secundum litteram Lxx et tangit tria verba
hic posita. Primo salvatoris adventum, cum
dicit veniet, Deus scilicet humanatus ad
salvandum nos, ex Sion, id est ex populo
Iudaeorum, qui significatur per Sion, quae
erat arx Ierusalem, quae est metropolis
Iudaeae. Unde dicitur Zachariae IX, 9. —
exulta satis, filia Sion, iubila, filia
Ierusalem, ecce rex tuus venit tibi, et cetera.
Io. IV, 22. — salus ex Iudaeis est. Vel dicit,
ex Sion eum venire, non quia sit ibi natus
sed quia inde doctrina eius exivit in
universum mundum, per hoc quod apostoli
in coenaculo Sion spiritum sanctum
receperunt. Is. II, 3. — de Sion exibit lex.
Secundo ponit salutem per Christum Iudaeis
oblatam, dicens qui eripiat, et avertat
impietatem a Iacob. Et potest ereptio referri
ad liberationem a poena. Ps. CXIV, 8. —
eripiet animam meam de morte. Quod vero
dicit avertet impietatem a Iacob, potest
referri ad liberationem a culpa. Ps. XIII, 7.
— avertet dominus captivitatem plebi suae.
Vel utrumque refertur ad liberationem a
culpa sed dicit qui eripiat, propter paucos,
qui nunc difficulter quasi cum quadam
violentia convertuntur. Amos III 12. —
quomodo si eruat pastor de ore leonis duo
crura, aut extremum auriculae, sic eruentur
filii Israel. Dicit autem avertet impietatem a
Iacob, ad ostendendum facilitatem
conversionis Iudaeorum in fine mundi.
Mich. ult. : quis Deus similis tui, qui aufers
iniquitatem, et transfers peccatum
reliquiarum haereditatis tuae ? Tertio
ostendit modum salutis, cum dicit et hoc
testamentum, scilicet novum, erit illis a me
cum abstulero peccata eorum. Vetus enim
qu’ils soient aveuglés pour que la plénitude
des nations entre, comme on le voit d’après ce
qui précède. Il peut aussi désigner le terme, à
savoir que l’aveuglement des Juifs durera
jusqu’alors, jusqu’à ce que la plénitude des
nations entre dans la foi. Et cette
interprétation s’accorde avec ce que
<l’Apôtre> ajoute ci-après à propos du
remède futur des Juifs, lorsqu’il dit : 26 et
alors, c’est-à-dire lorsque la plénitude des
nations sera entrée, tout Israël sera sauvé, non
en partie comme jusqu’à maintenant, mais
tous universellement : "Je les sauverai par le
Seigneur leur Dieu " — " Il reviendra et il
aura pitié de nous."
917. — II. Ensuite, lorsqu’il dit : selon qu’il
est écrit, <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit
à propos du salut futur des Juifs.
Et :
A) D’abord, par l’autorité <scripturaire>.
B) Puis, par un raisonnement [n° 921] Selon
l’Evangile, etc.
918. — A. Je commence donc par dire que
tout Israël sera sauvé, selon qu’il est écrit
dans <le livre d’>Isaïe, là où notre version lit :
"Un rédempteur viendra de Sion, et pour ceux
qui dans Jacob reviennent de l’iniquité, dit le
Seigneur. Voici mon alliance avec eux, dit le
Seigneur." Mais l’Apôtre cite ce passage
selon la version de la Septante837
et fait
allusion à trois choses mentionnées ici.
1. En premier lieu, à l’avènement du Sauveur,
lorsqu’il dit : Il viendra, à savoir Dieu fait
homme pour nous sauver, de Sion, c’est-à-
dire du peuple juif, lequel est indiqué par le
<mot> "Sion", qui était la citadelle de
Jérusalem, la métropole de la Judée. Ce qui
fait dire <au prophète> Zacharie : <
pleinement, fille de Sion; jubile, fille de
Jérusalem; voici que ton roi viendra à toi,
juste et sauveur." <Et à l’Apôtre> Jean : "Le
salut vient des Juifs." Ou bien il dit qu’il
viendra de Sion, non parce qu’il y est né, mais
parce que c’est de là que sa doctrine s’est
répandue dans le monde entier, après que les
apôtres eurent reçu l’Esprit-Saint au cénacle
de Sion : "De Sion sortira la Loi."
837
Voir éd. Alfred Rahlfs, vol. II, p. 646. — Kai héxci heneken Siôn ho rhuomenos kai apostrepses
asebezas apo Iakôb.
testamentum peccata non auferebat, quia, ut
dicitur Hebr. X, 4. — impossibile est
sanguine taurorum et hircorum auferri
peccata. Et ideo propter imperfectionem
veteris testamenti promittitur eis novum
testamentum. Ier. XXXI, 31. — feriam
domui Israel, et domui Iuda foedus novum.
Quod quidem habebit efficaciam ad
remissionem peccati per sanguinem Christi.
Matth. c. XXVI, 28. — hic sanguis meus
novi testamenti, qui pro multis effundetur in
remissionem peccatorum. Mich. ult. :
deponet iniquitates nostras, et proiiciet in
profundum maris omnia peccata nostra.
Deinde, cum dicit secundum Evangelium
meum, etc., probat propositum per rationem.
Et primo inducit probationem; secundo
removet obiectionem, ibi sine poenitentia
enim. Dicit ergo primo quod eorum peccata
auferentur et quod postquam peccata
habent, manifestum est quod sunt inimici
Christi. Secundum Evangelium quidem
inimici, id est quantum ad doctrinam
Evangelii pertinet, quam impugnant,
propter vos, id est ad utilitatem vestri cedit,
ut supra dictum est. Unde dicitur Lc. XIX,
27. — verumtamen inimicos meos illos qui
noluerunt me regnare super se, adducite
huc, et interficite ante me. Io. XV, 24. —
nunc autem et viderunt, et oderunt me, et
patrem meum. Vel secundum Evangelium
dicit, quod eorum inimicitia ad utilitatem
Evangelii pertinet, cuius praedicatio,
occasione talis inimicitiae, ubique
diffunditur. Col. I, 5 s. : in verbo veritatis
Evangelii, quod pervenit ad vos, sicut et in
universo mundo est, fructificat et crescit.
Sed sunt charissimi Deo propter patres, et
hoc secundum electionem, quia scilicet ob
gratiam patrum eorum semen elegit. Deut.
IV, 37. — dilexit patres tuos, et elegit
semen eorum post eos. Quod non est sic
intelligendum quasi merita praestita patribus
fuerint causa aeternae electionis filiorum
sed quia Deus ab aeterno elegit gratis et
patres et filios, hoc tamen ordine ut filii
propter patres consequerentur salutem, non
quasi merita patrum sufficerent ad filiorum
salutem, sed per quamdam abundantiam
divinae gratiae et misericordiae hoc dicit,
919. — 2. En deuxième lieu, <il fait allusion>
au salut offert aux Juifs par le Christ, en
disant : celui qui arrachera et qui détournera
l’impiété de Jacob. L’arrache ment peut se
rapporter à la libération de la peine : "Il a
arraché mon âme à la mort " tandis que le
détournement de l’impiété de Jacob peut se
rapporter à la libération de la faute : "Le
Seigneur détournera la captivité de son
peuple." Ou bien l’un et l’autre se rapportent
à la libération de la faute, mais <l’Apôtre> dit
: celui qui arrachera, à cause du petit nombre
qui s’est maintenant converti, avec difficulté
et comme avec une sorte de violence
"Comme si le pasteur arrachait de la gueule
du lion deux jambes ou un bout d’oreille,
ainsi seront arrachés les fils d’Israël." Il dit
d’autre part : qui détournera l’impiété de
Jacob, pour montrer la facilité de la
conversion des Juifs à la fin du monde : "Quel
Dieu est semblable à toi, qui ôtes l’iniquité, et
passes sous silence le péché des restes de ton
héritage
920. — 3. En troisième lieu, <il montre> le
mode du salut, lorsqu’il dit : 27. — Et telle
sera mon alliance, à savoir la nouvelle, avec
eux, lorsque j’aurai enlevé leurs péchés. Car
l’ancienne Alliance n’enlevait pas les péchés,
parce que selon ce passage de <l’épître aux>
Hébreux : "Il est impossible que les péchés
soient enlevés par du sang de taureaux et de
boucs." Voilà pourquoi, à cause de
l’imperfection de l’ancienne Alliance, une
nouvelle Alliance leur est promise : "Je ferai
une nouvelle Alliance avec la maison d’Israël
et avec la maison de Juda." Cette Alliance
nouvelle sera efficace pour la rémission du
péché par le sang du Christ : "Ceci est mon
sang, le sang de la nouvelle Alliance, qui sera
répandu pour une multitude en rémission des
péchés." — "Il laissera de côté nos iniquités,
et il jettera au fond de la mer tous nos
péchés."
921. — B. En disant ensuite : 28 Selon
l’Evangile, etc., <l’Apôtre> prouve sa
proposition par un raisonnement. Et
1) Il commence par donner sa preuve.
2) Puis, il écarte une objection [n° 924] : 29
Car les dons et l’appel de Dieu sont sans
repentance.
quae intantum patribus est exhibita, ut
propter promissiones eis factas, etiam filii
salvarentur. Vel intelligendum est secundum
electionem, id est quantum ad electos ex illo
populo, sicut supra dictum est, electio
consecuta est. Si autem sunt domino
charissimi, rationabile est quod a Deo
salventur, secundum illud Is. LXIV, 4. —
oculus non vidit, Deus, absque te quae
praeparasti, et cetera. Deinde cum dicit sine
poenitentia enim sunt, etc., excludit
obviationem. Posset enim aliquis obviando
dicere quod Iudaei, et si olim fuerint
charissimi propter patres, tamen inimicitia,
quam contra Evangelium exercent, prohibet
ne in futurum salventur. Sed hoc apostolus
falsum esse asserit, dicens sine poenitentia
enim sunt, scilicet dona et vocatio Dei,
quasi dicat : quod Deus aliquid aliquibus
donet, vel aliquos vocet, hoc est sine
poenitentia, quia de hoc Deum non poenitet,
secundum illud I Reg. c. XV, 29. —
triumphator in Israel non parcet, nec
poenitudine flectetur. Ps. CIX, 5. — iuravit
dominus, et non poenitebit eum. Sed videtur
falsum. Dicit enim dominus Gen. VI, 6. —
poenitet me fecisse hominem. Et Ier. XVIII,
9 s. : loquar de gente et de regno, ut
aedificem et plantem illud. Si fecerit malum
in oculis meis, poenitentiam agam super
bonum quod locutus sum ut facerem ei. Sed
dicendum est quod sicut dominus irasci
dicitur, non propter hoc quod in eo sit
commotio irae sed quia ad modum irati se
habet quantum ad punitionis effectum, ita
quandoque poenitere dicitur, non quasi in eo
sit poenitentiae commutatio sed quia ad
modum poenitentis se habet dum mutat
quod fecerat. Sed adhuc videtur hoc quod
dona et vocatio non sint sine poenitentia,
quia dona divinitus concessa, frequenter
amittuntur, secundum illud Matth. XXV, 28.
— tollite itaque ab eo talentum, et date ei
qui habet decem talenta. Vocatio enim Dei
etiam quandoque mutari videtur, cum
scriptum sit Matth. XXII, 14. — multi sunt
vocati, pauci vero electi. Sed dicendum est
quod donum hic accipitur pro promissione,
quae fit secundum Dei praescientiam vel
praedestinationem. Vocatio autem hic
922. — 1. Il commence donc par dire que
leurs péchés seront enlevés et qu’après avoir
péché ils sont manifestement ennemis du
Christ. Selon l’Evangile, il est vrai, ils sont
ennemis, c’est-à-dire en ce qui concerne la
doctrine de l’Evangile qu’ils attaquent, à
cause de vous, c’est-à-dire que <leur attaque>
tourne à votre avantage, comme on l’a dit plus
haut." D’où ces paroles de Luc : "Quant à mes
ennemis, qui n’ont pas voulu que je règne sur
eux, amenez-les ici et tuez-les devant moi "
— "Mais main tenant ils ont vu <mes
œuvres>, et ont haï et moi et mon Père " Ou
bien il dit Selon l’Evangile, parce que leur
inimitié est utile à l’Evangile, dont la
prédication, à cause de cette inimitié, se
répand de tous côtés : "Par la parole de la
vérité de l’Evangile, qui vous est parvenu,
comme il est aussi répandu dans le monde
entier, où il fructifie et croît."
923. — Mais ils sont très aimés de Dieu à
cause de leurs pères, et cela selon l’élection,
c’est-à-dire qu’à cause de la grâce de leurs
pères <Dieu> a choisi leur postérité : "Il a
choisi leur postérité après eux." Il ne faut pas
comprendre ces paroles comme si les mérites
accordés aux pères eussent été la cause de
l’élection éternelle des fils, mais que Dieu de
toute éternité a choisi gratuitement les pères et
les fils, en ordonnant cependant que les fils
obtiendraient le salut à cause de leurs pères;
non point comme si les mérites des pères
suffisaient au salut des fils, mais <l’Apôtre>
dit cela à cause d’une surabondance de la
grâce divine et de la miséricorde, que <Dieu>
a si largement prodiguée aux pères, qu’en
raison des promesses qui leur ont été faites,
leurs fils aussi seraient sauvés. Ou bien il faut
comprendre : selon l’élection, c’est-à-dire
quant aux élus de ce peuple, comme on l’a dit
plus haut : "Ce que recherchait Israël il ne l’a
pas obtenu; mais l’élection l’a obtenu " S’ils
sont très aimés du Seigneur, il est raisonnable
qu’ils soient sauvés par Dieu, selon ce
passage d’Isaïe "L’œil n’a pas vu, ô Dieu, toi
excepté, ce que tu as préparé à ceux qui
t’attendent."
924. — 2. Lorsqu’il dit : 29 Car les dons et
l’appel de Dieu sont sans repentance, etc.,
accipitur pro electione, quia propter
certitudinem utriusque, quod Deus promittit,
iam quodammodo dat : et quos elegit, iam
quodammodo vocat. Et tamen ipsum
temporale Dei donum et temporalis vocatio,
non irritatur per mutationem Dei quasi
poenitentis sed per mutationem hominis, qui
gratiam Dei abiicit, secundum illud Hebr.
XII, v. 15. — contemplantes ne quis desit
gratiae Dei. Potest etiam quod hic dicitur
aliter intelligi, ut dicamus quod dona Dei
quae dantur in Baptismo et vocatio qua
baptizatus vocatur ad gratiam, sunt sine
poenitentia hominis baptizati, quod quidem
hic inducitur, ne aliquis desperet de futura
Iudaeorum salute, propter hoc quod non
videntur de peccato suo poenitere. Sed
contra hoc quod dicitur, est quod Petrus
dicit Act. II, 38. — poenitentiam agite, et
baptizetur unusquisque vestrum. Sed
dicendum est quod duplex est poenitentia :
interior et exterior. Interior quidem consistit
in contritione cordis, qua quis dolet de
peccatis praeteritis, et talis poenitentia
requiritur a baptizato, quia, ut Augustinus
dicit in libro de poenitentia : nemo suae
voluntatis arbiter constitutus, potest novam
vitam inchoare, nisi poeniteat eum veteris
vitae, alioquin fictus ad Baptismum accedit.
Exterior vero poenitentia consistit in
exteriori satisfactione quae a baptizato non
requiritur, quia per gratiam baptismalem
liberatur homo non solum a culpa sed etiam
a tota poena per virtutem passionis Christi,
qui pro peccatis omnium satisfecit, sicut
supra VI, 3 dictum est : quicumque baptizati
sumus in Christo Iesu, in morte ipsius
baptizati sumus. Unde dicitur Tit. III, 5 s. :
per lavacrum regenerationis et renovationis
spiritus sancti, quem effudit in nos abunde.
Sed cum claves Ecclesiae et omnia alia
sacramenta in virtute passionis Christi
operentur, videtur quod pari ratione omnia
alia sacramenta liberent hominem a culpa et
a tota poena. Sed dicendum est, quod passio
Christi operatur in Baptismo per modum
<l’Apôtre> écarte une objection. En effet, on
pourrait objecter en disant : que les Juifs, bien
qu’autrefois très aimés <de Dieu> à cause de
leurs pères, étaient cependant empêchés
d’être sauvés dans l’avenir, à cause de
l’inimitié dont ils faisaient preuve contre
l’Evangile. Mais l’Apôtre affirme que cette
objection est erronée, en disant : Car les dons
et l’appel de Dieu sont sans repentance,
autrement dit quand Dieu donne aux uns ou
qu’il appelle les autres, c’est sans repentance,
parce que Dieu ne s’en repent pas, selon ce
passage du premier livre des Rois : "Le
triomphateur en Israël n’épargnera point et il
ne sera pas touché de repentir." <Et selon ce
verset d’un psaume> : "Le Seigneur l’a juré et
il ne s’en repentira point."
925. — Mais cela semble faux, car le
Seigneur dit : "Je me repens d’avoir fait
l’homme." Et encore : "Je parlerai d’une
nation et d’un royaume, afin de l’édifier et de
l’affermir. Et s’il fait le mal à mes yeux et
n’écoute point ma voix, je me repentirai du
bien que j’ai dit que je lui ferai."
Réponse. De la même manière qu’on dit que
le Seigneur s’est mis en colère838
, non qu’il y
ait en lui le trouble de la colère, mais parce
qu’il se comporte à la manière d’un homme
irrité quant à l’effet de la punition, ainsi dit-on
parfois qu’il se repent, non comme s’il y avait
en lui un changement <dû au> repentir, mais
parce qu’il se comporte à la manière de celui
qui se repent, quand il change ce qu’il avait
fait.
926. — Mais il semble encore que les dons et
l’appel ne soient pas sans repentance, puisque
les dons divinement accordés se perdent
fréquemment, selon cette parole de Matthieu :
"Reprenez-lui donc le talent et donnez-le à
celui qui a dix talents." L’appel de Dieu est
aussi quelquefois, semble-t-il, sujet au
changement, puisqu’il est écrit : "Beaucoup
sont appelés, mais peu sont élus."
On répondra que <le mot> "don" est pris ici
pour la promesse, qui se fait selon la
prescience ou la prédestination de Dieu;
838 Lieux parallèles : I Contra Gentiles c. 89; 3 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 2, sol. 4; Super Psalmos, in Ps.
5, lld; 17, 9; 17, 16; 29, 6; 37,
cuiusdam generationis, quae requirit ut
homo totaliter priori vitae moriatur, ad hoc
ut novam vitam accipiat. Et ideo tollitur in
Baptismo totus reatus poenae, qui pertinet
ad vetustatem prioris vitae. Sed in aliis
sacramentis operatur virtus passionis Christi
per modum sanationis ut in poenitentia.
Sanatio autem non requirit, ut statim omnes
infirmitatis reliquiae auferantur. Et eadem
ratio est in aliis sacramentis. Sed cum
confessio peccatorum pertineat ad
exteriorem poenitentiam, quaeri potest
utrum a baptizato confessio peccatorum
requiratur : et videtur quod sic. Dicitur enim
Matth. III, 6, quod baptizabantur homines a
Ioanne, confitentes peccata sua. Sed
dicendum est quod Baptismus Ioannis erat
Baptismus poenitentiae, quia scilicet
accipiendo illum Baptismum quodammodo
se profitebantur poenitentiam accepturos de
peccato suo et ideo conveniens erat ut
confiterentur, ut secundum modum peccati
eis poenitentia statueretur. Sed Baptismus
Christi est Baptismus remissionis omnium
peccatorum, ita quod non restat baptizato
aliqua satisfactio pro peccatis praeteritis,
propter quod nulla est confessionis vocalis
necessitas. Ad hoc enim necessaria est
tandis que <le mot> "appel" est pris ici pour
l’élection, attendu qu’en raison de la certitude
de l’un et de l’autre Dieu donne déjà en
quelque sorte ce qu’il promet, et il appelle
déjà en quelque sorte ceux qu’il a choisis.
Toutefois le don de Dieu, même temporel, et
son appel temporel, ne sont pas annulés par le
changement de Dieu, qui se repentirait, mais
par le changement de l’homme, qui rejette la
grâce de Dieu, selon ce passage de <l’épître
aux> Hébreux : "Veillant à ce que personne
ne manque à la grâce de Dieu."
927. — On peut encore839
comprendre ce
qu’on vient de dire d’une autre manière Nous
disons que les dons de Dieu accordés dans le
baptême et l’appel par lequel le baptisé est
appelé à la grâce sont sans repentance du côté
de l’homme baptisé840
. <L’Apôtre> parlerait
ainsi pour qu’on ne désespère pas du salut
futur des Juifs, étant donné qu’ils ne semblent
pas se repentir de leur péché841
.
Mais en sens contraire Pierre dit ces paroles :
"Faites pénitence, et que chacun de vous soit
baptisé au nom de Jésus-Christ, en rémission
de vos péchés, et vous recevrez le don de
l’Esprit-Saint."
Il faut répondre qu’il y a une double pénitence
: l’une intérieure, l’autre extérieure842
. <La
839
Lieux parallèles : 5. Th. 3a, Q. 49, a. 3, sol. 2; Q. 68, a. 5; Sentences dist. 19, Q. 1, a. 3, Q. 2, sol. 1;
4 Cont. Gentiles c. 59. 840
Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 62, a. 5; Q. 64, a. 2, sol. 2; 4 Sentences dise. 1, Q. I, a.
a. 1, arg. I, sed contr. ; a. 2, sol. 3; 4 Sentences dist. 4, Q. 2, a. 1, q Q. 2, a. 1, q Cons. Cens., c. 59, 72. 846
Lieux parallèles : Somme Théologique 3a, Q. 49, a. 3, sol. 2; Q. 68, a. 5; Q. 69, a. 2; Q. 86, a. 4,
sol. 3; 3 Sentences dist. 19, Q. 1, a. 3, Q. 2; 4 Sentences dist. 4, Q. 2, a. 1, Q. 2; dist. 14, Q. 2, a. 1, Q.
2, sol. 3, dist. 18, Q. 1, a. 3, Q. 2.
VIII, 43. — quare non creditis mihi ? Et
hoc est quod subdit in vestram
misericordiam, id est in gratiam Christi, per
quam misericordiam consecuti estis. Tit. III,
v. 5. — secundum suam misericordiam
salvos nos fecit. Vel non crediderunt ut per
hoc pervenirent in vestram misericordiam.
Vel non crediderunt, quod in vestram
misericordiam occasionaliter cessit, ut et
ipsi quandoque misericordiam
consequantur. Is. XIV, v. 1. — miserebitur
dominus Iacob. Deinde, cum dicit conclusit
enim, etc., assignat rationem huius
similitudinis, quia scilicet Deus voluit, ut
sua misericordia in omnibus locum haberet.
Et hoc est quod subdit conclusit enim Deus,
id est concludi permisit, omnia, id est omne
hominum genus, tam Iudaeos quam gentiles,
in incredulitate, sicut in quadam catena
erroris. Sap. XVII, 7. — una catena
tenebrarum omnes erant colligati. Ut
omnium misereatur, id est ut in omni genere
hominum sua misericordia locum habeat.
Sap. XI, 24. — misereris omnium, domine.
Quod quidem non est extendendum ad
Daemones secundum errorem Origenis, nec
etiam quantum ad omnes homines
singillatim, sed ad omnia genera hominum.
Fit enim hic distributio pro generibus
singulorum et non pro singulis generum.
Ideo autem Deus vult omnes per suam
misericordiam salvari, ut ex hoc humilientur
et suam salutem non sibi, sed Deo
adscribant. Os. c. XIII, 9. — perditio tua in
te, Israel, tantummodo ex me auxilium tuum.
Supra III, 19. — ut omne os obstruatur, et
subditus fiat omnis mundus Deo.
abondance par Jésus-Christ Notre
Sauveur847
."
928. Cependant,848
comme les clefs de
l’Eglise et tous les autres sacrements opèrent
aussi par la vertu de la passion du Christ, il
semble que pour la même raison tous les
autres sacrements libèrent l’homme de la
faute et de toute la peine.
Il faut répondre que la passion du Christ opère
dans le baptême par mode de régénération, ce
qui requiert de l’homme qu’il meure
totalement à la première vie pour recevoir la
vie nouvelle. C’est la raison pour laquelle
dans le baptême toute l’obligation à la peine,
qui appartient à la vétusté de la première vie,
est enlevée. Mais dans les autres sacrements
la vertu de la passion du Christ opère par
mode de guérison, comme dans la pénitence.
Or la guérison ne requiert pas qu’aussitôt tous
les restes de l’infirmité soient enlevés. La
même raison vaut pour les autres sacrements.
929. — Toutefois, comme la confession des
péchés appartient à la pénitence extérieure, on
peut se demander si la confession des péchés
est requise chez le baptisé. Il semble que oui,
car il est dit dans <l’évangile de> Matthieu
que les gens "étaient baptisés par Jean en
confessant leurs péchés."
Il faut répondre que le baptême de Jean était
un baptême de pénitence, parce qu’en le
recevant on s’engageait en quelque sorte à
faire pénitence de ses péchés849
. Il convenait
donc qu’ils confessent <leurs péchés> afin
qu’une pénitence proportionnée à la mesure
du péché leur soit infligée. Mais le baptême
du Christ est le baptême de la rémission de
tous les péchés, en sorte qu’il ne reste à
acquitter chez le baptisé aucune satisfaction
pour les péchés passés. Voilà pourquoi la
confession vocale n’est nullement nécessaire.
Si cette confession est nécessaire pour le
sacrement de pénitence, c’est afin que le
prêtre, par le pouvoir des clefs, lie ou délie le
pénitent comme il convient (convenienter)850
.
847
Sentences dist. 14, Q. 2, a. 1, Q. 2; 3 Contra Gentiles c. 158. 848
Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae, Q. 87, a. 6; 3a, Q. 86, a. 4 849
Lieux parallèles : Somme Théologique 3a, Q. 38, a. 3; 4 Sentences dise. 2, Q. 2, a. 2. 850
Le mot "convenienter" sous-entend ici les qualités requises du confesseur science, discernement,
discrétion, prudence, justice, bonté, douceur, etc. Voir in 4 Sentences dist. 17, Q. 3, a. 5 (expositio
textus); S’il. Suppi., Q. 18, a. 4.
930. III. Lorsqu’il dit : 30 De même, en effet,
etc., <l’Apôtre> donne la raison du salut futur
des Juifs après leur incrédulité.
Et :
A) Il expose d’abord une similitude entre le
salut de l’un et l’autre peuple.
B) Puis, il montre la raison de cette similitude
[n° 932] : 32 Car Dieu a renfermé, etc.
931. — A. Il commence donc par dire :
J’affirme que tout Israël sera sauvé, bien que
maintenant ils soient ennemis. De même, en
effet, que jadis vous-mêmes, Gentils, vous
n‘avez pas cru à Dieu ("Vous étiez en ce
temps-là sans Christ, séparés de la cité
d’Israël, étrangers aux alliances, n’ayant point
l’espérance de la promesse, et sans Dieu en ce
monde ") — et que maintenant vous avez
obtenu miséricorde
— (" les nations honorent Dieu pour sa
miséricorde." Et encore "J’aurai pitié de celle
qui fut sans miséricorde ") — et cela à cause
de leur incrédulité, qui fut la cause
occasionnelle de votre salut, comme on l’a dit
plus haut, 3! ainsi eux, c’est-à-dire les Juifs,
maintenant, c’est-à-dire au temps de la grâce,
n'ont pas cru, à savoir au Christ "Pourquoi ne
me croyez-vous pas ?" Et c’est ce que
"Apôtre> ajoute : par suite de la miséricorde
<exercée> envers vous, c’est-à-dire par suite
de la grâce du Christ, par laquelle vous avez
obtenu miséricorde "Il nous a sauvés selon sa
miséricorde." Ou bien n'ont pas cru, afin de
parvenir ainsi à votre miséricorde. Ou encore
: n’ont pas cru, ce qui a tourné
occasionnellement à votre miséricorde, afin
qu’eux aussi obtiennent un jour miséricorde.
— < Le Seigneur aura pitié de Jacob."
932. B. En disant : 32 Car Dieu a renfermé,
etc., <l’Apôtre> donne la raison de cette
similitude : c’est parce que Dieu a voulu que
sa miséricorde ait lieu à l’égard de tous. Tel
est bien ce qu’ajoute <l’Apôtre> : Car Dieu a
renfermé, c’est-à-dire a permis que tout, c’est-
à-dire tout le genre humain, Juifs aussi bien
que Gentils, soit renfermé dans l’incrédulité,
comme dans une chaîne d’erreur "D’une
même chaîne de ténèbres tous étaient liés." —
afin de faire miséricorde à tous, c’est-à-dire
afin que sa miséricorde ait lieu à l’égard de
tout le genre humain : "Tu fais miséricorde â
tous, Seigneur." Parole qu’il ne faut
assurément pas étendre aux démons, selon
l’erreur d’Origène851
, ni même à tous les
hommes pris individuellement, mais à toutes
les classes d’hommes. Car cette extension
(distributio) s’applique aux diverses classes
d’hommes et non à chacun des hommes
compris dans ces classes. Aussi la raison pour
laquelle Dieu veut que tous soient sauvés par
sa miséricorde, c’est afin qu’ils trouvent en
cela un sujet de s’humilier et qu’ils attribuent
leur salut non à eux-mêmes, mais à Dieu : "Ta
perte <vient de toi>, Israël c’est seule ment en
moi qu’est ton secours." <Et encore> : "que
toute bouche soit fermée et que tout le monde
devienne soumis à Dieu "
Lectio 5 Leçon 5 [Versets 33 à 36]
[n° 934] Ô abîme des richesses de la sagesse
et de la science de Dieu ! Que ses jugements
sont incompréhensibles, et ses voies
insondables
[n° 938] 31 Car qui a connu la pensée du
Seigneur ? Ou qui a été son conseiller ?
[n° 940] Ou qui, le premier, lui a donné, et
sera rétribué ?
[n° 942] Puisque c’est de lui, et par lui, et en
lui, que sont toutes choses; à lui la gloire dans
les siècles des siècles. Amen.
[86218] Super Rom., cap. 11 l. 5 Supra
apostolus conatus fuit assignare rationem
divinorum iudiciorum quibus tam gentes,
quam Iudaei post incredulitatem
misericordiam consequuntur, nunc, quasi ad
haec investiganda se insufficientem
recognoscens, exclamando divinam
933. — Plus haut, l’Apôtre s’est efforcé de
donner la raison des jugements divins, par
lesquels les nations païennes comme les Juifs
obtiennent miséricorde après leur incrédulité
[n° 903]; comme s’il reconnaissait maintenant
son incapacité à les sonder, il pousse un cri
d’admiration devant l’excellence divine. Et
851 Voir ORIGÈNE, Peri Archon I, 6, 1-2 (SC 252, 202-205).
Saint Thomas (voir Somme Théologique I’, Q. 64, a. 2; Suppl., Q. 99, a. 2 et 3; 3 Sentences dist. 22, Q.
2, a. 2, Q. 2; 3 Contra Gentiles c. 144; Super Matth. 25, 46, éd. Marietti, n° 2113) connaît la doctrine
d’Origène sur I’apocatastase (réconciliation universelle de toute la création, avec les pécheurs, les
damnés et les démons) à travers saint Augustin (De civitate Dei XXI, 17 [n° 37, 448-450]). En réalité, si
l’on trouve trés nettement exprimé chez Origène l’espoir d’un rétablissement universel, sa position
est à nuancer, car il parle le plus souvent par maniére d’hypothéses et non pas par manière
d’affirmations définitives. Le texte cité, le Pers Archon, même s’il offre un exposé complet de ses
idées sur l’apocatastase, ne nous est parvenu que dans une traduction tardive et corrigée de Rufin.
excellentiam admiratur. Et primo admiratur
divinam excellentiam; secundo probat quod
dixerat, ibi quis enim cognovit, et cetera.
Circa primum duo facit. Primo admiratur
excellentiam divinae sapientiae secundum
se consideratae; secundo per
comparationem ad nos, ibi quam
incomprehensibilia, et cetera. Excellentiam
divinae cognitionis admiratur. Primo
quantum ad altitudinem, dicens o altitudo.
Eccle. VII, 25. — alta profunditas, quis
inveniet eam ? Ier. XVII, 12. — solium
gloriae altitudinis a principio. Haec autem
altitudo attenditur quantum ad tria. Uno
quidem modo quantum ad rem cognitam,
inquantum scilicet Deus seipsum perfecte
cognoscit. Eccli. XXIV, 5. — ego in
altissimis habito. Alio modo quantum ad
modum cognoscendi, inquantum scilicet per
seipsum omnia cognoscit. Ps. ci, 20. —
prospexit de excelso sancto suo, dominus de
caelo in terram aspexit. Tertio quantum ad
certitudinem cognitionis. Eccli. XXIII, 28.
— oculi domini multo plus lucidiores sunt
super solem. Secundo admiratur
excellentiam divinae cognitionis quantum
ad eius plenitudinem, cum dicit divitiarum.
Is. XXXIII, 6. — divitiae salutis sapientia
et scientia. Quae quidem plenitudo
attenditur in tribus. Uno modo in
multitudine cognitorum, quia scilicet omnia
novit. Ioan. ult. : domine, tu omnia scis. Col.
II, 3. — in ipso sunt omnes thesauri
sapientiae Dei absconditi. Alio modo
quantum ad facilitatem cognoscendi, quia
statim omnia intuetur sine inquisitione et
difficultate. Hebr. IV, 13. — omnia nuda et
aperta sunt oculis eius. Tertio quantum ad
copiam cognitionis, quia eam omnibus
communicat affluenter. Iac. I, 5. — si quis
vestrum indiget sapientia, postulet a Deo,
qui dat omnibus affluenter. Tertio admiratur
divinam excellentiam quantum ad
perfectionem, cum dicit sapientiae et
I) II commence par admirer l’excellence
divine.
II) Puis, il prouve ce qu’il avait dit [n° 938] u
Car qui a connu, etc.
I. Sur le premier point, il admire l’excellence
de la sagesse divine
A) D’abord considérée en elle-même.
B) Puis, comparée à nous [n° 937] : Que ses
jugements sont incompréhensibles.
934. — A. Il852
admire l’excellence de la
connaissance divine.
1. En premier lieu, quant à son abîme, en
disant : 33 O abîme des richesses de la
sagesse et de la science de Dieu! — "<Sa>
profondeur est un abîme, qui la trouvera ?" Et
: "Le trône de la gloire est un abîme depuis le
commencement." Or on peut considérer cet
abîme sous trois rapports
a. D’abord, quant à l’objet de la connaissance,
à savoir en tant que Dieu se connaît lui-même
parfaitement853
"C’est moi qui habite dans les
abîmes les plus profonds."
b. Ensuite, quant au mode de connaissance, à
savoir en tant que par lui-même <Dieu>
connaît toutes choses854
— "Il s’est penché du
haut de son lieu saint, le Seigneur a regardé
du ciel sur la terre."
c. Enfin, quant à la certitude de la
connaissance : "Les yeux du Seigneur sont
beaucoup plus lumineux que le soleil,
explorant du regard toutes les voies de
l’homme et le profond de l’abîme, et
examinant les cœurs des hommes jusque dans
les parties les plus cachées."
935. — 2. En deuxième lieu, <l’Apôtre>
admire l’excellence de la connaissance divine
quant à sa plénitude, lorsqu’il dit : des
richesses. — "Sagesse et science sont des
richesses de salut." Cette plénitude peut être
considérée sous trois rapports :
a. D’abord, sous le rapport de la multitude des
choses connues, c’est-à-dire que <Dieu>
connaît toutes choses : "Seigneur, tu sais
toutes choses." — "En lui sont cachés tous les
852
Lieux parallèles Somme Théologique P, Q. 14; De veritate, Q. 2. 853 Lieux parallèles : Somme Théologique Ia, Q. 14, a. 2; De veritate, Q. 2, a. 2; 1 Contra Gentiles c. 47
et 48; 4 Contra Gentiles c. 11; Super Metaphys. 12, lect. 11 (éd. Marierti, n° 2614-2615).
854 Lieux parallèles Somme Théologique P, Q. 14, a. 5; De veritate, Q. 2, a. 4; 1 Contra Cent. 48 et 49.
scientiae Dei. Habet enim sapientiam de
divinis, Iob XII, 16. — apud ipsum est
fortitudo et sapientia, et scientiam de rebus
creatis, Bar. III, 32. — qui scit universa,
novit eam. Deinde cum dicit quam
incomprehensibilia, etc., ostendit
excellentiam divinae sapientiae per
comparationem ad nostrum intellectum. Et
primo quantum ad sapientiam, ad quam
pertinet iudicare et ordinare. Unde dicit
quam incomprehensibilia sunt iudicia eius,
quia scilicet homo non potest
comprehendere rationem divinorum
iudiciorum, quia in sapientia Dei latent. Ps.
XXXV, 7. — iudicia tua abyssus multa. Iob
XI, 7. — forsitan vestigia Dei
comprehendes, et omnipotentem usque ad
perfectum reperies. Secundo quantum ad
scientiam, per quam in rebus operatur. Unde
subdit et investigabiles, id est non perfecte
ab homine vestigabiles, viae eius, id est
processus eius, quibus in creaturis operatur.
Et si ipsae creaturae sint homini notae,
tamen modi quibus Deus in creaturis
operatur ab homine comprehendi non
possunt. Ps. LXXVI, 19. — in mari via tua
et semitae tuae in aquis multis, et vestigia
tua non cognoscentur. Iob XXXVIII, v. 24.
— per quam viam spargitur lux, et cetera.
Deinde cum dicit quis enim, etc., probat
quod dixerat, ad quod inducit duas
auctoritates, quarum una habetur Isaiae XL,
v. 13 ubi secundum litteram nostram sic
legitur : quis adiuvit spiritum domini, aut
quis consiliarius eius fuit ? Loco cuius hic
dicitur quis enim cognovit sensum domini,
aut quis consiliarius eius fuit ? Alia
auctoritas habetur Iob XLI, 2. — quis ante
dedit mihi ut, reddam ei ? Ex loco cuius hic
dicitur aut quis prior dedit illi, et retribuetur
ei ? In his autem verbis et sequentibus
apostolus tria facit. Primo ostendit
trésors de la sagesse et de la science."
b. Ensuite, sous le rapport de sa facilité de
connaître, puisque son regard embrasse
aussitôt toutes choses sans recherche et sans
difficulté : "Tout est à nu et à découvert à ses
yeux."
c. Enfin, sous le rapport de l’abondance de la
connaissance, puisque <Dieu> la
communique à tous en abondance : "Si
quelqu’un d’entre vous manque de sagesse,
qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous en
abondance."
936. — 3. En troisième lieu, <l’Apôtre>
admire l’excellence divine quant à sa
perfection, lorsqu’il dit : de sagesse et de
science de Dieu. Car <Dieu> a la sagesse des
choses divines : "En lui sont la force et la
sagesse ", et la science des choses créées
"Celui qui sait toutes choses la connaît855
."
937. — B. Lorsqu’il dit : Que ses jugements
sont incompréhensibles, <l’Apôtre> montre
l’excellence de la sagesse divine en la
comparant à notre intelligence.
1. Et premièrement quant à la sagesse, à
laquelle il appartient de juger et d’ordonner.
Aussi <l’Apôtre> dit-il : Que ses jugements
sont incompréhensibles, c’est-à-dire l’homme
ne peut comprendre la raison des jugements
divins, puisqu’ils se cachent dans la sagesse
de Dieu : "Tes jugements sont un abîme
profond" — "Comprendras-tu peut-être les
traces de Dieu et découvriras-tu la perfection
du Tout-Puissant ?"
2. Deuxièmement, quant à la science, par
laquelle il opère dans les choses. Aussi
ajoute-t-il : et insondables, c’est-à-dire que
l’homme ne peut sonder parfaitement, ses
voies, c’est-à-dire comment il procède pour
opérer dans les créatures. Quand ces créatures
elles-mêmes seraient connues de l’homme,
cependant le mode selon lequel Dieu opère en
elles ne peut être compris de l’homme : "Dans
855 Ba 3, 32. On notera à quelle hauteur métaphysique la rigueur du commentaire thomasien lui
permet de s’élever. Distinguant les trois éléments de l’exclamation paulinienne [ "ô abîme", 2)" des
richesses", 3) de la sagesse et de la science de Dieu s], il rapporte chacun d’eux à un aspect de la
connaissance que Dieu a de lui-même et du monde. Le premier aspect pourrait, en quelque manière,
être rapporté au Père, source abyssale, le deuxième à l’Esprit-Saint, plénitude universelle, le
troisième au Fils, connais sance parfaite et de Dieu (sagesse), et de la création (science).
excellentiam divinae sapientiae per
comparationem ad intellectum nostrum,
dicens : dictum est quod incomprehensibilia
sunt iudicia eius et investigabiles viae eius,
quis enim cognovit sensum domini, per
quem scilicet iudicat et operando procedit;
quasi dicat : nullus, nisi eo revelante. Sap.
IX : sensum tuum quis scire poterit, nisi tu
dederis sapientiam, et miseris spiritum
sanctum tuum de altissimis ? Et 1 Co II, 11.
— quae sunt Dei nemo novit, nisi spiritus
Dei, nobis autem revelavit Deus per
spiritum suum. Secundo ostendit
excellentiam divinae sapientiae, secundum
quod in se habet altitudinem, quae quidem
est altitudo, quae est supremi principii, ad
quod duo pertinent : primo quod non sit ab
alio; secundo quod alia sint ab eo, et haec
ostendit, ibi quoniam ex ipso. Quod autem
sapientia Dei non dependeat ab altiori
principio, ostendit dupliciter. Primo quidem
per hoc quod non est instructa alieno
consilio. Unde dicit aut quis consiliarius
eius fuit ? Quasi diceret : nullus. Ille enim
consilio indiget, qui non plene cognoscit
qualiter sit agendum, quod Deo non
competit. Iob XXVI, 3. — cui dedisti
consilium ? Forsitan illi qui non habet
sapientiam. Ier. c. XXIII, 18. — quis affuit
in consilio domini ? Secundo per hoc quod
non est adiuta alieno dono. Unde subdit aut
quis prior dedit illi, et per hoc retribuetur ei
? Quasi prius danti. Quasi dicat : nullus.
Non enim potest homo dare Deo, nisi quae a
Deo accepit. Par. ult. : tua sunt omnia, et
quae de manu tua accepimus, dedimus tibi.
Iob XXXV, 7. — porro si iuste egeris, quid
donabis ei, aut quid de manu tua accipiet ?
Deinde cum dicit quoniam ex ipso, etc.,
ostendit altitudinem Dei, quantum ad hoc
quod in ipso sunt omnia. Et primo ostendit
eius causalitatem; secundo eius dignitatem,
ibi ipsi honor et gloria; tertio eius
perpetuitatem, ibi in saecula saeculorum,
amen. Dicit ergo primo : recte dixi quod
nullus prior dedit illi, quia ex ipso, et per
la mer a été ta voie, dans la multitude des
eaux tes sentiers, et tes traces ne seront pas
connues." — "Par quelle voie se répand la
lumière et se distribue la chaleur sur la terre."
938. — II. Lorsqu’il ajoute : 34 Car qui a
connu, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait
dit. A cet effet, il cite deux autorités
<scripturaires>, dont l’une se trouve dans <le
livre d’>Isaïe. On y lit selon notre version 12.
— "Qui a aidé l’Esprit du Seigneur, ou qui a
été son conseiller ?" au lieu de ce qui est écrit
ici : Car qui a connu la pensée du Seigneur ?
Ou qui a été son conseiller 856
?" L’autre
autorité <scripturaire> se trouve dans <le livre
de> Job. <On y lit selon notre version> : "Qui
m’a donné le premier, afin que je lui rende ?"
au lieu de ce qui est écrit ici : Ou qui, le
premier, lui a donné et sera rétribué ? Or dans
ces paroles comme dans celles qui suivent,
l’Apôtre fait trois choses :
939. — A. Il montre en premier lieu
l’excellence de la sagesse divine, en la
comparant à notre intelligence, en disant : On
a dit : Que ses jugements sont
incompréhensibles, et ses voies insondables!
<Et il ajoute aussitôt> : Car qui a connu la
pensée du Seigneur ?, c’est-à-dire par laquelle
il juge et procède pour opérer; autrement dit,
personne, à moins qu’elle ne lui soit révélée :
"Qui pourra connaître ta pensée, si tu ne
donnes toi-même la sagesse, et si tu n’envoies
ton Esprit-Saint du plus haut des cieux ? "Et :
"Nul ne connaît ce qui est de Dieu, sinon
l’Esprit de Dieu." Or "Dieu nous l’a révélé
par son Esprit."
940. — B. En deuxième lieu, <l’Apôtre>
montre l’excellence de la sagesse divine,
selon qu’elle renferme un abîme en elle-
même, abîme qui est le propre du principe
suprême, lequel se caractérise de deux
manières :
1) D’abord, en ce qu’il ne dépend d’aucun
autre.
2) Puis, parce que les autres <principes>
dépendent de lui.
L’Apôtre montre ces caractères <en disant :>
856
Selon la Septante, éd. Alfred Rahlfs, vol. II, p. 619" us egn noun kuriou, kai us ausou sumboulos
egeneto.
ipsum, et in ipso sunt omnia. Et ita nihil
potest esse nisi a Deo acceptum. Ad
designandum autem Dei causalitatem utitur
tribus praepositionibus, quae sunt, ex, per et
in. Haec autem praepositio, ex, denotat
principium motus; et hoc tripliciter : primo
quidem ipsum principium agens, vel
movens; alio modo, ipsam materiam; tertio
modo, ipsum contrarium oppositorum, quod
est terminus a quo incipit motus. Dicimus
enim cultellum fieri ex fabro et ferro et ex
infigurato. Universitas autem creaturarum
non est facta ex praeexistenti materia, quia
et ipsa materia est effectus Dei. Et
secundum hoc omnia creata non dicuntur ex
aliquo esse sed, sicut ex opposito, dicuntur
esse ex nullo, quia nihil erant antequam
crearentur ut essent. Sap. II, 2. — ex nihilo
nati sumus. Ex Deo autem sunt omnia, sicut
ex primo agente. 1 Co XI, 12. — omnia
autem ex Deo. Notandum tamen quod haec
praepositio de, easdem habitudines
designare videtur, hoc tamen superaddit,
quia semper designat causam
consubstantialem. Dicimus enim cultellum
esse de ferro, non autem de artifice; quia
igitur filius procedit a patre ut ei
consubstantialis, dicimus filium esse de
patre. Creaturae vero non procedunt a Deo
tamquam ei consubstantiales; unde non
dicuntur esse de ipso, sed solum ex ipso.
Haec autem praepositio per, designat
causam operationis, sed quia operatio est
medium inter faciens et factum, dupliciter
[n° 942] : 36 Puisque c’est de lui, etc.
941. — 1. Que la sagesse de Dieu ne dépend
pas d’un principe plus élevé, <l’Apôtre> le
montre de deux manières857
a. D’abord, parce qu’elle n’est pas instruite
par un conseil étranger. Aussi dit-il : Ou qui a
été son conseiller ? Autrement dit, personne.
Car celui-là a besoin d’un conseil qui ne sait
pas tout à fait comment il faut agir; ce qui ne
s’applique pas à Dieu : "A qui as-tu donné
conseil ? sans doute à celui qui n’a pas de
sagesse." — "Qui a assisté au conseil du
Seigneur ?"
b. Ensuite, parce qu’elle n’est pas aidée par
un don étranger. Aussi dit-il : Ou qui, le
premier, lui a donné, et pour cela sera
rétribué comme s’il lui avait donné le premier
? Comme s’il disait : personne. En effet,
l’homme ne peut donner à Dieu que ce qu’il a
reçu de Dieu : "Tout est à toi, et c’est de ta
main que nous avons reçu ce que nous t’avons
donné." — "Si tu agis justement, que lui
donneras-tu, ou que recevra-t-il de ta main ? "
942. — 2. En disant858
ensuite 10. — 36
Puisque c’est de lui, etc., <l’Apôtre> montre
l’abîme de Dieu, en tant qu’en lui sont toutes
choses.
a) Et il montre d’abord sa causalité.
b) Puis, sa dignité859
[n° 950] : A lui
l’honneur et la gloire.
c) Enfin, sa perpétuité [n° 951] : Dans les
siècles des siècles. Amen.
943. — a. 860
Il commence donc par dire : J’ai
dit à juste titre que personne ne lui a donné le
857
Lieux parallèles sur la science en Dieu : Somme Théologique P, Q. 14, a. 1; 1 Sentences dist. 35, a.
1; 1 Contra Gentiles c. 44; De poSentences Q. 8, a. 1; Q. 9, a. 5; De veritate, Q. 2, a. 1; Compend.
theol., c. 28 et 35. — Sur la justice en Dieu : Somme Théologique Ia, Q. 21, a. 1; 4 Sentences dist. 46,
Q. 1, a. 1, q 1; 1 Contra Gentiles c. 93; De div. nom., c. 8, lect. 4. 858 Lieux parallèles : Somme Théologique P, Q. 44, a. 1 et 2; Q. 65, a. 1. 2 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 2;
dist. 37, Q. 1, a. 2; 2 Contra Gentiles c. 15 et 16; De poSentences Q. 3, a. 5 et 6; Compend. theol., c.
68 et 69; De subsi. separ., c. 9; De div. nom., c. 5, lect. 1; Super Physicam 8, lect. 2 (éd. d’Auria, n°
2, a. 1; Q. 3, a. 1; dist. 34, Q. 2; dist. 36, Q. l, a. 3, sol. 5; Deveritate Q. l, a. 7; Q. 7, a. 3; IIAdCor. lect.
3 (éd. Marsettî, n° 544). 860
Ces deux paragraphes (943 et 944), comme les suivants, renvoient à des notions classiques en
philosophie scolastique et souvent reprises par saint Thomas pour commenter le ternaire ex (Ou de),
per, et in, ou pour rendre compte de la formule ex nihilo appliquée â la création. On saisit à plein, ici,
la connexion étroite qui, pour les médiévaux, unit la grammaire et la philosophie. Outre ce que nous
haec praepositio per, potest operationis
causam designare. Uno modo secundum
quod operatio exit ab operante : sicut aliquid
dicitur per se operari, quod est sibi causa ut
operetur. Hoc autem est uno quidem modo
forma, sicut dicimus quod ignis calefacit per
calorem. Alio modo aliquid superius agens,
puta si dicamus quod homo generat per
virtutem solis, vel potius Dei. Sic igitur
omnia dicuntur dupliciter esse per ipsum.
Uno modo, sicut per primum agens, cuius
virtute omnia alia agunt. Prov. c. VIII, 15.
— per me reges regnant. Alio modo,
inquantum eius sapientia, quae est eius
essentia, est forma per quam Deus omnia
fecit, secundum illud Prov. III, 19. —
dominus sapientiae fundavit terram. Alio
vero modo haec praepositio per, designat
causam operationis, non quidem secundum
quod exit ab operante sed secundum quod
terminatur ad opera, sicut dicimus quod
faber facit cultellum per martellum, quod
non est sic intelligendum, quod martellus sic
cum fabro operetur, sicut in prioribus
intelligebatur, sed quia cultellus fit ex
operatione fabri per martellum. Et ideo
dicitur quod haec praepositio per,
quandoque designat auctoritatem in recto,
sicut cum dicimus : rex operatur per
balivum; quod pertinet ad hoc quod nunc
premier, puisque c’est de lui, et par lui, et en
lui, que sont toutes choses. Et ainsi rien ne
peut exister sans l’agrément de Dieu.
Or pour désigner la causalité de Dieu,
<l’Apôtre> se sert de trois prépositions, qui
sont "de" ou "à partir de" (ex), "par" (per), et
"en" (in).
— La préposition " de" ou "à partir de" (ex)
indique le principe du mouvement, et cela de
trois manières : D’abord en désignant le
principe même de l’action ou du mouvement;
ensuite la matière même; enfin, dans
l’opposition des termes contraires <de tout
processus>, le terme même à partir duquel se
produit le mouvement. On dit en effet que le
couteau se fait à partir du fabricant, à partir du
fer, et à partir de ce qui n’a pas encore la
forme de couteau. Toutefois, l’ensemble des
êtres créés n’a pas été fait à partir d’une
matière préexistante, puisque la matière est
elle-même l’effet de Dieu. Il s’ensuit qu’on ne
dit pas, de tous les êtres créés, qu’ils existent
à partir de quelque chose, mais que, comme à
partir d’un terme opposé, ils existent à partir
de rien, car ils n’étaient rien avant que la
création ne les fasse passer à l’existence :
"Nous sommes nés de rien." Mais c’est à
partir de Dieu, comme de leur premier agent,
que tous les êtres viennent à l’existence : "Et
toutes choses viennent de (ex) Dieu
avons déjà dit sur la matière considérée comme cause, nous rappellerons brièvement quelques données
relatives au trai tement du mouvement dans la scolastique, ce qui permettra de comprendre quelques
expressions techniques dont saint Thomas use ici. Le concept de mouvement englobe non seulement le
dépla cement d’un corps dans l’espace, mais aussi tout processus de production, de changement ou de
croissance—diminution. Comme le déplacement local, tout mouvement s’effectue entre deux termes
un " terme â partir duquel" (terminus a quo) et un "terme vers lequel" (terminus ad quem) a lieu le
mouvement. Ces deux termes constituent un couple d’opposés. Mais il y a deux sortes d’oppo sition
l’opposition des contradictoires dans laquelle l’un des opposés est la négation de l’autre, et
l’opposition des contraires dans laquelle l’un des opposés est l’antithèse de l’autre. Dans le cas du
mouvement, les termes opposés sont des contraires (point de départ, point d’arrivée), mais l’un n’est
pas la négation de l’autre ils s’opposent sans se contredire. Gomme tout mouvement, la création est un
processus, mais un processus d’un type particulier, dans lequel le point de départ, le terminus a quo, ne
saurait désigner une matière préexistante. Quand donc ce point de départ est appelé nihil, " rien", ce
rien d’où est tirée la créature (ex nihilo), ne signifie pas un quelque chose. Mais, puisque tout
processus a lieu entre une paire d’opposés, il tient seulement la place logique de l’un de ces opposés,
l’autre opposé étant l’existence même qui est conférée à la créature par l’acte créateur. Ce point de
départ, qu’est le nihil, n’a pas de valeur réelle car, comme le dit le père Sertillanges " Au vrai, la
création n’a pas de point de départ" (voir la note explicative [ à propos de Somme Théologique 1a Q.
45, a. 1, sol. 2, La Création, éd. de la Revue des Jeunes, Desclée et Cie, 1927, p. 183), Dieu produisant
tout l’être; il n’a qu’une valeur logique. Toutefois, il y a bien une cause à la production de l’être, mais
c’est une cause agente, non une cause matérielle et c’est Dieu : ainsi l’être des créatures est ex Deo.
dicitur. Quandoque autem in causali, sicut
cum dicitur : balivus per regem operatur;
quod pertinet ad praecedentem modum. Hoc
autem modo de quo nunc loquimur, dicuntur
omnia esse facta a patre per filium,
secundum illud Io. I, 3. — omnia per ipsum
facta sunt : non ita quod pater habeat a filio
hoc quod facit res, sed potius, quia virtutem
faciendi filius accipit a patre, non tamen
instrumentalem, aut diminutam, aut aliam,
sed principalem et aequalem, et eamdem. Io.
V, v. 19. — quaecumque pater facit, haec et
filius similiter facit. Unde licet omnia sint
facta a patre per filium, non tamen filius est
instrumentum vel minister patris. Haec
autem praepositio in, designat etiam
triplicem habitudinem causae : uno quidem
modo designat materiam, sicut dicimus
animam esse in corpore et formam in
materia, hoc autem modo non dicitur quod
omnia sint in Deo, quia ipse non est causa
materialis rerum. Alio modo designat
habitudinem causae efficientis, in cuius
potestate est effectus suos disponere, et
secundum hoc dicuntur omnia esse in ipso,
secundum quod omnia in eius potestate et
dispositione consistunt, secundum illud Ps.
XCIV, 4. — in manu eius sunt omnes fines
terrae. Et Act. XVII, 28. — in ipso vivimus,
movemur et sumus. Tertio modo designat
habitudinem causae finalis, secundum quod
totum bonum rei et conservatio ipsius
consistit in suo optimo, et secundum hoc
dicuntur omnia esse in Deo, sicut in bonitate
conservante. Col. I, 17. — et omnia in ipso
constant. Quod autem dicit omnia, est
944. — Il faut noter, il est vrai, que la
préposition <latine> de semble désigner les
mêmes relations (que la préposition ex) elle y
ajoute cependant quelque chose : elle désigne
toujours la consubstantialité de la cause (et de
l’effet). Ainsi nous disons que le couteau est
de fer, nous ne disons pas qu’il est du (de)
fabricant; puis donc que le fils procède du
père en tant qu’il lui est consubstantiel, nous
disons que le fils est du père. Mais les
créatures ne procèdent pas de Dieu comme si
elles lui étaient consubstantielles; aussi ne dit-
on pas qu’elles sont de (de) lui, mais qu’elles
sont à partir de (ex) lui
945. — Quant à la préposition "par" (per),
elle désigne la cause de l’opération, mais
parce que l’opération est intermédiaire entre
celui qui fait et ce qui est fait, cette
préposition peut désigner de deux manières la
cause de l’opération.
Selon une première manière, en tant que
l’opération vient de celui qui opère c’est ainsi
que l’on dit opérer par soi-même quand on est
soi-même la cause qui fait opérer. Cela
appartient, dans un sens, à la forme, comme
nous disons que le feu réchauffe par la
chaleur. Selon une autre manière, en tant que
l’opération est l’acte d’un agent supérieur, par
exemple lorsque nous disons que l’homme
engendre par la vertu du soleil, ou plutôt par
celle de Dieu861
.
Ainsi donc toutes choses sont dites être par lui
de deux manières : D’abord, comme par un
premier agent, par la vertu duquel toutes les
autres choses agissent : "Par moi règnent les
rois."
861
Les deux causes désignées par la préposition "par" (per) sont la cause formelle et la cause efficiente
("Ts-S0MAS, De principiis naturae; voir H-D. GARDEIL, Initiation à la philosophie de saint Thomas,
t. II, Cosmologie, p. 114). Ainsi, l’intermédiaire que signifie ce "para peut être intrinsèque à l’être qui
opère (c’est le cas de la forme, ou qualité essentielle par laquelle l’opérateur agit), ou extrin sèque :
c’est le cas lorsqu’un agent (ou opérateur) agit non seulement en vertu de sa forme (l’homme engendre
l’homme en venu de la forme humaine qui est en lui), mais aussi en vertu de l’action qu’exerce sur lui
un agent supéneur qui lui communique sa force. Or, c’est un principe de la cosmologie d’Aristote
admis par saint Thomas, que la génération est due à l’influence du soleil L’homme a d’abord pour
cause ses éléments, savoir le Feu et la Terre, comme matière, et sa forme propre, — puis une autre
cause, cause externe, c’est-â—dire le père, — et enfin, outre ces causes, le Soleil" (Métaphysique,
livre A, 5, 1071 a 10-15; trad. J. Tricot, t. H, p. 164). De même saint Thomas explique que "le soleil
est cause dans la génération de l’homme ou du lion", mais c’est une causalité non spécifique, qui ne
peut être cause de l’être individuel (2 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 4 in corpore). A travers les causes
secondes, en ultime instance, c’est la cause divine qui est vraiment efficiente.
absolute accipiendum pro omnibus, quae
habent verum esse; peccata autem non
habent verum esse, sed in quantum sunt
peccata, dicuntur per defectum alicuius
entis, eo quod malum nihil est nisi privatio
boni. Et ideo cum dicitur ex ipso, et per
ipsum, et in ipso sunt omnia, non est
intelligendum de peccatis quia, secundum
Augustinum, peccatum nihil est, et nihil
fiunt homines cum peccant. Quicquid tamen
entitatis est in peccato, totum est a Deo. Sic
igitur, secundum praemissa, omnia sunt ex
ipso, scilicet Deo, sicut ex prima operatrice
potentia. Omnia autem sunt per ipsum,
inquantum omnia facit per suam sapientiam.
Omnia sunt in ipso, sicut in bonitate
conservante. Haec autem tria, scilicet
potentia, sapientia et bonitas, communia
sunt tribus personis. Unde hoc quod dicitur
ex ipso, et per ipsum, et in ipso, potest
attribui cuilibet trium personarum, sed
tamen potentia, quae habet rationem
principii, appropriatur patri, qui est
principium totius divinitatis; sapientia filio,
qui procedit ut verbum, quod nihil aliud est
quam sapientia genita; bonitas appropriatur
spiritui sancto, qui procedit ut amor, cuius
obiectum est bonitas. Et ideo appropriando
dicere possumus : ex ipso, scilicet ex patre,
per ipsum, scilicet per filium, in ipso,
scilicet in spiritu sancto, omnia sunt. Deinde
cum dicit ipsi honor et gloria, ostendit Dei
dignitatem, quae consistit in duobus quae
praemissa sunt. Nam ex eo quod ex ipso et
per ipsum, et in ipso sunt omnia, debetur ei
honor et reverentia et subiectio a tota
creatura. Mal. I, 6. — si ego pater, ubi est
Ensuite, en tant que sa sagesse, qui est son
essence, est la forme par laquelle Dieu a fait
toutes choses, selon ce passage des Proverbes
: "Le Seigneur, par la sagesse, a fondé la
terre."
946. — Selon862
un autre sens, cette
préposition "par" désigne la cause de
l’opération, non en tant que l’opération résulte
de celui qui opère, mais en tant qu’elle se
termine à une œuvre. On dit ainsi que
l’ouvrier fabrique le couteau par (per) son
marteau; ce qui ne signifie pas que le marteau
opérerait avec l’ouvrier, comme on l’a
expliqué au <paragraphe> précédent, mais
parce que, pour faire le couteau, l’ouvrier
opère au moyen (per) du marteau. Et voilà
pourquoi on dit que cette préposition "par"
désigne l’autorité, tantôt directement,
lorsqu’on dit par exemple : Le roi opère par le
bailli — ce qui concerne le cas dont nous
parlons maintenant —, tantôt dans son
principe causal, lorsqu’on dit par exemple : le
bailli opère de par le roi ce qui concerne le
mode (causal) du <para graphe> précédent.
Or, s’agissant du mode (causal) dont nous
parlons maintenant, on dit que le Père a fait
toutes choses par le Fils, selon ce verset de
Jean "Toutes choses ont été faites par lui ";
non que le Père tienne du Fils ce <pouvoir>
qui fait les choses, mais plutôt parce que le
Fils reçoit du Père la puissance de faire, non
de manière instrumentale, ou moindre, ou
différente, mais principale, égale et semblable
: "Tout ce que <le Père> fait, cela aussi le Fils
le fait pareillement." Par conséquent, bien que
le Père fasse toutes choses par le Fils, le Fils
n’est ni l’instrument ni le ministre du Père863
.
862 Lieux parallèles Somme Théologique 1 Q. 39, a. 8.
5. Jn 1, 3. — Lieu parallèle Super Ioan. 1, 3, lect. 2 (éd. Marietti, n° 76).
863 Au paragraphe précédent, saint Thomas a examiné deux sens de" par", soit qu’il indique la cause
formelle (intrinsèque ou imma nente à l’agent) : ainsi le feu brûle par la forme qualitative" chaleur "
qui est en lui; soit qu’il indique un agent supérieur qui influe sur l’agent propre et direct : ainsi
l’homme engendre l’homme par l’effet du soleil (quand il se rapproche de la terre). Il envisage
maintenant un autre sens, celui où "par" indique la cause intermédiaire, qu’on appelle, le cas échéant,
cause instrumentale. Il ne s’agit donc plus du rapport que l’opération a avec l’agent qui l’accomplit,
mais de celui qu’elle a avec l’œuvre produite le marteau n’est pas nécessairement lié à l’ouvrier (qui
peut utiliser d’autres outils), mais à la fabrication du couteau (pour battre le fer et forger la lame).
Ainsi le bailli est-il l’instrument propre de l’autorité du roi, en tant qu’elle s’exerce directement sur ses
honor meus ? Ex eo vero quod ab alio non
accipitur nec consilium, nec donum, debetur
ei gloria, sicut e contrario dicitur homini 1
Co IV, 7. — si accepisti, quid gloriaris,
quasi non acceperis ? Et quia hoc est
proprium Dei dicitur Is. XLII, 8. — gloriam
meam alteri non dabo. Ultimo ponit eius
aeternitatem, cum dicit in saecula
saeculorum, quia eius gloria non est
transitoria, sicut gloria hominis, de qua
dicitur Is. XL, 6. — omnis gloria eius quasi
flos agri, sed durat in saecula saeculorum, id
est per omnia saecula succedentia saeculis,
prout saeculum dicitur duratio
uniuscuiusque rei. Vel saecula saeculorum
dicuntur saecula, id est durationes rerum
incorruptibilium, quae continent saecula
corruptibilium rerum, et praecipue ipsa Dei
aeternitas, quae tamen pluraliter dici potest,
licet in se sit una et simplex, propter
multitudinem et diversitatem contentorum,
ut sit sensus : in saecula contentiva
saeculorum. Ps. CXLIV, 13. — regnum
tuum, regnum omnium saeculorum. Addit
autem ad confirmationem amen, quasi dicat
vere, ita est. Et sic accipitur in Evangeliis,
ubi dicitur amen dico vobis. Quandoque
tamen accipitur pro fiat. Unde in Psalterio
Hieronymi dicitur dicet omnis populus :
amen, amen, ubi nos habemus fiat, fiat.
947. — Quant à la préposition "dans" (in),
elle désigne aussi une triple relation causale
Elle désigne d’abord la matière, à la manière
dont nous disons que l’âme est dans le corps
et la forme dans la matière. Dans ce sens, on
ne peut pas dire que toutes choses sont en
Dieu, parce qu’il n’est pas la cause matérielle
des choses864
.
Ensuite, <cette préposition "dans"> désigne
une relation de cause efficiente, cause qui a le
pouvoir de disposer de ses propres effets.
Dans ce sens on dit que toutes choses sont en
<Dieu>, en tant que toutes choses sont sous sa
puissance et à sa disposition, selon ce verset
d’un psaume : "Dans sa main sont tous les
confins de la terre." Et des Actes : "C’est en
lui que nous vivons, que nous nous mouvons,
et que nous sommes."
Enfin, <cette préposition "dans"> désigne une
relation de cause finale, selon que tout le bien
d’une chose et sa conservation résident dans
son bien suprême. Dans ce sens on dit que
toutes choses sont en Dieu, comme dans la
bonté qui conserve "Toutes choses subsistent
en lui."
948. - Quant à l’expression : "Toutes choses",
elle doit être prise au sens absolu pour toutes
les choses qui ont véritablement l’être865
. Or
les péchés n’ont pas véritablement d’être,
mais ils sont péchés par défaut d’être, étant
donné que le mal n’est rien si ce n’est la
privation du bien. Ainsi, lorsque <l’Apôtre>
dit : c’est de lui, et par lui, et en lui, que sont
sujets (c’est le sens instrumental de" par" qu’envisage ce paragraphe 946), mais le bailli agit au nom
du roi qui est le principe supérieur et la source ou cause de l’autorité (ce qui nous renvoie au cas du
soleil, agent supérieur des processus de géné ration). C’est précisément en ce sens de cause
intermédiaire que le Fils est celui par qui tout a été fait; et cette causalité médiane (causa media) lui est
attribuée en propre (Somme Théologique P, Q. 39, a. 8, sol. 4). La personne du Fils, en effet, est
distincte de celle du Père, de même que le marteau est distinct de l’ouvrier et le bailli du roi. Et donc
c’est réellement par le Fils que le Père crée. Cependant le Fils n’est pas l’instrument passif du Père
créant le monde, comme le marteau est l’instrument passif de l’ouvrier fabriquant le couteau; et il n’est
pas non plus comme le bailli qui agit, certes, mais au nom du roi, avec une autorité moindre, et sans
être le principe de l’autorité qu’il exerce, alors que le Fils exerce le pouvoir créateur reçu du Père avec
une puissance égale et selon un mode aussi principiel. 864
Dieu n’est pas la matière, le substrat dont le monde est tiré, d’une part parce qu’il n’y a pas de
matière en Dieu, d’autre part parce que l’être du monde est tout entier créé, forme et matière. Ainsi est
écarté tout risque de ce qu’on appellera au xv siècle le panthéisme. 865
Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 49, a. 1 et 2; Q. 79, a. 1; 1a-2ae, Q. 75, a. 1; 2Sentences
dist. 34, Q. I, a. 3; Demalo, Q. l, a. 3; Q. 3, a. 1 et 2; De quodlibet II, Q. 2; Ad Rom. 7, 17, lect. 3 (éd.
Marietti, n° 571).
toutes choses, il ne faut pas entendre ce
passage des péchés; en effet, selon Augustin,
"le péché n’est rien et les hommes sont réduits
à rien lorsqu’ils pèchent866
." Cependant ce
qu’il y a d’entité dans le péché, tout cela est
de Dieu867
.
949. — Ainsi donc868
, d’après ce qui précède,
toutes choses sont de lui, c’est-à-dire de Dieu,
comme du premier pouvoir qui opère; toutes
choses sont par lui, en tant qu’il fait toutes
choses par sa sagesse; et toutes choses sont en
lui, comme dans la bonté qui conserve. Or ces
trois attributs, à savoir la puissance, la sagesse
et la bonté, sont communs aux trois
personnes; par conséquent la formule <de
l’Apôtre> : de lui, et par lui, et en lui, peut
être attribuée à chacune des trois personnes869
.
Cependant, la puissance, qui a le caractère de
principe, est appropriée au Père, qui est le
principe de toute divinité; la sagesse au Fils,
qui procède en tant que Verbe, parce qu’il
n’est autre chose que la Sagesse engendrée; la
bonté est appropriée à l’Esprit-Saint, qui
procède en tant qu’amour, dont l’objet est la
bonté. Et c’est pourquoi nous pouvons dire
par appropriation : de lui, c’est-à-dire du Père,
par lui, c’est-à-dire par le Fils, en lui, c’est-à-
dire en l’Esprit-Saint, sont toutes choses.
950. — b. Lorsqu’il dit : à lui l’honneur et la
gloire, <l’Apôtre> montre la dignité de Dieu,
866
SAINT AUGUSTIN, In Ev. Ioan 1, 13 (BA 71, 152-155); Enarr. in Ps. 123, 5, 9 (CCL 40, 1828-
1829). — Lieu parallèle Ad Rom. 8, 28, lect. 6 (éd. Marietti, n° 698). 867 Saint Thomas explicite ce qu’il entend ici par "entité dans le péchés, dans son commentaire des
Sentences de Pierre Lombard (2, dist. 37, Q. 1, a. 2, réponse â l’obj. 3) : "<Le mot> "être" se dit de
deux manières :
Soit qu’il signifie l’essence d’une réalité existant en dehors de l’âme et ainsi le péché en tant que
difformité, qui est une certaine privation, ne peut recevoir le nom d’être : car les privations n’ont pas
d’essence dans la nature des choses. Soit selon qu’il signifie la vérité d’une proposition; et ainsi la
difformité est appelée être, non point parce qu’elle possède l’être en réalité, mais parce que
l’intelligence compose <en unissant ici> la privation avec le sujet, comme une certaine forme. Par
conséquent, de même qu’à partir de l’union de la forme au sujet ou â la matière, il en résulte un certain
être subs tantiel ou accidentel, ainsi l’intelligence signifie-t-elle aussi l’union de la privation avec le
sujet par un certain être. Mais cet être n’est qu’un être de raison, puisque en réalité il est plutôt non-
être; et selon que <le péché en tant que difformité> a l’être dans la raison, il est évident que <son être>
est de Dieu * (Opera omnia, éd. Parme, t. VI, p. 721). 868
Lieux parallèles : Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 8; De veritate, Q. 4, a. 8 sol. 3. 869
Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2a Q. 33, a. 2, sol. I; Q. 60, a. 4. 1007
Voir Glosa in Rom. XIV, 4 (GPL, col. 1513 C).
scilicet unusquisque suo domino stet aut
cadat : et hoc tripliciter. Primo per actum
fidelium; secundo per intentionem eorum,
ibi nemo enim vestrum, etc.; tertio per
eorum conditionem, ibi sive ergo vivimus,
sive morimur, et cetera. Probat ergo primo
quomodo unusquisque fidelium suo domino
stat aut cadit, per hoc quod de omnibus quae
fecit secundum suam conscientiam gratias
agit Deo. Unde dicit qui sapit diem, ut
scilicet uno die abstineat et alio die ab
abstinentia cesset, domino sapit, id est ad
reverentiam Dei cibos discernit, sicut etiam
nos discernimus vigilias festorum in quibus
ieiunamus, a diebus festis quibus ieiunium
solvimus propter reverentiam Dei. Eccli.
XXXIII, 7. — quare dies diem superat, et
iterum lux lucem. Deinde loquitur quantum
ad illos qui iudicant omnem diem, quorum
quidam omni die a ieiunio cessabant, sicut
dicitur Matth. c. IX, 14 quod discipuli
Christi non ieiunabant. Unde dicit et qui
manducat, scilicet omni die, domino
manducat, id est ad gloriam domini, quod
per hoc patet, gratias enim agit Deo, scilicet
de cibo assumpto. I Tim. IV, 3. — abstinere
a cibis quos Deus creavit ad percipiendum
cum gratiarum actione fidelibus. Ps. XXI,
27. — edent pauperes et saturabuntur, et
cetera. Ulterius quantum ad eum qui sic
iudicat omnem diem, ut scilicet omni die
abstineat, subdit et qui non manducat, id est
abstinet omni die, domino, id est, ad
honorem domini, non manducat. Et hoc
patet per hoc quod gratias agit Deo qui sibi
dedit voluntatem, et virtutem abstinendi. I
Thess. ult. : in omnibus gratias agite. Sed
quod hic dicit apostolus de his qui omni die
vel abstinebant vel ab abstinentia cessabant,
debet intelligi quantum ad illud tempus in
quo hoc non erat contrarium statutis
maiorum, nec communi consuetudini populi
Dei. Deinde cum dicit nemo enim vestrum
sibi vivit, etc., probat idem ex intentione
puissance divine. Aussi, lorsque <l’Apôtre>
dit : car Dieu est puissant pour le maintenir,
nous devons être sûrs que par sa bonté il le
rétablira : "Un esprit entra en moi et m’établit
sur mes pieds." Et selon ce qui a été dit plus
haut : "s’ils ne demeurent pas dans
l’incrédulité, ils seront entés; car Dieu est
puissant pour les enter de nouveau."
1097. — 2. En ajoutant : 5 En effet, l’un juge,
etc., <l’Apôtre> appuie par un exemple ce qui
a été dit.
Et d’abord, il expose la diversité de l’opinion
humaine, en disant : Je dis donc qu’il se
tienne debout ou qu’il tombe, <cela regarde>
son maître, [...], en effet, l’un juge entre jour
et jour, c’est-à-dire entre un jour et un autre
jour, à savoir pour s’abstenir tel jour et non
pas tel autre. Ce qui semble s’appliquer au
faible dans la foi, qui croit qu’il faut encore
observer les prescriptions légales. Car il est
dit dans le Lévitique : "Au dixième jour de ce
septième mois, sera le jour très solennel des
expiations et il sera appelé saint; or vous
affligerez vos âmes en ce jour et vous offrirez
un holocauste au Seigneur." Et dans le livre
de Judith que cette dernière "jeûnait tous les
jours de sa vie, excepté les sabbats, les
néoménies1008
et les fêtes de la maison
d’Israël." — Tandis que l’autre les juge tous
pareils, c’est-à-dire qu’il faut observer
indifféremment les cérémonies de la Loi,
lesquelles ont déjà cessé <d’obliger>. Cela
semble donc s’appliquer à celui qui est parfait
dans la foi : "Chaque jour je te bénirai, et je
louerai ton Nom dans les siècles et dans les
siècles des siècles." On peut aussi rapporter ce
passage aux abstinences qui se pratiquent
pour réprimer les désirs charnels, abstinences
auxquelles certains vaquent tous les jours, par
exemple ceux qui s’abstiennent ou jeûnent
perpétuellement de viande et de vin, tandis
que d’autres le font à certains intervalles, et
cessent <ensuite> leur abstinence, selon ce
passage de l’Ecclésiaste : "Toutes choses ont
1008
La néoménie est le premier jour du mois, marqué par l’appa rition du premier croissant lunaire et
célébré par des sacrifices et des oblations. On s’abstenait ce jour-là de tout travail (voir André-Marie
GERARD, Dictionnaire de la Bible, p. 992-993).
fidelium. Et, primo, excludit inordinatam
intentionem, dicens : recte dico quod
unusquisque domino suo stat aut cadit,
nemo nostrum sibi vivit vel naturali vita vel
spirituali, de qua dicitur Hab. II, 4. — iustus
autem meus ex fide vivit. Sibi, id est propter
seipsum, quia hoc esset frui seipso. 1 Co X,
33. — non quaerens quod mihi utile est. Ps.
CXIII, 9. — non nobis, domine, non nobis,
etc.; vel sibi, id est, secundum suam
regulam, sicut qui dicunt Sap. II, 11. — sit
fortitudo nostra lex iniustitiae; vel sibi, id
est suo iudicio, 1 Co c. IV, 3. — sed neque
meipsum iudico. Et nemo moritur, scilicet
morte corporali vel morte spirituali
peccando, vel etiam morte spirituali qua
quis moritur vitiis, puta in Baptismo,
secundum illud supra VI, 7. — qui mortuus
est iustificatus est a peccato; vel sibi, id est
suo iudicio, vel propter seipsum aut suo
exemplo; sed exemplo Christi moritur
aliquis a vitiis. Rom. VI, 10. — quod enim
mortuus est peccato, mortuus est semel; et
infra : ita et vos existimate vos mortuos esse
peccato. Secundo ostendit qualis sit recta
intentio fidelium, dicens sive enim vivimus,
vita corporali, domino vivimus, id est ad
gloriam domini; sive morimur, morte
corporali, domino morimur, id est ad
honorem domini. Phil. I, 20. —
magnificabitur Christus in corpore meo sive
per mortem sive per vitam. Vel sic
exponatur quod dicit vivimus et morimur de
vita et morte spirituali, exponendum est
quod dicit domino, id est iudicio domini qui
constitutus est a Deo iudex vivorum et
mortuorum, ut dicitur Act. X, 42. Deinde
cum dicit sive ergo vivimus, etc., ostendit
propositum ex conditione fidelium. Et,
primo, concludit ex praemissis conditionem
fidelium, scilicet quod non sunt sui, sed
alterius. Illi enim qui sui sunt, sicut liberi
homines, sibi vivunt et sibi moriuntur. Quia
ergo dictum est quod fideles non sibi vivunt
aut moriuntur sed domino, concludit sic sive
ergo vivimus, sive morimur, domini sumus,
quasi servi eius qui habet potestatem vitae et
leur temps."
1098. — <L’Apôtre>1009
montre ensuite que
toutes ces pratiques peuvent se rapporter à la
gloire de Dieu, en disant : Que chacun abonde
en son sens, c’est-à-dire soit laissé à son
propre sens. Car abonder en son sens, c’est
suivre son propre sens : "Dieu, dès le
commencement, a créé l’homme et il l’a
laissé dans la main de son propre conseil." Ou
bien : en son sens, c’est-à-dire que <chacun>
selon son sens propre s’applique à s’enrichir
pour la gloire de Dieu, suivant cette parole
<de Paul> aux Corinthiens : "Puisque vous
désirez si ardemment les dons spirituels, faites
que pour l’édification de l’Eglise vous en
abondiez." Cependant cette règle ne semble
valable que pour les choses qui ne sont pas
mauvaises en soi; en revanche, dans les
choses qui sont mauvaises en soi, l’homme ne
doit pas être laissé à son sens propre. Or juger
entre jour et jour semble mauvais en soi,
suivant la première explication; car il est dit
"Vous observez certains jours, certains mois,
certains temps et certaines années. Je crains
pour vous d’avoir en vain travaillé parmi
vous." Dans ce passage, <l’Apôtre> parle à la
lettre de ceux qui soutiennent que des jours
doivent être fixés pour <pratiquer> les
cérémonies de la Loi.
Mais il faut dire que l’Apôtre parle ici du
temps pendant lequel il était licite aux Juifs
convertis à la foi d’observer les prescriptions
légales, comme on l’a dit [n° 1087].
Cependant, quant à la seconde explication, il
semble que ce qu’il dit : l’autre les juge tous
pareils, soit illicite. En effet, il est certains
jours où il n’est pas licite de jeûner. C’est
ainsi qu’Augustin déclare dans sa Lettre à
Casulanus "Quiconque penserait devoir
prendre la résolution de jeûner le jour du
dimanche ne donnerait pas qu’un léger
scandale à l’Eglise, et ce n’est pas sans raison.
En effet, à l’égard de ces jours sur quoi
l’Eglise ou l’Ecriture sainte ne statue rien de
certain, la coutume du peuple de Dieu et les
institutions des anciens doivent tenir lieu de
loi1010
." Et il est écrit dans les Décrets <de
1009
Lieux paralléles : Somme Théologique 2 Q. 147, a. 4; 4 Sentences dist. 15, Q. 3, a. 2. 1010
SAINT AUGUSTIN, Lettre XXXVI, iI, 2 (PL 33, 136 CSEL 34/2, 32).
mortis. 1 Co VII, 23. — pretio empti estis,
nolite fieri servi. 1 Co VI, 20. — empti enim
estis pretio magno. I Par. XII, 18. — tui
sumus, o David, et tecum, fili Isai. Secundo
assignat causam huius conditionis, dicens in
hoc enim Christus mortuus est, et resurrexit,
id est hoc adeptus est sua morte et
resurrectione, ut vivorum dominaretur, quia
resurrexit, vitam novam et perpetuam
inchoando, et mortuorum, quia mortem
nostram moriendo destruxit. 2 Co c. V, 15.
— pro quibus mortuus est Christus, ut qui
vivunt, iam non sibi vivant, sed ei qui pro
eis mortuus est, et resurrexit. Sic igitur per
omnia praedicta apostolus probavit, quod
unusquisque domino suo stat aut cadit, per
hoc scilicet quod fideles gratias agunt Deo,
et quod domino vivunt et moriuntur, et quod
domini sunt et in morte et in vita. Deinde
cum dicit tu autem quid iudicas, etc., ponit
tertiam rationem quae sumitur ex futuro
iudicio. Et circa hoc tria facit. Primo
proponit superfluitatem praesentis iudicii,
dicens tu autem quid iudicas ? Id est qua
utilitate vel necessitate iudicas, fratrem
tuum, temere de occultis, quae tuo iudicio
non sunt commissa ? Aut tu, alius qui
iudicaris, quare spernis fratrem tuum, pro
nullo reputans ab eo iudicari ? Mal. II, 10.
— quare despicit unusquisque fratrem suum
? Secundo praenuntiat futurum Christi
iudicium, quasi dicat : recte dico cur
iudicas, quia non debes timere quod absque
iudicio remaneat, omnes enim stabimus ante
tribunal Christi. Dicitur enim tribunal
Christi eius iudiciaria potestas, sicut et
Matth. c. XXV, 21 dicitur : cum venerit
filius hominis in maiestate sua, tunc sedebit
super sedem maiestatis suae. Dicit autem
omnes stabimus, quasi iudicandi, tam boni
quam mali, quantum ad remunerationem vel
punitionem. 2 Co V, v. 10. — omnes nos
manifestari oportet ante tribunal Christi, ut
referat unusquisque propria corporis prout
gessit, sive bonum sive malum. Sed quantum
ad discussionem non omnes stabunt ut
iudicandi, sed quidam consedebunt, ut
iudices. Matth. XIX, 28. — sedebitis super
Gratien> "Si un prêtre, en raison d’une
pénitence publique imposée par un prêtre, a
sans autre nécessité jeûné le dimanche en vue
d’une pratique religieuse, comme le font les
manichéens, qu’il soit anathème1011
." Mais il
faut comprendre que l’Apôtre parle ici de ces
abstinences qui peuvent se pratiquer
licitement tous les jours et sans rompre avec
l’usage commun ou avec les institutions des
anciens.
1099. — 3. Lorsque <l’Apôtre> dit : 6
Celui qui a telle opinion, etc., il prouve sa
proposition, à savoir que chacun se tienne
debout ou tombe, <cela regarde> son maître.
Et il prouve cela de trois manières :
a) D’abord, par la conduite des fidèles.
b) Puis, par leur intention [n° 1101] : En effet,
nul d’entre nous, etc.
c) Enfin, par leur condition [n° 1103] : Soit
donc que nous vivions, etc.
1100. — a. <L’Apôtre> prouve donc en
premier lieu comment chaque fidèle se tient
debout ou tombe pour son Maître, par le fait
qu’il rend grâces à Dieu de tout ce qu’il a fait
selon sa conscience. Aussi <Paul> dit-il :
Celui qui a telle opinion sur les jours, c’est-à-
dire celui qui un jour s’abstient et un autre
jour cesse de s’abstenir, le fait pour le
Seigneur, c’est-à-dire par respect pour Dieu
distingue les aliments, comme nous-mêmes
nous distinguons les veilles des fêtes en y
pratiquant le jeûne, des jours de fête où nous
rompons le jeûne par respect pour Dieu
"Pourquoi un jour est-il préféré à un jour, une
lumière à une lumière, et une année à une
année, venant <tous> du soleil ?" <L’Apôtre>
parle ensuite de ceux qui jugent tous les jours
pareils, et parmi ceux-ci certains ne
réservaient aucun jour au jeûne; ainsi, comme
on le rapporte dans <l’évangile de> Matthieu,
les disciples du Christ ne jeûnaient-ils point.
Aussi <l’Apôtre> dit-il : Et celui qui mange, à
savoir chaque jour, mange pour le Seigneur,
c’est-à-dire pour la gloire du Seigneur; ce que
manifestent les mots <qui suivent> : et il rend
grâces à Dieu, à savoir pour la nourriture qu’il
a prise : "<Ils ordonneront> de s’abstenir des
1011
GRATIEN, Décrets, première partie, dist. xxx, can. XVII, col. 110.
sedes, iudicantes duodecim tribus Israel.
Tertio, ibi scriptum est enim, etc., probat
quod dixerat. Et primo inducit auctoritatem;
secundo infert conclusionem, ibi itaque
unusquisque, et cetera. Dicit ergo primo :
dictum est quod omnes stabimus ante
tribunal Christi, et hoc patet per
auctoritatem sacrae Scripturae. Scriptum est
enim, Is. XLV, 23, vivo ego, dicit dominus :
quoniam mihi flectetur omne genu, et omnis
lingua confitebitur Deo. Littera nostra sic
habet : in memetipso iuravi, quia mihi
curvabitur omne genu et iurabit omnis
lingua. Tria autem in his verbis ponuntur.
Primo quidem iuramentum, quod interdum
in verbis Dei ponitur ad ostendendum id,
quod dicitur, firmum esse immutabilitate
divini consilii, non autem esse mutabile
sicut ea quae praenuntiantur secundum
causas inferiores, ut prophetia
comminationis. Unde dicitur in Ps. CIX, 4.
— iuravit dominus, et non poenitebit eum.
Homines autem, ut apostolus dicit Hebr. VI,
16. — per maiorem sui iurant. Quia vero
Deus non habet maiorem in quo maior
firmitas consistat veritatis, per seipsum
iurat. Ipse autem est ipsa vita et fons vitae,
secundum illud Deut. XXX, 20. — ipse est
enim vita tua, et longitudo dierum tuorum,
etc., Ps. XXXV, 10. — apud te est fons
vitae, etc.; et ideo forma iuramenti domini
est vivo ego, quasi dicat : iuro per vitam qua
ego singulariter vivo. Secundo praenuntiatur
subiectio communis creaturae ad Christum,
cum dicitur quoniam mihi, scilicet Christo,
flectetur omne genu. In quo designatur
perfecta subiectio rationalis creaturae ad
Christum. Solent enim homines in signum
subiectionis maioribus flectere genua. Unde
Phil. II, 10 dicitur : in nomine Iesu omne
genu flectatur caelestium, terrestrium et
Infernorum. Tertio praenuntiat fidei
confessionem qua omnes gloriam Christi
confitebuntur. Unde sequitur et omnis
lingua confitebitur Deo, id est confitebitur
aliments que Dieu a créés pour être reçus avec
actions de grâces par les fidèles et par ceux
qui ont connu la vérité." Et : "Les pauvres
mangeront et seront rassasiés; et ils loueront
le Seigneur, ceux qui le recherchent; leurs
cœurs vivront dans les siècles des siècles."
Enfin, <l’Apôtre> parle de celui qui juge tous
les jours pareils, c’est-à-dire qui s’abstient
chaque jour, et il ajoute : et celui qui ne
mange pas, c’est-à-dire celui qui s’abstient
tous les jours, le fait pour le Seigneur, en
d’autres termes ne mange pas pour honorer le
Seigneur1012
. Ce qui est une évidence
puisqu’il rend grâces à Dieu, qui lui a donné
la volonté et la force de s’abstenir : "Rendez
grâces en toutes choses."
En réalité, ce que l’Apôtre dit ici de ceux qui
tous les jours, ou pratiquaient l’abstinence, ou
ne la pratiquaient pas, doit s’entendre quant
au temps pendant lequel cette conduite ne
s’opposait pas aux institutions des anciens et
aux usages communs du peuple de Dieu.
1101. — b. Lorsqu’il ajoute : 7 En effet, nul
d’entre nous ne vit pour soi-même, etc.,
<l’Apôtre> prouve la même chose par
l’intention des fidèles.
Il commence par rejeter l’intention qui est
désordonnée : Je dis à juste titre que chacun
de nous se tient debout ou tombe pour son
Seigneur, car nul d’entre nous ne vit pour soi-
même, ni de la vie naturelle ni de la vie
spirituelle, dont il est dit : "Mais le juste vit de
la foi1013
." — Pour soi-même, c’est-à-dire en
vue de lui-même, parce que ce serait jouir de
soi-même : "Ne cher chant pas ce qui m’est
utile, mais ce qui est au grand nombre, afin
qu’ils soient sauvés." Et encore : "Non pas à
nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton
Nom donne gloire1014
." Ou : pour soi-même,
c’est-à-dire selon sa propre règle, comme
ceux qui disent, au livre de la Sagesse : "Que
notre force soit la loi de la justice." Ou encore
: pour soi-même, c’est-à-dire selon son propre
jugement : "Je ne me juge pas moi-même." —
Nul ne meurt, c’est-à-dire de la mort
1012
Voir Glosa in Rom. XIV, 6 (GPL, 1514 A). 1013
He 2, 4. Sur la variante vivi, au lieu de vivet, voir DOM SABATIER, Bibl. sacr., t. II (Notae ad
versionem antiquam), p. 964. 1014
Ps 113, 9 (numérotation de la Vulgate).
Christum esse dominum, secundum illud
Phil. II, 11. — omnis lingua confiteatur,
quia dominus noster Iesus Christus in gloria
est Dei patris. Omnis enim lingua intelligi
potest expressio cognitionis sive hominum,
sive Angelorum, secundum illud 1 Co XIII,
1. — si linguis hominum loquar et
Angelorum, et cetera. Hoc autem impletur
nunc in hac vita, non quantum ad singulos
homines sed quantum ad genera
singulorum. De quolibet enim genere
hominum nunc aliqui Christo subiiciuntur et
ei confitentur per fidem, sed in futuro
iudicio omnes et singuli ei subiicientur :
boni quidem voluntarie, mali autem inviti.
Unde dicitur Hebr. II, 8. — in eo quod ei
omnia subiecit, nihil dimisit non subiectum
ei : nunc autem necdum videmus omnia
subiecta ei. Deinde, cum dicit itaque
unusquisque, etc., infert conclusionem ex
dictis. Et primo conclusionem intentam ex
eo quod immediate dixerat, dicens itaque,
ex quo Christo flectitur omne genu,
unusquisque nostrum per se reddet rationem
Deo, scilicet ante tribunal Christi. Matth.
XII, v. 36. — de omni verbo otioso quod
locuti fuerint homines, reddent Deo
rationem in die iudicii. Et XVIII, 23. —
assimilatum est regnum caelorum homini
regi qui voluit rationem ponere cum servis
suis. Sed videtur quod non quilibet per se
rationem reddet, sed unus pro alio. Hebr.
ult. : obedite praepositis vestris et subiacete
eis. Ipsi enim pervigilant quasi rationem
reddituri pro animabus vestris. Sed
dicendum quod in hoc ipso quod praelati
pro aliis rationem reddent, reddent rationem
pro suis actibus quos circa subditos agere
debuerunt. Si enim fecerunt quod
competebat eorum officio, non eis
imputabitur si subditi pereant. Imputaretur
autem eis si negligerent facere quod eorum
officium requirebat. Unde dicitur Ezech. III,
18 s. : si dicente me ad impium, morte
morieris, non annuntiaveris ei, ipse in
corporelle ou de la mort spirituelle qu’est le
péché, ou bien1015
encore de la mort
spirituelle par laquelle on meurt aux vices,
ainsi dans le baptême, selon ce qui a été dit
plus haut : "celui qui est mort est justifié du
péché." Pour soi-même, c’est-à-dire soit à son
jugement, soit à cause de lui-même ou à son
exemple; mais c’est à l’exemple du Christ que
chacun meurt à ses vices : "Car en tant qu’il
est mort au péché, il est mort une fois pour
toutes." Et plus loin : "Ainsi de vous, estimez-
vous comme morts au péché, mais <ne>
vivant <plus que> pour Dieu dans le Christ
Jésus Notre Seigneur."
1102. Puis il montre quelle est la droite
intention des fidèles, en disant : 8 Car si nous
vivons, de la vie corporelle, nous vivons pour
le Seigneur, c’est-à-dire pour la gloire du
Seigneur; si nous mourons, de la mort
corporelle, nous mourons pour le Seigneur,
c’est-à-dire pour l’honneur du Seigneur "Le
Christ sera glorifié en mon corps, soit par ma
mort, soit par ma vie1016
." Ou bien si l’on
expose ces paroles : nous vivons et nous
mourons, en les appliquant à la vie et à la
mort spirituelle, alors ces mots : pour le
Seigneur, signifient au jugement du Seigneur,
"qui a été établi par Dieu juge des vivants et
des morts", comme le dit le livre des Actes.
1103. — c. En disant : Soit donc que nous
vivions, etc., <l’Apôtre> prouve sa
proposition par la condition <dans laquelle se
trouvent> les fidèles.
Et pour commencer, il déduit de ce qui
précède que leur condition est telle qu’ils ne
sont plus à eux-mêmes, mais à un autre. Car
ceux qui sont à eux-mêmes, comme le sont les
hommes libres, vivent et meurent pour eux-
mêmes. Or après avoir établi que les fidèles
ne vivent pas ou ne meurent pas pour eux-
mêmes, mais pour le Seigneur, <l’Apôtre>
conclut ainsi : Soit donc que nous vivions,
soit que nous mourions, nous sommes au
Seigneur, comme les esclaves de celui qui a
1015
Voir Glosa in Rom. XIV, 7 (GPL, col. 1514 G). 1016 Ph 1, 20. Pour la version citée ici, voir la Vetus latina, Epistula ad Philippenses, éd. H. J. Frede, vol.
XXIV/2, I fasc. 1, p. 71
iniquitate sua morietur, sanguinem autem
eius de manu tua requiram. Si autem tu
annuntiaveris impio, et ille non fuerit
conversus, ipse quidem in iniquitate sua
morietur, tu autem animam tuam liberasti.
Secundo infert conclusionem principaliter
intentam in tota praecedenti parte, dicens
non ergo amplius invicem iudicemus,
scilicet temerario iudicio, quod includitur
rationibus supradictis. 1 Co IV, 5. — nolite
ante tempus iudicare, et cetera.
pouvoir de vie et de mort : "Vous avez été
achetés à prix, ne vous rendez pas esclaves
des hommes." Et : "Vous avez été achetés à
grand prix." Et encore : "Nous sommes à toi,
ô David, et avec toi, ô fils d’Isaïe."
1104. — Puis <l’Apôtre> indique la cause de
cette condition, en disant : 9 C’est pour cela
même que le Christ est mort et qu’il est
ressuscité, c’est-à-dire ce qu’il a acquis par sa
mort et par sa résurrection c’est d’être le
maître des vivants, parce qu’en ressuscitant il
a commencé une vie nouvelle et perpétuelle,
et des morts, parce que en mourant il a détruit
notre mort : "Le Christ est mort pour tous,
afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour
eux, mais pour Celui qui est mort pour eux et
est ressuscité." Ainsi donc, par tout ce qui
précède, l’Apôtre a prouvé que chacun se
tient debout ou tombe pour son Seigneur,
étant donné que les fidèles rendent grâces à
Dieu, qu’ils vivent ou qu’ils meurent pour le
Seigneur, et qu’ils sont au Seigneur soit dans
la mort, soit dans la vie.
1105. — C. Lorsqu’il ajoute : 10 Mais toi,
pourquoi juges-tu, etc., <l’Apôtre> donne la
troisième raison qui se fonde sur le jugement
à venir. Et à ce propos il fait trois choses
1. Il expose en premier lieu l’inutilité du
jugement présent, en disant : Mais toi,
pourquoi juges-tu ?, c’est-à-dire quelle utilité
ou quelle nécessité y a-t-il pour toi de juger
ton frère témérairement sur des choses
cachées, qui ne sont pas laissées à ton
jugement ? Ou bien toi, qui seras jugé,
pourquoi méprises-tu ton frère, regardant
comme rien le fait d’être jugé par lui ? —
"Pourquoi donc chacun de nous méprise-t-il
son frère ? "
1106. — 2. En deuxième lieu, il annonce le
futur jugement du Christ, comme s’il disait :
Je dis avec raison pourquoi juges-tu <ton
frère>, puisque tu n’as pas à craindre qu’il
reste sans jugement ? Tous, en effet, nous
nous trouverons devant le tribunal du Christ.
On appelle tribunal du Christ son pouvoir
judiciaire1017
, ainsi qu’il est dit <dans
l’évangile de> Matthieu "Quand le fils de
l’homme viendra dans sa majesté, et tous les
1017
Lieu parallèle Somme Théologique 3 Q. 59.
anges avec lui, alors il s’assiéra sur le trône de
sa majesté." Et <l’Apôtre> dit : Tous nous
nous trouverons, comme pour être jugés, aussi
bien les bons que les méchants, et recevoir la
récompense ou la punition : "Nous devons
tous comparaître devant le tribunal du Christ,
afin que chacun reçoive le prix de ce qu’il
aura fait durant sa vie corporelle, soit en bien,
soit en mal1018
."
Mais quant au jugement de discussion1019
,
tous n’y comparaîtront pas pour être jugés,
car certains siégeront comme juges1020
—
"Vous serez assis sur douze trônes, jugeant les
douze tribus d’Israël"
1107. — 3. En troisième lieu, par ces mots :
11 Car il est écrit, etc., <l’Apôtre> prouve ce
qu’il avait dit.
a) Et il cite d’abord une autorité.
b) Puis, il en déduit une conclusion [n° 1112]
: Ainsi chacun de nous, etc.
1108. — a. On a dit que tous nous nous
trouverons devant le tribunal du Christ, et cela
est manifeste par l’autorité de la sainte
Ecriture; car il est écrit "Je vis, moi, dit le
Seigneur : tout genou fléchira devant moi, et
toute langue confessera Dieu1021
." Notre
version porte : "Par moi-même j’ai juré que
devant moi tout genou fléchira, et toute
langue jurera1022
."
1109. — Trois choses sont mentionnées dans
ces paroles :
— Premièrement le serment,1023
qui est
parfois utilisé dans les paroles de Dieu, pour
montrer que ce qui est dit <ainsi> est assuré
par l’immutabilité du conseil divin et non pas
1018
2 Corinthiens 5, 10. — Lieu parallèle " II Ad Cor. 5, 10, lect. 2 (éd. Marietti, n° 170-172). 1019
Le jugement de discussion désigne, dans le Jugement final, le moment où sont discutés les mérites
ou les démérites de tous ceux qui ne sont pas morts parfaitement purifiés. Si donc tous tes hommes
seront soumis au jugement "de sanction" par la sentence duquel ils seront ou élus ou réprouvés, tous
ne seront pas soumis au jugement de discussion. Seuls le seront les élus non parfaitement purifiés et
les damnés, afin que, dans l’un et l’autre cas, soit mani festée la justice divine. — Lieux parallèles " 5.
Th., Suppi., Q. 89, a. 6 et 7; Compend. theol., c. 243; Super Psalmos, in Ps. 1, 5; 5, 1 lb; 42, 49, 7-16;
Super Ioan. 3, 17 et l8b, lect. 3 (éd. Marietti, n° 483 et 488); 5, 24, lect. 4 (éd. Marietti, n° 776); Super
Matth. 25, 32 (éd. Marietti, n° 2084); I Ad Cor. 5, 13, lect. 3 (éd. Marietti, n° 261); II ‘ Cor. 5, 10, lect.
Lieu parallèle Somme Théologique 3a, Q. 82, a. 10, sol. 2. 1037 Les textes qu’on vient de lire sont parmi les plus importants que saïnt Thomas ait consacrés au
problème de la " conscience erronée." Il montre à quelle hauteur il situe cette notion. Pour la bien
comprendre, il faut saisir le rapport qui unit la conscience à la syndérèse et la syndérèse à la raison.
La raison est une faculté (une puissance), la syndérèse un habitus, la conscience un acte. La raison
(qu’on ne distinguera pas ici de l’intelligence) est la faculté de la connaissance aussi bien théorétique
(connaissance des essences et des existences) que pratique (tout ce qui conceme l’agir, les fins et les
moyens de l’action). La raison pratique (Ou volonté raisonnable) obéissant à sa nature (que Dieu a
voulue) cherche le bien pour l’accomplir (Somme Théologique 1", Q. 79, a. 11). Or, de même que
l’intelligence spéculative (Ou raison théorétique), au contact des objets qu’elle appréhende (par les
sens), prend une conscience explicite des principes de la connaissance (dont elle acquiert ainsi la
possession
— c’est le sens du mot habitus " — en vue de leur application dans toute son activité cognitive), de
même l’intelligence (ou raison) pratique, au contact de l’expérience, entre en possession consciente
des principes de l’action bonne, principes qu’elle porte en elle et qui reflètent, inscrites dans notre
intelligence sous la forme de la loi naturelle, les exigences de la Loi ètemelle. C’est cette connaissance
des principes innés de l’action que saint Thomas appelle syndérèse on appelle la syndérèse, la loi de
notre intellect en tant qu’elle est un habitus contenant les préceptes de la loi naturelle, lesquels sont les
premiers principes des actes humains" (Somme Théologique 1a-2ae, Q. 94, a. 1, sol. 2). C’est donc un
similis ratio. Deinde cum dicit si enim
propter cibum, etc., manifestat quod dixerat.
Et primo primum, scilicet quod non sit
ponendum scandalum fratribus; secundo,
secundum et tertium, quomodo scilicet sit
aliquid commune, ibi omnia quidem munda
sunt, et cetera. Circa primum ponit quatuor
rationes quarum prima sumitur ex parte
charitatis, dicens si enim frater tuus
contristatur, de hoc quod reputat te peccare,
propter cibum quem tu comedis, quem ipse
reputat immundum, iam non secundum
1121. — Voici encore une autre difficulté : de
celui qui accomplit une œuvre honnête, on ne
dit pas qu’il scandalise, quoique le prochain
prenne de cette action matière à scandale. On
lit en effet dans <l’évangile de> Matthieu que
les pharisiens, ayant entendu la parole du
Christ, se sont scandalisés. Or ne pas opérer
de discernement entre les aliments est une
œuvre honnête; il ne faut donc pas y renoncer
à cause du scandale de celui qui a une
conscience perverse et qui s’égare dans la foi.
Car suivant ce principe, les catholiques
savoir moral que nous portons avec nous, de même que l’intelligence du logicien porte en elle le
savoir des règles du raisonnement vrai, qu’il fasse de la logique ou qu’il n’en fasse pas. En tant que tel,
ce savoir moral, c’est ce que les modemes (et beaucoup d’anciens) appellent la conscience. Le mot
syndérèsis (ou syntèrèsis), semble-t-il, n’existe pas en grec. II se lit pourtant dans un commentaire de
saint Jérôme sur Ezéchiel (c. 1, 7; PL 25, 22 CCL 75, 12), sous la forme syntêrèsis que saint Jérôme
traduit par étincelle de la consciences (scintilla conscientiae). Comme ce Père de l’Eglise savait
parfaitement le grec, on a supposé qu’il avait écrit syneid. èsis qui, lui, signifie effectivement
conscience", et qu’une erreur de copiste l’a transformé en syntàràsis. Quoi qu’il en soit, ce néologisme
est passé tel quel dans la lirtérature chrétienne (sAINT Ja DAMASCÈNE, De fide orthodoxa IV, 22
(PG 94, 1200 A; éd. Buytaert, p. 359); SAINT AUGUSTIN, Enarr. in Ps. 57, 1, 1 (CCL 39, 708), et,
sous la forme synderesis, dans le latin médiéval. Saint Thomas reçut très vraisemblablement cette
formule de saint Albert le Grand, qui la cite souvent dans sa Summa de creaturis, secunda pars, Quae
est de homme, Q. 71, De synderesi (éd. Borgnet, t. 35, 590-594). Saint Thomas doit donc lui faire une
place dans sa doctrine. Ce qu’il importe de souligner, c’est que, étant connais sance naturelle des
premiers principes de l’action, la syndérèse est infaillible et "ne comporte jamais d’erreurs (Somme
Théologique Ia, Q. 79, a. 12, sol. 3). Ce n’est donc pas elle qui peut être erronée. L’erreur ne peut
venir que d’une mauvaise application de ces principes aux cas parti culiers que nous présente l’action.
Or, l’acte par lequel nous appliquons les principes pratiques â une action déterminée, c’est cela que
saint Thomas appelle la conscience, parce qu’elle est la connaissance morale de ce que noua devons
faire ou de ce que nous avons fait. Mais c’est aussi pourquoi elle peut être trompée puisqu’elle n’est
rien d’autre que le jugement que la raison pratique porte sur telle ou telle action (à faire ou déjà faite);
la vérité de ce jugement dépend donc, non de la syndérèse (les principes sont ce qu’ils sont), mais du
discemement de la raison pratique, c’est-à-dire de sa capacité à appréhender le bien qui la meut
(comme dit saint Thomas) dans telle circonstance donnée or, cette raison peut se tromper (Somme
Théologique 1a-2ae, Q. 19, a. 6, sol. 2). Toutefois, nous n’avons aucun autre guide de nos actions que
notre volonté de faire ce qui nous paraît objectivement bien; et ne pas faire ce que noua croyons bien,
c’est vouloir faire le mal, et c’est un mal, même si notre discernement du bien se trompe. Ce qui peut
aller très loin "Croire en Jésus-Christ est de soi chose bonne et nécessaire au salut; mais la volonté n’y
est portée que selon que la raison la lui propose; si la raison lui présentait la chose comme un mal, la
volonté s’y porterait comme à un mal; non certes qu’elle soit un mal en soi, mais parce qu’elle est un
mal par accident à cause de l’appréhension <erronée> de la raison " (ibid., a. 5). Telle est la hauteur à
laquelle saint Thomas place la conscience. Comme il le dit ici-même " L’obli gation de la conscience,
même erronée, et celle de la loi divine, sont la même obligation [ Car la loi n’est appliquée à nos actes
que par l’intermédiaire de notre conscience, " Reste que, pour notre conscience, le devoir de
s’informer et de s’éclairer est d’autant plus nécessaire, et d’autant moins excusable toute négligence à
cet égard (ibid., â. 6). Enfin on ne saurait passer sous silence l’appui que trouve dans cette si ferme
doctrine thomasienne la déclaration du concile Vatican II sur la liberté religieuse : "qu’en matière
religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agsr, dans de justes limites, selon
sa conscience " (Déclaration sur la liberté reli gieuse, 2; Concile œcuménique Vatican II.
Constitutions, décrets, décla rations, Paris, Le Centurion, 1967, p. 673; Les Conciles œcuméniques, t.
II-2, Les Décrets. De Trente à Vatican II, Paris, Ed. du Cerf, 1994, p. 2032-2033).
charitatem ambulas, secundum quam
aliquis proximum suum diligit sicut
seipsum. Et ita vitat eius contristationem et
non praefert cibum quieti fratris, quia, ut
dicitur 1 Co c. XIII, 5. — charitas non
quaerit quae sua sunt. Secundam rationem
ponit, ibi noli cibo tuo, etc., quae sumitur ex
parte mortis Christi. Videtur enim parum
appretiare mortem Christi, qui pro cibo
fructum eius evacuare non recusat. Unde
dicit noli cibo tuo, quem tu scilicet
indifferenter comedis non discernendo
cibos, illum perdere, id est scandalizare, pro
quo, id est pro cuius salute, Christus
mortuus est. I Petr. III, 18. — Christus
semel mortuus est pro peccatis nostris,
iustus pro iniustis. Dicit autem illum perdi
qui scandalizatur, quia scandalum passivum
sine peccato scandalizati esse non potest.
Ille enim scandalizatur qui occasionem
sumit ruinae. 1 Co c. VIII, 11. — peribit
infirmus in tua conscientia frater, pro quo
Christus mortuus est. Tertiam rationem
ponit, ibi non ergo blasphemetur, et cetera.
Quae sumitur ex donis spiritualis gratiae. Et
primo ostendit inconveniens quod sequitur
contra huiusmodi dona ex eo quod alios
scandalizamus; secundo manifestat quod
dixerat, ibi non enim, etc.; tertio infert
conclusionem intentam, ibi itaque quae
pacis sunt sectemur, et cetera. Circa primum
considerandum est, quod ex hoc quod aliqui
indifferenter cibis utebantur in primitiva
Ecclesia cum scandalo infirmorum, hoc
inconveniens sequebatur, quod infirmi
fidem Christi blasphemabant, dicentes eam
voracitatem ciborum inducere contra legis
mandatum. Et ideo apostolus dicit : ex quo
per dominum Iesum factum est quod nihil
est commune, non ergo bonum nostrum, id
est fides vel gratia Christi, per quam
libertatem a caeremoniis consecuti estis,
blasphemetur ab infirmis dicentibus eam
gulae hominum indulgere. Iac. c. II, 7. —
ipsi blasphemant nomen bonum quod
invocatum est super vos; de hoc bono dicitur
in Ps. LXXII, 28. — mihi adhaerere Deo,
bonum est. Deinde cum dicit non enim, etc.,
devraient s’abstenir de viande et du mariage,
de crainte que les hérétiques, dont la
conscience est erronée, n’en soient
scandalisés.
Il faut répondre qu’on peut scandaliser autrui
non seulement en faisant quelque mal, mais
même en faisant quelque chose qui en a
l’apparence, selon cette parole <de l’Apôtre>
dans sa première épître aux Thessaloniciens :
"Abstenez-vous de toute apparence du mal."
Or une chose peut avoir l’apparence du mal
de deux manières : d’abord, selon l’opinion
de ceux qui sont séparés de l'Eglise; ensuite,
selon l’opinion de ceux qui sont encore
tolérés par l’Eglise. Mais les faibles dans la
foi, estimant que les prescriptions légales
devaient être, observées, étaient encore tolérés
par l’Eglise avant la diffusion de l’Evangile.
Et c’est pourquoi on ne devait pas, en les
scandalisant, manger des aliments interdits
par la Loi. Quant aux hérétiques, ils ne sont
pas tolérés par l’Eglise, et la même raison
n’existe donc pas à leur égard.
1122. — II. Quand <l’Apôtre> dit : 15 En
effet, si pour un aliment, etc., il prouve ce
qu’il avait dit. Et
— D’abord, la première proposition, c’est-à-
dire qu’il ne faut pas donner d’occasion de
scandale à ses frères.
Puis, la deuxième et la troisième proposition,
c’est-à-dire dans quel sens une chose est
commune [n° 1132] : 20b "Assurément,
toutes les choses sont pures, etc."
1123. — Sur le premier point, <l’Apôtre>
expose quatre raisons :
A. La première se fonde sur la charité : En
effet, si ton frère est contristé, en pensant que
toi tu pèches, pour un aliment que toi tu
manges et que lui regarde comme impur, tu ne
marches plus selon la charité, charité par
laquelle on aime son prochain comme soi-
même. Et ainsi il évite de contrister son frère
et préfère son repos à un aliment, puisque,
selon ces paroles de l’Apôtre aux Corinthiens
: "La charité ne cherche pas son propre
intérêt."
1124. — B. Il expose1038
la deuxième raison à
ces mots : Pour ton aliment veuille ne pas
1038
Lieu parallèle : Somme Théologique 2a-2ae, Q. 43, a. 1, sol. 4.
manifestat quod dixerat, scilicet in quo
bonum nostrum consistat. Et primo ostendit
in quo non consistat, dicens non enim est
regnum Dei esca et potus. Regnum autem
Dei dicitur hic id per quod Deus regnat in
nobis et per quod ad regnum ipsius
pervenimus; de quo dicitur Matth. VI, 10.
— adveniat regnum tuum; et Mich. IV, 7.
— regnabit dominus super omnes in monte
Sion. Deo autem coniungimur et subdimur
per interiorem intellectum, et affectum, ut
dicitur Io. IV, 24. — spiritus est Deus, et
eos qui adorant eum, in spiritu et veritate
adorare oportet. Et inde est quod regnum
Dei principaliter consideratur secundum
interiora hominis, non secundum exteriora.
Unde dicitur Lc. XVII, 21. — regnum Dei
intra vos est. Ea vero quae sunt exteriora ad
corpus pertinentia, intantum ad regnum Dei
pertinent, inquantum per ea ordinatur, vel
deordinatur interior affectus, secundum ea
in quibus principaliter consistit regnum Dei.
Et ideo cum esca et potus ad corpus
pertineant, ipsa secundum se non pertinent
ad regnum Dei, nisi secundum quod eis
utimur, vel ab eis abstinemus. Unde dicitur
1 Co VIII, 8. — esca autem nos non
commendat Deo. Neque enim si non
manducaverimus, deficiemus, neque si
manducaverimus, abundabimus. Pertinet
tamen usus, vel abstinentia escae et potus ad
regnum Dei, inquantum affectus hominis
circa hoc ordinatur, vel deordinatur. Unde
Augustinus dicit in libro de quaestionibus
Evangelii, et habetur hic in Glossa :
iustificatur sapientia a filiis suis qui
intelligunt non in abstinendo, nec in
manducando esse iustitiam, sed in
aequanimitate tolerandi inopiam, et in
temperantia non se corrumpendi per
abundantiam atque importunitatem
sumendi. Non enim interest quomodo, ut in
Glossa dicitur, quid alimentorum, vel
quantum quis accipiat, dummodo id faciat
pro congruentia hominum cum quibus vivit,
et personae suae et pro valetudinis suae
necessitate; sed quanta facultate et
severitate animi careat his, vel cum oportet
vel cum necesse est his carere. Secundo
ostendit in quo consistat bonum nostrum,
causer, etc., raison qui se fonde sur la mort du
Christ. Il semble, en effet, qu’il fasse peu de
cas de la mort du Christ, celui qui se refuse
d’en regarder le fruit. D’où ces paroles <de
l’Apôtre> : Pour ton aliment, c’est-à-dire pour
l’aliment que toi tu manges indifféremment,
sans opérer de discernement entre les
aliments, veuille ne pas causer la perte, c’est-
à-dire scandaliser, de celui pour lequel, à
savoir pour le salut duquel, le Christ est mort.
— "Le Christ lui-même est mort une fois pour
nos péchés, juste pour des injustes, afin de
nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort selon
la chair, il a été vivifié selon l’Esprit." Or
l’Apôtre appelle perdu celui qui est
scandalisé, parce que le scandale passif ne
peut être sans péché du côté de celui qui est
scandalisé; car celui-là est scandalisé qui
prend occasion de chute : "Par ta science le
faible périra, ce frère pour qui le Christ est
mort."
1125. — C. Il expose la troisième raison à ces
mots : 16 Que notre bien ne soit donc pas une
occasion de blasphème. Cette raison se fonde
sur les dons de la grâce spirituelle. Et :
1) Il montre en premier lieu l’inconvénient
qui résulte pour ces dons de ce que nous
scandalisons les autres.
2) Puis, il explique ce qu’il a dit [n° 1127] :
17 Car le Règne de Dieu, etc.
3) Enfin, il déduit la conclusion qu’il s’est
proposée [n° 1130] : 19 Poursuivons donc ce
qui contribue à la paix, etc.
1126. — 1. Sur le premier point, il faut
considérer que dans l’Eglise primitive certains
usant indifféremment des aliments au
scandale des faibles, il en résultait cet
inconvénient que les faibles blasphémaient la
foi du Christ, en disant : que cette foi
favorisait la gloutonnerie contre le
commandement de la Loi. Et c’est pourquoi
l’Apôtre dit : Puisque depuis l’avènement du
Seigneur Jésus rien n’est commun, que notre
bien, c’est-à-dire la foi ou la grâce du Christ,
par laquelle vous avez obtenu d’être libérés
des cérémonies légales, ne soit donc pas une
occasion de blasphème pour les faibles, qui
prétendent qu’elle favorise la gourmandise
des hommes : "N’est-ce pas eux qui
quod regnum Dei vocat, dicens sed regnum
Dei est iustitia, et pax, et gaudium in spiritu
sancto. Ut iustitia referatur ad exteriora
opera, quibus homo unicuique reddit quod
suum est et ad voluntatem huiusmodi opera
faciendi, ut dicitur Matth. VI, 33. —
primum quaerite regnum Dei et iustitiam
eius. Pax autem referatur ad effectum
iustitiae. Per hoc enim pax maxime
perturbatur, quod unus homo non exhibet
alteri quod ei debet. Unde dicitur Is. c.
XXXII, 17. — opus iustitiae pax. Gaudium
autem referendum est ad modum quo sunt
iustitiae opera perficienda; ut enim dicit
philosophus in I Ethic. : non est iustus qui
non gaudet iusta operatione. Unde et in Ps.
XCIX, v. 2 dicitur : servite domino in
laetitia. Causam autem huius gaudii
exprimit dicens in spiritu sancto. Est enim
spiritus sanctus quo charitas Dei diffunditur
in nobis, ut dicitur supra V, 6. Illud enim est
gaudium in spiritu sancto, quod charitas
parit, puta cum aliquis gaudet de bonis Dei
et proximorum. Unde 1 Co XIII, 6 dicitur,
quod charitas non gaudet super iniquitate,
congaudet autem veritati. Et Gal. V, 22
dicitur : fructus autem spiritus est charitas,
gaudium, pax. Haec autem tria quae hic
tanguntur, imperfecte quidem in hac vita
habentur, perfecte autem quando sancti
possidebunt regnum Dei sibi paratum, ut
dicitur Matth. XXV, 34. Ibi erit perfecta
iustitia absque omni peccato. Is. LX, 21. —
populus tuus omnes iusti. Ibi erit pax absque
omni perturbatione timoris. Is. c. XXXII,
18. — sedebit populus meus in
pulchritudine pacis, in tabernaculis
fiduciae. Ibi erit gaudium. Is. XXXV, 10. —
gaudium et laetitiam obtinebunt, et fugiet
dolor et gemitus. Tertio probat quod dixerat,
scilicet quod in his regnum Dei consistit.
Ille enim homo videtur ad regnum Dei
pertinere, qui placet Deo et a sanctis
hominibus approbatur; sed hoc illi contingit
in quo invenitur iustitia, pax et gaudium :
blasphèment le beau (bonum) Nom qui a été
invoqué sur vous ?" A propos de ce bien il est
dit au psaume 72. — "Pour moi, mon bien est
d’adhérer à Dieu."
1127. — 2. Quand il ajoute : 17 Car le Règne
de Dieu, etc., il explique ce qu’il a dit, à
savoir en quoi consiste notre bien.
a. Et pour commencer1039
, il montre en quoi il
ne consiste pas, en disant : Car le Règne de
Dieu n'est pas nourriture et boisson. On
appelle ici Règne de Dieu ce par quoi Dieu
règne en nous et ce par quoi nous parvenons à
son Règne, dont il est dit "Que ton Règne
arrive." Et "Le Seigneur régnera sur <tous> à
la montagne de Sion1040
." Or nous sommes
unis et soumis à Dieu par l’intelligence
intérieure et par l’affection, ainsi qu’il est dit
dans <l’évangile de> Jean : "Dieu est esprit,
et ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit
et en vérité." De là vient que le Règne de
Dieu consiste principalement dans les actes
intérieurs de l’homme et non dans des actes
extérieurs. Aussi est-il dit "Le Royaume
(regnum) de Dieu est au-dedans de vous."
Mais quant aux actes extérieurs relatifs au
corps, ils n’appartiennent au Règne de Dieu
que dans la mesure où par eux l’affection
intérieure se règle ou se dérègle à l’égard de
ce qui constitue principalement le Règne de
Dieu. Donc le boire et le manger appartenant
au corps, ils n’appartiennent pas en tant que
tel au Règne de Dieu, sinon en tant que nous
en usons ou que nous nous en abstenons.
D’où ces paroles <de l’Apôtre> dans sa
première épître aux Corinthiens "Ce n’est pas
la nourriture qui nous recommande devant
Dieu. Si nous n’en mangeons pas, nous
n’avons rien de moins; et si nous en
mangeons, nous n’avons rien de plus."
Toutefois l’usage ou l’abstinence de la
nourriture et de la boisson appartiennent au
Règne de Dieu, en tant que l’affection de
l’homme est ordonnée ou désordonnée sur ce
point. Aussi Augustin dit-il dans son livre Des
questions évangéliques1041
, et la Glose cite ce
1039 Lieu parallèle : Somme Théologique 1 Q. 108, a. 1, sol. I.
1040 Mi 4, 7. Omnes (tous) au lieu de eos (eux), probablement cité de mémoire.
1091 Sur le fondement d’autrui" (en latin super alienum funda mensum), peut se traduire également "sur
un fondement étranger." L’interprétation de saint Thomas joue sur ces deux sens : un " fondement
étranger " à la vraie foi, c’est le premier sens, un "fondement étranger" à moi, Paul, c’est-à-dire le
"fondement d’autrui", second sens. Le premier sens est clair : l’extrême difliculté de ramener des
fidèles imbus d’une doctrine hérétique à la vraie foi, telle est l’intention qui a déterminé causalement
(causaliter) la volonté de saint Paul de ne pas prêcher à ceux qui avaient déjà entendu parler du Christ.
Mais le second sens pose un problème. Si l’on interprète super alienumfundamentum comme
signifiant non plus sur un fondement étranger " à la vraie foi, mais "sur le fondement d’autrui", c’est-
à-dire "posé par un prédicateur de la vraie foi autre que moi-même", on ne peut comprendre qu’il
s’agit là de la raison qui a determine le choix des lieux de l’évangélisation paulinienne, puisque saint
Paul a effectivement prêché là où d’autres apôtres (saint Pierre à Rome) avaient déjà parlé du Chnst. Il
faut donc mter préter la conjonction " ne" qui introduit la proposition (ne super fundamentum alienum
aedificarem) comme signifiant non plus la cause mentale (l’intention, ce que traduit "de crainte que"),
mais la conséquence qui a résulté de sa pratique évangélisatrice : j’ai prêché "de telle sorte que je n’ai
pas édifié sur le fondement d’autrui"; cette construction est grammaticalement possible en latin.
passage de la première épître aux Corinthiens
: "Comme un sage architecte j’ai posé le
fondement."
1175. — b. En second lieu, pour appuyer ce
qu’il avait dit, il cite l’autorité <scripturaire>,
en disant : selon qu’il est écrit : 21 "Ceux à
qui on ne l’avait pas annoncé verront, et ceux
qui n‘en avaient pas entendu parler
comprendront." Dans ces paroles, le Prophète
semble annoncer que les Gentils
parviendraient à la connaissance de Dieu
d’une manière plus excellente que les Juifs
qui l’avaient connu auparavant.
1176. — <L’Apôtre> montre donc d’abord
cette excellence quant à la cause de la
connaissance, laquelle est double : ce qu’on a
entendu et ce qu’on a vu. Or ces deux sens
sont susceptibles de se laisser former. Les
Juifs donc sont parvenus à la connaissance
des mystères du Christ par les paroles
annoncées par les prophètes : "C’est ce salut
qu’ont recherché et scruté les prophètes qui
ont prédit la grâce que vous deviez recevoir;
et comme ils cherchaient quel temps et
quelles circonstances l’Esprit du Christ qui
était en eux indiquait, en prédisant les
souffrances du Christ et les gloires qui
devaient les suivre, il leur fut révélé que ce
n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous,
qu’ils étaient dispensateurs des choses qui
vous sont annoncées maintenant par ceux qui
vous ont évangélisés par l’Esprit-Saint envoyé
du ciel, et que les anges désirent contempler"
Mais les Gentils virent ces mystères du Christ
déjà réellement accomplis, voilà pourquoi il
est dit que les nations auxquelles les
prophètes ne l’avaient pas annoncé, c’est-à-
dire <n’avaient pas annoncé> le Christ,
comme il l’avait été aux Juifs, verront les
mystères déjà accomplis : "Beaucoup de
prophètes et de rois ont désiré voir ce que
vous voyez, et ne l’ont point vu."
1177. — Puis, il montre l’excellence de la
connaissance de Dieu quant à son moyen d’y
parvenir, parce que les Juifs n’en avaient
Notons que le grec contient une précision qui fait défaut dans la Vulgate; saint Paul déclare, non pas
"je n’ai pas prêché", mais "tenant à honneur (philotimotmenon) de ne pas prêcher." Cette précision
indique, chez l’Apôtre, une intention ferme, un "programme d’apostolat", et présuppose qu’il ne
considère pas Rome comme relevant de son propre domaine d’évangélisation, même s’il y séjourne : il
n’est pas le fondateur de l’Eglise de Rome.
entendu parler que par l’annonce des
prophètes "Nous avons entendu une nouvelle
venant du Seigneur, et il a envoyé <des
messagers> vers les nations " Mais les Gentils
en ont pris connaissance visuellement1092
.
Aussi est-il dit : et ceux, c’est-à-dire les
nations, qui, auparavant, n’avaient pas
entendu les prophètes annoncer le Christ,
comprendront, à savoir la vérité de la foi "Et
maintenant, rois, comprenez, laissez-vous
enseigner, vous qui jugez la terre."
Lectio 3 Leçon 3 [Versets 22 à 33]
[n° 1178] 22 C’est pourquoi j’ai été empêché
à plusieurs reprises de venir vers vous, et j’ai
été retenu jusqu’à présent.
[n° 1180] 23 Mais maintenant puisqu’il n’y a
pas lieu de rester davantage dans ces régions,
et que j’éprouve un vif désir de venir vers
vous depuis bien des années déjà;
[n° 1181] 24 lorsque je me mettrai en route
pour l’Espagne, j’espère vous voir en passant
et que vous m’y conduirez, une fois que
j’aurai un peu joui de vous.
[n° 1183] 25 Mais maintenant je m’en vais à
Jérusalem pour le service des saints.
[n° 1184] 26 Car la Macédoine et l’Achaïe
ont jugé bon de faire une mise en commun
pour les pauvres d’entre les saints qui sont à
Jérusalem.
[n° 1185] 27 Or il leur a plu aussi, et elles leur
sont redevables. Car si les Gentils ont eu part
à leurs biens spirituels, ils doivent aussi les
servir de leurs biens temporels.
[n° 1186] 28 Lors donc que j’aurai terminé
cette affaire et que je leur aurai remis ce fruit,
je partirai pour l’Espagne <en passant> par
chez vous.
[n° 1187] 29 Or je sais qu’en venant à vous,
c’est dans l’abondance de la bénédiction de
l’Evangile du Christ que j’y viendrai.
[n° 1188] 30 vous demande donc avec
obsécration, frères, par Notre Seigneur Jésus-
Christ et par la charité de l’Esprit-Saint, de
1092 Cela ne veut pas dire qu’ils ont eu des visions du Christ, mais qu’ils ont pu voir, de leurs yeux,
l’édification et le développement de ce Corps du Christ qu’est l’Eglise répandue par toute la terre, ce
que les Juifs n’avaient connu que par la voix des prophètes.
m’aider dans les prières <que vous
adresserez> à Dieu pour moi,
[n° 1191] 31 afin que je sois libéré des
infidèles qui sont en Judée et que l’offrande
que je me fais un devoir de porter à Jérusalem
soit agréée des saints;
32 en sorte que je vienne vers vous avec joie
par la volonté de Dieu et que je me repose
avec vous.
[n° 1192] 33 Que le Dieu de la paix soit avec
vous tous! Amen.
[86230] Super Rom., cap. 15 l. 3 Postquam
apostolus se excusavit de praesumptione
quae ei potuisset adscribi, ex hoc quod
Romanos instruxerat et correxerat, hic se
excusat de eo quod eos visitare distulerat. Et
circa hoc tria facit. Primo ponit
impedimentum visitationis praeteritum;
secundo ponit visitandi propositum, ibi nunc
vero ulterius, etc.; tertio promittit
visitationis fructum, ibi scio autem, et
cetera. Dicit ergo primo : dictum est :
praedicavi Evangelium per multa loca, in
quibus Christus non fuerat nominatus,
propter quod, hactenus, impediebar
plurimum, ex huiusmodi occupatione,
venire ad vos. Et istud impedimentum usque
nunc duravit, unde subdit et prohibitus sum
usque adhuc. Quod quidem potest referri ad
multitudinem occupationum quas in aliis
locis habuerat, vel etiam ad divinam
providentiam per quam apostoli
impediebantur ne pervenirent ad quosdam et
dirigebantur in salutem aliorum, secundum
illud Act. XVI, 6. — transeuntes Phrygiam
et Galatiae regionem, vetati sumus a spiritu
sancto loqui verbum in Asia. Unde et supra
I, 13 dictum est : saepe proposui venire ad
vos, et prohibitus sum usque adhuc. Et hoc
est quod dicitur Iob XXXVII, 12 de
nubibus, per quas praedicatores intelliguntur
: lustrant cuncta per circuitum quocumque
eos voluntas gubernantis duxerit. Deinde
cum dicit nunc vero ulterius, etc., manifestat
propositum suum de eorum visitatione. Et
primo promittit eis suam visitationem;
secundo assignat causam quare oporteat
1178. — I. Après s’être excusé de la
présomption qu’on pouvait lui imputer pour
avoir instruit et corrigé les Romains [n°
1163], l’Apôtre s’excuse à présent de son
retard à les visiter.
Et sur ce point il fait trois choses :
A) Il expose en premier lieu l’empêchement
qu’il a eu.
B) En deuxième lieu, son propos de les visiter
[n° 1180] : 23 Mais maintenant, etc.
C) En troisième lieu, le fruit de sa visite [n°
1187] : 29 Or je sais, etc.
1179. — A. Il est dit : j’ai prêché l’Evangile
en beaucoup de lieux où le nom du Christ
n’avait pas été proclamé, c’est pourquoi, pour
le moment, j’ai été empêché à plusieurs
reprises, à cause de cette occupation, de venir
vers vous. Et cet empêchement a duré jusqu’à
maintenant, aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : et
j’ai été retenu jusqu’à présent. Paroles qui
peuvent s’appliquer à la multitude des
occupations qu’il avait eues en d’autres lieux,
ou même à la divine Providence qui
empêchait les Apôtres de parvenir chez
certains et qui les dirigeait en vue du salut des
autres, selon ce passage des Actes : < Comme
ils traversaient la Phrygie et le pays de
Galatie, il leur fut défendu par l’Esprit-Saint
d’annoncer la Parole de Dieu en Asie." Et
d’où ce qui a été dit plus haut <par l’Apôtre>
: "Je me suis souvent proposé de venir chez
vous, mais j’en ai été empêché jusqu’à
maintenant." Il est écrit au livre de Job à
propos des nuées, qui signifient les
prédicateurs1093
— "Elles répandent leur
lumière; elles éclairent de toutes parts, partout
1093
Voir Glosa ordinaria in Job XXXVII, 1 lb (GOS, t. II, p. 44 lb). — Lieux parallèles Ad Rom. 1,
13; Lect. 5 (éd. Marietti, n°91); Super Psalmos, in Ps. 17, 16.
eam differre, ibi nunc igitur proficiscar,
etc.; tertio assignat eis visitationis
terminum, ibi hoc igitur cum
consummavero, et cetera. Dicit ergo primo
ita : usque modo sum prohibitus, nunc vero,
iam peragratis omnibus his locis, ulterius
non habens locum, id est necessitatem
permanendi in his regionibus, in quibus iam
per me fundata est fides, cupiditatem habens
veniendi ad vos ex multis iam
praecedentibus annis secundum illud supra
I, 11. — desidero enim videre vos, ut
aliquid impartiar vobis gratiae spiritualis,
cum in Hispaniam proficisci coepero, quo
scilicet ire intendebat ut etiam in extremis
terrae fundamenta fidei collocaret,
secundum illud Is. XLIX, 6. — dedi te in
lucem gentium, ut sis salus mea usque ad
extremum terrae, spero quod praeteriens
videbo vos. Per quod dat intelligere quod
non intendebat ad eos principaliter ire, quia
reputabat eis sufficere doctrinam Petri, qui
primus inter apostolos Romanis fidem
praedicavit. Et quia tunc Romani
dominabantur in toto occidente, eorum
auxilio et ducatu se sperabat in Hispaniam
proficisci, unde subdit et a vobis deducar
illuc. Intendebat tamen aliquam moram
apud eos contrahere; unde subdit si vobis
fruitus fuero, id est consolatus secundum
illud quod supra I, 12 dictum est : simul
consolari in vobis. Et hoc ex parte, scilicet
temporis, quia per aliquod tempus
intendebat cum eis consolari. Sed contra est
quod Augustinus dicit in libro de doctrina
Christiana, quod illis solis rebus fruendum
est, quae nos beatos faciunt, scilicet patre,
filio et spiritu sancto. Inconvenienter ergo
dicit, se fruiturum esse Romanis. Sed
dicendum est quod sicut Augustinus dicit
ibidem, hominem in se non esse fruendum,
sed in Deo, secundum illud ad Philemonem,
20. — ita, frater, ego te fruar in domino,
quod est delectari in homine propter Deum.
Et sic intelligendum est quod dicit si fuero
fruitus vobis, scilicet in Deo. Vel quod dicit
ex parte, potest referri ad bonos, quibus
où les conduit la volonté de celui qui les
gouverne."
1180. — B. Lorsqu’il dit : 23 Mais
maintenant, etc., <l’Apôtre> manifeste son
propos de les visiter. Et
1) Il leur promet d’abord sa visite.
2) Puis, il donne la raison pour laquelle il
fallait qu’il la retarde [n° 1183] : 25 Mais
maintenant je m ‘en vais, etc.
3) Enfin, il leur fixe le moment de sa visite
[n° 1186] : 28 Lors donc que j’aurai terminé,
etc.
1181. — 1. Il dit donc : J’ai été ainsi empêché
jusqu’à ce jour, mais maintenant, ayant
parcouru toutes ces contrées, puisqu’il n’y a
pas lieu, c’est-à-dire puisqu’il n’y a pas de
nécessité de rester dans ces régions, où la foi
a été implantée par <mon ministère>, et que
j’éprouve un v désir de venir vers vous depuis
bien des années déjà — <l’Apôtre le disait
déjà au début de son épître> : "Car je désire
vous voir, pour vous faire part de quelque
grâce spirituelle " —, 24 lorsque je me mettrai
en route pour l’Espagne, c’est-à-dire où il se
proposait d’aller afin d’établir, même aux
extrémités de la terre, les fondements de la foi
— selon cette parole d’Isaïe : "Voici que je
t’ai donné comme lumière des nations, afin
que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la
terre " —, j’espère vous voir en passant.
<L’Apôtre> donne à entendre par là qu’il
n’avait pas l’intention d’aller principalement
chez eux, parce qu’il estimait que la doctrine
de Pierre, lui qui fut le premier des Apôtres à
avoir prêché aux Romains, leur suffisait. Et,
parce que les Romains dominaient alors sur
tout l’Occident, il espérait que grâce à leur
concours et sous leur conduite, il partirait
pour l’Espagne, aussi ajoute-t-il : et que vous
m’y conduirez. Il avait cependant l’intention
de s’arrêter quelque temps chez eux, aussi
ajoute-t-il une fois que j’aurai joui de vous,
c’est-à-dire après avoir été consolé — selon
ce qui a été dit plus haut : "de nous consoler
mutuellement chez vous " — un peu (ex
parte), c’est-à-dire quant au temps, parce qu’il
avait l’intention <de s’arrêter> quelque temps
poterat frui in Deo. Nam alia parte, scilicet
malis, non poterat frui, sed magis de eis
dolere, sicut dicitur 2 Co XII, v. 21. — ne
cum venero, humiliet me Deus apud vos, et
lugeam multos ex his qui ante peccaverunt.
Deinde cum dicit nunc igitur proficiscar,
assignat rationem quare differebat
visitationem. Et circa hoc tria facit. Primo
ponit causam, dicens nunc igitur
proficiscar, id est ideo non statim venio ad
vos, quia proficiscor Ierusalem ministrare
sanctis. Circa quod sciendum est quod
legitur Act. c. IV, 34 s., illi qui ex Iudaeis a
principio convertebantur ad fidem, venditis
possessionibus suis, de pretio communiter
vivebant, quod cum defecisset, maxime
quadam magna fame imminente, ut legitur
Act. XI, 27 ss., discipuli, scilicet Christiani,
ex diversis partibus mundi, prout quisque
habebat, proposuerunt singuli in
ministerium mittere habitantibus in Iudaea
fratribus, quod et fecerunt, mittentes ad
seniores per manus Barnabae et Sauli.
Ministerium igitur sanctorum hic dicit
eleemosynam, quam fidelibus Christi attulit
in Ierusalem, secundum illud 1 Co ult. :
quos probaveritis, hos mittam perferre
gratiam vestram in Ierusalem, quod si
dignum fuerit, ut et ego eam, mecum ibunt.
Secundo exponit quod dixerat de ministerio
sanctorum, dicens probaverunt enim, id est
approbaverunt, Macedonia et Achaia, id est
fideles utriusque regionis, per eum conversi,
collectionem aliquam facere, id est aliquam
collectam, in pauperes Christi, id est ad
usum pauperum, qui sunt de numero
sanctorum, secundum illud Eccli. c. XII, 4.
— da iusto, et non recipias peccatorem. Qui
sunt in Ierusalem, in paupertate viventes. 2
Co IX, 1. — de ministerio quod fit in
sanctos ex abundanti est mihi scribere
vobis. Scio enim promptum animum
vestrum, pro quo de vobis glorior apud
Macedones. Tertio assignat rationes
dictorum, quarum prima est beneplacitum.
pour se consoler avec eux.
1182. — Objection.1094
Augustin dit, dans son
ouvrage De la doctrine chrétienne, qu’il ne
faut jouir seulement que de ce qui nous rend
bienheureux, à savoir du Père, du Fils et de
l’Esprit-Saint1095
. <L’Apôtre> parle donc mal
à propos <en exprimant son intention> de
jouir des Romains.
Réponse. Comme Augustin le dit dans ce
même ouvrage1096
, l’homme ne doit pas
mettre sa jouissance en lui-même, mais en
Dieu, selon cette parole : "Oui, mon frère, que
moi j’obtienne cette jouissance de toi dans le
Seigneur ", ce qui veut dire mettre sa
jouissance dans l’homme à cause de Dieu.
Ainsi faut-il entendre ce qu’il dit ici : quand
j’aurai un peu joui de vous, c’est-à-dire en
Dieu.
Ou bien ces mots : en partie (ex parte)
peuvent s’appliquer aux bons, qui pouvaient
lui donner de la jouissance en Dieu.
Car de l’autre côté, c’est-à-dire du côté des
méchants, il ne pouvait pas jouir, mais plutôt
s’affliger à leur égard, selon ce qui est dit :
"Que venant de nouveau, Dieu ne m’humilie
parmi vous, et que je n’aie à pleurer beaucoup
de ceux qui, ayant déjà péché, n’ont point fait
pénitence des impuretés, des fornications et
des impudicités qu’ils ont commises."
1183. — 2. En disant : 25 main tenant je m’en
vais, etc., <l’Apôtre> donne la raison pour
laquelle il différait sa visite. Et à ce propos
a. 1l commence par en exposer la raison, en
disant : Mais maintenant je m’en vais, c’est-à-
dire la raison pour laquelle je ne viens pas
aussitôt vers vous, c’est que je m’en vais à
Jérusalem pour le service des saints. La
lecture des Actes nous enseigne ici que ceux
d’entre les Juifs qui s’étaient convertis à la foi
dès le début, ayant vendu leurs possessions,
vivaient en commun avec le prix <de leurs
ventes>; mais cette ressource venant à
manquer, surtout à cause d’une grande famine
qui menaçait, lit-on aussi dans les Actes, "les
disciples", c’est-à-dire les chrétiens des
1094
Lieux parallèles : Somme Théologique 1a-2ae Q. 11, a. 3, obi. 1 et sol. 1; Ad Philem. 1, 20, lect. 2
(éd. Marietti, n° 28). 1095
Voir SAINT AUGUSTIN, De doctrina christiana I, V, 5 (BA 11, 184-185; HA 11/2, 82-83). 1096
Voir ibid., xxii, 20-21 (BA 11, 202-207; BA 11/2, 100-103); xxxii 36-37 (HA 11, 224-227; HA
11/2, 122-125).
Unde dicit placuit enim illis, 2 Co IX, 7. —
unusquisque prout destinavit in corde suo,
non ex tristitia aut necessitate. Secunda
causa est debitum. Unde subdit et debitores
sunt eorum. Supra XIII, 7. — reddite
omnibus debita. Rationem autem debiti
assignat, dicens nam si gentiles facti sunt
participes bonorum spiritualium, quae erant
specialiter eorum, id est Iudaeorum, scilicet
notitiae divinae, et promissionum et gratiae,
secundum illud supra IX, 4. — quorum
adoptio est filiorum et gloria, etc.; et supra
XI, 17. — socius radicis et pinguedinis
olivae factus es. Sunt etiam facti participes
spiritualium eorum, per hoc quod illi
praedicatores eis miserunt. Debent et in
carnalibus ministrare illis, secundum illud
Eccli. c. XIV, 15. — in divisione sortis da et
accipe. Et Ps. sumite Psalmum, id est
spiritualia, et date tympanum, id est
temporalia. Et ex hoc sumitur argumentum
quod debentur sumptus non solum illis qui
praedicant, sed etiam qui praedicatores
mittunt. Deinde cum dicit hoc igitur cum,
etc., praefigit terminum quo ad eos sit
venturus, dicens hoc igitur cum
consummavero, scilicet ministerium
sanctorum, et assignavero eis fructum hunc,
id est eleemosynam gentilium, quae est
quidam fructus conversionis eorum, Os. X,
1. — vitis frondosa Israel fructus est ei
adaequatus; proficiscar per vos in
Hispaniam. Sed videtur hic apostolus
falsum dicere : nunquam enim in Hispania
fuisse legitur. In Ierusalem enim captus fuit,
et exinde Romam perlatus est in vinculis, ut
habetur Act. ult., ubi est occisus simul cum
Petro. Dicunt ergo quidam quod, sicut
dicitur Act. ult., cum venisset Romam
Paulus, permissum est ei manere sibimet
cum custodiente se milite; et postea dicitur,
quod mansit biennio toto in suo conductu, et
in illo spatio dicunt eum in Hispaniam
ivisse. Sed quia hoc certum non est, potest
melius dici, quod apostolus falsum non
dixit, quia proponebat se facturum quod
diverses parties du monde, "chacun selon ses
moyens, décidèrent d’envoyer des secours
aux frères qui habitaient en Judée; ce qu’ils
firent, en les envoyant aux anciens par les
mains de Barnabé et de Saul." <L’Apôtre>
appelle donc ici service des saints l’aumône
qu’il a apportée à Jérusalem aux fidèles du
Christ, selon ce passage de la première épître
aux Corinthiens : "Ceux que vous aurez jugés
dignes, je les enverrai avec des lettres, pour
porter votre charité à Jérusalem. Que si la
chose mérite que j’y aille moi-même, ils iront
avec moi "
1184. — b. <L’Apôtre> développe ensuite
ce qu’il avait dit du service des saints, en
disant : 26 Car la Macédoine et l’Achaïe,
c’est-à-dire les fidèles de ces deux régions,
converties par <l’Apôtre> lui-même, ont jugé
bon, c’est-à-dire ont approuvé, de faire une
mise en commun, c’est-à-dire une collecte,
pour les pauvres du Christ, c’est-à-dire pour
l’usage des pauvres qui sont au nombre des
saints — selon ce passage de l’Ecclésiastique
: "Donne à celui qui est juste et n’accueille
point le pécheur1097
" — qui sont à Jérusalem,
vivant dans la pauvreté : "Quant à ce service
en faveur des saints, il est superflu pour moi
de vous en écrire. Je sais en effet votre bonne
volonté, pour laquelle je me glorifie de vous
auprès des Macédoniens."
1185. — c. Il donne enfin les raisons de ce
qu’il a dit :
— La première1098
de ces raisons est le bon
plaisir. Aussi <l’Apôtre> dit-il : 27 Or il leur
a plu ainsi. — "Que chacun donne comme il
l’a résolu en son cœur, non avec tristesse ou
par nécessité; car Dieu aime celui qui donne
avec joie."
— La seconde raison est la dette. Aussi
ajoute-t-il : et elles leur sont redevables.
— "Rendez à tous ce qui leur est dû." Et
<l’Apôtre> donne le motif de cette dette, en
disant : Car si les Gentils ont eu part à leurs
biens spirituels, qui leur appartenaient
spécialement, c’est-à-dire aux Juifs, à savoir
la connaissance de Dieu, de ses promesses et
1097
Eccli (Si) 12, 4. Pour la version citée Ici, voir Vetus latina, Sirach (Ecciesiasticus) 2, 8, éd. W.
Thiele, vol. X112, fasc. 6, p. 404-405. 1098
Lieux parallèles : Contra impugn. Dei cuit, et reiig., c. VII Somme Théologique 2 Q. 187, a. 4 sol.
2; II Ad Cor. 11, 12, lect. 3 (éd. Marietti, n 401); II Ad TIses. 3, 8-9, lect. 1 (éd. Marietti, n° 73-74).
dicebat. Et sic verba eius erant intelligenda
quasi insinuantia eius propositum, non
autem futurum eventum qui ei erat incertus;
unde non poterat hoc praedicere, nisi forte
sub conditione quam Iacobus dicit
apponendam Iac. c. IV, 15. — pro eo ut
dicatis : si dominus voluerit, et : si
vixerimus, faciemus hoc aut illud. Et sic
etiam apostolus se excusat 2 Co c. I, 17, de
hoc quod ad eos non iverat, sicut
promiserat; dicens : cum ergo volui,
numquid levitate usus sum ? Aut quae
cogito, secundum carnem cogito, ut sit apud
me est et non ? Et sic ex hoc quod ex iusta
causa praetermisit facere quod promiserat,
se immunem dicit a levitate, carnalitate et
falsitate. Et sic etiam solvit hoc Gelasius
Papa, et habetur in decretis : beatus, inquit,
Paulus apostolus non ideo, quod absit,
fefellisse credendus est, aut sibi extitisse
contrarius, quoniam cum ad Hispaniam se
promisisset iturum, dispositione divina,
maioribus occupatus causis, implere non
potuit quod promisit. Quantum enim ipsius
voluntatis interfuit, hoc pronuntiavit quod
re vera voluisset efficere. Quantum vero ad
divini secreta consilii (quae ut homo non
potuit, licet spiritu Dei plenus, agnoscere)
superna praetermisit dispositione
praeventus. Licet enim propheticum
spiritum habuerit, tamen prophetis non
omnia revelantur, ut patet IV Reg. IV, 27,
ubi Eliseus dixit : anima eius in amaritudine
est, et dominus celavit a me, et non indicavit
mihi. Deinde cum dicit scio autem, etc.,
praenuntiat eis fructum suae visitationis,
dicens scio autem, scilicet ex fiducia divinae
gratiae, quoniam veniens ad vos, in
abundantia benedictionis Christi veniam, id
est, Christus abundantius suam
benedictionem dabit vobis in meo adventu,
de qua dicitur in Ps. LXXXIII, 7. — etenim
de sa grâce, selon ce qui est écrit plus haut :
"à qui appartiennent l’adoption des fils, et la
gloire, et l’alliance, et la législation, et le culte
et les promesses." Et encore : "Tu as été fait
participant à la racine et à la grasse sève de
l’olivier." Ils ont aussi eu part à leurs biens
spirituels, parce qu’ils leur ont envoyé des
prédicateurs. — Ils doivent aussi les servir de
leurs biens temporels, selon ces paroles de
l’Ecclésiastique : "Dans le partage du sort,
donne et reçois " et du psaume 80. —
"Recevez un psaume", c’est-à-dire <recevez>
les choses spirituelles, "et donnez du
tambourin ", c’est-à-dire <donnez> les choses
temporelles1099
. Et c’est sur cela que repose la
preuve que l’on doit une rétribution non
seulement à ceux qui prêchent, mais aussi à
ceux qui envoient les prédicateurs.
1186. — B. Lorsqu’il dit : 28 Lors donc que
j’aurai terminé cette affaire, <l’Apôtre> fixe
le moment où il viendra vers eux. Lors donc,
dit-il, que j’aurai terminé cette affaire, c’est-à-
dire le service des saints, et que je leur aurai
remis ce fruit, c’est-à-dire l’aumône des
Gentils, qui est en quelque sorte un fruit de
leur conversion — "Israël était une vigne
couverte de feuilles, le fruit l’égalait " —, je
partirai pour l’Espagne <en passant> par chez
vous.
Mais l’Apôtre semble s’exprimer ici de
manière erronée, car on ne lit nulle part qu’il
ait été en Espagne. En effet, il fut pris à
Jérusalem, et de là, enchaîné, il fut transporté
jusqu’à Rome, comme le rapportent les Actes,
et c’est en ce lieu qu’il fut mis à mort en
même temps que Pierre.
En se fondant sur ces mêmes Actes, à savoir
que Paul étant venu "à Rome, on lui permit de
demeurer seul avec le soldat qui le gardait ";
et plus loin, qu’" il demeura deux ans entiers
dans le logis qu’il avait loué ", d’aucuns1100
prétendent que ce serait pendant ce laps de
1099
Voir SAINT AUGUSTIN, Enarr. in Ps. 80, 3, 4 (CCL 39, 1122). 1100
Il s’agit principalement de saint Clément de Rome, pape vers 90-100. Dans sa Lettre aux
Corinthiens (vers 95), il affirme que saint Paul a enseigné la justice au monde " jusqu’aux bornes du
couchant", ce qui signifie effectivement, pour un Romain, " jusqu’en Espagne " (V, 7; voir dans Les
Ecrits des Pères apostoliques, p. 64; SC 167, 109). De même " l’auteur du fragment de Muratori
rapporte (vers 180) que Paul y est allé " (1. 39; voir dans l’Enchi ridionfontium historiae ecclesiasticae
antiquae, B. Herder, 1914, p. 90). On ne sait rien de certain sur ce voyage, comme le dit saint Thomas,
mais il n’est pas impossible que l’Apôtre l’ait accompli.
benedictionem dabit legislator, ibunt de
virtute in virtutem. Et sic Laban dixit ad
Iacob, Gen. III, v. 27. — experimento didici
quod benedixerit mihi Deus propter te.
Deinde cum dicit obsecro, ergo, etc., petit
ab eis orationis suffragia, et primo petit
eorum orationes, secundo ipse pro eis rogat,
ibi Deus pacis, et cetera. Circa primum tria
facit. Primo inducit eos ad orandum pro se
ex tribus. Primo quidem ex superna
charitate, cum dicit obsecro ergo vos,
fratres. Ad Philemonem propter charitatem
autem magis obsecro. Secundo ex
reverentia Christi, cuius ipse erat minister,
dicens per dominum nostrum Iesum
Christum; in quo omnes unum sumus, ut
supra XII, 5 dictum est. Tertio ex dono
spiritus sancti, quod eius ministerio
tradebatur, unde subdit per charitatem
spiritus sancti, quam spiritus sanctus in
cordibus nostris diffundit, ut supra c. V, 5
dictum est. Secundo petit auxilium orationis
eorum, dicens ut adiuvetis me in orationibus
vestris pro me ad Deum, scilicet pro me
fusis. Prov. XVIII, 19. — frater qui iuvatur
a fratre, quasi civitas firma. Hoc autem, ut
Glossa dicit, non ideo dicit apostolus quia
ipse minus mereatur quam alii minores, sed
ordinem sequitur. Primo quidem ut ab
Ecclesia pro rectore suo fiat oratio,
secundum illud I Tim. II, 1 s. : obsecro
igitur primum omnium fieri obsecrationes,
orationes, postulationes, gratiarum actiones
pro omnibus hominibus, pro regibus et
omnibus qui sunt in sublimitate constituti, et
cetera. Secundo, quia multi minimi dum
congregantur unanimes, magis merentur. Et
ideo impossibile est, ut multorum preces
non impetrent. Matth. XVIII, v. 19. — si
duo ex vobis consenserint super terram, de
omni re quamcumque petierint, fiet illis a
patre meo qui est in caelis. Tertio, ut dum
multi orant, multi etiam gratias agant
exauditi, secundum illud 2 Co I, 11. —
adiuvantibus vobis in oratione pro nobis, ut
per multos gratiae agantur Deo. Tertio
temps qu’il alla en Espagne. Mais parce que
cela n’est pas certain, il vaut peut-être mieux
dire que l’Apôtre ne s’est pas exprimé de
manière erronée, parce qu’il se proposait de
faire ce qu’il disait; et dans ce sens ses paroles
doivent être comprises comme une
insinuation de son propos, mais non <comme
se rapportant à> un événement futur, qui pour
lui était incertain; aussi ne pouvait-il prévoir
cela autrement que sous la condition que
<l’Apôtre> Jacques <nous> enseigne à
appliquer : "Que ne dites-vous au contraire
"Si le Seigneur le veut", et "Si nous vivons
nous ferons ceci ou cela"." Et c’est encore
ainsi que l’Apôtre <Paul> s’excuse de ce qu’il
n’était pas allé chez eux, comme il l’avait
promis, en disant : "Ayant donc eu ce dessein,
aurais-je fait preuve de légèreté ? ou bien, ce
que je projette, le projetai-je selon la chair, de
sorte qu’en moi il y ait le oui et le non ?" Et
ainsi du fait qu’il a omis, pour une juste
cause, de faire ce qu’il avait promis, il se dit
exempt de légèreté, de vues selon la chair et
de fausseté. C’est aussi de cette manière que
le pape Gélase résout cette difficulté, et on lit
dans ses Décrets "Doit-on croire, dit-il, que
Dieu nous en préserve!, que le bienheureux
Apôtre Paul ait voulu tromper, ou qu’il ait été
en contradiction avec lui-même, parce que,
bien qu’il ait promis d’aller en Espagne,
occupé à des affaires plus importantes par une
disposition divine, il ne put accomplir ce qu’il
avait promis. Pour autant que cela dépendait
de sa propre volonté, il a exprimé ce qu’il
aurait, en réalité, voulu accomplir. Mais quant
aux secrets du divin conseil (que l’homme n’a
pu connaître, bien qu’il ait été rempli de
l’Esprit de Dieu), il les négligea après avoir
été prévenu par une disposition divine1101
."
Car, bien qu’il ait eu l’esprit prophétique,
cependant toutes choses ne sont pas révélées
aux prophètes1102
, comme on le voit au
quatrième livre des Rois, où Elisée dit : "Son
âme est dans l’amertume, et le Seigneur me
l’a caché et ne me l’a point fait connaître."
1187. — C. Lorsqu’il dit ensuite : 29 Or je
1101
PSEUDO-GÉLASE, Décrets II, cause 22, Q. 2, can. 5 (PL 59, 154 C) voir aussi GRATIEN,
Décrets, deuxième partie, cause XXII, Q. II, can. V, éd. E. Friedberg, coI. 868. 1102
Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 171, a. 4; De veritate, Q. 12, a. 1, sol. 5 et 6.
ponit ea quae vult sibi impetrari, quorum
primum pertinet ad hostes quos habebat in
Iudaea. Unde dicit ut liberer ab infidelibus
qui sunt in Iudaea, qui praecipue Paulum
impugnabant et odiebant, quia fiducialiter
praedicabat cessationem legalium. Act.
XXI, 21. — audierunt de te quod
discessionem doces a Moyse, et cetera.
Secundum pertinebat ad eos in quorum
ministerium ibat. Et hoc est quod subdit et
oblatio obsequii mei, id est Ecclesia in qua
eis ministro, fiat accepta sanctis qui sunt in
Ierusalem, scilicet ut ex hac provocentur ad
gratias agendum Deo et ad orandum pro
ipsis gentibus a quibus recipiunt. Eccli.
XXXI, v. 28. — splendidum in panibus
benedicent labia multorum. Tertium pertinet
ad ipsos quibus scribebat. Unde subdit ut
veniam ad vos in gaudio, et hoc per
voluntatem Dei, contra quam nihil agere
volebat. Supra I, 10. — obsecrans si
quomodo prosperum iter habeam in
voluntate Dei veniendi ad vos. Et refrigerer
vobiscum, id est ut ex vestra praesentia
refrigerium tribulationum mearum
accipiam. Deinde cum dicit Deus autem
pacis, etc., ostendit quod pro eis orat, dicens
: Deus autem, dator pacis, sit cum omnibus
vobis, per hoc scilicet quod vos ad invicem
pacem habeatis. 2 Co ult. v. 11. — idipsum
sapite, et Deus pacis et dilectionis erit
vobiscum. Subdit amen, id est fiat. Psalmista
: et dicet omnis populus, fiat, fiat.
sais, etc., <l’Apôtre> leur annonce le fruit de
sa visite. Or je sais, à savoir par la confiance
dans la grâce divine, qu’en venant à vous,
c’est dans l’abondance de la bénédiction du
Christ que j’y viendrai, c’est-à-dire que le
Christ vous donnera plus abondamment, à
mon arrivée, sa bénédiction, dont il est dit au
psaume 83. — "Car le législateur donnera sa
bénédiction, ils iront de vertu en vertu." Et
c’est dans ce sens que Laban dit à Jacob :
"J’ai connu par mon expérience que le Dieu
m’a béni à cause de toi."
1188. — III. Lorsqu’il dit : 30 vous demande
donc avec obsécration, etc., <l’Apôtre>
demande le suffrage de leurs prières. Et
A) Il commence par demander leurs prières.
B) Puis, il prie lui-même pour eux [n° 1192].
— Que le Dieu de la paix, etc.
1189. — A. Sur le premier point il procède de
trois manières
1. Il les engage premièrement à prier pour lui
pour trois raisons
a. D’abord en raison de la charité céleste,
lorsqu’il dit : Je vous demande donc avec
obsécration, frères. <Et l’Apôtre écrit> à
Philémon : "Cependant j’aime mieux te
demander avec obsécration par charité."
b. Ensuite par respect pour le Christ, dont il
était lui-même le ministre, en disant : par
Notre Seigneur Jésus-Christ, en qui nous
sommes tous un <seul corps>, comme on l’a
dit plus haut.
c. Enfin en raison du don de l’Esprit-Saint,
qui était transmis par son ministère, aussi
<l’Apôtre> ajoute-t-il : par la charité de
l’Esprit-Saint, charité que l’Esprit-Saint
répand dans nos cœurs, comme on l’a dit plus
haut.
1190. — 2. Puis il demande le secours de leur
prière, en disant : de m’aider dans les prières
<que vous adresserez> à Dieu pour moi,
c’est-à-dire répandues à mon intention : "Un
frère qui est aidé par son frère est comme une
cité forte." Or, remarque la Glose1103
"si
l’Apôtre parle ainsi, ce n’est pas qu’il mérite
moins que ceux qui lui sont inférieurs, mais il
se conforme à un ordre" :
a. En premier lieu, "que la prière soit faite par
1103
Glosa in Rom. XV, 30 (GPL, col. 1526 D).
l’Eglise pour celui qui dirige", selon ces
paroles de <l’Apôtre> à Timothée "Je
demande donc instamment, avant tout, qu’on
fasse des obsécrations, des prières, des
demandes, des actions de grâces pour tous les
hommes, pour les rois et tous ceux qui sont
élevés en dignité, afin que nous menions une
vie paisible et tranquille, en toute piété et
chasteté1104
."
b. En deuxième lieu, parce qu’"une multitude
de simples fidèles, quand ils se rassemblent
d’un cœur unanime" méritent davantage, et
voilà pourquoi "il est impossible que les
prières d’une multitude ne soient pas
exaucées1105
." <Il est écrit dans l’évangile de>
Matthieu : "Que si deux d’entre vous
s’accordent sur la terre pour demander quoi
que ce soit, cela leur sera accordé par mon
Père qui est aux cieux."
c. En troisième lieu, quand une multitude prie,
plusieurs, ayant été exaucés, rendent grâces,
selon ce passage de la seconde épître aux
Corinthiens : "Vous-mêmes nous aiderez par
la prière, afin que ce bienfait, qu’un grand
nombre de personnes nous auront obtenu, soit
pour un grand nombre un motif d’action de
grâces" à Dieu "pour nous1106
."
1191. — 3. Enfin, <l’Apôtre> expose ce qu’il
veut qu’on demande pour lui.
a. La première de ces demandes concerne les
ennemis qu’il avait en Judée, aussi dit-il : 31
afin que je sois libéré des infidèles qui sont en
Judée, lesquels combattaient principalement
Paul et le haïssaient, parce qu’il prêchait avec
hardiesse la suppression des observances
légales : "Ils ont entendu dire de toi que tu
enseignes aux Juifs, qui sont parmi les
Gentils, d’abandonner Moïse, disant qu’ils ne
doivent point circoncire leur fils, ni marcher
selon les coutumes."
b. La deuxième demande concernait ceux
auxquels il allait porter des aumônes, d’où ce
qu’il ajoute : et que l’offrande de mon service,
c’est-à-dire que l’Eglise dans laquelle je sers
pour eux, soit agréée des saints qui sont à
Jérusalem, en sorte que par là ils soient
1104
1 Tm 2, 1-2. — Lieu parallèle 1 Ad Tim. 2, 1-2, lect. 1 (éd. Marietti, n° 55-59). 1105
Voir Glosa in Rom. XV, 30 (GPL, col. 1526 D; GOS, t. IV, p. 305a). 1106
2 Co 1, 11 Lieu parallèle IIAd Cor. 1. 11, lect. 3 (éd. Marietti, n 28).
provoqués à rendre grâces à Dieu et à prier
pour les nations elles-mêmes, dont ils
reçoivent ces aumônes : "Des lèvres de la
multitude béniront celui qui est splendide
dans les repas <qu’il donne>."
c. La troisième demande concerne ceux-là
mêmes auxquels il écrivait, aussi ajoute-t-il :
32 en sorte que je vienne vers vous dans la
joie, et cela par la volonté de Dieu, contre
laquelle il ne voulait rien faire "demandant
avec obsécration, si en quelque manière c’est
la volonté de Dieu, de m’accorder enfin un
heureux voyage pour venir jusqu’à vous " —
Et que je me repose avec vous, c’est-à-dire
que par votre présence je reçoive un
soulagement à mes tribulations.
1192. — B. Lorsque <l’Apôtre> dit : 33 Que
le Dieu de la paix soit avec vous tous, etc., il
montre qu’il prie pour eux. Que le Dieu de la
paix, le donateur de la paix, soit avec vous
tous, c’est-à-dire pour que vous, vous ayez la
paix mutuellement "N’ayez qu’un sentiment,
conservez la paix, et le Dieu de paix et de
dilection sera avec vous." Il ajoute : Amen,
c’est-à-dire fiat, ainsi soit-il1107
. <Comme> le
psalmiste <l’écrit> au psaume 105. — "Et
tout le peuple dira : "Ainsi soit-il, ainsi soit-
il."
Caput 16 CHAPITRE 16
Lectio 1 Leçon 1 [Versets 1 à 16]
[n° 1194] 1 Je vous recommande Phoebé,
notre sœur, attachée au ministère de l’Eglise
qui est à Cenchrées,
[1195] 2 afin que vous la receviez dans le
Seigneur d’une manière digne des saints, et
que vous l’assistiez en toute affaire où elle
aurait besoin de vous; car elle en a elle-même
assisté un grand nombre, et moi en particulier.
[n° 1198] 3 Saluez Prisca et Aquilas, mes
coopérateurs dans le Christ Jésus,
[n° 1199] 4 qui ont exposé leurs têtes pour ma
vie; à qui je rends grâces, non pas moi
seulement, mais aussi toutes les Eglises des
nations païennes,
1107 Lieux parallèles Super Psalmos, in Prol. (in fine); in Ps. 40, 14.
5 et <saluez> aussi l’Eglise qui est dans leur
maison. [n° 1200] Saluez Epénète, mon bien-
aimé, qui est les prémices de l’Asie pour le
Christ.
[n° 1201] 6 Saluez Marie, qui a beaucoup
travaillé pour vous.
[n° 1202] 7 Saluez Andronicus et Junie, mes
parents et compagnons de captivité, qui sont
illustres parmi les Apôtres, qui même ont été
avant moi dans le Christ.
[n° 1203] 8 Saluez Ampliatus, qui m’est très
cher dans le Seigneur.
[n° 1204] 9 Saluez Urbain, notre coopérateur
dans le Christ Jésus, et Stachys, mon bien-
aimé.
[n° 1205] 10 Saluez Apelle, qui a fait ses
preuves dans le Christ.
[n° 1206] 11 ceux de la maison d’Ans tobule.
Saluez Hérodion, mon parent. Saluez ceux de
la maison de Narcisse, qui sont au Seigneur.
[n° 1207] 12 Saluez Tryphène et Tryphose,
qui ont travaillé dans le Seigneur. Saluez ma
très chère Persis, qui a beaucoup travaillé
dans le Seigneur.
[n° 1208] 13 Saluez Rufus, l’élu dans le
Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne.
[n° 1209] 14 Saluez Asyncrite, Phiégon,
Hermès, Patrobas, Hermas, et les frères qui
sont avec eux.
[n° 1210] 15 Saluez Philologue et Julie, Nérée
et sa sœur, et Olympas et tous les saints qui
sont avec eux.
[n° 1211] 16 Saluez-vous mutuellement d’un
saint baiser. Toutes les Eglises du Christ vous
saluent.
[86231] Super Rom., cap. 16 l. 1 Postquam
apostolus proposuit fidelibus Romanis
quibus scribebat quaedam familiaria
pertinentia ad suam personam, hic ponit
quaedam familiaria pertinentia ad alios. Et
circa hoc tria facit. Primo monet quid ad
alios debeant facere; secundo ostendit quid
alii ad eos agant, ibi salutat vos, etc.; tertio
epistolam finit in gratiarum actione, ibi ei
autem qui potens, et cetera. Circa primum
duo facit. Primo ostendit quos debeant
salutare; secundo ostendit quos debeant
vitare, ibi rogo autem vos, fratres. Circa
primum mandat quasdam personas salutari
in speciali; secundo ponit in generali
1193. — L’Apôtre, après avoir exposé aux
fidèles Romains, auxquels il écrivait,
quelques détails familiers concernant sa
propre personne [n° 1163], donne à présent
quelques détails familiers concernant d’autres
personnes. A cet effet
— Il commence par donner une exhortation
aux fidèles sur ce qu’ils doivent faire pour
autrui.
— Puis, il montre ce que les autres font pour
eux [n° 1221] : 21 "Timothée, mon
coopérateur, vous salue, etc."
— Enfin, il termine son épître par une action
de grâces [n° 1223] : 25 "Et à Celui qui est
puissant, etc."
modum salutationis, ibi salutate invicem, et
cetera. Tertio salutat eos in communi ex
parte fidelium, ibi salutant vos, et cetera.
Circa primum loquitur de quadam muliere
Corinthia quae Romam ibat, quam eis
recommendat, describens eam, primo, ex
nomine, dicens commendo autem vobis
Phoeben, quae licet esset Deo devota, non
tamen erat tantae auctoritatis ut
commendatitiis litteris non egeret, sicut ipse
de se dicit 2 Co III, 1. — aut numquid
egemus, sicut quidam, commendatitiis
litteris ? Secundo describit eam ex fidei
religione, dicens sororem nostram. Omnes
enim mulieres fideles, sorores vocantur,
sicut et omnes viri fratres. Matth. XXIII, 8.
— omnes vos fratres estis. Tertio ex officio
pietatis, cum dicit quae est in ministerio
Ecclesiae, quae est in Cenchris, portu
Corinthiorum, ubi aliqui Christiani erant
congregati, quibus dicta mulier serviebat,
sicut et de ipso Christo Lc. c. VIII, 3 dicitur
quod quaedam mulieres ministrabant ei de
facultatibus suis. Et de vidua eligenda
dicitur I Tim. V, 10. — si hospitio recepit,
si pedes sanctorum lavit. Deinde dicit duo
in quibus vult eam commendatam haberi,
quorum primum est ut honeste recipiatur. Et
hoc est quod dicit ut suscipiatis eam in
domino, id est propter amorem Dei. Digne
sanctis, id est secundum quod dignum est
recipi sanctos, secundum illud Matth. X, 11.
— qui recipit iustum in nomine iusti,
mercedem iusti recipiet. Quidam libri
habent, digne satis, id est, convenienter;
tamen littera non concordat cum Graeco.
Secundum est ut eam sollicite adiuvent.
Unde subdit ut assistatis ei, scilicet
consilium et auxilium ferendo in
quocumque negotio vestri indiguerit.
Habebat enim forte aliquid expedire in curia
Caesaris. Sed contra hoc videtur esse quod
dicitur I Thess. IV, 11. — vestrum negotium
agatis, quasi dicat : non intromittatis vos de
negotiis alienis. Sed dicendum est quod
assistere negotiis alienis contingit dupliciter.
Uno modo saeculariter, id est propter
favorem hominum vel lucra, et hoc non
Sur le premier point, <l’Apôtre> montre deux
choses :
— D’abord, ceux que <les fidèles> doivent
saluer.
— Puis, ceux qu’ils doivent éviter [n° 1213] :
17 "Mais je vous prie, frères, etc."
I) Il recommande donc premièrement de
saluer quelques personnes en particulier.
II) II indique deuxièmement d’une manière
générale le mode de salutation [n° 1211] : 16
Saluez-vous mutuellement, etc.
III) Troisièmement, il les salue en général de,
la part des fidèles [n° 1212]
Toutes les Eglises du Christ vous saluent.
1194. — I. <Parmi les personnes qu’il salue
spécialement, l’Apôtre> mentionne une
femme de Corinthe qui allait à Rome. Il la
leur recommande, en la désignant d’abord par
son nom, en disant : 1 Je vous recommande
Phoebé1108
qui, bien que consacrée à Dieu,
n’avait cependant pas une autorité telle
qu’elle puisse se passer de lettres de
recommandation, comme <l’Apôtre> le dit de
lui-même : "Commencerons-nous de nouveau
à nous recommander nous-mêmes ? ou,
comme certains, avons-nous besoin de lettres
de recommandation auprès de vous, ou même
de vous ?"
Puis, il la décrit par sa foi et sa religion, en
disant : notre sœur. Car toutes les femmes
croyantes sont appelées sœurs, comme tous
les hommes sont aussi appelés frères : "Vous
êtes tous frères."
Enfin, <il la décrit> par son ministère de
piété, lorsqu’il dit : attachée au ministère de
l’Eglise qui est à Cenchrées, port de Corinthe,
où quelques chrétiens s’étaient rassemblés; et
cette femme les servait, comme il est dit du
Christ lui-même, que quelques femmes
"l’assistaient de leurs biens." Et sur le choix
des veuves il est dit : "Elle devra produire le
témoignage de ses bonnes œuvres : si elle a
élevé des enfants, si elle a exercé l’hospitalité,
si elle a lavé les pieds des saints, si elle a
secouru les affligés, si elle a pratiqué toutes
les formes de la bien aisance
1195. — Ensuite <l’Apôtre> mentionne deux
1108
Beaucoup d’exégètes modernes voient dans Phœbé la porteuse de la lettre de saint Paul.
convenit servis Dei. II Tim. c. II, 4. — nemo
militans Deo implicat se negotiis
saecularibus. Alio modo assistit aliquis
negotiis alienis ex pietate, puta in auxilium
indigentium et miserorum et hoc est
religiosum, secundum illud Iac. I, 27. —
religio munda et immaculata apud Deum et
patrem haec est : visitare pupillos et viduas
in tribulatione eorum. Et hoc modo
apostolus hic loquitur. Ultimo autem
ostendit apostolus meritum eius, quare hoc
sibi debeatur, dicens etenim ipsa quoque
multis astitit et mihi ipsi. Is. III, 10. — dicite
iusto quoniam bene, retributio enim
manuum eius fiet ei. Matth. V, 7. — beati
misericordes, quoniam ipsi misericordiam
consequentur. Deinde mandat salutari
quasdam alias personas sibi coniunctas,
dicens salutate Priscam et aquilam, qui erat
vir Priscae, sed mulierem praeponit, forte
propter maiorem fidei devotionem,
adiutores meos in Christo Iesu, id est in fide
Christi praedicanda. Apud enim eos
Corinthi hospitabatur, ut habetur Act.
XVIII, 2 s. Qui pro anima mea suas
cervices supposuerunt, id est seipsos mortis
periculo exposuerunt pro vita mea
conservanda, quod est indicium maximae
charitatis. Io. XV, 13. — maiorem hac
dilectionem nemo habet, ut animam suam
ponat quis pro amicis suis. Hoc autem
videtur factum fuisse Corinthi, ubi Paulus
persecutionem est passus, sicut habetur Act.
XVIII, 6. Vel forte melius dicendum est
quod alii se periculo pro apostolo
exposuerunt. Nam illud quod legitur Act.
XVIII, 2, factum fuit quando Prisca et
aquila de Roma recedentes Corinthum
venerunt, ut ibidem dicitur. Sed hoc
scribebat apostolus quando adhuc
aestimabat eos esse Romae. Vita autem
apostoli, non tam sibi quam aliis necessaria
erat, secundum illud Phil. I, v. 24. —
permanere autem in carne necessarium
propter vos. Et ideo subdit quibus non
solum ego gratias ago, sed et cunctae
choses sur lesquelles il veut que cette
recommandation soit prise en considération :
La première, c’est qu’on la reçoive avec
honneur; aussi dit-il : 2 afin que vous la
receviez dans le Seigneur, c’est-à-dire pour
l’amour de Dieu. D’une manière digne des
saints, c’est-à-dire ainsi qu’il convient de
recevoir les saints, selon cette parole de
Matthieu : "Qui reçoit un juste en tant que
juste recevra une récompense de juste "
Quelques manuscrits1109
lisent : "assez
dignement", c’est-à-dire convenablement,
mais cette version ne concorde pas avec le
grec. La seconde, c’est de l’aider avec
sollicitude; aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : et
que vous l’assistiez, c’est-à-dire en lui
apportant votre conseil et votre secours en
toute affaire où elle aurait besoin de vous. Car
peut-être avait-elle quelque affaire à traiter à
la cour de César <Néron>.
1196. — Objection. Il semble que <l’Apôtre>
dit dans sa première épître aux
Thessaloniciens : "Nous vous exhortons à
vous occuper de ce qui vous est propre ",
autrement dit : Ne vous immiscez pas dans les
affaires d’autrui.
Réponse. On peut prêter assistance à autrui
dans ses affaires de deux manières
A. D’abord, à la manière du siècle, c’est-à-
dire en vue de la faveur des hommes ou du
profit, et cette assistance ne convient pas aux
serviteurs de Dieu : "Quiconque est enrôlé au
service de Dieu ne s’embarrasse point dans
les affaires du siècle, afin de satisfaire celui à
qui il s’est donné."
B. Puis, on prête assistance à autrui dans ses
affaires par piété, par exemple en secourant
les indigents et les malheureux; ce qui est un
acte religieux1110
, selon ces paroles de Jacques
"La religion pure et sans tache devant Dieu le
Père, la voici Visiter les orphelins et les
veuves dans leurs tribulations, et se garder
sans tache à l’écart de ce siècle." Et c’est dans
ce sens que <l’Apôtre> parle ici.
1197. — Enfin, <l’Apôtre> montre le mérite
<de Phoebé>, qui lui donne droit à cette
1109
Voir notamment dans le codex Fuldensis; dans Glosa in Rom. XVI, 2 (GPL, 1527 D-1528 A), sous
le nom d’Haymon, Expo sitio in epistolam ad Romanos XVI, 2 (PL 117, 503 D). 1110
Lieux parallèles : Somme Théologique 2a-2ae, Q. 187, a. 2; Q. 188, a. 2, sol. 2.
Ecclesiae gentium : quarum sum apostolus
et doctor I Tim. II, 7. — doctor gentium in
fide et veritate. Et etiam salutate
domesticam eorum Ecclesiam. Habebant
enim in domo sua multos fideles
congregatos. Deinde vult alium salutari sibi
dilectione coniunctum, dicens salutate
Ephenetum dilectum mihi, qui est primitivus
Asiae in Christo. Primus enim in tota Asia
fuit ad fidem Christi conversus, quod erat ei
ad magnam dignitatem, Hebr. XII, 22 s. :
accessistis ad Ecclesiam primitivorum, qui
conscripti sunt in caelis. Tunc autem erat
Romae. Deinde dicit salutate Mariam, quae
multum laboravit in vobis, ad hoc ut eos ad
concordiam revocaret, quae cum hoc facere
non posset, significavit apostolo. Sap. c. III,
15. — bonorum laborum gloriosus est
fructus. Deinde dicit salutate Andronicum et
Iuniam, quos, primo, describit ex genere,
cum dicit cognatos meos. In quo ostendit
eos fuisse Iudaeos, de quibus supra c. IX, 3.
— qui sunt cognati mei secundum carnem.
Secundo ex passione pro Christo suscepta,
dicens et concaptivos meos. Fuerant enim
aliquando cum apostolo Christi incarcerati.
2 Co XI, 23. — in carceribus abundantius.
Tertio ex auctoritate, cum dicit qui sunt
nobiles in apostolis, id est nobiles inter
praedicatores, secundum illud Prov. ult. :
nobilis in portis vir eius. Quarto ex tempore,
cum dicit et ante me fuerunt in Christo Iesu.
Prius enim fuerunt conversi quam ipse
apostolus et ex hoc eis maior reverentia
debebatur. I Tim. V, 1. — seniorem te ne
increpaveris, sed obsecra ut patrem. Deinde
dicit salutate ampliatum dilectum meum in
domino, scilicet dilectione charitatis, quae
est in Christo. Phil. I, 8. — testis est mihi
Deus, quomodo cupiam omnes vos esse in
visceribus Christi. Deinde dicit salutate
Urbanum adiutorem nostrum in Christo,
scilicet in praedicatione fidei, Prov. XVIII,
19. — frater qui adiuvatur a fratre, et
cetera. Et Stachyn dilectum meum, quos
coniungit, quia forte simul habitabant, vel
aliqua alia necessitudine erant coniuncti.
Deinde dicit salutate Apellen, probum in
assistance, en disant : car elle en a elle-même
assisté un grand nombre, et moi en
particulier. — Il est écrit dans <le livre
d’>Isaïe "Dites au juste qu’il est heureux, car
il recevra le salaire de ses mains1111
." Et dans
<l’évangile de> Matthieu "Bien heureux les
miséricordieux, parce qu’ils obtiendront eux-
mêmes miséricorde."
1198. — <L’Apôtre> recommande ensuite de
saluer quelques autres personnes qui lui sont
unies, en disant : Saluez Prisca et Aquilas, qui
était l’époux de Prisca; mais il nomme
d’abord l’épouse, sans doute à cause de la
plus grande ferveur de sa foi; mes
coopérateurs dans le Christ Jésus, c’est-à-dire
dans la prédication de la foi du Christ. C’était
en effet chez eux qu’il recevait l’hospitalité à
Corinthe, comme on le lit dans les Actes.
1199. — 4 Qui ont exposé leurs têtes pour ma
vie, c’est-à-dire qui se sont exposés eux-
mêmes au péril de leur mort pour me sauver
la vie, ce qui est une preuve de très grande
charité : "Personne n’a de plus grand amour
que celui qui donne sa vie pour ses amis "
Cela semble avoir eu lieu à Corinthe, où Paul
a souffert la persécution, comme on le voit
dans les Actes. Ou bien, il vaut mieux peut-
être dire que d’autres s’exposèrent au danger
pour l’Apôtre, car ce qu’on lit au chapitre 18
des Actes se passa lorsque Prisca et Aquilas
s’éloignèrent de Rome pour venir à Corinthe,
ainsi qu’on le rapporte au même endroit. Mais
l’Apôtre écrivait cela quand il croyait encore
qu’ils étaient à Rome. Or la vie de l’Apôtre
n’était pas aussi nécessaire à lui-même qu’aux
autres, selon ce passage de l’épître aux
Philippiens : "Demeurer dans la chair <est>
chose nécessaire pour vous." Et c’est
pourquoi <l’Apôtre> ajoute : à qui je rends
grâces, non pas moi seulement, mais aussi
toutes les Eglises des nations païennes, dont
je suis l’Apôtre et le docteur : "J’ai été établi
moi-même prédicateur et Apôtre (je dis la
vérité, je ne mens point), docteur des nations
dans la foi et la vérité." — Et <saluez> aussi
l’Eglise qui est dans leur maison. Ils avaient,
en effet, dans leur maison plusieurs fidèles
qui se réunissaient.
1111
Is 3, 10 a et 11 b. Le verset I lb s’applique, selon Isaïe, à l’impie et non au juste.
Christo, id est approbatum in Christo forte
per aliquas tribulationes. Iob c. XXIII, 10.
— probavit me quasi aurum quod per ignem
transit. Deinde dicit salutate omnes qui sunt
ex domo, id est ex familia Aristoboli, in
cuius domo multi fideles erant congregati,
quem non salutat, quia forte ex aliqua causa
erat absens. Deinde dicit salutate
Herodionem cognatum meum, qui ex hoc
ipso dicitur fuisse Iudaeus. Deinde dicit
salutate omnes qui sunt ex domo Narcissi,
qui dicitur fuisse presbyter et peregrinabatur
per deserta loca ut fideles Christi
confortaret. Unde quia tunc eum absentem
noverat esse apostolus non mandat eum
salutari, sed familiam eius. Erant tamen in
eius familia aliqui infideles, et ideo ad
discretionem subdit qui sunt in domino, quia
solos fideles salutari mandat. II Io. V, 10. —
si quis venit ad vos, et hanc doctrinam non
affert, nolite recipere eum in domum, nec
ave dixeritis ei. Deinde dicit salutate
Tryphaenam et Tryphosam quae
laboraverunt in domino, id est in ministerio
sanctorum, quod dominus sibi reputat fieri,
secundum illud Matth. XXV, 40. — quod
uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis.
Deinde dicit salutate Persidem charissimam
meam, quam scilicet apostolus propter eius
devotionem specialiter diligebat. Unde
subdit quae multum laboravit in domino,
scilicet exhortando alios et ministrando
sanctis, et etiam in paupertate et aliis
spiritualibus laboribus. 2 Co XI, 27. — in
laboribus, in ieiuniis, in vigiliis, et cetera.
Deinde dicit salutate Rufum electum in
domino, id est, in gratia Christi, Eph. I, 4. —
elegit nos in ipso ante mundi
constitutionem, et matrem eius, scilicet
carne, et meam, quia fuit eius mater
beneficio. Aliquando enim servierat
apostolo, licet tunc Romae non esset. I Tim.
V, 2. — anus ut matres, iuvenculas ut
sorores in omni castitate. Deinde dicit
salutate Asyncritum, Hermem, Patrobam,
Hermam et qui cum eis sunt fratres, quos
simul salutat, quia simul concorditer
habitabant. Ps. LXVII, v. 6. — qui habitare
1200. — Il veut ensuite qu’on salue un autre
<fidèle> qui lui est uni par l’affection, en
disant : Saluez Epénète, mon bien-aimé, qui
est les prémices de l’Asie pour le Christ, car il
fut le premier dans toute l’Asie à se convertir
à la foi du Christ, ce qui était pour lui un
grand titre d’honneur : "Vous vous êtes
approchés de la montagne de Sion, de la cité
du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste,,
d’une réunion de myriades d’anges, de
l’Eglise des premiers-nés qui sont inscrits
dans les cieux, d’un Dieu juge de tous, et des
esprits des justes qui ont été rendus parfaits, et
de Jésus médiateur d’une Alliance nouvelle,
et d’une aspersion de sang plus éloquente que
celle d’Abel." <Epénète> était alors à Rome.
1201. — <L’Apôtre> ajoute : 6 Saluez Marie,
qui a beaucoup travaillé pour vous, c’est-à-
dire afin de les ramener à la concorde, et ne
pouvant y parvenir, elle le fit savoir à
l’Apôtre : "Le fruit des bons travaux est
glorieux."
1202. — Puis il dit : Saluez Andronicus et
Junie, qu’il décrit :
1. En premier lieu par leur naissance, lorsqu’il
dit : mes parents. Il montre par là qu’ils
étaient Juifs, et <de la race> de ceux dont il a
parlé plus haut : "qui sont mes parents selon
la chair."
2. En deuxième lieu, <il les décrit> par les
souffrances qu’ils ont endurées pour le Christ,
en disant : et compagnons de captivité, car ils
avaient été autrefois en prison avec l’Apôtre
du Christ : "Ayant enduré plus de prisons."
3. En troisième lieu, <il les décrit> par leur
autorité, lorsqu’il dit : qui sont illustres parmi
les Apôtres, c’est-à-dire illustres parmi les
prédicateurs1112
, selon cette parole des
Proverbes : "Illustre sera son époux aux
portes de la ville, quand il siégera avec les
sénateurs de la terre."
4. En quatrième lieu, <il les décrit> par
l’époque <de leur conversion>, lorsqu’il dit :
qui même ont été avant moi dans le Christ
Jésus. Car ils se convertirent avant l’Apôtre
lui-même, et pour cette raison on leur devait
un plus grand respect : "Ne réprimande pas un
1112
Voir Glosa in Rom. XVI, 7 (GPL, coI. 1528 C).
facit unius moris in domo. Deinde dicit
salutate Philologum et Iuliam, Nereum et
sororem eius Olympiadem, et omnes qui
cum eis sunt sanctos, id est in fide Christi
sanctificatos. 1 Co VI, 11. — abluti estis et
sanctificati estis. Deinde ostendit modum
quo se generaliter salutent, dicens salutate
invicem in osculo sancto, quod dicitur ad
differentiam osculi libidinosi, de quo dicitur
Prov. c. VII, 13. — apprehensum
deosculatur iuvenem. Et etiam dolosi, de
quo dicitur Prov. c. XXVII, 6. — meliora
sunt vulnera diligentis, quam fraudulenta
oscula inimici. Osculum autem sanctum est
quod in signum sanctae Trinitatis datur.
Cant. I, 1. — osculetur me osculo oris sui.
Exinde autem mos in Ecclesia inolevit ut
fideles inter Missarum solemnia invicem
dent oscula pacis. Deinde salutat eos ex
parte aliarum Ecclesiarum, dicens salutant
vos omnes Ecclesiae Christi, id est, in
nomine et fide Christi congregatae quia
omnes vestram salutem optant et pro vobis
orant. Iac. ult. : orate pro invicem ut
salvemini.
vieillard, mais demande-lui avec obsécration
comme <à ton> père."
1203. — Il dit ensuite : 8 Saluez Ampliatus,
qui m’est très cher dans le Seigneur, c’est-à-
dire par l’affection de la charité qui est dans le
Christ : "Dieu m’est témoin combien je
soupire après vous tous dans les entrailles du
Christ."
1204. — <L’Apôtre> ajoute : Saluez Urbain,
notre coopérateur dans le Christ, c’est-à-dire
<notre coopérateur> dans la prédication de la
foi : "Un frère qui est aidé par son frère est
comme une cité forte." — Et Stachys, mon
bien-aimé. <L’Apôtre> l’associe à Urbain,
<soit> parce qu’ils habitaient peut-être
ensemble, soit parce qu’ils étaient unis pour
quelque autre nécessité.
1205. — <L’Apôtre> continue : 10 Saluez
Apelle, qui a fait ses preuves dans le Christ,
c’est-à-dire qui a été éprouvé dans le <service
du> Christ, peut-être par quelques tribulations
: "Il m’a éprouvé1113
comme l’or qui passe par
le feu."
1206. — <L’Apôtre> poursuit : Saluez tous
ceux de la maison, c’est-à-dire de la famille
d’Aristobule, dans la maison duquel étaient
réunis un grand nombre de fidèles. Il ne le
salue pas, parce que peut-être était-il absent
pour quelque motif. Il dit ensuite : Saluez
Hérodion, mon parent, indiquant par là qu’il
était Juif. Saluez tous ceux qui sont de la
maison de Narcisse, qui, dit-on, était prêtre et
parcourait les lieux écartés pour affermir les
fidèles du Christ Aussi l’Apôtre, le sachant
absent, ne le fait pas saluer, mais sa famille.
Cependant, il y avait dans sa famille quelques
infidèles, aussi l’Apôtre ajoute-t-il par
discrétion : qui sont au Seigneur, car il ne fait
saluer que les fidèles : "Si quelqu’un vient à
vous et n’apporte point cette doctrine, ne le
recevez pas dans votre maison et abstenez-
vous de le saluer."
1207. — Il dit ensuite : 12 Saluez Tryphène et
Tryphose, qui ont travaillé dans le Seigneur,
c’est-à-dire au service des saints, service que
le Seigneur regarde comme étant rendu à lui-
même, selon cette parole de Matthieu : "Ce
1113
Voir Glosa in Rom. XVI, 10 (GPL, col. 1528 C).
que vous avez fait à l’un de mes plus petits,
c’est à moi que vous l’avez fait1114
." —
Saluez ma très chère Persis, à savoir celle que
l’Apôtre affectionnait spécialement à cause de
sa dévotion1115
aussi ajoute-t-il : qui a
beaucoup travaillé dans le Seigneur, à savoir
en exhortant les autres et en servant les saints,
même dans la pauvreté et les autres travaux
spirituels." Dans les travaux, dans les jeûnes,
dans les veilles, etc.1116
"
1208. — Saluez Rufus, l’élu dans le Seigneur,
c’est-à-dire dans la grâce du Christ — "Il
nous a élus en lui avant la fondation du
monde, afin que nous soyons saints et
immaculés en sa présence, dans la charité " —
et sa mère, c’est-à-dire selon la chair, qui est
aussi la mienne, parce qu’elle fut sa mère par
ses bienfaits. En effet, elle avait autrefois
servi l’Apôtre, bien qu’alors elle ne fût pas à
Rome : "Exhorte les jeunes hommes, comme
tes frères, les femmes âgées, comme tes
mères, les jeunes, comme tes sœurs, en toute
chasteté."
1209. — Il ajoute : 14 Saluez Asyncrite,
Phiégon, Hermès, Patrobas, Hermas, et les
frères qui sont avec eux; il les salue ensemble,
parce qu’ils habitaient ensemble et en bon
accord : "Lui qui fait habiter d’un seul cœur
dans sa maison."
1210. — Il ajoute : 15 Saluez Philologue et
Julie, Nérée et sa sœur, et Olympas, et tous
les saints qui sont avec eux, c’est-à-dire qui
ont été sanctifiés dans la foi du Christ "Mais
vous avez été lavés, mais vous avez été
sanctifiés."
1211. — <L’Apôtre>1117
montre ensuite le
mode par lequel ils se saluent d’une manière
générale, en disant : 16 Saluez-vous
mutuellement d’un saint baiser, à la
différence du baiser libidineux, dont il est dit
au livre des Proverbes : "Et se jetant sur le
jeune homme, elle l’embrasse." Et aussi du
1114
Mt 25, 40. Ce texte abrégé par rapport à la Vulgate semble emprunté à une antienne du commun
du Graduel romain (lundi après le premier dimanche de carême), qui vers le xr siècle a remplacé
l’antienne psalmique (Ps 3). Voir M. -Ph. SCHUERMANS, Parole de Dieu et rite sacramentel. Etude
critique des antiennes de communion nêotestamentaires, p. 42, n. 1. 1115
Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2 Q. 82. 1116
2 Co 11, 27 (citation non littérale, plus proche de 2 Co 6, 5). 1117
Lieux parallèles II Ad Cor. 13, 12, lect. 3 (éd. Marietti, n 1 Ad Thes. 5, 26, lect. 2 (éd. Marietti, n
139).
baiser trompeur : "Les baisers que fait celui
qui aime valent mieux que les baisers
trompeurs de l’ennemi " Mais le saint baiser
est celui qu’on donne en signe de la sainte
Trinité : "Qu’il me baise d’un baiser de sa
bouche." De là cette coutume implantée dans
l’Eglise, que les fidèles se donnent
mutuellement le baiser de paix, au cours de la
sainte messe.
1212. — III. Enfin <l’Apôtre> les salue de la
part, des autres Eglises, en disant : Toutes les
Eglises du Christ vous saluent, c’est-à-dire les
Eglises rassemblées au nom et dans la foi du
Christ, parce que toutes souhaitent votre salut
et prient pour vous "Priez les uns pour les
autres, afin que vous soyez sauvés."
Lectio 2 Leçon 2 [Versets 17 à 27]
[n° 1214] 17 Mais je vous prie, frères,
d’observer ceux qui causent des dissensions et
des occasions de chute contre la doctrine que
vous avez apprise, et détournez-vous d’eux.
[n° 1218] 18 Car ces sortes de gens ne servent
pas le Christ Notre Seigneur, mais leur ventre,
et par de douces paroles et des bénédictions
ils séduisent les cœurs des innocents.
[n° 1219] 19 Votre obéissance s’est fait
connaître en tout lieu. Je me réjouis donc à
votre sujet, mais je veux que vous soyez sages
dans le bien et simples dans le mal.
[n° 1220] 20 Le Dieu de la paix écrasera
Satan sous vos pieds rapidement. Que la grâce
de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec
vous!
[n° 1221] 21 Timothée, mon coopérateur,
vous salue, ainsi que Lucius, Jason et Sosi
patros, mes parents.
22 Je vous salue dans le Seigneur, moi
Tertius, qui ai écrit cette lettre,
23 Caïus, mon hôte, et toute l’Eglise, vous
saluent. Eraste, le trésorier de la ville, vous
salue, ainsi que Quartus, <notre> frère.
[n° 1222] 24 Que la grâce de Notre Seigneur
Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen.
[n° 1223] 25 Et à celui q est puissant pour
vous affermir selon mon Evangile et la
prédication de Jésus-Christ, selon la
révélation du mystère tu aux temps éternels,
[n° 1226] 26 qui maintenant est révélé par les
écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu
éternel, en vue de l’obéissance de la foi, <et
qui est> connu parmi toutes les nations;
[n° 1227] 27 à Dieu <qui> seul <est> sage,
par Jésus-Christ, (à qui) <reviennent>
honneur et gloire dans les siècles des siècles.
Amen.
[86232] Super Rom., cap. 16 l. 2 Postquam
apostolus mandavit quos salutarent hic
ostendit eis quos debeant vitare. Et circa hoc
tria facit. Primo docet quos debeant vitare;
secundo rationem assignat, ibi huiusmodi
enim, etc.; tertio promittit eis divinum
auxilium ad hoc implendum, ibi Deus autem
pacis, et cetera. Et quia illi quos vitari
volebat fraudulenter incedebant decipientes
sub specie pietatis, secundum illud Matth.
VII, 15. — veniunt ad vos in vestimentis
ovium, intrinsecus autem sunt lupi rapaces;
ideo, primo, inducit eos ad cautelam
habendam, dicens rogo autem vos, fratres,
ut observetis eos qui dissensiones et
offendicula praeter doctrinam quam vos
didicistis, faciunt. Ubi, primo,
considerandum est quod observare, nihil
aliud est quam diligenter considerare, quod
quidem quandoque in bono sumitur,
quandoque in malo. In malo quidem
sumitur, quando aliquis diligenter considerat
conditionem et processum alicuius ad
nocendum, secundum illud Ps. XXXVI, 12.
— observabit peccator iustum et stridebit
super eum dentibus suis. Et Lc. XIV, v. 1
dicitur : et ipsi observabant eum. In bono
autem accipitur, uno modo, quando quis
considerat praecepta Dei ad faciendum. Ex.
XXIII, 21. — observa igitur et audi vocem
eius. Alio modo quando diligenter
considerat bonos ad imitandum, secundum
illud Phil. III, 17. — imitatores mei estote,
fratres, et observate eos qui ita ambulant,
sicut habetis formam nostram. Tertio
observantur mali ad cavendum, et ita
accipitur hic. Erant enim quidam ad fidem
conversi ex Iudaeis, qui praedicabant legalia
esse observanda, et ex hoc, primo, quidem
in Ecclesia sequebantur dissensiones et
sectae, dum quidam eorum errori
1213. — I. Après avoir recommandé ceux
qu’ils devaient saluer [n° 1193], l’Apôtre leur
montre ceux qu’ils doivent éviter. Et dans ce
dessein il fait trois choses
A) Il montre d’abord qui ils doivent éviter.
B) Puis, il en donne la raison [n° 1218] Car
ces sortes de gens, etc.
C) Enfin, il leur promet le secours divin pour
accomplir cette recommandation [n° 1220] :
20 Le Dieu de la paix, etc.
1214. — A. Et, parce que ceux qu’il voulait
éviter s’avançaient frauduleusement,
séduisant sous une apparence de piété, selon
ces paroles de Matthieu : "Gardez-vous des
faux prophètes qui viennent à vous sous des
vêtements de brebis, tandis qu’au-dedans ce
sont des loups rapaces ", <l’Apôtre> les
exhorte tout d’abord à avoir de la prudence,
en disant : 17 Mais je vous prie, frères,
d’observer ceux qui causent des dissensions
et des occasions de chute contre la doctrine
que vous avez apprise.
1215. — Il faut d’abord remarquer ici
qu’observer, ce n’est pas autre chose que
considérer avec attention, ce qui est pris
parfois <dans le sens du> bien, parfois <dans
le sens du> mal.
On le prend <dans le sens du> mal, quand on
considère avec attention la condition et le
progrès d’autrui afin de lui nuire, selon cette
parole <du psalmiste> : "Le pécheur
observera le juste et grincera des dents contre
lui " Et il est dit dans <l’évangile de> Luc : "Il
arriva que comme Jésus était entré un jour de
sabbat dans la maison d’un chef des
pharisiens pour y manger du pain, ceux-ci
l’observaient"
On le prend <dans le sens du> bien, soit
quand on considère les préceptes de Dieu en
vue de les accomplir : "Observe et écoute sa
voix "; soit quand on considère attentivement
adhaererent, alii vero in vera fide
persisterent. Gal. V, 20. — dissensiones,
sectae, et cetera. Secundo sequebantur
offendicula et scandala, de quibus supra
XIV actum est, dum quidam alios
iudicarent, et alii alios spernerent, qui
dissensiones et offendicula faciunt. Is. c.
LVII, 14. — auferte offendicula de medio
populi mei. Dicit autem praeter doctrinam
quam vos didicistis a veris Christi apostolis,
ut ostendat quod huiusmodi dissensiones et
scandala ex falsitate doctrinae proveniebant.
Gal. I, 9. — si quis vobis evangelizaverit
praeter id quod accepistis, anathema sit.
Secundo, monet ut cogniti vitentur, dicens
et declinate ab illis, id est eorum doctrinam
et consortia fugiatis. Ps. CXVIII, v. 115. —
declinate a me, maligni, et scrutabor
mandata Dei mei. Deinde cum dicit
huiusmodi enim, etc., assignat eius quod
dixerat duas rationes, quarum prima sumitur
ex parte eorum quos vult vitari. Et primo
describit eorum intentionem, dicens
huiusmodi enim homines non serviunt
Christo domino, sed suo ventri. Non enim
praedicabant propter gloriam Christi, sed
propter quaestum, ut suum ventrem
implerent. Phil. III, 18. — multi ambulant
quos saepe dicebam vobis, nunc autem et
flens dico, inimicos crucis Christi, quorum
Deus venter est. Secundo describit eorum
deceptionem, dicens et per dulces sermones
seducunt corda innocentium, id est,
simplicium et imperitorum. Prov. XIV, 15.
— innocens credit omni verbo. Per dulces
sermones in quibus sanctitatem praetendunt,
secundum illud Ps. XXVII, v. 3. — qui
loquuntur pacem cum proximo suo, mala
autem in cordibus eorum. Et benedictiones,
quibus scilicet benedicunt et adulantur illis
qui eos sequuntur. Is. III, v. 12. — popule
meus, qui beatum te dicunt, ipsi te
decipiunt. Mal. II, 2. — maledicam
benedictionibus vestris. Secundam rationem
assignat ex conditione Romanorum, qui
faciles se exhibebant ad sequendum bonum
et malum. Unde primo commendat eos de
facilitate ad bonum, dicens vestra enim
obedientia, qua de facili fidei obedistis, in
omni loco divulgata est, propter dominium
les bons en vue de les imiter, selon cette
parole <de l’Apôtre> aux Philippiens : "Mes
frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux
qui marchent selon le modèle que vous avez
en nous " Enfin on observe les méchants pour
s’en garder, et c’est dans ce sens que <le mot
"observer"> est pris ici.
1216. — Car il y avait quelques Juifs
convertis qui affirmaient qu’on était tenu aux
observances légales; ce qui entraînait
premièrement dans l’Eglise des dissensions et
des sectes, certains d’entre eux adhérant à leur
erreur, d’autres persistant dans la vraie foi :
"Or on connaît aisément les œuvres de la
chair, qui sont : la fornication, l’impureté,
l’impudicité, la luxure, les contestations, les
jalousies, les colères, les rixes, les
dissensions, les sectes, les envies, les
homicides, les ivrogneries, les débauches de
table, et autres choses semblables. Je vous le
dis, comme je l’ai déjà dit, ceux qui font de
telles choses n’obtiendront point le Royaume
de Dieu." Deuxièmement, cette affirmation
entraînait des occasions de chute et des
scandales, ce qui a déjà fait l’objet d’un
développement plus haut, au chapitre 14 [n°
1081 et 1131], les uns jugeant les autres, et les
autres méprisant ceux qui causent des
occasions de chute et des scandales : "Otez les
occasions de chute du milieu de mon peuple."
Et <l’Apôtre> ajoute : contre la doctrine que
vous avez apprise des véritables apôtres du
Christ, pour montrer que ces dissensions et
ces scandales provenaient de la fausseté de la
doctrine : "Si quelqu’un vous annonce un
évangile différent de celui que vous avez
reçu, qu’il soit anathème ! "
1217. — Puis, <l’Apôtre> avertit qu’après les
avoir reconnus on les évite, en disant : et
détournez-vous d’eux, c’est-à-dire fuyez leur
doctrine et leur compagnie "Détournez-vous
de moi, méchants, et je scruterai les
commandements de mon Dieu."
1218. — B. Lorsqu’il ajoute : 18 Car ces
sortes de gens, etc., <l’Apôtre> donne deux
raisons à ce qu’il a dit
1. La première d’entre elles est prise du côté
de ceux qu’il veut qu’on évite [n° 1219].
Il commence par exposer leur intention, en
disant : Car ces sortes de gens ne servent pas
quod tunc Romani obtinebant super alias
nationes. Unde quod a Romanis fiebat, de
facili divulgabatur ad alios. Supra I, 8. —
fides vestra in universo mundo annuntiatur.
Gaudeo igitur in vobis, quia scilicet fidei
obedistis, et hoc in charitate, de qua dicitur
1 Co XIII, 6 quod non gaudet super
iniquitate, congaudet autem veritati.
Secundo reddit eos cautos contra malum,
dicens sed volo vos esse sapientes in bono,
ut scilicet ei quod bonum est inhaereatis, I
Thess. ult. : quod bonum est tenete; et
simplices in malo, ne scilicet per aliquam
simplicitatem declinetis ad malum, ut talis
sit vobis simplicitas, quod nullum decipiatis
in malum. Matth. X, 16. — estote prudentes
sicut serpentes, et simplices sicut columbae.
E converso de quibusdam dicitur Ier. IV, 22.
— sapientes sunt ut faciant mala, bene
autem facere nesciunt. Deinde cum dicit
Deus autem pacis, etc., promittit eis
divinum auxilium contra huiusmodi
deceptores. Et primo ponitur promissio, cum
dicit Deus autem pacis, scilicet auctor, qui
dissensiones odit quas isti faciunt, conteret
Satanam, id est, Diabolum qui per istos
pseudoapostolos vos decipere conatur, sub
pedibus vestris, quia scilicet per vestram
sapientiam eum vincetis. Et hoc fiet
velociter, scilicet in adventu meo. Lc. X, 19.
— ecce dedi vobis potestatem calcandi
supra serpentes et scorpiones et omnem
virtutem inimici. Mal. ult. : calcabitis
impios, cum fuerint sicut cinis sub planta
pedum vestrorum. Secundo ponitur oratio ad
hoc obtinendum, cum dicit gratia domini
nostri Iesu Christi sit vobiscum, quae
scilicet sufficit ad vos tuendos. 2 Co XII, 9.
— sufficit tibi gratia mea. Deinde cum dicit
salutat vos, etc., salutat eos ex parte
aliorum, dicens salutat vos Timotheus
adiutor meus, scilicet in praedicatione
Evangelii. 1 Co IV, 17. — misi ad vos
Timotheum, qui est filius meus charissimus
et fidelis, et cetera. Addit autem et Lucius et
Iason et Sosipater, cognati mei, qui Iudaei
erant, scilicet vos salutant. Erat autem
quidam notarius Pauli nomine tertius, cui
Paulus concessit ut ex sua persona Romanos
salutaret. Unde subditur ego tertius qui
le Christ notre Seigneur, mais leur ventre. En
effet, ils ne prêchaient pas pour la gloire du
Christ, mais pour leur profit, afin de satisfaire
leur ventre : "Il y en a beaucoup dont je vous
ai souvent parlé (et je vous en parle encore
avec larmes), qui marchent en ennemis de la
croix du Christ, dont la fin sera la perdition,
dont Dieu est le ventre, qui mettent leur gloire
dans leur ignominie et qui n’ont de goût que
pour les choses de la terre."
Puis, il expose leur tromperie, en disant : et
par de douces paroles et des bénédictions ils
séduisent les cœurs des innocents, c’est-à-dire
des simples et des inexpérimentés :
"L’innocent croit à toute parole." — par de
douces paroles, par lesquelles ils affichent
leur sainteté, selon ces paroles du <psalmiste>
: "<Ces pécheurs> qui parlent de paix avec
leur prochain et qui ont le mal dans leurs
cœurs." — et des bénédictions, c’est-à-dire
par lesquelles ils bénissent et flattent ceux qui
les suivent : "Mon peuple, ceux qui te disent
heureux, ceux-là mêmes te trompent." Et
encore "Je maudirai vos bénédictions."
1219. — 2. Il donne la seconde raison en se
fondant sur la disposition des Romains, qui se
montraient enclins à suivre le bien et le mal.
Aussi commence-t-il par les louer pour leur
inclination au bien, en disant : 19 Votre
obéissance, par laquelle vous obéissez
facilement à la foi, s'est fait connaître en tout
lieu, à cause du pouvoir que les Romains
avaient alors sur toutes les autres nations, en
sorte que ce qui se faisait par eux parvenait
facilement à la connaissance de tous : "Votre
foi est annoncée dans le monde entier." — Je
me réjouis donc à votre sujet, à savoir parce
que vous obéissez à la foi, et cela dans la
charité, dont il est dit qu’"elle ne se réjouit
pas de l’iniquité, mais [qu'] elle met sa joie
dans la vérité."
Ensuite il les rend prudents contre le mal, en
disant : mais je veux que vous soyez sages
dans le bien, c’est-à-dire que vous adhériez à
ce qui est bien : "Retenez ce qui est bon " —
et simples dans le mal, c’est-à-dire que par
une certaine simplicité vous ne vous tourniez
pas vers le mal, en sorte que votre simplicité
soit telle que vous ne trompiez personne pour
le mal : "Soyez prudents comme des serpents
scripsi hanc epistolam, saluto vos in
domino. Deinde dicit salutat vos Caius
hospes, cui scribitur Ioannis tertia canonica,
in qua commendatur de charitate, quam
exhibebat sanctis. Et universa Ecclesia,
scilicet quae erat in domo eius congregata,
vel quae erat in illa provincia. Deinde dicit
salutat vos Erastus, arcarius civitatis, qui
scilicet custodiebat arcam communem, id
est communes redditus civitatis, et quidam
frater, id est, fidelis, nomine quartus.
Deinde salutat eos ex parte sua, dicens
gratia domini nostri Iesu Christi sit cum
omnibus vobis. Amen. Et finit epistolam
cum gratiarum actione, dicens ei autem,
scilicet Deo qui est Trinitas, qui potens est
vos confirmare, I Petr. ult. : modicum
passos ipse perficiet, confirmabit
solidabitque. Et hoc in fide quae est iuxta
Evangelium meum id est secundum
Evangelium quod ego praedico. 1 Co c. XV,
11. — sive ego, sive illi sic praedicavimus
et sic credidistis. Et etiam secundum
praedicationem Iesu Christi, qui primo
Evangelium praedicavit, secundum illud
Hebr. c. II, 3. — quae cum initium
accepisset enarrari per dominum. Unde
Matth. IV, 23 dicitur, quod circuibat Iesus
praedicans Evangelium regni. Subditur
autem, in revelatione mysterii, id est,
secreti, quod quidem potest referri ad id
quod dixerat iuxta Evangelium meum; vel
quia in ipso Evangelio revelatur secretum
incarnationis divinae, secundum illud supra
I, 17. — iustitia Dei revelatur in eo; vel
quia ipsi apostolo est Evangelium
revelatum. 1 Co II, 10. — nobis autem
revelavit Deus per spiritum suum. De hoc
autem secreto dicitur Is. XXIV, 16. —
secretum meum mihi. Vel potest melius hoc
referri ad hoc quod dixerat confirmare,
quasi dicat : Deus potest vos confirmare in
Evangelio meo et praedicatione, et hoc
secundum revelationem mysterii, id est,
secreti, scilicet de conversione gentium,
sicut habetur Eph. III, 8 s. : mihi autem
omnium sanctorum minimo data est gratia
et simples comme des colombes1118
."
Inversement il est dit de certains qu’"ils sont
sages pour faire le mal, mais ne savent pas
faire le bien."
1220. — C. En disant : 20 Dieu de la paix,
etc., <l’Apôtre> leur promet le secours divin
contre de tels trompeurs.
Et il expose premièrement sa promesse,
lorsqu’il dit : Le Dieu de la paix, c’est-à-dire
son auteur, qui hait les dissensions que ceux-
ci causent, écrasera Satan, c’est-à-dire le
diable, qui s’efforce de vous tromper par ces
faux apôtres, sous vos pieds, à savoir, parce
vous le vaincrez par votre sagesse. Et cela ce
fera rapidement, c’est-à-dire à mon arrivée
"Voilà que je vous ai donné le pouvoir de
fouler aux pieds les serpents et les scorpions,
et toute la puissance de l’ennemi." Et encore :
"Vous foulerez aux pieds les impies,
lorsqu’ils seront comme de la cendre sous la
plante de vos pieds."
Puis il fait une prière pour obtenir cela,
lorsqu’il dit : Que la grâce de Notre Seigneur
Jésus-Christ soit avec vous, c’est-à-dire celle
qui suffit à vous protéger : "Ma grâce te suffit,
car ma puissance se déploie dans la faiblesse."
1221. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit ensuite :
21 vous salue, il les salue de la part des
autres. Timothée, dit-il, mon coopérateur dans
la prédication de l’Evangile, vous salue. <Et
dans sa première épître aux Corinthiens,
l’Apôtre écrit> "C’est pourquoi je vous ai
envoyé Timothée, qui est mon fils bien-aimé,
et fidèle dans le Seigneur; il vous rappellera
mes voies en Jésus-Christ, selon ce, que
j’enseigne partout dans toutes les Eglises." Et
il ajoute ainsi que Lucius, Jason et Sosipatros,
mes parents, qui étaient Juifs, <lesquels> vous
saluent également. Il y avait encore un
secrétaire de Paul, appelé Tertius, auquel il
permit de saluer en son propre nom1119
les
Romains; aussi ajoute-t-il : 22 moi Tertius,
qui ai écrit cette lettre, je vous salue dans le
seigneur. Il continue en disant : 23 Caïus,
mon hôte vous salue, celui à qui s’adresse la
rédaction de la troisième épître canonique de
Jean, dans laquelle <ce Caïus> est loué pour
1118
Mt 10, 16. Lieu parallèle : SuperMatth. 10, 16 (éd. Marietti, n 839-841). 1119
Voir Glosa in Rom. XVI, 22 (GPL, col. 1530 B).
haec in gentibus, illuminare omnes quae sit
dispensatio sacramenti, et cetera. Unde et
ipse subdit temporibus aeternis, quia
videlicet occultum erat apud homines quod
gentes essent convertendae ad fidem. Vocat
autem haec tempora aeterna quasi diu
durantia, quia a principio mundi hoc fuit
occultum, sicut et in Ps. LXXV, 4 dicitur :
illuminans tu mirabiliter a montibus
aeternis. Et potest dici quod tempora
aeterna dicuntur ipsa aeternitas, de qua
dicitur Is. LVII, v. 15. — excelsus et
sublimis habitans aeternitatem, ut sicut
simplex Dei essentia per quamdam
similitudinem dimensionibus corporalibus
describitur, secundum illud Iob c. XI, 9. —
longior terra mensura eius et latior mari, ita
et simplex eius aeternitas per tempora
aeterna designatur, inquantum omnia
tempora continet. Subdit autem quod,
scilicet mysterium, nunc patefactum est, de
conversione gentium, per Scripturas
prophetarum, id est, secundum quod
prophetae praedixerunt, ut patuit supra XV.
Unde ad Eph. c. III, 5 s. dicitur : aliis
generationibus non est agnitum filiis
hominum, sicut nunc manifestum est sanctis
apostolis eius et prophetis in spiritu esse
gentes cohaeredes, et cetera. Est autem
patefactum per operis impletionem ex
praecepto Dei. Unde secundum praeceptum
aeterni Dei, qui scilicet aeterno proposito ea
quae vult temporaliter facit, quod quidem
praeceptum Dei ad obeditionem fidei est in
cunctis gentibus, id est, ut omnes gentes
obediant fidei. Supra I, 5. — ad
obedientiam fidei in omnibus gentibus. Si
autem loquamur de mysterio incarnationis,
sic construenda est littera : mysterii,
inquam, temporibus aeternis taciti, quia
antea non erat ita manifestum. Quod,
inquam, mysterium nunc patefactum est per
Scripturas prophetarum, qui hoc
praedixerunt secundum praeceptum aeterni
Dei, qui voluit mysterium incarnationis
patefieri, et hoc ad obedientiam fidei in
cunctis gentibus. Mysterii, inquam, licet
taciti apud homines, tamen cogniti soli Deo
la charité envers les saints, et toute l’Église,
c’est-à-dire celle qui était rassemblée dans sa
maison, ou qui était dans cette province.
Eraste, le trésorier de la ville, c’est-à-dire
celui qui gardait la caisse commune, ou les
revenus communs de la ville, vous salue, ainsi
qu’un frère, c’est-à-dire un fidèle, appelé
Quartus.
1222. — Puis <l’Apôtre> les salue lui-même,
en disant : 24 Que la grâce de notre Seigneur
Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen.
1223. — III. Enfui, <l’Apôtre> finit sa lettre
par l’action de grâces, en disant : 25 Et à
celui, c’est-à-dire à Dieu, lequel est Trinité,
qui est puissant pour vous affermir. <Il est
écrit> dans la première épître de Pierre :
"Mais le Dieu de toute grâce, qui nous a
appelés par le Christ Jésus à son éternelle
gloire, après que vous aurez souffert un peu
de temps, vous perfectionnera lui-même, vous
fortifiera et vous affermira." Et cela dans la
foi qui est selon mon Evangile, c’est-à-dire
selon l’Evangile que moi je prêche : "Soit
moi, soit eux, voilà ce que nous prêchons et
voilà ce que vous avez cru." Et aussi selon la
prédication de Jésus-Christ, qui le premier a
prêché l'Evangile, suivant cette parole de
l’épître aux Hébreux : "<Ce salut>, ayant été
annoncé par le Seigneur, <avec qui> il
commença d’être, nous a été garanti par ceux
qui l’ont entendu." Aussi est-il dit dans
<l’évangile de> Matthieu que "Jésus
parcourait toute la Galilée, enseignant dans
leurs synagogues, prêchant l'Evangile du
Royaume, et guérissant toute langueur et toute
infirmité parmi le peuple ".
1224. — <L’Apôtre> ajoute : selon la
révélation du mystère, c’est-à-dire du secret.
Ce mot peut se rapporter à ce qu’il vient de
dire : selon mon Evangile, soit1120
parce que
le secret de l’Incarnation divine est révélé
dans l’Evangile lui-même, selon ces paroles
dites plus haut : "la justice de Dieu se révèle,
<dans cet Evangile> "; soit parce que
l’Evangile a été révélé à l’Apôtre lui-même :
"C’est aussi ce que Dieu nous a révélé par son
Esprit." A propos de ce secret, il est dit dans
<le livre d’>Isaïe : "Et j’ai dit : mon secret est
1120
Sur les deux interprétations données, voir Gloni sn Rom. XVI, 25 (GPL, col. 1531 A).
sapienti, quia ipse solus hoc cognovit et
quibus hoc voluit revelare, quia, ut dicitur 1
Co II, 11. — quae sunt Dei, nemo novit nisi
spiritus Dei. Vel potest intelligi de eo qui
solus est sapiens, scilicet per essentiam,
sicut dicitur Matth. c. XIX, 17, et Mc. X,
18. — nemo bonus, nisi solus Deus. Nec
excluditur per hoc filius, quia eadem est
perfectio totius Trinitatis, sicut e converso
dicitur : nemo novit patrem nisi filius,
Matth. XI, 27. Non excluditur pater a notitia
sui ipsius. Subdit autem per Iesum
Christum; quod non sic intelligendum, quod
Deus pater sit sapiens per Iesum Christum;
quia cum Deo sit idem sapere quod esse,
sequeretur quod pater esset per filium, quod
est inconveniens; sed hoc referendum est ad
hoc quod supra dixerat : nunc patefactum
est, scilicet per Iesum Christum. Cui, Iesu
Christo, est honor et gloria, per reverentiam
totius creaturae, secundum illud Phil. II, 10.
— in nomine Iesu omne genu flectatur. Et
gloria, scilicet quantum ad plenam
divinitatem, sicut ibi subditur : et omnis
lingua confiteatur quia dominus Iesus
Christus in gloria est Dei patris. Et hoc non
ad tempus, sed in saecula saeculorum.
Hebr. c. ult. : Iesus Christus heri et hodie,
ipse in saecula. Addit autem ad
confirmationem veritatis : amen. Vel potest
sic construi : cogniti soli sapienti Deo, cui
per Iesum Christum est gloria, qui Deum
glorificavit, secundum illud Io. XVII, 4. —
ego clarificavi te super terram. Est autem
advertendum quod haec constructio est
defectiva, et est sic supplenda : ei qui potest,
etc., sit honor et gloria per Iesum Christum,
cui est honor et gloria. Si autem non sit ibi
ly cui, erit constructio plana.
pour moi, mon secret est pour moi, malheur à
moi." Ou bien, mieux vaut rapporter ce mot à
ce que l’Apôtre avait dit : affermir, comme
s’il disait : Dieu peut vous affermir selon mon
Evangile et ma prédication, et cela selon la
révélation du mystère, c’est-à-dire du secret
touchant la conversion des nations païennes,
comme on le lit dans son épître aux Ephésiens
: "A moi, le moindre des saints, a été donnée
cette grâce d’annoncer parmi les nations les
richesses incompréhensibles du Christ, et
d’éclairer tous les hommes touchant la
dispensation du mystère caché depuis les
siècles en Dieu qui a créé toutes choses, pour
que les Principautés et les Puissances célestes
aient maintenant connaissance, par le moyen
de l'Eglise, de la sagesse multiforme de Dieu,
selon le dessein éternel qu’il a accompli dans
le Christ Jésus Notre Seigneur, en qui nous
avons la hardiesse d’approcher avec confiance
par la foi en lui."
1225. — <L’Apôtre> ajoute : aux temps
éternels, à savoir parce qu’il était caché aux
yeux des hommes que les nations païennes se
convertiraient à la foi. Et il appelle ces temps
éternels, comme ayant duré long temps, parce
que cela fut caché depuis la création du
monde, comme le dit aussi ce verset du
psaume 75. — "Toi, tu illumines d’une façon
merveilleuse du haut des montagnes
éternelles." On peut dire que les temps
éternels sont l’éternité même, dont il est dit :
"Le Très-Haut, le sublime, celui qui habite
l’éternité " car de même que la simple1121
essence de Dieu est décrite en recourant à une
similitude prise dans les dimensions
matérielles, selon ce passage de Job : "Sa
mesure est plus longue que la terre et plus
large que la mer ", ainsi sa simple éternité1122
est également désignée par les temps éternels,
en tant qu’elle renferme tous les temps.
1226. — <L’Apôtre> dit ensuite qui, c’est-à-
dire le mystère, est maintenant révélé,
touchant la conversion des nations, par les
écrits prophétiques, c’est-à-dire comme les
prophètes l’ont annoncé, ainsi qu’on l’a
expliqué plus haut [n° 1158s]. D’où ce qui est
1121
Lieu parallèle Somme Théologique Ia, Q. 3. 1122
Lieu parallèle Somme Théologique Ia, Q. 10.
dit aux Ephésiens : "Mystère qui, dans les
autres générations n’a pas été découvert aux
enfants des hommes, comme il est maintenant
révélé par l’Esprit aux saints Apôtres et aux
prophètes, que les nations païennes sont
cohéritières, membres d’un même corps, et
participantes avec eux de sa promesse en
Jésus-Christ par l’Evangile, dont j’ai été fait
le ministre, en vertu du don de la grâce de
Dieu, qui m’a été donnée par l’opération de sa
vertu." Or il est révélé par l’accomplissement
de l’œuvre selon l’ordre de Dieu. Aussi
<l’Apôtre dit-il> selon l’ordre du Dieu
éternel, qui selon son dessein éternel fait ce
qu’il veut dans le temps. Cet ordre de Dieu est
donné pour amener à l’obéissance de la foi
toutes les nations, c’est-à-dire pour que toutes
les nations obéissent à la foi, <comme
l’Apôtre l’a dit> plus haut "Pour <prêcher>
l’obéissance à la foi à toutes les nations."
1227. — Mais si nous parlons du mystère de
l’Incarnation, la construction du sens littéral
se fera comme suit du mystère, dis-je, tu aux
temps éternels, parce que auparavant il n’était
pas alors manifesté, mystère, dis-je, qui
maintenant est révélé par les écrits
prophétiques, les quels l’ont annoncé selon
l’ordre du Dieu éternel, qui a voulu que le
mystère de l’Incarnation soit révélé, et cela
pour <amener> à l’obéissance de la foi toutes
les nations. Ce mystère, dis-je, bien qu’il fût
tu aux hommes, a cependant été connu de
Dieu seul sage, parce que lui seul l’a connu et
ceux à qui il a voulu le révéler; car, selon ces
paroles de <l’Apôtre dans> la première épître
aux Corinthiens, "ce qui est en Dieu, personne
ne le connaît, sinon l’Esprit de Dieu." Ou
bien, on peut l’entendre de celui qui seul est
sage, c’est-à-dire par essence, comme on le
dit dans <l’évangile de> Matthieu "Pourquoi
m’interroges-tu sur ce qui est bon ? Dieu seul
est bon ", et dans <celui de> Marc : "Pourquoi
m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon, que Dieu
seul " Ce qui n’exclut point le Fils1123
parce
que cette même perfection appartient à la
Trinité tout entière, comme lorsqu’il est dit
inversement : "Nul ne connaît le Père, si ce
n’est le Fils ", le Père n’est point exclu de sa
1123
Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 8; Ad Rom. 11, 36, lect. 5 (éd. Marietti, n 949).
propre connaissance.
1228. — <L’Apôtre> ajoute : par Jésus-
Christ; ce qu’il ne faut pas comprendre dans
le sens où Dieu le Père est le seul sage par
Jésus-Christ1124
, parce que, comme en Dieu
être sage c’est être, il s’ensuivrait que le Père
serait par le Fils, ce qui ne convient pas1125
mais il faut rapporter cette expression à ce
que <l’Apôtre> avait dit plus haut : est
maintenant révélé1126
, à savoir par Jésus-
Christ, à qui soit honneur et gloire, par la
vénération de toute créature, selon ce verset
<de l’épître> aux Philippiens : "Afin qu’au
nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le
ciel, sur la terre et dans les enfers1127
," — et
gloire, c’est-à-dire quant à la plénitude de la
1124
Voir SA AUGUSTIN, Contra Maximinum haereticum aria norum episcopum II, XIII, I (PL 42,
769); voir aussi Glosa in Rom. XVI, 27 (GPL, col. 1532 D). 1125 Le rapport que Dieu soutient avec les qualités que nous lui attribuons ne peut être conçu sur le
modèle du rapport qu’une créature soutient avec les qualités et les déterminations qu’on lui
attribue. Si je dis : le coquelicot est rouge, je constate que la couleur rouge attribuée au coquelicot
n’existe pas toute seule (en elle-même et par elle-même), mais de l’existence du coquelicot qui, lui,
est un être individuel existant par lui-même. On dit que le coquelicot a un exister substantiel (c’est
une substance, un sujet réel) et que le rouge a un exister accidentel (c’est un accident, qui, pour être,
doit être inhérent à un sujet). Il y a donc une distinction réelle entre l’être substantiel et l’être
accidentel. Et d’ailleurs les accidents peuvent changer (la couleur d’un arbre, par exemple) alors que
la substance demeure. Mais en Dieu, tout est Dieu. Les attributs divins ne sont pas des accidents de
la substance divine et ne forment pas avec elle un tout composé, car Dieu est entièrement simple et
il est tout ce qu’il est, absolument (Somme Théologique Ia, Q. 3, a. 6 et 7). D’une certaine manière,
on ne peut distinguer en lui la substance et les attributs et, à rigoureusement parler, on ne peut pas
même le ranger dans le genre "substance, (ibid., a. 5, sol. 1). Ainsi donc, quand on attribue la sagesse
à Dieu, puisque Dieu est sa sagesse, on désigne aussi bien l’être même de Dieu, Dieu dans sa pure
réalité " Pour Dieu, dit saint Augustin cité par saint Thomas [saint Thomas, Ia, Q. 13, a. 2].
[cependant] c’est tout un d’être et d’êtrefort ou d’être sage ou quoi que ce soit que l’on dise de cette
simplicité de sa substance ainsi signifiée" (De Trinitate, I. VI, iv, 6; BA 15, 480-483). Si alors on dit que
Dieu le Père est sage " par le Fils", c’est comme si on disait que l’être de Dieu le Père dépend du Fils,
ce qui est impossible. La sagesse est un attribut essentiel (qui convient à toute l’essence divine).
Cependant, la sagesse est parfois spécialement attribuée au Fils ("le Christ, force de Dieu et sagesse
de Dieu", I Co 1, 24). Cette attribution est possible parce que la sagesse a un rapport étroit avec
l’intelligence et que le Fils procède du Père par mode intel lectuel; cette analogie est éclairante.
Toutefois "le Père n’est point sage de la sagesse qu’il engendre — comme si le Fils seul était la
sagesse." Mais le Père et le Fils sont sages d’une sagesse unique qui est l’essence divine elle-même